AUDIENCE SOLENNELLE DE LA COUR DE CASSATION

DU 10 JANVIER 2020

Pour plus de sécurité, fbls cour de cassation 2020 est sur : https://www.fbls.net/cassation2020.htm

"Une rentrée solennelle qui réclame le respect du droit
par le juge pour qu'il puisse être respecté"
Frédéric Fabre docteur en droit.

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- Discours de Madame la première présidente de la Cour de Cassation au format PDF

- Discours de Monsieur le Procureur Général près de la Cour de Cassation au format PDF

- Statistiques 2019 de la Cour de Cassation au format PDF

- La vidéo de la rentrée solennelle sur You Tube

- La commission Waserman pour aider les entrepreneurs en faillite, est un succès pour l'avenir

- La position du Procureur devant les juridictions, hors cour de cassation en France

- INTERVIEWS DE FRANCOIS MOLINS

- INTERVIEW DE CHANTAL ARENS

- INTERVIEWS DE CHANTAL ARENS ET FRANCOIS MOLINS

- LE RAPPORT 2020 DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPEEN DE LA JUSTICE DANS l'UE

- - OUVERTURE DE L'OPEN DATA

Nous pouvons analyser GRATUITEMENT et SANS AUCUN ENGAGEMENT vos griefs pour savoir s'ils sont susceptibles d'être recevables devant le parlement européen, la CEDH, le Haut Commissariat aux droits de l'homme, ou un autre organisme de règlement international de l'ONU. Contactez nous à fabre@fbls.net

Si vos griefs semblent recevables, pour augmenter réellement et concrètement vos chances, vous pouvez nous demander de vous assister pour rédiger votre requête, votre pétition ou votre communication individuelle.

LA COMMISSION WASERMAN POUR AIDER LES ENTREPRENEURS

EN FAILLITE EST UN SUCCES POUR L'AVENIR

SUCCES DE LA COMMISSION WASERMAN POUR L'AVENIR

La commission Waserman auprès de l'assemblée nationale du nom du vice-président de cette assemblée, réunie à la demande de l'association Aide Entreprise et de l'OSDEI, examine trente dossiers de liquidation judiciaire qui durent dans les délais non raisonnables de 20 ou 30 ans.

Pendant ce temps, l'entrepreneur perd tous ses droits patrimoniaux et ne peut pas "refaire sa vie". Il est dans une situation où il est poussé au suicide ou meurt de privations ou d'angoisses insoutenables.

Nous avons pu obtenir une avancée jurisprudentielle grâce à la pression de la CEDH dans trois décisions auprès du TGI de Paris.

https://www.fbls.net/6-1delai1.htm#PL2

La rentrée solennelle de la Cour de Cassation du 10 janvier 2020 démontre que cette commission Waserman est déjà un succès.

Monsieur Waserman, vice-président de l'Assemblée Nationale était au premier rang, face à Madame la Première Présidente de la Cour de Cassation, sous le regard sévère pour ne pas dire plus, de Madame Agnès Mouillard, Présidente de la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation assise à droite de Madame la Première Présidente.

Un rappel à la protection des droits fondamentaux s'impose aux autorités judiciaires françaises et nous le faisons en employant les procédures internationales:

https://www.fbls.net/cedh.htm

https://www.fbls.net/onu.htm

Il n'y a rien de personnel contre cette dame bien au contraire, mais la jurisprudence de la chambre commerciale et par ricochet de la première chambre civile de la Cour de Cassation, doivent évoluer.  

La jurisprudence actuelle de la Cour de Cassation, a pour effet de tuer les entrepreneurs en faillite ou leur famille et de faire vivre des liquidateurs judiciaires qui par leur technicité, donnent une apparence légale à des pratiques incompatibles avec les principes d'un Etat démocratique.

Frédéric Fabre

LA POSITION DU PROCUREUR HORS COUR DE CASSATION EN FRANCE

Le Commentaire de l'arrêt du 12 décembre 2019 de la Cour de Justice de l'Union Européenne présenté par Monsieur le Procureur Général près de la Cour de Cassation, pour dire que le parquet français est suffisamment indépendant pour émettre un Mandat d'Arrêt Européen.

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

12 décembre 2019

« Renvoi préjudiciel – Procédure préjudicielle d’urgence – Coopération policière et judiciaire en matière pénale – Mandat d’arrêt européen – Décision-cadre 2002/584/JAI – Article 6, paragraphe 1 – Notion d’“autorité judiciaire d’émission” – Critères – Mandat d’arrêt européen émis par le parquet d’un État membre aux fins de poursuites pénales »

Dans les affaires jointes C‑566/19 PPU et C‑626/19 PPU,

ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites respectivement par la Cour d’appel (Luxembourg), par décision du 9 juillet 2019, parvenue à la Cour le 25 juillet 2019, et par le rechtbank Amsterdam (tribunal d’Amsterdam, Pays-Bas), par décision du 22 août 2019, parvenue à la Cour le 22 août 2019, dans les procédures relatives à l’exécution de mandats d’arrêt européens émis à l’encontre de

JR (C‑566/19 PPU),

YC (C‑626/19 PPU),

LA COUR (première chambre),

composée de M. J.-C. Bonichot, président de chambre, MM. M. Safjan, L. Bay Larsen, Mme C. Toader (rapporteure) et M. N. Jääskinen, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : Mme M. Ferreira, administratrice principale,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 octobre 2019,

considérant les observations présentées :

–        pour JR, par Mes P.-F. Onimus, E. Moyne, G. Goubin et F. Joyeux, avocats,

–        pour YC, par Mes T. E. Korff et H. G. Koopman, advocaten,

–        pour le Parquet général du Grand-Duché de Luxembourg, par M. J. Petry,

–        pour l’Openbaar Ministerie, par M. K. van der Schaft et Mme N. Bakkenes,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mme M. K. Bulterman et M. J. Langer, en qualité d’agents,

–        pour l’Irlande, par Mmes G. Hodge et M. Browne, en qualité d’agents, assistées de M. R. Kennedy, SC,

–        pour le gouvernement espagnol, par M. L. Aguilera Ruiz, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement français, par Mmes A. Daniel et A.‑L. Desjonquères, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de Mme L. Fiandaca, avvocato dello Stato,

–        pour le gouvernement finlandais, par Mme M. Pere, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par Mme S. Grünheid et M. R. Troosters, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 26 novembre 2019,

rend le présent

Arrêt

1       Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 6, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres (JO 2002, L 190, p. 1), telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009 (JO 2009, L 81, p. 24) (ci-après la « décision-cadre 2002/584 »).

2      Ces demandes ont été présentées dans le cadre de l’exécution, respectivement au Luxembourg et aux Pays-Bas, de mandats d’arrêt européens émis, le 24 avril 2019, par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon (France), aux fins de poursuites pénales engagées à l’encontre de JR (affaire C‑566/19 PPU), et, le 27 mars 2019, par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Tours (France), aux fins de poursuites pénales engagées à l’encontre de YC (affaire C‑626/19 PPU).

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3      Les considérants 5, 6, 10 et 12 de la décision-cadre 2002/584 sont libellés comme suit :

« (5)      L’objectif assigné à l’Union de devenir un espace de liberté, de sécurité et de justice conduit à supprimer l’extradition entre États membres et à la remplacer par un système de remise entre autorités judiciaires. Par ailleurs, l’instauration d’un nouveau système simplifié de remise des personnes condamnées ou soupçonnées, aux fins d’exécution des jugements ou de poursuites, en matière pénale permet de supprimer la complexité et les risques de retard inhérents aux procédures d’extradition actuelles. Aux relations de coopération classiques qui ont prévalu jusqu’ici entre États membres, il convient de substituer un système de libre circulation des décisions judiciaires en matière pénale, tant pré-sentencielles que définitives, dans l’espace de liberté, de sécurité et de justice.

(6)      Le mandat d’arrêt européen prévu par la présente décision-cadre constitue la première concrétisation, dans le domaine du droit pénal, du principe de reconnaissance mutuelle que le Conseil européen a qualifié de “pierre angulaire” de la coopération judiciaire.

[...]

(10)      Le mécanisme du mandat d’arrêt européen repose sur un degré de confiance élevé entre les États membres. La mise en œuvre de celui-ci ne peut être suspendue qu’en cas de violation grave et persistante par un des États membres des principes énoncés à l’article 6, paragraphe 1, [UE], constatée par le Conseil en application de l’article 7, paragraphe 1, [UE] avec les conséquences prévues au paragraphe 2 du même article.

[...]

(12)      La présente décision-cadre respecte les droits fondamentaux et observe les principes reconnus par l’article 6 [UE] et reflétés dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne [...], notamment son chapitre VI. [...] »

4       L’article 1er de cette décision-cadre, intitulé « Définition du mandat d’arrêt européen et obligation de l’exécuter », dispose :

« 1.      Le mandat d’arrêt européen est une décision judiciaire émise par un État membre en vue de l’arrestation et de la remise par un autre État membre d’une personne recherchée pour l’exercice de poursuites pénales ou pour l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté.

2.      Les États membres exécutent tout mandat d’arrêt européen sur la base du principe de reconnaissance mutuelle et conformément aux dispositions de la présente décision-cadre.

3.      La présente décision-cadre ne saurait avoir pour effet de modifier l’obligation de respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux tels qu’ils sont consacrés par l’article 6 [UE]. »

5        L’article 2 de ladite décision-cadre, intitulé « Champ d’application du mandat d’arrêt européen », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Un mandat d’arrêt européen peut être émis pour des faits punis par la loi de l’État membre d’émission d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté d’un maximum d’au moins douze mois ou, lorsqu’une condamnation à une peine est intervenue ou qu’une mesure de sûreté a été infligée, pour des condamnations prononcées d’une durée d’au moins quatre mois. »

6      Aux termes de l’article 6 de la même décision-cadre, intitulé « Détermination des autorités judiciaires compétentes » :

« 1.      L’autorité judiciaire d’émission est l’autorité judiciaire de l’État membre d’émission qui est compétente pour délivrer un mandat d’arrêt européen en vertu du droit de cet État.

2.      L’autorité judiciaire d’exécution est l’autorité judiciaire de l’État membre d’exécution qui est compétente pour exécuter le mandat d’arrêt européen en vertu du droit de cet État.

3.      Chaque État membre informe le secrétariat général du Conseil de l’autorité judiciaire compétente selon son droit interne. »

 Le droit français

 La Constitution

7       Aux termes de l’article 64, premier alinéa, de la Constitution du 4 octobre 1958 :

« Le Président de la République est garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire. »

 L’ordonnance portant loi organique relative au statut de la magistrature

8       Aux termes de l’article 5 de l’ordonnance no 58-1270, du 22 décembre 1958, portant loi organique relative au statut de la magistrature (JORF du 23 décembre 1958, p. 11551) :

« Les magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous l’autorité du garde des sceaux, ministre de la justice. À l’audience, leur parole est libre. »

 Le CPP

9       Le livre Ier de la partie législative du code de procédure pénale (ci-après le « CPP »), intitulé « De la conduite de la politique pénale, de l’exercice de l’action publique et de l’instruction », se compose de quatre titres.

10     Le titre Ier du livre Ier du CPP, intitulé « Des autorités chargées de la conduite de la politique pénale, de l’action publique et de l’instruction », comprend notamment les articles 30, 31 et 36 de celui-ci. Cet article 30 énonce :

« Le ministre de la justice conduit la politique pénale déterminée par le Gouvernement. Il veille à la cohérence de son application sur le territoire de la République.

À cette fin, il adresse aux magistrats du ministère public des instructions générales.

Il ne peut leur adresser aucune instruction dans des affaires individuelles.

[...] »

11     L’article 31 du CPP est libellé comme suit :

« Le ministère public exerce l’action publique et requiert l’application de la loi, dans le respect du principe d’impartialité auquel il est tenu. »

12     L’article 36 du CPP dispose :

« Le procureur général peut enjoindre aux procureurs de la République, par instructions écrites et versées au dossier de la procédure, d’engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites que le procureur général juge opportunes. »

13     Le titre III du livre Ier du CPP, intitulé « Des juridictions d’instruction », comprend, notamment, un chapitre Ier, lui-même intitulé « Du juge d’instruction : juridiction d’instruction du premier degré » et subdivisé en treize sections.

14      L’article 122 du CPP, qui figure sous la section 6 de ce chapitre Ier, intitulée « Des mandats et de leur exécution », dispose :

« Le juge d’instruction peut, selon les cas, décerner mandat de recherche, de comparution, d’amener ou d’arrêt. Le juge des libertés et de la détention peut décerner mandat de dépôt.

[...]

Le mandat d’arrêt est l’ordre donné à la force publique de rechercher la personne à l’encontre de laquelle il est décerné et de la conduire devant lui après l’avoir, le cas échéant, conduite à la maison d’arrêt indiquée sur le mandat, où elle sera reçue et détenue.

[...] »

15     Aux termes de l’article 131 du CPP, qui fait également partie de cette section 6 :

« Si la personne est en fuite ou si elle réside hors du territoire de la République, le juge d’instruction, après avis du procureur de la République, peut décerner contre elle un mandat d’arrêt si le fait comporte une peine d’emprisonnement correctionnelle ou une peine plus grave. »

16     L’article 170 du CPP, qui figure dans la section 10 du chapitre Ier du titre III du livre Ier de celui-ci, elle-même intitulée « Des nullité de l’information », dispose :

« En toute matière, la chambre de l’instruction peut, au cours de l’information, être saisie aux fins d’annulation d’un acte ou d’une pièce de la procédure par le juge d’instruction, par le procureur de la République, par les parties ou par le témoin assisté. »

17     Le livre IV du CPP, consacré à « [q]uelques procédures particulières », comprend, notamment, un titre X, intitulé « De l’entraide judiciaire internationale » et subdivisé en sept chapitres, dont le chapitre IV est intitulé « Du mandat d’arrêt européen, des procédures de remise entre États membres de l’Union européenne résultant de la décision-cadre du Conseil de l’Union européenne du 13 juin 2002 et des procédures de remise résultant d’accords conclus par l’Union européenne avec d’autres États ». L’article 695-16 du CPP, qui figure dans ce chapitre IV, prévoit, à son premier alinéa :

« Le ministère public près la juridiction d’instruction, de jugement ou d’application des peines ayant décerné un mandat d’arrêt met celui-ci à exécution sous la forme d’un mandat d’arrêt européen soit à la demande de la juridiction, soit d’office, selon les règles et sous les conditions déterminées par les articles 695-12 à 695-15. »

 Les litiges au principal et les questions préjudicielles

 L’affaire C-566/19 PPU

18      Le 24 avril 2019, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon a émis un mandat d’arrêt européen aux fins de poursuites pénales engagées à l’encontre de JR, soupçonné d’avoir été impliqué dans des infractions liées à une organisation criminelle.

19     Ce mandat était émis en exécution d’un mandat d’arrêt national décerné le même jour par le juge d’instruction du tribunal de grande instance de Lyon.

20     Ce même 24 avril 2019, JR a été arrêté au Luxembourg sur la base du mandat d’arrêt européen. Toutefois, le 25 avril 2019, le juge d’instruction du tribunal d’arrondissement de Luxembourg (Luxembourg) auquel JR avait été présenté a remis ce dernier en liberté, après avoir considéré que la description des faits figurant dans ledit mandat d’arrêt européen était très succincte et ne lui permettait pas de comprendre la nature des infractions reprochées à JR.

21     Le 28 mai 2019, le procureur d’État du Luxembourg (Luxembourg) a demandé à la chambre du conseil du tribunal d’arrondissement de Luxembourg de déclarer qu’il y avait lieu de remettre JR aux autorités françaises.

22    Par ordonnance du 19 juin 2019, la chambre du conseil du tribunal d’arrondissement de Luxembourg s’est déclarée incompétente pour connaître de la demande en nullité dudit mandat d’arrêt européen introduite par JR et a accueilli la demande de remise de ce dernier aux autorités françaises.

23     JR a interjeté appel de cette ordonnance devant la Cour d’appel (Luxembourg) en soutenant, à titre principal, que les magistrats du parquet en France ne sauraient être qualifiés d’autorité judiciaire d’émission, au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584, dans la mesure où ils peuvent être soumis à des instructions indirectes de la part du pouvoir exécutif.

24     La juridiction de renvoi considère que, à première vue, les magistrats du ministère public pourraient être regardés comme répondant aux exigences d’indépendance posées par l’arrêt du 27 mai 2019, OG et PI (Parquets de Lübeck et de Zwickau) (C‑508/18 et C‑82/19 PPU, EU:C:2019:456), dans la mesure où, selon l’article 30 du CPP, le ministre de la Justice ne peut leur adresser des instructions dans des affaires individuelles. Néanmoins, cette juridiction relève que l’article 36 du CPP autorise le procureur général, s’il le juge opportun, à enjoindre aux procureurs de la République, par instructions écrites, d’engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de réquisitions écrites.

25     Ainsi, et en se référant aux conclusions de l’avocat général Campos Sánchez-Bordona dans les affaires OG et PI (Parquets de Lübeck et de Zwickau) (C‑508/18 et C‑82/19 PPU, EU:C:2019:337), la juridiction de renvoi se demande si ce lien hiérarchique est compatible avec les exigences d’indépendance requises aux fins de qualifier une autorité nationale d’autorité judiciaire d’émission, au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584.

26     Cette juridiction fait également valoir que le ministère public se caractérise par son indivisibilité, dans le sens où un acte accompli par l’un de ses membres l’est au nom de tout le ministère public. En outre, censé contrôler, dans une affaire, le respect des conditions nécessaires à l’émission d’un mandat d’arrêt européen et examiner son caractère proportionné, le ministère public serait en même temps l’autorité chargée des poursuites pénales dans la même affaire, de sorte que son impartialité pourrait être sujette à caution.

27     Dans ces conditions, la Cour d’appel a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Le ministère public français près la juridiction d’instruction ou de jugement, compétent en France en vertu du droit de cet État, pour délivrer un mandat d’arrêt européen, peut-il être considéré comme autorité judiciaire d’émission, dans le sens autonome visé à l’article 6, paragraphe 1, de la décision-cadre [2002/584], dans l’hypothèse où, censé contrôler le respect des conditions nécessaires à l’émission d’un mandat d’arrêt européen et examiner son caractère proportionné eu égard aux circonstances du dossier répressif, il est en même temps l’autorité chargée des poursuites pénales dans la même affaire ? »

 L’affaire C-626/19 PPU

28     Le 27 mars 2019, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Tours a émis un mandat d’arrêt européen aux fins de poursuites pénales engagées à l’encontre de YC, soupçonné d’avoir participé en France à une attaque à main armée.

29     Ce mandat était émis en exécution d’un mandat d’arrêt national délivré le même jour par le juge d’instruction du tribunal de grande instance de Tours.

30     Le 5 avril 2019, YC a été arrêté aux Pays-Bas sur la base du mandat d’arrêt européen.

31     Le même jour, l’Openbaar Ministerie (ministère public, Pays-Bas) a, en application de l’article 23 de l’Overleveringswet (loi relative à la remise), du 29 avril 2004, dans sa version applicable à l’affaire au principal, saisi le rechtbank Amsterdam (tribunal d’Amsterdam, Pays-Bas) pour examen dudit mandat d’arrêt européen.

32      La juridiction de renvoi considère que, ainsi qu’il ressort des points 50, 74 et 75 de l’arrêt du 27 mai 2019, OG et PI (Parquets de Lübeck et de Zwickau) (C‑508/18 et C‑82/19 PPU, EU:C:2019:456), un procureur peut être qualifié d’autorité judiciaire d’émission, au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584, s’il participe à l’administration de la justice dans l’État membre d’émission, s’il agit de manière indépendante et si sa décision d’émettre un mandat d’arrêt européen est susceptible de faire l’objet d’un recours juridictionnel.

33     En l’occurrence, de l’avis de cette juridiction, les deux premières exigences sont remplies dans la mesure où, en France, les magistrats du ministère public participent à l’administration de la justice et ne sont pas exposés au risque d’être soumis, directement ou indirectement, à des ordres ou à des instructions individuelles de la part du pouvoir exécutif.

34     En revanche, concernant la troisième exigence, ladite juridiction fait observer que, ainsi qu’il ressort des informations qui lui ont été fournies par les autorités françaises, la décision d’émettre un mandat d’arrêt européen et son caractère proportionné ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel distinct. Toutefois, dans la pratique, lors de la délivrance du mandat d’arrêt national dont procède le mandat d’arrêt européen, le juge d’instruction examinerait également les conditions et la proportionnalité de l’émission de ce dernier mandat.

35     Compte tenu de ces considérations, la juridiction de renvoi se demande, en premier lieu, si l’appréciation judiciaire portée lors de la délivrance du mandat d’arrêt national, et donc préalablement à la décision effective du ministère public d’émettre le mandat d’arrêt européen, sur la proportionnalité de l’émission éventuelle de ce dernier mandat est conforme, en substance, aux exigences posées par le point 75 de l’arrêt du 27 mai 2019, OG et PI (Parquets de Lübeck et de Zwickau) (C‑508/18 et C‑82/19 PPU, EU:C:2019:456), aux termes duquel la décision du ministère public d’émettre un mandat d’arrêt européen doit pouvoir faire l’objet d’un recours juridictionnel satisfaisant pleinement aux conditions inhérentes à une protection juridictionnelle effective.

36     En second lieu, eu égard au fait que, selon les informations qui lui ont été fournies par les autorités françaises, un juge peut être saisi d’une requête en nullité du mandat d’arrêt européen par la personne concernée après sa remise effective à l’État membre d’émission, la juridiction de renvoi pose la question de savoir si cette faculté satisfait à ces mêmes exigences.

37     Dans ces conditions, le rechtbank Amsterdam (tribunal d’Amsterdam) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Un procureur qui participe à l’administration de la justice dans l’État membre d’émission, qui agit de manière indépendante dans l’exercice des tâches inhérentes à l’émission d’un mandat d’arrêt européen et qui a émis un mandat d’arrêt européen peut-il être qualifié d’autorité judiciaire d’émission au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la décision-cadre [2002/584] si, dans l’État membre d’émission, préalablement à la décision effective de ce procureur d’émettre le mandat d’arrêt européen, un juge a apprécié les conditions d’émission d’un mandat d’arrêt européen et, notamment, sa proportionnalité ?

2)      Si la première question appelle une réponse négative : la condition visée au point 75 de l’arrêt du 27 mai 2019, OG et PI (Parquets de Lübeck et de Zwickau) (C‑508/18 et C‑82/19 PPU, EU:C:2019:456), voulant que la décision du procureur d’émettre un mandat d’arrêt européen et, notamment, le caractère proportionné d’une telle décision doivent pouvoir faire l’objet d’un recours juridictionnel qui satisfait pleinement aux conditions inhérentes à une protection juridictionnelle effective, est-elle remplie si une voie de droit est ouverte à la personne recherchée, après sa remise effective, dans laquelle la nullité du mandat d’arrêt européen peut être invoquée devant le juge dans l’État membre d’émission et dans laquelle ce juge examine notamment le caractère proportionné de la décision d’émettre ce mandat d’arrêt européen ? »

38     Par décision du président de la Cour du 17 septembre 2019, les affaires C‑566/19 PPU et C‑626/19 PPU ont été jointes aux fins des procédures écrites et orales ainsi que de l’arrêt.

 Sur la procédure d’urgence

39     Le 17 septembre 2019, la première chambre de la Cour a décidé, sur proposition de la juge rapporteure, l’avocat général entendu, de soumettre à la procédure préjudicielle d’urgence les renvois dans les affaires C‑566/19 PPU et C‑626/19 PPU.

40     En effet, après avoir relevé que les deux renvois préjudiciels portaient sur l’interprétation de la décision-cadre 2002/584, qui relève du titre V de la troisième partie du traité FUE, relatif à l’espace de liberté, de sécurité et de justice, et étaient donc susceptibles d’être soumis à la procédure préjudicielle d’urgence prévue à l’article 23 bis du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et à l’article 107 du règlement de procédure de la Cour, la première chambre de la Cour a relevé, s’agissant de l’affaire C‑626/19 PPU, pour laquelle le rechtbank Amsterdam (tribunal d’Amsterdam) avait demandé qu’elle soit soumise à cette procédure, que YC était privé de liberté et que son maintien en détention dépendait de la solution du litige au principal. Quant à l’affaire C‑566/19 PPU, la première chambre de la Cour a considéré que, si JR n’était pas privé de liberté, la question soulevée dans cette affaire était intrinsèquement liée à celles en cause dans l’affaire C‑626/19 PPU, de sorte qu’il convenait, pour répondre aux exigences d’une bonne administration de la justice, de soumettre d’office ladite affaire à la procédure préjudicielle d’urgence.

 Sur les questions préjudicielles

41     Par leurs questions, qu’il convient d’examiner ensemble, les juridictions de renvoi demandent, en substance, d’une part, si l’article 6, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584 doit être interprété en ce sens que relèvent de la notion d’« autorité judiciaire d’émission », au sens de cette disposition, les magistrats du parquet d’un État membre, chargés de l’action publique et placés sous la direction et le contrôle de leurs supérieurs hiérarchiques, et, d’autre part, si l’exigence du contrôle du respect des conditions nécessaires à l’émission du mandat d’arrêt européen aux fins de poursuites pénales et notamment de son caractère proportionné, auquel le point 75 de l’arrêt du 27 mai 2019, OG et PI (Parquets de Lübeck et de Zwickau) (C‑508/18 et C‑82/19 PPU, EU:C:2019:456), fait référence, est satisfaite lorsque, dans l’État membre d’émission, un juge exerce ce contrôle et examine le caractère proportionné de la décision d’émettre un mandat d’arrêt européen avant son adoption et si, à défaut, tel est le cas quand un contrôle juridictionnel peut également être exercé contre cette décision, après la remise effective de la personne recherchée.

 Observations liminaires

42     Il convient de rappeler d’emblée que tant le principe de confiance mutuelle entre les États membres que le principe de reconnaissance mutuelle, qui repose lui-même sur la confiance réciproque entre ces derniers, ont, dans le droit de l’Union, une importance fondamentale, étant donné qu’ils permettent la création et le maintien d’un espace sans frontières intérieures. Plus spécifiquement, le principe de confiance mutuelle impose, notamment en ce qui concerne l’espace de liberté, de sécurité et de justice, à chacun de ces États de considérer, sauf dans des circonstances exceptionnelles, que tous les autres États membres respectent le droit de l’Union et, tout particulièrement, les droits fondamentaux reconnus par ce droit [arrêt du 25 juillet 2018, Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire), C‑216/18 PPU, EU:C:2018:586, point 36 et jurisprudence citée].

43     Il y a également lieu de faire observer que la décision-cadre 2002/584, ainsi qu’il ressort de son considérant 6, constitue la première concrétisation dans le domaine du droit pénal du principe de reconnaissance mutuelle des jugements et des décisions judiciaires, consacré à l’article 82, paragraphe 1, TFUE, qui a remplacé l’article 31 UE sur le fondement duquel cette décision-cadre a été adoptée. Depuis, la coopération judiciaire en matière pénale s’est dotée progressivement d’instruments juridiques dont l’application coordonnée est destinée à renforcer la confiance des États membres envers leurs ordres juridiques nationaux respectifs dans le but d’assurer la reconnaissance et l’exécution dans l’Union des jugements en matière pénale afin d’éviter toute impunité des auteurs d’infractions.

44     Le principe de reconnaissance mutuelle, qui sous-tend l’économie de la décision-cadre 2002/584, implique, en vertu de l’article 1er, paragraphe 2, de cette dernière, que les États membres sont en principe tenus de donner suite à un mandat d’arrêt européen (arrêt du 16 novembre 2010, Mantello, C‑261/09, EU:C:2010:683, point 36 et jurisprudence citée).

45    En effet, selon les dispositions de la décision-cadre 2002/584, les États membres ne peuvent refuser d’exécuter un tel mandat que dans les cas de non-exécution obligatoire prévus à l’article 3 de celle-ci ainsi que dans les cas de non-exécution facultative énumérés à ses articles 4 et 4 bis. En outre, l’autorité judiciaire d’exécution ne peut subordonner l’exécution d’un mandat d’arrêt européen qu’aux seules conditions définies à l’article 5 de ladite décision-cadre (arrêt du 29 janvier 2013, Radu, C‑396/11, EU:C:2013:39, point 36 et jurisprudence citée).

46     Il convient également de faire observer que l’efficacité et le bon fonctionnement du système simplifié de remise des personnes condamnées ou soupçonnées d’avoir enfreint la loi pénale, établi par la décision-cadre 2002/584, reposent sur le respect de certaines exigences fixées par cette décision-cadre, dont la portée a été précisée par la jurisprudence de la Cour.

47     En l’occurrence, les exigences à l’égard desquelles les juridictions de renvoi demandent des clarifications visent, d’une part, la notion d’« autorité judiciaire d’émission », au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584, et, d’autre part, la portée de la protection juridictionnelle effective qui doit être assurée aux personnes faisant l’objet d’un mandat d’arrêt européen.

48     À cet égard, et ainsi que l’a également relevé M. l’avocat général au point 70 de ses conclusions, l’existence d’un recours juridictionnel contre la décision d’émettre un mandat d’arrêt européen prise par une autorité autre qu’une juridiction ne constitue pas une condition pour que cette autorité puisse être qualifiée d’autorité judiciaire d’émission, au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584. Une telle exigence ne relève pas des règles statutaires et organisationnelles de ladite autorité, mais concerne la procédure d’émission d’un tel mandat.

49      Cette interprétation est confortée par l’arrêt du 27 mai 2019, PF (Procureur général de Lituanie) (C‑509/18, EU:C:2019:457), dans lequel la Cour a jugé que le procureur général d’un État membre qui, tout en étant structurellement indépendant du pouvoir judiciaire, est compétent pour exercer les poursuites pénales et dont le statut, dans cet État membre, lui confère une garantie d’indépendance par rapport au pouvoir exécutif dans le cadre de l’émission du mandat d’arrêt européen doit être qualifié d’autorité judiciaire d’émission, au sens de la décision-cadre 2002/584, et a laissé à la juridiction de renvoi le soin de vérifier, par ailleurs, si les décisions de ce procureur peuvent faire l’objet d’un recours satisfaisant pleinement aux exigences inhérentes à une protection juridictionnelle effective.

 Sur la notion d’« autorité judiciaire d’émission »

50      L’article 6, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584 désigne l’autorité judiciaire d’émission comme étant l’autorité judiciaire de l’État membre d’émission qui est compétente pour délivrer un mandat d’arrêt européen en vertu du droit de cet État.

51     Selon la jurisprudence de la Cour, si, conformément au principe d’autonomie procédurale, les États membres peuvent désigner, selon leur droit national, l’« autorité judiciaire » ayant compétence pour émettre un mandat d’arrêt européen, le sens et la portée de cette notion ne sauraient être laissés à l’appréciation de chaque État membre, ladite notion requérant, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte à la fois des termes de l’article 6, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584, du contexte dans lequel il s’insère et de l’objectif poursuivi par cette décision-cadre [voir, en ce sens, arrêt du 27 mai 2019, OG et PI (Parquets de Lübeck et de Zwickau), C‑508/18 et C‑82/19 PPU, EU:C:2019:456, points 48 et 49 ainsi que jurisprudence citée].

52      Ainsi, la Cour a dit pour droit que la notion d’« autorité judiciaire d’émission », au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584, est susceptible d’englober les autorités d’un État membre qui, sans nécessairement être des juges ou des juridictions, participent à l’administration de la justice pénale de cet État membre et agissent de manière indépendante dans l’exercice des fonctions inhérentes à l’émission d’un mandat d’arrêt européen, ladite indépendance exigeant qu’il existe des règles statutaires et organisationnelles propres à garantir que l’autorité judiciaire d’émission ne soit pas exposée, dans le cadre de l’adoption d’une décision d’émettre un tel mandat d’arrêt, à un quelconque risque d’être soumise notamment à une instruction individuelle de la part du pouvoir exécutif [voir, en ce sens, arrêt du 27 mai 2019, OG et PI (Parquets de Lübeck et de Zwickau), C‑508/18 et C‑82/19 PPU, EU:C:2019:456 , points 51 et 74].

53     En l’occurrence, la participation à l’administration de la justice pénale des membres du parquet, qui en France ont la qualité de magistrats, n’est pas contestée.

54      S’agissant de la question de savoir si ces magistrats agissent de manière indépendante dans l’exercice des fonctions inhérentes à l’émission d’un mandat d’arrêt européen, il ressort des observations écrites et orales présentées lors de l’audience devant la Cour par le gouvernement français que l’article 64 de la Constitution garantit l’indépendance de l’autorité judiciaire qui est composée des magistrats du siège et des magistrats du parquet et que, en vertu de l’article 30 du CPP, le ministère public exerce ses fonctions de manière objective à l’abri de toute instruction individuelle émanant du pouvoir exécutif, le ministre de la Justice pouvant seulement adresser aux magistrats du parquet des instructions générales de politique pénale afin d’assurer la cohérence de cette politique sur l’ensemble du territoire. Selon ce gouvernement, ces instructions générales ne sauraient en aucun cas avoir pour effet d’empêcher un magistrat du parquet d’exercer son pouvoir d’appréciation quant au caractère proportionné de l’émission d’un mandat d’arrêt européen. En outre, conformément à l’article 31 du CPP, le ministère public exercerait l’action publique et requerrait l’application de la loi dans le respect du principe d’impartialité.

55    De tels éléments suffisent à démontrer que, en France, les magistrats du parquet disposent du pouvoir d’apprécier de manière indépendante, notamment par rapport au pouvoir exécutif, la nécessité et le caractère proportionné de l’émission d’un mandat d’arrêt européen et exercent ce pouvoir de manière objective, en prenant en compte tous les éléments à charge et à décharge.

56   S’il est vrai que les magistrats du parquet sont tenus de se conformer aux instructions émanant de leurs supérieurs hiérarchiques, il ressort de la jurisprudence de la Cour, notamment des arrêts du 27 mai 2019, OG et PI (Parquets de Lübeck et de Zwickau) (C‑508/18 et C‑82/19 PPU, EU:C:2019:456), ainsi que du 27 mai 2019, PF (Procureur général de Lituanie) (C‑509/18, EU:C:2019:457), que l’exigence d’indépendance, qui exclut que le pouvoir décisionnel des premiers fasse l’objet d’instructions extérieures au pouvoir judiciaire, émanant notamment du pouvoir exécutif, ne prohibe pas les instructions internes qui peuvent être données aux magistrats du parquet par leurs supérieurs hiérarchiques, eux-mêmes magistrats du parquet, sur la base du lien de subordination qui régit le fonctionnement du ministère public.

57      L’indépendance du ministère public n’est pas non plus remise en cause par le fait que celui-ci est chargé de l’exercice de l’action publique. En effet, ainsi que le Parquet général du Grand-Duché de Luxembourg l’a relevé lors de l’audience devant la Cour, la notion d’« autorité judiciaire d’émission », au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584, ne vise pas seulement les juges ou les juridictions d’un État membre. À cet égard, la Cour a jugé que cette notion s’applique également au procureur général d’un État membre compétent pour exercer les poursuites pénales, pourvu que son statut lui confère une garantie d’indépendance par rapport au pouvoir exécutif dans le cadre de l’émission du mandat d’arrêt européen [voir, en ce sens, arrêt du 27 mai 2019, PF (Procureur général de Lituanie), C‑509/18, EU:C:2019:457, point 57].

58     Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient d’interpréter l’article 6, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584 en ce sens que relèvent de la notion d’« autorité judiciaire d’émission », au sens de cette disposition, les magistrats du parquet d’un État membre, chargés de l’action publique et placés sous la direction et le contrôle de leurs supérieurs hiérarchiques, dès lors que leur statut leur confère une garantie d’indépendance, notamment par rapport au pouvoir exécutif, dans le cadre de l’émission du mandat d’arrêt européen.

 Sur le droit à une protection juridictionnelle effective

59    Le système du mandat d’arrêt européen comporte une protection à deux niveaux des droits en matière de procédure et des droits fondamentaux dont doit bénéficier la personne recherchée, dès lors que, à la protection judiciaire prévue au premier niveau, lors de l’adoption d’une décision nationale, telle qu’un mandat d’arrêt national, s’ajoute celle devant être assurée au second niveau, lors de l’émission du mandat d’arrêt européen, laquelle peut intervenir, le cas échéant, dans des délais brefs, après l’adoption de ladite décision judiciaire nationale [arrêt du 27 mai 2019, OG et PI (Parquets de Lübeck et de Zwickau), C‑508/18 et C‑82/19 PPU, EU:C:2019:456, point 67 ainsi que jurisprudence citée].

60     Ainsi, s’agissant d’une mesure qui, telle que l’émission d’un mandat d’arrêt européen, est de nature à porter atteinte au droit à la liberté de la personne concernée, cette protection implique qu’une décision satisfaisant aux exigences inhérentes à une protection juridictionnelle effective soit adoptée, à tout le moins, à l’un des deux niveaux de ladite protection [arrêt du 27 mai 2019, OG et PI (Parquets de Lübeck et de Zwickau), C‑508/18 et C‑82/19 PPU, EU:C:2019:456, point 68].

61    En particulier, le second niveau de protection des droits de la personne concernée suppose que l’autorité judiciaire d’émission contrôle le respect des conditions nécessaires à cette émission et examine de façon objective, en prenant en compte tous les éléments à charge et à décharge, et sans être exposée au risque d’être soumise à des instructions extérieures, notamment de la part du pouvoir exécutif, si ladite émission revêt un caractère proportionné [voir, en ce sens, arrêt du 27 mai 2019, OG et PI (Parquets de Lübeck et de Zwickau), C‑508/18 et C‑82/19 PPU, EU:C:2019:456, points 71 et 73].

62    Par ailleurs, lorsque le droit de l’État membre d’émission attribue la compétence pour émettre un mandat d’arrêt européen à une autorité qui, tout en participant à l’administration de la justice de cet État membre, n’est pas elle-même une juridiction, la décision d’émettre un tel mandat d’arrêt et, notamment, le caractère proportionné d’une telle décision doivent pouvoir être soumis, dans ledit État membre, à un recours juridictionnel qui satisfait pleinement aux exigences inhérentes à une protection juridictionnelle effective [arrêt du 27 mai 2019, OG et PI (Parquets de Lübeck et de Zwickau), C‑508/18 et C‑82/19 PPU, EU:C:2019:456, point 75].

63     Un tel recours contre la décision d’émettre un mandat d’arrêt européen prise par une autorité qui, tout en participant à l’administration de la justice et jouissant de l’indépendance requise par rapport au pouvoir exécutif, ne constitue pas une juridiction vise à s’assurer que le contrôle du respect des conditions nécessaires à l’émission d’un mandat d’arrêt européen aux fins de poursuites pénales et notamment son caractère proportionné est exercé dans le cadre d’une procédure qui respecte les exigences découlant d’une protection juridictionnelle effective.

64      Il revient, dès lors, aux États membres de veiller à ce que leurs ordres juridiques garantissent de manière effective le niveau de protection juridictionnelle requis par la décision-cadre 2002/584, telle qu’interprétée par la jurisprudence de la Cour, au moyen de règles procédurales qu’ils mettent en œuvre et qui peuvent différer d’un système à l’autre.

65      En particulier, l’instauration d’un droit de recours distinct contre la décision d’émettre un mandat d’arrêt européen prise par une autorité judiciaire autre qu’une juridiction ne constitue qu’une possibilité à cet égard.

66     En effet, la décision-cadre 2002/584 n’empêche pas un État membre d’appliquer ses règles procédurales à l’égard de l’émission d’un mandat d’arrêt européen pour autant qu’il n’est pas fait échec à l’objectif de cette décision-cadre et aux exigences découlant de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 30 mai 2013, F, C‑168/13 PPU, EU:C:2013:358, point 53).

67     En l’occurrence, ainsi qu’il ressort du dossier dont dispose la Cour, l’émission d’un mandat d’arrêt européen aux fins de poursuites pénales procède nécessairement, dans l’ordre juridique français, d’un mandat d’arrêt national décerné par une juridiction, généralement le juge d’instruction. Selon l’article 131 du CPP, si la personne recherchée est en fuite ou si elle réside hors du territoire français, le juge d’instruction, après avis du procureur de la République, peut décerner contre elle un mandat d’arrêt si le fait reproché comporte une peine d’emprisonnement correctionnelle ou une peine plus grave.

68      Il résulte du renvoi préjudiciel dans l’affaire C‑626/19 PPU que, lorsqu’un mandat d’arrêt européen aux fins de poursuites pénales est émis par le ministère public, la juridiction ayant décerné le mandat d’arrêt national sur la base duquel le mandat d’arrêt européen a été émis demande concomitamment au ministère public d’émettre un mandat d’arrêt européen et opère une appréciation des conditions nécessaires à l’émission d’un tel mandat d’arrêt européen et notamment de son caractère proportionné.

69      En outre, selon le gouvernement français, dans l’ordre juridique français, la décision d’émettre un mandat d’arrêt européen peut, en tant qu’acte de procédure, faire l’objet d’une action en nullité sur le fondement de l’article 170 du CPP. Une telle action, ouverte aussi longtemps que se déroule l’instruction pénale, permet aux parties à la procédure de faire respecter leurs droits. Si le mandat d’arrêt européen est émis à l’encontre d’une personne qui n’est pas encore partie à la procédure, celle-ci pourra exercer l’action en nullité après sa remise effective et sa comparution devant le juge d’instruction.

70      L’existence, dans l’ordre juridique français, de telles règles procédurales met ainsi en évidence que le caractère proportionné de la décision du ministère public d’émettre un mandat d’arrêt européen peut faire l’objet d’un contrôle juridictionnel préalable, voire quasi concomitant à son émission, et, en toute hypothèse, après l’émission du mandat d’arrêt européen, cet examen pouvant alors intervenir, selon le cas, avant ou après la remise effective de la personne recherchée.

71     Un tel système répond, dès lors, à l’exigence d’une protection juridictionnelle effective.

72      En outre, ainsi qu’il a été rappelé au point 43 du présent arrêt, la décision-cadre 2002/584 s’insère dans un système global de garanties relatives à la protection juridictionnelle effective prévues par d’autres réglementations de l’Union, adoptées dans le domaine de la coopération judiciaire en matière pénale, qui concourent à faciliter à la personne recherchée sur le fondement d’un mandat d’arrêt européen l’exercice de ses droits, avant même sa remise à l’État membre d’émission.

73      En particulier, l’article 10 de la directive 2013/48/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2013, relative au droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales et des procédures relatives au mandat d’arrêt européen, au droit d’informer un tiers dès la privation de liberté et au droit des personnes privées de liberté de communiquer avec des tiers et avec les autorités consulaires (JO 2013, L 294, p. 1), impose à l’autorité compétente de l’État membre d’exécution d’informer sans retard indu après la privation de liberté les personnes dont la remise est demandée qu’elles ont le droit de désigner un avocat dans l’État membre d’émission.

74.    Eu égard à ces considérations, il y a lieu de répondre aux questions posées que l’article 6, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584 doit être interprété en ce sens que relèvent de la notion d’« autorité judiciaire d’émission », au sens de cette disposition, les magistrats du parquet d’un État membre, chargés de l’action publique et placés sous la direction et le contrôle de leurs supérieurs hiérarchiques, dès lors que leur statut leur confère une garantie d’indépendance, notamment par rapport au pouvoir exécutif, dans le cadre de l’émission du mandat d’arrêt européen. La décision-cadre 2002/584 doit être interprétée en ce sens que les exigences inhérentes à une protection juridictionnelle effective dont doit bénéficier une personne à l’égard de laquelle est émis un mandat d’arrêt européen aux fins de poursuites pénales sont remplies dès lors que, selon la législation de l’État membre d’émission, les conditions de délivrance de ce mandat et notamment son caractère proportionné font l’objet d’un contrôle juridictionnel dans cet État membre.

 Sur les dépens

75.      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

L’article 6, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres, telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009, doit être interprété en ce sens que relèvent de la notion d’« autorité judiciaire d’émission », au sens de cette disposition, les magistrats du parquet d’un État membre, chargés de l’action publique et placés sous la direction et le contrôle de leurs supérieurs hiérarchiques, dès lors que leur statut leur confère une garantie d’indépendance, notamment par rapport au pouvoir exécutif, dans le cadre de l’émission du mandat d’arrêt européen.

La décision-cadre 2002/584, telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299, doit être interprétée en ce sens que les exigences inhérentes à une protection juridictionnelle effective dont doit bénéficier une personne à l’égard de laquelle est émis un mandat d’arrêt européen aux fins de poursuites pénales sont remplies dès lors que, selon la législation de l’État membre d’émission, les conditions de délivrance de ce mandat et notamment son caractère proportionné font l’objet d’un contrôle juridictionnel dans cet État membre.

FREDERIC FABRE APPORTE TROIS NUANCES

AUX PROPOS DE MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL

Nous avons mis en gras les points 67 à 70 qui limitent l'action du parquet français. Il joue essentiellement le rôle de facteur. Certes, un facteur intelligent qui peut influencer le juge du siège sur le caractère proportionné du Mandat d'Arrêt Européen, mais un facteur tout de même. C'est une confirmation de cet arrêt :

LE MANDAT D'ARRÊT EUROPEEN DOIT ÊTRE LA REPRODUCTION DU MANDAT D'ARRÊT DU JUGE DU SIEGE QUI DOIT LE CONTRÔLER

CJUE arrêt du 9 octobre 2019 affaire C‑489/19 PPU (parquet de Vienne)

La notion de « mandat d’arrêt européen », visée à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres, telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009, doit être interprétée en ce sens que relèvent de cette notion les mandats d’arrêt européens émis par les parquets d’un État membre, bien que ces parquets soient exposés au risque d’être soumis, directement ou indirectement, à des ordres ou à des instructions individuels de la part du pouvoir exécutif, tel qu’un ministre de la Justice, dans le cadre de l’émission de ces mandats d’arrêt, pour autant que lesdits mandats d’arrêt font l’objet, obligatoirement, afin de pouvoir être transmis par lesdits parquets, d’une homologation par un tribunal qui contrôle de façon indépendante et objective, en ayant accès à l’intégralité du dossier répressif auquel sont versés d’éventuels ordres ou instructions individuels de la part du pouvoir exécutif, les conditions d’émission ainsi que la proportionnalité de ces mêmes mandats d’arrêt, adoptant ainsi une décision autonome qui leur donne leur forme définitive.

CEDH : UN PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE FRANCAISE EST DEPENDANT DU POUVOIR EXECUTIF

CEDH Thiam c. France du 18 octobre 2018 requête n° 80018/12

"71...... le procureur, en tant que partie poursuivante, n’était pas appelé, en cette qualité, à « décider du bien-fondé d’une accusation en matière pénale » au sens de l’article 6 § 1 de la Convention. La Cour rappelle à cet égard que le ministère public ne saurait être astreint aux obligations d’indépendance et d’impartialité que l’article 6 impose à un « tribunal », c’est‑à‑dire un organe juridictionnel « appelé à trancher, sur la base de normes de droit et à l’issue d’une procédure organisée, toute question relevant de sa compétence ».

INTERVIEWS DE FRANCOIS MOLINS

LA RADIO RTL DU 12 MAI 2020

Coronavirus : 63 plaintes déposées contre le gouvernement, annonce François Molins sur RTL

https://www.rtl.fr/actu/debats-societe/l-entretien-du-jour-du-12-mai-2020-7800506990

LE JOURNAL LA CROIX DU 3 JANVIER 2020

Procureur général près la Cour de cassation, François Molins est devenu au fil des ans un visage familier des Français, notamment lors de la vague d’attentats de 2015 et 2016. Il a accepté de revenir sur la justice, ses coulisses, ses ratés, ses défis. Son look, austère, cache un homme qui ne l’est pas.

La Croix L’Hebdo : Avec le recul, et après plus de quarante ans dans la magistrature, qu’est-ce qui pour vous fait un « bon » magistrat ?

François Molins : Je dirais l’humanité, l’humilité et le courage. La première, parce qu’on est dans l’humain en permanence : derrière chaque dossier, il y a des hommes et des femmes qui attendent qu’on leur rende justice. Et, à force de traiter des dizaines de milliers de dossiers, le risque est de tomber dans une gestion mécanique.

Il faut aussi aborder le métier avec humilité. Sans elle, on peut devenir dangereux. Il ne faut jamais se croire dans le vrai mais, au contraire, cultiver le doute. Cela me fait toujours peur quand j’entends des magistrats dire, après trente ou quarante ans de carrière, « moi, je ne me suis jamais trompé ». Et puis, enfin, le courage, car il faut trancher en permanence. Et il y a des décisions plus difficiles à prendre que d’autres.

On commémore dans quelques jours les cinq ans de l’attentat contre Charlie Hebdo. Quels souvenirs en gardez-vous ?

F. M. : Ce qui me revient en pensant à Charlie, c’est l’odeur de sang et de poudre lorsqu’on pénétrait dans l’immeuble. Et puis, quand on entrait dans la salle de rédaction… (Il détourne le regard un instant.) Non, je n’ajouterai rien de plus.

Vous étiez toujours parmi les premiers à être dépêché sur les scènes d’attentats. Comment gère-t-on ses émotions dans de tels moments ?

F. M. : Moi, j’ai toujours éprouvé le besoin de me claquemurer quelques instants en arrivant sur les lieux. J’ai besoin d’un moment de recueillement. C’est une aspiration profonde, en même temps qu’une question de respect pour les victimes. Et puis, après ce moment, je reviens pleinement à mon office.

Au lendemain des attentats du 13 novembre 2015, j’ai demandé qu’une psychologue accompagne les magistrats qui, pour certains, allaient vraiment mal. Pour vaincre leurs résistances – on craint toujours d’être jugé par sa hiérarchie quand on demande à voir un psy –, j’ai amorcé le mouvement en y allant en premier.

Juste pour l’exemple ou, aussi, parce que vous en ressentiez le besoin ?

F. M. : En fait, moi, je trouvais que je n’avais pas trop mal supporté, et c’était justement ça qui m’inquiétait. Je m’étonnais de ne pas avoir craqué par moments. Je me disais : « T’es pas normal ! » J’ai mis des mots là-dessus, et la psy m’a plutôt rassuré.

La France vous a découvert lors des points presse post-attentat. Pourquoi avoir choisi de communiquer dans ces moments de chaos ?

F. M. : Parce que l’attente des médias et du public était immense. Ce n’était pas simple d’ailleurs : il fallait arbitrer entre ce qui pouvait être dit, et ce qui ne le pouvait pas. Je ne savais vraiment ce que j’allais dire que quinze minutes avant ma prise de parole.

Ensuite, j’exposais les faits en veillant toujours à proscrire toute recherche de morbide ou de sensationnel. Je cite souvent un éditorialiste – de La Croix, d’ailleurs ! –, Bruno Frappat, qui a écrit un jour « il faut retenir sa plume ». Ça résume tout ! Je m’y retrouve complètement.

Lors de ces points presse, vous nommiez l’horreur et c’était aussi, et étonnamment, cathartique pour nous tous. Comment l’expliquez-vous ?

F. M. : J’ai compris, bien plus tard, que ça rassurait en effet. Pourquoi ? Parce que la parole d’un procureur, c’est crédible. Loin des rumeurs et de la confusion ambiante. On explique les choses telles qu’elles sont, sans calcul politique, sans travestissement de la vérité. Sans en rajouter.

Et c’est d’ailleurs ainsi qu’on lutte contre la vengeance privée, ce qui est une fonction sociale majeure de la justice. En nommant les choses, en identifiant les auteurs, en les poursuivant, on renvoie la violence hors de la cité. Ce qui nous permet ensuite de mieux gérer collectivement nos peurs.

À l’étranger, ce ne sont pas toujours les procureurs qui assurent ces points presse. Pourquoi avoir endossé ce rôle ?

F. M. : Parce que communiquer sur les dossiers terroristes vous expose… et que c’est au chef d’assumer ce genre de chose. Cela allait d’autant plus de soi que j’étais placé sous protection depuis 2012 après une rumeur de fatwa sur moi.

Une fatwa sur vous ?

F. M. : Oui. (Soupirs.). Elle venait de Fresnes. On n’a jamais réussi à faire la part des choses entre la rumeur et la menace réelle, mais, par précaution, j’ai été placé sous protection à partir de ce moment-là.

Comment vit-on avec une telle menace ?

F. M. : Vivre sous la menace d’une fatwa, c’est dur au début. Après, on finit par évacuer la peur.

Après 2015, la France a musclé son arsenal sécuritaire. De nombreux juristes se sont émus de voir certaines libertés fondamentales bafouées. Qu’en pensez-vous ?

F. M. : Franchement, pour moi, on a su maintenir un équilibre. Certaines dispositions ont en effet été sorties de l’état d’urgence pour être ensuite pérennisées, mais, dans l’ensemble, on a réussi à combattre le terrorisme sans fouler aux pieds nos libertés.

Les fondamentaux de l’État de droit – les droits de l’homme, les libertés publiques – ont été respectés. Les contrôles ont bien fonctionné : le Conseil d’État et la Cour de cassation ont annulé des procédures irrégulières ; le Conseil constitutionnel a invalidé certains textes. Et, rappelons-le, on a su résister à l’emprisonnement des personnes fichées S. Là, oui, on aurait basculé du côté obscur de la force ! Ça n’a, heureusement, pas été le cas.

Qu’est-ce qui vous a amené à la magistrature ? Des parents dans le métier ?

F. M. : Pas du tout ! Dans ma famille, on est médecin, militaire, viticulteur… Il y a quelques curés aussi. Pas de père en fils, je vous rassure ! (Rires.) Moi, je voulais être magistrat : c’est vivant, humain. On pèse sur le cours des choses.

Les magistrats décident du sort de leurs semblables. Vous est-il arrivé d’en tirer une certaine forme de jouissance ?

F. M. : Jamais ! Et je peux même vous dire que chaque fois que j’ai requis aux assises, j’ai toujours éprouvé un pincement au cœur au moment où la cour annonçait à l’accusé sa peine.

En tant que représentant du parquet, vous avez quelque part participé à la décision. Donc, non… aucune jouissance du fait du pouvoir qu’on exerce, mais, à l’inverse, un fort sentiment de responsabilité. Et ce pincement au cœur, toujours.

Vous souvenez-vous de votre premier réquisitoire, il y a quarante ans ?

F. M. : Oh oui ! C’était dix jours après ma prise de fonction, un dossier de viol… J’avais une trouille terrible. La prise de parole publique n’allait pas de soi pour moi. Gérer son sang-froid, c’était très difficile. Pour ça, la montagne m’a beaucoup aidé.

La montagne ?

F. M. : Oui, j’y passe beaucoup de temps. J’ai découvert cet univers sur le tard, lors d’un stage professionnel. La randonnée d’abord, puis l’alpinisme. Ça m’a appris à gérer le stress. Vous connaissez la montagne un peu ? C’est fabuleux ! En cordée, on partage tout.

Je ne sais plus qui disait que c’était assez proche, au fond, de l’idéal communiste : chacun est responsable de l’autre ; tout le monde est à égalité ; on ne peut rien faire sans l’autre. Et les unités de secours en montagne ! Des gens extraordinaires d’humanité et d’altérité, qui passent leur temps à sauver des vies au péril de la leur. La montagne, c’est vraiment le dépassement de soi.

Vous pratiquez toujours l’escalade…

F. M. : Tant que ça peut ! (Rires.)

On m’a dit que vous aviez récemment escaladé la tour Eiffel avec les hommes de la BRI (Brigades de recherche et d’intervention, aussi appelées l’Antigang, NDLR). C’est vrai ?

F. M. : Comment savez-vous ça ? (Interloqué.) Euh… oui, c’est vrai ! On a été jusqu’au deuxième étage de la tour Eiffel. Magnifique ! C’était aux aurores, le soleil se levait. En général, quand vous montez, vous êtes face à une paroi, alors que là on voyait tout Paris au travers des piliers métalliques.

Traiter quotidiennement de la criminalité, c’est aborder l’être humain par sa face obscure. Cela n’altère-t-il pas, à force, votre vision de l’humanité ?

F. M. : Pour moi, la grande leçon des assises, c’est que personne n’est jamais tout à fait mauvais. Ni tout à fait bon d’ailleurs

Après, bien sûr, il y a des gens qui ne sont pas loin du mal absolu. Les viols suivis d’assassinats sur des gamines de 12 ans, dans ces cas-là, évidemment, c’est l’horreur qui prend le dessus.

Après quarante ans de carrière, quel regard portez-vous sur l’évolution de la délinquance ?

F. M. : Question difficile… On a assisté à une explosion du trafic de stupéfiants, à une montée des violences, des discours de haine aussi, en lien sans doute avec le développement des réseaux sociaux. Nous nous sommes aussi mis à traiter différemment certains contentieux. Je pense notamment à la délinquance sexuelle sur mineurs, aux violences faites aux femmes.

Les causes de la délinquance ont-elles beaucoup évolué ?

F. M. : Pas vraiment. On retombe toujours sur les carences morales et éducatives. On trouve aussi l’influence de facteurs psychologiques ou psychiatriques, avec beaucoup de troubles de la personnalité. Je note également énormément d’infractions commises sous l’emprise des stupéfiants. Beaucoup plus que lorsque je suis entré dans la magistrature…

Ces infractions sont aussi commises sur fond de misère économique, non ?

F. M. : Sûrement, mais je ne suis pas toujours à l’aise avec cela, car il ne faudrait pas justifier l’infraction au motif qu’elle est commise sur un fond de misère. Après, c’est sûr que celle-ci explique un certain nombre de choses.

Quand on ne vous a inculqué aucun sens de l’interdit, que vos parents sont au chômage, on peut comprendre l’intérêt qu’a un adolescent à toucher 60 ou 80 € par jour pour « faire le chouf » (faire le guet, NDLR) dans son immeuble.

Vous avez été procureur à Bobigny, une juridiction connue pour crouler sous les contentieux et pâtir d’un cruel manque de moyens. Avez-vous, parfois, été gagné par un sentiment d’impuissance ?

F. M. : Non. Je n’ai jamais eu de lassitude par rapport à cela. J’ai toujours eu le même enthousiasme… et la même capacité d’indignation. Les difficultés, ça me « rebooste » plus qu’autre chose. Je suis plutôt sur un mode « résilience ».

Vous évoquiez tout à l’heure les violences sexuelles sur mineurs ou les violences faites aux femmes. Sur ces deux contentieux, l’impuissance de la justice est souvent pointée du doigt. Que répondez-vous ?

F. M. : Qu’elle n’est pas impuissante ! La loi a évolué, rappelons-le : la prescription concernant les crimes sexuels sur mineurs court désormais sur trente ans à compter de la majorité de la victime. Simplement, plus le procès est éloigné des faits, plus il est difficile de les prouver. D’autre part, il y a eu de vrais progrès sur les prises en charge des victimes. Elles arrivent d’ailleurs progressivement à se libérer des carcans et parlent. Tout cela va dans le bon sens. Pour autant, ça ne doit pas se terminer en tribunal médiatique.

Vous craignez le tribunal médiatique ?

F. M. : Il faut en tout cas veiller à ce que l’information se fasse dans le respect de la présomption d’innocence. Contrairement à la presse ou aux réseaux sociaux, la justice est tenue à un certain nombre de principes éthiques, dont le respect de la présomption d’innocence, le respect du contradictoire ou celui du procès équitable.

Nous sommes aussi soumis à une exigence probatoire : si les preuves ne sont pas là, on relaxe ou on acquitte. Donc, pour revenir à votre question, oui, je pense que le tribunal médiatique est un risque. Mais dire cela ne doit pas empêcher la magistrature de faire son examen de conscience et de repenser ses pratiques.

Certains dénoncent une justice à deux vitesses : une justice d’abattage, celle des comparutions immédiates, et une justice des « cols blancs », dont les procès se tiennent des années après les faits avec, à la clé, de rares peines de prison. Qu’en pensez-vous ?

F. M. : D’abord, une justice rapide n’est pas forcément une « justice d’abattage ». Si les faits sont établis, si on respecte les droits des justiciables et leur dignité, je ne vois pas pourquoi on s’empêcherait de juger les choses rapidement. C’est aussi une façon de répondre aux attentes sociales. Ce type de réponse rapide est parfois indispensable. Par exemple, pour les violences faites aux femmes. Il faut une réponse qui ait du sens et qui fasse effet dans la tête des auteurs.

Concernant ensuite le traitement des affaires économiques et financières, oui il est très choquant. J’en conviens tout à fait. Il est beaucoup trop lent. À Paris, vous avez des centaines de dossiers de fraude fiscale qui attendent. Il faut des mois avant de commencer à en ouvrir un. Alors, pourquoi ?

On n’a pas assez de services de police judiciaire spécialisés. Nous pâtissons aussi d’un fort turnover des magistrats sur ces dossiers. Ensuite les cols blancs, comme on dit, sont défendus par des avocats très compétents sachant utiliser toutes les voies de recours à leur disposition – je ne critique pas, c’est leur droit le plus absolu ! – et cela contribue au ralentissement de la procédure. C’est très complexe.

Au tribunal, on juge l’acte, l’homme, les deux ?

F. M. : Délicate question. On ne juge pas qu’un acte, on juge aussi l’individu mais sans jamais y intégrer une quelconque vision morale de l’homme jugé. On conjugue à la fois la personnalité de l’individu – et ses risques de récidive – et la gravité de l’acte commis. Donc, oui, vous jugez un homme. Mais, encore une fois, ce n’est pas un jugement moral.

Avez-vous toujours réussi, dans l’exercice de vos fonctions, à vous départir de vos propres préjugés ?

F. M. : En tant que magistrat, il faut toujours s’interroger sur ses propres dépendances. Lutter contre ses a priori, ses préjugés, c’est fondamental. Pour ma part, je me suis rendu compte très jeune, dès mon premier poste à Carcassonne, que j’avais tendance à être plus indulgent avec les individus de la même classe sociale que moi, avec ceux qui partageaient le même mode de vie. Une sorte de réflexe de classe, quoi ! Ça m’a sauté aux yeux, très jeune. J’ai toujours veillé ensuite à lutter contre ce biais.

Comme vous le dites vous-même, aucun magistrat ne fait un sans-faute. En 2005, après la mort par électrocution de Zyed Benna et Bouna Traoré, on vous a reproché d’avoir trop tardé à ouvrir une information judiciaire. Le regrettez-vous ?

F. M. : Je me suis toujours inscrit en faux contre cette accusation. J’ai ouvert l’information judiciaire un ou deux jours après les faits. C’est-à-dire dès qu’on a eu les bandes audio de la police ! Ce laps de temps n’a d’ailleurs eu aucune incidence sur la suite des investigations. Mais, peu importe, on me l’a reproché.

C’est vrai qu’aujourd’hui, j’ouvrirais une information judiciaire dans l’heure. Dans cette affaire, je m’en veux d’avoir employé le terme de « course-poursuite ». On s’est enfermé dans cette sémantique. Il aurait fallu employer d’autres mots. Quinze ans après, je me demande toujours lesquels. Mais pas ceux-là, c’est sûr.

Comment avez-vous « géré » ensuite les émeutes qui ont suivi ?

F. M. : (Soupirs) J’ai cru qu’on n’en sortirait jamais. Toutes les nuits, j’étais aux côtés du chef de la sûreté pour décider des gardes à vue. Je rentrais chez moi vers les 5 heures du matin en prenant des raccourcis, en modifiant à chaque fois mon itinéraire.

Il y avait des feux de poubelles partout, on ne savait pas ce qu’on pouvait trouver… On a eu la visite du procureur général et du ministre huit jours plus tard. Pendant une semaine, on s’est démerdés tout seuls. Sans aucune protection. Une période stressante.

Vous avez été soumis à d’autres formes de stress, ces dernières années, en lançant des investigations sur des dossiers politico-financiers très sensibles (l’affaire Cahuzac, le dossier Bygmalion). Comment y fait-on face ?

F. M. : Là ce n’est pas du stress, c’est de la pression. Une pression liée au développement du journalisme d’investigation. Des articles sortent, qui mettent en cause le comportement de telle personne ou le fonctionnement de tel parti.

Et là, quoi que vous fassiez, vous êtes critiqué. Si on « fait », on est accusé de politiser son action. Vous êtes soupçonné d’être téléguidé par le pouvoir, ou d’agir contre le pouvoir. Et si on ne fait rien, on est critiqué pour ne pas avoir répondu aux accusations portées par la presse. C’est ainsi, il faut faire avec.

Cela rejoint une critique récurrente faite à la justice, celle de sa « politisation ». Réformer le statut du parquet changerait-il la donne ?

F. M. : C’est évident. Il faut que l’avis du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) lie le gouvernement. Vous savez, le risque, c’est qu’un jour un parti, disons moins démocratique, arrive au pouvoir et choisisse lui-même ses procureurs.

Il faut avancer sur cette réforme, je l’ai dit en haut lieu. Après, à un tout autre niveau, je pense qu’une manière de contrer cette accusation de politisation de la justice requiert de la part des magistrats qu’ils s’interdisent toute expression publique pouvant faire douter de leur impartialité ou de leur neutralité.

Vous pensez à quoi ?

F. M. : Moi, par exemple, je ne suis jamais allé manifester. Même si je suis en désaccord avec un certain nombre de choses. J’estime que je n’ai pas le droit. Oui, je sais, j’ai une conception assez rigoriste de l’obligation de réserve. Tout le monde ne la partage pas. Mais, je ne veux pas que mon comportement puisse être utilisé pour mettre en cause mon impartialité.

Vous avez toutefois été directeur de cabinet de deux gardes des sceaux successifs sous Nicolas Sarkozy, ce qui vous a étiqueté politiquement… La gauche a d’ailleurs contesté votre nomination à la tête du parquet de Paris. Avec le recul, regrettez-vous ce passage en cabinet ?

F. M. : Quand on m’a proposé ce poste, je n’ai absolument pas compris ce qui m’arrivait. Je n’avais pas du tout cherché à y aller. Je n’étais pas dans les réseaux. J’ai hésité et puis j’y suis allé. Je ne le regrette pas, j’y ai énormément appris.

Après, est-ce que je le referais ? Je ne sais pas. Pas sûr. Je suis passé par des choses difficiles. C’est dur le cabinet, vraiment dur… Bon, après, je n’y ai jamais perdu mon âme, c’est l’essentiel. (Rires.)

On accuse parfois la justice de se substituer au législateur. Un reproche adressé aux hautes cours, et parmi elles la Cour de cassation. Que répondez-vous ?

F. M. : La Cour de cassation a pour mission d’unifier l’application du droit et son interprétation en veillant au respect des principes fondamentaux. L’office de la loi, lui, est de fixer les maximes générales du droit. Mais la loi ne peut pas tout prévoir !

Le juge est donc, en quelque sorte, le législateur des cas particuliers et il peut, dans ce cadre, être amené à créer de la norme. Mais, attention, toujours en marge ou à partir des textes de loi. Il ne peut jamais aller contre l’intention du législateur ni s’y substituer. À la Cour de cassation, le parquet général est, d’une certaine manière, une passerelle entre le juge et le citoyen. Nous contribuons, quelque part, à l’expression d’un droit vivant.

En juillet, la Cour de cassation a examiné le cas de Vincent Lambert. Est-ce un dossier qui vous a marqué ?

F. M. : Ah, l’affaire Lambert… En principe, je dors bien, mais là j’ai passé des nuits agitées. Il y a l’office du juge, bien sûr, mais nous sommes aussi des hommes doués de conscience, et certains dossiers, sur un plan humain, peuvent vous troubler.

Vous avez été scolarisé chez les jésuites. Qu’en avez-vous retenu ?

F. M. : J’en ai retenu… que la ligne droite n’est pas le chemin le plus court d’un point à un autre. (Rires.) Non, plus sérieusement, j’y ai appris l’importance du discernement, l’ouverture au monde, les valeurs de tolérance et d’humanité.

« Que l’Autre soit et qu’il soit autre » (1), c’est pour moi la plus belle définition de l’humanisme chrétien. L’autre a le droit d’être ce qu’il est, quel qu’il soit et d’où qu’il vienne. Ah, les jésuites… J’ai vécu Mai 68 chez eux, ce n’était pas rien ! On est passé de règles très strictes à une totale autodiscipline.

(1) Citation du père jésuite François Varillon.

Et cela s’est bien passé ?

F. M. : Super ! Bon, moi j’étais un adolescent très dissipé, j’étais collé tout le temps !

C’est de ces années-là que date votre goût pour Pink Floyd ? On m’a dit que vous les écoutiez même en travaillant, parfois…

F. M. : (Rires.) C’est vrai. Enfin, je suis très éclectique, ça peut aussi être Mozart !

De votre passage chez les jésuites, avez-vous tiré un certain rapport à la foi ?

F. M. : Je pense qu’une expérience comme celle-là, soit ça vous conforte, soit vous avez un phénomène de rejet. Moi, je n’ai pas rejeté. Je suis croyant pratiquant.

Une fois à la retraite, lorsque vous n’aurez plus d’obligation de réserve, que vous permettrez-vous ?

F. M. : À la retraite ? J’irai en boîte ! (Rires.) Et je ferai pas mal d’autres choses…

Davantage de montagne, et de moments en famille ?

F. M. : Avec mon épouse, on part déjà en vacances une semaine tous les ans avec nos trois petits-enfants. On se régale. C’est quand même beaucoup plus facile d’être grand-parent que parent, on n’a plus à éduquer… Le bonheur !

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Ses dates

26 août 1953. Naissance à Banyuls-dels-Aspres (Pyrénées-Orientales).

1979. Nommé substitut du procureur de la République de Carcassonne.

2001-2004. Devient chef de service à la Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) à la chancellerie.

2004. Nommé procureur de la République auprès du TGI de Bobigny.

2009-2011. Devient directeur de cabinet de la ministre de la justice Michèle Alliot-Marie, puis de son successeur, Michel Mercier.

2011. Nommé procureur de la République auprès du tribunal de grande instance de Paris.

2012. Se fait connaître du grand public après l’attentat de Mohamed Merah. De nombreux points presse suivront après l’attentat contre Charlie Hebdo, notamment ceux du 13 novembre 2015 à Paris et celui de la Promenade des Anglais à Nice en 2016.

2018. Devient procureur général près la Cour de cassation.

INTERVIEW DE CHANTAL ARENS

Nous ne publions pas de lien vers l'article du Nouvel Obs car cet article est payant. Les hauts magistrats doivent prendre soin de vérifier que leur parole est accessible à tous et ne servent pas à faire le buzz pour qu'un journal puisse vendre leur parole.

Voici ce que retient le nouvel Obs de son interview publiée le 16 septembre 2020.

"La justice n’est plus considérée comme un service essentiel de l’Etat" - entretien accordé par Mme Chantal Arens, première présidente de la Cour de cassation, pour L’OBS (16.09.20)"

Dans un entretien à « l’Obs », la première présidente de la Cour de cassation s’alarme du fait que la justice ne soit plus un pilier de la République, comme l’a encore démontré la crise sanitaire. Les politiques « courent d’une urgence à l’autre », sans vision globale, estime-t-elle.

"ll me semble qu’une réalité nouvelle éclate à nos yeux. La crise sanitaire, au-delà de la grève des avocats, a montré toutes les fragilités d’une institution qui, au fond, ne tient que grâce aux magistrats, aux fonctionnaires de justice. Collectivement, il est temps de dire qu’ils font preuve d’une capacité hors norme d’absorption, d’adaptation et de résilience."

Commentaire de Frederic Fabre

Tous les magistrats ne font pas preuve de résilience. Madame Chantal Arens est née à Laxou aux portes de Nancy. Elle devrait venir voir ce qui se passe devant les juridictions de sa ville natale ! Les mauvaises habitudes des magistrats et des greffiers dissuadent les politiques de donner une place trop importante à une justice dont les dysfonctionnements sont dénoncés massivement auprès des instances de l'ONU par plusieurs associations de justiciables, au point qu'il a fallu la nomination de Maître Dupont Moretti comme ministre de la justice, pour tenter d'éteindre le feu.

Plusieurs commissions devant l'Assemblée Nationale dont la plus célèbre la commission, dite Waserman est destinée à trouver des solutions pour que les justiciables puissent retrouver un à un, la préservation de leurs droits fondamentaux bafoués par les juridictions françaises. Il n'est donc pas exact de dire que la justice n'est pas une préoccupation des politiques. Ils sont simplement soumis au principe de la séparation des pouvoirs.

INTERVIEWS DE CHANTAL ARENS ET FRANCOIS MOLINS

LES MAGISTRATS FONT GREVE CAR ILS CONFONDENT INDEPENDANCE ET IMPUNITE l'article du monde est sous le lien bleu à gauche.

Dans une tribune du Monde du 29 septembre 2020, « Les magistrats sont inquiets de la situation dans laquelle se trouve l’institution judiciaire » - tribune de Mme Chantal Arens, première présidente de la Cour de cassation, et de M. François Molins, procureur général près cette Cour (28.09.20)

Les deux plus hauts magistrats de France s'alarment des propos tenus par le ministre de la justice garde des sceaux et d'une enquête administrative contre trois magistrats du Parquet.

OPINION DE FREDERIC FABRE

L'Etat actuel de la justice est d'abord et avant tout la faute des magistrats arbitraires ou de ceux qui acceptent et couvrent la qualité arbitraire de leurs collègues.

Les deux plus hauts magistrats de France CONFONDENT INDEPENDANCE ET IMPUNITE et ne comprennent pas la situation réelle de la justice en France. Monsieur le ministre de la justice n'est qu'un thermomètre qui essaie de remettre le train judiciaire sur les rails, sachant qu'il a peu de temps pour le faire.

Il y a urgence car la France passe pour un Etat qui n'a plus de justice digne d'un Etat démocratique. C'est extrêmement grave car c'est une atteinte fondamentale à une gouvernance démocratique.

Nous attendons des hauts de magistrats de France qu'ils fassent tout ce qui est en leur pouvoir pour rendre à la justice les qualités nécessaires pour être digne d'un Etat démocratique et d'arrêter de s'alarmer bien inutilement contre un ministre de la justice qui tente de sauver le navire France contre les dysfonctionnements courants du système judiciaire.

Le manque de moyens est cruel mais le ministre de la justice est entendu. Dès 2021, le ministère de la Justice voit son budget augmenter de 800 millions d'euros, soit près de 8% en plus, pour atteindre 8,2 milliards d'euros. Cette augmentation permettra de financer 1 500 postes supplémentaires, après les 1 520 créés cette année 2020.

La France signe des traités internationaux liés aux droits fondamentaux, notamment la Conv EDH, qui sont traduits dans le droit interne. Il appartient à tous magistrats de les appliquer. Il faut que le ministre de la justice soit entendus pour que les "mauvaises habitudes" soient corrigées.

AFFAIRE HALIMI : LA JUSTICE DOIT ÊTRE INDEPENDANTE

OPINION DE FREDERIC FABRE

En jouant avec cette affaire à Jérusalem, le Président de la République a retiré toute crédibilité à la décision de la Cour de Cassation à venir, quelque soit cette décision. Il n'a pas rendu service aux personnes de confession juive, il les a desservies. Ce qui importe ce n'est pas les commémorations de camps. C'est de lutter contre l’antisémite à la racine du mal, dès l'école. Il faut penser aux vivants.

C'est ce que j'attends d'un Président de la République en responsabilité.

VOICI LES FAITS

A Jérusalem le 23 janvier 2020, en marge des cérémonies pour le 75e anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz-Birkenau, le président de la République a longuement évoqué la décision de la cour d'appel de Paris qui a déclaré pénalement irresponsable le suspect du meurtre de Sarah Halimi, sexagénaire juive tuée en 2017, estimant que "le besoin de procès" était "là".

Tout en affirmant qu'il ne pouvait commenter ouvertement une décision de justice - "Je ne peux vous parler avec le cœur, car le président est le garant de l'indépendance de la justice". Il s'est exprimé en détail sur cette affaire en cours devant la communauté française en Israël. "Un pourvoi en cassation a été formulé et constitue une voie possible", a indiqué le président, soulignant que la justice française avait "reconnu le caractère antisémite de ce crime".

Si "la responsabilité pénale est affaire des juges, la question de l'antisémitisme est celle de la République", a-t-il ajouté. "Même si à la fin le juge décidait que la responsabilité pénale n'est pas là, le besoin de procès est là."

Communiqué de Mme la première présidente Chantal Arens et M. le procureur général François Molins (27.01.20) :

"La première présidente de la Cour de cassation et le procureur général près cette Cour rappellent que l’indépendance de la justice, dont le Président de la République est le garant, est une condition essentielle du fonctionnement de la démocratie.

Les magistrats de la Cour de cassation doivent pouvoir examiner en toute sérénité et en toute indépendance les pourvois dont ils sont saisis."

Nous pouvons analyser GRATUITEMENT et SANS AUCUN ENGAGEMENT vos griefs pour savoir s'ils sont susceptibles d'être recevables devant le parlement européen, la CEDH, le Haut Commissariat aux droits de l'homme, ou un autre organisme de règlement international de l'ONU.

Si vos griefs semblent recevables, pour augmenter réellement et concrètement vos chances, vous pouvez nous demander de vous assister pour rédiger votre pétition, votre requête ou votre communication individuelle.

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