AUDIENCE SOLENNELLE DE LA COUR DE CASSATION

DU 9 JANVIER 2014

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- Discours de Monsieur le premier président de la Cour de Cassation

- Discours de Monsieur le Procureur Général près de la Cour de Cassation

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Audience solennelle de début d’année de la Cour de cassation

Discours prononcé par M. Vincent Lamanda, Premier président

Paris, le 9 janvier 2014

Monsieur le Premier ministre,

Nous recevons, en vous, le chef d’un gouvernement qui a placé la justice au rang de ses priorités.

Votre venue dans cette enceinte, à l’occasion de la cérémonie marquant le début de la nouvelle année, témoigne de la considération qu’à travers la Cour de cassation, vous portez à l’institution judiciaire tout entière.

Cette preuve d’égard nous est précieuse.

Aussi m’est-il particulièrement agréable de vous accueillir et de vous assurer de notre profonde gratitude.

Messieurs les présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale,

Le juge est complémentaire du législateur. En assurant l’application de la loi à des situations concrètes, les juridictions donnent à celle-ci sa pleine expression et lui confèrent toute sa force, par le truchement de l’autorité de la chose jugée.

En vous joignant à nous ce soir, avec Monsieur le président de la commission des lois du Sénat, vous soulignez cette complémentarité du juge et du législateur, en même temps que vous nous apportez un soutien stimulant.

Sachez combien nous y sommes sensibles.
 

Madame la garde des Sceaux ,
 

Vous nous faites, cette fois encore, l’honneur de votre présence. Soyez-en vivement remerciée.

Signe de votre engagement constant envers les services judiciaires et de votre attachement à notre Cour, cette attention nous touche.

Nous vous sommes reconnaissants de votre action lucide en faveur d’une justice apaisée, humaine, efficace, protectrice des libertés et facteur d’équilibres.

Excellences, Mesdames et Messieurs les hautes personnalités ,
 

Votre fidélité à nos audiences solennelles nous gratifie, au sens plein du terme.

En répondant à notre invitation, votre amicale participation souligne à nouveau la force des liens d’estime qui nous unissent.
 

Chacun des membres de la Cour vous sait gré de ce témoignage.

Mesdames, Messieurs, mes chers collègues ,
 

Un patricien romain, disait-on, portait dans les plis de sa toge la perte ou le salut de ses clients.

Notre destin tient, de même, au moins en partie, dans les plis du voile qui enveloppe mystérieusement l’année nouvelle, cette inconnue dont on ne peut encore discerner les traits.

Mais il n’importe pas tant de découvrir d’emblée ce qu’elle dissimule d’imprévu. L’essentiel – nos dispositions intérieures pour accueillir les événements à venir –, les plis de son manteau ne sauraient le receler.

Il ne dépend que de nous, au fil des jours et des mois, face à l’adversité ou au succès, dans la peine ou dans la joie, de réagir toujours à bon escient.

Soyons donc prêts à recevoir avec une même force d’âme la douleur comme le bonheur, les blessures capables de nous faire souffrir comme la réussite qui pourrait nous griser.

La Cour, qui espère ardemment que les circonstances favorables l’emporteront sur les situations fâcheuses, forme à l’intention de chacun d’entre vous des vœux sincères de santé, de félicité et de prospérité.
 

La cérémonie qui nous réunit est traditionnellement l’occasion d’un retour, en forme de bilan, sur l’activité de la juridiction durant l’année écoulée.

La plaquette que vous avez trouvée sur votre siège, esquisse à grands traits l’action de la Cour de cassation en 2013.

Ces données statistiques ne peuvent cependant rendre compte de la richesse et de la profondeur du travail judiciaire. Car, par-delà les chiffres et leur aridité, le juge contribue à l’évolution de notre société, en même temps qu’il en reçoit les influences.

Dire le droit, veiller à l’unité d’interprétation de la règle, telle est la mission première de notre Cour. Une mission dont les modalités ont évolué et qui l’a conduite à dégager des solutions révélatrices ou annonciatrices des profondes mutations de notre temps.

Permettez-moi de revenir avec vous sur ces évolutions.

« Si cette jurisprudence des tribunaux, la plus détestable des institutions, existait, il faudrait la détruire ». Cette sentence d’Isaac-René-Guy Le Chapelier trahit, en 1790, les aspirations des révolutionnaires à une justice sans juge. « La justice, disait Robespierre, n’a pas besoin de juristes ». « Le mot de jurisprudence doit être banni de la langue française ».

On répétait alors, en écho, ces terribles formules de Montesquieu : « les juges de la nation ne sont […] que la bouche qui prononce les paroles de la loi » ; « des trois puissances, celle de juger est en quelque sorte nulle ».

Aussi, le rôle du Tribunal de cassation fut-il d’abord essentiellement disciplinaire, voué, conformément au souhait de ses concepteurs, à sanctionner les « contraventions expresses au texte de la loi ».

Toute interprétation paraît suspecte. Elle le demeurera, jusque sous la plume du doyen Carbonnier, y décelant une « forme juridique de la désobéissance ».

Pourtant, il n’est guère d’énoncé qui ne doive être interprété, guère de norme qui, devant la multiplicité des sens possibles, ne puisse s’affirmer sans une entremise éclairée.

Dès 1804, Portalis relève, dans son Discours préliminaire au projet de code civil, que si l’office du législateur est « de fixer, par de grandes vues, les maximes générales du droit, d’établir des principes féconds en conséquences », « c’est au magistrat et au jurisconsulte, pénétrés de l’esprit général des lois, à en diriger l’application ».

S’évadant du strict rôle de gardienne de la légalité, la jurisprudence se dépouillera peu à peu « de sa livrée de serviteur de la loi ».

Contemplateur du code civil, le juge du XIX e siècle en célèbre encore le culte. C’est le temps de l’Exégèse, qui prétend trouver dans la lettre du code et l’intention du législateur toutes les solutions aux questions qui peuvent se présenter.

Mais cette méthode marque bientôt ses limites, au point d’être regardée comme sclérosante.

L’avènement d’un « droit de professeurs », au nom de la « science » ou de la « révolte des faits contre le code », couronne la jurisprudence comme « coutume » ou « propulseur de coutume ». D’interprète, le juge devient créateur.

Après un demi-siècle d’immobilisme, la Cour de cassation, au sein de laquelle siègent alors d’anciens députés ou sénateurs, endosse, à de nombreuses reprises, les habits du législateur pour édicter des solutions que les juridictions respecteront à l’égal de la loi : responsabilité objective, abus du droit, enrichissement sans cause, régime de la personnalité morale, principes du droit international privé.

Ces constructions prétoriennes jouiront d’une étonnante faculté de résistance : aucun des régimes spéciaux d’indemnisation qu’instituera ensuite le Parlement, n’ébranlera, par exemple, les principes généraux de responsabilité du fait des choses et d’autrui.

Si le juge est resté le serviteur de la loi parce qu’elle est la volonté du peuple souverain, la deuxième moitié du XX e siècle verra naître la « figure inouïe d’un juge censeur » de celle-ci.

Il faut dire que les Etats se sont eux-mêmes liés en s’intégrant dans des ordres juridiques supérieurs : celui de l’Union européenne et celui de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

La primauté de ces « droits venus d’ailleurs » offre au juge la possibilité d’écarter une législation incompatible avec les engagements internationaux de la France.

Le Constituant achèvera ce processus en 2008, en créant un contrôle a posteriori de constitutionnalité des lois. Alors que la Cour avait pris soin de ne point s’ériger en juge constitutionnel, la voici investie d’une mission singulière de filtrage l’instituant, presque insidieusement, en juge de premier degré, « négatif » diront certains, de la conformité de dispositions législatives à la Constitution.

Les instruments sont identiques. L’orchestre paraît semblable. Mais il ne joue plus la même partition. Changement de registre et de ton : une lente évolution aura conduit à une mutation du rapport du juge à la loi.

Le cadre traditionnel de référence du magistrat s’est modifié. Devenue multiforme, la loi est souvent querellée, parfois supplantée par un droit flexible et contingent. Et l’on se surprend à entendre, dans cette salle toute dévolue à sa glorification, qu’elle violerait les principes les plus fondamentaux.

Là où il s’agissait hier d’offrir une déclinaison aux maximes intemporelles de la loi et de leur donner sens dans la singularité d’une espèce, l’enjeu semble aujourd’hui davantage, pour le juge, de découvrir ou redécouvrir, par-delà les législations de détails, ce qui fonde en tout une cohérence, de rechercher l’équilibre entre des normes qui de plus en plus s’entrechoquent.

Autre époque, autre état d’esprit ; les institutions évoluent ; le fond du droit aussi…

Fort des héritages du passé, le XIX e siècle a d’abord été matérialiste. La propriété et le contrat dominent. Le travail se pense en « louage d’ouvrage ». Le droit est principalement centré sur les biens.

Vinrent ensuite de nouveaux défis.

Aux prises avec les excès du machinisme industriel et dans une atmosphère enfiévrée marquée par les aspirations, parfois contradictoires, des associations ouvrières et des congrégations, le juge se trouvera, à l’aube des années 1900, confronté à la « question sociale ».

Les libertés collectives sont à l’honneur. La personne, dans ses appartenances et ses sujétions, affleure. On se querelle sur la « fonction sociale » des droits subjectifs, et l’on s’interroge sur l’autonomie de la volonté tandis que monte l’idée d’un droit du travail.

L’ère de l’atome marquera ensuite les sciences et les consciences. Le temps est à la « déconstruction ». Les regards se portent vers le sujet.

La Cour dessine, dans les dernières années du XX e siècle, selon les mots du professeur Malaurie, « une nouvelle éthique et le visage du nouvel humanisme ». La personne est au cœur de la jurisprudence.

En moins de deux décennies, elle verra sa nature profonde et sa place dans le monde réinterrogées, alors qu’une « manière d’être, de connaître et de vivre ensemble », différente, se construit.

Ici, l’épanouissement personnel est posé comme ambition. L’individu veut se forger une identité « physique » ou « numérique ». Il revendique de pouvoir savoir ou choisir qui il est : connaître ses origine [1], définir son genre, modifier son état civil, construire sa filiation.

En ce dernier domaine, l’expertise biologique est de droit sauf motif légitime, répondra la Cour [2]. La rectification du sexe dans l’acte de naissance sera admise, sous condition [3] ; l’adoption au sein des couples non-mariés [4] et la gestation pour autrui [5]en revanche refusées, le juge ne pouvant écarter des dispositions suffisamment nettes et se substituer au législateur.

Là, l’homme moderne veut contrôler ce qu’il donne à voir et être reconnu pour ce qu’il est, soucieux autant de sa place que des traces qui peuvent le trahir [6]. Il s’inquiète de propos abusifs sur internet [7], comme des fonctionnalités de moteurs de recherche de nature à lui nuire, par le simple jeu de rapprochements, sans même qu’intervienne une intention maligne [8].

Ce sont la dignité, la vie privée, la réputation et l’intégrité personnelle qu’il souhaite voir protéger. La jurisprudence édifie des sanctuaires autour du nom, de l’image, de la mémoire et du corps [9], sous certaines réserves toutefois tenant notamment à la nécessaire information du public [10].

De la ville à la prison, on interroge la Cour sur les conditions de son hébergement [11], sur la nature de son travail [12], sur le respect de ses convictions [13], quand il n’est pas simplement question du droit de vivre décemment [14].

Porté par le progrès technique, la protection de l’être déborde même les limites de la personnalité, lorsqu’il advient à notre juridiction de se prononcer sur le sort d’un enfant sans vie [15], ou de refuser telle intrusion post-mortem [16].

En un temps où chacun peut à son insu être aisément géo-localisé [17] , épié [18] , écouté [19] , enregistré [20] , la Cour s’attache à réfréner les excès.

Gardienne de la liberté individuelle et protectrice du droit à la sûreté, elle veille à ce qu’il ne leur soit pas porté atteinte abusivement [21] : le droit au silence et à l’assistance d’un avocat a été affirmé [22] ; le rôle du juge dans le contrôle du bien fondé, du déroulement ou de la durée d’une mesure de police administrative [23] ou judiciaire [24], rappelé.

Soucieux d’eux-mêmes, nos contemporains sont aussi attentifs aux modalités de leur rapport à l’autre.

Nos arrêts en portent témoignage, confrontés, bien avant que ne s’en saisisse la loi, aux demandes de reconnaissance d’une union entre personnes de même sexe [25] ou d’organisation d’une homoparentalité de fait [26]. L’intérêt supérieur de l’enfant guide nombre de solutions [27]. Une espérance en l’égalité entre les hommes et les femmes, comme entre salariés d’une même catégorie, se manifeste dans les pourvois [28] ; les discriminations, fondées sur l’âge [29], le handicap [30], l’origine ou la nationalité [31] , sont sanctionnées.

La Cour ne peut pas toujours répondre aux attentes. Elle prend acte souvent des évolutions, comme en matière de bonnes mœurs [32], les devance rarement, et parfois se trouve contrainte de les modérer.

Là encore, dans la relation à autrui, un désir profond de protection se cache derrière les revendications.

Dans une « société du risque » marquée par les traumatismes du XX e siècle ayant ébranlé les certitudes d’un positivisme triomphant, le progrès, autrefois porté aux nues, est devenu une source d’appréhension.

L’obligation de sécurité de résultat de l’employeur envers ses salariés, continûment affirmée par la Cour, y déploie tous ses effets, face aux dangers [33], aux angoisses [34] et aux souffrances [35]dont pâtissent trop souvent les entreprises humaines.

La santé est protégée [36]. Le patient est informé des risques encourus [37] ; le consommateur mis en garde contre ceux-ci [38]. La victime peut obtenir l’entière réparation d’un préjudice aux formes parfois nouvelles [39].

Responsabilité sans faute, obligation de garantie, mécanismes de solidarité et régimes spéciaux d’indemnisation imprègnent notre jurisprudence [40], signes d’une société où le fait de l’homme tout à la fois nous protège et nous expose.

Alors que les techniques nous offrent d’agir sur le monde et d’entr’apercevoir les enjeux d’une telle action, l’humanité entière devient objet de préoccupation.

À de nouveaux périls, collectifs ou sériels, répond l’émergence d’un principe de précaution, modèle de comportement en situation d’incertitude scientifique dont la jurisprudence se fait l’écho [41].

La préservation de l’environnement, condition du devenir humain, s’est érigée en souci majeur de notre temps [42]. La problématique des pollutions et déchets est de plus en plus souvent évoquée [43] ; l’existence d’un préjudice écologique indemnisable désormais consacrée [44].

Notre rapport à l’espace a aussi changé.

L’homme multiplie les occasions de rencontres entre cultures avec leur lot tant de richesses que de litiges intéressant le droit international privé [45] .

Chacun peut aujourd’hui saisir dans sa paume tout un univers, à l’aide d’un téléphone cellulaire connecté au web. Le réseau amplifie les conséquences possibles d’un acte, multipliant les rattachements potentiels à des systèmes juridiques différents.

Il a été jugé que les juridictions françaises sont compétentes pour connaître d’un dommage causé sur notre territoire par un site internet étranger, même passif [46].

Le vocabulaire peut être trompeur. Ainsi, l’expression « nuage de données » occulte la réalité de serveurs informatiques disséminés de par le monde. Exploitables en France, les éléments qui y sont stockées, pourront être saisis [47].

Les frontières entre vie privée et sphère publique se distordent [48].

Les structures traditionnelles de la temporalité se trouvent transformées, en un espace où tout demeure toujours actuel, toujours présent, où rien ne se perd, hormis peut-être ce qui permet d’identifier l’origine d’une information et de connaître la date de sa mise en ligne.

Paradoxalement, si le droit à l’oubli est réclamé, on invoque pourtant, devant le juge, la mémoire inaltérable de l’internet pour justifier que ce qu’il véhicule ne puisse se périmer, se prescrire en somme [49].

Le savoir lui-même, selon certains, est comme réinventé. Force est de constater que le risque d’appropriation d’œuvres protégées s’est accru [50].

La preuve d’un fait ou d’un acte juridique, devenu immatériel, est repensée [51], tandis que les procédures devant les juridictions ouvrent, à mesure de leur dématérialisation, de nouveaux horizons, gages de sécurité et d’efficacité pour une justice moderne.

La mise en place, voilà quelques semaines, de la signature électronique des arrêts de la Cour de cassation [52] fait entrevoir certaines des nombreuses interrogations sur cette « minute » dématérialisée qu’il nous faudra conserver et laisser lisible au lecteur de demain dont l’œil seul et sa maîtrise de la langue ne suffiront plus, sans l’aide d’un logiciel, à lui en donner la pleine connaissance.

Une réflexion à laquelle est associé notre greffe, dont l’excellent travail est si essentiel à la bonne marche de notre Cour.

Plus qu’hier, les techniques mettent en jeu l’être même, son identité, ses relations. Les confins de la vérité, de l’authenticité, de l’espace et de la temporalité se trouvent ainsi bouleversées.

Autant de questions invitant à une approche prudente, au sens étymologique du terme, qui renvoie non à une attitude timorée ou frileuse, mais à une démarche de sagesse, indissociable de l’élaboration de la « juris-prudence ».

Celle-ci a cette chance de se construire pas à pas, à la faveur des moyens soulevés. Elle s’éprouve dans la durée, comme dans le dialogue entre juges, ainsi qu’avec les acteurs du procès et les partenaires de justice.

Devant notre Cour, l’apport des avocats aux Conseils est déterminant. Le président de l’ordre et le dauphin, que je complimente pour son élection, savent le prix que nous y attachons.

Sont, de même, essentiels les relations entre la Cour de cassation et les juridictions du fond. Dans ce processus, une forme de divergence d’interprétation doit rester possible.

Aux arrêts de la Cour, les juges de premier degré et d’appel peuvent se conformer, ajouter, mais aussi résister. Ces rébellions, qui suscitent parfois à tort la suspicion, permettent de confronter aux faits les solutions dégagées, en y joignant une saine « pesée humaine ». Elles conduisent, en moyenne une fois sur deux, notre assemblée plénière à donner raison à la juridiction de renvoi, preuve de la fécondité d’un débat qui ne s’offre pas en marché de dupe.

La force de la Cour de cassation réside alors dans ses délais de traitement, parmi les plus brefs d’Europe, qui rendent possible un tel dialogue, sans préjudicier au justiciable. Celui-ci sait qu’en cas de nouveau pourvoi, une réponse lui sera donnée, en matière civile, environ six mois après le dépôt des mémoires des parties.

La jurisprudence se fortifie ainsi de l’autorité de solutions, non pas imposées d’en haut, mais mûries et patiemment construites avec les cours et tribunaux.

Les échanges avec les juridictions de tous ordres, françaises, européennes et internationales, dont je salue les représentants, sont aussi riches d’enseignements.

La Cour entretient encore un dialogue nourri avec le législateur et le gouvernement, soit que, dans son rapport annuel, elle propose une réforme, ou que, par les motifs d’une décision, elle suggère une modification des textes.

Non moins prégnant est le rôle de la doctrine, dont les commentaires – peu le savent – sont toujours minutieusement analysés par le service de documentation, des études et du rapport, jusqu’à susciter la réunion d’une chambre mixte ou de l’assemblée plénière pour que soit prise une position plus solennelle, mieux éclairée, sur une question d’importance.

Ouvert sur le monde, le juge reste à l’écoute de la société.

D’aucuns imaginent notre Cour arcboutée sur le passé. L’on ne peut que leur concéder un souci de stabilité, guidé par un impératif de sécurité juridique.

Mais la jurisprudence n’est pas figée. La progression du droit demeure la préoccupation majeure.

Au-delà des statistiques et de la recherche quelque peu illusoire d’une « performance », c’est donc bien l’élaboration d’un droit répondant aux exigences de notre temps, qui guide l’action de nos juridictions.

Des réflexions ont récemment été engagées sur la justice du XXI e siècle. Beaucoup d’idées originales illustrant ce qu’il faut faire – et peut-être aussi ce qu’il ne faut pas faire – ont été avancées. Nul doute que, de ce foisonnement, naîtront de riches discussions.

Formons le vœu qu’à cette occasion, tous s’attachent à défendre et promouvoir un état d’esprit, nourri de fierté collective pour l’institution judiciaire et de confiance partagée en l’œuvre de justice.

Les membres du Conseil supérieur de la magistrature, aux côtés desquels j’ai grand plaisir à siéger, mesurent chaque jour combien nos magistrats agissent avec conscience, clairvoyance et cœur.

Les juges concourent à l’équilibre de notre société, dont ils accompagnent les mouvements. Ils n’ont pas à rougir de cet exercice. Tout en gagnant le pari de la quantité, ils ont su éviter de se perdre dans des logiques par trop comptables, pour s’attacher à la qualité des réponses données, en adéquation avec les situations, souvent délicates, parfois dramatiques, dont ils ont à connaître.

Par-delà d’éventuelles réformes, c’est grâce à la force vive de leur engagement que la justice pourra répondre aux enjeux de ce millénaire.

En cet instant particulier, leur rendre hommage me tenait à cœur.

***

[1] Rappr. 1 re civ. 7 avr. 2006, n° 05-11285

[2] Ass. plén. 23 nov. 2007, n° 06-10039 ; 1 re civ. 28 mars 2000, n° 98-12809 ; 12 mai 2004, n° 02-16152 ; 3 nov. 2004, n° 02-11699 ; 6 déc. 2005, n° 03-15588 ; 7 juin 2006, n° 03-16204 ; 16 juin 2011, n° 08-20475 ; 15 mai 2013, n° 11-12569

[3] 1 re civ. 7 juin 2012, n° 11-22490 et 10-26947 ; 13 févr. 2013, n° 11-14515 et 12-11949

[4] 1 re civ. 20 févr. 2007, n° 04-15676 et 06-15647 ; 19 déc. 2007, n° 06-21369 ; 8 juil. 2010, QPC, n° 10-10385 ; 9 mars 2011, n° 10-10385

[5] 1 re civ. 9 déc. 2003, n° 01-03927 ; 17 déc. 2008, n° 07-20468 ; 6 avr. 2011, n° 09-17130, 09-66486 et 10-19053 ; 13 sept. 2013, n° 12-18315 et 12-30138

[6] Soc. 15 déc. 2009, n° 07-44264 ; Crim. 13 janv. 2009, n° 08-84088 ; 16 juin 2009, n° 08-88560 ; 8 avr. 2010, n° 08-87415 et 08-87416 ; 30 nov. 2011, n° 10-81748 et 10-8174 ; 24 avr. 2013, n° 12-80331, 12-80.332, 12-80.335, 12-80.336 et 12-80.346

[7] 1 re civ. 6 oct. 2011, n° 10-18142 ; Crim. 10 mai 2005, n° 04-84705 ; 16 févr. 2010, n° 08-86301 et 09-81064

[8] 1 re civ. 19 févr. 2013, n° 12-12798 ; 19 juin 2013, n° 12-17591

[9] Ass. plén. 16 févr. 2007, n° 06-81785 ; 1 re civ. 20 déc. 2000, n° 98-13875 ; 20 févr. 2001, n° 98-23471 ; 7 févr. 2006, n° 04-10941 ; 22 oct. 2009, n° 08-10557 ; 1 er juil. 2010, n° 09-15479 ; 16 sept. 2010, n° 09-67456 ; 6 oct. 2011, n° 10-21822 ; 29 févr. 2012, n° 11-12460 ; Com. 25 juin 2013, n° 12-17037 ; Crim. 11 mars 2008, n° 06-84712 ; 12 mai 2009, n° 08-85732 ; 18 janv. 2012, n° 11-84941

[10] 1 re civ. 7 févr. 2006, n° 04-10941 ; 7 mars 2006, n° 05-16059 ; 2 e civ. 25 nov. 2004, n° 02-20424 ; 16 oct. 2013, n° 12-35434

[11] 3 e civ. 19 mars 2008, n° 07-12103 ; 4 mars 2009, n° 07-20578 ; 3 févr. 2010, n° 08-20176 et 08-21205 ; Crim. 20 janv. 2009, n° 08-82807

[12] 1 re civ. 24 avr. 2013, n° 11-19091 et s. ; Soc. 3 juin 2009, n° 08-40981 et s. ; 20 mars 2013, QPC, n° 10-40104 et 10-40105

[13] 1 er civ. 21 juin 2005, n° 02-19831 ; Soc. 19 mars 2013, n° 11-28845 et 12-11690

[14] 3 e civ. 4 nov. 2009, n° 08-17381 ; 20 janv. 2010, n° 08-16088 ; 30 juin 2011, QPC, n° 11-40017 et 11-40018 ; 12 sept. 2012, n° 11-18073 ; 27 févr. 2013, n° 12-11995

[15] 1 re civ. 6 févr. 2008, n° 06-16498, 06-16499 et 06-16500

[16] 1 re civ. 3 nov. 2004, n° 02-11699 ; 2 avr. 2008, n° 06-10256 et 07-11639 ; 6 juil. 2011, QPC, n° 11-10769

[17] Soc. 3 nov. 2011, n° 10-18036 ; Crim. 22 nov. 2011, n° 11-84308 ; 22 oct. 2013, n° 13-81945 et 13-81949

[18] 1 re civ. 24 sept. 2009, n° 08-19482 ; Soc. 25 nov. 2005, 03-41401 ; 3 déc. 2008, n° 07-43301 ; Crim. 7 févr. 2007, n° 06-87.753 ; 4 juin 2008, 08-81045 ; 27 mai 2009, n° 09-82115 ; 23 janv. 2013, n° 12-85059

[19] Soc. 23 mai 2007, n° 06-43209 ; Crim. 9 juil. 2008, n° 08-82091

[20] Ass. plén. 7 janv. 2011, n° 09-14316 et 09-14667 ; 1 re civ. 18 mai 2005, n° 04-13745 ; 17 juin 2009, n° 07-21796 ; 6 oct. 2011, n° 10-21822 et 10-21823 ; Com. 3 juin 2008, n° 07-17147 et 07-17196 ; Soc. 23 mai 2007, n° 06-43209 ; Crim. 31 janv. 2007, n° 06-82383 ; 31 janv. 2012, n°11-85464

[21] Sur notamment la garde à vue : Crim. 31 mai 2010, QPC, n° 10-81098 et s. ; 11 mai 2011, n° 10-84251 ; 31 mai 2011, n° 10-88293, 10-88809, 11-80034 et 11-81412 ; 27 sept. 2011, n° 11-81458 ; 9 nov. 2011, n° 05-87745 et 09-86381 ; 6 déc. 2011, n° 11-80326 ; 7 févr. 2012, n° 11-83676 ; 14 févr. 2012, n° 11-84694 ; 6 mars 2012, n° 11-84711 ; 11 avr. 2012, QPC, n° 11-87333 ; 3 mai 2012, n° 11-88725 ; 10 mai 2012, n° 11-87328 ; 13 juin 2012, 10-82420 et 11-81573 ; 11 juil. 2012, n° 12-82136 ; 19 sept. 2012, n° 11-88111

[22] Ass. plén. 15 avr. 2011, n° 10-17049, 10-30242, 10-30313 et 10-30316 ; Crim. 19 oct. 2010, n° 10-82306, 10-82902 et 10-85051

[23] 1 re civ. 16 avr. 2008, n° 06-20390, 06-20391 et 06-20978 ; 25 mars 2009, n° 08-14125 ; 6 juin 2012, n° 10-25233 ; 5 juil. 2012, n° 11-19250, 11-30371 et 11-30530

[24] Crim. 15 déc. 2010, n° 10-83674

[25] 1 re, civ. 13 mars 2007, n° 05-16627 ; 16 nov. 2010, QPC, n° 10-40042

[26] 1 re civ. 24 févr. 2006, n° 04-17090 ; 16 avr. 2008, n° 07-11273 ; 8 juil. 2010, n° 09-12623

[27] 1 re civ. 18 mai 2005, n° 02-16336 et 02-20613 ; 24 octobre 2012, n° 11-18849

[28] Ass. plén. 27 févr. 2009, n° 08-40059 ; 1 re civ. 9 oct. 2013, QPC, n° 13-40053 ; 2 e civ. 21 déc. 2006, n° 04-30586 ; 19 févr. 2009, n° 07-20668 ; 11 mars 2010, n° 09-65853 ; 16 déc. 2010, n° 10-11660 ; 12 juil. 2012, n° 10-24661 ; Soc. 16 déc. 2008, n° 06-45262 et 07-42107 ; 4 févr. 2009, n° 07-41406 et s. ; 6 juil. 2010, n° 09-40021 et 09-41354 ; 8 juin 2011, n° 10-11933, 10-13663 et 10-14725 ; 13 mars 2013, n° 11-20490 et s.

[29] Soc. 11 mai 2010, n° 08-43681 et 08-45307 ; 16 févr. 2011, n° 09-72061 ; 10-10465

[30] Soc. 25 janvier 2011, n° 09-72834

[31] Ass. plén. 16 avr. 2004, n° 02-30157 ; 5 avr. 2013, n° 11-17520 et 11-18947 ; 2 e civ. 14 sept. 2006, n° 04-30837 ; 6 déc. 2006, n° 05-12666 ; 19 févr. 2009, n° 07-21426 ; 3 e civ. 9 nov. 2011, n° 10-30291 ; Soc. 10 nov. 2009, n° 08-42286 ; Crim. 11 juin 2012, n° 01-85559 ; 17 déc. 2002, n° 01-85650

[32] Ass, plén. 29 oct. 2004, n° 03-11238 ; 1 re civ. 4 nov. 2011, n° 10-20114

[33] Ass. plén. 24 juin 2005, n° 03-30038 ; 2 e civ. 12 juil. 2007, n° 06-18428 ; 10 mai 2012, n° 11-14739 ; Soc. 28 févr. 2002, n° 00-10051 et 00-11793 ; 29 juin 2005, n° 03-44412 ; 5 mars 2008, n° 06-45888 ; 30 nov. 2010, n° 08-70390

[34] Soc. 11 mai 2010, n° 09-42241 et 09-42257 ; 25 sept. 2013, n° 12-12110, 12-20157 et 12-20912

[35] 2 e civ. 22 févr. 2007, n° 05-13771 ; Soc., 24 sept. 2008, n° 06-43504, 06-45579, 06-45794, 06-45747 et 06-46517 ; 10 nov. 2009, n° 08-41497 ; 9 déc. 2009, n° 07-45521 ; 3 févr. 2010, n° 08-44019 ; 25 janv. 2011, n° 09-42766 ; 30 janv. 2013, n° 11-22332

[36] 1 re civ. 7 mars 2006, n° 04-16179 ; 2 e civ. 13 juin 2013, n° 12-22170 ; Soc. 5 juin 2013, QPC, n° 12-27478 ; Crim. 18 mars 2003, n° 02-82292 et 02-83740 ; 3 nov. 2004, n° 04-81123 ; 19 déc. 2006, n° 06-80729 ; 16 janv. 2007, n° 06-82393

[37] 1 re civ. 9 oct. 2001, n° 00-14564 ; 6 déc. 2007, n° 06-19301 ; 3 juin 2010, n° 09-13591 ; 14 oct. 2010, n° 09-69195 ; 12 janv. 2012, n° 10-24447

[38] Ass. plén. 2 mars 2007, n° 06-15267 ; Ch. mixte 29 juin 2007, n° 06-11673

[39] Ass. plén. 17 nov. 2000, n° 99-13701 ; 13 juil. 2001, n° 97-17359, n° 97-19282 et n° 98-19190 ; 28 nov. 2001, n° 00-11197 ; 28 nov. 2001, n° 00-14248 ; 1 re civ. 24 janv. 2006, n° 02-12260 ; 8 juil. 2008, n°07-12159 ; 15 déc. 2011, n° 10-27473 ; 16 janv. 2013, n° 12-14020 ; 14 nov. 2013, n° 12-21576 ; 2 e civ. 24 sept. 2009, n° 08-17241 ; 19 nov. 2009, n° 08-15853 ; 24 nov. 2011, n° 10-25635 ; 25 oct. 2012, n° 11-25511 ; 4 juil. 2013, n° 12-23915 ; Crim. 23 oct. 2012, n° 11-83770

[40] Ass. plén. 6 avr. 2007, n° 05-15950 et 05-81350 ; 29 juin 2007, n° 06-18141 ; 1 re civ. 24 janv. 2006, n° 03-20178 et 02-16648 ; 22 mai 2008, n° 05-10593, 05-20317, 06-10967, 06-14952 et 06-18848 ; 22 janv. 2009, n° 07-16449 ; 26 sept. 2012, n° 11-17738 ; 10 juil. 2013, n° 12-21314 ; 2 e civ. 13 mai 2004, n° 03-10222 ; 22 sept. 2005, n° 04-14092 ; 16 oct. 2008, n° 07-16967 ; 22 oct. 2009, n° 08-16766 ; 4 nov. 2010, n° 09-65947 ; 16 juin 2011, n° 10-19491

[41] 3 e civ. 3 mars 2010, n° 08-19108 ; 18 mai 2011, n° 10-17645 ; Crim. 28 avr. 2004, n° 03-83783 ; 27 mars 2008, n° 07-83009

[42] 3 e civ. 26 sept. 2007, n° 04-20636 ; 9 juin 2010, n° 09-11738 ; 27 janv. 2011, QPC, n° 10-40056 ; 8 juin 2011, n° 10-15500

[43] 3 e civ. 2 avril 2008, n° 07-12155 et 07-13158 ; 9 sept. 2009, n° 08-13050 ; 2 déc. 2009, n° 08-16563 ; 19 mai 2010, n° 09-15255 ; 15 déc. 2010, n° 09-70538 ; 29 févr. 2012, n° 11-10318 ; 11 juil. 2012, n° 11-10478 ; 16 janv. 2013, n° 11-27101

[44] 3 e civ. 17 déc. 2008, n° 04-12315 ; Crim. 25 sept. 2012, n° 10-82938

[45] 1 re civ. 17 févr. 2004, n° 01-11549 et 02-11618 ; 9 juil. 2008, n° 07-20279 ; 28 janv. 2009, n° 08-10034 ; 25 févr. 2009, n° 08-11033 ; 4 juin 2009, n° 08-13541 et 08-10962 ; 14 avr. 2010, n° 08-21312 ; 8 juil. 2010, n° 08-21740 ; 15 déc. 2010, n° 09-20439 ; 6 avr. 2011, n° 09-17130, 09-66486 et 10-19053 ; 26 oct. 2011, n° 09-71369 ; 23 mai 2012, n° 11-17716 ; 7 juin 2012, n° 11-30261 et 11-30262 ; 23 oct. 2013, n° 12-21344 et 12-25802 ; 28 nov. 2012, n° 12-30090 et 11-28645 ; 13 sept. 2013, n° 12-30138 ; 4 déc. 2013, n° 12-26161

[46] 1 re civ. 9 déc. 2003, n° 01-03225 ; 12 juil. 2012, n° 11-15165 ; Com. 11 janv. 2005, n° 02-18381 ; 9 mars 2010, n° 06-16752 ; 13 juil. 2010, n° 06-20230 ; 23 nov. 2010, 07-19543 ; 14 déc. 2010, n° 10-80088 ; 3 mai 2012, n° 11-10508

[47] Com. 26 févr. 2013, n° 12-14772 ; 3 avr. 2013, n° 12-14770

[48] 1 re civ. 10 avr. 2013, n° 11-19530

[49] Crim. 27 nov. 2001, n° 01-80134

[50] 1 re civ. 17 févr. 2011, n° 09-67896 ; 12 juil. 2012, n° 11-13666, 11-13669, 11-15165, 11-15188 et 11-20358

[51] 1 re civ. 13 mars 2008, n° 06-17534 ; Soc. 25 sept. 2013, n° 11-25884 ; Crim. 7 févr. 2007, n° 06-84285

[52] Ass. plén. 20 déc. 2013, n° 12-24.706

Audience solennelle de rentrée de la Cour de cassation

Discours prononcé par Monsieur Jean-Claude MARIN

Procureur Général

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Le Jeudi 9 Janvier 2014
 

Nous voici au temps des rentrées, celui des agendas nouveaux que le fil des jours, des semaines et des mois va se charger de noircir de mille et une occupations, graves ou plus légères, comme autant de témoins têtus de l’horloge qui scande nos vies.

Mais avant que le tourbillon des activités multiples ne nous emporte, le temps des rentrées, solennelle en l’espèce pour notre Cour suprême, est aussi celui où les heures semblent s’arrêter un instant, cet instant rare qui autorise les bilans et les projets d’avenir.

Notre année qui s’ouvre sera aussi celle des départs,

Le vôtre, Monsieur le premier président au terme de sept années de Première présidence du siège de cette cour.

Sept ans, le temps de la réflexion pour Billy Wilder, l’âge des petits poètes pour Arthur Rimbaud, le temps d’une guerre au XVIIIème siècle, 7 ans, c’est, chez les hommes, cet âge sensible porteur de profonds bouleversements.

2014, sera une année de mémoire, nous le savons.

Ce sera donc aussi l’année de grands changements dans les juridictions de l’ordre judiciaire, au sein de cette Cour tout d’abord mais également dans les grandes juridictions de l’hexagone qui verront bon nombre de leurs chefs quitter leurs fonctions.

Mais il n’est pas temps d’en parler déjà.

C’est donc à cet instant si particulier pour notre Cour, que, devant vous, Monsieur le Premier Ministre, devant vous, Madame la Garde des Sceaux, et face à une si belle et grande assemblée, il me revient l’honneur de parler d’un beau et noble sujet : le Ministère public français.

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Mais j’aimerais, brièvement, commencer par parler d’un Ministère public bien particulier puisque c’est un Ministère public qui, en fait, n’en n’est pas un.

Il s’agit, vous l’avez compris, du parquet général de la Cour de cassation, dont le statut et la mission sont des plus mal connus, et pas seulement des étudiants en droit mais de cela je vous en ai, lors d’audiences solennelles passées, déjà entretenu .

En fait, ce n’est pas un parquet général, étranger qu’il est à toute forme de missions intéressant l’action publique, et cette appellation impropre lui a valu bien des déboires, chassé qu’il fut des conférences et autres délibérés parce que l’avocat général fut vu non comme ce magistrat dont le regard croisé avec celui du rapporteur éclaire la Cour, l’informe des attentes et des questionnements de la société civile et l’interroge sur la pertinence de ses jurisprudences, en proposant des voies de résolution de ce perpétuel dilemme qui hante les cours suprêmes écartelées entre stabilité et modernité, mais comme une partie, un adversaire, un accusateur.

Bien évidemment, la différence entre le nombre de magistrats du siège et celui des avocats généraux interdit à ces derniers de conclure dans toutes les affaires, à l’exception notable de la Chambre criminelle.

En matière civile, commerciale et sociale, leurs travaux intéressent principalement les affaires les plus complexes mais leur attention doit se porter également sur les pourvois traités en formation restreinte ou de non admission , dont ils peuvent se trouver écartés, le nombre important de dossiers examinés à ces audiences ne permettant pas toujours aux avocats généraux, dans un temps restreint, de prendre des observations utiles, dans des affaires dont l’orientation vers une formation plus complète pourrait pourtant paraître judicieuse.

Le travail de ces avocats généraux est capital et considérable et ceux qui en dévaluent, ici ou ailleurs, la qualité et l’importance n’ont pas, sans doute, une bonne connaissance de la nature de leurs travaux .

En effet, imaginer que les membres du parquet général, qui composent la chambre, puissent accomplir le même travail que les conseillers rapporteurs n’a aucune pertinence à raison et des effectifs et surtout, du sens de leur mission fondamentale.

A cet instant précis, je ne peux que louer la voie choisie par le Conseil d’Etat, Monsieur le Vice-président, qui prenant acte de la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, a su adapter la posture des commissaires du gouvernement, opportunément rebaptisés rapporteurs publics, la 5 ème section de la CEDH constatant, dans son arrêt Marc Antoine contre France en date du 4 juin 2013, je cite :

« La Cour peut donc admettre que les conclusions du rapporteur public, en ce qu’elles intègrent l’analyse du conseiller rapporteur, sont de nature à permettre aux parties de percevoir les éléments décisifs du dossier et la lecture qu’en fait la juridiction, leur offrant ainsi l’opportunité d’y répondre avant que les juges n’aient statué. La Cour est donc d’avis que cette particularité procédurale, qui permet aux justiciables de saisir la réflexion de la juridiction pendant qu’elle s’élabore et de faire connaître leurs dernières observations avant que la décision ne soit prise, ne porte pas atteinte au caractère équitable du procès. Au surplus, la Cour note que le requérant ne démontre pas en quoi le rapporteur public serait susceptible d’être qualifié d’adversaire ou de partie dans la procédure, condition préalable pour être à même d’alléguer une rupture de l’égalité des armes. »

Certains invoquent la référence faite par la Cour européenne au statut du rapporteur public pour expliquer une appréciation qui pourrait être différente de son rôle par rapport à celui de l’avocat général à la Cour de cassation, en mettant en avant le fait que le rapporteur public est membre du Conseil d’État et désigné de façon temporaire pour exercer cette fonction.

Mais les membres du parquet général sont aussi, aux termes express de la loi, membres de la Cour de cassation, et d’ailleurs, en tant que de besoin, un conseiller à la Cour peut être désigné conjointement par le premier président et le procureur général, pour remplir les fonctions d’avocat général aux termes des dispositions de l’article L432-4 du code de l’organisation judiciaire, dispositions qui démontrent que la notion de partie est impropre à qualifier le rôle du parquet général de la Cour.

L’arrivée au parquet général de nombreux anciens conseillers référendaires, accentue, s’il en était encore besoin, l’homogénéité des différentes composantes de la Cour.

Il me semble qu’il existe bien d’autres raisons pour réfléchir au renforcement du rôle de l’avocat général au plus grand bénéfice de la Cour de cassation.

Je souhaite que 2014 soit l’occasion, avec tous les acteurs de la procédure, d’une réflexion sur ce sujet et je fais mienne cette formule de PEGUY :

« En temps ordinaire, les idées simples rôdent comme des fantômes de rêve. Quand une idée simple prend corps, il y a une révolution. » [1]
 

********************

Madame la Garde des Sceaux,

Vous avez, par lettre de mission en date du 2 juillet 2013, chargé mon prédécesseur, le procureur général honoraire Jean-Louis NADAL, de présider une commission de réflexion, je cite, « sur les missions et les méthodes d’action du Parquet au sein de l’institution judiciaire et dans la cité » car vous posiez le constat qu’une « modernisation de l’action publique s’impose ».

Entendu le 13 septembre 2013 par cette commission, j’avais indiqué qu’à mon sens, le terme de modernisation me paraissait impropre à qualifier l’état actuel de notre ministère public qui a su, au fil des dernières années, faire face, avec imagination et pragmatisme, aux nouvelles formes de la délinquance, aux multiples réformes de droit matériel et de procédure ainsi qu’aux missions diverses et sans cesse plus nombreuses qu’il s’est vu confier.

Répondant à la fois aux attentes de nos concitoyens, et notamment des victimes d’infractions, d’une justice plus rapide et d’une réponse judiciaire plus ample mais aussi prenant en compte les capacités limitées des formes classiques de réponses apportées par l’institution judiciaire, les magistrats du Ministère public ont su inventer des stratégies nouvelles tels le traitement direct des procédures ou les alternatives aux poursuites que le législateur est venu ensuite non seulement consacrer mais aussi amplifier faisant de ces magistrats de véritables aiguilleurs de la justice pénale, garants de la qualité du travail des juges.

Qui mieux que les parquetiers ont su répondre à l’exhortation de Maurice AYDALOT, alors procureur général près cette Cour, avant d’en devenir le premier président, invitant les magistrats « à sortir de leur tour d’ivoire ».

La visibilité de l’institution judiciaire dans la cité, repose presque exclusivement sur les magistrats des parquets présents dans bon nombre de dispositifs partenariaux au cœur de nombreuses politiques publiques, les projetant au contact des acteurs publics, des élus locaux ou du monde associatif.

Cette lisibilité de l’action judiciaire, source essentielle de la confiance que doit faire naître notre institution dans le pays, ces magistrats l’assument aussi dans la communication aux médias dont ils ont su maîtriser la technique.

Par-delà son rôle essentiel dans les procédures répressives, notre Ministère public est aussi le porte-parole de l’intérêt général, soit comme partie principale, soit comme partie jointe devant les juridictions civiles, du travail ou commerciales, notamment lors du traitement judiciaire des difficultés des entreprises.

Peu d’institutions ont su s’adapter avec autant de dynamisme et de réactivité aux modifications fondamentales de leur environnement.

Ce constat de modernité a été partagé par la commission dont le rapport contenant 67 propositions vise à refonder et non plus à moderniser le ministère public.

Oui, refonder car ce Ministère public s’interroge.

Écartelé entre, d’un côté, la conscience de son rôle essentiel attesté par les missions de plus en plus nombreuses qui lui sont confiées, dans et hors le champ pénal, comme en atteste notamment le projet d’ordonnance portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives, et d’un autre côté, l’impossible éradication du soupçon qui pèse sur lui de n’être pas un vrai magistrat.

Des lectures maximalistes de dispositions conventionnelles ou d’arrêts des cours européennes, des décisions judiciaires inattendues, des conditions de travail difficiles pour les jeunes parquetiers qui, dans les grandes juridictions, ont davantage l’impression d’avoir intégré un « call center » qu’un Ministère public, des interlocuteurs parfois de moins en moins formé aux normes procédurales, tout cela crée un sentiment aigu de dévalorisation de la fonction.

Nous sommes à un point critique du fonctionnement de notre institution.

Notre société peut-elle longtemps admettre la contradiction fondamentale entre la noblesse de la mission et la précarité des conditions d’exercice de cette mission ?

Il faut, tout d’abord, sortir de l’ambigüité majeure entre lien avec le pouvoir exécutif caractérisé par votre tutelle, Madame la Garde des Sceaux, et exercice visiblement impartial de l’action publique.

L’appartenance à la magistrature des membres du ministère public est une particularité française, partagée avec quelques autres Etats, qui garantit une posture, une éthique et une déontologie commune avec les magistrats du siège, c’est-à-dire avec les juges au sens strict du terme.

Ce sont ces valeurs que vous avez souhaité consacrer par la loi du 25 juillet 2013 en inscrivant dans l’article 31 du code de procédure pénale le principe d’impartialité dans la conduite de l’action publique.

Cette appartenance à un corps unique ne doit pas pour autant tendre à brouiller les conséquences de l’exercice, à un temps donné de la carrière, de fonctions différentes dans l’œuvre de Justice qui engendrent de nécessaires dispositions statutaires adaptées aux rôles confiés aux uns et aux autres.

A cet égard, le parquet dit « à la française » n’entend pas confondre son rôle avec la mission d’un juge au sens de l’article 5 de la Convention dont le considérant 123 de l’arrêt Medvedyev [2] définit le sens et la portée.

Mais pourrait-on avancer, paraphrasant PASCAL, que la même femme, le même homme est, selon l’étape de sa carrière, un vrai magistrat d’un côté de la salle d’audience, un pâle ersatz de l’autre ?

Je sais, Madame la Ministre, vos efforts pour clarifier la situation, manife stés, sur ce point précis, par un projet de réforme constitutionnelle du Conseil supérieur de la magistrature, qui, nous le savons n’a, pour l’instant pas abouti, puis, par une circulaire, consacrée par la loi du 25 juillet 2013 relative aux attributions du Garde des sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et de mise en œuvre de l’action publique, abrogeant la faculté donnée au ministre de la Justice d’intervenir, par voie d’instruction, dans les procédures pénales particulières.

Cette volonté de mettre un terme aux soupçons d’immixtion illégitime du pouvoir exécutif dans l’action publique, soupçons injustifiés d’ailleurs, est évidemment des plus louables.

Mais, tout cela est-il de nature à mettre un terme à la suspicion d’intervention de l’exécutif dans les affaires pénales particulières ?

Cette suspicion a un double fondement : le pouvoir de décider de l’opportunité des poursuites confiées au Ministère public d’une part, et ce en conformité avec la recommandation du Conseil de l’Europe, et, d’autre part, le rattachement du Ministère public au Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, c’est-à-dire à un membre du gouvernement.

Ce rattachement crée une confusion que ne parviendra pas à réduire la bonne volonté politique de tel ou tel titulaire du portefeuille de la Justice .

Témoin cette définition du ministère public trouvée sur un site, dont j’aurais la faiblesse de taire le nom mais qui se veut, je cite « fournisseur d’accès au droit » :

Le ministère public y est donc présenté, je cite encore, « ….partie d’une juridiction qui y joue un rôle à part, invitant le juge du siège, celui qui prend la décision, à orienter celle-ci d’une certaine manière, en fonction du souhait du gouvernement » fin de citation !

Les soupçons que l’on cherche à dissiper naissent bien plus sûrement de l’existence même du lien entre le ministre et les parquets, lien souvent décrit comme un levier politique sur l’action publique, et, ce, de manière occulte et en dehors de tout cadre procédural tendant à organiser la transparence de ce lien.

Plus d’instruction écrite mais les autres, les instructions orales, les instructions non dites, les espoirs de carrière valant instructions inutiles, tout cela demeure dans l’inconscient collectif et l’analyse médiatique.

Bien sûr, je n’omettrais pas de saluer l’engagement pris par vous et la volonté de constitutionnaliser cet engagement, de ne pas passer outre aux avis défavorables, en l’état légalement non contraignants, de la formation du Conseil Supérieur de la Magistrature compétente à l’égard des magistrats du parquet, engagement majeur, puisqu’il concerne l’intégralité des postes du parquet depuis la réforme constitutionnelle de juillet 2008, engagement qu’avait déjà pris votre prédécesseur mais que vous avez consolidé par votre décision du 31 juillet 2012, de publier l’ensemble des candidatures aux postes les plus élevés de la hiérarchie du Ministère public, bannissant, par là même, la notion porteuse de bien des soupçons, de « postes non transparents » (sic).

Mais l’enfer judiciaire est, lui aussi, pavé de bonne intentions.

Être au sommet de l’organigramme de l’institution en charge de l’action publique et conserver le pouvoir de proposition aux emplois de l’ensemble de la hiérarchie du parquet, n’est-ce pas, bien sur involontairement, continuer à nourrir l’impression de vouloir un parquet, en quelque sorte, à sa main ?

Il me semble que l’équation impossible est la suivante :

N’est-il pas paradoxal de souhaiter une indépendance de l’action publique et de ne pas se dessaisir du pouvoir de proposition des nominations des magistrats du parquet, au moins pour les fonctions de responsabilité les plus élevées ? Ce souci de conserver un pouvoir de proposition est encore plus paradoxal lorsqu’il s’applique au parquet général de la Cour de cassation qui, nous l’avons vu n’est pas un ministère public stricto sensu comme n’ayant aucune compétence en matière d’action publique.

Ce n’est pas l’abrogation du pouvoir de donner des instructions écrites, celles qui permettaient seulement de poursuivre, c’est-à-dire de saisir un juge, instructions versées au dossier et débattues contradictoirement, en audience publique, dans les affaires particulières qui mettra un terme aux accusations de soumission à l’exécutif dès lors que ce ne sont pas ces instructions-là qui nourrissaient ce soupçon ;

Est-il cohérent de conserver à la fois son pouvoir hiérarchique sur le Ministère public par la capacité de donner des instructions générales, ce qui est, bien évidemment légitime, et, dans le même temps, de s’interdire de contraindre un Ministère public, peu diligent, à traiter un dossier particulier en saisissant un magistrat du siège ou en arbitrant un conflit entre deux ou plusieurs parquets généraux paralysant un fonctionnement cohérent et normal de la Justice ?

Libérer le pouvoir exécutif du choix des grands décideurs du ministère public comme il l’a fait il y a 20 ans pour les magistrats du siège ne serait-ce pas là, finalement la concrétisation de ce que vous souhaitez, de ce que nous souhaitons tous.

Car l’état actuel des choses à un effet négatif induit : la chancellerie, et notamment la direction des affaires criminelles et des grâces, par la perte de la possibilité de donner des instructions dans des affaires particulières, ne peut plus jouer son rôle de fédérateur de l’action publique en mettant, éventuellement, un terme à des conflits de clochers judiciaires nuisant à la bonne marche de la justice.

Dans son rapport sur la refondation du ministère public, la commission que je me permettrais d’appeler NADAL et dont il faut saluer la qualité des travaux, propose astucieusement une procédure de règlement de ces conflits sur le modèle de la procédure de règlement de juges que nous connaissons.

C’est une piste intéressante mais qui laisse intacte la question de l’absence de boussole unique et reconnue alors que de toutes parts reviennent les échos d’un questionnement, sur ce sujet entre autres, des 36 procureurs généraux près les cours d’appel dont la conférence, association créée de fait, ne peut être institutionnellement le référent unique et cohérent en matière d’action publique.

Par ailleurs, les interrogations des procureurs de la République qui semblent, pour certains, remettre en cause la légitimité d’instructions des procureurs généraux dans la conduite de l’action publique au premier degré ne peuvent qu’interpeller.

A cet instant précis, je me retourne vers vous, cher Jean-Louis NADAL.

Lors de l’audience solennelle de rentrée de la Cour de cassation, le 7 janvier 2011 vous aviez déjà posé ce constat :

« …Je crois venu le temps, je le répète, d’un pouvoir exécutif se maintenant en dehors des nominations des magistrats du parquet, s’effaçant, comme il a sagement commencé à le faire, devant le Conseil supérieur de la magistrature, dont la réforme constitue un premier pas dans la bonne direction…. ».

« Au final, poursuiviez-vous, n’est-ce pas en réalité le moyen d’instaurer un véritable pouvoir judiciaire, avec ses deux composantes du siège et du parquet, reposant sur une organisation cohérente, du sommet à la base et déconnecté du pouvoir exécutif ? Cette évolution, vous le devinez, est celle qui a ma préférence ».

La réponse à la question de la faisabilité d’une structure autonome du Ministère public français n’ayant pas de lien hiérarchique avec le pouvoir exécutif est d’autant plus d’actualité que, comme je le rappelais l’an passé, notre pays est l’un des moteurs les plus actifs de la création indispensable d’un parquet européen. Il est pleinement acquis que cette nouvelle institution européenne devra être sans lien avec l’exécutif communautaire et ses agences et qu’en l’état de nos institutions, il pourrait s’appuyer sur des correspondants nationaux dont l’autorité organique suprême resterait paradoxalement l’exécutif national.

Plusieurs propositions ont été avancées, procureur général de la Nation, collège d’action publique etc…, ce n’est ni le lieu ni le moment d’en discourir mais ce chantier mérite d’être ouvert et le parquet général de la Cour de cassation est prêt, en tant que de besoin, à participer à toute réflexion utile sur ce sujet.

Par delà les questions statutaires, il faut, je le répète, mener une réflexion de fond sur les missions du Parquet, thème qui sera sans doute abordé lors du colloque organisé les 10 et 11 janvier, c’est-à-dire demain et après demain.

En effet, il convient de restaurer chaque magistrat du Ministère public dans sa pleine fonction de décideur judiciaire.

Alors que d’autres acteurs de la chaîne pénale ont su recentrer leur activité aux différents niveaux de responsabilité de leurs cadres et agents, il faut aujourd’hui repenser l’organisation des parquets de manière à ce que, au terme de longues années d’études et à l’issue d’un concours difficile, les magistrats du Ministère public ne soient plus ces femmes et ces hommes orchestre à la fois aiguilleurs, standardistes, médiateurs, pédagogues, éducateurs, archivistes etc.

Mais, et vous le savez, les magistrats du Ministère public français sont fiers de leur mission et de leur responsabilité et c’est à raison de cette fierté et de leur engagement au service de l’intérêt général qu’ils souhaitent, non pour eux mais pour le bien de la justice, disposer d’un environnement à la hauteur du rôle capital qu’il leur est confié.

Est-il incongru à cet instant de se souvenir, en matière d’organisation judiciaire et de procédure pénale, de Merlin de DOUAI, qui fut procureur général près le Tribunal de cassation puis près la Cour de cassation, mais aussi conseiller d’État à vie, qui déclarait, le 30 mai 1792 devant l’assemblée.

« Comptable à la patrie de toutes les vues qui peuvent être utiles, je crois devoir adresser à l’Assemblée Nationale la rédaction de ce projet. Je le soumets à ses lumières et à son zèle pour la chose publique ; et je m’estimerai heureux si, en me trompant, je puis, par mes erreurs, mettre les bons esprits sur la voie d’un meilleur plan. »
 

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Quel plaisir de pouvoir, à cet instant précis, adresser de sincères et chaleureux vœux de bonne année à ceux qui, aujourd’hui nous ont fait l’honneur de consacrer tout ce temps pour nous écouter et, je l’espère, nous entendre.

Je requiers qu’il plaise à la Cour constater qu’il a été satisfait aux prescriptions du code de l’organisation judiciaire, me donner acte de ces réquisitions et dire que du tout il sera dressé procès verbal pour être versé au rang des minutes du greffe.

***

[1] Pensées, p.53, Gallimard, 1934

[2] MEDVEDYEV ET AUTRES c. FRANCE du 29 mars 2010 requête 3394/03

123.  Le paragraphe 1 c) forme un tout avec le paragraphe 3 et l’expression « autorité judiciaire compétente » du paragraphe 1 c) constitue un synonyme abrégé de « juge ou (...) autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires » du paragraphe 3 (voir, notamment, Lawless c. Irlande (no 3), 1er juillet 1961, série A no 3, et Schiesser, précité, § 29).

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