Publié par Frédéric Fabre docteur en droit.
La jurisprudence du Conseil Constitutionnel en matière de Question Prioritaire de Constitutionnalité, dans l'ordre chronologique.
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DECISIONS DU 11 JUIN 2010
Décision n° 2010-2 QPC du 11 juin 2010 (MME VIVIANE LAZARE)
La loi anti Perruche est conforme à la Constitution
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 14 avril 2010
par le Conseil d'Etat (décision n° 329290 du 14 avril 2010), dans les
conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question
prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Viviane Lazare et portant sur
la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit :
― des premier et troisième alinéas de l'article L. 114-5 du code de l'action
sociale et des familles ;
― du 2 du paragraphe II de l'article 2 de la loi n° 2005-102 du 11 février
2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la
citoyenneté des personnes handicapées.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance
n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le
Conseil constitutionnel ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu la
loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la
qualité du système de santé ;
Vu la
loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des
chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ;
Vu la décision n° 133238 du Conseil d'Etat du 14 février 1997 ;
Vu l'arrêt n° 99-13701 de la Cour de cassation du 17 novembre 2000 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour Mme Lazare par la SCP Lyon-Caen, Fabiani,
Thiriez, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 4
mai 2010 ;
Vu les observations produites pour l'Assistance publique des hôpitaux de Paris
par la SCP Didier, Pinet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation,
et pour la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF par Me
Odent, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 4
mai 2010 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 4 mai
2010 ;
Vu les nouvelles observations produites pour Mme Lazare par la SCP Lyon-Caen,
Fabiani, Thiriez, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation,
enregistrées le 12 mai 2010 ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Me Arnaud Lyon-Caen, pour la requérante, et M. Charles Touboul, désigné par le
Premier ministre, ayant été entendus lors de l'audience publique du 2 juin
2010;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes du paragraphe I de l'article 1er de la loi du 4
mars 2002 susvisée : « Nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de
sa naissance.
« La personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir la
réparation de son préjudice lorsque l'acte fautif a provoqué directement le
handicap ou l'a aggravé, ou n'a pas permis de prendre les mesures susceptibles
de l'atténuer.
« Lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé
est engagée vis-à-vis des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé
pendant la grossesse à la suite d'une faute caractérisée, les parents peuvent
demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne
saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de
l'enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la
solidarité nationale.
« Les dispositions du présent paragraphe I sont applicables aux instances en
cours, à l'exception de celles où il a été irrévocablement statué sur le
principe de l'indemnisation » ;
2. Considérant que les trois premiers alinéas du paragraphe I de l'article 1er
de la loi du 4 mars 2002 précité ont été codifiés à l'article L. 114-5 du code
de l'action sociale et des familles par le 1 du paragraphe II de l'article 2
de la loi du 11 février 2005 susvisée ; que le 2 de ce même paragraphe II a
repris le dernier alinéa du paragraphe I précité en adaptant sa rédaction ;
Sur le premier alinéa de l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des
familles :
3. Considérant que, selon la requérante, l'interdiction faite à l'enfant de
réclamer la réparation d'un préjudice du fait de sa naissance porterait
atteinte au principe selon lequel nul n'ayant le droit de nuire à autrui, un
dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; que
cette interdiction, qui prive du droit d'agir en responsabilité l'enfant né
handicapé à la suite d'une erreur de diagnostic prénatal, alors que ce droit
peut être exercé par un enfant dont le handicap a été directement causé par la
faute médicale, entraînerait une différence de traitement contraire à la
Constitution ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution : « La loi
détermine les principes fondamentaux... du régime de la propriété, des droits
réels et des obligations civiles et commerciales » ; qu'il est à tout moment
loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d'adopter
des dispositions nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité et
de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le
cas échéant, d'autres dispositions, dès lors que, dans l'exercice de ce
pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère
constitutionnel ; que l'article 61-1 de la Constitution, à l'instar de
l'article 61, ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général
d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ; que cet
article lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité
d'une disposition législative aux droits et libertés que la Constitution
garantit ;
5. Considérant que l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen de 1789 dispose que la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle
protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à
ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni
à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que,
dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en
rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit;
6. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des termes des deux premiers
alinéas de l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles
qu'il n'est fait obstacle au droit de l'enfant de demander réparation aux
professionnels et établissements de santé que lorsque la faute invoquée a eu
pour seul effet de priver sa mère de la faculté d'exercer, en toute
connaissance de cause, la liberté d'interrompre sa grossesse ; que ces
professionnels et établissements demeurent tenus des conséquences de leur acte
fautif dans tous les autres cas ; que, par suite, le premier alinéa de
l'article L. 114-5 n'exonère pas les professionnels et établissements de santé
de toute responsabilité ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'après l'arrêt de la Cour de cassation du
17 novembre 2000 susvisé, le législateur a estimé que, lorsque la faute d'un
professionnel ou d'un établissement de santé a eu pour seul effet de priver la
mère de la faculté d'exercer, en toute connaissance de cause, la liberté
d'interrompre sa grossesse, l'enfant n'a pas d'intérêt légitime à demander la
réparation des conséquences de cette faute ; que, ce faisant, le législateur
n'a fait qu'exercer la compétence que lui reconnaît la Constitution sans
porter atteinte au principe de responsabilité ou au droit à un recours
juridictionnel ;
8. Considérant, en troisième lieu, que les dispositions contestées ne font
obstacle au droit de l'enfant né avec un handicap d'en demander la réparation
que dans le cas où la faute invoquée n'est pas à l'origine de ce handicap ;
que, dès lors, la différence de traitement instituée ne méconnaît pas le
principe d'égalité ;
9. Considérant, par suite, que les griefs dirigés contre le premier alinéa de
l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles doivent être
écartés ;
Sur le troisième alinéa de l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et
des familles :
10. Considérant que, selon la requérante, l'exigence d'une faute caractérisée
pour que la responsabilité des professionnels et établissements de santé
puisse être engagée vis-à-vis des parents d'un enfant né avec un handicap non
décelé pendant la grossesse, ainsi que l'exclusion, pour ces parents, du droit
de réclamer la réparation du préjudice correspondant aux charges particulières
découlant de ce handicap tout au long de la vie porteraient également atteinte
au principe de responsabilité ainsi qu'au « droit à réparation intégrale du
préjudice » et méconnaîtraient le principe d'égalité ;
11. Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la Déclaration de 1789 : « La
liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui » ; qu'il
résulte de ces dispositions qu'en principe, tout fait quelconque de l'homme
qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à
le réparer ; que la faculté d'agir en responsabilité met en œuvre cette
exigence constitutionnelle ; que, toutefois, cette dernière ne fait pas
obstacle à ce que le législateur aménage, pour un motif d'intérêt général, les
conditions dans lesquelles la responsabilité peut être engagée ; qu'il peut
ainsi, pour un tel motif, apporter à ce principe des exclusions ou des
limitations à condition qu'il n'en résulte pas une atteinte disproportionnée
aux droits des victimes d'actes fautifs ainsi qu'au droit à un recours
juridictionnel effectif qui découle de l'article 16 de la Déclaration de 1789
;
En ce qui concerne l'exigence d'une faute caractérisée :
12. Considérant qu'en subordonnant à l'existence d'une faute caractérisée la
mise en œuvre de la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de
santé vis-à-vis des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant
la grossesse, le législateur a entendu prendre en considération, en l'état des
connaissances et des techniques, les difficultés inhérentes au diagnostic
médical prénatal ; qu'à cette fin, il a exclu que cette faute puisse être
présumée ou déduite de simples présomptions ; que la notion de « faute
caractérisée » ne se confond pas avec celle de faute lourde ; que, par suite,
eu égard à l'objectif poursuivi, l'atténuation apportée aux conditions dans
lesquelles la responsabilité de ces professionnels et établissements peut être
engagée n'est pas disproportionnée ;
En ce qui concerne l'exclusion de certains préjudices :
13. Considérant, en premier lieu, que les professionnels et établissements de
santé demeurent tenus d'indemniser les parents des préjudices autres que ceux
incluant les charges particulières découlant, tout au long de la vie de
l'enfant, de son handicap ; que, dès lors, le troisième alinéa de l'article L.
114-5 du code de l'action sociale et des familles n'exonère pas les
professionnels et établissements de santé de toute responsabilité ;
14. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des travaux parlementaires de
la
loi du 4 mars 2002 susvisée que les dispositions critiquées tendent à
soumettre la prise en charge de toutes les personnes atteintes d'un handicap à
un régime qui n'institue de distinction ni en fonction des conditions
techniques dans lesquelles le handicap peut être décelé avant la naissance, ni
en fonction du choix que la mère aurait pu faire à la suite de ce diagnostic ;
qu'en décidant, ainsi, que les charges particulières découlant, tout au long
de la vie de l'enfant, de son handicap ne peuvent constituer un préjudice
indemnisable lorsque la faute invoquée n'est pas à l'origine du handicap, le
législateur a pris en compte des considérations éthiques et sociales qui
relèvent de sa seule appréciation ;
15. Considérant que les dispositions critiquées tendent à répondre aux
difficultés rencontrées par les professionnels et établissements de santé pour
souscrire une assurance dans des conditions économiques acceptables compte
tenu du montant des dommages-intérêts alloués pour réparer intégralement les
conséquences du handicap ; qu'en outre, le législateur a notamment pris en
compte les conséquences sur les dépenses d'assurance maladie de l'évolution du
régime de responsabilité médicale ; que ces dispositions tendent ainsi à
garantir l'équilibre financier et la bonne organisation du système de santé ;
16. Considérant, en troisième lieu, que les parents peuvent obtenir
l'indemnisation des charges particulières résultant, tout au long de la vie de
l'enfant, de son handicap lorsque la faute a provoqué directement ce handicap,
l'a aggravé ou a empêché de l'atténuer ; qu'ils ne peuvent obtenir une telle
indemnisation lorsque le handicap n'a pas été décelé avant la naissance par
suite d'une erreur de diagnostic ; que, dès lors, la différence instituée
entre les régimes de réparation correspond à une différence tenant à l'origine
du handicap ;
17. Considérant, en quatrième lieu, que le troisième alinéa de l'article L.
114-5 du code de l'action sociale et des familles prévoit que la compensation
des charges particulières découlant, tout au long de la vie de l'enfant, de
son handicap relève de la solidarité nationale ; qu'à cette fin, en adoptant
la
loi du 11 février 2005 susvisée, le législateur a entendu assurer
l'effectivité du droit à la compensation des conséquences du handicap quelle
que soit son origine ; qu'ainsi, il a notamment instauré la prestation de
compensation qui complète le régime d'aide sociale, composé d'allocations
forfaitaires, par un dispositif de compensation au moyen d'aides allouées en
fonction des besoins de la personne handicapée ;
18. Considérant que, dans ces conditions, la limitation du préjudice
indemnisable décidée par le législateur ne revêt pas un caractère
disproportionné au regard des buts poursuivis ; qu'elle n'est contraire ni au
principe de responsabilité, ni au principe d'égalité, ni à aucun autre droit
ou liberté que la Constitution garantit ;
Sur le 2 du paragraphe II de l'article 2 de la loi du 11 février 2005 susvisée
:
19. Considérant qu'aux termes du 2 du paragraphe II de l'article 2 de la loi
du 11 février 2005 susvisée : « Les dispositions de l'article L. 114-5 du code
de l'action sociale et des familles tel qu'il résulte du 1 du présent II sont
applicables aux instances en cours à la date d'entrée en vigueur de la
loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 précitée, à l'exception de celles où il a
été irrévocablement statué sur le principe de l'indemnisation » ;
20. Considérant que, selon la requérante, l'application immédiate de ce
dispositif « aux instances en cours et par voie de conséquence aux faits
générateurs antérieurs à son entrée en vigueur » porte atteinte à la sécurité
juridique et à la séparation des pouvoirs ;
21. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : «
Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la
séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ;
22. Considérant en conséquence que, si le législateur peut modifier
rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif ou de
droit privé, c'est à la condition de poursuivre un but d'intérêt général
suffisant et de respecter tant les décisions de justice ayant force de chose
jugée que le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions ; qu'en
outre, l'acte modifié ou validé ne doit méconnaître aucune règle, ni aucun
principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le but d'intérêt général
visé soit lui-même de valeur constitutionnelle ; qu'enfin, la portée de la
modification ou de la validation doit être strictement définie ;
23. Considérant que le paragraphe I de l'article 1er de la loi du 4 mars 2002
susvisée est entré en vigueur le 7 mars 2002 ; que le législateur l'a rendu
applicable aux instances non jugées de manière irrévocable à cette date ; que
ces dispositions sont relatives au droit d'agir en justice de l'enfant né
atteint d'un handicap, aux conditions d'engagement de la responsabilité des
professionnels et établissements de santé à l'égard des parents, ainsi qu'aux
préjudices indemnisables lorsque cette responsabilité est engagée ; que, si
les motifs d'intérêt général précités pouvaient justifier que les nouvelles
règles fussent rendues applicables aux instances à venir relatives aux
situations juridiques nées antérieurement, ils ne pouvaient justifier des
modifications aussi importantes aux droits des personnes qui avaient,
antérieurement à cette date, engagé une procédure en vue d'obtenir la
réparation de leur préjudice ; que, dès lors, le 2 du paragraphe II de
l'article 2 de la loi du 11 février 2005 susvisée doit être déclaré contraire
à la Constitution,
Décide :
Article 1
Les premier et troisième alinéas de l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles sont conformes à la Constitution.
Article 2
Le 2 du paragraphe II de l'article 2 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est contraire à la Constitution.
Article 3
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République
française et notifiée dans les conditions prévues à l'article
23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 10 juin 2010, où
siégeaient : M. Jean-Louis Debré, président, MM. Jacques Barrot, Michel
Charasse, Jacques Chirac, Renaud Denoix de Saint Marc, Mme Jacqueline de
Guillenchmidt, MM. Hubert Haenel et Pierre Steinmetz.
Décision n° 2010-6/7 QPC du 11 juin 2010
Une peine doit être nécessaire et individualisée article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 7 mai 2010 par la Cour de cassation
(arrêts n° 12006 et n° 12007 du 7 mai 2010), dans les conditions prévues à
l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de
constitutionnalité posée, respectivement, par MM. Stéphane Artano et Marc
Plantegenest et par M. Francis Hermitte, relative à la conformité de l'article
L. 7 du code électoral aux droits et libertés que la Constitution
garantit.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance
n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le
Conseil constitutionnel ;
Vu le
code électoral, notamment son article L. 30 ;
Vu le
code pénal ;
Vu la
loi n° 95-65 du 19 janvier 1995 relative au financement de la vie politique ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour M. Hermitte par la SCP Ortscheidt, avocat
au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 14 mai 2010 ;
Vu les observations produites pour M. Plantegenest par Me Patrick Tabet,
avocat au barreau de Paris et près les tribunaux de Saint-Pierre-et-Miquelon,
enregistrées le 19 mai 2010 ;
Vu les observations produites pour M. Artano par la SELARL Flécheux et
associés, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 20 mai 2010 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 20 mai
2010 ;
Vu les nouvelles observations produites pour M. Plantegenest par Me Patrick
Tabet, enregistrées le 26 mai 2010 ;
Vu les pièces produites et jointes aux dossiers ;
Me Xavier Flécheux, pour M. Artano, Me Virginie Colin, pour M. Plantegenest,
Me Jérôme Ortscheidt, pour M. Hermitte, et Mme Sophie Rimeu, désignée par le
Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 2 juin 2010 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que les deux questions transmises par la Cour de cassation
portent sur la même disposition législative ; qu'il y a donc lieu de les
joindre pour y répondre par une seule décision ;
2. Considérant qu'aux
termes de l'article L. 7 du code électoral : « Ne doivent pas être
inscrites sur la liste électorale, pendant un délai de cinq ans à compter de
la date à laquelle la condamnation est devenue définitive, les personnes
condamnées pour l'une des infractions prévues par les articles 432-10 à
432-16, 433-1, 433-2, 433-3 et 433-4 du code pénal ou pour le délit de recel
de l'une de ces infractions, défini par les
articles 321-1 et 321-2 du code pénal » ;
3. Considérant que, selon les requérants, ces dispositions portent atteinte
aux principes de la nécessité et de l'individualisation des peines garantis
par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration de 1789 : « La
loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et
nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée
antérieurement au délit, et légalement appliquée » ; que le principe
d'individualisation des peines qui découle de cet article implique que la
peine emportant l'interdiction d'être inscrit sur une liste électorale et
l'incapacité d'exercer une fonction publique élective qui en résulte ne puisse
être appliquée que si le juge l'a expressément prononcée, en tenant compte des
circonstances propres à chaque espèce;
5. Considérant que l'interdiction d'inscription sur la liste électorale
imposée par l'article
L. 7 du code électoral vise notamment à réprimer plus sévèrement certains
faits lorsqu'ils sont commis par des personnes dépositaires de l'autorité
publique, chargées d'une mission de service public ou investies d'un mandat
électif public; qu'elle emporte une incapacité d'exercer une fonction publique
élective d'une durée égale à cinq ans ; qu'elle constitue une sanction ayant
le caractère d'une punition ; que cette peine privative de l'exercice du droit
de suffrage est attachée de plein droit à diverses condamnations pénales sans
que le juge qui décide de ces mesures ait à la prononcer expressément ; qu'il
ne peut davantage en faire varier la durée ; que, même si l'intéressé peut
être, en tout ou partie, y compris immédiatement, relevé de cette incapacité
dans les conditions définies au
second alinéa de l'article 132-21 du code pénal, cette possibilité ne
saurait, à elle seule, assurer le respect des exigences qui découlent du
principe d'individualisation des peines ; que, par suite, l'article
L. 7 du code électoral méconnaît ce principe et doit être déclaré
contraire à la Constitution ;
6. Considérant que l'abrogation de l'article
L. 7 du code électoral permet aux intéressés de demander, à compter du
jour de publication de la présente décision, leur inscription immédiate sur la
liste électorale dans les conditions déterminées par la loi,
Décide :
Article 1
L'article L. 7 du code électoral est déclaré contraire à la Constitution.
Article 2
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République
française et notifiée dans les conditions prévues à l'article
23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 10 juin 2010, où
siégeaient : M. Jean-Louis Debré, président, MM. Jacques Barrot, Guy Canivet,
Michel Charasse, Jacques Chirac, Renaud Denoix de Saint Marc, Mme Jacqueline
de Guillenchmidt, MM. Hubert Haenel et Pierre Steinmetz.
COUR DE CASSATION CHAMBRE CIVILE 2 DU 9 DECEMBRE 2010 N° de pourvoi: 10-60206
Mais sur les effets de la la décision n° 2010-6/7 QPC rendue
le 11 juin 2010 par le Conseil constitutionnel :
Vu les articles 61-1 et 62 de la Constitution
Attendu, selon ces textes, qu'une disposition déclarée inconstitutionnelle sur
le fondement de l'article 61-1 de la Constitution est abrogée à compter de la
publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure
fixée par cette décision
Attendu que dans sa décision n° 2010-6/7 QPC rendue le 11 juin 2010, le Conseil
constitutionnel a déclaré l'article L. 7 du code électoral contraire à la
Constitution que cette abrogation a pris effet à la date de la publication de la
décision au journal officiel de la République française, le 12 juin 2010 ; que,
selon le considérant n° 6 de cette décision, l'abrogation de l'article L. 7 du
code électoral permet aux intéressés de demander, à compter du jour de
publication de la décision, leur inscription immédiate sur la liste électorale
dans les conditions déterminées par la loi ; qu'il s'ensuit que la décision du
Conseil constitutionnel abrogeant l'article L. 7 du code électoral est
applicable en l'espèce devant la Cour de cassation
D'où il suit que le jugement attaqué doit être annulé
DECISIONS DU 2 JUILLET 2010
L'article 90 du code disciplinaire de la Marine Marchande est contraire à la constitution
Le
Conseil constitutionnel a été saisi le 19 mai 2010 par la Cour de cassation
(arrêts n°s 12010 à 12018 du 19 mai 2010), dans les conditions prévues à
l'article 61-1 de la Constitution, de neuf questions prioritaires de
constitutionnalité posées par MM. Philippe C., Vincent W., Réginald C., Lionel
D., Loïc M., Olivier L., Jean-Michel F. et Tony F. et portant sur la conformité
aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article
90 du code disciplinaire et pénal de la marine marchande.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance
n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil
constitutionnel ;
Vu le
code disciplinaire et pénal de la marine marchande ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 9 juin
2010 ;
Vu les observations produites pour les requérants par la SCP Boré et Salvé de
Bruneton, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 15
juin 2010 ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Me Louis Boré, pour les requérants, et M. Jérôme Greffe, désigné par le Premier
ministre, ayant été entendus lors de l'audience publique du 24 juin 2010 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux
termes de l'article 90 du code disciplinaire et pénal de la marine marchande
: « Le tribunal maritime commercial est composé de cinq membres, à savoir :
« Un magistrat du siège du tribunal de grande instance dans le ressort duquel se
trouve le tribunal maritime commercial, président.
« Juges :
« ― un administrateur des affaires maritimes qui n'a pas participé aux
poursuites ou à l'instruction de l'affaire en cause ;
« ― un agent des affaires maritimes choisi en fonction de ses compétences dans
le domaine de la sécurité des navires ou de la sauvegarde de la vie humaine en
mer parmi les corps d'officiers des affaires maritimes ou de fonctionnaires ou
de contractuels de catégorie A des affaires maritimes ;
« ― un capitaine au long cours ou un capitaine de première classe de la
navigation maritime de moins de soixante ans, en activité ou inactif depuis
moins de cinq ans, ayant accompli au moins quatre ans de commandement ;
« ― suivant la qualité du prévenu, un quatrième juge choisi comme suit :
« A. ― Si le prévenu est un marin breveté ou diplômé : un marin actif titulaire
du même brevet ou diplôme, en activité ou inactif depuis moins de cinq ans ;
« B. ― Si le prévenu est un marin ni breveté ni diplômé : un maître ou une
personne d'un grade équivalent à celui de maître, en activité ou inactif depuis
moins de cinq ans, appartenant à la spécialité (pont, machine ou service
général) du prévenu ;
« C. ― Si le prévenu n'est pas un marin : un agent des affaires maritimes choisi
en fonction de ses compétences dans le domaine de la sécurité des navires ou de
la sauvegarde de la vie humaine en mer parmi les corps d'officiers des affaires
maritimes ou de fonctionnaires ou de contractuels de catégorie A des affaires
maritimes.
« Le quatrième juge prévu dans les cas A et B ci-dessus est pris parmi les
marins n'ayant subi aucune condamnation pénale ou sanction disciplinaire
présents dans le port, siège du tribunal maritime commercial ou à défaut dans
les ports voisins.
« Un contrôleur des affaires maritimes remplit les fonctions de greffier » ;
2. Considérant que, selon les requérants, la présence au sein du tribunal
maritime commercial de personnels de l'Etat relevant de l'administration des
affaires maritimes et qui demeurent dépendants de cette administration à qui est
confiée, par ailleurs, la mission d'instruire et de poursuivre les affaires
devant ce tribunal méconnaît tant les principes d'indépendance et d'impartialité
du juge que le droit à un procès équitable ;
3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration des
droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la
garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée,
n'a point de Constitution » ; que le principe d'indépendance est indissociable
de l'exercice de fonctions juridictionnelles ;
4. Considérant que, parmi les cinq membres du tribunal maritime commercial, deux
d'entre eux, voire trois si le prévenu n'est pas un marin, ont la qualité soit
d'officier de la marine nationale, soit de fonctionnaire ou d'agent contractuel
de l'Etat, tous placés en position d'activité de service et, donc, soumis à
l'autorité hiérarchique du Gouvernement ; que, dès lors, même si la disposition
contestée fait obstacle à ce que l'administrateur des affaires maritimes désigné
pour faire partie du tribunal ait participé aux poursuites ou à l'instruction de
l'affaire en cause, ni cet article ni aucune autre disposition législative
applicable à cette juridiction n'institue les garanties appropriées permettant
de satisfaire au principe d'indépendance ; que, par suite, sans qu'il soit
besoin d'examiner les autres griefs, ces dispositions doivent être déclarées
contraires à la Constitution ;
5. Considérant que l'abrogation de l'article
90 du code disciplinaire et pénal de la marine marchande est applicable à
toutes les infractions non jugées définitivement au jour de la publication de la
présente décision ; que, par suite, à compter de cette date, pour exercer la
compétence que leur reconnaît le
code disciplinaire et pénal de la marine marchande, les tribunaux maritimes
commerciaux siégeront dans la composition des juridictions pénales de droit
commun,
Décide :
Article 1
L'article 90 du code disciplinaire et pénal de la marine marchande est contraire à la Constitution.
Article 2
La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées par son considérant
Article 3
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République
française et notifiée dans les conditions prévues à l'article
23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 1er juillet 2010,
où siégeaient : M. Jean-Louis Debré, président, MM. Jacques Barrot, Guy
Canivet, Michel Charasse, Renaud Denoix de Saint Marc, Mme Jacqueline de
Guillenchmidt, MM. Hubert Haenel et Pierre Steinmetz.
DECISIONS DU 23 JUILLET 2010
Décision n° 2010-15/23 QPC DU 23 JUILLET 2010 (LANGUEDOC ROUSSILLON ET AUTRES)
L'article 575 du CODE DE PROCEDURE PENALE qui prive la partie civile de saisir la Cour de Cassation contre une décision de l'instruction est un non accès au tribunal
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 1er juin 2010 par la Cour de
cassation (arrêts n° 12027 et n° 12028 du 31 mai 2010), puis le 11 juin 2010
par cette même cour (arrêt n° 12039 du 4 juin 2010), dans les conditions
prévues à l'article 61-1 de la Constitution, de trois questions prioritaires
de constitutionnalité posées, respectivement, par la région
LANGUEDOC-ROUSSILLON, Mme Irène CORONA et M. Francisco ALIBERTI, relatives à
la conformité de l'article
575 du code de procédure pénale aux droits et libertés que la Constitution
garantit.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance
n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le
Conseil constitutionnel ;
Vu le
code de procédure pénale ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la région LANGUEDOC-ROUSSILLON par la SCP
Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de
cassation, enregistrées le 16 juin 2010 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 16 juin
2010 ;
Vu les observations produites pour M. ALIBERTI par la SCP Piwnica et Molinié,
avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 23 juin
2010 ;
Vu les nouvelles observations produites pour les requérants, enregistrées le
30 juin et le 1er juillet 2010 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Arnaud Lyon-Caen pour la région LANGUEDOC-ROUSSILLON, Me Piwnica pour M.
ALIBERTI, Me Thouin-Palat pour AGF et Mme Cécile BARROIS de SARIGNY, désignée
par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 12
juillet 2010 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que les questions transmises par la Cour de cassation portent
sur la même disposition législative ; qu'il y a donc lieu de les joindre pour
y répondre par une seule décision ;
2. Considérant qu'aux
termes de l'article 575 du code de procédure pénale : « La partie civile
ne peut se pourvoir en cassation contre les arrêts de la chambre de
l'instruction que s'il y a pourvoi du ministère public.
« Toutefois, son seul pourvoi est recevable dans les cas suivants :
« 1° Lorsque l'arrêt de la chambre de l'instruction a dit n'y avoir lieu à
informer ;
« 2° Lorsque l'arrêt a déclaré l'irrecevabilité de l'action de la partie
civile ;
« 3° Lorsque l'arrêt a admis une exception mettant fin à l'action publique ;
« 4° Lorsque l'arrêt a, d'office ou sur déclinatoire des parties, prononcé
l'incompétence de la juridiction saisie ;
« 5° Lorsque l'arrêt a omis de statuer sur un chef de mise en examen ;
« 6° Lorsque l'arrêt ne satisfait pas, en la forme, aux conditions
essentielles de son existence légale ;
« 7° En matière d'atteintes aux droits individuels telles que définies aux
articles 224-1 à 224-5 et 432-4 à 432-6 du code pénal » ;
3. Considérant que, selon les requérants, l'interdiction faite à la partie
civile de se pourvoir contre un arrêt de non-lieu de la chambre de
l'instruction en l'absence de pourvoi du ministère public porte atteinte au
principe d'égalité devant la loi et la justice, au droit à un recours effectif
et aux droits de la défense ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789, la loi « est la même pour tous, soit qu'elle
protège, soit qu'elle punisse » ; que son article 16 dispose : « Toute société
dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des
pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que, si le législateur peut
prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et
les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces
différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient
assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du
principe des droits de la défense, qui implique en particulier l'existence
d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des
parties ;
5. Considérant qu'en vertu de l'article
préliminaire du code de procédure pénale, l'autorité judiciaire veille à
l'information et à la garantie des droits des victimes au cours de toute
procédure pénale ; qu'aux termes de l'article 1er de ce même code : « L'action
publique pour l'application des peines est mise en mouvement et exercée par
les magistrats ou par les fonctionnaires auxquels elle est confiée par la loi.
― Cette action peut aussi être mise en mouvement par la partie lésée, dans les
conditions déterminées par le présent code » ; que son article 2 dispose : «
L'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une
contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du
dommage directement causé par l'infraction » ;
6. Considérant qu'en application de l'article
85 du code de procédure pénale, toute personne qui se prétend lésée par un
crime ou un délit peut, en portant plainte, se constituer partie civile devant
le juge d'instruction compétent ; qu'au cours de l'instruction préparatoire,
la partie civile peut accéder à la procédure, être informée du déroulement de
celle-ci, formuler une demande ou présenter une requête en annulation d'actes
d'instruction ou demander la clôture de la procédure ; que, conformément à
l'article 87 du même code, elle peut interjeter appel de l'ordonnance
déclarant sa constitution irrecevable ; que, par application des deuxième et
troisième alinéas de son article 186, elle peut également former appel des
ordonnances de non-informer, de non-lieu, des ordonnances faisant grief à ses
intérêts ainsi que de l'ordonnance par laquelle le juge statue sur sa
compétence ; que la même faculté d'appel lui est ouverte par l'article 186-1
de ce code, pour les ordonnances refusant les actes d'instruction qu'elle a
demandés, relatives à la prescription de l'action publique ou écartant une
demande d'expertise qu'en vertu de l'article 186-3, il en va de même de
l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel si la victime estime
que les faits renvoyés constituent un crime ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article 567 du même code, les arrêts de la
chambre de l'instruction peuvent être annulés en cas de violation de la loi
sur pourvoi en cassation formé par le ministère public ou la partie civile à
laquelle il est fait grief suivant les distinctions établies ;
8. Considérant que la partie civile n'est pas dans une situation identique à
celle de la personne mise en examen ou à celle du ministère public ; que,
toutefois, la disposition contestée a pour effet, en l'absence de pourvoi du
ministère public, de priver la partie civile de la possibilité de faire
censurer, par la Cour de cassation, la violation de la loi par les arrêts de
la chambre de l'instruction statuant sur la constitution d'une infraction, la
qualification des faits poursuivis et la régularité de la procédure ; qu'en
privant ainsi une partie de l'exercice effectif des droits qui lui sont
garantis par le
code de procédure pénale devant la juridiction d'instruction, cette
disposition apporte une restriction injustifiée aux droits de la défense ;
que, par suite, l'article 575 de ce code doit être déclaré contraire à la
Constitution ;
9. Considérant que l'abrogation de l'article 575 est applicable à toutes les
instructions préparatoires auxquelles il n'a pas été mis fin par une décision
définitive à la date de publication de la présente décision,
Décide :
Article 1
L'article 575 du code de procédure pénale est déclaré contraire à la Constitution.
Article 2
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République
française et notifiée dans les conditions prévues à l'article
23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 22 juillet 2010, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, MM. Jacques BARROT, Guy CANIVET,
Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT,
MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
La discrimination du Code des Pensions militaires entre les nationaux et les autres combattants pour la France est contraire à la Constitution.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 7 juin 2010 par le Conseil d'Etat
(décision n° 338377 du 7 juin 2010), dans les conditions prévues à l'article
61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité
posée par M. Lahcène A. et relative à la conformité aux droits et libertés
que la Constitution garantit du troisième alinéa de l'article L. 253 bis du
code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance
n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le
Conseil constitutionnel ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre
;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 23
juin 2010 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Jean-Emmanuel Nunes, avocat au barreau de Paris, pour M. A. et M. Laurent
Fourquet, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience
publique du 12 juillet 2010 ;
Le rapporteur ayant été entendu,
1. Considérant que le troisième alinéa de l'article L. 253 bis du code des
pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre dispose qu'ont
vocation à la qualité de combattant et à l'attribution de la carte du
combattant, selon les principes retenus pour l'application du titre Ier du
livre III du même code et des textes réglementaires qui le complètent, sous
la seule réserve des adaptations qui pourraient être rendues nécessaires par
le caractère spécifique de la guerre d'Algérie ou des combats en Tunisie et
au Maroc entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962, « les membres des
forces supplétives françaises possédant la nationalité française à la date
de la présentation de leur demande ou domiciliés en France à la même date »
;
2. Considérant que, selon le requérant, ces dispositions en tant qu'elles
posent une condition de nationalité ou de domiciliation portent atteinte au
principe d'égalité devant la loi garanti par les articles 1er et 6 de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'elles
méconnaîtraient également l'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958
et les premier et dix-huitième alinéas du Préambule de la Constitution de
1946 ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789, la
loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle
punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur
règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à
l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que dans l'un et
l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport
direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
4. Considérant que les dispositions précitées ont pour objet d'attribuer, en
témoignage de la reconnaissance de la République française, la carte du
combattant aux membres des forces supplétives françaises qui ont servi
pendant la guerre d'Algérie ou les combats en Tunisie et au Maroc ; que le
législateur ne pouvait établir, au regard de l'objet de la loi et pour cette
attribution, une différence de traitement selon la nationalité ou le
domicile entre les membres de forces supplétives ; que, dès lors, l'exigence
d'une condition de nationalité et de domiciliation posée par le troisième
alinéa de l'article 253 bis du code précité est contraire au principe
d'égalité ;
5. Considérant que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, les
mots : « possédant la nationalité française à la date de la présentation de
leur demande ou domiciliés en France à la même date » figurant dans le
troisième alinéa de l'article 253 bis du code précité doivent être déclarés
contraires à la Constitution,
Décide :
Article 1
Dans le troisième alinéa de l'article L. 253 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, les mots : « possédant la nationalité française à la date de la présentation de leur demande ou domiciliés en France à la même date » sont déclarés contraires à la Constitution.
Article 2
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République
française et notifiée dans les conditions prévues à l'article
23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 22 juillet 2010,
où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, MM. Jacques BARROT, Guy
CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de
GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
DECISIONS DU 30 JUILLET 2010
Décision n° 2010-19/27 QPC DU 30 JUILLET 2010
LES VISITES DOMICILIAIRES FISCALES SONT CONSTITUTIONNELLES
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 9 juin 2010 par le
Conseil d'Etat (décision n° 338028 du 9 juin 2010), dans les conditions
prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de
constitutionnalité posée par M. et Mme André P., relative à la conformité aux
droits et libertés que la Constitution garantit des 1° et 3° du paragraphe IV
de l'article
164 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.
Il a également été saisi le 21 juin 2010 par la Cour de cassation (arrêts n°s
12093 et 12101 du 15 juin 2010), dans les mêmes conditions, de deux questions
prioritaires de constitutionnalité posées respectivement par la SARL DEG
CONSEILS, la société WEBTEL-GSM LLC, Mme Régine D., épouse A.-A., et M.
Philippe C., relatives à la conformité aux droits et libertés que la
Constitution garantit de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales
dans sa rédaction issue de la même loi.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance
n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le
Conseil constitutionnel ;
Vu le
livre des procédures fiscales ;
Vu l'article
94 de la loi n° 84-1208 du 29 décembre 1984 de finances pour 1985,
ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 84-184 DC du 29 décembre
1984
Vu l'article
108 de la loi n° 89-935 du 29 décembre 1989 de finances pour 1990,
ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 89-268 DC du 29 décembre
1989
Vu l'article
49 de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la
présomption d'innocence
Vu l'article
164 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie
Vu le
décret n° 85-1008 du 24 septembre 1985 portant incorporation au
livre des procédures fiscales de divers textes modifiant et complétant
certaines dispositions de ce livre
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour M. et Mme P. par Me Patrick Philip, avocat
au barreau des Hauts-de-Seine, enregistrées le 24 juin 2010 ;
Vu les observations produites pour la société WEBTEL-GSM LLC, Mme D. et M. C.
par la SCP Alain-François Roger et Anne Sevaux, avocat au Conseil d'Etat et à
la Cour de cassation, enregistrées le 1er juillet 2010 ;
Vu les observations produites pour la SARL DEG CONSEILS par la SCP Hélène
Didier et François Pinet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation,
enregistrées le 6 juillet 2010 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées les 25
juin et 6 juillet 2010 ;
Vu les pièces produites et jointes aux dossiers ;
Me Patrick Philip pour M. et Mme P., Me François Pinet pour la SARL DEG
CONSEILS, Me Alain-François Roger pour la société WEBTEL-GSM LLC, Mme D. et M.
C. et M. Laurent Fourquet, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus
à l'audience publique du 27 juillet 2010 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'il y a lieu de joindre ces questions prioritaires de
constitutionnalité pour statuer par une seule décision ;
Sur l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales dans sa version issue
de la
loi du 4 août 2008 susvisée :
2. Considérant que l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales fixe le
cadre légal des visites et saisies effectuées par les agents de
l'administration fiscale ; que, dans sa rédaction résultant de l'article
164 de la loi du 4 août 2008 susvisée, cet article dispose :
« I. ― Lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale,
estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à
l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices
ou de la taxe sur la valeur ajoutée en se livrant à des achats ou à des ventes
sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se
rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou
de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des
écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue
est imposée par le
code général des impôts, elle peut, dans les conditions prévues au II,
autoriser les agents de l'administration des impôts, ayant au moins le grade
d'inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des impôts, à
rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous
lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont
susceptibles d'être détenus et procéder à leur saisie, quel qu'en soit le
support.
« II. ― Chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du juge des
libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort
duquel sont situés les lieux à visiter.
« Le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation qui
lui est soumise est bien fondée ; cette demande doit comporter tous les
éléments d'information en possession de l'administration de nature à justifier
la visite.
« L'ordonnance comporte :
« ― l'adresse des lieux à visiter ;
« ― le nom et la qualité du fonctionnaire habilité qui a sollicité et obtenu
l'autorisation de procéder aux opérations de visite ;
« ― la mention de la faculté pour le contribuable de faire appel à un conseil
de son choix.
« L'exercice de cette faculté n'entraîne pas la suspension des opérations de
visite et de saisie.
« Le juge motive sa décision par l'indication des éléments de fait et de droit
qu'il retient et qui laissent présumer, en l'espèce, l'existence des
agissements frauduleux dont la preuve est recherchée.
« Si, à l'occasion de la visite, les agents habilités découvrent l'existence
d'un coffre dans un établissement de crédit dont la personne occupant les
lieux visités est titulaire et où des pièces et documents se rapportant aux
agissements visés au I sont susceptibles de se trouver, ils peuvent, sur
autorisation délivrée par tout moyen par le juge qui a pris l'ordonnance,
procéder immédiatement à la visite de ce coffre. Mention de cette autorisation
est portée au procès-verbal prévu au IV.
« La visite et la saisie de documents s'effectuent sous l'autorité et le
contrôle du juge qui les a autorisées. A cette fin, il donne toutes
instructions aux agents qui participent à ces opérations.
« Il désigne un officier de police judiciaire chargé d'assister à ces
opérations et de le tenir informé de leur déroulement.
« Il peut, s'il l'estime utile, se rendre dans les locaux pendant
l'intervention.
« A tout moment, il peut décider la suspension ou l'arrêt de la visite.
« L'ordonnance est exécutoire au seul vu de la minute.
« L'ordonnance est notifiée verbalement et sur place au moment de la visite, à
l'occupant des lieux ou à son représentant qui en reçoit copie intégrale
contre récépissé ou émargement au procès-verbal prévu au IV. En l'absence de
l'occupant des lieux ou de son représentant, l'ordonnance est notifiée, après
la visite, par lettre recommandée avec avis de réception. La notification est
réputée faite à la date de réception figurant sur l'avis.
« A défaut de réception, il est procédé à la signification de l'ordonnance par
acte d'huissier de justice.
« Le délai et la voie de recours sont mentionnés dans l'ordonnance.
« L'ordonnance peut faire l'objet d'un appel devant le premier président de la
cour d'appel. Les parties ne sont pas tenues de constituer avoué.
« Suivant les règles prévues par le code de procédure civile, cet appel doit
être exclusivement formé par déclaration remise ou adressée, par pli
recommandé ou, à compter du 1er janvier 2009, par voie électronique, au greffe
de la cour dans un délai de quinze jours. Ce délai court à compter soit de la
remise, soit de la réception, soit de la signification de l'ordonnance. Cet
appel n'est pas suspensif.
« Le greffe du tribunal de grande instance transmet sans délai le dossier de
l'affaire au greffe de la cour d'appel où les parties peuvent le consulter.
« L'ordonnance du premier président de la cour d'appel est susceptible d'un
pourvoi en cassation, selon les règles prévues par le code de procédure
civile. Le délai du pourvoi en cassation est de quinze jours.
« III. ― La visite, qui ne peut être commencée avant six heures ni après vingt
et une heures, est effectuée en présence de l'occupant des lieux ou de son
représentant ; en cas d'impossibilité, l'officier de police judiciaire
requiert deux témoins choisis en dehors des personnes relevant de son autorité
ou de celle de l'administration des impôts.
« Les agents de l'administration des impôts mentionnés au I peuvent être
assistés d'autres agents des impôts habilités dans les mêmes conditions que
les inspecteurs.
« Les agents des impôts habilités, l'occupant des lieux ou son représentant et
l'officier de police judiciaire peuvent seuls prendre connaissance des pièces
et documents avant leur saisie.
« L'officier de police judiciaire veille au respect du secret professionnel et
des droits de la défense conformément aux
dispositions du troisième alinéa de l'article 56 du code de procédure pénale
; l'article 58 de ce code est applicable.
« IV. ― Un procès-verbal relatant les modalités et le déroulement de
l'opération et consignant les constatations effectuées est dressé sur-le-champ
par les agents de l'administration des impôts. Un inventaire des pièces et
documents saisis lui est annexé s'il y a lieu. Le procès-verbal et
l'inventaire sont signés par les agents de l'administration des impôts et par
l'officier de police judiciaire ainsi que par les personnes mentionnées au
premier alinéa du III ; en cas de refus de signer, mention en est faite au
procès-verbal.
« Si l'inventaire sur place présente des difficultés, les pièces et documents
saisis sont placés sous scellés. L'occupant des lieux ou son représentant est
avisé qu'il peut assister à l'ouverture des scellés qui a lieu en présence de
l'officier de police judiciaire ; l'inventaire est alors établi.
« V. ― Les originaux du procès-verbal et de l'inventaire sont, dès qu'ils ont
été établis, adressés au juge qui a autorisé la visite ; une copie de ces
mêmes documents est remise à l'occupant des lieux ou à son représentant. Une
copie est également adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de
réception à l'auteur présumé des agissements mentionnés au I, nonobstant les
dispositions de l'article L. 103.
« Les pièces et documents saisis sont restitués à l'occupant des locaux dans
les six mois de la visite ; toutefois, lorsque des poursuites pénales sont
engagées, leur restitution est autorisée par l'autorité judiciaire compétente.
« Le procès-verbal et l'inventaire mentionnent le délai et la voie de recours.
« Le premier président de la cour d'appel connaît des recours contre le
déroulement des opérations de visite ou de saisie. Les parties ne sont pas
tenues de constituer avoué.
« Suivant les règles prévues par le code de procédure civile, ce recours doit
être exclusivement formé par déclaration remise ou adressée, par pli
recommandé ou, à compter du 1er janvier 2009, par voie électronique, au greffe
de la cour dans un délai de quinze jours. Ce délai court à compter de la
remise ou de la réception soit du procès-verbal, soit de l'inventaire,
mentionnés au premier alinéa. Ce recours n'est pas suspensif.
« L'ordonnance du premier président de la cour d'appel est susceptible d'un
pourvoi en cassation selon les règles prévues par le code de procédure civile.
Le délai du pourvoi en cassation est de quinze jours.
« VI. ― L'administration des impôts ne peut opposer au contribuable les
informations recueillies qu'après restitution des pièces et documents saisis
ou de leur reproduction et mise en œuvre des procédures de contrôle visées aux
premier et deuxième alinéas de l'article L. 47 » ;
3. Considérant que, selon les requérants, les visites et saisies par des
agents de l'administration fiscale portent atteinte à l'inviolabilité du
domicile, au droit de propriété, au droit à un recours juridictionnel effectif
et au respect des droits de la défense ; qu'ils soutiennent, en particulier,
que l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales n'impose au juge ni de
mentionner dans l'ordonnance d'autorisation la possibilité et les modalités de
sa saisine en vue de la suspension ou de l'arrêt de la visite, ni d'indiquer
ses coordonnées pour que soit assuré le caractère effectif du contrôle de ces
opérations ;
4. Considérant que la disposition contestée a pour origine l'article
94 de la loi du 29 décembre 1984 susvisée ; que cet article a été
spécialement examiné et déclaré conforme à la Constitution dans les
considérants 33 à 35 de la décision du 29 décembre 1984 susvisée ; que,
postérieurement à son insertion dans le
livre des procédures fiscales, il a été modifié par l'article 108 de la
loi du 29 décembre 1989, l'article 49 de la loi du 15 juin 2000 et l'article
164 de la loi du 4 août 2008 susvisées
5. Considérant que l'article 108 de la loi du 29 décembre 1989 a inséré dans
l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales des dispositions qui
constituent les alinéas 3 à 7 et 15 à 17 de son paragraphe II ; que ces
dispositions ont été spécialement examinées et déclarées conformes à la
Constitution dans les considérants 91 à 100 de la décision du 29 décembre 1989
susvisée ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des
droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point
de Constitution » ;
7. Considérant que le
VI de l'article 49 de la loi du 15 juin 2000 susvisée a pour seul objet de
confier au juge des libertés et de la détention, et non plus au président du
tribunal de grande instance, le pouvoir d'autoriser les visites prévues par
l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ; qu'il ne méconnaît aucune
exigence constitutionnelle ;
8. Considérant que l'article 164 de la loi du 4 août 2008 a inséré dans
l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales des dispositions qui
constituent les alinéas 6 et 7, 14 et 16 à 21 de son paragraphe II ainsi que
la dernière phrase du premier alinéa de son paragraphe V et les alinéas 3 à 6
de ce même paragraphe ; qu'il a introduit dans la procédure prévue par
l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales des garanties
supplémentaires pour les personnes soumises à ces visites en leur ouvrant la
faculté de saisir le premier président de la cour d'appel d'un appel de
l'ordonnance autorisant la visite des agents de l'administration fiscale ainsi
que d'un recours contre le déroulement de ces opérations ;
9. Considérant que, d'une part, le quinzième alinéa du paragraphe II de
l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales prévoit que l'ordonnance
est notifiée verbalement sur place au moment de la visite ; qu'à défaut
d'occupant des lieux ou de son représentant, elle est notifiée par lettre
recommandée ou, à défaut, par voie d'huissier de justice ; que le dix-septième
alinéa de cet article prévoit que « le délai et la voie de recours sont
mentionnés dans l'ordonnance » ; que, d'autre part, si les dispositions
contestées prévoient que l'ordonnance autorisant la visite est exécutoire « au
seul vu de la minute » et que l'appel n'est pas suspensif, ces dispositions,
indispensables à l'efficacité de la procédure de visite et destinées à assurer
la mise en œuvre de l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la
fraude fiscale, ne portent pas atteinte au droit du requérant d'obtenir, le
cas échéant, l'annulation des opérations de visite ; que, par suite, le grief
tiré de la méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif, qui
découle de l'article 16 de la Déclaration de 1789, doit être écarté ;
10. Considérant qu'en l'absence de changement des circonstances, il n'y a pas
lieu, pour le Conseil constitutionnel, d'examiner les griefs formés contre les
dispositions déjà déclarées conformes à la Constitution dans les décisions
susvisées ; que, par suite, les griefs tirés de l'atteinte au droit de
propriété et de la méconnaissance de l'inviolabilité du domicile ou de
l'atteinte à l'article 66 de la Constitution, qui visent des dispositions déjà
déclarées conformes à la Constitution, doivent être écartés ;
Sur les 1° et 3° du paragraphe IV de l'article
164 de la loi du 4 août 2008 susvisée :
11. Considérant que le 1° du paragraphe IV de l'article
164 de la loi du 4 août 2008 susvisée a pour objet d'ouvrir, dans des
conditions analogues à celles que prévoit l'article L. 16 B du livre des
procédures fiscales, un appel contre l'ordonnance du juge des libertés et de
la détention, pour les procédures de visite et de saisie pour lesquelles le
procès-verbal ou l'inventaire a été remis ou réceptionné antérieurement à la
date d'entrée en vigueur de la réforme de cette procédure ; que le 3° du
paragraphe IV du même article fixe les modalités de l'information des
contribuables sur ces droits ;
12. Considérant qu'aux termes du 1° du paragraphe IV de cet article 164 : «
Pour les procédures de visite et de saisie prévues à l'article L. 16 B du
livre des procédures fiscales pour lesquelles le procès-verbal ou l'inventaire
mentionnés au IV de cet article a été remis ou réceptionné antérieurement à la
date d'entrée en vigueur de la présente loi, un appel contre l'ordonnance
mentionnée au II de cet article, alors même que cette ordonnance a fait
l'objet d'un pourvoi ayant donné lieu à cette date à une décision de rejet du
juge de cassation, ou un recours contre le déroulement des opérations de
visite ou de saisie peut, dans les délais et selon les modalités précisés au 3
du présent IV, être formé devant le premier président de la cour d'appel dans
les cas suivants :
« a) Lorsque les procédures de visite et de saisie ont été réalisées à compter
du 1er janvier de la troisième année qui précède l'entrée en vigueur de la
présente loi et n'ont donné lieu à aucune procédure de contrôle visée aux
articles L. 10 à L. 47 A du livre des procédures fiscales ;
« b) Lorsque les procédures de contrôle visées aux articles L. 10 à L. 47 A du
même livre mises en œuvre à la suite des procédures de visite et de saisie
réalisées à compter du 1er janvier de la troisième année qui précède l'entrée
en vigueur de la présente loi se sont conclues par une absence de proposition
de rectification ou de notification d'imposition d'office ;
« c) Lorsque les procédures de contrôle mises en œuvre à la suite d'une
procédure de visite et de saisie n'ont pas donné lieu à mise en recouvrement
ou, en l'absence d'imposition supplémentaire, à la réception soit de la
réponse aux observations du contribuable mentionnée à l'article L. 57 du même
livre, soit de la notification prévue à l'article L. 76 du même livre, soit de
la notification de l'avis rendu par la commission départementale des impôts
directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ou par la Commission nationale
des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;
« d) Lorsque, à partir d'éléments obtenus par l'administration dans le cadre
d'une procédure de visite et de saisie, des impositions ont été établies ou
des rectifications ne se traduisant pas par des impositions supplémentaires
ont été effectuées et qu'elles font ou sont encore susceptibles de faire
l'objet, à la date de l'entrée en vigueur de la présente loi, d'une
réclamation ou d'un recours contentieux devant le juge, sous réserve des
affaires dans lesquelles des décisions sont passées en force de chose jugée.
Le juge, informé par l'auteur de l'appel ou du recours ou par
l'administration, sursoit alors à statuer jusqu'au prononcé de l'ordonnance du
premier président de la cour d'appel » ;
13. Considérant qu'aux termes du 3° du paragraphe IV du même article : « Dans
les cas mentionnés aux 1 et 2, l'administration informe les personnes visées
par l'ordonnance ou par les opérations de visite et de saisie de l'existence
de ces voies de recours et du délai de deux mois ouvert à compter de la
réception de cette information pour, le cas échéant, faire appel contre
l'ordonnance ou former un recours contre le déroulement des opérations de
visite ou de saisie. Cet appel et ce recours sont exclusifs de toute
appréciation par le juge du fond de la régularité du déroulement des
opérations de visite et de saisie. Ils s'exercent selon les modalités prévues
respectivement aux articles L. 16 B et L. 38 du livre des procédures fiscales
et à l'article
64 du code des douanes. En l'absence d'information de la part de
l'administration, ces personnes peuvent exercer, selon les mêmes modalités,
cet appel ou ce recours sans condition de délai » ;
14. Considérant que, selon le premier requérant, ces dispositions
méconnaîtraient le principe de non-rétroactivité de la loi pénale consacré par
l'article 8 de la Déclaration de 1789, le droit de consentir à l'impôt, prévu
par son article 14, et le principe de la séparation des pouvoirs garanti par
son article 16 ;
15. Considérant, en premier lieu, que la disposition contestée n'institue ni
une incrimination ni une peine ; que, par suite, le grief tiré de la
méconnaissance de la non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère doit être
écarté ;
16. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 34 de la
Constitution : « La loi fixe les règles concernant... l'assiette, le taux et
les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures... Les lois de
finances déterminent les ressources et les charges de l'Etat dans les
conditions et sous les réserves prévues par une loi organique... » ; que les
dispositions de l'article 14 de la Déclaration de 1789 sont mises en œuvre par
l'article 34 de la Constitution et n'instituent pas un droit ou une liberté
qui puisse être invoqué, à l'occasion d'une instance devant une juridiction, à
l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de
l'article 61-1 de la Constitution ; que, dès lors, le grief tiré de la
méconnaissance de l'article 14 de la Déclaration de 1789 doit être écarté ;
17. Considérant, en troisième lieu, d'une part, qu'il est à tout moment
loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de
modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le
cas échéant, d'autres dispositions ; que, ce faisant, il ne saurait toutefois
priver de garanties légales des exigences constitutionnelles ; qu'en
particulier, il méconnaîtrait la garantie des droits proclamés par l'article
16 de la Déclaration de 1789 s'il portait aux situations légalement acquises
une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt général suffisant ;
18. Considérant que, d'autre part, si le législateur peut modifier
rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif ou de
droit privé, c'est à la condition de poursuivre un but d'intérêt général
suffisant et de respecter tant les décisions de justice ayant force de chose
jugée que le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions ; qu'en
outre, l'acte modifié ou validé ne doit méconnaître aucune règle ni aucun
principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le but d'intérêt général
visé soit lui-même de valeur constitutionnelle ; qu'enfin, la portée de la
modification ou de la validation doit être strictement définie ;
19. Considérant que les 1° et 3° du paragraphe IV de l'article
164 de la loi du 4 août 2008 susvisée reconnaissent à certains
contribuables ayant fait l'objet, avant l'entrée en vigueur de cette loi, de
visites par des agents de l'administration fiscale, le droit de former un
appel contre l'ordonnance ayant autorisé cette visite ou un recours contre le
déroulement de ces opérations ; qu'ils font ainsi bénéficier rétroactivement
ces personnes des nouvelles voies de recours désormais prévues par l'article
L. 16 B du livre des procédures fiscales ; qu'ils n'affectent donc aucune
situation légalement acquise dans des conditions contraires à la garantie des
droits proclamée par l'article 16 de la Déclaration de 1789 ;
20. Considérant que les 1° et 3° du paragraphe IV de l'article
164 de la loi du 4 août 2008 susvisée ainsi que l'article L. 16 B du livre
des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de la même loi, ne sont
contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :
Article 1
Les 1° et 3° du paragraphe IV de l'article
164 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie
ainsi que l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales dans sa
rédaction issue de la même loi sont conformes à la Constitution.
Article 2
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République
française et notifiée dans les conditions prévues à l'article
23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 29 juillet 2010,
où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, MM. Jacques BARROT, Guy
CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de
GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
LA GARDE A VUE SANS AVOCAT EST INCONSTITUTIONNELLE
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 1er juin 2010 par la
Cour de cassation (arrêt n° 12030 du 31 mai 2010), dans les conditions prévues
à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de
constitutionnalité posée par MM. Daniel W., Laurent D., Eddy et Driss G.,
Hamza F., Antonio M. et Ferat A., Mme Elena L., MM. Alexander Z., Ahmed B.,
Samih Z., Rachid M., Mike S., Claudy I., Grégory B. Ahmed K., Kossi H., Willy
P. et John C., Mme Virginie P., MM. Mehdi T., Abibou S., Mouhssine M., Nouri
G., Mohamed E., Amare K., Ulrich K., Masire N., Abelouahab S., Rami Z., Edgar
A., Valentin F. et Nabil et Sophiane S., relative à la conformité aux droits
et libertés que la Constitution garantit des
articles 62, 63, 63-1, 63-4, 77 et 706-73 du code de procédure pénale
relatifs au régime de la garde à vue.
Il a également été saisi le 11 juin 2010 par cette même cour (arrêt n°
12041-12042-12043-12044-12046-12047-12050-12051-12052-12054 du 4 juin 2010),
dans les mêmes conditions, d'une question prioritaire de constitutionnalité
posée par MM. Jacques M., Jean C., Didier B., Bruno R., Mohammed A., François
W., Jair Alonso R., Bilel G., Mohamed H. et David L., relative à la conformité
aux droits et libertés que la Constitution garantit des mêmes dispositions.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance
n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le
Conseil constitutionnel ;
Vu le
code de procédure pénale ;
Vu la
loi n° 78-788 du 28 juillet 1978 portant réforme de la procédure pénale
sur la police judiciaire et le jury d'assises, notamment son article 2 ;
Vu la
loi n° 85-1196 du 18 novembre 1985 modifiant diverses dispositions du
code de procédure pénale et du
code de la route et relative à la police judiciaire, notamment son article
1er ;
Vu la
loi n° 93-1013 du 24 août 1993 modifiant la
loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme du
code de procédure pénale, ensemble la décision du Conseil constitutionnel
n° 93-326 DC du 11 août 1993 ;
Vu la
loi n° 94-89 du 1er février 1994 instituant une peine incompressible et
relative au nouveau
code pénal et à certaines dispositions de procédure pénale, notamment son
article 2 ;
Vu la
loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions
et à la procédure civile, pénale et administrative, notamment son article 53 ;
Vu la
loi n° 96-647 du 22 juillet 1996 tendant à renforcer la répression du
terrorisme et des atteintes aux personnes dépositaires de l'autorité publique
ou chargées d'une mission de service public et comportant des dispositions
relatives à la police judiciaire, notamment son article 20 ;
Vu la
loi n° 98-1035 du 18 novembre 1998 portant extension de la qualification
d'officier de police judiciaire au corps de maîtrise et d'application de la
police nationale ;
Vu la
loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, notamment son
article 8 ;
Vu la
loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux
évolutions de la criminalité, ensemble la décision du Conseil constitutionnel
n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 ;
Vu la
loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme
et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles
frontaliers, notamment son article 16 ;
Vu les observations produites par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil
d'Etat et à la Cour de cassation, pour MM. D. et W., enregistrées le 17 juin
2010 ;
Vu les observations produites par la SCP Nicolay, de Lanouvelle, Hannotin,
avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour Mmes L. et P. et MM.
Z., B., Z., M., S., I., B., K., H., P., C., T., S., M., G., E., K., K., N., S.
et Z., enregistrées le 17 juin 2010 ;
Vu les observations produites par Me Molin, avocat au barreau de Lyon, pour
MM. M., A., S., G., S. et F., enregistrées le 18 juin 2010 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées les 18 et
24 juin 2010 ;
Vu les observations produites par Me Barrere, avocat au barreau de Perpignan,
pour M. R., enregistrées le 20 juin 2010 ;
Vu les observations produites par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil
d'Etat et à la Cour de cassation, pour M. M., enregistrées le 23 juin 2010 ;
Vu les observations produites par la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat au
Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour M. C., enregistrées le 24 juin
2010 ;
Vu les nouvelles observations produites par Me Barrere, enregistrées le 28
juin 2010 ;
Vu les nouvelles observations produites par la SCP Piwnica et Molinié,
enregistrées le 30 juin 2010 ;
Vu les nouvelles observations produites par la SCP Nicolay, de Lanouvelle,
Hannotin, enregistrées le 30 juin 2010 ;
Vu les observations produites par la SCP Bernard Peignot et Denis Garreau,
avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour M. G., enregistrées
le 2 juillet 2010 ;
Vu les observations produites par Me Gavignet, avocat au barreau de Dijon,
pour M. A., enregistrées le 2 juillet 2010 ;
Vu les observations complémentaires produites par le Premier ministre à la
demande du Conseil constitutionnel pour les besoins de l'instruction,
enregistrées le 16 juillet 2010 ;
Vu les pièces produites et jointes aux dossiers ;
Me Emmanuel Piwnica, Me René Despieghelaere, Me Gaël Candella, Me Eymeric
Molin, Me Jean-Baptiste Gavignet, Me Marie-Aude Labbe, Me Emmanuel Ravanas, Me
Hélène Farge, Me David Rajjou, Me Denis Garreau, pour les requérants, et M.
François Seners, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus lors de
l'audience publique du 20 juillet 2010 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que les questions prioritaires de constitutionnalité portent
sur les mêmes dispositions ; qu'il y a lieu, par suite, de les joindre pour
statuer par une seule décision ;
2. Considérant qu'aux
termes de l'article 62 du code de procédure pénale : « L'officier de
police judiciaire peut appeler et entendre toutes les personnes susceptibles
de fournir des renseignements sur les faits ou sur les objets et documents
saisis.
« Les personnes convoquées par lui sont tenues de comparaître. L'officier de
police judiciaire peut contraindre à comparaître par la force publique les
personnes visées à l'article 61. Il peut également contraindre à comparaître
par la force publique, avec l'autorisation préalable du procureur de la
République, les personnes qui n'ont pas répondu à une convocation à
comparaître ou dont on peut craindre qu'elles ne répondent pas à une telle
convocation.
« Il dresse un procès-verbal de leurs déclarations. Les personnes entendues
procèdent elles-mêmes à sa lecture, peuvent y faire consigner leurs
observations et y apposent leur signature. Si elles déclarent ne savoir lire,
lecture leur en est faite par l'officier de police judiciaire préalablement à
la signature. Au cas de refus de signer le procès-verbal, mention en est faite
sur celui-ci.
« Les agents de police judiciaire désignés à l'article 20 peuvent également
entendre, sous le contrôle d'un officier de police judiciaire, toutes
personnes susceptibles de fournir des renseignements sur les faits en cause.
Ils dressent à cet effet, dans les formes prescrites par le présent code, des
procès-verbaux qu'ils transmettent à l'officier de police judiciaire qu'ils
secondent.
« Les personnes à l'encontre desquelles il n'existe aucune raison plausible de
soupçonner qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction ne peuvent
être retenues que le temps strictement nécessaire à leur audition » ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 63 de ce même code : « L'officier de
police judiciaire peut, pour les nécessités de l'enquête, placer en garde à
vue toute personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons
plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une
infraction. Il en informe dès le début de la garde à vue le procureur de la
République.
« La personne gardée à vue ne peut être retenue plus de vingt-quatre heures.
Toutefois, la garde à vue peut être prolongée pour un nouveau délai de
vingt-quatre heures au plus, sur autorisation écrite du procureur de la
République. Ce magistrat peut subordonner cette autorisation à la présentation
préalable de la personne gardée à vue.
« Sur instructions du procureur de la République, les personnes à l'encontre
desquelles les éléments recueillis sont de nature à motiver l'exercice de
poursuites sont, à l'issue de la garde à vue, soit remises en liberté, soit
déférées devant ce magistrat.
« Pour l'application du présent article, les ressorts des tribunaux de grande
instance de Paris, Nanterre, Bobigny et Créteil constituent un seul et même
ressort » ;
4. Considérant qu'aux termes de son article 63-1 : « Toute personne placée en
garde à vue est immédiatement informée par un officier de police judiciaire,
ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire, de la
nature de l'infraction sur laquelle porte l'enquête, des droits mentionnés aux
articles 63-2, 63-3 et 63-4 ainsi que des dispositions relatives à la durée de
la garde à vue prévues par l'article 63.
« Mention de cet avis est portée au procès-verbal et émargée par la personne
gardée à vue ; en cas de refus d'émargement, il en est fait mention.
« Les informations mentionnées au premier alinéa doivent être communiquées à
la personne gardée à vue dans une langue qu'elle comprend, le cas échéant au
moyen de formulaires écrits.
« Si cette personne est atteinte de surdité et qu'elle ne sait ni lire ni
écrire, elle doit être assistée par un interprète en langue des signes ou par
toute personne qualifiée maîtrisant un langage ou une méthode permettant de
communiquer avec des sourds. Il peut également être recouru à tout dispositif
technique permettant de communiquer avec une personne atteinte de surdité.
« Si la personne est remise en liberté à l'issue de la garde à vue sans
qu'aucune décision n'ait été prise par le procureur de la République sur
l'action publique, les dispositions de l'article 77-2 sont portées à sa
connaissance.
« Sauf en cas de circonstance insurmontable, les diligences résultant pour les
enquêteurs de la communication des droits mentionnés aux articles 63-2 et 63-3
doivent intervenir au plus tard dans un délai de trois heures à compter du
moment où la personne a été placée en garde à vue » ;
5. Considérant qu'aux termes de son article 63-4 : « Dès le début de la garde
à vue, la personne peut demander à s'entretenir avec un avocat. Si elle n'est
pas en mesure d'en désigner un ou si l'avocat choisi ne peut être contacté,
elle peut demander qu'il lui en soit commis un d'office par le bâtonnier.
« Le bâtonnier est informé de cette demande par tous moyens et sans délai.
« L'avocat désigné peut communiquer avec la personne gardée à vue dans des
conditions qui garantissent la confidentialité de l'entretien. Il est informé
par l'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un
agent de police judiciaire de la nature et de la date présumée de l'infraction
sur laquelle porte l'enquête.
« A l'issue de l'entretien dont la durée ne peut excéder trente minutes,
l'avocat présente, le cas échéant, des observations écrites qui sont jointes à
la procédure.
« L'avocat ne peut faire état de cet entretien auprès de quiconque pendant la
durée de la garde à vue.
« Lorsque la garde à vue fait l'objet d'une prolongation, la personne peut
également demander à s'entretenir avec un avocat dès le début de la
prolongation, dans les conditions et selon les modalités prévues aux alinéas
précédents.
« Si la personne est gardée à vue pour une infraction mentionnée aux 4°, 6°,
7°, 8° et 15° de l'article 706-73, l'entretien avec un avocat ne peut
intervenir qu'à l'issue d'un délai de quarante-huit heures. Si elle est gardée
à vue pour une infraction mentionnée aux 3° et 11° du même article,
l'entretien avec un avocat ne peut intervenir qu'à l'issue d'un délai de
soixante-douze heures. Le procureur de la République est avisé de la
qualification des faits retenue par les enquêteurs dès qu'il est informé par
ces derniers du placement en garde à vue » ;
6. Considérant qu'aux termes de son article 77 : « L'officier de police
judiciaire peut, pour les nécessités de l'enquête, garder à sa disposition
toute personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons
plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une
infraction. Il en informe dès le début de la garde à vue le procureur de la
République. La personne gardée à vue ne peut être retenue plus de vingt-quatre
heures.
« Le procureur de la République peut, avant l'expiration du délai de
vingt-quatre heures, prolonger la garde à vue d'un nouveau délai de
vingt-quatre heures au plus. Cette prolongation ne peut être accordée qu'après
présentation préalable de la personne à ce magistrat. Toutefois, elle peut, à
titre exceptionnel, être accordée par décision écrite et motivée sans
présentation préalable de la personne. Si l'enquête est suivie dans un autre
ressort que celui du siège du procureur de la République saisi des faits, la
prolongation peut être accordée par le procureur de la République du lieu
d'exécution de la mesure.
« Sur instructions du procureur de la République saisi des faits, les
personnes à l'encontre desquelles les éléments recueillis sont de nature à
motiver l'exercice de poursuites sont, à l'issue de la garde à vue, soit
remises en liberté, soit déférées devant ce magistrat.
« Pour l'application du présent article, les ressorts des tribunaux de grande
instance de Paris, Nanterre, Bobigny et Créteil constituent un seul et même
ressort.
« Les dispositions des articles 63-1, 63-2, 63-3, 63-4, 64, 64-1 et 65 sont
applicables aux gardes à vue exécutées dans le cadre du présent chapitre » ;
7. Considérant qu'aux termes de son article 706-73 : « La procédure applicable
à l'enquête, la poursuite, l'instruction et le jugement des crimes et des
délits suivants est celle prévue par le présent code, sous réserve des
dispositions du présent titre :
« 1° Crime de meurtre commis en bande organisée prévu par le
8° de l'article 221-4 du code pénal ;
« 2° Crime de tortures et d'actes de barbarie commis en bande organisée prévu
par l'article
222-4 du code pénal ;
« 3° Crimes et délits de trafic de stupéfiants prévus par les articles 222-34
à 222-40 du code pénal ;
« 4° Crimes et délits d'enlèvement et de séquestration commis en bande
organisée prévus par l'article
224-5-2 du code pénal ;
« 5° Crimes et délits aggravés de traite des êtres humains prévus par les
articles 225-4-2 à 225-4-7 du code pénal ;
« 6° Crimes et délits aggravés de proxénétisme prévus par les articles 225-7 à
225-12 du code pénal ;
« 7° Crime de vol commis en bande organisée prévu par l'article
311-9 du code pénal ;
« 8° Crimes aggravés d'extorsion prévus par les
articles 312-6 et 312-7 du code pénal ;
« 9° Crime de destruction, dégradation et détérioration d'un bien commis en
bande organisée prévu par l'article
322-8 du code pénal ;
« 10° Crimes en matière de fausse monnaie prévus par les
articles 442-1 et 442-2 du code pénal ;
« 11° Crimes et délits constituant des actes de terrorisme prévus par les
articles 421-1 à 421-6 du code pénal ;
« 12° Délits en matière d'armes et de produits explosifs commis en bande
organisée, prévus par les
articles L. 2339-2, L. 2339-8, L. 2339-10, L. 2341-4, L. 2353-4 et L. 2353-5
du code de la défense ;
« 13° Délits d'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irréguliers d'un
étranger en France commis en bande organisée prévus par le
quatrième alinéa du I de l'article 21 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre
1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France
;
« 14° Délits de blanchiment prévus par les
articles 324-1 et 324-2 du code pénal, ou de recel prévus par les articles
321-1 et 321-2 du même code, du produit, des revenus, des choses provenant des
infractions mentionnées aux 1° à 13° ;
« 15° Délits d'association de malfaiteurs prévus par l'article
450-1 du code pénal, lorsqu'ils ont pour objet la préparation de l'une des
infractions mentionnées aux 1° à 14° ;
« 16° Délit de non-justification de ressources correspondant au train de vie,
prévu par l'article
321-6-1 du code pénal, lorsqu'il est en relation avec l'une des
infractions mentionnées aux 1° à 15°.
« Pour les infractions visées aux 3°, 6° et 11°, sont applicables, sauf
précision contraire, les dispositions du présent titre ainsi que celles des
titres XV, XVI et XVII » ;
8. Considérant que les requérants font valoir, en premier lieu, que les
conditions matérielles dans lesquelles la garde à vue se déroule
méconnaîtraient la dignité de la personne ;
9. Considérant qu'ils soutiennent, en deuxième lieu, que le pouvoir donné à
l'officier de police judiciaire de placer une personne en garde à vue
méconnaîtrait le principe selon lequel l'autorité judiciaire est gardienne de
la liberté individuelle ; que le procureur de la République ne serait pas une
autorité judiciaire indépendante ; qu'il ne serait informé qu'après la
décision de placement en garde à vue ; qu'il a le pouvoir de la prolonger et
que cette décision peut être prise sans présentation de la personne gardée à
vue ;
10. Considérant qu'ils estiment, en troisième lieu, que le pouvoir donné à
l'officier de police judiciaire de placer en garde à vue toute personne à
l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de
soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction constitue un
pouvoir arbitraire qui méconnaît le principe résultant de l'article 9 de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui prohibe toute
rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer d'une personne mise en
cause ;
11. Considérant que les requérants font valoir, en quatrième lieu, que la
personne gardée à vue n'a droit qu'à un entretien initial de trente minutes
avec un avocat et non à l'assistance de ce dernier ; que l'avocat n'a pas
accès aux pièces de la procédure et n'assiste pas aux interrogatoires ; que la
personne gardée à vue ne reçoit pas notification de son droit de garder le
silence ; que, dès lors, le régime de la garde à vue méconnaîtrait les droits
de la défense, les exigences d'une procédure juste et équitable, la
présomption d'innocence et l'égalité devant la loi et la justice ; qu'en
outre, le fait que, dans les enquêtes visant certaines infractions, le droit
de s'entretenir avec un avocat soit reporté à la quarante-huitième ou à la
soixante-douzième heure de garde à vue méconnaîtrait les mêmes exigences ;
Sur les
articles 63-4, alinéa 7, et 706-73 du code de procédure pénale :
12. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées du
troisième alinéa de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée
et du troisième alinéa de son article 23-5 que le Conseil constitutionnel ne
peut être saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à
une disposition qui a déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les
motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf
changement des circonstances ;
13. Considérant que le Conseil constitutionnel a été saisi, en application du
deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, de la
loi du 9 mars 2004 susvisée ; que les requérants contestaient notamment la
conformité à la Constitution des dispositions de ses articles 1er et 14 ; que,
dans les considérants 2 et suivants de sa décision du 2 mars 2004 susvisée, le
Conseil constitutionnel a spécialement examiné l'article 1er, qui « insère
dans le livre IV du code de procédure pénale un titre XXV intitulé : "De la
procédure applicable à la criminalité et à la délinquance organisées” » et
comportait l'article
706-73 du code de procédure pénale ; qu'en particulier, dans les
considérants 21 et suivants de cette même décision, il a examiné les
dispositions relatives à la garde à vue en matière de criminalité et de
délinquance organisées et, parmi celles-ci, le paragraphe I de l'article 14
dont résulte le
septième alinéa de l'article 63-4 du code de procédure pénale ; que
l'article 2 du dispositif de cette décision a déclaré les articles 1er et 14
conformes à la Constitution ; que, par suite, le septième alinéa de l'article
63-4 et l'article
706-73 du code de procédure pénale ont déjà été déclarés conformes à la
Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil
constitutionnel ; qu'en l'absence de changement des circonstances, depuis la
décision du 2 mars 2004 susvisée, en matière de lutte contre la délinquance et
la criminalité organisées, il n'y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel,
de procéder à un nouvel examen de ces dispositions ;
Sur les
articles 62, 63, 63-1, 63-4, alinéas 1er à 6, et 77 du code de procédure
pénale :
14. Considérant que, dans sa décision susvisée du 11 août 1993, le Conseil
constitutionnel n'a pas spécialement examiné les
articles 63, 63-1, 63-4 et 77 du code de procédure pénale ; que,
toutefois, il a déclaré conformes à la Constitution les modifications
apportées à ces articles par les dispositions alors soumises à son examen ;
que ces dispositions étaient relatives aux conditions de placement d'une
personne en garde à vue et à la prolongation de cette mesure, au contrôle de
celle-ci par le procureur de la République et au droit de la personne gardée à
vue d'avoir un entretien de trente minutes avec un avocat ; que,
postérieurement à la
loi susvisée du 24 août 1993, ces articles du
code de procédure pénale ont été modifiés à plusieurs reprises ; que les
dispositions contestées assurent, en comparaison de celles qui ont été
examinées par le Conseil dans sa décision du 11 août 1993, un encadrement
renforcé du recours à la garde à vue et une meilleure protection des droits
des personnes qui en font l'objet ;
15. Considérant toutefois que, depuis 1993, certaines modifications des règles
de la procédure pénale ainsi que des changements dans les conditions de sa
mise en œuvre ont conduit à un recours de plus en plus fréquent à la garde à
vue et modifié l'équilibre des pouvoirs et des droits fixés par le
code de procédure pénale ;
16. Considérant qu'ainsi la proportion des procédures soumises à l'instruction
préparatoire n'a cessé de diminuer et représente moins de 3 % des jugements et
ordonnances rendus sur l'action publique en matière correctionnelle ; que,
postérieurement à la loi du 24 août 1993, la pratique du traitement dit « en
temps réel » des procédures pénales a été généralisée ; que cette pratique
conduit à ce que la décision du ministère public sur l'action publique est
prise sur le rapport de l'officier de police judiciaire avant qu'il soit mis
fin à la garde à vue ; que, si ces nouvelles modalités de mise en œuvre de
l'action publique ont permis une réponse pénale plus rapide et plus
diversifiée conformément à l'objectif de bonne administration de la justice,
il n'en résulte pas moins que, même dans des procédures portant sur des faits
complexes ou particulièrement graves, une personne est désormais le plus
souvent jugée sur la base des seuls éléments de preuve rassemblés avant
l'expiration de sa garde à vue, en particulier sur les aveux qu'elle a pu
faire pendant celle-ci ; que la garde à vue est ainsi souvent devenue la phase
principale de constitution du dossier de la procédure en vue du jugement de la
personne mise en cause ;
17. Considérant, en outre, que, dans sa rédaction résultant des lois du
28 juillet 1978 et
18 novembre 1985 susvisées, l'article
16 du code de procédure pénale fixait une liste restreinte de personnes
ayant la qualité d'officier de police judiciaire, seules habilitées à décider
du placement d'une personne en garde à vue ; que cet article a été modifié par
l'article 2 de la loi du 1er février 1994, l'article 53 de la loi du 8 février
1995, l'article 20 de la loi du 22 juillet 1996, la loi du 18 novembre 1998,
l'article 8 de la loi du 18 mars 2003 et l'article
16 de la loi du 23 janvier 2006 susvisées ; que ces modifications ont
conduit à une réduction des exigences conditionnant l'attribution de la
qualité d'officier de police judiciaire aux fonctionnaires de la police
nationale et aux militaires de la gendarmerie nationale ; que, entre 1993 et
2009, le nombre de ces fonctionnaires civils et militaires ayant la qualité
d'officier de police judiciaire est passé de 25 000 à 53 000 ;
18. Considérant que ces évolutions ont contribué à banaliser le recours à la
garde à vue, y compris pour des infractions mineures ; qu'elles ont renforcé
l'importance de la phase d'enquête policière dans la constitution des éléments
sur le fondement desquels une personne mise en cause est jugée ; que plus de
790 000 mesures de garde à vue ont été décidées en 2009 ; que ces
modifications des circonstances de droit et de fait justifient un réexamen de
la constitutionnalité des dispositions contestées ;
En ce qui concerne le grief tiré de l'atteinte à la dignité de la personne :
19. Considérant que le Préambule de la Constitution de 1946 a réaffirmé que
tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance,
possède des droits inaliénables et sacrés ; que la sauvegarde de la dignité de
la personne contre toute forme d'asservissement et de dégradation est au
nombre de ces droits et constitue un principe à valeur constitutionnelle ;
20. Considérant qu'il appartient aux autorités judiciaires et aux autorités de
police judiciaire compétentes de veiller à ce que la garde à vue soit, en
toutes circonstances, mise en œuvre dans le respect de la dignité de la
personne ; qu'il appartient, en outre, aux autorités judiciaires compétentes,
dans le cadre des pouvoirs qui leur sont reconnus par le
code de procédure pénale et, le cas échéant, sur le fondement des
infractions pénales prévues à cette fin, de prévenir et de réprimer les
agissements portant atteinte à la dignité de la personne gardée à vue et
d'ordonner la réparation des préjudices subis ; que la méconnaissance
éventuelle de cette exigence dans l'application des dispositions législatives
précitées n'a pas, en elle-même, pour effet d'entacher ces dispositions
d'inconstitutionnalité ; que, par suite, s'il est loisible au législateur de
les modifier, les dispositions soumises à l'examen du Conseil constitutionnel
ne portent pas atteinte à la dignité de la personne ;
En ce qui concerne les autres griefs :
21. Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la Déclaration de 1789 : « Nul
homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la
loi, et selon les formes qu'elle a prescrites. Ceux qui sollicitent,
expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires, doivent être
punis ; mais tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la loi doit obéir à
l'instant : il se rend coupable par la résistance » ; qu'aux termes de son
article 9 : « Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été
déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui
ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement
réprimée par la loi » ; que son article 16 dispose : « Toute société dans
laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des
pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ;
22. Considérant qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution, la loi fixe
les règles concernant la procédure pénale ; qu'aux termes de son article 66 :
« Nul ne peut être arbitrairement détenu. ― L'autorité judiciaire, gardienne
de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les
conditions prévues par la loi » ;
23. Considérant que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution
l'obligation de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale ; que,
s'agissant de la procédure pénale, cette exigence s'impose notamment pour
éviter une rigueur non nécessaire lors de la recherche des auteurs
d'infractions ;
24. Considérant, en outre, qu'il incombe au législateur d'assurer la
conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public
et la recherche des auteurs d'infractions, toutes deux nécessaires à la
sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre
part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties ; qu'au nombre
de celles-ci figurent le respect des droits de la défense, qui découle de
l'article 16 de la Déclaration de 1789, et la liberté individuelle que
l'article 66 de la Constitution place sous la protection de l'autorité
judiciaire ;
25. Considérant qu'en elles-mêmes, les évolutions rappelées ci-dessus ne
méconnaissent aucune exigence constitutionnelle ; que la garde à vue demeure
une mesure de contrainte nécessaire à certaines opérations de police
judiciaire ; que, toutefois, ces évolutions doivent être accompagnées des
garanties appropriées encadrant le recours à la garde à vue ainsi que son
déroulement et assurant la protection des droits de la défense ;
26. Considérant que l'autorité judiciaire comprend à la fois les magistrats du
siège et du parquet ; que l'intervention d'un magistrat du siège est requise
pour la prolongation de la garde à vue au-delà de quarante-huit heures ;
qu'avant la fin de cette période, le déroulement de la garde à vue est placé
sous le contrôle du procureur de la République qui peut décider, le cas
échéant, de sa prolongation de vingt-quatre heures ; qu'il résulte des
articles 63 et 77 du code de procédure pénale que le procureur de la
République est informé dès le début de la garde à vue ; qu'il peut ordonner à
tout moment que la personne gardée à vue soit présentée devant lui ou remise
en liberté ; qu'il lui appartient d'apprécier si le maintien de la personne en
garde à vue et, le cas échéant, la prolongation de cette mesure sont
nécessaires à l'enquête et proportionnés à la gravité des faits que la
personne est suspectée d'avoir commis ; que, par suite, le grief tiré de la
méconnaissance de l'article 66 de la Constitution doit être écarté ;
27. Considérant cependant, d'une part, qu'en vertu des
articles 63 et 77 du code de procédure pénale, toute personne suspectée
d'avoir commis une infraction peut être placée en garde à vue par un officier
de police judiciaire pendant une durée de vingt-quatre heures quelle que soit
la gravité des faits qui motivent une telle mesure ; que toute garde à vue
peut faire l'objet d'une prolongation de vingt-quatre heures sans que cette
faculté soit réservée à des infractions présentant une certaine gravité ;
28. Considérant, d'autre part, que les dispositions combinées des articles 62
et 63 du même code autorisent l'interrogatoire d'une personne gardée à vue ;
que son article 63-4 ne permet pas à la personne ainsi interrogée, alors
qu'elle est retenue contre sa volonté, de bénéficier de l'assistance effective
d'un avocat ; qu'une telle restriction aux droits de la défense est imposée de
façon générale, sans considération des circonstances particulières
susceptibles de la justifier, pour rassembler ou conserver les preuves ou
assurer la protection des personnes ; qu'au demeurant, la personne gardée à
vue ne reçoit pas la notification de son droit de garder le silence ;
29. Considérant que, dans ces conditions, les
articles 62, 63, 63-1, 63-4, alinéas 1er à 6, et 77 du code de procédure
pénale n'instituent pas les garanties appropriées à l'utilisation qui est
faite de la garde à vue compte tenu des évolutions précédemment rappelées ;
qu'ainsi, la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à
l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions et, d'autre part,
l'exercice des libertés constitutionnellement garanties ne peut plus être
regardée comme équilibrée ; que, par suite, ces dispositions méconnaissent les
articles 9 et 16 de la Déclaration de 1789 et doivent être déclarées
contraires à la Constitution
Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité :
30. Considérant, d'une part, que le Conseil constitutionnel ne dispose pas
d'un pouvoir général d'appréciation de même nature que celui du Parlement ;
qu'il ne lui appartient pas d'indiquer les modifications des règles de
procédure pénale qui doivent être choisies pour qu'il soit remédié à
l'inconstitutionnalité constatée ; que, d'autre part, si, en principe, une
déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à la partie qui a présenté
la question prioritaire de constitutionnalité, l'abrogation immédiate des
dispositions contestées méconnaîtrait les objectifs de prévention des
atteintes à l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions et
entraînerait des conséquences manifestement excessives ; qu'il y a lieu, dès
lors, de reporter au 1er juillet 2011 la date de cette abrogation afin de
permettre au législateur de remédier à cette inconstitutionnalité ; que les
mesures prises avant cette date en application des dispositions déclarées
contraires à la Constitution ne peuvent être contestées sur le fondement de
cette inconstitutionnalité,
Décide :
Article 1
Les
articles 62, 63, 63-1 et 77 du code de procédure pénale et les alinéas
ler à 6 de son article 63-4 sont contraires à la Constitution.
Article 2
La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet le 1er
juillet 2011 dans les conditions fixées au considérant 30.
Article 3
Il n'y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de statuer sur l'article
706-73 du code de procédure pénale et le septième alinéa de son article
63-4.
Article 4
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République
française et notifiée dans les conditions prévues à l'article
23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 29 juillet 2010,
où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, MM. Jacques BARROT, Guy
CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de
GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
DECISIONS DU 16 ET 17 SEPTEMBRE 2010
Décision n° 2010-25 QPC DU 16
SEPTEMBRE 2010
LE FICHAGE DES EMPREINTES GENETIQUES AVANT LA LOI DU 10 MARS 2010
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 17 juin 2010 par la
Cour de cassation (arrêt n° 12071 du 11 juin 2010), dans les conditions
prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de
constitutionnalité posée par M. Jean-Victor C., relative à la conformité aux
droits et libertés que la Constitution garantit des deuxième et troisième
alinéas de l'article 706-54 du code de procédure pénale, de l'article 706-55
et du premier alinéa du paragraphe II de l'article 706-56 du même code ainsi
que de l'article 29 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique
sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux
fichiers et aux libertés ;
Vu la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, ensemble la
décision du Conseil constitutionnel n° 2003-467 DC en date du 13 mars 2003 ;
Vu la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la
délinquance ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour M. C. par la SCP Waquet-Farge-Hazan, avocat
au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 12 juillet 2010 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 12
juillet 2010 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Hélène Farge pour M. C. et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le
Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 9 septembre 2010;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité formulée par
le requérant vise les « articles 706-54, alinéas 2 et 3, 706-55 et 706-56, II,
alinéa 1er, du code de procédure pénale ainsi que l'article 29 de la loi n°
2003-239 du 18 mars 2003 » ; que ce dernier texte a pour unique objet de
donner une nouvelle rédaction aux articles 706-54 à 706-56 du code de
procédure pénale ; que la question prioritaire de constitutionnalité doit être
regardée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion
duquel elle a été posée ; qu'ainsi le Conseil constitutionnel est saisi de
l'article 706-55, dans sa rédaction en vigueur, et des articles 706-54 et
706-56 dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2010-242 du 10 mars 2010 ;
2. Considérant que, dans sa rédaction antérieure à la loi du 10 mars 2010
précitée, l'article 706-54 du code de procédure pénale dispose :
« Le fichier national automatisé des empreintes génétiques, placé sous le
contrôle d'un magistrat, est destiné à centraliser les empreintes génétiques
issues des traces biologiques ainsi que les empreintes génétiques des
personnes condamnées pour l'une des infractions mentionnées à l'article 706-55
en vue de faciliter l'identification et la recherche des auteurs de ces
infractions.
« Les empreintes génétiques des personnes à l'encontre desquelles il existe
des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient commis
l'une des infractions mentionnées à l'article 706-55 sont également conservées
dans ce fichier sur décision d'un officier de police judiciaire agissant soit
d'office, soit à la demande du procureur de la République ou du juge
d'instruction ; il est fait mention de cette décision au dossier de la
procédure. Ces empreintes sont effacées sur instruction du procureur de la
République agissant soit d'office, soit à la demande de l'intéressé, lorsque
leur conservation n'apparaît plus nécessaire compte tenu de la finalité du
fichier. Lorsqu'il est saisi par l'intéressé, le procureur de la République
informe celui-ci de la suite qui a été réservée à sa demande ; s'il n'a pas
ordonné l'effacement, cette personne peut saisir à cette fin le juge des
libertés et de la détention, dont la décision peut être contestée devant le
président de la chambre de l'instruction.
« Les officiers de police judiciaire peuvent également, d'office ou à la
demande du procureur de la République ou du juge d'instruction, faire procéder
à un rapprochement de l'empreinte de toute personne à l'encontre de laquelle
il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis
un crime ou un délit avec les données incluses au fichier, sans toutefois que
cette empreinte puisse y être conservée.
« Le fichier prévu par le présent article contient également les empreintes
génétiques issues des traces biologiques recueillies à l'occasion des
procédures de recherche des causes de la mort ou de recherche des causes d'une
disparition prévues par les articles 74, 74-1 et 80-4 ainsi que les empreintes
génétiques correspondant ou susceptibles de correspondre aux personnes
décédées ou recherchées.
« Les empreintes génétiques conservées dans ce fichier ne peuvent être
réalisées qu'à partir de segments d'acide désoxyribonucléique non codants, à
l'exception du segment correspondant au marqueur du sexe.
« Un décret en Conseil d'Etat pris après avis de la Commission nationale de
l'informatique et des libertés détermine les modalités d'application du
présent article. Ce décret précise notamment la durée de conservation des
informations enregistrées » ;
3. Considérant que l'article 706-55 du même code dispose : « Le fichier
national automatisé des empreintes génétiques centralise les traces et
empreintes génétiques concernant les infractions suivantes :
« 1° Les infractions de nature sexuelle visées à l'article 706-47 du présent
code ainsi que le délit prévu par l'article 222-32 du code pénal ;
« 2° Les crimes contre l'humanité et les crimes et délits d'atteintes
volontaires à la vie de la personne, de torture et actes de barbarie, de
violences volontaires, de menaces d'atteintes aux personnes, de trafic de
stupéfiants, d'atteintes aux libertés de la personne, de traite des êtres
humains, de proxénétisme, d'exploitation de la mendicité et de mise en péril
des mineurs, prévus par les articles 221-1 à 221-5, 222-1 à 222-18, 222-34 à
222-40, 224-1 à 224-8, 225-4-1 à 225-4-4, 225-5 à 225-10, 225-12-1 à 225-12-3,
225-12-5 à 225-12-7 et 227-18 à 227-21 du code pénal ;
« 3° Les crimes et délits de vols, d'extorsions, d'escroqueries, de
destructions, de dégradations, de détériorations et de menaces d'atteintes aux
biens prévus par les articles 311-1 à 311-13, 312-1 à 312-9, 313-2 et 322-1 à
322-14 du code pénal ;
« 4° Les atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation, les actes de
terrorisme, la fausse monnaie et l'association de malfaiteurs prévus par les
articles 410-1 à 413-12, 421-1 à 421-4, 442-1 à 442-5 et 450-1 du code pénal ;
« 5° Les délits prévus par les articles L. 2353-4 et L. 2339-1 à L. 2339-11 du
code de la défense ;
« 6° Les infractions de recel ou de blanchiment du produit de l'une des
infractions mentionnées aux 1° à 5°, prévues par les articles 321-1 à 321-7 et
324-1 à 324-6 du code pénal » ;
4. Considérant que l'article 706-56 du même code, dans la rédaction antérieure
à la loi du 10 mars 2010 précitée, dispose :
« I. ― L'officier de police judiciaire peut procéder ou faire procéder sous
son contrôle, à l'égard des personnes mentionnées au premier, au deuxième ou
au troisième alinéa de l'article 706-54, à un prélèvement biologique destiné à
permettre l'analyse d'identification de leur empreinte génétique.
Préalablement à cette opération, il peut vérifier ou faire vérifier par un
agent de police judiciaire placé sous son contrôle que l'empreinte génétique
de la personne concernée n'est pas déjà enregistrée, au vu de son seul état
civil, dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques.
« Pour qu'il soit procédé à cette analyse, l'officier de police judiciaire
peut requérir toute personne habilitée dans les conditions fixées par
l'article 16-12 du code civil, sans qu'il soit toutefois nécessaire que cette
personne soit inscrite sur une liste d'experts judiciaires ; dans ce cas, la
personne prête alors par écrit le serment prévu au deuxième alinéa de
l'article 60 du présent code. Les réquisitions prévues par le présent alinéa
peuvent également être faites par le procureur de la République ou le juge
d'instruction.
« Les personnes requises conformément à l'alinéa précédent peuvent procéder,
par tous moyens y compris télématiques, à la demande de l'officier de police
judiciaire, du procureur de la République ou du juge d'instruction, aux
opérations permettant l'enregistrement des empreintes dans le fichier national
automatisé des empreintes génétiques.
« Lorsqu'il n'est pas possible de procéder à un prélèvement biologique sur une
personne mentionnée au premier alinéa, l'identification de son empreinte
génétique peut être réalisée à partir de matériel biologique qui se serait
naturellement détaché du corps de l'intéressé.
« Lorsqu'il s'agit d'une personne condamnée pour crime ou pour un délit puni
de dix ans d'emprisonnement, le prélèvement peut être effectué sans l'accord
de l'intéressé sur réquisitions écrites du procureur de la République.
« II. ― Le fait de refuser de se soumettre au prélèvement biologique prévu au
premier alinéa du I est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 EUR
d'amende.
« Lorsque ces faits sont commis par une personne condamnée pour crime, la
peine est de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 EUR d'amende.
« Nonobstant les dispositions des articles 132-2 à 132-5 du code pénal, les
peines prononcées pour les délits prévus au présent article se cumulent, sans
possibilité de confusion, avec celles que la personne subissait ou celles
prononcées pour l'infraction ayant fait l'objet de la procédure à l'occasion
de laquelle les prélèvements devaient être effectués.
« Le fait, pour une personne faisant l'objet d'un prélèvement, de commettre ou
de tenter de commettre des manœuvres destinées à substituer à son propre
matériel biologique le matériel biologique d'une tierce personne, avec ou sans
son accord, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 EUR d'amende.
« III. ― Lorsque les infractions prévues par le présent article sont commises
par une personne condamnée, elles entraînent de plein droit le retrait de
toutes les réductions de peine dont cette personne a pu bénéficier et
interdisent l'octroi de nouvelles réductions de peine. » ;
Sur l'article 706-54 du code de procédure pénale :
5. Considérant que, selon le requérant, les deuxième et troisième alinéas de
l'article 706-54, qui autorisent l'officier de police judiciaire à décider
d'office d'un prélèvement biologique aux fins de rapprochement ou
d'enregistrement au fichier national automatisé des empreintes génétiques,
portent atteinte à l'article 66 de la Constitution ; qu'il soutient, en outre,
que le troisième alinéa de l'article 706-54, qui autorise un prélèvement
biologique pour tout crime ou délit sans considération des strictes nécessités
de l'enquête en cours, méconnaît les articles 2 et 9 de la Déclaration des
droits de l'homme et du citoyen de 1789, l'article 66 de la Constitution, le
principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine et
le principe d'inviolabilité du corps humain ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la Déclaration de 1789 : « Le
but de toute association politique est la conservation des droits naturels et
imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la
sûreté et la résistance à l'oppression » ; que la liberté proclamée par cet
article implique le respect de la vie privée ;
7. Considérant que le Préambule de la Constitution de 1946 a réaffirmé que
tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance,
possède des droits inaliénables et sacrés ; que la sauvegarde de la dignité de
la personne contre toute forme d'asservissement et de dégradation est au
nombre de ces droits et constitue un principe à valeur constitutionnelle ;
qu'il appartient, dès lors, au législateur, compétent en application de
l'article 34 de la Constitution pour fixer les règles concernant le droit
pénal et la procédure pénale, de déterminer les conditions et les modalités
des enquêtes et informations judiciaires dans le respect de la dignité de la
personne ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article 9 de la Déclaration de 1789 : « Tout
homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il
est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas
nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la
loi » ;
9. Considérant qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution la loi fixe les
règles concernant la procédure pénale ; qu'aux termes de son article 66 : «
Nul ne peut être arbitrairement détenu. ― L'autorité judiciaire, gardienne de
la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions
prévues par la loi » ;
10. Considérant, en premier lieu, que le législateur tient de l'article 34 de
la Constitution l'obligation de fixer lui-même le champ d'application de la
loi pénale ; que, s'agissant de la procédure pénale, cette exigence s'impose
notamment pour éviter une rigueur non nécessaire lors de la recherche des
auteurs d'infractions ;
11. Considérant, en second lieu, qu'il appartient au législateur d'assurer la
conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public
et la recherche des auteurs d'infractions, toutes deux nécessaires à la
sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre
part, la protection des droits et libertés constitutionnellement garantis, au
nombre desquels figurent le respect de la vie privée, protégé par l'article 2
de la Déclaration de 1789, le respect de la présomption d'innocence, le
principe de dignité de la personne humaine, ainsi que la liberté individuelle
que l'article 66 place sous la protection de l'autorité judiciaire ; qu'ainsi,
si le législateur peut prévoir des mesures d'investigation spéciales en vue de
constater des crimes et délits d'une gravité et d'une complexité
particulières, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs,
c'est sous réserve que ces mesures soient conduites dans le respect des
prérogatives de l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle en
vertu de l'article 66 de la Constitution, et que les restrictions qu'elles
apportent aux droits et libertés constitutionnellement garantis soient
nécessaires à la manifestation de la vérité, proportionnées à la gravité et à
la complexité des infractions commises et n'introduisent pas de
discriminations injustifiées ;
En ce qui concerne le prélèvement et l'enregistrement des empreintes
génétiques :
12. Considérant, en premier lieu, que, si, dans les cas prévus aux deuxième et
troisième alinéas de l'article 706-54, un officier de police judiciaire peut
décider d'office un prélèvement biologique aux fins de rapprochement ou de
conservation au fichier, un tel acte, nécessairement accompli dans le cadre
d'une enquête ou d'une instruction judiciaires, est placé sous le contrôle du
procureur de la République ou du juge d'instruction, lesquels dirigent son
activité conformément aux dispositions du code de procédure pénale ; que les
empreintes peuvent être retirées du fichier sur instruction du procureur de la
République ; qu'enfin, aux termes du premier alinéa de l'article 706-54, le
fichier est placé sous le contrôle d'un magistrat ; que, par suite, le grief
tiré de la méconnaissance de l'article 66 de la Constitution doit être écarté
;
13. Considérant, en deuxième lieu, que le prélèvement biologique visé aux
deuxième et troisième alinéas de l'article 706-54 ne peut être effectué sans
l'accord de l'intéressé ; que, selon le quatrième alinéa du paragraphe I de
l'article 706-56, lorsqu'il n'est pas possible de procéder à un prélèvement
biologique sur une personne, l'identification de son empreinte génétique peut
être réalisée à partir de matériel biologique qui se serait naturellement
détaché de son corps ; qu'en tout état de cause le prélèvement n'implique
aucune intervention corporelle interne ; qu'il ne comporte aucun procédé
douloureux, intrusif ou attentatoire à la dignité des personnes ;
14. Considérant que, selon le premier alinéa de l'article 706-54, le fichier
n'est constitué qu'en vue de faciliter l'identification et la recherche des
auteurs de certaines infractions ; qu'à cette fin le cinquième alinéa de cet
article prescrit que : « Les empreintes génétiques conservées dans ce fichier
ne peuvent être réalisées qu'à partir de segments d'acide désoxyribonucléique
non codants, à l'exception du segment correspondant au marqueur du sexe » ;
qu'ainsi la disposition contestée n'autorise pas l'examen des caractéristiques
génétiques des personnes ayant fait l'objet de ces prélèvements mais permet
seulement leur identification par les empreintes génétiques ;
15. Considérant qu'en conséquence manquent en fait les griefs tirés de
l'atteinte à l'inviolabilité du corps humain, au principe du respect de la
dignité de la personne humaine et à la liberté individuelle ;
16. Considérant, en troisième lieu, que le fichier relève du contrôle de la
Commission nationale de l'informatique et des libertés en application des
dispositions et selon les modalités prévues par la loi du 6 janvier 1978
susvisée ; que, selon les dispositions de l'article 706-54, il est en outre
placé sous le contrôle d'un magistrat ; qu'il est constitué en vue de
l'identification et de la recherche des auteurs de certaines infractions et ne
centralise que les traces et empreintes concernant les mêmes infractions ; que
l'inscription au fichier concerne, outre les personnes condamnées pour ces
infractions, celles à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou
concordants rendant vraisemblable qu'elles les aient commises ; que, pour ces
dernières, les empreintes prélevées dans le cadre d'une enquête ou d'une
information judiciaires sont conservées dans le fichier sur décision d'un
officier de police judiciaire agissant soit d'office, soit à la demande du
procureur de la République ou du juge d'instruction ; qu'une procédure
d'effacement est, dans ce cas, prévue par le législateur, lorsque la
conservation des empreintes n'apparaît plus nécessaire compte tenu de la
finalité du fichier ; que le refus du procureur de la République de procéder à
cet effacement est susceptible de recours devant le juge des libertés et de la
détention dont la décision peut être contestée devant le président de la
chambre de l'instruction ; qu'enfin toute personne bénéficie d'un droit
d'accès direct auprès du responsable du fichier en application de l'article 39
de la loi du 6 janvier 1978 susvisée ; que, dès lors, ces dispositions sont de
nature à assurer, entre le respect de la vie privée et la sauvegarde de
l'ordre public, une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée ;
que le grief tiré de ce que la mise en œuvre du fichier ne serait pas assortie
de garanties appropriées doit être écarté ;
17. Considérant, en quatrième lieu, que le prélèvement biologique aux fins de
la conservation au fichier, prévu par le deuxième alinéa de l'article 706-54,
des empreintes génétiques des personnes à l'encontre desquelles il existe des
indices graves et concordants rendant vraisemblable qu'elles aient commis
certaines infractions et le prélèvement biologique aux fins de rapprochement
d'empreintes, prévu par le troisième alinéa de l'article 706-54, auquel il
peut être procédé sur toute personne à l'encontre de laquelle il existe des
raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis l'un de ces mêmes crimes ou
délits, n'emportent ni déclaration ni présomption de culpabilité ; qu'ils
peuvent au contraire établir l'innocence des personnes qui en sont l'objet ;
que l'obligation pénalement sanctionnée de se soumettre au prélèvement, qui
n'implique pas davantage de reconnaissance de culpabilité, n'est pas contraire
à la règle selon laquelle nul n'est tenu de s'accuser ; que, dès lors, ces
dispositions ne portent pas atteinte à la présomption d'innocence ;
18. Considérant, en cinquième lieu, que l'enregistrement au fichier des
empreintes génétiques de personnes condamnées pour des infractions
particulières ainsi que des personnes à l'encontre desquelles il existe des
indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient commis
l'une de ces infractions est nécessaire à l'identification et à la recherche
des auteurs de ces crimes ou délits ; que le dernier alinéa de l'article
706-54 renvoie au décret le soin de préciser notamment la durée de
conservation des informations enregistrées ; que, dès lors, il appartient au
pouvoir réglementaire de proportionner la durée de conservation de ces données
personnelles, compte tenu de l'objet du fichier, à la nature ou à la gravité
des infractions concernées tout en adaptant ces modalités aux spécificités de
la délinquance des mineurs ; que, sous cette réserve, le renvoi au décret
n'est pas contraire à l'article 9 de la Déclaration de 1789 ;
En ce qui concerne le prélèvement aux fins de rapprochement avec les données
du fichier :
19. Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 706-54 les
officiers de police judiciaire peuvent également, d'office ou à la demande du
procureur de la République ou du juge d'instruction, faire procéder à un
rapprochement de l'empreinte de toute personne à l'encontre de laquelle il
existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis un
crime ou un délit, avec les données incluses au fichier, sans toutefois que
cette empreinte puisse y être conservée ; que l'expression « crime ou délit »
ici employée par le législateur doit être interprétée comme renvoyant aux
infractions énumérées par l'article 706-55 ; que, sous cette réserve, le
troisième alinéa de l'article 706-54 du code de procédure pénale n'est pas
contraire à l'article 9 de la Déclaration de 1789 ;
20. Considérant, par suite, que, sous les réserves énoncées aux considérants
18 et 19, les conditions dans lesquelles sont recueillies et conservées les
empreintes génétiques des intéressés ne portent pas atteinte aux droits et
libertés que la Constitution garantit ;
Sur l'article 706-55 du code de procédure pénale :
21. Considérant que, selon le requérant, le troisième alinéa de l'article
706-55, qui permet la centralisation des empreintes génétiques pour certaines
infractions commises contre les biens, confère au fichier national automatisé
des empreintes génétiques un champ d'application disproportionné et serait de
ce fait contraire aux articles 2, 8, 9 et 16 de la Déclaration de 1789, à
l'article 66 de la Constitution, au principe de sauvegarde de la dignité de la
personne humaine et à l'inviolabilité du corps humain ;
22. Considérant que, selon l'article 706-55, le fichier national automatisé
des empreintes génétiques centralise les traces et empreintes génétiques
concernant des infractions de nature sexuelle, les crimes contre l'humanité et
les crimes et délits d'atteintes volontaires à la vie de la personne, de
torture et actes de barbarie, de violences volontaires, de menaces d'atteintes
aux personnes, de trafic de stupéfiants, d'atteintes aux libertés de la
personne, de traite des êtres humains, de proxénétisme, d'exploitation de la
mendicité et de mise en péril des mineurs, les crimes et délits de vols,
d'extorsions, d'escroqueries, de destructions, de dégradations, de
détériorations et de menaces d'atteintes aux biens, les atteintes aux intérêts
fondamentaux de la nation, les actes de terrorisme, la fausse monnaie et
l'association de malfaiteurs, certaines infractions à la législation sur les
armes et explosifs, les infractions de recel ou de blanchiment du produit de
l'une des infractions ; que ces crimes et délits sont précisément et
limitativement énumérés ; qu'outre les atteintes aux intérêts fondamentaux de
la nation, toutes ces infractions portent atteinte à la sécurité des personnes
ou des biens, incriminent des faits en permettant la commission ou ceux qui en
tirent bénéfice ; qu'à l'exception de l'infraction prévue au second alinéa de
l'article 322-1 du code pénal toutes sont au moins punies de peines
d'emprisonnement ; que, pour l'ensemble de ces infractions, les rapprochements
opérés avec des empreintes génétiques provenant des traces et prélèvements
enregistrés au fichier sont aptes à contribuer à l'identification et à la
recherche de leurs auteurs ; qu'il en résulte que la liste prévue par
l'article 706-55 est en adéquation avec l'objectif poursuivi par le
législateur et que cet article ne soumet pas les intéressés à une rigueur qui
ne serait pas nécessaire et ne porte atteinte à aucun des droits et libertés
invoqués ;
Sur l'article 706-56 du code de procédure pénale :
23. Considérant que le requérant fait grief au premier alinéa du paragraphe II
de l'article 706-56, qui incrimine le refus de prélèvement prévu par le
troisième alinéa de l'article 706-54, de porter atteinte aux articles 2, 8, 9
et 16 de la Déclaration de 1789, à l'article 66 de la Constitution, au
principe non bis in idem, au principe constitutionnel de sauvegarde de la
dignité de la personne humaine et au principe d'inviolabilité du corps humain
en ce qu'il permet la condamnation réitérée des personnes qui refusent de se
soumettre au prélèvement biologique, à l'occasion de poursuites engagées pour
les mêmes faits, d'abord au cours de l'enquête puis après condamnation ;
24. Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution : « La loi
fixe les règles concernant... la détermination des crimes et délits ainsi que
les peines qui leur sont applicables » ; que l'article 61-1 de la Constitution
ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et
de décision de même nature que celui du Parlement, mais lui donne seulement
compétence pour se prononcer sur la conformité aux droits et libertés que la
Constitution garantit des dispositions législatives soumises à son examen ;
25. Considérant qu'en punissant le refus de prélèvement biologique par une
peine maximale d'un an d'emprisonnement et de 15 000 EUR d'amende en principe,
et de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 EUR d'amende lorsque le refus est
opposé par une personne condamnée pour crime, le législateur n'a pas institué
une peine manifestement disproportionnée ; que la réitération du refus à des
périodes et en des circonstances différentes peut donner lieu à des poursuites
et des condamnations distinctes sans méconnaître le principe non bis in idem ;
qu'enfin le délit prévu par le paragraphe II de l'article 706-56 ne figure pas
dans les infractions mentionnées à l'article 706-55 autorisant le prélèvement
biologique ; qu'il s'ensuit que les dispositions du paragraphe II de l'article
706-56 ne portent atteinte à aucun des droits et libertés invoqués ;
26. Considérant que, sous les réserves énoncées aux considérants 18 et 19, les
articles 706-54, 706-55 et 706-56 du code de procédure pénale ne sont pas
contraires aux droits et libertés que la Constitution garantit,
Décide :
Sous les réserves énoncées aux considérants 18 et 19, l'article 706-54 du code de procédure pénale dans sa rédaction antérieure à la loi du 10 mars 2010 précitée est conforme à la Constitution.
Article 2
L'article 706-55 du code de procédure pénale et l'article 706-56 du même code, dans leur rédaction antérieure à la même loi, sont conformes à la Constitution.
Article 3
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République
française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de
l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
La loi du 10 juillet 1970 pour lutter contre l'insalubrité
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 16 septembre 2010,
où siégeaient : M. Jean-Louis Debré, président, M. Jacques Barrot, Mme
Claire Bazy Malaurie, MM. Guy Canivet, Michel Charasse, Renaud Denoix de
Saint Marc, Mme Jacqueline de Guillenchmidt, MM. Hubert Haenel et Pierre
Steinmetz.
des
immeubles est compatible avec le droit de propriété
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 18 juin 2010 par le
Conseil d'Etat (décision n° 337898-337913 du 18 juin 2010), dans les
conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question
prioritaire de constitutionnalité posée par la SARL L'Office central
d'accession au logement, relative à la conformité aux droits et libertés que
la Constitution garantit des articles 13, 14, 17 et 18 de la loi n° 70-612 du
10 juillet 1970 tendant à faciliter la suppression de l'habitat insalubre.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique
sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de la construction et de l'habitation ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 70-612 du 10 juillet 1970 modifiée tendant à faciliter la
suppression de l'habitat insalubre ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la société requérante par Me Benoît Jorion,
avocat au barreau de Paris, enregistrées le 12 juillet 2010 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 13
juillet 2010 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Jorion pour la société requérante et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné
par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 9
septembre 2010 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la loi du 10 juillet 1970 :
« Peut être poursuivie au profit de l'Etat, d'une société de construction dans
laquelle l'Etat détient la majorité du capital, d'une collectivité
territoriale, d'un organisme y ayant vocation ou d'un concessionnaire d'une
opération d'aménagement visé à l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme, dans
les conditions prévues aux articles 14 à 19, l'expropriation :
« ― des immeubles déclarés insalubres à titre irrémédiable en application des
articles L. 1331-25 et L. 1331-28 du code de la santé publique ;
« ― des immeubles à usage total ou partiel d'habitation, ayant fait l'objet
d'un arrêté de péril pris en application de l'article L. 511-2 du code de la
construction et de l'habitation et assorti d'une ordonnance de démolition ou
d'interdiction définitive d'habiter ;
« ― à titre exceptionnel, des immeubles qui ne sont eux-mêmes ni insalubres ni
impropres à l'habitation, lorsque leur expropriation est indispensable à la
démolition d'immeubles insalubres ou d'immeubles menaçant ruine, ainsi que des
terrains où sont situés les immeubles déclarés insalubres ou menaçant ruine
lorsque leur acquisition est nécessaire à la résorption de l'habitat
insalubre, alors même qu'y seraient également implantés des bâtiments non
insalubres ou ne menaçant pas ruine » ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 14 de la même loi du 10 juillet 1970
:
« Par dérogation aux dispositions du code de l'expropriation pour cause
d'utilité publique, le préfet, par arrêté :
« Déclare d'utilité publique l'expropriation des immeubles, parties
d'immeubles, installations et terrains, après avoir constaté, sauf dans les
cas prévus au troisième alinéa de l'article 13, qu'ils ont été déclarés
insalubres à titre irrémédiable en application de l'article L. 1331-25 ou de
l'article L. 1331-28 du code de la santé publique, ou qui ont fait l'objet
d'un arrêté de péril assorti d'une ordonnance de démolition ou d'une
interdiction définitive d'habiter pris en application de l'article L. 511-2 du
code de la construction et de l'habitation ;
« Indique la collectivité publique ou l'organisme au profit de qui est
poursuivie l'expropriation ;
« Mentionne les offres de relogement faites obligatoirement aux occupants y
compris les propriétaires, qu'il s'agisse d'un relogement durable ou d'un
relogement d'attente avant l'offre d'un relogement définitif ;
« Déclare cessibles lesdits immeubles bâtis, parties d'immeubles bâtis,
installations et terrains visés dans l'arrêté ;
« Fixe le montant de l'indemnité provisionnelle allouée aux propriétaires
ainsi qu'aux titulaires de baux commerciaux, cette indemnité ne pouvant être
inférieure à l'évaluation des domaines ;
« Fixe la date à laquelle il pourra être pris possession après paiement ou, en
cas d'obstacle au paiement, après consignation de l'indemnité provisionnelle.
Cette date doit être postérieure d'au moins un mois à la publication de
l'arrêté déclaratif d'utilité publique, ce délai étant porté à deux mois dans
les cas prévus au troisième alinéa de l'article 13 ;
« Fixe le montant de l'indemnité provisionnelle de déménagement pour le cas où
celui-ci ne serait pas assuré par les soins de l'administration et, le cas
échéant, le montant de l'indemnité de privation de jouissance.
« L'arrêté prévu au présent article est publié au recueil des actes
administratifs du département et affiché à la mairie du lieu de situation des
biens. Il est notifié aux propriétaires, aux titulaires de droits réels
immobiliers sur les locaux, de parts donnant droit à l'attribution ou à la
jouissance en propriété des locaux et, en cas d'immeuble d'hébergement, à
l'exploitant » ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 17 de la même loi du 10 juillet 1970
:
« Dans le mois qui suit la prise de possession, le préfet est tenu de
poursuivre la procédure d'expropriation dans les conditions prévues par le
code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.
« L'ordonnance d'expropriation ou la cession amiable consentie après
l'intervention de l'arrêté prévu à l'article 14 de la présente loi produit les
effets visés à l'article L. 12-2 du code de l'expropriation pour cause
d'utilité publique » ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 18 de la même loi du 10 juillet 1970
:
« L'indemnité d'expropriation est fixée selon la procédure prévue aux articles
L. 13-1 à L. 13-12 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et
est calculée conformément aux dispositions des articles L. 13-14 à L. 13-20 du
même code.
« Toutefois, la valeur des biens est appréciée, compte tenu du caractère
impropre à l'habitation des locaux et installations expropriés, à la valeur du
terrain nu, déduction faite des frais entraînés par leur démolition.
« Le deuxième alinéa n'est pas applicable au calcul de l'indemnité due aux
propriétaires lorsqu'ils occupaient eux-mêmes les immeubles déclarés
insalubres ou frappés d'un arrêté de péril au moins deux ans avant la
notification de l'arrêté ainsi qu'aux propriétaires pour les immeubles qui ne
sont ni insalubres, ni impropres à l'habitation, ni frappés d'un arrêté de
péril.
« L'indemnité est réduite du montant des frais de relogement des occupants
assuré, lorsque le propriétaire n'y a pas procédé, en application de l'article
L. 521-3-2 du code de la construction et de l'habitation.
« Aucune indemnisation à titre principal ou accessoire ne peut être accordée
en dédommagement de la suppression d'un commerce portant sur l'utilisation
comme habitation de terrains ou de locaux impropres à cet usage » ;
5. Considérant que, selon la requérante, ces dispositions porteraient atteinte
au droit de propriété en ce qu'elles ne respectent pas l'exigence d'une
indemnité juste et préalable et n'offrent pas de voies de recours appropriées
;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 17 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 :
« La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé,
si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige
évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ;
qu'afin de se conformer à ces exigences constitutionnelles, la loi ne peut
autoriser l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers que pour
la réalisation d'une opération dont l'utilité publique est légalement
constatée ; que la prise de possession par l'expropriant doit être subordonnée
au versement préalable d'une indemnité ; que, pour être juste, l'indemnisation
doit couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain, causé par
l'expropriation ; qu'en cas de désaccord sur la fixation du montant de
l'indemnisation, l'exproprié doit disposer d'une voie de recours appropriée ;
7. Considérant, toutefois, que l'octroi par la collectivité expropriante d'une
provision représentative de l'indemnité due n'est pas incompatible avec le
respect de ces exigences si un tel mécanisme répond à des motifs impérieux
d'intérêt général et est assorti de la garantie des droits des propriétaires
intéressés ;
8. Considérant, d'une part, que les articles 13, 14, 17 et 18 de la loi du 10
juillet 1970 confient au préfet la possibilité de prendre possession
d'immeubles déclarés insalubres à titre irrémédiable ou qui ont fait l'objet
d'un arrêté de péril assorti d'une ordonnance de démolition ou d'une
interdiction définitive d'habiter ; qu'en particulier, en vertu de son article
13, la procédure d'expropriation des immeubles à usage d'habitation déclarés
insalubres à titre irrémédiable ne peut être mise en œuvre que lorsque la
commission départementale compétente en matière d'environnement et de risques
sanitaires et technologiques a conclu au caractère irrémédiable de
l'insalubrité de l'immeuble ; qu'une telle qualification est strictement
limitée par l'article L. 1331-26 du code de la santé publique aux cas dans
lesquels « il n'existe aucun moyen technique d'y mettre fin, ou lorsque les
travaux nécessaires à sa résorption seraient plus coûteux que la
reconstruction » ; que l'ensemble de ces dispositions a pour objet de mettre
fin dans les meilleurs délais à l'utilisation de locaux ou d'habitation
présentant un danger pour la santé ou la sécurité des occupants ; qu'ainsi le
tempérament apporté à la règle du caractère préalable de l'indemnisation
répond à des motifs impérieux d'intérêt général ;
9. Considérant, d'autre part, que l'article L. 1331-27 du code de la santé
publique garantit l'information du propriétaire quant à la poursuite de la
procédure relative à la déclaration d'insalubrité de l'immeuble et lui offre
la faculté d'être entendu à l'occasion des différentes étapes de celle-ci ;
qu'il conserve la possibilité de contester devant le juge administratif les
actes de la phase administrative de la procédure d'expropriation ; que la
prise de possession du bien est subordonnée au paiement ou, en cas d'obstacle
au paiement, à la consignation de l'indemnité provisionnelle au moins égale au
montant de son évaluation par le service des domaines ; que, si le préfet fixe
l'indemnité provisionnelle d'expropriation, il revient, à défaut d'accord
amiable, au juge de l'expropriation d'arrêter le montant de l'indemnité
définitive ; qu'à cette fin, le juge judiciaire détermine, dans le cadre de
l'article 18 de la loi du 10 juillet 1970, le montant de l'indemnité
principale qui devra être versée à l'exproprié ; qu'en précisant que la valeur
des biens « est appréciée, compte tenu du caractère impropre à l'habitation
des locaux et installations expropriés, à la valeur du terrain nu », le
deuxième alinéa de l'article 18 ne fait que tirer les conséquences de la
déclaration d'insalubrité irrémédiable ; qu'il résulte de l'ensemble de ces
dispositions que le tempérament apporté à la règle du caractère préalable de
l'indemnisation est assorti de la garantie des droits des propriétaires
intéressés ;
10. Considérant qu'il s'ensuit que les dispositions contestées ne sont pas
contraires à l'article 17 de la Déclaration de 1789 ;
11. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun
autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :
Article 1
Les articles 13, 14, 17 et 18 de la loi n° 70-612 du 10 juillet 1970 tendant à faciliter la suppression de l'habitat insalubre sont conformes à la Constitution.
Article 2
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République
française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de
l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 16 septembre 2010,
où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme
Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de
SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Le conseil constitutionnel ne peut réexaminer une loi sous la forme
Les questions de garde à vue pourtant déclarée inconstitutionnelle
d'une question préjudicielle de constitutionnalité quand le Conseil a déjà examiné
la loi SAUF EN CAS DE CHANGEMENT DE CIRCONSTANCES
pour les crimes et les délits commun ne sont pas réexaminé en cas terrorisme
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 29 juin 2010 par la Cour de
cassation (arrêt n° 12108 du 25 juin 2010), dans les conditions prévues à
l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de
constitutionnalité posée par M. Bulent A., Mlle Gulay A., MM. Deniz D., Cemal
K., Ibrahim S., Sedrettin Y. et Idriss G., Mlle Mensure K., MM. Adil D.,
Ismaïl A., Hekim O. et Lionel B., relative à la conformité des articles 63-1,
63-4, 77 et 706-88 du code de procédure pénale aux droits et libertés que la
Constitution garantit.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique
sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux
évolutions de la criminalité, ensemble la décision du Conseil constitutionnel
n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 ;
Vu la loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le
terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux
contrôles frontaliers, notamment son article 17, ensemble la décision du
Conseil constitutionnel n° 2005-532 DC du 19 janvier 2006 ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010
;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour M. S. par la SCP Piwnica et Molinié, avocat
au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 21 juillet 2010 ;
Vu les observations produites pour Mlle A. et MM. A. et O. par la SCP Nicolay,
de Lanouvelle, Hannotin, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation,
enregistrées le 21 juillet 2010 ;
Vu les observations produites pour M. B. par Me Didier Bouthors, avocat au
Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 22 juillet 2010 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 22
juillet 2010 ;
Vu les nouvelles observations produites pour M. S., enregistrées le 30 juillet
2010 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Sylvie Boitel, Me Didier Bouthors, Me Joseph Breham, Me Sophie Brondel et
Me Suzanne Bouyssou, pour les requérants, et M. Thierry-Xavier Girardot,
désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du
14 septembre 2010 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Sur les articles 63-1, 63-4 et 77 du code de procédure pénale :
1. Considérant que, par sa décision du 30 juillet 2010 susvisée, le Conseil
constitutionnel a déclaré les articles 63-1, 63-4, alinéas 1 à 6, et 77 du
code de procédure pénale contraires à la Constitution et a dit n'y avoir lieu
à statuer sur le septième alinéa de l'article 63-4 du même code ; que, par
suite, il n'y a pas lieu d'examiner la question prioritaire de
constitutionnalité portant sur ces articles ;
Sur l'article 706-88 du code de procédure pénale :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 706-88 du code de procédure pénale :
« Pour l'application des articles 63, 77 et 154, si les nécessités de
l'enquête ou de l'instruction relatives à l'une des infractions entrant dans
le champ d'application de l'article 706-73 l'exigent, la garde à vue d'une
personne peut, à titre exceptionnel, faire l'objet de deux prolongations
supplémentaires de vingt-quatre heures chacune.
« Ces prolongations sont autorisées, par décision écrite et motivée, soit, à
la requête du procureur de la République, par le juge des libertés et de la
détention, soit par le juge d'instruction.
« La personne gardée à vue doit être présentée au magistrat qui statue sur la
prolongation préalablement à cette décision. La seconde prolongation peut
toutefois, à titre exceptionnel, être autorisée sans présentation préalable de
la personne en raison des nécessités des investigations en cours ou à
effectuer.
« Lorsque la première prolongation est décidée, la personne gardée à vue est
examinée par un médecin désigné par le procureur de la République, le juge
d'instruction ou l'officier de police judiciaire. Le médecin délivre un
certificat médical par lequel il doit notamment se prononcer sur l'aptitude au
maintien en garde à vue, qui est versé au dossier. La personne est avisée par
l'officier de police judiciaire du droit de demander un nouvel examen médical.
Ces examens médicaux sont de droit. Mention de cet avis est portée au
procès-verbal et émargée par la personne intéressée ; en cas de refus
d'émargement, il en est fait mention.
« Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, si la durée prévisible
des investigations restant à réaliser à l'issue des premières quarante-huit
heures de garde à vue le justifie, le juge des libertés et de la détention ou
le juge d'instruction peuvent décider, selon les modalités prévues au deuxième
alinéa, que la garde à vue fera l'objet d'une seule prolongation
supplémentaire de quarante-huit heures.
« La personne dont la garde à vue est prolongée en application des
dispositions du présent article peut demander à s'entretenir avec un avocat,
selon les modalités prévues par l'article 63-4, à l'issue de la
quarante-huitième heure puis de la soixante-douzième heure de la mesure ; elle
est avisée de ce droit lorsque la ou les prolongations lui sont notifiées et
mention en est portée au procès-verbal et émargée par la personne intéressée ;
en cas de refus d'émargement, il en est fait mention. Toutefois, lorsque
l'enquête porte sur une infraction entrant dans le champ d'application des 3°
et 11° de l'article 706-73, l'entretien avec un avocat ne peut intervenir qu'à
l'issue de la soixante-douzième heure.
« S'il ressort des premiers éléments de l'enquête ou de la garde à vue
elle-même qu'il existe un risque sérieux de l'imminence d'une action
terroriste en France ou à l'étranger ou que les nécessités de la coopération
internationale le requièrent impérativement, le juge des libertés peut, à
titre exceptionnel et selon les modalités prévues au deuxième alinéa, décider
que la garde à vue en cours d'une personne, se fondant sur l'une des
infractions visées au 11° de l'article 706-73, fera l'objet d'une prolongation
supplémentaire de vingt-quatre heures, renouvelable une fois.
« A l'expiration de la quatre-vingt-seizième heure et de la cent-vingtième
heure, la personne dont la prolongation de la garde à vue est ainsi décidée
peut demander à s'entretenir avec un avocat, selon les modalités prévues par
l'article 63-4. La personne gardée à vue est avisée de ce droit dès la
notification de la prolongation prévue au présent article.
« Outre la possibilité d'examen médical effectué à l'initiative du gardé à
vue, dès le début de chacune des deux prolongations supplémentaires, il est
obligatoirement examiné par un médecin désigné par le procureur de la
République, le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire. Le
médecin requis devra se prononcer sur la compatibilité de la prolongation de
la mesure avec l'état de santé de l'intéressé.
« S'il n'a pas été fait droit à la demande de la personne gardée à vue de
faire prévenir, par téléphone, une personne avec laquelle elle vit
habituellement ou l'un de ses parents en ligne directe, l'un de ses frères et
sœurs ou son employeur, de la mesure dont elle est l'objet, dans les
conditions prévues aux articles 63-1 et 63-2, elle peut réitérer cette demande
à compter de la quatre-vingt-seizième heure. » ;
3. Considérant que les six premiers alinéas de l'article 706-88 du code de
procédure pénale ont pour origine l'article 1er de la loi du 9 mars 2004
susvisée ; que ses quatre derniers alinéas ont été ajoutés par l'article 17 de
la loi du 23 janvier 2006 susvisée ;
En ce qui concerne les alinéas 1 à 6 de l'article 706-88 du code de procédure
pénale :
4. Considérant que, dans les considérants 21 à 27 de sa décision du 2 mars
2004 susvisée, le Conseil constitutionnel a spécialement examiné l'article
706-88 inséré dans le code de procédure pénale par l'article 1er de la loi du
9 mars 2004 ; qu'il a jugé que ces dispositions ne portaient pas une atteinte
excessive à la liberté individuelle ; que l'article 2 du dispositif de cette
décision a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution ; que, par
suite, les six premiers alinéas de l'article 706-88 ont déjà été déclarés
conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du
Conseil constitutionnel ; qu'en l'absence de changement des circonstances,
depuis la décision du 2 mars 2004 susvisée, en matière de lutte contre la
délinquance et la criminalité organisées, il n'y a pas lieu, pour le Conseil
constitutionnel, de procéder à un nouvel examen de ces dispositions ;
En ce qui concerne les alinéas 7 à 10 de l'article 706-88 du code de procédure
pénale :
5. Considérant que, dans sa décision du 19 janvier 2006 susvisée, le Conseil
constitutionnel n'a pas examiné les alinéas 7 à 10 de l'article 706-88 qui
permettent que, par une prolongation supplémentaire de vingt-quatre heures
renouvelable une fois, la durée totale de la garde à vue puisse être portée à
six jours pour des crimes ou délits constituant des actes de terrorisme ;
qu'il ressort des travaux parlementaires qu'une telle dérogation ne peut être
autorisée que pour permettre d'empêcher la réalisation d'une action terroriste
en France ou à l'étranger dont l'imminence a été établie soit grâce aux
éléments recueillis dans le cadre de l'enquête ou de la garde à vue elle-même,
soit dans le cadre de la coopération internationale ; qu'ainsi, elle ne peut
être mise en œuvre qu'à titre exceptionnel pour protéger la sécurité des
personnes et des biens contre une menace terroriste imminente et précisément
identifiée ; qu'elle est décidée par le juge des libertés à qui il appartient
de vérifier que les circonstances précises fixées par ces dispositions sont
réunies ; que, dans ces conditions et compte tenu des garanties fixées par le
législateur, ces dispositions respectent le principe, découlant de l'article 9
de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, selon lequel la
liberté individuelle ne saurait être entravée par une rigueur qui ne soit
nécessaire, et de l'article 66 de la Constitution qui confie à l'autorité
judiciaire la protection de la liberté individuelle ; que ces dispositions ne
portent atteinte à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :
Article 1
Il n'y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité renvoyée par la Cour de cassation et portant sur les articles 63-1, 63-4 et 77 du code de procédure pénale, ainsi que sur les alinéas 1 à 6 de son article 706-88.
Article 2
Les alinéas 7 à 10 de l'article 706-88 du même code sont conformes à la Constitution.
Article 3
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République
française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de
l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
L'article 323-3 DU CODE DES DOUANES ne permet pas
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 septembre 2010,
où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire
BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC,
Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
l'assistance d'un avocat et doit être déclaré inconstitutionnel
mais seulement à partir du 1er juillet 2011 !
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 29 juin 2010 par la Cour de
cassation (arrêt n° 12105 du 25 juin 2010), dans les conditions prévues à
l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de
constitutionnalité posée par MM. Samir M. et Mohamed E., relative à la
conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article
323 du code des douanes.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique
sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010
;
Vu le code des douanes ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 21
juillet 2010 ;
Vu les observations produites pour M. M. par la SCP Capdevielle et Larié,
avocat au barreau de Bayonne, enregistrées le 9 août 2010 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Colette Capdevielle, pour les requérants, et M. Thierry-Xavier Girardot,
désigné par le Premier ministre, ayant été entendus lors de l'audience
publique du 14 septembre 2010 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 323 du code des douanes : « 1. Les
infractions aux lois et règlements douaniers peuvent être constatées par un
agent des douanes ou de toute autre administration.
« 2. Ceux qui constatent une infraction douanière ont le droit de saisir tous
objets passibles de confiscation, de retenir les expéditions et tous autres
documents relatifs aux objets saisis et de procéder à la retenue préventive
des objets affectés à la sûreté des pénalités.
« 3. Ils ne peuvent procéder à la capture des prévenus qu'en cas de flagrant
délit.
« Le procureur de la République en est immédiatement informé.
« La durée de la retenue ne peut excéder vingt-quatre heures sauf prolongation
d'une même durée autorisée par le procureur de la République.
« Pendant la retenue, le procureur de la République peut se transporter sur
les lieux pour vérifier les modalités de la retenue et se faire communiquer
les procès-verbaux et registres prévus à cet effet. S'il l'estime nécessaire,
il peut désigner un médecin.
« Les agents mentionnent, par procès-verbal de constat, la durée des
interrogatoires et des repos qui ont séparé ces interrogatoires, le jour et
l'heure du début et de la fin de la retenue.
« Ces mentions figurent également sur un registre spécial tenu dans les locaux
de douane.
« Lorsque les personnes retenues sont placées en garde à vue au terme de la
retenue, la durée de celle-ci s'impute sur la durée de la garde à vue » ;
2. Considérant que, selon les requérants, ces dispositions, qui privent la
personne en retenue douanière de l'assistance d'un avocat, méconnaissent les
droits de la défense ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 : « Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni
détenu que dans les cas déterminés par la loi, et selon les formes qu'elle a
prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des
ordres arbitraires, doivent être punis ; mais tout citoyen appelé ou saisi en
vertu de la loi doit obéir à l'instant : il se rend coupable par la résistance
» ; qu'aux termes de son article 9 : « Tout homme étant présumé innocent
jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de
l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa
personne doit être sévèrement réprimée par la loi » ; que son article 16
dispose : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas
assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution »
;
4. Considérant que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution
l'obligation de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale ; que,
s'agissant de la procédure pénale et de la procédure douanière, cette exigence
s'impose notamment pour éviter une rigueur non nécessaire lors de la recherche
des auteurs d'infractions ;
5. Considérant, en outre, qu'il incombe au législateur d'assurer la
conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public
et la recherche des auteurs d'infractions, toutes deux nécessaires à la
sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre
part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties ; qu'au nombre
de celles-ci figurent le respect des droits de la défense, qui découle de
l'article 16 de la Déclaration de 1789 ;
6. Considérant que le 1° de l'article 323 du code des douanes reconnaît aux
agents des douanes ou de toute autre administration la compétence pour
constater les infractions douanières ; que le 2° de ce même article leur
permet de procéder à la saisie des objets passibles de confiscation, de
retenir les documents relatifs aux objets saisis et de procéder à la retenue
préventive des objets affectés à la sûreté des pénalités ; que ces
dispositions ne méconnaissent aucun droit ou liberté que la Constitution
garantit ;
7. Considérant que le 3° de l'article 323 du code des douanes permet « la
capture des prévenus » en cas de flagrant délit ; qu'il est applicable à tous
les délits douaniers flagrants sans distinction selon leur gravité ; qu'il
autorise l'interrogatoire d'une personne placée en retenue douanière par les
agents des douanes ; qu'aux termes de l'article 336 du même code, « les
procès-verbaux de douane rédigés par deux agents des douanes ou de toute autre
administration font foi... jusqu'à preuve contraire de l'exactitude et de la
sincérité des aveux et déclarations qu'ils rapportent » ; que le 3° de
l'article 323 ne permet pas à la personne retenue contre sa volonté de
bénéficier de l'assistance effective d'un avocat pendant la phase
d'interrogatoire ; qu'une telle restriction aux droits de la défense est
imposée de façon générale sans considération des circonstances particulières
susceptibles de la justifier pour rassembler ou conserver les preuves ou
assurer la protection des personnes ; qu'au demeurant, la personne en retenue
douanière ne reçoit pas la notification de son droit de garder le silence ;
8. Considérant que, dans ces conditions, la conciliation entre, d'une part, la
prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs
d'infractions et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement
garanties ne peut être regardée comme équilibrée ; que, par suite, le 3° de
l'article 323 du code des douanes méconnaît les articles 9 et 16 de la
Déclaration de 1789 et doit être déclaré contraire à la Constitution ;
9. Considérant, d'une part, que le Conseil constitutionnel ne dispose pas d'un
pouvoir général d'appréciation de même nature que celui du Parlement ; qu'il
ne lui appartient pas d'indiquer les modifications des règles de la procédure
répressive en matière douanière qui doivent être choisies pour qu'il soit
remédié à l'inconstitutionnalité constatée ; que, d'autre part, si, en
principe, une déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à la partie
qui a présenté la question prioritaire de constitutionnalité, l'abrogation
immédiate des dispositions contestées méconnaîtrait les objectifs de
prévention des atteintes à l'ordre public et de recherche des auteurs
d'infractions et entraînerait des conséquences manifestement excessives ;
qu'il y a lieu, dès lors, de reporter au 1er juillet 2011 la date de cette
abrogation afin de permettre au législateur de remédier à cette
inconstitutionnalité ; que les mesures prises avant cette date en application
des dispositions déclarées contraires à la Constitution ne peuvent être
contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité,
Décide :
Article 1
Les 1° et 2° de l'article 323 du code des douanes sont conformes à la Constitution.
Article 2
Le 3° de l'article 323 du code des douanes est contraire à la Constitution.
Article 3
La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 2 prend effet le 1er juillet 2011 dans les conditions fixées au considérant 9.
Article 4
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République
française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de
l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 septembre 2010,
où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire
BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC,
Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
L'article L. 332-6-1 du code de l'urbanisme est déclaré contraire
à la Constitution
pas assez de garantie quand une commune contraint un promoteur à rétrocéder un
terrain
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 1er juillet
2010 par la Cour de cassation (arrêt n° 12112 du 25 juin 2010), dans les
conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question
prioritaire de constitutionnalité posée par la société Esso SAF, relative à la
conformité du e du 2° de l'article L. 332-6-1 du code de l'urbanisme aux
droits et libertés que la Constitution garantit.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique
sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi n° 85-729 du 18 juillet 1985 relative à la définition et à la mise
en œuvre de principes d'aménagement ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le département du Val-de-Marne par la
société d'avocats au barreau de Paris Le Sourd Desforges, enregistrées le 23
juillet 2010 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 23
juillet 2010 ;
Vu les observations produites pour la société requérante par la SCP Célice-Blancpain-Soltner,
avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 5 août
2010 ;
Vu la lettre du 9 septembre 2010 par laquelle le Conseil constitutionnel a
soumis aux parties un grief susceptible d'être soulevé par lui ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 13
septembre 2010 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Frédéric Blancpain pour la société requérante, Me Stéphane Desforges pour
le département du Val-de-Marne et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le
Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 14 septembre
2010 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'en vertu du e du 2° de l'article L. 332-6-1 du code de
l'urbanisme, constituent des contributions aux dépenses d'équipements publics,
à la charge des bénéficiaires d'autorisations de construire, « les cessions
gratuites de terrains destinés à être affectés à certains usages publics qui,
dans la limite de 10 % de la superficie du terrain auquel s'applique la
demande, peuvent être exigées des bénéficiaires d'autorisations portant sur la
création de nouveaux bâtiments ou de nouvelles surfaces construites » ;
2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la
Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une
juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux
droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel
peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour
de cassation qui se prononce dans un délai déterminé » ; que la méconnaissance
par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée dans le cadre
d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où est
affecté un droit ou une liberté que la Constitution garantit ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 17 de la Déclaration de 1789 : « La
propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce
n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment,
et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'aux termes de
l'article 34 de la Constitution : « La loi détermine les principes
fondamentaux... de la libre administration des collectivités territoriales, de
leurs compétences et de leurs ressources... du régime de la propriété... » ;
4. Considérant que le e du 2° de l'article L. 332-6-1 du code de l'urbanisme
permet aux communes d'imposer aux constructeurs, par une prescription incluse
dans l'autorisation d'occupation du sol, la cession gratuite d'une partie de
leur terrain ; qu'il attribue à la collectivité publique le plus large pouvoir
d'appréciation sur l'application de cette disposition et ne définit pas les
usages publics auxquels doivent être affectés les terrains ainsi cédés ;
qu'aucune autre disposition législative n'institue les garanties permettant
qu'il ne soit pas porté atteinte à l'article 17 de la Déclaration de 1789 ;
que, par suite, le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence ; qu'il
s'ensuit que, sans qu'il soit besoin d'examiner les griefs invoqués par la
requérante, le e du 2° de l'article L. 332-6-1 du code de l'urbanisme doit
être déclaré contraire à la Constitution ;
5. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la
Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement
de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du
Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le
Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles
les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en
cause » ; que la présente déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à
compter de la publication de la présente décision ; qu'elle peut être invoquée
dans les instances en cours à cette date et dont l'issue dépend de
l'application des dispositions déclarées inconstitutionnelles,
Décide :
Article 1
Le e du 2° de l'article L. 332-6-1 du code de l'urbanisme est déclaré contraire à la Constitution.
Article 2
La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées par son considérant 5.
Article 3
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République
française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de
l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 septembre 2010,
où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire
BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC,
Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
DECISIONS DU 29 SEPTEMBRE 2010
Décision n° 2010-38 QPC du 29 septembre 2010*
La procédure automatisée des contraventions est conforme à la
constitution Le Conseil constitutionnel a été saisi le 9 juillet 2010
par le Conseil d'Etat (décision n° 339261 du 9 juillet 2010), dans les
conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question
prioritaire de constitutionnalité posée par M. Jean-Yves G., relative à la
conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article
529-10 du code de procédure pénale.
Article 1
Sous la réserve énoncée au considérant 7, l'article 529-10 du code de
procédure pénale est conforme à la Constitution.
Article 2
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République
française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de
l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
L'automaticité des contraventions est conforme à la
constitution Le Conseil constitutionnel a été
saisi le 9 juillet 2010 par la Cour de cassation (arrêt n° 12147 du 8 juillet
2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une
question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Thierry B., relative à
la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article
L. 234-13 du code de la route. Article 1
L'article L. 234-13 du code de la route est conforme à la Constitution.
Article 2
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République
française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de
l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. DECISIONS DU 6 OCTOBRE 2010
Décision n° 2010-39 QPC du 6 octobre 2010
L'adoption simple d'un enfant par le partenaire homosexuel du
parent dans le cadre d'un pacs n'est pas une violation du droit à avoir
une vie familiale
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique
sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le code de la route ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour M. G. par Me Aymeric Druesne, avocat au
barreau de Lille, enregistrées le 23 juillet et le 24 août 2010 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 23
juillet 2010 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Chloé Guilbeau, pour le requérant, et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné
par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 20
septembre 2010;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 529-10 du code de procédure pénale :
« Lorsque l'avis d'amende forfaitaire concernant une des contraventions
mentionnées à l'article L. 121-3 du code de la route a été adressé au
titulaire du certificat d'immatriculation ou aux personnes visées aux deuxième
et troisième alinéas de l'article L. 121-2 de ce code, la requête en
exonération prévue par l'article 529-2 ou la réclamation prévue par l'article
530 n'est recevable que si elle est adressée par lettre recommandée avec
demande d'avis de réception et si elle est accompagnée :
« 1° Soit de l'un des documents suivants :
« a) Le récépissé du dépôt de plainte pour vol ou destruction du véhicule ou
pour le délit d'usurpation de plaque d'immatriculation prévu par l'article L.
317-4-1 du code de la route, ou une copie de la déclaration de destruction de
véhicule établie conformément aux dispositions du code de la route ;
« b) Une lettre signée de l'auteur de la requête ou de la réclamation
précisant l'identité, l'adresse, ainsi que la référence du permis de conduire
de la personne qui était présumée conduire le véhicule lorsque la
contravention a été constatée ;
« 2° Soit d'un document démontrant qu'il a été acquitté une consignation
préalable d'un montant égal à celui de l'amende forfaitaire dans le cas prévu
par le premier alinéa de l'article 529-2, ou à celui de l'amende forfaitaire
majorée dans le cas prévu par le deuxième alinéa de l'article 530 ; cette
consignation n'est pas assimilable au paiement de l'amende forfaitaire et ne
donne pas lieu au retrait des points du permis de conduire prévu par le
quatrième alinéa de l'article L. 223-1 du code de la route.
« L'officier du ministère public vérifie si les conditions de recevabilité de
la requête ou de la réclamation prévues par le présent article sont remplies »
;
2. Considérant que le requérant soutient qu'il n'existe pas de voie de recours
aménagée contre la décision par laquelle l'officier du ministère public
rejette pour irrecevabilité une requête en exonération précédée de la
consignation d'une somme égale au montant de l'amende forfaitaire et que, par
suite, ces dispositions méconnaissent le droit à un recours juridictionnel
effectif ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des
droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point
de Constitution » ; que sont garantis par cette disposition le droit des
personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif, le droit à
un procès équitable, ainsi que les droits de la défense lorsqu'est en cause
une sanction ayant le caractère d'une punition ;
4. Considérant que, selon l'article L. 121-3 du code de la route, le titulaire
du certificat d'immatriculation d'un véhicule automobile est redevable
pécuniairement de l'amende encourue pour certaines contraventions à moins
qu'il n'établisse l'existence d'un vol ou de tout autre événement de force
majeure ou qu'il n'apporte tous éléments permettant d'établir qu'il n'est pas
l'auteur véritable de l'infraction ; que les contraventions des quatre
premières classes, qui relèvent de la compétence de la juridiction de
proximité, peuvent être poursuivies selon la procédure de l'amende forfaitaire
prévue par les articles 529 et suivants du code de procédure pénale; que,
selon le premier alinéa de l'article 529-2 du code de procédure pénale, le
contrevenant doit s'acquitter du montant de l'amende forfaitaire dans un délai
de quarante-cinq jours, à moins qu'il ne formule, dans le même délai, une
requête tendant à son exonération ;
5. Considérant qu'en application du second alinéa de cet article 529-2, à
défaut de paiement ou de requête en exonération, l'amende forfaitaire est
majorée de plein droit et recouvrée en vertu d'un titre exécutoire contre
lequel, selon l'article 530 du même code, l'intéressé peut former, auprès du
ministère public, une réclamation motivée qui a pour effet d'annuler le titre
exécutoire;
6. Considérant qu'en vertu de l'article 529-10 du même code, la requête en
exonération et la réclamation ne sont recevables que si elles sont adressées
par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et si elles sont
assorties de pièces justificatives de l'événement exonératoire invoqué; qu'à
défaut de ces justifications, le requérant doit, préalablement, consigner une
somme équivalente au montant de l'amende forfaitaire ou de l'amende
forfaitaire majorée;
7. Considérant que le dernier alinéa de l'article 529-10 du même code prévoit
que l'officier du ministère public vérifie si les conditions de recevabilité
de la requête en exonération ou de la réclamation sont remplies ; que le droit
à un recours juridictionnel effectif impose que la décision du ministère
public déclarant irrecevable la réclamation puisse être contestée devant la
juridiction de proximité ; qu'il en va de même de la décision déclarant
irrecevable une requête en exonération lorsque cette décision a pour effet de
convertir la somme consignée en paiement de l'amende forfaitaire ; que, sous
cette réserve, le pouvoir reconnu à l'officier du ministère public de déclarer
irrecevable une requête en exonération ou une réclamation ne méconnaît pas
l'article 16 de la Déclaration de 1789;
8. Considérant que l'article 529-10 du code de procédure pénale n'est
contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 septembre 2010,
où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire
BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC,
Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de la route ;
Vu le code pénal ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 10 août
2010 ;
Vu les observations produites pour M. B. par Me Pierric Mathieu, avocat au
barreau de Toulon, enregistrées le 23 août 2010 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Pierric Mathieu, pour le requérant, et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné
par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 20
septembre 2010 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 234-13 du code de la route : «
Toute condamnation pour l'une des infractions prévues aux articles L. 234-1 et
L. 234-8, commise en état de récidive au sens de l'article 132-10 du code pénal,
donne lieu de plein droit à l'annulation du permis de conduire avec interdiction
de solliciter la délivrance d'un nouveau permis pendant trois ans au plus » ;
2. Considérant que, selon le requérant, ces dispositions portent atteinte aux
principes de la nécessité et de l'individualisation des peines garantis par
l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration de 1789 : « La loi
ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne
peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au
délit, et légalement appliquée » ; que le principe d'individualisation des
peines qui découle de cet article implique que la peine d'annulation du permis
de conduire ne puisse être appliquée que si le juge l'a expressément prononcée,
en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce ; qu'il ne saurait
toutefois faire obstacle à ce que le législateur fixe des règles assurant une
répression effective des infractions ;
4. Considérant qu'en instituant une peine obligatoire directement liée à un
comportement délictuel commis à l'occasion de la conduite d'un véhicule,
l'article L. 234-13 du code de la route vise, aux fins de garantir la sécurité
routière, à améliorer la prévention et renforcer la répression des atteintes à
la sécurité des biens et des personnes provoquées par la conduite sous
l'influence de l'alcool ;
5. Considérant que si, conformément aux dispositions de l'article L. 234-13 du
code de la route, le juge qui prononce une condamnation pour de telles
infractions commises en état de récidive légale est tenu de prononcer
l'annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance
d'un nouveau permis de conduire, il peut, outre la mise en œuvre des
dispositions du code pénal relatives aux dispense et relevé des peines, fixer la
durée de l'interdiction dans la limite du maximum de trois ans ; que, dans ces
conditions, le juge n'est pas privé du pouvoir d'individualiser la peine ; qu'en
conséquence, les dispositions de l'article L. 234-13 du code de la route ne sont
pas contraires à l'article 8 de la Déclaration de 1789 ;
6. Considérant que la disposition contestée n'est contraire à aucun autre droit
ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 septembre 2010,
où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire
BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC,
Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 9 juillet 2010 par la Cour de
cassation (arrêt n° 12143 du 8 juillet 2010), dans les conditions prévues à
l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de
constitutionnalité posée par Mmes Isabelle D. et Isabelle B. relative à la
conformité de l'article 365 du code civil aux droits et libertés que la
Constitution garantit.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique
sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code civil ;
Vu l'arrêt n° 06-15647 de la Cour de cassation (première chambre civile) du
20 février 2007 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 10
août 2010 ;
Vu les observations produites pour les requérantes par la SCP Boré et Salvé
de Bruneton, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Louis Boré, pour les requérantes, et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné
par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 27
septembre 2010 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Sur la disposition soumise à l'examen du Conseil constitutionnel :
1. Considérant qu'aux termes de l'article 365 du code civil : « L'adoptant
est seul investi à l'égard de l'adopté de tous les droits d'autorité
parentale, inclus celui de consentir au mariage de l'adopté, à moins qu'il
ne soit le conjoint du père ou de la mère de l'adopté ; dans ce cas,
l'adoptant a l'autorité parentale concurremment avec son conjoint, lequel en
conserve seul l'exercice, sous réserve d'une déclaration conjointe avec
l'adoptant devant le greffier en chef du tribunal de grande instance aux
fins d'un exercice en commun de cette autorité.
« Les droits d'autorité parentale sont exercés par le ou les adoptants dans
les conditions prévues par le chapitre Ier du titre IX du présent livre.
« Les règles de l'administration légale et de la tutelle des mineurs
s'appliquent à l'adopté » ;
2. Considérant que l'article 61-1 de la Constitution reconnaît à tout
justiciable le droit de voir examiner, à sa demande, le moyen tiré de ce
qu'une disposition législative méconnaît les droits et libertés que la
Constitution garantit ; que les articles 23-2 et 23-5 de l'ordonnance du 7
novembre 1958 susvisée fixent les conditions dans lesquelles la question
prioritaire de constitutionnalité doit être transmise par la juridiction au
Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation et renvoyée au Conseil
constitutionnel ; que ces dispositions prévoient notamment que la
disposition législative contestée doit être « applicable au litige ou à la
procédure » ; qu'en posant une question prioritaire de constitutionnalité,
tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée
effective qu'une interprétation jurisprudentielle constante confère à cette
disposition ;
3. Considérant que l'article 365 du code civil fixe les règles de dévolution
de l'autorité parentale à l'égard d'un enfant mineur faisant l'objet d'une
adoption simple ; que, depuis l'arrêt du 20 février 2007 susvisé, la Cour de
cassation juge de manière constante que, lorsque le père ou la mère
biologique entend continuer à élever l'enfant, le transfert à l'adoptant des
droits d'autorité parentale qui résulterait de l'adoption par le concubin ou
le partenaire du parent biologique est contraire à l'intérêt de l'enfant et,
par suite, fait obstacle au prononcé de cette adoption ; que, dès lors, la
constitutionnalité de l'article 365 du code civil doit être examinée non pas
en ce que cet article institue une distinction entre les enfants au regard
de l'autorité parentale, selon qu'ils sont adoptés par le conjoint ou le
concubin de leur parent biologique, mais en ce qu'il a pour effet
d'interdire en principe l'adoption de l'enfant mineur du partenaire ou du
concubin ;
Sur la constitutionnalité de la disposition contestée :
4. Considérant que, selon les requérantes, en prévoyant que l'adoption
simple n'entraîne un partage de l'autorité parentale entre l'adoptant et le
parent de l'adopté que lorsqu'ils sont mariés, l'article 365 du code civil
prive l'enfant mineur de la possibilité d'être adopté par le partenaire ou
le concubin de son père ou de sa mère ; qu'en interdisant ainsi « la
reconnaissance juridique d'un lien social de filiation qui préexiste »,
l'article 365 du code civil méconnaîtrait le droit à une vie familiale
normale et le principe d'égalité devant la loi ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution, la loi fixe
les règles concernant « l'état et la capacité des personnes, les régimes
matrimoniaux, les successions et libéralités » ; qu'il est à tout moment
loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence,
d'adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d'apprécier
l'opportunité et de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en
leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions, dès lors que, dans
l'exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences
de caractère constitutionnel ; que l'article 61-1 de la Constitution, à
l'instar de l'article 61, ne confère pas au Conseil constitutionnel un
pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du
Parlement ; que cet article lui donne seulement compétence pour se prononcer
sur la conformité d'une disposition législative aux droits et libertés que
la Constitution garantit ;
6. Considérant, d'une part, que l'article 6 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 dispose que la loi « doit être la même pour
tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe
d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente
des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons
d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de
traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui
l'établit ;
7. Considérant, d'autre part, que le droit de mener une vie familiale
normale résulte du dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946
qui dispose : « La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions
nécessaires à leur développement » ;
8. Considérant, en premier lieu, que la disposition contestée, dans la
portée que lui donne la jurisprudence constante de la Cour de cassation,
empêche que, par la voie de l'adoption simple, un enfant mineur puisse voir
établir un deuxième lien de filiation à l'égard du concubin ou du partenaire
de son père ou sa mère ; que, toutefois, cette disposition ne fait
aucunement obstacle à la liberté du parent d'un enfant mineur de vivre en
concubinage ou de conclure un pacte civil de solidarité avec la personne de
son choix ; qu'elle ne fait pas davantage obstacle à ce que ce parent
associe son concubin ou son partenaire à l'éducation et la vie de l'enfant ;
que le droit de mener une vie familiale normale n'implique pas que la
relation entre un enfant et la personne qui vit en couple avec son père ou
sa mère ouvre droit à l'établissement d'un lien de filiation adoptive ; que,
par suite, le grief tiré de ce que l'article 365 du code civil porterait
atteinte au droit de mener une vie familiale normale doit être écarté ;
9. Considérant, en second lieu, qu'en maintenant le principe selon lequel la
faculté d'une adoption au sein du couple est réservée aux conjoints, le
législateur a, dans l'exercice de la compétence que lui attribue l'article
34 de la Constitution, estimé que la différence de situation entre les
couples mariés et ceux qui ne le sont pas pouvait justifier, dans l'intérêt
de l'enfant, une différence de traitement quant à l'établissement de la
filiation adoptive à l'égard des enfants mineurs ; qu'il n'appartient pas au
Conseil constitutionnel de substituer son appréciation à celle du
législateur sur les conséquences qu'il convient de tirer, en l'espèce, de la
situation particulière des enfants élevés par deux personnes de même sexe ;
que, par suite, le grief tiré de la violation de l'article 6 de la
Déclaration de 1789 doit être écarté ;
10. Considérant que l'article 365 du code civil n'est contraire à aucun
autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :
Article 1
L'article 365 du code civil est conforme à la Constitution.
Article 2
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République
française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de
l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 5 octobre 2010, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire
BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT
MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT et M. Pierre STEINMETZ.
LA LOI QUI PREVOIT LA SAISIE DES VOIES PRIVEES A USAGE PUBLIC EST CONSTITUTIONNELLE
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 9 juillet 2010 par le Conseil
d'Etat (décision n° 338977 du 9 juillet 2010), dans les conditions prévues
à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de
constitutionnalité posée par M. François A. et Mme Marie A. relative à la
conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de
l'article L. 318-3 du code de l'urbanisme.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi
organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le
Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de
constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour M. et Mme A. par la SCP Franck Berliner
Dutertre Lacrouts, avocat au barreau de Nice, enregistrées le 5 août 2010
;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 10
août 2010 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Jérôme Lacrouts, pour les requérants, et M. Thierry-Xavier Girardot,
désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique
du 27 septembre 2010 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 318-3 du code de l'urbanisme
: « La propriété des voies privées ouvertes à la circulation publique dans
des ensembles d'habitations peut, après enquête publique, être transférée
d'office sans indemnité dans le domaine public de la commune sur le
territoire de laquelle ces voies sont situées.
« La décision de l'autorité administrative portant transfert vaut
classement dans le domaine public et éteint, par elle-même et à sa date,
tous droits réels et personnels existant sur les biens transférés.
« Cette décision est prise par délibération du conseil municipal. Si un
propriétaire intéressé a fait connaître son opposition, cette décision est
prise par arrêté du représentant de l'Etat dans le département, à la
demande de la commune.
« L'acte portant classement d'office comporte également approbation d'un
plan d'alignement dans lequel l'assiette des voies publiques est limitée
aux emprises effectivement livrées à la circulation publique.
« Lorsque l'entretien des voies ainsi transférées entraînera pour la
commune une charge excédant ses capacités financières, une subvention
pourra lui être allouée suivant les formes de la procédure prévue à
l'article 248 du code de l'administration communale » ;
2. Considérant que, selon les requérants, ces dispositions porteraient
atteinte au droit de propriété en ce qu'elles ne respectent pas l'exigence
d'une indemnité juste et préalable ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 17 de la Déclaration des droits
de l'homme et du citoyen de 1789 : « La propriété étant un droit
inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la
nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la
condition d'une juste et préalable indemnité » ;
4. Considérant que l'article L. 318-3 du code de l'urbanisme permet à
l'autorité administrative de transférer dans le domaine public communal la
propriété de voies privées ouvertes à la circulation publique ; qu'un tel
transfert est conditionné, sous le contrôle du juge administratif, par
l'ouverture à la circulation générale de ces voies, laquelle résulte de la
volonté exclusive de leur propriétaire d'accepter l'usage public de son
bien et de renoncer par là à son usage purement privé ; que le législateur
a entendu en tirer les conséquences en permettant à l'autorité
administrative de conférer à ces voies privées ouvertes à la circulation
publique un statut juridique conforme à leur usage ; que ce transfert
libère les propriétaires de toute obligation et met à la charge de la
collectivité publique l'intégralité de leur entretien, de leur
conservation et de leur éventuel aménagement ; qu'au demeurant, le
législateur n'a pas exclu toute indemnisation dans le cas exceptionnel où
le transfert de propriété entraînerait pour le propriétaire une charge
spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt
général poursuivi ; que, dans ces conditions, les dispositions contestées
ne sont pas contraires à l'article 17 de la Déclaration de 1789 ;
5. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun
autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :
Article 1
L'article L. 318-3 du code de l'urbanisme est conforme à la Constitution.
Article 2
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République
française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de
l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
LA LOI SUR L'ATTRIBUTION DES NOMS DE DOMAINE EN .fr est
inconstitutionnelle
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 5 octobre 2010,
où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme
Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de
SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT et M. Pierre STEINMETZ.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 9 juillet 2010 par le Conseil d'Etat
(décision n° 337320 du 9 juillet 2010), dans les conditions prévues à
l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de
constitutionnalité posée par M. Mathieu P. relative à la conformité de
l'article L. 45 du code des postes et des communications électroniques aux
droits et libertés que la Constitution garantit.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique
sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code des postes et des communications électroniques ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le requérant, enregistrées le 29 juillet
2010 ;
Vu les observations produites pour l'Association française pour le nommage
internet en coopération par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil
d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 9 août 2010 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 10 août
2010 ;
Vu les observations en réponse produites pour l'Association française pour le
nommage internet en coopération, enregistrées le 24 août 2010 ;
Vu les observations en réponse produites par le requérant, enregistrées le 25
août 2010 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me François Gilbert pour le requérant, Me Emmanuel Piwnica pour l'Association
française pour le nommage internet en coopération et M. Thierry-Xavier
Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience
publique du 27 septembre 2010 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 45 du code des postes et des
communications électroniques :
« I. ― Le ministre chargé des communications électroniques désigne, après
consultation publique, les organismes chargés d'attribuer et de gérer les noms
de domaine, au sein des domaines de premier niveau du système d'adressage par
domaines de l'internet, correspondant au territoire national. L'exercice de
leur mission ne confère pas aux organismes ainsi désignés des droits de
propriété intellectuelle sur les noms de domaine.
« L'attribution d'un nom de domaine est assurée par ces organismes dans
l'intérêt général, selon des règles non discriminatoires rendues publiques et
qui veillent au respect, par le demandeur, des droits de la propriété
intellectuelle.
« En cas de cessation de l'activité de ces organismes, l'Etat dispose du droit
d'usage de la base de données des noms de domaine qu'ils géraient.
« Le ministre chargé des communications électroniques veille au respect par
ces organismes des principes énoncés au deuxième alinéa. Il peut procéder au
retrait de la désignation d'un organisme, après avoir mis ce dernier à même de
présenter ses observations, en cas de méconnaissance par celui-ci des
dispositions du présent article. La décision du ministre chargé des
communications électroniques tendant à la désignation, ou au retrait de la
désignation, d'un organisme peut faire l'objet d'un recours devant le Conseil
d'Etat. Chaque organisme adresse au ministre chargé des communications
électroniques un rapport d'activité annuel.
« L'attribution et la gestion des noms de domaine rattachés à chaque domaine
de premier niveau sont centralisées par un organisme unique.
« Un décret en Conseil d'Etat précise en tant que de besoin les conditions
d'application du présent article.
« II. ― Sans préjudice de leur application de plein droit à Mayotte en vertu
du 8° du I de l'article 3 de la loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 relative à
Mayotte, les dispositions du I sont applicables à Wallis et Futuna et dans les
Terres australes et antarctiques françaises.
« Les organismes chargés d'attribuer les noms de domaine en Nouvelle-Calédonie
et en Polynésie française ne détiennent pas de droits de propriété
intellectuelle sur ces noms »;
2. Considérant que le requérant fait grief à ces dispositions de laisser à
l'autorité administrative et aux organismes désignés par elle une latitude
excessive pour définir les principes d'attribution des noms de domaine et
d'omettre ainsi de fixer un cadre minimal et des limites à leur action, en
méconnaissance de l'étendue de sa propre compétence par le législateur;
3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la
Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une
juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux
droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel
peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour
de cassation qui se prononce dans un délai déterminé » ; que la méconnaissance
par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée dans le cadre
d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où est
affecté un droit ou une liberté que la Constitution garantit;
4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution :
« La loi détermine les principes fondamentaux... des obligations civiles et
commerciales » ; que ressortissent en particulier aux principes fondamentaux
de ces obligations civiles et commerciales les dispositions qui mettent en
cause leur existence même;
5. Considérant, d'autre part, que la liberté d'entreprendre découle de
l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
qu'aux termes de son article 11 : « La libre communication des pensées et des
opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut
donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette
liberté dans les cas déterminés par la loi » ; que la propriété est au nombre
des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de
1789 ; qu'en l'état actuel des moyens de communication et eu égard au
développement généralisé des services de communication au public en ligne
ainsi qu'à l'importance prise par ces services dans la vie économique et
sociale, notamment pour ceux qui exercent leur activité en ligne,
l'encadrement, tant pour les particuliers que pour les entreprises, du choix
et de l'usage des noms de domaine sur internet affecte les droits de la
propriété intellectuelle, la liberté de communication et la liberté
d'entreprendre;
6. Considérant que l'article L. 45 du code des postes et des communications
électroniques confie à des organismes désignés par le ministre chargé des
communications électroniques l'attribution et la gestion des noms de domaine «
au sein des domaines de premier niveau du système d'adressage par domaines de
l'internet, correspondant au territoire national » ; qu'il se borne à prévoir
que l'attribution par ces organismes d'un nom de domaine est assurée « dans
l'intérêt général, selon des règles non discriminatoires rendues publiques et
qui veillent au respect, par le demandeur, des droits de la propriété
intellectuelle » ; que, pour le surplus, cet article renvoie à un décret en
Conseil d'Etat le soin de préciser ses conditions d'application ; que, si le
législateur a ainsi préservé les droits de la propriété intellectuelle, il a
entièrement délégué le pouvoir d'encadrer les conditions dans lesquelles les
noms de domaine sont attribués ou peuvent être renouvelés, refusés ou retirés
; qu'aucune autre disposition législative n'institue les garanties permettant
qu'il ne soit pas porté atteinte à la liberté d'entreprendre ainsi qu'à
l'article 11 de la Déclaration de 1789 ; que, par suite, le législateur a
méconnu l'étendue de sa compétence ; qu'il en résulte que l'article L. 45 du
code des postes et des communications électroniques doit être déclaré
contraire à la Constitution;
7. Considérant que le Conseil constitutionnel ne dispose pas d'un pouvoir
général d'appréciation de même nature que celui du Parlement ; qu'il ne lui
appartient pas d'indiquer les principes fondamentaux des obligations civiles
et commerciales qui doivent être retenus pour qu'il soit remédié à
l'inconstitutionnalité constatée; qu'eu égard au nombre de noms de domaine
qui ont été attribués en application des dispositions de l'article L. 45 du
code des postes et des communications électroniques, l'abrogation immédiate de
cet article aurait, pour la sécurité juridique, des conséquences manifestement
excessives ; que, dès lors, il y a lieu de reporter au 1er juillet 2011 la
date de son abrogation pour permettre au législateur de remédier à
l'incompétence négative constatée ; que les actes réglementaires pris sur son
fondement ne sont privés de base légale qu'à compter de cette date ; que les
autres actes passés avant cette date en application des mêmes dispositions ne
peuvent être contestés sur le fondement de cette inconstitutionnalité,
Décide :
Article 1
L'article L. 45 du code des postes et des communications électroniques est déclaré contraire à la Constitution.
Article 2
La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet le 1er juillet 2011 dans les conditions fixées au considérant 7.
Article 3
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République
française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de
l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. DECISIONS DU 12 NOVEMBRE 2010
Décision n° 2010-60 QPC du 12 novembre 2010
L'article 601 du Code civil qui
contraint à vendre la mitoyenneté d'un mur est conforme à la constitution
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 15 septembre 2010 par la Cour de
cassation (troisième chambre civile, arrêt n° 1222 du 15 septembre 2010), dans
les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question
prioritaire de constitutionnalité posée par M. Pierre B., relative à la
conformité de l'article
661 du code civil aux droits et libertés que la Constitution garantit. Article 1
L'article
661 du code civil est conforme à la Constitution.
Article 2
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République
française et notifiée dans les conditions prévues à l'article
23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. DECISIONS DU 26 NOVEMBRE 2010
Décision n° 2010-66 QPC du 26 novembre 2010
(M. THIBAULT G.)
La peine de confiscation est conforme à
la Constitution Le Conseil constitutionnel a été saisi le 21 septembre 2010 par la Cour de
cassation (chambre criminelle, arrêt n° 4979 du 14 septembre 2010), dans les
conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question
prioritaire de constitutionnalité posée par M. Thibault G. relative à la
conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article
131-21 du code pénal. Décide :
Article 1
L'article
131-21 du code pénal est conforme à la Constitution.
Article 2
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République
française et notifiée dans les conditions prévues à l'article
23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Décision n° 2010-69 QPC du 26 novembre 2010
(M. CLAUDE F.)
Le croisement des fichiers entre les autorités
judiciaires et les services de sécurité sociale sont conforme à la
Constitution Le Conseil constitutionnel a été saisi le 24 septembre 2010 par la Cour de
cassation (deuxième chambre civile, arrêt n° 1893), dans les conditions
prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de
constitutionnalité posée par M. Claude F., relative à la conformité des
articles L. 114-16 du code de la sécurité sociale et
L. 8271-8-1 du code du travail aux droits et libertés que la Constitution
garantit. Décide :
Article 1 Les
articles L. 114-16 du code de la sécurité sociale et
L. 8271-8-1 du code du travail sont conformes à la Constitution.
Article 2
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République
française et notifiée dans les conditions prévues à l'article
23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Décision n° 2010-70 QPC du 26 novembre 2010 (M. PIERRE-YVES M.)
Une personne qui travaille avec une personne hors de
France peut être imposé pour cette dernière sur ses gains français Le Conseil constitutionnel a été saisi le 24 septembre 2010 par le Conseil
d'Etat (décision n° 341573 du 24 septembre 2010), dans les conditions
prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de
constitutionnalité posée par M. Pierre-Yves M., relative à la conformité aux
droits et libertés que la Constitution garantit de l'article
155 A du code général des impôts.
Article 1
Sous la réserve énoncée au considérant 4, l'article
155 A du code général des impôts est conforme à la Constitution.
Article 2
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République
française et notifiée dans les conditions prévues à l'article
23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Décision n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010 (Mlle DANIELLE S.)
Le juge judiciaire doit pouvoir statuer
rapidement sur un internement psychiatrique Le Conseil constitutionnel a été saisi le 24 septembre 2010 par le Conseil
d'Etat (décision n° 339110 du 24 septembre 2010), dans les conditions prévues
à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de
constitutionnalité, posée par Mlle Danielle S., relative à la conformité aux
droits et libertés que la Constitution garantit des
dispositions des articles L. 326-3, L. 331, L. 333, L. 333-1, L. 333-2, L.
334, L. 337 et L. 351 du code de la santé publique, désormais repris aux
articles L. 3211-3, L. 3211-12, L. 3212-1, L. 3212-2, L. 3212-3, L. 3212-4, L.
3212-7 et L. 3222-1 du même code.
Article 1
L'article L. 337 du code la santé publique, devenu son article L. 3212-7, est
déclaré contraire à la Constitution.
Article 2
La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet le 1er août
2011 dans les conditions fixées au considérant 41.
Article 3
Sous la réserve énoncée au considérant 39, l'article
L. 351 du code de la santé publique, devenu son article L. 3211-12, n'est
pas contraire à la Constitution.
Article 4
Les
articles L. 326-3, L. 333, L. 333-1, L. 333-2 et L. 334 du code de la santé
publique, devenus ses articles L. 3211-3, L. 3212-1, L. 3211-2, L. 3212-3
et L. 3212-4, sont conformes à la Constitution.
Article 5
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République
française et notifiée dans les conditions prévues à l'article
23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 5 octobre 2010, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire
BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC,
Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT et M. Pierre STEINMETZ.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance
n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le
Conseil constitutionnel ;
Vu le
code civil ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité;
Vu les observations produites pour la SCI Valanges par Me Jacoupy, avocat au
Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 6 octobre 2010;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 7
octobre 2010 ;
Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Boré et Salve de
Bruneton, enregistrées le 21 octobre 2010;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Jean Salve de Bruneton pour le requérant et M. Xavier Pottier, désigné par
le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 4 novembre
2010;
Le rapporteur ayant été entendu
1. Considérant qu'aux
termes de l'article 661 du code civil : « Tout propriétaire joignant un
mur a la faculté de le rendre mitoyen en tout ou en partie, en remboursant au
maître du mur la moitié de la dépense qu'il a coûté, ou la moitié de la
dépense qu'a coûté la portion du mur qu'il veut rendre mitoyenne et la moitié
de la valeur du sol sur lequel le mur est bâti. La dépense que le mur a coûté
est estimée à la date de l'acquisition de sa mitoyenneté, compte tenu de
l'état dans lequel il se trouve »
2. Considérant que le requérant fait grief à ces dispositions d'obliger le
propriétaire d'un bien immobilier à une cession de son droit qui n'est ni
exigée ni justifiée par une nécessité publique légalement constatée, mais qui
lui est, au contraire, imposée au seul bénéfice d'une personne privée, en
violation des articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen de 1789
3. Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l'homme
consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ; qu'aux termes
de son article 17: « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne
peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement
constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable
indemnité » ; qu'en l'absence de privation du droit de propriété, il résulte
néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les limites apportées à
son exercice doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et
proportionnées à l'objectif poursuivi ;
4. Considérant qu'il appartient au législateur, compétent en application de
l'article 34 de la Constitution pour fixer les principes fondamentaux de la
propriété et des droits réels, de définir les modalités selon lesquelles les
droits des propriétaires de fonds voisins doivent être conciliés ; que la
mitoyenneté des murs séparatifs est au nombre des mesures qui tendent à
assurer cette conciliation ;
5. Considérant, en premier lieu, que si, en application de l'article
661 du code civil, le propriétaire d'un mur séparatif peut être tenu de le
rendre mitoyen en tout ou partie à la demande du propriétaire du fonds qui le
joint, cette disposition n'a pour effet que de rendre indivis le droit
exclusif du maître du mur qui, dans les limites de l'usage en commun fixées
par les articles 653 et suivants du code civil, continue à exercer sur son
bien tous les attributs du droit de propriété ; que, dès lors, en l'absence de
privation de ce droit, l'accès à la mitoyenneté autorisé par le texte en cause
n'entre pas dans le champ d'application de l'article 17 de la Déclaration de
1789 ;
6. Considérant, en second lieu, que le régime de la mitoyenneté des murs
servant de séparation détermine un mode économique de clôture et de
construction des immeubles ainsi que d'utilisation rationnelle de l'espace,
tout en répartissant les droits des voisins sur les limites de leurs fonds ;
que l'accès forcé à la mitoyenneté prévu par la loi constitue un élément
nécessaire de ce régime et répond ainsi à un motif d'intérêt général ; qu'il
est proportionné à l'objectif visé par le législateur; qu'il est réservé au
propriétaire du fonds joignant le mur et subordonné au remboursement à son
propriétaire initial de la moitié de la dépense qu'a coûté le mur ou la
portion qu'il veut rendre mitoyenne et la moitié de la valeur du sol sur
lequel le mur est bâti ; qu'à défaut d'accord des parties ces conditions de
fond doivent être constatées par la juridiction judiciaire qui fixe le montant
du remboursement ; que, compte tenu de ces garanties de fond et de procédure,
la restriction portée au droit de propriété par la disposition en cause n'a
pas un caractère de gravité tel qu'elle dénature le sens et la portée de ce
droit ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'atteinte portée aux
conditions d'exercice du droit de propriété par l'article
661 du code civil ne méconnaît pas l'article 2 de la Déclaration de 1789 ;
8. Considérant que cet article n'est contraire à aucun autre droit ou liberté
que la Constitution garantit,
Décide:
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 10 novembre 2010, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire
BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC,
Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance
n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le
Conseil constitutionnel ;
Vu le
code pénal, notamment son article 111-5 ;
Vu le
code de la route ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 13
octobre 2010 ;
Vu les observations produites pour le requérant par Me Stéphane Giuranna,
avocat au barreau d'Epinal, enregistrées le 27 octobre 2010 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Giuranna pour le requérant et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier
ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 9 novembre 2010 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux
termes de l'article 131-21 du code pénal : « La peine complémentaire de
confiscation est encourue dans les cas prévus par la loi ou le règlement. Elle
est également encourue de plein droit pour les crimes et pour les délits punis
d'une peine d'emprisonnement d'une durée supérieure à un an, à l'exception des
délits de presse.
« La confiscation porte sur tous les biens meubles ou immeubles, quelle qu'en
soit la nature, divis ou indivis, ayant servi à commettre l'infraction ou qui
étaient destinés à la commettre, et dont le condamné est propriétaire ou, sous
réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre
disposition.
« Elle porte également sur tous les biens qui sont l'objet ou le produit
direct ou indirect de l'infraction, à l'exception des biens susceptibles de
restitution à la victime. Si le produit de l'infraction a été mêlé à des fonds
d'origine licite pour l'acquisition d'un ou plusieurs biens, la confiscation
peut ne porter sur ces biens qu'à concurrence de la valeur estimée de ce
produit.
« La confiscation peut en outre porter sur tout bien meuble ou immeuble défini
par la loi ou le règlement qui réprime l'infraction.
« S'il s'agit d'un crime ou d'un délit puni d'au moins cinq ans
d'emprisonnement et ayant procuré un profit direct ou indirect, la
confiscation porte également sur les biens meubles ou immeubles, quelle qu'en
soit la nature, divis ou indivis, appartenant au condamné lorsque celui-ci,
mis en mesure de s'expliquer sur les biens dont la confiscation est envisagée,
n'a pu en justifier l'origine.
« Lorsque la loi qui réprime le crime ou le délit le prévoit, la confiscation
peut aussi porter sur tout ou partie des biens appartenant au condamné, quelle
qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis.
« La confiscation est obligatoire pour les objets qualifiés de dangereux ou
nuisibles par la loi ou le règlement, ou dont la détention est illicite, que
ces biens soient ou non la propriété du condamné.
« La peine complémentaire de confiscation s'applique dans les mêmes conditions
à tous les droits incorporels, quelle qu'en soit la nature, divis ou indivis.
« Lorsque la chose confisquée n'a pas été saisie ou ne peut être représentée,
la confiscation est ordonnée en valeur. Pour le recouvrement de la somme
représentative de la valeur de la chose confisquée, les dispositions relatives
à la contrainte judiciaire sont applicables.
« La chose confisquée est, sauf disposition particulière prévoyant sa
destruction ou son attribution, dévolue à l'Etat, mais elle demeure grevée, à
concurrence de sa valeur, des droits réels licitement constitués au profit de
tiers.
« Lorsque la chose confisquée est un véhicule qui n'a pas été saisi ou mis en
fourrière au cours de la procédure, le condamné doit, sur l'injonction qui lui
en est faite par le ministère public, remettre ce véhicule au service ou à
l'organisme chargé de sa destruction ou de son aliénation » ;
2. Considérant que, selon le requérant, la confiscation du véhicule constitue
une sanction manifestement disproportionnée par rapport à la contravention de
grand excès de vitesse prévue et réprimée par l'article
R. 413-14-1 du code de la route ; que, dès lors, l'article
131-21 du code pénal, en ce qu'il laisse au pouvoir réglementaire la
faculté de prévoir la peine complémentaire de confiscation, méconnaîtrait le
principe de nécessité des peines ;
3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution :
« La loi fixe les règles concernant... la détermination des crimes et délits
ainsi que les peines qui leur sont applicables » ; qu'en vertu de son article
37, les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un
caractère réglementaire ;
4. Considérant, d'autre part, que l'article 8 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 dispose : « La loi ne doit établir que des
peines strictement et évidemment nécessaires... » ; que l'article 61-1 de la
Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général
d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, mais lui
donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité des
dispositions législatives soumises à son examen aux droits et libertés que la
Constitution garantit ; que, si la nécessité des peines attachées aux
infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au
Conseil constitutionnel de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste
entre l'infraction et la peine encourue ;
5. Considérant, en premier lieu, que l'article
131-21 du code pénal prévoit l'existence d'une peine complémentaire
applicable, en vertu de la loi, à certains crimes et délits et, en vertu du
décret, à certaines contraventions ; que, l'existence d'une telle peine ne
méconnaît pas, en elle-même, le principe de nécessité des peines ; que,
s'agissant de la répression des contraventions, il appartient au pouvoir
réglementaire, dans l'exercice de la compétence qu'il tient de l'article 37 de
la Constitution et sous le contrôle des juridictions compétentes, de fixer,
dans le respect des exigences de l'article 8 de la Déclaration de 1789, les
peines applicables aux contraventions qu'il définit ; que l'article
131-21 du code pénal ne dispense aucunement le pouvoir réglementaire du
respect de ces exigences ; que le Conseil constitutionnel n'est pas compétent
pour apprécier la conformité de l'article
R. 413-14-1 du code de la route à ces exigences ;
6. Considérant, en second lieu, que la
deuxième phrase du premier alinéa de l'article 131-21 du code pénal
prévoit que la peine de confiscation des biens qui ont servi à commettre
l'infraction ou qui en sont le produit direct ou indirect est encourue de
plein droit en cas de crime ou de délit puni d'une peine d'emprisonnement
d'une durée supérieure à un an, à l'exception des délits de presse ; que son
cinquième alinéa prévoit que la peine de confiscation des biens dont le
condamné n'a pu justifier l'origine est également encourue en cas de crime ou
de délit ayant procuré un profit direct ou indirect et puni d'au moins cinq
ans d'emprisonnement ; que son septième alinéa prévoit la confiscation
obligatoire des objets qualifiés de dangereux ou nuisibles par la loi ou le
règlement ou dont la détention est illicite ; qu'eu égard aux conditions de
gravité des infractions pour lesquelles elles sont applicables et aux biens
qui peuvent en faire l'objet, les peines de confiscation ainsi instituées ne
sont pas manifestement disproportionnées ;
7. Considérant que l'article
131-21 du code pénal, qui préserve le droit de propriété des tiers de
bonne foi, n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution
garantit,
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 25 novembre 2010, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire
BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC,
Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance
n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le
Conseil constitutionnel ;
Vu le
code de la sécurité sociale ;
Vu le
code du travail ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 18
octobre 2010 ;
Vu les observations produites pour le requérant par Me Dominique Chambon,
enregistrées le 28 octobre 2010 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Dominique Chambon pour le requérant et M. Xavier Pottier, désigné par le
Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 16 novembre 2010
;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux
termes de l'article L. 114-16 du code de la sécurité sociale : «
L'autorité judiciaire est habilitée à communiquer aux organismes de protection
sociale toute indication qu'elle peut recueillir de nature à faire présumer
une fraude commise en matière sociale ou une manœuvre quelconque ayant eu pour
objet ou ayant pour résultat de frauder ou de compromettre le recouvrement des
cotisations sociales, qu'il s'agisse d'une instance civile ou commerciale ou
d'une information criminelle ou correctionnelle même terminée par un non-lieu
» ;
2. Considérant qu'aux
termes de l'article L. 8271-8-1 du code du travail : « Les agents de
contrôle mentionnés à l'article L. 8271-7 communiquent leurs procès-verbaux de
travail dissimulé aux organismes de recouvrement mentionnés aux
articles L. 213-1 et L. 752-1 du code de la sécurité sociale et à
l'article L. 723-3 du code rural et de la pêche maritime, qui procèdent à la
mise en recouvrement des cotisations et contributions qui leur sont dues sur
la base des informations contenues dans lesdits procès-verbaux » ;
3. Considérant que le requérant fait grief à ces dispositions de porter
atteinte à la présomption d'innocence, au respect des droits de la défense, à
la liberté contractuelle, à la liberté d'entreprendre ainsi qu'au droit de
propriété ;
4. Considérant que, en vertu de l'article 9 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789, tout homme est présumé innocent jusqu'à ce
qu'il ait été déclaré coupable ; qu'aux termes de son article 16 : « Toute
société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la
séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que cette
disposition implique notamment qu'aucune sanction ayant le caractère d'une
punition ne puisse être infligée à une personne sans que celle-ci ait été mise
à même de présenter ses observations sur les faits qui lui sont reprochés ;
que le principe des droits de la défense s'impose aux autorités disposant d'un
pouvoir de sanction sans qu'il soit besoin pour le législateur d'en rappeler
l'existence ;
5. Considérant que les dispositions contestées se bornent à organiser et à
faciliter la communication aux organismes de protection sociale et de
recouvrement des cotisations et contributions sociales d'informations
relatives aux infractions qui ont pu être relevées en matière de lutte contre
le travail dissimulé ; qu'elles n'ont pas pour effet de faire obstacle à
l'application des dispositions législatives ou réglementaires instituant une
procédure contradictoire en cas de redressement de l'assiette de ces
cotisations ou contributions après constatation du délit de travail dissimulé
; qu'elles n'ont pas non plus pour effet d'instituer une présomption de
culpabilité ni d'empêcher l'intéressé de saisir le juge compétent d'une
opposition à recouvrement ; que, par suite, elles ne portent atteinte ni à la
présomption d'innocence ni au respect des droits de la défense ; qu'elles ne
méconnaissent pas davantage la liberté contractuelle, la liberté
d'entreprendre ou le droit de propriété ;
6. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun
autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 25 novembre 2010, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire
BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC,
Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance
n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le
Conseil constitutionnel ;
Vu le
code général des impôts ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour M. M. par la SCP Degroux-Brugère et
Associés, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 18 octobre 2010 et le
2 novembre 2010 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 18
octobre 2010 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Gilbert Houilliez pour le requérant et M. Xavier Pottier, désigné par le
Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 16 novembre
2010 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux
termes de l'article 155 A du code général des impôts : « I. ― Les sommes
perçues par une personne domiciliée ou établie hors de France en
rémunération de services rendus par une ou plusieurs personnes domiciliées
ou établies en France sont imposables au nom de ces dernières :
« ― soit, lorsque celles-ci contrôlent directement ou indirectement la
personne qui perçoit la rémunération des services ;
« ― soit, lorsqu'elles n'établissent pas que cette personne exerce, de
manière prépondérante, une activité industrielle ou commerciale, autre que
la prestation de services ;
« ― soit, en tout état de cause, lorsque la personne qui perçoit la
rémunération des services est domiciliée ou établie dans un Etat étranger ou
un territoire situé hors de France où elle est soumise à un régime fiscal
privilégié au sens mentionné à l'article 238 A.
« II. ― Les règles prévues au I ci-dessus sont également applicables aux
personnes domiciliées hors de France pour les services rendus en France.
« III. ― La personne qui perçoit la rémunération des services est
solidairement responsable, à hauteur de cette rémunération, des impositions
dues par la personne qui les rend » ;
2. Considérant que, selon le requérant, ces dispositions portent atteinte au
« principe de personnalité » et au « principe de proportionnalité » de
l'impôt ; qu'elles porteraient également atteinte au principe de nécessité
des peines et au respect des droits de la défense ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et
pour les dépenses d'administration, une contribution commune est
indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens,
en raison de leurs facultés » ; que cette exigence ne serait pas respectée
si l'impôt revêtait un caractère confiscatoire ou faisait peser sur une
catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés
contributives ; qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution, il
appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes
constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les
règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives ;
qu'en particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit
fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction
des buts qu'il se propose ; que cette appréciation ne doit cependant pas
entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques
;
4. Considérant, en premier lieu, que l'article 155 A précité prévoit, dans
des cas limitativement énumérés, de soumettre à l'impôt la rémunération
d'une prestation réalisée en France par une personne qui y est domiciliée ou
établie, lorsque cette rémunération a été versée, aux fins d'éluder
l'imposition, à une personne domiciliée ou établie à l'étranger ; qu'ainsi,
le législateur a entendu mettre en œuvre l'objectif constitutionnel de lutte
contre l'évasion fiscale ; que, pour ce faire, il s'est fondé sur des
critères objectifs et rationnels ; que, toutefois, dans le cas où la
personne domiciliée ou établie à l'étranger reverse en France au
contribuable tout ou partie des sommes rémunérant les prestations réalisées
par ce dernier, la disposition contestée ne saurait conduire à ce que ce
contribuable soit assujetti à une double imposition au titre d'un même impôt
; que, sous cette réserve, l'article 155 A ne crée pas de rupture
caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;
5. Considérant, en second lieu, que l'article 155 A n'institue ni une peine
ni une sanction ayant le caractère d'une punition ; que, dès lors, le grief
tiré d'une atteinte au principe de nécessité des peines doit être rejeté ;
qu'il en est de même du grief tiré de la méconnaissance des droits de la
défense ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sous la réserve
énoncée au considérant 4, les dispositions contestées ne sont contraires ni
au principe d'égalité devant les charges publiques ni à aucun autre droit ou
liberté que la Constitution garantit,
Décide :
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 25 novembre 2010,
où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme
Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de
SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre
STEINMETZ.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance
n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le
Conseil constitutionnel ;
Vu le
code de la santé publique ;
Vu la
loi n° 81-82 du 2 février 1981 renforçant la sécurité et protégeant la
liberté des personnes, notamment son article 71 ;
Vu la
loi n° 90-527 du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des
personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions
d'hospitalisation ;
Vu l'ordonnance
n° 2000-548 du 15 juin 2000 relative à la partie législative du code de la
santé publique ;
Vu les observations produites pour la requérante par Me Pierre Ricard, avocat
au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 14 octobre 2010 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 18
octobre 2010 ;
Vu les observations en intervention produites pour l'association Groupe
intervention asile par Me Corinne Vaillant, avocat au barreau de Paris,
enregistrées le 21 octobre 2010 ;
Vu les nouvelles observations produites pour la requérante, enregistrées le 29
octobre 2010 ;
Vu les nouvelles observations produites par le Premier ministre, enregistrées
le 10 novembre 2010 ;
Vu les observations produites pour la requérante sur l'intervention de
l'association Groupe intervention asile, enregistrées le 10 novembre 2010 ;
Vu les observations complémentaires produites par le Premier ministre à la
demande du Conseil constitutionnel pour les besoins de l'instruction,
enregistrées le 12 novembre 2010 ;
Vu les pièces produites et jointes aux dossiers ;
Me Ricard pour la requérante, Me Vaillant pour l'association Groupe
intervention asile et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre,
ayant été entendus lors de l'audience publique du 16 novembre 2010 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que le Conseil constitutionnel est saisi de huit articles du
code de la santé publique dans leur rédaction antérieure à la date
d'entrée en vigueur de l'ordonnance
susvisée du 15 juin 2000 ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 326-3 du code la santé publique :
« Lorsqu'une personne atteinte de troubles mentaux est hospitalisée sans son
consentement en application des dispositions du chapitre III du présent titre,
les restrictions à l'exercice de ses libertés individuelles doivent être
limitées à celles nécessitées par son état de santé et la mise en œuvre de son
traitement. En toutes circonstances, la dignité de la personne hospitalisée
doit être respectée et sa réinsertion recherchée.
« Elle doit être informée dès l'admission et, par la suite, à sa demande, de
sa situation juridique et de ses droits.
« En tout état de cause, elle dispose du droit :
« 1° De communiquer avec les autorités mentionnées à l'article L. 332-2 ;
« 2° De saisir la commission prévue à l'article L. 332-3 ;
« 3° De prendre conseil d'un médecin ou d'un avocat de son choix ;
« 4° D'émettre ou de recevoir des courriers ;
« 5° De consulter le règlement intérieur de l'établissement tel que défini à
l'article L. 332-1 et de recevoir les explications qui s'y rapportent ;
« 6° D'exercer son droit de vote ;
« 7° De se livrer aux activités religieuses ou philosophiques de son choix.
« Ces droits, à l'exception de ceux mentionnés aux 4°, 6° et 7°, peuvent être
exercés à leur demande par les parents ou les personnes susceptibles d'agir
dans l'intérêt du malade » ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 331 du même code : « Dans chaque
département, un ou plusieurs établissements sont seuls habilités par le préfet
à soigner les personnes atteintes de troubles mentaux qui relèvent du chapitre
III du présent titre » ;
4. Considérant qu'aux termes de son article L. 333 : « Une personne atteinte
de troubles mentaux ne peut être hospitalisée sans son consentement à la
demande d'un tiers que si :
« 1° Ses troubles rendent impossible son consentement ;
« 2° Son état impose des soins immédiats assortis d'une surveillance constante
en milieu hospitalier.
« La demande d'admission est présentée soit par un membre de la famille du
malade, soit par une personne susceptible d'agir dans l'intérêt de celui-ci, à
l'exclusion des personnels soignants dès lors qu'ils exercent dans
l'établissement d'accueil.
« Cette demande doit être manuscrite et signée par la personne qui la formule.
Si cette dernière ne sait pas écrire, la demande est reçue par le maire, le
commissaire de police ou le directeur de l'établissement qui en donne acte.
Elle comporte les nom, prénoms, profession, âge et domicile tant de la
personne qui demande l'hospitalisation que de celle dont l'hospitalisation est
demandée et l'indication de la nature des relations qui existent entre elles
ainsi que, s'il y a lieu, de leur degré de parenté.
« La demande d'admission est accompagnée de deux certificats médicaux datant
de moins de quinze jours et circonstanciés, attestant que les conditions
prévues par les deuxième et troisième alinéas sont remplies.
« Le premier certificat médical ne peut être établi que par un médecin
n'exerçant pas dans l'établissement accueillant le malade ; il constate l'état
mental de la personne à soigner, indique les particularités de sa maladie et
la nécessité de la faire hospitaliser sans son consentement. Il doit être
confirmé par un certificat d'un deuxième médecin qui peut exercer dans
l'établissement accueillant le malade. Les deux médecins ne peuvent être
parents ou alliés, au quatrième degré inclusivement, ni entre eux, ni des
directeurs des établissements mentionnés à l'article L. 331, ni de la personne
ayant demandé l'hospitalisation ou de la personne hospitalisée » ;
5. Considérant qu'aux termes de son article L. 333-1 : « Avant d'admettre une
personne en hospitalisation sur demande d'un tiers, le directeur de
l'établissement vérifie que la demande a été établie conformément aux
dispositions de l'article L. 333 ou de l'article L. 333-2 et s'assure de
l'identité de la personne pour laquelle l'hospitalisation est demandée et de
celle de la personne qui demande l'hospitalisation. Si la demande d'admission
d'un majeur protégé est formulée par son tuteur ou curateur, celui-ci doit
fournir à l'appui de sa demande un extrait du jugement de mise sous tutelle ou
curatelle.
« Il est fait mention de toutes les pièces produites dans le bulletin d'entrée
» ;
6. Considérant qu'aux termes de son article L. 333-2 : « A titre exceptionnel
et en cas de péril imminent pour la santé du malade dûment constaté par le
médecin, le directeur de l'établissement pourra prononcer l'admission au vu
d'un seul certificat médical émanant éventuellement d'un médecin exerçant dans
l'établissement d'accueil » ;
7. Considérant qu'aux termes de son article L. 334 : « Dans les vingt-quatre
heures suivant l'admission, il est établi par un psychiatre de l'établissement
d'accueil, qui ne peut en aucun cas être un des médecins mentionnés au dernier
alinéa de l'article L. 333, un nouveau certificat médical constatant l'état
mental de la personne et confirmant ou infirmant la nécessité de maintenir
l'hospitalisation sur demande d'un tiers.
« Dès réception du certificat médical, le directeur de l'établissement adresse
ce certificat ainsi que le bulletin et la copie des certificats médicaux
d'entrée au préfet et à la commission mentionnée à l'article L. 332-3 » ;
8. Considérant qu'aux termes de son article L. 337 : « Dans les trois jours
précédant l'expiration des quinze premiers jours de l'hospitalisation, le
malade est examiné par un psychiatre de l'établissement d'accueil.
« Ce dernier établit un certificat médical circonstancié, précisant notamment
la nature et l'évolution des troubles et indiquant clairement si les
conditions de l'hospitalisation sont ou non toujours réunies. Au vu de ce
certificat, l'hospitalisation peut être maintenue pour une durée maximale d'un
mois.
« Au-delà de cette durée, l'hospitalisation peut être maintenue pour des
périodes maximales d'un mois, renouvelables selon les mêmes modalités.
« Le certificat médical est adressé aux autorités visées au deuxième alinéa de
l'article L. 338 ainsi qu'à la commission mentionnée à l'article L. 332-3 et
selon les modalités prévues à ce même alinéa.
« Faute de production du certificat susvisé, la levée de l'hospitalisation est
acquise » ;
9. Considérant qu'aux termes de son article L. 351 : « Toute personne
hospitalisée sans son consentement ou retenue dans quelque établissement que
ce soit, public ou privé, qui accueille des malades soignés pour troubles
mentaux, son tuteur si elle est mineure, son tuteur ou curateur si, majeure,
elle a été mise sous tutelle ou en curatelle, son conjoint, son concubin, tout
parent ou toute personne susceptible d'agir dans l'intérêt du malade et
éventuellement le curateur à la personne peuvent, à quelque époque que ce
soit, se pourvoir par simple requête devant le président du tribunal de grande
instance du lieu de la situation de l'établissement qui, statuant en la forme
des référés après débat contradictoire et après les vérifications nécessaires,
ordonne, s'il y a lieu, la sortie immédiate.
« Toute personne qui a demandé l'hospitalisation ou le procureur de la
République, d'office, peut se pourvoir aux mêmes fins.
« Le président du tribunal de grande instance peut également se saisir
d'office, à tout moment, pour ordonner qu'il soit mis fin à l'hospitalisation
sans consentement. A cette fin, toute personne intéressée peut porter à sa
connaissance les informations qu'elle estimerait utiles sur la situation d'un
malade hospitalisé » ;
10. Considérant que la requérante conteste, d'une part, les conditions dans
lesquelles une personne peut être placée, à la demande d'un tiers, puis
maintenue en hospitalisation sans son consentement et, d'autre part,
l'insuffisance des droits reconnus aux personnes ainsi hospitalisées ; qu'en
outre, elle demande au Conseil constitutionnel de déclarer contraires à la
Constitution les dispositions du
code de la santé publique relatives à la procédure d'hospitalisation
d'office ; Sur la procédure :
11. Considérant qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, saisi d'une
question prioritaire de constitutionnalité, de remettre en cause la décision
par laquelle le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation a jugé, en application
de l'article
23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée, qu'une disposition était
ou non applicable au litige ou à la procédure ou constituait ou non le
fondement des poursuites ;
12. Considérant que, par suite, doivent être rejetées les conclusions de la
requérante tendant à ce que le Conseil constitutionnel se prononce sur la
conformité à la Constitution des dispositions du
code de la santé publique relatives à la procédure d'hospitalisation
d'office, dès lors que ces dispositions ne figurent pas dans la question
renvoyée par le Conseil d'Etat au Conseil constitutionnel ;
Sur l'hospitalisation à la demande d'un tiers :
13. Considérant que la requérante soutient que l'atteinte à la liberté
individuelle qui résulte de l'hospitalisation sans consentement requiert que
seule une juridiction de l'ordre judiciaire soit compétente pour en décider ;
que, dès lors, la procédure d'hospitalisation sur demande d'un tiers
méconnaîtrait l'article 66 de la Constitution ; qu'en outre, selon la
requérante, la décision d'admission dans un établissement de santé privé
habilité à prendre en charge des personnes hospitalisées sans leur
consentement n'est pas entourée de garanties suffisantes ;
14. Considérant que l'article 66 de la Constitution dispose : « Nul ne peut
être arbitrairement détenu. L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté
individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par
la loi » ; que, dans l'exercice de sa compétence, le législateur peut fixer
des modalités d'intervention de l'autorité judiciaire différentes selon la
nature et la portée des mesures affectant la liberté individuelle qu'il entend
édicter ;
15. Considérant qu'en vertu du onzième alinéa du Préambule de la Constitution
de 1946 la Nation garantit à tous le droit à la protection de la santé ; que
l'article 34 de la Constitution dispose que la loi fixe les règles concernant
les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des
libertés publiques ; qu'il est à tout moment loisible au législateur, statuant
dans le domaine de sa compétence, d'adopter des dispositions nouvelles dont il
lui appartient d'apprécier l'opportunité et de modifier des textes antérieurs
ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres
dispositions, dès lors que, dans l'exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de
garanties légales des exigences constitutionnelles ;
16. Considérant que l'hospitalisation sans son consentement d'une personne
atteinte de troubles mentaux doit respecter le principe, résultant de
l'article 66 de la Constitution, selon lequel la liberté individuelle ne
saurait être entravée par une rigueur qui ne soit nécessaire ; qu'il incombe
au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la protection de
la santé des personnes souffrant de troubles mentaux ainsi que la prévention
des atteintes à l'ordre public nécessaire à la sauvegarde de droits et
principes de valeur constitutionnelle et, d'autre part, l'exercice des
libertés constitutionnellement garanties ; qu'au nombre de celles-ci figurent
la liberté d'aller et venir et le respect de la vie privée, protégés par les
articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789,
ainsi que la liberté individuelle, dont l'article 66 de la Constitution confie
la protection à l'autorité judiciaire ; que les atteintes portées à l'exercice
de ces libertés doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées aux
objectifs poursuivis ;
En ce qui concerne les conditions de l'admission :
17. Considérant, en premier lieu, que l'article
L. 333 du code de la santé publique prévoit qu'une personne atteinte de
troubles mentaux ne peut être hospitalisée sans son consentement, à la demande
d'un tiers, que si ses troubles rendent impossible son consentement et si son
état impose des soins immédiats assortis d'une surveillance constante en
milieu hospitalier ;
18. Considérant que ce même article prévoit que la demande d'admission doit
être présentée soit par un membre de la famille du malade, soit par une
personne susceptible d'agir dans l'intérêt de celui-ci, ce qui implique
qu'elle justifie de relations antérieures à la demande lui donnant qualité
pour agir dans son intérêt ; que la demande ne peut, en tout état de cause,
être présentée par un membre du personnel soignant exerçant dans
l'établissement d'accueil ; qu'elle doit être accompagnée de deux certificats
médicaux circonstanciés, datés de moins de quinze jours, attestant que les
conditions rappelées au considérant précédent sont remplies ; que le septième
alinéa de l'article L. 333 fixe des garanties dans le choix des médecins
rédacteurs de ces certificats ; que le premier certificat ne peut être établi
que par un médecin n'exerçant pas dans l'établissement accueillant le malade ;
que la possibilité d'une admission au vu d'un seul certificat médical est
réservée, à titre exceptionnel, au cas de « péril imminent pour la santé du
malade » ; que, dans les vingt-quatre heures de l'admission, la nécessité de
celle-ci doit être confirmée par un médecin psychiatre de l'établissement
d'accueil ;
19. Considérant qu'en adoptant les articles L. 333, L. 333-2 et L. 333-4 le
législateur a fixé des conditions de fond et des garanties de procédure
propres à assurer que l'hospitalisation sans consentement, à la demande d'un
tiers, ne soit mise en œuvre que dans les cas où elle est adaptée, nécessaire
et proportionnée à l'état du malade ;
20. Considérant, en deuxième lieu, que, si l'article 66 de la Constitution
exige que toute privation de liberté soit placée sous le contrôle de
l'autorité judiciaire, il n'impose pas que cette dernière soit saisie
préalablement à toute mesure de privation de liberté ; que, dès lors, les
dispositions de l'article L. 333-1 du code de la santé publique, qui
confient au directeur de l'établissement le soin d'admettre une personne en
hospitalisation sur demande d'un tiers après avoir vérifié que la demande a
été établie conformément aux dispositions de l'article L. 333 ou de l'article
L. 333-2, ne méconnaissent pas les exigences tirées de l'article 66 de la
Constitution ;
21. Considérant, en troisième lieu, qu'aucune règle ou principe
constitutionnel n'impose que l'accueil des personnes atteintes de troubles
mentaux hospitalisées sans leur consentement soit confié à des établissements
de santé publics ; que, dans l'accomplissement des missions prévues par les
dispositions contestées, les établissements de santé privés habilités, dans
les conditions fixées par l'article L. 331, à prendre en charge des personnes
hospitalisées sans leur consentement sont soumis aux mêmes obligations que les
établissements publics ; que les décisions d'admission sans consentement dans
les établissements privés ou publics de personnes atteintes de troubles
mentaux sont subordonnées aux mêmes formalités et contrôles ; que, dès lors,
le grief tiré de ce que le législateur n'aurait pas entouré de garanties
suffisantes l'admission prononcée par un directeur d'un établissement privé
doit être écarté ;
22. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les
articles L. 331, L. 333, L. 333-1, L. 333-2 et L. 334 du code de la santé
publique doivent être déclarés conformes à la Constitution ;
En ce qui concerne le maintien de l'hospitalisation :
23. Considérant que l'article
L. 337 du code de la santé publique prévoit qu'au-delà des quinze premiers
jours l'hospitalisation peut être maintenue pour une durée maximale d'un mois
au vu d'un certificat médical circonstancié indiquant que les conditions de
l'hospitalisation sont toujours réunies ; qu'au-delà de cette durée,
l'hospitalisation peut être maintenue pour des périodes successives d'un mois
selon les mêmes modalités ; que le certificat médical est transmis au
représentant de l'Etat dans le département, à la commission départementale des
hospitalisations psychiatriques et au procureur de la République ;
24. Considérant que, si le
deuxième alinéa de l'article L. 332-3 du code de la santé publique, devenu
son article L. 3222-5, confie à la commission départementale des
hospitalisations psychiatriques le soin « d'examiner la situation des
personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux au regard du respect des
libertés individuelles », cette commission a un caractère administratif ;
qu'au demeurant, elle n'autorise pas le maintien de l'hospitalisation et
n'examine obligatoirement que la situation des personnes dont
l'hospitalisation se prolonge au-delà de trois mois ;
25. Considérant que la liberté individuelle ne peut être tenue pour
sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible ; que,
toutefois, les motifs médicaux et les finalités thérapeutiques qui justifient
la privation de liberté des personnes atteintes de troubles mentaux
hospitalisées sans leur consentement peuvent être pris en compte pour la
fixation de ce délai ; qu'en prévoyant que l'hospitalisation sans consentement
peut être maintenue au-delà de quinze jours sans intervention d'une
juridiction de l'ordre judiciaire, les dispositions de l'article L. 337
méconnaissent les exigences de l'article 66 de la Constitution ; qu'en outre
ni l'obligation faite à certains magistrats de l'autorité judiciaire de
visiter périodiquement les établissements accueillant des personnes soignées
pour des troubles mentaux ni les recours juridictionnels dont disposent ces
personnes pour faire annuler la mesure d'hospitalisation ou y mettre fin ne
suffisent à satisfaire à ces exigences ;
26. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'aucune disposition
législative ne soumet le maintien de l'hospitalisation d'une personne sans son
consentement, en application de l'article
L. 337 du code de la santé publique, à une juridiction judiciaire dans des
conditions répondant aux exigences de l'article 66 de la Constitution ; qu'il
s'ensuit que cet article doit être déclaré contraire à la Constitution ;
Sur les droits des personnes hospitalisées sans leur consentement :
27. Considérant que, selon la requérante, les conditions dans lesquelles les
hospitalisations sans consentement sont mises en œuvre méconnaissent la
dignité de la personne ; qu'elle soutient également qu'en ne reconnaissant pas
à ces personnes le droit de téléphoner et le droit de refuser un traitement,
l'article
L. 326-3 du code de la santé publique porte une atteinte
inconstitutionnelle aux droits et libertés ; qu'enfin le droit de ces malades
à un recours juridictionnel ne serait pas effectif compte tenu de la lenteur
des procédures, de l'absence d'information effective de ces personnes sur
leurs droits et de la dualité des compétences des juridictions de l'ordre
administratif et de l'ordre judiciaire ;
En ce qui concerne la dignité de la personne :
28. Considérant que le Préambule de 1946 a réaffirmé que tout être humain,
sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits
inaliénables et sacrés ; que la sauvegarde de la dignité de la personne contre
toute forme d'asservissement et de dégradation est au nombre de ces droits et
constitue un principe à valeur constitutionnelle ;
29. Considérant qu'il appartient aux professionnels de santé ainsi qu'aux
autorités administratives et judiciaires de veiller, dans l'accomplissement de
leurs missions et dans l'exercice de leurs compétences respectives, à ce que
la dignité des personnes hospitalisées sans leur consentement soit respectée
en toutes circonstances ; que la
deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 326-3 du code de la santé
publique rappelle cette exigence ; qu'il appartient, en outre, aux
autorités compétentes, dans le cadre des pouvoirs qui leur sont reconnus par
le
code de la santé publique et, le cas échéant, sur le fondement des
infractions pénales prévues à cette fin, de prévenir et de réprimer les
agissements portant atteinte à la dignité de la personne hospitalisée sans son
consentement et d'ordonner la réparation des préjudices subis ; que la
méconnaissance éventuelle de cette exigence dans l'application des
dispositions législatives précitées n'a pas, en elle-même, pour effet
d'entacher ces dispositions d'inconstitutionnalité ; que, par suite, les
dispositions soumises à l'examen du Conseil constitutionnel ne portent pas
atteinte à la dignité de la personne ;
En ce qui concerne les autres droits et libertés :
30. Considérant que, selon la requérante, en supprimant le droit de recevoir
des communications téléphoniques et le droit de refuser tout traitement,
lesquels avaient été reconnus aux personnes hospitalisées sans leur
consentement par le paragraphe IV de l'article 71 de la loi du 2 février 1981
susvisée, l'article L. 326-3 a apporté des restrictions disproportionnées aux
droits des malades ;
31. Considérant, en premier lieu, que l'article
L. 326-3 du code de la santé publique reconnaît aux personnes
hospitalisées le droit d'émettre ou de recevoir des courriers « en tout état
de cause » ; que l'utilisation des autres moyens de communication est régie
par le principe général, énoncé par le premier alinéa de cet article, selon
lequel, lorsqu'une personne est hospitalisée sans son consentement, « les
restrictions à l'exercice de ses libertés individuelles doivent être limitées
à celles nécessitées par son état de santé et la mise en œuvre de son
traitement » ; que ces dispositions ne portent pas une atteinte
disproportionnée à l'exercice de droits constitutionnellement garantis ;
32. Considérant, en second lieu, que le législateur a estimé qu'une personne
atteinte de troubles mentaux qui soit rendent impossible son consentement
alors que son état impose une surveillance constante en milieu hospitalier,
soit font que cette personne compromet la sûreté des personnes ou porte
atteinte de façon grave à l'ordre public ne peut s'opposer aux soins médicaux
que ces troubles requièrent ; qu'en tout état de cause les garanties encadrant
l'hospitalisation sans consentement permettent que l'avis de la personne sur
son traitement soit pris en considération ; que, dans ces conditions, en
adoptant les dispositions déférées, le législateur a pris des mesures
assurant, entre la protection de la santé et la protection de l'ordre public,
d'une part, et la liberté personnelle, protégée par l'article 2 de la
Déclaration de 1789, d'autre part, une conciliation qui n'est pas
manifestement disproportionnée ;
En ce qui concerne le droit à un recours juridictionnel effectif :
33. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : «
Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la
séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; qu'est
garanti par cette disposition le droit des personnes intéressées à exercer un
recours juridictionnel effectif ;
34. Considérant, en premier lieu, qu'en vertu du
deuxième alinéa de l'article L. 326-3 du code de la santé publique toute
personne hospitalisée sans son consentement doit être informée dès l'admission
et, par la suite, à sa demande, de sa situation juridique et de ses droits ;
que, selon le troisième alinéa de ce même article, elle dispose « en tout état
de cause » du droit de prendre conseil d'un avocat de son choix ;
35. Considérant, en deuxième lieu, que la Constitution reconnaît deux ordres
de juridictions au sommet desquels sont placés le Conseil d'Etat et la Cour de
cassation ; que figure au nombre des « principes fondamentaux reconnus par les
lois de la République » celui selon lequel, à l'exception des matières
réservées par nature à l'autorité judiciaire, relève en dernier ressort de la
compétence de la juridiction administrative l'annulation ou la réformation des
décisions prises, dans l'exercice des prérogatives de puissance publique, par
les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs agents, les collectivités
territoriales de la République ou les organismes publics placés sous leur
autorité ou leur contrôle ;
36. Considérant que, dans la mise en œuvre de ce principe, lorsque
l'application d'une législation ou d'une réglementation spécifique pourrait
engendrer des contestations contentieuses diverses qui se répartiraient, selon
les règles habituelles de compétence, entre la juridiction administrative et
la juridiction judiciaire, il est loisible au législateur, dans l'intérêt
d'une bonne administration de la justice, d'unifier les règles de compétence
juridictionnelle au sein de l'ordre juridictionnel principalement intéressé ;
37. Considérant que, si, en l'état du droit applicable, les juridictions de
l'ordre judiciaire ne sont pas compétentes pour apprécier la régularité de la
procédure et de la décision administratives qui ont conduit à une mesure
d'hospitalisation sans consentement, la dualité des ordres de juridiction ne
limite pas leur compétence pour apprécier la nécessité de la privation de
liberté en cause ;
38. Considérant, en troisième lieu, que l'article
L. 351 du code de la santé publique reconnaît à toute personne
hospitalisée sans son consentement ou retenue dans quelque établissement que
ce soit le droit de se pourvoir par simple requête à tout moment devant le
président du tribunal de grande instance pour qu'il soit mis fin à
l'hospitalisation sans consentement ; que le droit de saisir ce juge est
également reconnu à toute personne susceptible d'intervenir dans l'intérêt de
la personne hospitalisée ;
39. Considérant toutefois que, s'agissant d'une mesure privative de liberté,
le droit à un recours juridictionnel effectif impose que le juge judiciaire
soit tenu de statuer sur la demande de sortie immédiate dans les plus brefs
délais compte tenu de la nécessité éventuelle de recueillir des éléments
d'information complémentaires sur l'état de santé de la personne hospitalisée
;
40. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sous la réserve énoncée
au considérant 39, les
articles L. 326-3 et L. 351 du code de la santé publique ne sont pas
contraires aux droits et libertés que la Constitution garantit ;
Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité :
41. Considérant que, en principe, une déclaration d'inconstitutionnalité doit
bénéficier à la partie qui a présenté la question prioritaire de
constitutionnalité ; que, toutefois, l'abrogation immédiate de l'article
L. 337 du code de la santé publique, devenu son article L. 3212-7,
méconnaîtrait les exigences de la protection de la santé et la prévention des
atteintes à l'ordre public et entraînerait des conséquences manifestement
excessives ; que, par suite, afin de permettre au législateur de remédier à
cette inconstitutionnalité, il y a lieu de reporter au 1er août 2011 la date
de cette abrogation ; que les mesures d'hospitalisation prises avant cette
date en application des dispositions déclarées contraires à la Constitution ne
peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité,
Décide :
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 25 novembre 2010, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire
BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Décision n° 2010-72/75/82 QPC du 10 décembre 2010 (M. ALAIN D. ET AUTRES)
La publication et l'affichage systématique d'une condamnation pour fraude fiscale est contraire à la constitution
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 28 septembre 2010 par la Cour de
cassation (chambre criminelle, arrêt n° 5255 du 22 septembre 2010), dans les
conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question
prioritaire de constitutionnalité posée par M. Alain D., relative à la
conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du
quatrième alinéa de l'article 1741 du code général des impôts.
Il a également été saisi par cette même cour, le 30 septembre 2010 (arrêt n°
5254 du 22 septembre 2010) puis le 8 octobre 2010 (arrêt n° 5554 du 5
octobre 2010), dans les mêmes conditions, de questions prioritaires de
constitutionnalité posées respectivement par Mme Sylvie B. et M. Eric V. et
portant sur cette même disposition.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance
n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le
Conseil constitutionnel ;
Vu le
code général des impôts ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour M. D. par la SCP Delaporte, Briard et
Trichet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le
21 octobre 2010 et le 8 novembre 2010 ;
Vu les observations produites pour Mme B. par Me Martin Le Guerer, avocat au
barreau de Paris, enregistrées le 21 octobre 2010 ;
Vu les observations produites pour M. V. par Me Jean-Félix Luciani, avocat
au barreau de Lyon, enregistrées le 17 novembre 2010 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 22
octobre 2010 et le 2 novembre 2010 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me François-Henri Briard, Me Martin Le Guerer et Me Luciani pour les
requérants et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été
entendus à l'audience publique du 30 novembre 2010 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux
termes du quatrième alinéa de l'article 1741 du code général des impôts
: « Le tribunal ordonnera dans tous les cas la publication intégrale ou par
extraits des jugements dans le Journal officiel de la République française
ainsi que dans les journaux désignés par lui et leur affichage intégral ou
par extraits pendant trois mois sur les panneaux réservés à l'affichage des
publications officielles de la commune où les contribuables ont leur
domicile ainsi que sur la porte extérieure de l'immeuble du ou des
établissements professionnels de ces contribuables. Les frais de la
publication et de l'affichage dont il s'agit sont intégralement à la charge
du condamné » ;
2. Considérant que, selon les requérants, ces dispositions portent atteinte
aux principes de nécessité et d'individualisation des peines garantis par
l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration de 1789 : « La
loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et
nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée
antérieurement au délit, et légalement appliquée » ; que le principe
d'individualisation des peines qui découle de cet article implique que la
peine de publication et d'affichage du jugement ne puisse être appliquée que
si le juge l'a expressément prononcée, en tenant compte des circonstances
propres à chaque espèce ;
4. Considérant qu'en instituant une peine obligatoire de publication et
d'affichage du jugement de condamnation pour des faits de fraude fiscale, la
disposition contestée vise à renforcer la répression de ce délit en assurant
à cette condamnation la plus large publicité ;
5. Considérant que le juge qui prononce une condamnation pour le délit de
fraude fiscale est tenu d'ordonner la publication du jugement de
condamnation au Journal officiel ; qu'il doit également ordonner l'affichage
du jugement ; qu'il ne peut faire varier la durée de cet affichage fixée à
trois mois par la disposition contestée ; qu'il ne peut davantage modifier
les modalités de cet affichage prévu, d'une part, sur les panneaux réservés
à l'affichage des publications officielles de la commune où les
contribuables ont leur domicile et, d'autre part, sur la porte extérieure de
l'immeuble du ou des établissements professionnels de ces contribuables ;
que, s'il peut décider que la publication et l'affichage seront faits de
façon intégrale ou par extraits, cette faculté ne saurait, à elle seule,
permettre que soit assuré le respect des exigences qui découlent du principe
d'individualisation des peines ; que, dès lors, le
quatrième alinéa de l'article 1741 du code général des impôts doit être
déclaré contraire à la Constitution,
Décide :
Article 1
Le quatrième alinéa de l'article 1741 du code général des impôts est contraire à la Constitution.
Article 2
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République
française et notifiée dans les conditions prévues à l'article
23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 9 décembre 2010,
où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme
Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de
SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre
STEINMETZ.
Décision n° 2010-77 QPC du 10 décembre 2010
Quand le parquet sait qu'un individu
est innocent et qu'il ne pourra pas le faire condamner, il a une dernière
chance, il convoque le prévenu pour lui arracher un accord sur une prétendue
culpabilité et lui faire accepter une peine.
Quand le parquet redoute une condamnation trop lourde pour
un prévenu bien vu du pouvoir en place, il peut faire un arrangement entre
amis pour un accord avec une peine symbolique.
Le Conseil
Constitutionnel édicte que cette possibilité est conforme à la constitution.
(MME BARTAZ.)
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 5 octobre 2010 par la Cour de
cassation (chambre criminelle, arrêt n° 5551 du 29 septembre 2010), dans les
conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question
prioritaire de constitutionnalité, posée par Mme Barta Z., relative à la
conformité de l'article
495-15-1 du code de procédure pénale aux droits et libertés que la
Constitution garantit.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance
n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le
Conseil constitutionnel ;
Vu le
code de procédure pénale ;
Vu la
loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux
évolutions de la criminalité, notamment son article 137, ensemble la décision
du Conseil constitutionnel n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 ;
Vu la
loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du
droit et d'allègement des procédures, notamment son article 129 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 28
octobre 2010 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Philippe Nemausat pour la requérante et M. Xavier Pottier, désigné par le
Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 30 novembre 2010
;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux
termes de l'article 495-15-1 du code de procédure pénale : « La mise en
œuvre de la procédure prévue par la présente section n'interdit pas au
procureur de la République de procéder simultanément à une convocation en
justice en application de l'article 390-1. La saisine du tribunal résultant de
cette convocation en justice est caduque si la personne accepte la ou les
peines proposées et que celles-ci font l'objet d'une ordonnance d'homologation
» ;
2. Considérant que, selon la requérante, la faculté offerte au procureur de la
République de procéder simultanément à la procédure de comparution sur
reconnaissance préalable de culpabilité et à une convocation en justice serait
contraire à l'objectif de bonne administration de la justice ainsi qu'au
respect des droits de la défense ;
3. Considérant, en premier lieu, que la méconnaissance de l'objectif de valeur
constitutionnelle de bonne administration de la justice, qui découle des
articles 12, 15 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de
1789, ne peut, en elle-même, être invoquée à l'appui d'une question
prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la
Constitution ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 16 de la
Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits
n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de
Constitution » ; que sont garantis par cette disposition les droits de la
défense lorsqu'est en cause une sanction ayant le caractère d'une punition ;
5. Considérant que la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité
a été introduite dans le
code de procédure pénale par l'article
137 de la loi du 9 mars 2004 susvisée ; qu'elle constitue une procédure
particulière de jugement de certains délits ; qu'elle est mise en œuvre par le
procureur de la République, d'office ou à la demande de l'intéressé ou de son
avocat, lorsque la personne reconnaît les faits qui lui sont reprochés ; que,
lorsque cette personne accepte, en présence de son avocat, les peines que le
procureur de la République lui propose d'exécuter, le président du tribunal de
grande instance ou le juge délégué par lui est saisi d'une requête en
homologation de ces peines ; que la personne est alors présentée devant ce
magistrat, qui, après l'avoir entendue, ainsi que son avocat, et après avoir
vérifié la réalité des faits et leur qualification juridique, se prononce sur
la requête en homologation ;
6. Considérant que l'article
495-15-1 du code de procédure pénale, inséré par l'article
129 de la loi du 12 mai 2009 susvisée, se borne à autoriser le procureur
de la République à recourir simultanément à la convocation d'une personne
selon la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité
et à la convocation en justice de cette personne en application de l'article
390-1 du code de procédure pénale ; que, par elle-même, cette disposition
est insusceptible de porter atteinte aux droits de la défense ; que l'exercice
des droits de la défense est en particulier garanti, dans la procédure de
comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, par les
articles 495-8 et 495-9 du code de procédure pénale et, devant le tribunal
correctionnel, par les dispositions de la section IV du chapitre Ier du titre
II du livre II de ce même code, consacrées aux débats devant cette juridiction
;
7. Considérant, en troisième lieu, que, lorsqu'à l'issue de la procédure de
comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, la personne n'a pas
accepté la peine proposée par le procureur de la République ou lorsque le
président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui n'a pas
homologué cette proposition et que, par suite, le prévenu comparaît devant le
tribunal correctionnel sur la convocation reçue en application de l'article
495-15-1, l'article 495-14 fait obstacle à ce que le procès-verbal des
formalités accomplies en application des articles 495-8 à 495-13 au cours de
la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité soit
transmis à la juridiction de jugement ; que ce même article interdit au
ministère public et aux parties de faire état devant cette juridiction des
déclarations faites ou des documents remis au cours de la procédure de
comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ; qu'il appartient, en
conséquence, au procureur de la République, dans la mise en œuvre de l'article
495-15-1, de veiller à ce que la convocation en justice adressée en
application de l'article 390-1 soit faite à une date suffisamment lointaine
pour garantir qu'au jour fixé pour la comparution du prévenu devant le
tribunal correctionnel la procédure sur reconnaissance préalable a échoué ou
que les peines proposées ont été homologuées ; qu'il suit de là que l'article
495-15-1 du code de procédure pénale ne porte pas atteinte au principe
constitutionnel de la présomption d'innocence résultant de l'article 9 de la
Déclaration de 1789 ;
8. Considérant que l'article
495-15-1 du code de procédure pénale n'est contraire à aucun autre droit
ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :
Article 1
L'article 495-15-1 du code de procédure pénale est conforme à la Constitution.
Article 2
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République
française et notifiée dans les conditions prévues à l'article
23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 9 décembre 2010, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire
BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC,
Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Décision n° 2010-78 QPC du 10 décembre 2010 (SOCIÉTÉ IMNOMA)
La validité automatique des redressements fiscaux est contraire à la Constitution
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 6 octobre 2010 par le Conseil
d'Etat (décision n° 341827 du 6 octobre 2010), dans les conditions prévues à
l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de
constitutionnalité posée par la société IMNOMA, relative à la conformité aux
droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe IV de
l'article 43 de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances
rectificative pour 2004.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance
n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le
Conseil constitutionnel ;
Vu le
code général des impôts ;
Vu le
livre des procédures fiscales ;
Vu la décision du Conseil d'Etat n° 230169 du 7 juillet 2004 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 29
octobre 2010 ;
Vu les observations produites par la SELAFA CCPE, société d'avocats au
barreau de Paris, pour la société requérante, enregistrées le 29 octobre
2010 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Pierre Beauvillard pour la société requérante et M. Xavier Pottier,
désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du
30 novembre 2010;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes du paragraphe IV de l'article 43 de la loi du
30 décembre 2004 susvisée : « Sous réserve des décisions de justice passées
en force de chose jugée et de l'application des dispositions des deuxième,
troisième et quatrième alinéas du 4 bis de l'article
38 du code général des impôts, les impositions établies avant le 1er
janvier 2005 ou les décisions prises sur les réclamations contentieuses
présentées sur le fondement du
deuxième alinéa de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales
sont réputées régulières en tant qu'elles seraient contestées par le moyen
tiré de ce que le contribuable avait la faculté de demander la correction
des écritures du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit.
Toutefois, ces impositions ne peuvent être assorties que des intérêts de
retard » ;
2. Considérant que, selon la société requérante, ces dispositions
méconnaissent le principe d'égalité devant l'impôt, le principe d'égalité
devant la loi, les principes de non-rétroactivité de la loi et de sécurité
juridique, ainsi que les droits de la défense et le droit à un recours
juridictionnel effectif ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie
des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a
point de Constitution » ;
4. Considérant, en conséquence, que, si le législateur peut modifier
rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif ou de
droit privé, c'est à la condition de poursuivre un but d'intérêt général
suffisant et de respecter tant les décisions de justice ayant force de chose
jugée que le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions ;
qu'en outre, l'acte modifié ou validé ne doit méconnaître aucune règle, ni
aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le but d'intérêt
général visé soit lui-même de valeur constitutionnelle ; qu'enfin, la portée
de la modification ou de la validation doit être strictement définie ;
5. Considérant que, par la décision du 7 juillet 2004 susvisée, le Conseil
d'Etat a jugé, après avoir cité l'article 38-2 du code général des impôts, «
que lorsque les bénéfices imposables d'un contribuable ont été déterminés en
application de ces dispositions, les erreurs ou omissions qui entachent les
écritures comptables retracées au bilan de clôture d'un exercice ou d'une
année d'imposition et entraînent une sous-estimation ou une surestimation de
l'actif net de l'entreprise peuvent, à l'initiative du contribuable qui les
a involontairement commises, ou à celle de l'administration exerçant son
droit de reprise, être réparées dans ce bilan ; que les mêmes erreurs ou
omissions, s'il est établi qu'elles se retrouvent dans les écritures de
bilan d'autres exercices, doivent y être symétriquement corrigées, dès lors
qu'elles ne revêtent pas, pour le contribuable qui les invoque, un caractère
délibéré et alors même que tout ou partie de ces exercices seraient couverts
par la prescription prévue, notamment, aux
articles L. 168 et L. 169 du livre des procédures fiscales » ; que cette
décision a eu pour conséquence de permettre, à l'initiative soit du
contribuable, soit de l'administration, la « correction symétrique des
bilans » à raison d'erreurs ou d'omissions dépourvues de caractère délibéré
entachant les écritures comptables retracées au bilan de clôture d'un
exercice, sans que s'applique le principe d'intangibilité du bilan
d'ouverture du premier exercice non prescrit ;
6. Considérant que le paragraphe I de l'article 43 de la loi du 30 décembre
2004 a rétabli pour l'avenir sous certaines conditions ce principe
d'intangibilité ; que cette disposition s'applique, en vertu des paragraphes
II et III du même article, aux exercices clos à compter du 1er janvier 2005
et aux impositions établies à compter de cette date ; que, toutefois, son
paragraphe IV valide les impositions établies avant cette date, ainsi que
les décisions prises sur les réclamations, en tant qu'elles seraient
contestées sur ce point par le contribuable ; qu'il s'ensuit que le
législateur a réservé à l'Etat la faculté de se prévaloir, pour les
impositions établies avant le 1er janvier 2005, de la jurisprudence précitée
;
7. Considérant que la validation contestée a pour effet de priver à titre
rétroactif le seul contribuable du bénéfice de la jurisprudence précitée ;
que l'atteinte ainsi portée à l'équilibre des droits des parties méconnaît
les exigences de l'article 16 de la Déclaration de 1789 ; que, par suite et
sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, il y a lieu de déclarer
le paragraphe IV de l'article 43 de la loi du 30 décembre 2004 contraire aux
droits et libertés que la Constitution garantit ;
8. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la
Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le
fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la
décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette
décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites
dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles
d'être remis en cause » ; que la présente déclaration d'inconstitutionnalité
prend effet à compter de la publication de la présente décision ; qu'elle
peut être invoquée dans les instances en cours à cette date et dont l'issue
dépend de l'application des dispositions déclarées inconstitutionnelles,
Décide :
Article 1
Le paragraphe IV de l'article 43 de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004 est déclaré contraire à la Constitution.
Article 2
La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées par son considérant 8.
Article 3
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République
française et notifiée dans les conditions prévues à l'article
23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 9 décembre 2010,
où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme
Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
DECISIONS DU 17 DECEMBRE 2010
Le juge des libertés peut refuser une remise en liberté sans entendre le détenu
Décision n° 2010-62 QPC du 17 décembre 2010 (M. DAVID M.)
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 20 septembre 2010 par la Cour de
cassation (chambre criminelle, arrêt n° 4980 du 14 septembre 2010), dans les
conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question
prioritaire de constitutionnalité, posée par M. David M., relative à la
conformité de l'article
148 du code de procédure pénale aux droits et libertés que la
Constitution garantit.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance
n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le
Conseil constitutionnel ;
Vu le
code de procédure pénale ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 12
octobre 2010 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Jean-Emmanuel Nunes pour le requérant et M. Thierry-Xavier Girardot,
désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du
7 décembre 2010 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux
termes de l'article 148 du code de procédure pénale : « En toute
matière, la personne placée en détention provisoire ou son avocat peut, à
tout moment, demander sa mise en liberté, sous les obligations prévues à
l'article précédent.
« La demande de mise en liberté est adressée au juge d'instruction, qui
communique immédiatement le dossier au procureur de la République aux fins
de réquisitions.
« Sauf s'il donne une suite favorable à la demande, le juge d'instruction
doit, dans les cinq jours suivant la communication au procureur de la
République, la transmettre avec son avis motivé au juge des libertés et de
la détention. Ce magistrat statue dans un délai de trois jours ouvrables,
par une ordonnance comportant l'énoncé des considérations de droit et de
fait qui constituent le fondement de cette décision par référence aux
dispositions de l'article 144. Toutefois, lorsqu'il n'a pas encore été
statué sur une précédente demande de mise en liberté ou sur l'appel d'une
précédente ordonnance de refus de mise en liberté, les délais précités ne
commencent à courir qu'à compter de la décision rendue par la juridiction
compétente. Lorsqu'il a été adressé plusieurs demandes de mise en liberté,
il peut être répondu à ces différentes demandes dans les délais précités par
une décision unique.
« La mise en liberté, lorsqu'elle est accordée, peut être assortie de
mesures de contrôle judiciaire.
« Faute par le juge des libertés et de la détention d'avoir statué dans le
délai fixé au troisième alinéa, la personne peut saisir directement de sa
demande la chambre de l'instruction qui, sur les réquisitions écrites et
motivées du procureur général, se prononce dans les vingt jours de sa
saisine faute de quoi la personne est mise d'office en liberté sauf si des
vérifications concernant sa demande ont été ordonnées. Le droit de saisir
dans les mêmes conditions la chambre de l'instruction appartient également
au procureur de la République » ;
2. Considérant que, selon le requérant, la procédure devant le juge des
libertés et de la détention pour l'examen des demandes de mise en liberté
méconnaît le principe du contradictoire, le droit à une procédure juste et
équitable et le respect des droits de la défense ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie
des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a
point de Constitution » ; que sont garantis par cette disposition le droit
des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif ainsi
que le respect des droits de la défense qui implique en particulier
l'existence d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des
droits des parties ;
4. Considérant que l'article
145 du code de procédure pénale prévoit que la détention provisoire
d'une personne mise en examen ne peut être ordonnée qu'à l'issue d'un débat
contradictoire ; que ses articles 145-1 et 145-2 imposent également un tel
débat pour la prolongation de la détention provisoire ; que son article 199
prévoit que l'appel d'une décision rejetant une demande de mise en liberté
est également débattu contradictoirement devant la chambre de l'instruction
;
5. Considérant que l'article
148 du code de procédure pénale garantit à toute personne en détention
provisoire le droit de demander à tout moment sa mise en liberté et de voir
sa demande examinée dans un bref délai par le juge d'instruction et, le cas
échéant, le juge des libertés et de la détention ; que cet article prévoit
que, lorsque le juge d'instruction ne donne pas une suite favorable à la
demande de mise en liberté, celle-ci est transmise au juge des libertés et
de la détention qui statue au vu de cette demande, de l'avis motivé du juge
d'instruction et des réquisitions du procureur de la République ; qu'ainsi,
la demande de mise en liberté est examinée à l'issue d'une procédure écrite
sans débat contradictoire ;
6. Considérant qu'eu égard au caractère contradictoire des débats prévus par
les
articles 145, 145-1, 145-2 et 199 du code de procédure pénale et à la
fréquence des demandes de mise en liberté susceptibles d'être formées, l'article
148 du code de procédure pénale assure une conciliation qui n'est pas
disproportionnée entre l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne
administration de la justice et les exigences qui résultent de l'article 16
de la Déclaration de 1789 ;
7. Considérant, toutefois, que l'équilibre des droits des parties interdit
que le juge des libertés et de la détention puisse rejeter la demande de
mise en liberté sans que le demandeur ou son avocat ait pu avoir
communication de l'avis du juge d'instruction et des réquisitions du
ministère public ; que, sous cette réserve d'interprétation, applicable aux
demandes de mise en liberté formées à compter de la publication de la
présente décision, l'article
148 du code de procédure pénale ne méconnaît pas les exigences de
l'article 16 de la Déclaration de 1789 ;
8. Considérant que l'article
148 du code de procédure pénale ne méconnaît aucun autre droit ou
liberté que la Constitution garantit,
Décide :
ARTICLE 1
Sous la réserve énoncée au considérant 7, l'article 148 du code de procédure pénale est conforme à la Constitution.
ARTICLE 2
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République
française et notifiée dans les conditions prévues à l'article
23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 16 décembre 2010,
où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme
Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de
SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre
STEINMETZ.
Décision n° 2010-86 QPC du 17 décembre 2010 (RÉGION CENTRE ET RÉGION POITOU-CHARENTES)
Le don du domaine public régional est contraire à la Constitution
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 22 septembre 2010 et le 19 octobre
2010 par le Conseil d'Etat (décisions n° 326332 du 22 septembre 2010 et n°
342916 du 18 octobre 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la
Constitution, de deux questions prioritaires de constitutionnalité posées,
respectivement, par la région Centre et la région Poitou-Charentes, portant
sur la conformité de l'article
54 de la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et
à la formation professionnelle tout au long de la vie aux droits et libertés
que la Constitution garantit.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance
n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le
Conseil constitutionnel ;
Vu le
code du travail ;
Vu la
loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la
formation professionnelle tout au long de la vie, ensemble la décision du
Conseil constitutionnel n° 2009-592 DC du 19 novembre 2009 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la région Centre par la SCP Seban et
associés, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 13 et 28 octobre et 24
novembre 2010 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées les 14
octobre et 10 novembre 2010 ;
Vu les observations produites par la région Poitou-Charentes, enregistrées les
10 et 24 novembre 2010 ;
Vu les observations en intervention produites pour l'Association nationale
pour la formation professionnelle des adultes par Mes Gilles Bigot et Frédéric
Scanvic, avocats au barreau de Paris, enregistrées le 16 novembre 2010 ;
Vu les pièces produites et jointes aux dossiers ;
Mes Didier Seban et Alexandre Vandepoorter pour la région Centre, Me Scanvic
pour l'AFPA et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre,
ayant été entendus à l'audience publique du 7 décembre 2010 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que les deux questions transmises par le Conseil d'Etat portent
sur la même disposition législative ; qu'il y a donc lieu de les joindre pour
y répondre par une seule décision ;
2. Considérant qu'aux
termes de l'article 54 de la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative
à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie : «
Sont apportés en pleine propriété à l'Association nationale pour la formation
professionnelle des adultes, au 1er avril 2010, les biens appartenant à l'Etat
mis à sa disposition dans le cadre de son activité dont la liste est fixée par
décret.
« Ceux des biens qui appartiennent au domaine public sont déclassés à la date
de leur apport. Cet apport en patrimoine s'effectue à titre gratuit et ne
donne lieu à aucune indemnité ou perception de droits ou de taxes ni à aucun
versement de salaire ou honoraires au profit de l'Etat ou de ses agents » ;
3. Considérant que le principe d'égalité devant la loi et les charges
publiques ainsi que la protection du droit de propriété, qui ne concerne pas
seulement la propriété privée des particuliers mais aussi la propriété de
l'Etat et des autres personnes publiques, résultent, d'une part, des articles
6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et,
d'autre part, de ses articles 2 et 17 ; que ces principes font obstacle à ce
que des biens faisant partie du patrimoine de personnes publiques puissent
être aliénés ou durablement grevés de droits au profit de personnes
poursuivant des fins d'intérêt privé sans contrepartie appropriée eu égard à
la valeur réelle de ce patrimoine ;
4. Considérant que, par l'article
53 de la loi du 24 novembre 2009 susvisée, le législateur a retiré à
l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes une
partie des missions de service public qu'elle exerçait afin de la mettre en
conformité avec les règles de concurrence résultant du droit de l'Union
européenne ; que, par l'article 54 contesté, il a prévu le transfert à cette
association des biens mis à sa disposition par l'Etat ;
5. Considérant, d'une part, que la disposition contestée procède au transfert
à l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, à
titre gratuit et sans aucune condition ou obligation particulière, de biens
immobiliers appartenant à l'Etat ; que, d'autre part, ni cette disposition ni
aucune autre applicable au transfert des biens en cause ne permet de garantir
qu'ils demeureront affectés aux missions de service public qui restent
dévolues à cette association en application du
3° de l'article L. 5311-2 du code du travail ; que, par suite, sans qu'il
soit besoin d'examiner les autres griefs invoqués par les collectivités
requérantes, la disposition contestée méconnaît la protection
constitutionnelle de la propriété des biens publics et doit être déclarée
contraire à la Constitution,
Décide :
ARTICLE 1
L'article 54 de la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie est déclaré contraire à la Constitution.
ARTICLE 2
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République
française et notifiée dans les conditions prévues à l'article
23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 16 décembre 2010,
où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme
Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de
SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre
STEINMETZ.
Décision n° 2010-80 QPC du 17 décembre 2010 (M. MICHEL F.)
Une garde à vue peut être prolongée d'une rétention de 24 heures pour être déféré devant un magistrat dans les locaux du TGI
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 8 octobre 2010 par la Cour de
cassation (chambre criminelle, arrêt n° 4978 du 14 septembre 2010, dans les
conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question
prioritaire de constitutionnalité, posée par M. Michel F., relative à la
conformité de l'article
803-3 du code de procédure pénale aux droits et libertés que la
Constitution garantit.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance
n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le
Conseil constitutionnel ;
Vu le
code de procédure pénale ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par Me Xavier Flécheux, avocat
au barreau de Paris, enregistrées le 2 novembre 2010 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 2
novembre 2010 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Flécheux pour le requérant et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le
Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 7 décembre 2010
;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux
termes de l'article 803-3 du code de procédure pénale : « En cas de
nécessité et par dérogation aux dispositions de l'article 803-2, la personne
peut comparaître le jour suivant et peut être retenue à cette fin dans des
locaux de la juridiction spécialement aménagés, à la condition que cette
comparution intervienne au plus tard dans un délai de vingt heures à compter
de l'heure à laquelle la garde à vue a été levée, à défaut de quoi l'intéressé
est immédiatement remis en liberté.
« Lorsqu'il est fait application des dispositions du présent article, la
personne doit avoir la possibilité de s'alimenter et, à sa demande, de faire
prévenir par téléphone une des personnes visées à l'article 63-2, d'être
examinée par un médecin désigné conformément aux dispositions de l'article
63-3 et de s'entretenir, à tout moment, avec un avocat désigné par elle ou
commis d'office à sa demande, selon les modalités prévues par l'article 63-4.
« L'identité des personnes retenues en application des dispositions du premier
alinéa, leurs heures d'arrivée et de conduite devant le magistrat ainsi que
l'application des dispositions du deuxième alinéa font l'objet d'une mention
dans un registre spécial tenu à cet effet dans le local où ces personnes sont
retenues et qui est surveillé, sous le contrôle du procureur de la République,
par des fonctionnaires de la police nationale ou des militaires de la
gendarmerie nationale.
« Les dispositions du présent article ne sont pas applicables lorsque la
personne a fait l'objet, en application des dispositions de l'article 706-88,
d'une garde à vue ayant duré plus de soixante-douze heures » ;
2. Considérant que, selon le requérant, en autorisant la rétention pendant
vingt heures, dans les locaux du tribunal de grande instance, d'une personne
dont la garde à vue a été levée en vue de son défèrement devant un magistrat
de ce tribunal, l'article
803-3 du code de procédure pénale méconnaît la protection de la liberté
individuelle et la prohibition de toute rigueur qui ne serait pas nécessaire
pour s'assurer d'une personne accusée ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 9 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 : « Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce
qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter,
toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit
être sévèrement réprimée par la loi » ; que le Préambule de la Constitution de
1946 a réaffirmé que tout être humain, sans distinction de race, de religion
ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés ; que la sauvegarde
de la dignité de la personne contre toute forme d'asservissement et de
dégradation est au nombre de ces droits et constitue un principe à valeur
constitutionnelle ; qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution, la loi
fixe les règles concernant la procédure pénale ; qu'aux termes de son article
66 : « Nul ne peut être arbitrairement détenu.
« L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le
respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi » ;
4. Considérant qu'il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre,
d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des
auteurs d'infractions, toutes deux nécessaires à la sauvegarde de droits et de
principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre part, l'exercice des
libertés constitutionnellement garanties ; qu'au nombre de celles-ci figurent
le respect de la présomption d'innocence, la sauvegarde de la dignité de la
personne et la liberté individuelle que l'article 66 de la Constitution place
sous la protection de l'autorité judiciaire ;
5. Considérant que le principe de présomption d'innocence, proclamé par
l'article 9 de la Déclaration de 1789, ne fait pas obstacle à ce que
l'autorité judiciaire soumette à des mesures restrictives ou privatives de
liberté, avant toute déclaration de culpabilité, une personne à l'encontre de
laquelle existent des indices suffisants quant à sa participation à la
commission d'un délit ou d'un crime ; que, toutefois, c'est à la condition que
ces mesures soient prononcées selon une procédure respectueuse des droits de
la défense et apparaissent nécessaires à la manifestation de la vérité, au
maintien de ladite personne à la disposition de la justice, à sa protection, à
la protection des tiers ou à la sauvegarde de l'ordre public ;
6. Considérant, en premier lieu, que la rétention autorisée par la disposition
contestée n'est permise que lorsque la comparution le jour même s'avère
impossible ; qu'en réservant la mise en œuvre de cette mesure aux « cas de
nécessité », le législateur a entendu répondre, dans l'intérêt d'une bonne
administration de la justice, à des contraintes matérielles résultant
notamment de l'heure à laquelle la garde à vue prend fin ou du nombre des
personnes déférées ; que, s'il appartient aux autorités compétentes, sous le
contrôle des juridictions, de justifier des circonstances nécessitant la mise
en œuvre de cette mesure de contrainte dérogatoire, la méconnaissance
éventuelle de cette exigence n'entache pas d'inconstitutionnalité les
dispositions contestées ;
7. Considérant que la privation de liberté instituée par la disposition
contestée est strictement limitée à vingt heures suivant la levée de la garde
à vue ; qu'elle n'est pas applicable lorsque la garde à vue a duré plus de
soixante-douze heures en application de l'article
706-88 du code de procédure pénale ; que les deuxième et troisième alinéas
de l'article 803-3 garantissent à la personne retenue le droit de s'alimenter,
de faire prévenir un proche, d'être examinée par un médecin et de s'entretenir
à tout moment avec un avocat ; qu'il impose la tenue d'un registre spécial,
mentionnant notamment l'identité des personnes retenues, leurs heures
d'arrivée et de conduite devant le magistrat ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'eu égard aux conditions, aux
limites et aux garanties dont il a assorti la mise en œuvre de cette mesure,
le législateur a adopté des dispositions propres à assurer la conciliation
entre l'objectif de bonne administration de la justice et le principe selon
lequel nul ne doit être soumis à une rigueur qui ne soit nécessaire ;
9. Considérant, en deuxième lieu, qu'il appartient aux autorités judiciaires
de veiller à ce que la privation de liberté des personnes retenues soit, en
toutes circonstances, mise en œuvre dans le respect de la dignité de la
personne ; qu'il appartient, ainsi, à ces autorités de veiller à ce que les
locaux des juridictions dans lesquels ces personnes sont retenues soient
aménagés et entretenus dans des conditions qui assurent le respect de ce
principe ; que la méconnaissance éventuelle de cette exigence dans
l'application des dispositions législatives précitées n'a pas, en elle-même,
pour effet d'entacher ces dispositions d'inconstitutionnalité ;
10. Considérant, en troisième lieu, que l'article
803-3 du code de procédure pénale se borne à placer la surveillance du
local dans lequel la personne est retenue sous le contrôle du procureur de la
République ; que la protection de la liberté individuelle par l'autorité
judiciaire ne serait toutefois pas assurée si le magistrat devant lequel cette
personne est appelée à comparaître n'était pas mis en mesure de porter une
appréciation immédiate sur l'opportunité de cette rétention ; que, dès lors,
ce magistrat doit être informé sans délai de l'arrivée de la personne déférée
dans les locaux de la juridiction ;
11. Considérant, en outre, que, si l'autorité judiciaire comprend à la fois
les magistrats du siège et du parquet, l'intervention d'un magistrat du siège
est requise pour la prolongation de la garde à vue au-delà de quarante-huit
heures ; que, par suite, la privation de liberté instituée par l'article
803-3 du code de procédure pénale, à l'issue d'une mesure de garde à vue
prolongée par le procureur de la République, méconnaîtrait la protection
constitutionnelle de la liberté individuelle si la personne retenue n'était
pas effectivement présentée à un magistrat du siège avant l'expiration du
délai de vingt heures prévu par cet article ;
12. Considérant que, sous les deux réserves énoncées aux considérants 10 et
11, l'article
803-3 du code de procédure pénale n'est pas contraire à l'article 66 de la
Constitution ;
13. Considérant que la disposition contestée n'est contraire à aucun autre
droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :
ARTICLE 1
Sous les réserves énoncées aux considérants 10 et 11, l'article 803-3 du code de procédure pénale est conforme à la Constitution.
ARTICLE 2
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République
française et notifiée dans les conditions prévues à l'article
23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 16 décembre 2010,
où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme
Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de
SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Décision n° 2010-81 QPC du 17 décembre 2010 (M. BOUBAKAR B.)
Le pouvoir discrétionnaire de la chambre de l'instruction, de priver une personne mise en examen, durant toute la procédure d'instruction, des garanties prévues par les articles 144-1 et 147 du code de procédure pénale qui prescrivent au juge d'instruction ou au juge des libertés et de la détention d'ordonner sa mise en liberté immédiate dès que les conditions légales de la détention ne sont plus remplies, est contraire à la Constitution.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 8 octobre 2010 par la Cour de
cassation (chambre criminelle, arrêt n° 5444 du 28 septembre 2010), dans les
conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question
prioritaire de constitutionnalité, posée par M. Boubakar B., relative à la
conformité de l'article
207 du code de procédure pénale aux droits et libertés que la Constitution
garantit.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance
n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée
portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le
code de procédure pénale ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par Me Eric Plouvier, avocat
au barreau de Paris, enregistrées le 27 octobre 2010 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre enregistrées le 2
novembre 2010 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Plouvier pour le requérant et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le
Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 7 décembre 2010 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux
termes de l'article 207 du code de procédure pénale : « Lorsque la chambre
de l'instruction a statué sur l'appel relevé contre une ordonnance en matière
de détention provisoire, ou à la suite d'une saisine du procureur de la
République soit qu'elle ait confirmé cette décision, soit que, l'infirmant,
elle ait ordonné une mise en liberté ou maintenu en détention ou décerné un
mandat de dépôt ou d'arrêt, le procureur général fait sans délai retour du
dossier au juge d'instruction après avoir assuré l'exécution de l'arrêt.
Lorsque la chambre de l'instruction décerne mandat de dépôt ou qu'elle infirme
une ordonnance de mise en liberté ou de refus de prolongation de détention
provisoire, les décisions en matière de détention provisoire continuent de
relever de la compétence du juge d'instruction et du juge des libertés et de
la détention sauf mention expresse de la part de la chambre de l'instruction
disant qu'elle est seule compétente pour statuer sur les demandes de mise en
liberté et prolonger le cas échéant la détention provisoire. Il en est de même
lorsque la chambre de l'instruction ordonne ou modifie un contrôle judiciaire
ou une assignation à résidence avec surveillance électronique.
« Lorsque, en toute autre matière, la chambre de l'instruction infirme une
ordonnance du juge d'instruction ou est saisie en application des articles 81,
dernier alinéa, 82, dernier alinéa, 82-1, deuxième alinéa, 156, deuxième
alinéa, ou 167, quatrième alinéa, elle peut, soit évoquer et procéder dans les
conditions prévues aux articles 201, 202, 204 et 205, soit renvoyer le dossier
au juge d'instruction ou à tel autre afin de poursuivre l'information. Elle
peut également procéder à une évocation partielle du dossier en ne procédant
qu'à certains actes avant de renvoyer le dossier au juge d'instruction.
« L'ordonnance du juge d'instruction ou du juge des libertés et de la
détention frappée d'appel sort son plein et entier effet si elle est confirmée
par la chambre de l'instruction.
« En cas d'appel formé contre une ordonnance de refus de mise en liberté, la
chambre de l'instruction peut, lors de l'audience et avant la clôture des
débats, se saisir immédiatement de toute demande de mise en liberté sur
laquelle le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention n'a
pas encore statué ; dans ce cas, elle se prononce à la fois sur l'appel et sur
cette demande » ;
2. Considérant que, selon le requérant, la faculté, pour la chambre de
l'instruction, de se réserver le contentieux de la détention provisoire
méconnaît « le principe du double degré de juridiction », le principe de
l'égalité devant la justice et « l'exigence de motivation des décisions de
justice » ;
3. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le
premier alinéa de l'article 207 du code de procédure pénale ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi... doit être la même pour tous, soit
qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que son article 16 dispose : « Toute
société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la
séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que, si le
législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits,
les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la
condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et
que soient assurées aux justiciables des garanties égales ;
5. Considérant que les droits de la personne mise en examen placée en
détention provisoire sont prévus par les dispositions des articles 143-1 à
148-8 du code de procédure pénale ; qu'il résulte des articles 185, 186, et
187-1 à 187-3 du même code que la chambre de l'instruction est la juridiction
d'appel des décisions du juge d'instruction ou du juge des libertés et de la
détention statuant sur la détention provisoire d'une personne mise en examen ;
que le législateur a ainsi prévu que les décisions juridictionnelles rendues
en cette matière puissent, à la demande de cette personne ou du ministère
public, faire l'objet d'un réexamen, par la chambre de l'instruction, de la
régularité et de la nécessité d'une telle mesure privative de liberté ;
6. Considérant que la
deuxième phrase du premier alinéa de l'article 207 du code de procédure pénale
déroge au principe selon lequel la chambre de l'instruction est dessaisie par
sa décision statuant sur l'appel relevé contre une ordonnance en matière de
détention provisoire ; qu'elle permet à la chambre de l'instruction,
lorsqu'infirmant une décision du juge d'instruction ou du juge des libertés et
de la détention, elle rend une décision ayant pour effet d'ordonner la
détention provisoire, de la prolonger ou de rejeter une demande de mise en
liberté, de se dire seule compétente pour statuer en cette matière, selon un
régime dérogatoire, pour la suite de la procédure d'instruction ; que la
dernière phrase de cet alinéa étend la même faculté aux décisions rendues en
matière de contrôle judiciaire ou d'assignation à résidence avec surveillance électronique ;
7. Considérant que ces dispositions confèrent à la chambre de l'instruction le
pouvoir discrétionnaire de priver une personne mise en examen, durant toute la
procédure d'instruction, des garanties prévues par les
articles 144-1 et 147 du code de procédure pénale qui prescrivent au juge
d'instruction ou au juge des libertés et de la détention d'ordonner sa mise en
liberté immédiate dès que les conditions légales de la détention ne sont plus
remplies, de celles prévues par l'article 148 du même code pour l'examen des
demandes de mise en liberté en première instance et du droit à un double degré
de juridiction instauré pour toute décision en matière de détention provisoire
; que l'éventuelle divergence entre les positions respectives des juridictions
de première instance et d'appel relativement à la nécessité ultérieure de la
détention de la personne mise en examen ne peut toutefois justifier qu'il soit
ainsi porté atteinte aux droits qui sont accordés par la loi à toute personne
placée en détention provisoire ; que, par suite, les deuxième et
troisième phrases du premier alinéa de l'article 207 du code de procédure
pénale méconnaissent les exigences résultant des articles 6 et 16 de la
Déclaration de 1789 et doivent être déclarées contraires à la Constitution ;
8. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la
Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement
de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du
Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le
Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles
les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en
cause » ; que la présente déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à
compter de la date de publication de la présente décision ; que cessent de
produire effet, à compter de cette date, les décisions par lesquelles une
chambre de l'instruction s'est réservée la compétence pour statuer sur les
demandes de mise en liberté et prolonger le cas échéant la détention
provisoire ; qu'il en va de même en matière de contrôle judiciaire ou
d'assignation à résidence avec surveillance électronique ;
9. Considérant que la
première phrase du premier alinéa de l'article 207 du code de procédure pénale
ne porte atteinte à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :
ARTICLE 1
Les deuxième et troisième phrases du premier alinéa de l'article 207 du code de procédure pénale sont déclarées contraires à la Constitution.
ARTICLE 2
La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées par son considérant 8.
ARTICLE 3
La première phrase du premier alinéa de l'article 207 du code de procédure pénale est conforme à la Constitution.
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