RÉPARATION D'UNE DÉTENTION ARBITRAIRE

ARTICLE 5§5 DE LA CONVENTION

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"Les autorités judiciaires cachent le caractère arbitraire d'une détention avant jugement"
Frédéric Fabre docteur en droit.

ARTICLE 5§5 DE LA CONV EDH

"Toute personne victime d'une arrestation ou d'une détention dans les conditions contraires aux dispositions de cet article a droit à réparation"

MOTIVATIONS REMARQUABLES DE LA CEDH

N. c. ROUMANIE du 28 novembre 2017 requête 59152/08

Au sens de l'article 5 § 5 de la Convention, la CEDH constate que la jurisprudence roumaine interne corrige le Code de Procédure Pénale et indemnise les détentions arbitraires

"206. Toutefois, la Cour note l’argument du Gouvernement (paragraphe 201 ci-dessus) selon lequel il a été pallié en pratique par les tribunaux au cadre restrictif du CPP, plusieurs décisions de justice internes montrant une nette tendance des tribunaux à octroyer une réparation en cas de privation illégale de liberté, par la référence à la Constitution ou à la Convention (Dragomir, décision précitée, §§ 10-14 et 28)."

Cette constatation est importante car des États comme la France ne prévoient pas la réparation d'une détention arbitraire. La CEDH demande aux juridictions internes de réparer non seulement, le caractère inutile d'une détention, mais aussi le caractère arbitraire d'une détention par application directe de l'article 5 de la Conv EDH.

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Shiksaitov c. Slovaquie du 10 décembre 2020 requête n° 56751/16

5-5 et 5-1 : Détention illégale d’un réfugié suédois en Slovaquie en vue de son extradition vers la Russie

L’affaire concernait l’arrestation et la détention du requérant, selon lui illégales, en vue de son extradition vers la Russie, alors qu’il avait le statut de réfugié en Suède. La Cour juge en particulier que l’arrestation du requérant et les décisions de placement en détention le concernant étaient conformes au droit slovaque et à la Convention. La durée pendant laquelle l’intéressé a été détenu a toutefois été globalement trop longue et les motifs de sa détention ont cessé d’être valables, ce qui a emporté violation de ses droits. La Cour estime également que le requérant n’a pas bénéficié d’un droit exécutoire à réparation pour la violation constatée.

FAITS

Le 12 juillet 2007, un mandat d’arrêt international fut décerné à son égard par un tribunal de la République tchétchène en Russie. M. Shiksaitov était soupçonné d’avoir commis des actes de terrorisme. En 2011, craignant d’être extradé par les autorités ukrainiennes, il s’enfuit d’Ukraine vers la Suède où il obtint l’asile. En 2015, alors qu’il se rendait en Ukraine, il fut arrêté en Slovaquie parce qu’il était recherché par Interpol. Le tribunal régional de Košice ordonna son placement en détention préliminaire jusqu’à ce que les circonstances relatives à son statut en Suède puissent être éclaircies. Cette décision fut confirmée dans le cadre d’un appel interlocutoire, puis par la Cour constitutionnelle qui estima également que les droits du requérant n’avaient pas été violés. Le 23 février 2015, l’intéressé fut placé en détention dans l’attente de son extradition vers la Russie. Il forma un appel interlocutoire, arguant que la Slovaquie était liée par la décision par laquelle les juridictions suédoises lui avaient accordé le statut de réfugié. La Cour suprême le débouta et la Cour constitutionnelle confirma ensuite ce rejet. Le 8 septembre 2016, l’extradition de M. Shiksaitov vers la Russie fut ordonnée. Le tribunal régional observa, en particulier, que les réfugiés ne bénéficiaient pas automatiquement d’une immunité pénale (puisque le requérant était en l’espèce recherché pour un crime grave de droit commun), et s’estima satisfait des garanties générales données par les autorités russes.

La Cour constitutionnelle rejeta ensuite un recours constitutionnel formé par l’intéressé. Elle renvoya l’affaire à la juridiction inférieure pour établir si le requérant devait être exclu du bénéfice du statut de réfugié. La Cour suprême revint finalement sur sa décision du 8 septembre 2016 et ordonna la remise en liberté de M. Shiksaitov le 2 novembre 2016. La police des frontières expulsa l’intéressé vers la Suède.

CEDH

Le requérant arguait que son arrestation n’était pas conforme au droit slovaque, en particulier à la loi relative aux services de police et au code de procédure pénale. Il soutenait qu’il n’aurait pas dû être placé en détention préliminaire puis en détention dans l’attente de son extradition puisque la Russie n’avait pas demandé à ce qu’il fût détenu et qu’il était réfugié en Suède. La Cour rappelle que toute privation de liberté doit être « régulière ». Toutefois, le respect du droit national n’est pas suffisant. La décision doit être arrêtée de bonne foi et la détention ne doit pas être trop longue au regard des motifs avancés. En particulier, il doit y avoir des motifs raisonnables de croire à la nécessité de la détention en vue d’une extradition. La Cour est convaincue que l’arrestation préliminaire du requérant était régulière en ce que les autorités slovaques ne pouvaient avoir connaissance de son statut en Suède. De même, la Cour juge régulière la détention préliminaire du requérant, même si les autorités russes n’avaient pas présenté de demande en ce sens, en ce que la détention préliminaire en Slovaquie doit être ordonnée uniquement par un procureur. Concernant la détention de l’intéressé dans l’attente de son extradition, la Cour souscrit à la position des juridictions internes selon laquelle cette détention n’était pas fondamentalement proscrite puisque les décisions des autorités suédoises n’étaient pas contraignantes pour la Slovaquie. Par ailleurs, il est acceptable que les autorités slovaques aient examiné de manière approfondie la situation du requérant, particulièrement compte tenu du fait que les autorités suédoises n’avaient pas vérifié sa situation auprès d’Interpol. Dans l’ensemble, la détention du requérant était justifiée par la nécessité de le garder en Slovaquie afin de déterminer si des obstacles légaux ou factuels s’opposaient à son extradition

La détention du requérant a duré en tout un an, neuf mois et dix-huit jours, alors même que les autorités slovaques avaient été informées du statut du requérant en Suède et des poursuites engagées contre lui en Russie à un stade très précoce et que rien n’empêchait les tribunaux de parvenir à une décision définitive sur la recevabilité de l’extradition du requérant bien plus tôt qu’ils ne l’ont fait. Au vu de ce qui précède, la Cour conclut que les autorités n’ont pas agi avec diligence et que les motifs avancés pour justifier la détention du requérant ont cessé d’être valables, ce qui a emporté violation de l’article 5 § 1 de la Convention. La Cour juge également que le requérant n’a pas bénéficié d’un droit exécutoire à réparation pour sa détention irrégulière, ce qui a emporté violation de l’article 5 § 5.

DIMO DIMOV ET AUTRES c. BULGARIE du 7 juillet 2020 requête n° 30044/10

Art 5 § 4 • Contrôle à bref délai • Étendue insuffisante du contrôle juridictionnel • Lenteur du transfert d’une demande de libération dans un autre ressort territorial à des fins de regroupement • Interdiction non motivée d’introduire une nouvelle demande avant deux mois

Art 5 § 5 • Réparation • Recours indemnitaire exercé ayant abouti à la reconnaissance et la réparation d’une violation de l’art 5 § 3 mais non de l’art 5 § 4 • Absence d’applicabilité rétroactive d’un nouveau recours permettant de faire valoir spécialement la violation de l’art 5 § 4 • Absence d’autres voies de réparation, même après le présent constat de violation de l’art 5 § 4 par la Cour

SUR LES VIOLATIONS ALLÉGUÉES DE L’ARTICLE 5 § 4 DE LA CONVENTION

66.  Le quatrième requérant se plaint de l’absence d’efficacité du contrôle exercé par les juridictions internes sur la légalité et la nécessité de sa détention, de l’absence de célérité de l’examen de ses demandes de libération formées en janvier et en mars 2010 et de l’interdiction, qui lui a été imposée par un tribunal le 12 avril 2010, de présenter de nouvelles demandes de libération pendant deux mois. Il invoque l’article 5 § 4 de la Convention, libellé comme suit :

« Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale. »

  1. Sur l’efficacité du contrôle exercé par les juridictions internes sur la régularité de la détention

    1. Arguments des parties

67.  Le requérant allègue que les tribunaux internes n’ont pas examiné toutes les circonstances pertinentes pour le maintenir en détention, qu’ils ont rejeté ses demandes de libération sans justifier ces décisions par des motifs pertinents et suffisants et qu’ils ont fondé celles-ci principalement sur la gravité des faits qui lui étaient reprochés.

68.  Le Gouvernement conteste la thèse du requérant. Il argue que chacune de ses demandes de libération a été dûment examinée par les tribunaux de première et de deuxième instance. Il soutient que les tribunaux ont répondu, dans leurs décisions, à tous les arguments du requérant. Il estime que, en décidant de maintenir le requérant en détention, les tribunaux ont trouvé le juste équilibre entre les intérêts de la société et le droit du requérant à la liberté, garanti par l’article 5 de la Convention.

  1. Appréciation de la Cour

69.  La Cour rappelle que, en vertu de l’article 5 § 4 de la Convention, toute personne arrêtée ou détenue a le droit de faire examiner par le juge le respect des exigences de procédure et de fond nécessaires à la « régularité », au sens de l’article 5 § 1 de la Convention, de sa privation de liberté (Khlaifia et autres c. Italie [GC], no 16483/12, § 128, 15 décembre 2016). Pour ce qui est de la substance même du recours prévu à l’article 5 § 4, le tribunal compétent doit vérifier à la fois l’observation des règles de procédure de la législation interne et le caractère raisonnable des soupçons motivant l’arrestation, ainsi que la légitimité du but poursuivi par celle-ci puis par la garde à vue (Brogan et autres c. Royaume-Uni, 29 novembre 1988, § 65, série A no 145-B). L’article 5 § 4 de la Convention n’entraîne pas pour le juge saisi d’un recours contre une détention l’obligation d’étudier chacun des arguments avancés par le détenu. Toutefois, le juge ne peut considérer comme dénués de pertinence, ou omettre de prendre en compte, des faits concrets invoqués par le détenu et susceptibles de jeter un doute sur l’existence des conditions indispensables à la « légalité », au sens de la Convention, de la privation de liberté (Ilijkov c. Bulgarie, no 33977/96, § 94, 26 juillet 2001).

70.  Se tournant vers les faits de l’espèce, la Cour note que, pendant l’instruction préliminaire menée contre le requérant, la légalité et la nécessité de la mesure de placement et de maintien en détention de l’intéressé ont été contrôlées à quatre reprises par les tribunaux, qui ont rendu huit décisions à cet égard (paragraphes 5-16 ci-dessus). Elle note également que, si la plupart de ces décisions contiennent des arguments quant à l’existence de raisons plausibles de soupçonner le requérant des crimes dont il était inculpé, les décisions rendues par la cour d’appel les 20 avril et 27 juillet 2010 n’ont pas abordé cette question (paragraphes 14 et 16 ci-dessus). Or l’existence de tels soupçons est une condition sine qua non pour la régularité du maintien en détention (Merabishvili c. Géorgie [GC], no 72508/13, § 222, 28 novembre 2017). La Cour a déjà pu constater à l’occasion d’autres affaires similaires contre la Bulgarie que l’absence de toute motivation à cet égard a pour effet de limiter l’étendue du contrôle exercé par les tribunaux sur la régularité de la détention provisoire et de priver le recours des personnes détenues de son effectivité au regard de l’article 5 § 4 de la Convention (voir, entre autres, Ilijkov, précité, §§ 94‑100, et Stoyan Dimitrov c. Bulgarie, nos 36275/02, §§ 86-90, 22 octobre 2009). Elle ne voit aucune raison de parvenir à une conclusion différente dans le cas d’espèce.

71.  Ces arguments suffisent à la Cour pour conclure qu’il y a eu violation de l’article 5 § 4 de la Convention de ce chef.

  1. Sur la célérité de l’examen des demandes de libération du requérant

    1. Arguments des parties

72.  Le requérant se plaint que l’examen de ses demandes de libération introduites en janvier et en mars 2010 a été tardif. Il expose en particulier que sa demande du 28 janvier 2010 a été examinée par le tribunal compétent le 1er février 2010, et que sa demande du 18 mars 2010 a été transmise au tribunal compétent le 6 avril 2010 et examinée le 12 avril 2010. Il soutient que ces délais sont incompatibles avec l’exigence d’examen à « bref délai » consacrée par l’article 5 § 4 de la Convention.

73.  Le Gouvernement combat la thèse du requérant et estime que ses demandes ont été examinées à « bref délai ». Il indique que, chaque fois que le requérant a formé des demandes de libération, les autorités de l’enquête avaient dû envoyer le dossier complet de l’affaire aux tribunaux, ce qui aurait demandé un certain temps. Il expose par ailleurs que, en l’espace de onze mois, les tribunaux ont examiné à quatre reprises la nécessité du maintien en détention du requérant, ce qui prouve selon lui que les demandes de libération du requérant ont été examinées de manière ponctuelle et dans les meilleurs délais.

  1. Appréciation de la Cour

74.  La Cour observe d’emblée que les décisions des 1er février et 12 avril 2010 ont fait l’objet d’appels dont la célérité de l’examen par les tribunaux n’a pas été remise en cause par le requérant. Elle se penchera donc uniquement sur la question de savoir si les demandes initiales du requérant ont été examinées à bref délai.

75.  Sur la base des documents et des informations fournis par les requérants et par le Gouvernement (paragraphes 7-9 et 11-13 ci-dessus), la Cour estime que sont établis les faits suivants concernant les demandes de libération des mois de janvier et de mars 2010.

76.  Le quatrième requérant a introduit sa demande le 28 janvier 2010. Elle a été transmise par le parquet de la ville de Sofia au tribunal régional de Stata Zagora, qui l’a examinée et rejetée le 1er février 2010. La demande du quatrième requérant a donc été examinée au bout de quatre jours.

77.  De même, le quatrième requérant a introduit une nouvelle demande le 18 mars 2010. Elle a été transmise par le parquet de la ville de Sofia au tribunal régional de Stata Zagora, qui l’a réceptionnée le 6 avril 2010 et l’a mise à l’ordre du jour du 9 avril 2010. L’audience du 9 avril 2010 a été reportée de trois jours supplémentaires en raison de l’absence du défenseur du deuxième requérant. La demande de libération du quatrième requérant a été examinée et rejetée ensemble avec les demandes de libération des trois autres requérants le 12 avril 2010. La demande du quatrième requérant a donc été examinée au bout de 25 jours.

78.  La Cour rappelle que la question de savoir si l’exigence du « bref délai » a été respectée doit s’apprécier à la lumière des circonstances de chaque espèce, en particulier de la complexité de l’affaire, des particularités éventuelles de la procédure interne ainsi que du comportement du requérant au cours de celle-ci (Khlaifia et autres, précité, § 131). Elle a par exemple considéré que des délais de 17 ou 23 jours pour un degré de juridiction n’étaient pas compatibles avec l’article 5 § 4 de la Convention (voir, respectivement, Kadem c. Malte, no 55263/00, § 44, 9 janvier 2003, et Rehbock c. Slovénie, no 29462/95, §§ 85-88, CEDH 2000-XII).

79.  Se tournant vers les faits de l’espèce, la Cour estime que l’examen de la demande de libération du quatrième requérant introduite le 28 janvier 2010, qui est intervenu au bout de quatre jours, a été effectué à « bref délai » et ne pose donc pas problème sous l’angle de l’article 5 § 4 de la Convention.

80.  Pour ce qui est de la demande introduite le 18 mars 2010 par le quatrième requérant, la Cour observe que les autorités ont choisi de regrouper l’examen de celle-ci avec les demandes des trois autres requérants, ce qui pourrait s’expliquer par le fait qu’il s’agissait de personnes détenues et inculpées dans le cadre d’une seule et même procédure pénale. Or le transfert de la demande du quatrième requérant entre le parquet de la ville de Sofia, qui l’a reçue, et le tribunal régional de Stara Zagora, qui était compétent pour l’examiner, a pris dix-neuf jours (paragraphe 76 ci-dessus). Même en prenant en compte la distance entre les deux villes, qui est de l’ordre de 230 kilomètres, et la nécessité d’envoyer le dossier de l’enquête au tribunal régional pour lui permettre d’examiner de manière effective la demande du requérant, la Cour estime que ce délai a été excessif et entièrement imputable aux autorités des poursuites pénales. Elle rappelle à cet effet qu’il revient à l’État de mettre en place des procédures internes les plus appropriées pour respecter ses obligations sous l’angle de l’article 5 § 4 de la Convention (Ilijkov, précité, § 96).

81.  Il y a donc eu violation de l’article 5 § 4 de la Convention de ce chef.

  1. Sur l’interdiction temporaire d’introduire un recours de libération

    1. Arguments des parties

82.  Le quatrième requérant dénonce enfin l’interdiction qui lui a été imposée le 12 avril 2010 par le tribunal régional de Stara Zagora de présenter de nouvelles demandes de libération pendant deux mois. Il soutient que cette interdiction reposait sur une base légale manquant de clarté et de prévisibilité. En outre, selon lui, la décision en cause, qui lui imposait une restriction pendant la période maximale prévue par le droit interne, n’était aucunement motivée, ce qui aurait démontré son caractère arbitraire. Le requérant argue également que le droit bulgare n’imposait pas aux tribunaux d’examiner la nécessité de la détention à des intervalles réguliers. L’intéressé estime que, dans ce contexte, l’interdiction qui lui avait été faite d’introduire de nouveaux recours pendant deux mois s’analysait en une violation de l’article 5 § 4 de la Convention.

83.  Le Gouvernement combat la thèse du requérant. Il indique que la restriction en cause était prévue par le droit interne, que son but était d’assurer le bon déroulement de l’enquête pénale, qu’elle a été appliquée une seule fois et pendant une période relativement courte et qu’elle n’empêchait pas le requérant de demander à être libéré en cas d’éventuels problèmes de santé. Le Gouvernement en conclut que l’imposition de cette mesure ne constituait pas une violation de l’article 5 § 4 de la Convention.

  1. Appréciation de la Cour

84.  L’article 5 § 4 de la Convention garantit le droit à un réexamen de la détention provisoire à de brefs intervalles (Bezicheri c. Italie, 25 octobre 1989, § 21, série A no 164). Le caractère raisonnable de ces périodes dépendra des circonstances de l’espèce (ibidem ; voir, mutatis mutandis, Abdulkhakov c. Russie, no 14743/11, § 215, 2 octobre 2012).

85.  Se tournant vers les faits de l’espèce, la Cour constate que, le 12 avril 2010, le tribunal régional de Stara Zagora a décidé de restreindre le droit du quatrième requérant d’introduire de nouvelles demandes de libération pendant deux mois, ce qui a été tacitement confirmé par la juridiction supérieure.

86.  Cette mesure était prévue par l’article 65, alinéa 6 du CPP. Le Gouvernement soutient que le but de cette mesure était d’assurer le bon déroulement de l’enquête pénale (paragraphe 82 ci-dessus). La Cour n’exclut pas qu’une telle mesure puisse en principe se justifier en cas d’abus manifeste des droits procéduraux des détenus, lorsque, par exemple, ils usent de leur droit de recours pour retarder délibérément le cours des poursuites pénales et cherchent ainsi à nuire à l’efficacité de l’enquête. Elle estime que, dans tous les cas, il revient aux autorités ayant imposé cette mesure d’en démontrer la nécessité en exposant des motifs pertinents et suffisants pour éviter tout soupçon d’arbitraire.

87.  La Cour note que le droit bulgare ne prévoit pas un contrôle automatique de la légalité et de la nécessité de la détention, ce contrôle étant exercé à l’initiative des détenus (paragraphe 31 ci-dessus). En l’espèce, lorsque le tribunal régional a décidé d’imposer la restriction en cause, le quatrième requérant était déjà détenu depuis cinq mois (paragraphes 5 et 13 ci-dessus), il n’avait formé auparavant qu’un seul recours en libération (paragraphe 7 ci-dessus) et sa nouvelle demande n’avait pas été examinée avant plusieurs jours (paragraphe 76 ci-dessus). La Cour estime que ce sont autant d’éléments qui semblent indiquer l’absence d’un abus du droit de recours en libération de la part de ce requérant.

88.  Par ailleurs, la Cour note que l’enquête pénale à l’encontre du quatrième requérant était encore pendante, ce qui pouvait conduire au rassemblement de nouvelles preuves susceptibles, par exemple, de remettre en cause l’existence des soupçons raisonnables contre lui. Dans ces circonstances, il était d’autant plus nécessaire pour les tribunaux internes d’exposer des arguments solides et convaincants pour justifier l’imposition de l’interdiction en cause.

89.  Force est de constater que le tribunal régional a choisi d’imposer l’interdiction pour la période maximale prévue par le droit interne (paragraphe 31 ci-dessus), et ce sans exposer de motif concernant la nécessité de cette mesure ni le délai d’application choisi (paragraphe 13 in fine ci-dessus). En l’absence d’une quelconque motivation, et compte tenu des autres circonstances pertinentes de l’espèce, la Cour estime que cette mesure était dépourvue de fondement.

90.  Pour ces motifs, la Cour considère que l’interdiction, imposée au quatrième requérant le 12 avril 2010, d’introduire de nouvelles demandes de libération pour deux mois s’analyse en une violation de son droit à obtenir l’examen de sa détention à de brefs intervalles, garanti par l’article 5 § 4 de la Convention.

  1. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 § 5 DE LA CONVENTION

91.  Le quatrième requérant se plaint aussi de ne pas avoir droit à une réparation pour les violations alléguées de ses droits garantis par l’article 5 § 4 de la Convention. Il invoque l’article 5 § 5 de la Convention, libellé comme suit :

« Toute personne victime d’une arrestation ou d’une détention dans des conditions contraires aux dispositions de cet article a droit à réparation. »

92.  Le Gouvernement conteste cette thèse. Il expose que, après l’abandon des poursuites pénales à son encontre, ce requérant dispose de la possibilité d’introduire une action en dommages et intérêts en vertu de l’article 2 de la loi sur la responsabilité de l’État et des communes pour dommage. Par ailleurs, il indique que la rédaction de cette disposition, depuis 2012, lui permet d’introduire une action en dédommagement en invoquant directement l’article 5 § 4 de la Convention.

93.  La Cour rappelle que l’article 5 § 5 de la Convention se trouve respecté dès lors que l’on peut demander réparation du chef d’une privation de liberté opérée dans des conditions contraires aux paragraphes 1, 2, 3 ou 4 de cet article (Wassink c. Pays-Bas, 27 septembre 1990, § 38, série A no 185-A, et Houtman et Meeus c. Belgique, no 22945/07, § 43, 17 mars 2009). Le droit à réparation énoncé au paragraphe 5 suppose donc qu’une violation de l’un de ces autres paragraphes ait été établie par une autorité nationale ou par les institutions de la Convention. À cet égard, la jouissance effective du droit à réparation garanti par cette dernière disposition doit se trouver assurée à un degré suffisant de certitude (Ciulla c. Italie, 22 février 1989, § 44, série A no 148, Sakık et autres c. Turquie, 26 novembre 1997, § 60, Recueil des arrêts et décisions 1997-VII, et N.C. c. Italie [GC], no 24952/94, § 49, CEDH 2002-X).

94.  En l’espèce, la Cour relève que, eu égard à son constat de violation du paragraphe 4 de l’article 5 de la Convention, le paragraphe 5 de cette disposition trouve à s’appliquer. Elle doit donc rechercher si l’intéressé a disposé au niveau interne d’un droit exécutoire à réparation de son préjudice avant le présent arrêt, ou s’il disposera d’un tel droit après l’adoption de l’arrêt. Elle rappelle à cet égard que, pour qu’elle conclue à la violation de l’article 5 § 5 de la Convention, il doit être établi que le constat de violation d’un des autres paragraphes de l’article 5 ne pouvait, avant l’arrêt rendu par elle, ni ne peut, après cet arrêt, donner lieu à une demande d’indemnité devant les juridictions nationales (Stanev c. Bulgarie [GC], no 36760/06, § 184, CEDH 2012).

95.  Le quatrième requérant a introduit une action en dommages et intérêts en vertu de la l’article 2, alinéa 1 point 3 de la loi sur la responsabilité de l’État et des communes pour dommage contre le parquet après l’abandon des poursuites pénales à son encontre. Dans le cadre de cette procédure, il a obtenu un dédommagement pour le préjudice subi du fait de la durée excessive de sa détention provisoire, ce qui a amené la Cour à conclure à la perte de sa qualité de victime pour ce qui est du grief tiré de l’article 5 § 3 de la Convention (paragraphe 55 ci-dessus). Cependant, cette procédure n’a pas abouti à la reconnaissance de la violation de ses droits garantis par l’article 5 § 4 de la Convention ni à un dédommagement pour cette violation, étant donné que les tribunaux n’ont pas abordé, ni explicitement ni implicitement, le respect de ces garanties procédurales spécifiques (paragraphes 27-29 ci-dessus). Il convient donc de rejeter cet argument du Gouvernement.

96.  La Cour observe en revanche que, depuis le 15 décembre 2012, l’article 2, alinéa 1, point 2 de la loi sur la responsabilité de l’État et des communes pour dommage permet à tout intéressé d’introduire une action en dédommagement en invoquant directement une violation de l’article 5 § 4 de la Convention. Il ressort du texte même de cette disposition qu’une telle action pourrait amener au constat de violation de l’article 5 § 4 et à l’octroi d’un dédommagement pécuniaire. Or, comme la Cour l’a déjà constaté dans son arrêt Toni Kostadinov (précité, § 70) et dans son analyse sur la recevabilité de la présente requête (paragraphe 62 ci-dessus), ce nouveau recours a été introduit en droit interne deux ans après la fin de la détention du quatrième requérant et après les décisions dont il se plaint, et la loi ne prévoit pas son application rétroactive. Il s’ensuit que ce recours n’avait pas de chances raisonnables de succès dans son cas.

97.  La Cour ne peut donc que constater l’absence de tout recours pouvant permettre au quatrième requérant d’obtenir un dédommagement pour les violations de l’article 5 § 4 de la Convention avant le présent arrêt.

98.  Se pose ensuite la question de savoir si le prononcé du présent arrêt concluant à la violation de l’article 5 § 4 permettra au quatrième requérant de demander réparation en droit bulgare (Stanev, précité, § 184). La Cour observe qu’il ne ressort pas de la législation pertinente qu’un tel recours existe ; le Gouvernement n’a d’ailleurs pas fourni d’arguments prouvant le contraire.

99.  Il n’a donc pas été démontré que le quatrième requérant pouvait se prévaloir, avant l’arrêt de la Cour, d’un droit à réparation, ou qu’il pourra se prévaloir d’un tel droit après le prononcé de l’arrêt, pour la violation de l’article 5 § 4 de la Convention. Par conséquent, il y a eu violation de l’article 5 § 5 de la Convention.

Porchet c. Suisse du 7 novembre 2019 requête n° 36391/16

Irrecevabilité article 5-5 : La réduction de peine a constitué une forme de réparation adéquate pour une détention non conforme à la Convention.

L’affaire concerne la mise en détention provisoire du requérant dans un local destiné aux gardes à vues de 48 heures et sa demande de réparation pécuniaire. Le requérant s’est vu octroyer une réduction de peine de huit jours en réparation des 16 jours de détention provisoire dans des locaux non adaptés. Le Tribunal fédéral a considéré que l’allocation d’une réparation sous la forme d’une réduction de la durée de la peine, plutôt que le versement d’une prestation financière, était parfaitement conforme au droit suisse. La Cour conclut que cette forme de réparation est conforme à l’article 5 § 5 (droit à la liberté et à la sûreté/droit à réparation) de la Convention et que le requérant ne peut donc plus se prétendre victime d’une violation de cette disposition.

LES FAITS

Le requérant, Mathieu Porchet, est un ressortissant suisse né en 1993. Il réside dans le canton de Vaud (Suisse). En 2013, il fut placé en détention provisoire. En 2015, il fut condamné à 35 mois d’emprisonnement, dont une partie avec sursis, pour mise en danger de la vie d’autrui et conduite d’un véhicule sans permis de conduire. Dans cette affaire, M. Porchet se plaint d’avoir été placé en détention provisoire pendant 18 jours dans un local destiné aux gardes à vue au lieu de 48 heures autorisées par la loi. Pour compenser les 16 jours de détention dans la cellule réservée aux gardes à vue, le tribunal correctionnel lui alloua une réduction de peine de huit jours lors du prononcé du jugement de condamnation. M. Porchet contesta cette décision, réclamant une indemnisation financière et non une réduction de peine. Il fut débouté.

ARTICLE 5-5

La Cour note que M. Porchet reproche aux autorités suisses d’avoir réduit la durée de sa peine au lieu de lui avoir octroyé une réparation pécuniaire pour sa détention non conforme à la Convention. La Cour rappelle que le droit à réparation énoncé au paragraphe 5 de l’article 5 suppose le constat de violation d’un des autres paragraphes de cet article. En outre, il faut aussi que ce constat de violation ne puisse donner lieu à une demande d’indemnité devant les juridictions nationales. En l’espèce, la Cour relève que, par l’ordonnance du 11 décembre 2013, le tribunal des mesures de contrainte a reconnu que les conditions dans lesquelles s’étaient déroulés les 16 jours de la détention provisoire de M. Porchet n’étaient pas conformes à la loi. Le tribunal correctionnel a alors réduit de huit jours la peine de prison à titre de réparation pour le préjudice moral résultant du placement de M. Porchet en détention provisoire dans une cellule réservée à la garde à vue. Cette décision a été confirmée par le Tribunal fédéral qui a analysé explicitement la question sous l’angle de l’article 5 de la Convention. La Cour rappelle avoir déjà jugé que les autorités nationales peuvent accorder réparation en réduisant la durée de la peine, de manière expresse et mesurable, sous l’angle des articles 3 (interdiction de la torture et interdiction des traitements inhumains ou dégradants) , 5 § 3 (droit à la liberté et à la sûreté) et 6 (droit à un procès équitable) de la Convention. Raisonnant par analogie, la Cour relève que M. Porchet s’est vu octroyer une réduction de peine de huit jours en réparation des 16 jours de détention provisoire dans des locaux non adaptés. L’illicéité tenait donc uniquement à la nature des locaux où s’est déroulée la détention. C’est en tenant compte de l’illicéité d’une partie de la détention provisoire que le tribunal correctionnel a réduit la peine. Aux yeux de la Cour, l’intention réparatoire de la décision du Tribunal correctionnel et le caractère proportionnel de la réduction de peine sont clairement établis. La Cour note enfin que le Tribunal fédéral a considéré que l’allocation d’une réparation sous la forme d’une réduction de la durée de la peine, plutôt que le versement d’une prestation financière, était parfaitement conforme au droit suisse. Compte tenu du fait que les autorités nationales ont reconnu la violation en cause, puis l’ont réparée d’une manière comparable à la satisfaction équitable propre à l’article 41 de la Convention, la Cour conclut que M. Porchet ne peut plus se prétendre victime d’une violation de l’article 5 § 5 de la Convention.

CEDH

13.  Le requérant fait grief aux autorités suisses d’avoir réduit la durée de sa peine plutôt que de lui octroyer une réparation pécuniaire pour sa détention non conforme à l’article 5 § 1 de la Convention. Il invoque l’article 5 § 5 de la Convention, qui se lit comme suit :

« 5.  Toute personne victime d’une arrestation ou d’une détention dans des conditions contraires aux dispositions de cet article a droit à réparation. »

14.  La Cour rappelle que le paragraphe 5 de l’article 5 de la Convention se trouve respecté dès lors que l’on peut demander réparation du chef d’une privation de liberté opérée dans des conditions contraires aux paragraphes 1, 2, 3 ou 4. Le droit à réparation énoncé au paragraphe 5 suppose donc qu’une violation de l’un de ces autres paragraphes ait été établie par une autorité nationale ou par les institutions de la Convention. À cet égard, la jouissance effective du droit à réparation garanti par cette disposition doit se trouver assurée à un degré suffisant de certitude (Stanev c. Bulgarie [GC], no 36760/06, § 182, CEDH 2012). En outre, pour que la Cour conclue à la violation de l’article 5 § 5 de la Convention, il doit être établi que le constat de violation d’un des autres paragraphes de l’article 5 ne pouvait, avant l’arrêt concerné de la Cour, ni ne peut, après cet arrêt, donner lieu à une demande d’indemnité devant les juridictions nationales (idem, § 184).

15.  Par ailleurs, la Cour rappelle que c’est aux autorités nationales qu’il appartient en premier lieu de redresser une violation alléguée de la Convention. À cet égard, elle réaffirme que la question de savoir si un requérant peut se prétendre victime du manquement allégué se pose à tous les stades de la procédure au regard de la Convention (Kurić et autres c. Slovénie [GC], no 26828/06, § 259, CEDH 2012 (extraits)). Elle rappelle, en outre, qu’une décision ou une mesure favorable au requérant ne suffit en principe à lui retirer la qualité de victime que si les autorités nationales ont reconnu, explicitement ou en substance, puis réparé de manière appropriée et suffisante la violation de la Convention (Scordino c. Italie (no 1) [GC], no 36813/97, §§ 179-180 et 193, CEDH 2006-V et Murray c. Pays-Bas [GC], no 10511/10, § 83, 26 avril 2016).

16.  En l’espèce, la Cour relève que, par une ordonnance du 11 décembre 2013, le Tribunal des mesures de contrainte du canton de Vaud a reconnu que les conditions dans lesquelles s’étaient déroulés les 16 jours de la détention provisoire du requérant n’étaient pas conformes aux dispositions légales (paragraphe 4 ci-dessus). Ce constat a été confirmé par le Tribunal fédéral dans son arrêt du 2 mai 2016, qui a analysé explicitement la question sous l’angle de l’article 5 de la Convention (paragraphe 9 ci-dessus).

17.  La Cour constate également que le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a réduit de huit jours la peine de prison infligée au requérant, à titre de réparation pour le préjudice moral résultant de son placement en détention provisoire dans une cellule réservée à la garde à vue, au-delà du délai légal (paragraphe 5 ci-dessus).

18.  La Cour rappelle ensuite que, si le droit à réparation garanti par l’article 5 § 5 est principalement de nature pécuniaire, cela n’exclut pas qu’il puisse avoir un contenu plus large (Bozano c. France, no 9990/82, décision de la Commission du 15 mai 1984, Décisions et rapports 39, pp. 119, 131). Quant au quantum, l’article 5 § 5 ne garantit pas le droit à un montant déterminé à titre de réparation (K.W. c. Suisse, no 26382/95, décision de la Commission du 3 décembre 1997 et Jeronovičs c. Lettonie (déc.), no 547/02, § 76, 10 février 2009).

19.  Par analogie, la Cour rappelle avoir déjà jugé dans des affaires portant sur le non-respect du délai raisonnable exigé par l’article 6 § 1 de la Convention, que les autorités nationales peuvent accorder réparation en réduisant la peine infligée au requérant d’une manière expresse et mesurable (Chraidi c. Allemagne, no 65655/01, § 24, CEDH 2006‑XII).

20.  Elle a, en outre, estimé qu’une telle réduction de peine peut aussi constituer une réparation adéquate pour une violation de l’article 5 § 3 lorsque les autorités nationales n’ont pas examiné, dans un délai raisonnable, l’affaire d’un requérant placé en détention provisoire (Ščensnovičius c. Lituanie, no 62663/13, § 92, 10 juillet 2018 et Chraidi, précité, § 24) ou encore pour des conditions de détention contraires à l’article 3, à condition que, d’une part, elle soit explicitement octroyée pour réparer la violation de l’article 3 et que, d’autre part, son impact sur le quantum de la peine de la personne intéressée soit mesurable (Stella et autres c. Italie (déc.), nos 49169/09 et al., §§ 59-60, 16 septembre 2014).

21.  En l’espèce, en supposant que l’article 5 § 5 est applicable, la Cour relève que le requérant s’est vu octroyer une réduction de peine de 8 jours en réparation des 16 jours de détention provisoire dans des locaux non adaptés. L’illicéité constatée par les autorités nationales ne tenait donc pas à la nécessité de la détention provisoire ou à sa durée, ce dont le requérant ne s’est d’ailleurs jamais plaint, mais uniquement à la nature des locaux où elle s’était déroulée. Ce constat rend le raisonnement par analogie avec l’affaire Stella et autres, précitée, d’autant plus pertinent.

22.  Par ailleurs, c’est pour la même infraction que le requérant avait été, d’abord, placé en détention provisoire et, ensuite, condamné à une peine de prison. Et c’est précisément en prenant en compte l’illicéité d’une partie de la détention provisoire, que le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a réduit la peine du requérant.

En outre, le requérant ne se plaint pas de l’insuffisance de la réparation mais uniquement de sa nature non pécuniaire.

23.  Aux yeux de la Cour, l’intention réparatoire de la décision du Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne et le caractère proportionnel de la réduction de peine sont clairement établis (a contrario, Włoch c. Pologne (no 2), no 33475/08, § 32, 10 mai 2011).

24.  La Cour note enfin que le Tribunal fédéral, dans un arrêt motivé et ne révélant aucune trace d’interprétation arbitraire ou déraisonnable, a considéré que l’allocation d’une réparation sous la forme d’une réduction de peine plutôt que d’une prestation financière était parfaitement conforme au droit suisse.

À cet égard, elle rappelle qu’elle n’a pas pour tâche de se substituer aux juridictions internes. C’est au premier chef aux autorités nationales, notamment aux cours et tribunaux, qu’il incombe d’interpréter la législation interne. Le rôle de la Cour se limite à vérifier la compatibilité avec la Convention des effets de pareille interprétation (Waite et Kennedy c. Allemagne [GC], no 26083/94, § 54, CEDH 1999‑I).

25.  Partant, compte tenu de ce que, par des jugements définitifs précités, les autorités nationales ont reconnu la violation en cause et puis l’ont réparée d’une manière comparable à la satisfaction équitable dont parle l’article 41 de la Convention (Cocchiarella c. Italie [GC], no 64886/01, § 72, CEDH 2006-V), la Cour considère que le requérant ne peut plus se prétendre victime d’une violation de l’article 5 § 5 de la Convention.

26.  Au vu de ce qui précède, la Cour conclut que la requête est incompatible ratione personae avec les dispositions de la Convention au sens de l’article 35 § 3 (a) et doit être rejeté en application de l’article 35 § 4.

Vasilevskiy et Bogdanov c. Russie du 10 juillet 2018, requêtes n os 52241/14 et 74222/14

Article 5§5 : Violation du droit à réparation garanti par la Convention à raison de la modicité des indemnités allouées au niveau interne pour détention irrégulière

violation de l’article 5 § 5 (droit à réparation pour détention irrégulière) de la Convention européenne des droits de l’homme. L’affaire concerne la plainte des requérants relative au montant négligeable qui leur a été alloué à titre de réparation pour détention irrégulière. La Cour constate en particulier que les indemnités allouées aux requérants au niveau interne équivalent à 7 euros et 2,70 euros par jour de détention irrégulière, montants dont la modicité porte atteinte à la substance du droit à réparation des intéressés au regard de la Convention européenne. À la majorité (six voix contre une), la Cour alloue à chacun des requérants 5 000 euros au titre du préjudice moral subi.

Article 5 § 5

La Cour relève que la Convention ne fixe pas de niveaux spécifiques d’indemnisation et qu’il appartient aux juridictions nationales d’évaluer la souffrance, la détresse, l’anxiété ou d’autres effets négatifs d’une détention illégale. Néanmoins, l’octroi d’une somme négligeable ou extrêmement faible à titre de réparation est de nature à rendre le droit à réparation théorique et illusoire, et non concret et effectif comme l’exige la Convention. M. Vasilevskiy a été privé irrégulièrement de sa liberté pendant un an et demi, et M. Bogdanov a été emprisonné à tort pendant quatre mois. Si la Cour admet que les juridictions ont fait un réel effort pour apprécier le préjudice que les deux requérants ont subi à raison de leur détention illégale, elle observe que les montants alloués correspondent à 7 euros et à 2,70 euros par jour de privation irrégulière de liberté. Ces sommes ne sont pas seulement largement inférieures à celles que la Cour aurait allouées ; elles sont sans commune mesure avec la durée de la détention des intéressés et sont négligeables dans l’absolu. Par ailleurs, la Cour observe que la cour d’appel a divisé par cinq l’indemnité allouée à M. Bogdanov, sans donner d’explication plausible à une réduction aussi considérable. Les juridictions nationales n’ont pas mentionné que la détention irrégulière du requérant avait été causée par un piège de la police et par l’utilisation d’éléments irrecevables dans une procédure pénale. Elles auraient dû considérer qu’il était de leur devoir de montrer qu’elles désapprouvaient les actes de la police en allouant une réparation suffisante. Globalement, les montants alloués sont si modiques qu’ils ont porté atteinte à la substance du droit à réparation des requérants. Dès lors, il y a eu violation de la Convention.

Ergezen C. Turquie du 8 Avril 2014, requête n° 73359/10

L'article 5-5 trouve application par défaut de la loi nationale. Les lois nationales ne réparent que les détentions inutiles après la fin de la procédure d'accusation pénale mais elles ne réparent jamais les détentions arbitraires non autorisées par la loi. La CEDH demande que les détentions arbitraires soient réparées.

ARTICLE 5-3

37.  En l’espèce, la Cour constate que la question du maintien en détention provisoire des requérants a été régulièrement examinée par les autorités judiciaires nationales. Elle observe que, pour ordonner le maintien en détention en question, la cour d’assises s’est fondée principalement sur la lourdeur de la peine encourue et sur la persistance de forts soupçons quant à la commission des infractions reprochées, et qu’elle a en outre considéré que les conditions relatives à la mise en œuvre de mesures autres que la détention provisoire n’étaient pas réunies.

38.  Aussi la Cour estime-t-elle qu’il est clairement établi que des soupçons pesaient sur les requérants, tant au moment de leur arrestation que tout au long de l’avancement de la procédure. En outre, elle n’aperçoit aucune raison de s’écarter de l’opinion de la cour d’assises quant à la gravité des faits reprochés aux intéressés, à savoir – avant même le requalification des faits suite aux arrêts de cassation (paragraphes 11 et 14 ci‑dessus) – l’appartenance à une organisation illégale armée et la détention et la dissimulation d’explosifs appartenant à cette organisation. Elle note que le code pénal turc punit de cinq à quinze ans d’emprisonnement l’infraction qui était reprochée aux requérants. Toutefois, quand bien même la Cour a admis que la lourdeur de la peine encourue est un élément à prendre en compte lors de l’appréciation du risque de fuite, elle ne peut en soi être de nature à justifier une période de détention provisoire aussi longue que celle des requérants (Ilijkov c. Bulgarie, no 33977/96, §§ 80‑81, 26 juillet 2001).

39.  À cet égard, la Cour rappelle que le risque de fuite décroît nécessairement avec l’écoulement du temps, eu égard à l’imputation probable de la durée de la détention provisoire sur la durée de la privation de liberté à laquelle l’intéressé peut se voir condamner (Neumeister c. Autriche, 27 juin 1968, § 10 de la partie « En droit », série A no 8).

Dans la présente affaire, ce facteur se révèle particulièrement pertinent pour la troisième période de détention provisoire subie des requérants, dans la mesure où celle-ci est intervenue après que les intéressés ont été incarcérés pendant près de deux ans en exécution des condamnations prononcées le 26 décembre 2006 et le 20 novembre 2007 (paragraphes 10 et 13 ci-dessus), et où cette durée devait également être imputée sur une éventuelle peine. En dépit de la période de détention déjà subie par les intéressés, la cour d’assises n’a nullement justifié la persistance d’un risque de fuite plusieurs années après le premier et le deuxième procès.

40.  Au vu de ce qui précède, la Cour estime que les autorités nationales n’ont pas justifié par des motifs pertinents et suffisants le maintien en détention des requérants. Dans ces circonstances, elle estime qu’il n’y a pas lieu d’examiner si la procédure a été conduite avec la diligence nécessaire.

41.  Il s’ensuit qu’il y a eu violation de l’article 5 § 3 de la Convention.

ARTICLE 5-4

48.  En l’espèce, la Cour note que, au terme de l’audience du 5 août 2010, la cour d’assises a ordonné le maintien en détention provisoire du requérant Ziya Ergezen en l’absence de celui-ci. Le 13 août 2010, statuant sur dossier, le même tribunal a rejeté l’opposition formée contre cette décision.

49.  Le requérant Ziya Ergezen n’a donc comparu devant les juges appelés à se prononcer sur sa détention provisoire ni lors de l’audience du 5 août 2010 tenue devant la cour d’assises qui statuait en première instance ni lors de l’examen de son opposition, le 13 août 2010.

50.  Lors de l’adoption de cette dernière décision, la dernière comparution de l’intéressé devant un juge remontait à plus de quatre mois, à savoir à l’audience du 25 mars 2010. La Cour estime que, lorsque la liberté personnelle est en cause, l’on ne saurait qualifier de « raisonnable » un laps de temps qui, comme en l’espèce, est supérieur à quatre mois.

51.  Dès lors, la Cour estime que le recours en opposition prévu en droit interne n’a pas satisfait à l’exigence de comparution personnelle du requérant devant les juges appelés à se prononcer sur sa détention, comme l’exige l’article 5 § 4 de la Convention. Partant, elle conclut à la violation de cette disposition dans le chef du requérant Ziya Ergezen.

ARTICLE 5-5

57.  La Cour relève que l’article 141 du Code de procédure pénale prévoit la possibilité pour une personne ayant fait l’objet d’une mesure judiciaire de demander une indemnisation dans certains cas limitativement énoncés. Or la Cour observe, à la lecture de cette disposition telle qu’elle était en vigueur à l’époque des faits, qu’aucun des cas de figure énumérés ne prévoyait la possibilité de demander la réparation d’un préjudice subi en raison de l’absence d’un recours effectif au sens de l’article 5 § 4 de la Convention. À cet égard, le Gouvernement est resté en défaut de produire une quelconque décision de justice relative à l’octroi d’une indemnité, sur le fondement de cette disposition, à un justiciable se trouvant dans la situation de ce requérant.

58.  La Cour observe en outre que le requérant Ziya Ergezen est décédé le 23 octobre 2010 alors que la procédure était toujours pendante devant la cour d’assises. À la date de son décès, le recours en indemnisation prévu par l’article 141 du code de procédure pénale n’étant accessible qu’après l’obtention d’une décision définitive sur le fond de l’affaire, l’intéressé n’a pas eu la possibilité d’exercer le recours en question. Il n’est pas non plus établi ni allégué d’ailleurs que ses héritiers pouvaient introduire le recours en question au nom du défunt, après la décision interne définitive.

59.  Partant, la Cour estime que la voie de l’indemnisation indiquée par le Gouvernement ne saurait constituer un recours effectif au sens de l’article 5 § 5 de la Convention. Elle conclut donc à la violation de cette disposition dans le chef du requérant Ziya Ergezen.

La jurisprudence de la cour était invariable :

- S'il y a violation d'au moins l'un des quatre premiers paragraphes de l'article 5; il y a automatiquement violation de l'article 5§5 et par conséquent, le requérant peut avoir droit à réparation.

- S'il n'y a pas de constat de violation de l'un des quatre premiers paragraphes de l'article 5; il n'y a pas de violation de l'article 5§5 et par conséquent, le requérant ne peut pas avoir droit à réparation.

La jurisprudence de la CEDH a évolué depuis l'arrêt

HOUTMAN ET MEEUS c. BELGIQUE DU 17 MARS 2003

Quand les juridictions internes constatent une détention arbitraire et ne réparent pas, ils violent l'article 5-5 de la Convention. Nul besoin pour la Cour de constater la violation préalable des autres paragraphes de l'article 5.

"43.  La Cour rappelle que le paragraphe 5 de l'article 5 se trouve respecté dès lors que l'on peut demander réparation du chef d'une privation de liberté opérée dans des conditions contraires aux paragraphes 1 à 4 (Wassink c. Pays-Bas précité et Tsirlis et Kouloumpas c. Grèce, 29 mai 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-III, § 5). Le droit à réparation énoncé au paragraphe 5 suppose donc qu'une violation de l'un de ces autres paragraphes ait été établie par une autorité nationale ou par les institutions de la Convention.

44.  La Cour estime d'emblée opportun de souligner certains faits marquants de l'espèce. Considérant avoir été privée illégalement de sa liberté, la requérante et son époux ont introduit une action en responsabilité contre les médecins impliqués dans son internement et les hôpitaux psychiatriques concernés. En effet, la requérante avait été placée pour quelques jours à l'initiative des médecins qui l'ont examiné sans que la procédure devant le juge de la paix, prévue par la loi du 26 juin 1990, soit engagée. La requérante a été libérée suite à l'intervention du parquet, qui a été déclenchée par sa sœur et certains de ses amis. Le tribunal de première instance, que les requérants ont saisi d'une action en responsabilité, a reconnu la méconnaissance de la procédure interne, mais a refusé d'accorder une indemnisation faute de lien de causalité entre cette méconnaissance et le dommage allégué. La cour d'appel a confirmé cette conclusion en relevant que l'internement de la requérante n'était pas le résultat d'une « faute » mais d'un « état de santé » et que les requérants n'avaient pas réussi à démontrer que le dommage allégué avait été provoqué par la méconnaissance de la loi.

45.  Il convient ainsi de distinguer la présente affaire de l'affaire Wassink mentionnée par le Gouvernement : contrairement à cette dernière où était en cause une simple méconnaissance d'une disposition technique de la loi pertinente – l'absence du greffier lors d'une audience –, en l'espèce il y a eu inobservation des dispositions fondamentales de la loi du 26 juin 1990, notamment des articles 1 et 9 de celle-ci. La cour d'appel l'a d'ailleurs reconnu en des termes explicites dans son arrêt, en soulignant que, même si les médecins considéraient que l'internement serait de courte durée, la procédure légale aurait dû être suivie scrupuleusement. La conclusion de la cour d'appel, selon laquelle l'internement pour observation de la requérante était opportun et justifié par l'état de la malade, vient à justifier a posteriori une décision prise au mépris de la procédure légale et qui a conduit à un internement qui risquait de durer : le 13 mai, le Docteur L. avait mentionné au second requérant que l'internement pourrait durer deux à trois semaines. Le constat du Docteur V., requis par le procureur, selon lequel au moment des faits la requérante se trouvait dans un état de maladie grave la rendant incapable de contrôler ses actes aurait dû rendre les médecins concernés plus prudents quant à la complexité et la durée du traitement que pourrait nécessiter l'état de la requérante.

46.  La conclusion de la cour d'appel quant à la violation de la procédure légale s'analyse alors en une reconnaissance que la requérante a subi une privation de liberté contraire à l'article 5 § 1 de la Convention, ce qui selon la jurisprudence de la Cour crée un droit direct à réparation (Brogan et autres c. Royaume-Uni, 29 novembre 1988, série A no 145-B, § 67). En refusant d'indemniser les requérants, les juridictions nationales n'ont pas interprété et appliqué le droit interne dans l'esprit de l'article 5 § 1 (voir, mutatis mutandis, Storck c. Allemagne précité, § 122).

47.  La Cour rejette l'objection du Gouvernement et conclut qu'il y a eu violation de l'article 5 § 5 de la Convention."

Jusic contre Suisse du 2 décembre 2010 requête 4691/06

LES VOIES DE RECOURS INTERNES DOIVENT ÊTRE EPUISEES

98.  Le requérant fait également valoir que le Tribunal fédéral a refusé à tort de statuer. Il se plaint du fait que la pratique du Tribunal fédéral consistant à exiger un intérêt actuel et pratique pour admettre la recevabilité d’un recours a, en l’espèce, fait obstacle à la possibilité d’obtenir une décision constatant l’illégalité de sa détention de manière définitive.

99.  La Cour observe que le requérant n’a, certes, invoqué le droit à une réparation au sens de l’article 5 § 5 ni devant les instances internes ni devant la Cour. En revanche, dans son mémoire complémentaire au Tribunal fédéral du 29 août 2005, il allègue qu’il aurait besoin d’un constat de l’illégalité de sa détention afin de pouvoir intenter une action en réparation contre les autorités cantonales. Etant maîtresse de la qualification juridique des faits de la cause (voir, par exemple, Guerra et autres c. Italie, 19 février 1998, § 44, Recueil 1998-I, et Glor, précité, § 48), et sans méconnaître le fait que le droit d’obtenir une décision à bref délai sur la légalité d’une détention se distingue de celui de recevoir un dédommagement pour une telle détention (Navarra c. France, 23 novembre 1993, § 24, série A no 273-B, R.M.D. c. Suisse, 26 septembre 1997, § 50, Recueil 1997-VI), la Cour considère plus opportun d’examiner ce grief sous l’angle de l’article 5 § 5 de la Convention, libellé comme suit :

« 5.  Toute personne victime d’une arrestation ou d’une détention dans des conditions contraires aux dispositions de cet article a droit à réparation. »

1. Sur la recevabilité

100.  Le Gouvernement renvoie à cet égard à ses observations faites à propos de l’exception de non-épuisement des voies de recours internes (paragraphes 48-51 ci-dessus).

101.  La Cour estime que la question de savoir si le droit du requérant à réparation du fait de la violation de l’article 5 § 1 constatée ci-avant se trouvait assuré à un degré suffisant relève essentiellement du fond de l’affaire. Elle constate en outre que le grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. La Cour relève par ailleurs qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

2. Sur le fond

102.  Le Gouvernement réitère sa thèse selon laquelle il existe une jurisprudence constante du Tribunal fédéral en vertu de laquelle l’illicéité de la détention peut être examinée indépendamment d’une éventuelle décision rendue dans la procédure contre la mise en détention. Le requérant, en revanche, estime que les procédures de réparation ne sont pas des procédures qu’il aurait dû épuiser, et il soutient qu’il s’agit de procédures longues et coûteuses.

103.  La Cour relève que, par un arrêt du 1er septembre 2005, le Tribunal fédéral raya la cause du rôle, en répondant spécifiquement à l’argument du requérant qu’il entendait se prévaloir de son droit, tel que garanti par l’article 30 § 5 de la Constitution du canton de Vaud, à recevoir une réparation pour détention illicite. Le Tribunal fédéral indiqua expressément que l’illicéité pouvait être examinée de manière indépendante dans le cadre d’une éventuelle action en responsabilité, en vertu de l’article 30 § 5 de la Constitution du canton de Vaud. Cette disposition prévoit que tout individu ayant subi un préjudice en raison d’une privation de liberté injustifiée a le droit d’obtenir pleine réparation. La Cour estime que le requérant, dûment représenté devant elle, n’a pas démontré qu’une telle action en réparation engagée en vertu de cette disposition se serait avérée inefficace ou insuffisante pour obtenir le dédommagement de sa détention, qu’il considère illégale. Il n’a par ailleurs pas informé la Cour s’il a en l’espèce réellement essayé de faire usage de cette voie de droit.

104.  Dans ces conditions, la Cour estime que le droit du requérant à réparation du fait de la violation de l’article 5 § 1 se trouvait assuré à un degré suffisant de certitude, au sens de sa jurisprudence (Rehbock c. Slovénie, no 29462/95, § 92, CEDH 2000-XII).

105.  Dès lors, il n’y a pas eu violation de l’article 5 § 5 de la Convention.

ARRÊT DE LA GRANDE CHAMBRE

STANEV C. BULGARIE Requête 36760/06 du 17 janvier 2012

182.  La Cour rappelle que l’article 5 § 5 se trouve respecté dès lors que l’on peut demander réparation du chef d’une privation de liberté opérée dans des conditions contraires aux paragraphes 1, 2, 3 ou 4 (Wassink c. Pays-Bas, 27 septembre 1990, § 38, série A no 185-A, et Houtman et Meeus c. Belgique, no 22945/07, § 43, 17 mars 2009). Le droit à réparation énoncé au paragraphe 5 suppose donc qu’une violation de l’un de ces autres paragraphes ait été établie par une autorité nationale ou par les institutions de la Convention. A cet égard, la jouissance effective du droit à réparation garanti par cette dernière disposition doit se trouver assurée à un degré suffisant de certitude (Ciulla c. Italie, 22 février 1989, § 44, série A n148, Sakık et autres c. Turquie, 26 novembre 1997, § 60, Recueil 1997-VII, et N.C. c. Italie [GC], no 24952/94, § 49, CEDH 2002-X).

183.  Se tournant vers la présente espèce, la Cour relève que, eu égard à son constat de violation des paragraphes 1 et 4 de l’article 5, le paragraphe 5 de cette disposition trouve à s’appliquer. Elle doit donc rechercher si l’intéressé a disposé au niveau interne d’un droit exécutoire à réparation de son préjudice avant le présent arrêt, ou s’il disposera d’un tel droit après l’adoption de l’arrêt.

184.  Elle rappelle à cet égard que, pour qu’elle conclue à la violation de l’article 5 § 5, il doit être établi que le constat de violation d’un des autres paragraphes de l’article 5 ne pouvait, avant l’arrêt concerné de la Cour, ni ne peut après cet arrêt, donner lieu à une demande d’indemnité devant les juridictions nationales (Brogan et autres c. Royaume-Uni, 29 novembre 1988, §§ 66-67, série A no 145-B).

185.  A la lumière de cette jurisprudence, la Cour estime qu’il faut d’abord vérifier si la violation de l’article 5 §§ 1 et 4 constatée en l’espèce aurait pu donner lieu, avant le prononcé du présent arrêt, à un droit à réparation devant les tribunaux internes.

186.  Pour ce qui est de la violation de l’article 5 § 1, la Cour relève que l’article 2, alinéa 1, de la loi de 1988 sur la responsabilité de l’Etat prévoit une indemnisation pour des dommages causés du fait d’une décision judiciaire dans certaines hypothèses de placement en détention, lorsqu’elle a été annulée pour absence de base légale (paragraphe 62 ci-dessus). Or, tel n’est pas le cas en l’espèce. Il ressort du dossier que les autorités judiciaires bulgares n’ont à aucun moment considéré cette mesure comme illégale ou autrement contraire à l’article 5 de la Convention. La thèse du Gouvernement consiste d’ailleurs à dire que le placement du requérant était conforme au droit interne. Dès lors, la Cour conclut qu’aucune compensation ne pouvait être réclamée par le requérant en vertu de la disposition susmentionnée, faute de reconnaissance de l’irrégularité du placement par les autorités nationales.

187.  Quant à la possibilité de demander une indemnité pour des dommages causés par des actes illégaux des autorités en vertu de l’article 1 de la même loi (paragraphe 63 ci-dessus), la Cour observe que le Gouvernement n’a produit aucune décision interne indiquant que cette disposition est applicable à des placements dans des foyers sociaux de personnes atteintes de troubles mentaux sur la base des contrats de droit civil.

188.  En outre, aucun recours judiciaire permettant de faire contrôler la légalité du placement n’étant disponible en droit bulgare, le requérant ne pouvait invoquer la responsabilité de l’Etat pour obtenir une réparation pour la violation de l’article 5 § 4.

189.  Se pose ensuite la question de savoir si le prononcé du présent arrêt concluant à la violation des paragraphes 1 et 4 de l’article 5 permettra au requérant de demander réparation en droit bulgare. La Cour observe qu’il ne ressort pas de la législation pertinente qu’un tel recours existe ; le Gouvernement n’a d’ailleurs pas présenté d’arguments prouvant le contraire.

190.  Il n’a donc pas été démontré que le requérant pouvait se prévaloir, avant l’arrêt de la Cour, d’un droit à réparation, ou qu’il pourra se prévaloir d’un tel droit après le prononcé de l’arrêt, pour la violation de l’article 5 §§ 1 et 4.

191.  Par conséquent, il y a eu violation de l’article 5 § 5.

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