REQUÊTE A LA CEDH

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La Conv EDH protège les droits définis par Locke (1632-1704) dans son traité du gouvernement civil:
"nul n'a le droit de nuire à un autre dans sa vie, sa santé, sa liberté, son bien"
Frédéric Fabre docteur en droit.

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- LE MODÈLE GRATUIT DE REQUÊTE A POSTER A LA CEDH

- LA CEDH N'EST PAS UNE QUATRIÈME INSTANCE

- UNE REQUETE AU SENS DE L'ARTICLE 3 OU DE L'ARTICLE 8 PEUT FAIRE L'OBJET D'UNE DEMANDE DE MESURES PROVISOIRES

- LA CEDH A TENDANCE A COUVRIR LES FAUTES DES MAGISTRATS ET FERME LA PORTE AUX JURIDICTIONS DE L'ONU

L'adresse postale pour envoyer une requête par Lettre Recommandée avec Accusé de Réception à la C.E.D.H est

Monsieur le greffier de la C.E.D.H

Cour Européenne des Droits de l'Homme

Conseil de l'Europe

67075 Strasbourg cedex

MODÈLE GRATUIT DE REQUÊTE A POSTER A LA CEDH

LE FORMULAIRE DE REQUÊTE EST AU FORMAT PDF

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Nous conseillons d'envoyer votre requête contre la France ou la Belgique, dans une autre langue que la langue française pour éviter le greffe français qui a tendance à rejeter les requêtes, sans examen sérieux.

Le ministère d'un avocat n'est pas obligatoire, chaque personne peut agir seule et envoyer sa requête par lettre recommandée avec accusé de réception à la CEDH. Toutefois, cette possibilité est devenue en pratique, une fiction. Moins d'une requête sur 10 passe le filtre du juge unique chargé de rejeter les requêtes. Il vaut mieux que votre requête soit rédigée par un spécialiste.

Il faut aussi savoir si saisir le Haut Commissariat des Droits de L'Homme n'est pas plus efficace pour défendre vos griefs.

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Il est conseillé d'envoyer votre requête en langue anglaise pour éviter le greffe français.

Nous pouvons analyser GRATUITEMENT et SANS AUCUN ENGAGEMENT vos griefs pour savoir s'ils sont susceptibles d'être recevables devant le parlement européen, la CEDH, le Haut Commissariat aux droits de l'homme, ou un autre organisme de règlement international de l'ONU. Contactez nous à fabre@fbls.net.

Si vos griefs semblent recevables, pour augmenter réellement et concrètement vos chances, vous pouvez nous demander de vous assister pour rédiger votre requête, votre pétition ou votre communication individuelle.

Pour les français, pensez à nous contacter au moins au moment de votre appel, pour assurer l'épuisement des voies de recours et augmenter vos chances de réussite, devant les juridictions françaises ou internationales.

L'ARTICLE 47 DU RÈGLEMENT DE LA CEDH

Cliquez sur le lien bleu pour le lire. L'article 47 du règlement de la Cour doit être compris avant de rédiger sa requête.

L'article 47 ne peut être évoqué que par la CEDH et non par les États.

ADEM SERKAN GÜNDOĞDU c. TURQUIE du 16 janvier 2018 requête n° 67696/11

SUR L’EXCEPTION PRÉLIMINAIRE TIRÉE DE L’ARTICLE 47 DU RÈGLEMENT DE LA COUR

17. Le Gouvernement soutient que la Cour n’a pas été régulièrement saisie au regard de l’article 47 de son règlement et du paragraphe 11 de l’instruction pratique concernant l’introduction de l’instance, en ce que les faits et les griefs du requérant auraient été décrits dans le formulaire de requête sur trente-six pages sans être accompagnés d’un résumé. Il considère à cet égard que, le formulaire de requête ayant été complété par les avocats du requérant, celui-ci n’avait aucune raison de ne pas satisfaire aux exigences de l’article 47 du règlement de la Cour. Il invite donc celle-ci à rejeter la requête.

18. La Cour note que le requérant a décrit explicitement les faits et indiqué clairement les violations de la Convention dont il se plaint dans le formulaire de requête. Par conséquent, elle estime que les griefs du requérant ont été soulevés conformément à l’article 47 § 1 de son règlement. S’agissant de la disposition de l’instruction pratique invoquée par le Gouvernement, la Cour souligne qu’elle ne constitue aucunement un critère de recevabilité au titre de l’article 35 de la Convention. Dès lors, le Gouvernement n’est pas fondé à demander le rejet de la présente requête au seul motif qu’il en juge la rédaction trop longue. Il convient donc de ne pas tenir compte des arguments du Gouvernement sur ce point (voir, dans le même sens, entre autres, Öner Aktaş c. Turquie, no 59860/10, § 29, 29 octobre 2013, et Levent Bektaş c. Turquie, no 70026/10, § 31, 16 juin 2015).

GÖZÜM c. TURQUIE du 20 janvier 2015 requête n° 4789/10

"a) Article 47 du règlement de la Cour

31. En ce qui concerne la méconnaissance alléguée de l’instruction pratique (paragraphe 18 ci-dessus), édictée aux fins de l’application de l’article 47 de son règlement intérieur (version du 24 juin 2009), la Cour entend affirmer que l’application de ce texte relève de sa compétence exclusive concernant l’administration des procédures devant elle. Les États contractants ne sauraient donc y puiser des motifs d’irrecevabilité pour en exciper sur le terrain de l’article 35 de la Convention (voir, mutatis mutandis, Yüksel c. Turquie (déc.), no 49756/09, 1er octobre 2013)."

SUR LA BRIÈVETÉ DU MÉMOIRE QUI COMPLÈTE LA REQUÊTE AU SENS DE L'ARTICLE 47 DU RÈGLEMENT DE LA CEDH

MANSUR YALÇIN ET AUTRES c. TURQUIE du 16 septembre 2014 requête 21163/11

"A.  Sur l’article 47 du règlement de la Cour

35.  Le Gouvernement soutient que la Cour n’a pas été régulièrement saisie au regard de l’article 47 du règlement de la Cour et du paragraphe 11 de l’instruction pratique concernant l’introduction de l’instance, alléguant que les requérants ont présenté les faits et les griefs en vingt pages dans le formulaire de requête et qu’ils n’ont ainsi pas respecté les exigences de clarté et de brièveté. De surcroît, il affirme que tous les requérants ont indiqué une seule et même adresse dans le formulaire de requête. Il invite donc la Cour à rejeter la requête.

36.  La Cour rappelle que, aux termes de l’article 47 de son règlement, tel qu’il était en vigueur lors de l’introduction de la présente affaire, un formulaire de requête doit notamment comporter un exposé des faits ainsi qu’un exposé de la ou des violations alléguées de la Convention et des arguments pertinents.

37.  En l’espèce, la Cour note que les requérants ont, dans leur formulaire de requête, décrit explicitement les faits et indiqué clairement les violations de la Convention dont ils se plaignent. Par conséquent, elle estime que les griefs des requérants ont été soulevés conformément à l’article 47 § 1 du règlement. S’agissant de la disposition de l’instruction pratique invoquée par le Gouvernement, la Cour souligne qu’elle ne constitue aucunement un critère de recevabilité au titre de l’article 35 de la Convention. Dès lors, le Gouvernement n’est nullement fondé à demander le rejet de la présente requête au seul motif qu’il en juge la rédaction trop longue. Quant au fait que tous les requérants ont indiqué une seule et même adresse dans le formulaire, elle prend acte de leur déclaration selon laquelle ils avaient précisé qu’ils communiqueraient au greffe une adresse unique dans le but d’une meilleure administration de la correspondance. Il convient donc de ne pas tenir compte des arguments du Gouvernement sur ces points (voir, dans le même sens, Ömer Yüksel c. Turquie (déc.) no 49756/09, 1eroctobre 2013)."

EN REVANCHE, IL Y A DES FAUTES RÉCURRENTES A NE PAS COMMETTRE

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L'ÉTAT ET LE REQUÉRANT SONT INTERROGÉS PAR LA CEDH.

LE REQUÉRANT DOIT RÉPONDRE AUX QUESTIONS DE LA CEDH ET AUX OBSERVATIONS DU GOUVERNEMENT.

UN EXEMPLE DE QUESTIONS POSÉES A L'ÉTAT, L'AFFAIRE MARINA SABATIER, UNE ENFANT MASSACRÉE PAR SES PARENTS DANS LA SARTHE

ASSOCIATION INNOCENCE EN DANGER contre la France
et ASSOCIATION ENFANCE ET PARTAGE contre la France

Requêtes nos 15343/15 et 16806/15 introduites respectivement le 26 mars 2015 et le 7 avril 2015

L'affaire Darras-Sabatier ou affaire Marina est une affaire judiciaire française liée au décès de la petite Marina Sabatier en août 2009, à l'âge de 8 ans, à la suite de sévices infligés par ses deux parents Éric Sabatier et Virginie Darras, et au terme d'une vie de maltraitance subie par l'enfant.

À l'issue d'un procès en juin 2012 à la cour d’assises de la Sarthe, les parents ont été condamnés à 30 ans de réclusion criminelle avec une période de sûreté de 20 ans pour actes de torture et barbarie ayant entraîné la mort de leur fille. Le couple, déménageant fréquemment pour compliquer les enquêtes dont il pouvait faire l'objet, dissimulait les violences exercées sur Marina par des mensonges systématiques sur l'origine des blessures de la fillette, aidé en cela par Marina, qui, comme de nombreux enfants maltraités, continuait malgré tout de porter un amour à ses parents et ne les a jamais dénoncés.

Au-delà de la responsabilité directe des deux parents, des interrogations sont légitimement soulevées sur la responsabilité de différents services publics chargés de la prévention de la maltraitance, qui, malgré de nombreux signaux d'alerte transmis par des personnes ayant côtoyé Marina, n'ont pas pu empêcher la mort de la fillette.

Malheureusement , l'intérêt à agir des deux associations est un élément faible car il faut être directement victime devant la CEDH.

QUESTIONS DE LA CEDH DU 27 SEPTEMBRE 2017

EXPOSÉ DES FAITS

A. Les circonstances de l’espèce

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les requérants, peuvent se résumer comme suit.

Les deux requêtes sont liées au décès de Marina, en 2009, à l’âge de huit ans, à la suite de sévices infligés par ses parents.

1. Durant la vie de Marina

Née le 27 février 2001 sous X, abandonnée à sa naissance, Marina fut récupérée par sa mère un mois plus tard et vécut ensuite auprès de ses deux parents et de sa fratrie.

Marina fut scolarisée pour la première fois le 21 avril 2007 mais fut portée absente de nombreux jours des diverses écoles dans lesquelles elle était inscrite successivement en raison de multiples déménagements de la famille.

Dès la première année scolaire 2007-2008, les enseignants de Marina consignèrent par écrit diverses lésions constatées régulièrement, principalement sur le visage mais aussi sur le corps de l’enfant.

Le 19 juin 2008, la directrice de l’école de l’époque adressa un « signalement au titre de la protection de l’enfance » au procureur de la République du Mans et au président du Conseil Général ; le signalement ne comportait pas la mention de la nécessité d’une mesure de protection immédiate. La directrice s’inquiétait qu’à la suite d’un déménagement, Marina ne s’était toujours pas présentée à sa nouvelle école, contrairement à ses frères et sœur. Elle se souciait de cette absence, dans la mesure où le directeur de l’ancienne école lui avait fait part d’une suspicion de maltraitance et où elle avait reçu un dossier scolaire relatant des marques physiques constatées sur le corps de Marina par les institutrices de l’ancienne école.

Le 1er juillet 2008, le service d’aide sociale à l’enfance (« ASE ») informa le procureur du constat d’ecchymoses par le médecin scolaire, le Dr D. ; un certificat médical était joint au message électronique.

Le 2 juillet 2008, le substitut chargé des mineurs auprès du procureur de la République du Mans adressa un « soit-transmis » au commandant de gendarmerie afin de faire procéder à une enquête sur « d’éventuels faits de maltraitance dont pourrait être victime l’enfant ». Il ressort du compte rendu du Défenseur des Droits du 30 juin 2014 (« L’HISTOIRE DE MARINA ») que le substitut ajouta ceci : « Commencez votre enquête par un examen médico-légal de l’enfant (...) et son audition filmée. Rendre compte en traitement en temps réel TTR ».

Le 10 juillet 2008, un médecin légiste fut missionné. Le 15 juillet 2008, Marina fut examinée par le Dr B., en présence de son père. En conclusion de son rapport, remis le 17 juillet 2008 à la gendarmerie, le Dr B. déclare :

« L’examen permet de retrouver de très nombreuses lésions d’allure ancienne pouvant toutes individuellement être la conséquence d’accident de la vie courante mais dont le nombre est fortement suspect (...). Malgré les explications concordantes données par le papa (...) nous ne pouvons exclure des faits de violence ou de mauvais traitements. »

Le 23 juillet 2008, âgée de huit ans, Marina fut entendue dans les locaux de la brigade de prévention de la délinquance juvénile d’une commune de l’agglomération du Mans. Elle ne dénonça elle-même aucune violence de ses parents ou de quiconque. Il ressort du compte rendu du Défenseur des Droits du 30 juin 2014 que le père attendait dans l’entrée de la brigade et que Marina était entendue dans une salle équipée du matériel vidéo, séparée de deux pièces de la salle d’attente où se trouvait le père. Marina et ses parents avaient donné leur accord pour cette audition filmée.

Le 17 septembre 2008, l’agent de police judiciaire en charge de l’enquête se présenta au domicile familial et entendit la mère de Marina, qui affirma que les cicatrices provenaient d’accidents de la vie courante et de disputes entre frères et sœurs.

Le 18 septembre 2008, il rédigea et signa le procès-verbal de synthèse de l’enquête et conclut ceci : « (...) de l’enquête effectuée, il ne ressort aucun élément susceptible de présumer que Marina a été ou est victime de maltraitance ». En conséquence, il clôtura l’enquête en son état et transmit le dossier de l’enquête préliminaire au parquet.

Le 10 octobre 2008, le parquet classa sans suite le dossier, au motif suivant : « infraction insuffisamment caractérisée ».

Le 27 avril 2009, le directeur et le médecin scolaire de l’école de l’époque sommèrent le père d’emmener Marina aux urgences pédiatriques du Centre hospitalier du Mans, où elle restera hospitalisée pendant un mois. Simultanément, le directeur de l’école adressa au service ASE du Conseil général de la Sarthe une « information préoccupante (protection de l’enfance) », qui donnera lieu à des visites à domicile d’une assistante sociale et d’une puéricultrice.

Il ressort du compte rendu du Défenseur des Droits du 30 juin 2014 que les deux intervenantes rédigèrent chacune un compte rendu en date des 1er et 29 juillet 2009, et que ces rapports furent classés par le service ASE en attendant d’autres visites prévues en août et septembre.

Marina décéda vraisemblablement dans la nuit du 6 au 7 août, mais sa mort ne fut constatée que le 10 septembre 2009. Le père avait signalé aux gendarmes la disparition de sa fille sur le parking d’un restaurant « fast‑food », le 9 septembre 2009. Un important dispositif de recherches fut déployé pour retrouver l’enfant. Toutefois, des contradictions furent rapidement relevées entre les auditions des parents et d’un frère de Marina. Par ailleurs, plusieurs personnes signalèrent aux enquêteurs leurs doutes quant à la réalisation de cette disparition. Le 10 septembre 2009, le père finit par amener les enquêteurs dans un local où ils découvrirent, sous une chape de béton coulée dans une caisse en plastique, le corps de l’enfant, emmaillotée dans un drap et des sacs poubelles.

2. Après le décès de Marina

Les parents de Marina furent immédiatement placés en garde à vue et les autres enfants du couple confiés à l’ASE.

Sur un réquisitoire introductif du 11 septembre 2009, une information judiciaire fut suivie contre les parents, qui étaient détenus dès le 12 septembre 2009. Une autopsie du corps de l’enfant et des analyses anatomo-pathologiques furent, entre autres, réalisées. L’information judiciaire permit aux frères et sœur de s’exprimer sur le vécu de Marina. Elle révéla également qu’outre les faits du 6 août 2009 ayant conduit au décès de Marina, le supplice de l’enfant avait débuté lorsqu’elle était âgée de deux ans et demi.

a) Procès des parents

Par une ordonnance du 17 juin 2011, les juges d’instruction du tribunal de grande instance du Mans ordonnèrent la mise en accusation et le renvoi des parents devant la cour d’assises de la Sarthe des chefs d’actes de torture et de barbarie sur mineur de 15 ans par ascendant, d’actes de torture et de barbarie ayant entraîné la mort, et de dénonciation d’infraction imaginaire.

Le père de Marina interjeta appel de cette ordonnance. Par un arrêt du 5 octobre 2011, la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Angers confirma l’ordonnance à son égard.

Différentes associations (dont les deux associations requérantes), l’administratrice ad hoc représentant les frères et sœur de Marina, ainsi que la tante paternelle de Marina figurent comme parties civiles dans l’ordonnance du 17 juin 2011 et dans l’arrêt du 5 octobre 2011.

Le procès devant la cour d’assises de la Sarthe se déroula du 11 au 26 juin 2012. Par un arrêt du 26 juin 2012, les parents furent condamnés chacun à 30 ans de réclusion criminelle. Il n’y eut pas appel de cet arrêt.

Par un arrêt civil rendu le même jour, la cour d’assises de la Sarthe condamna chacun des parents à payer aux deux associations requérantes, en leur qualité de parties civiles, un euro symbolique à titre de dommages et intérêts.

b) Procédure en responsabilité de l’État

Le 5 octobre 2012, les deux associations requérantes assignèrent l’État en responsabilité pour fonctionnement défectueux de la justice. Elles estimaient qu’entre juin et octobre 2008 les services d’enquête et du parquet du Mans avaient commis une série de négligences et manquements caractérisant la faute lourde au sens de l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire (« COJ »). Elles estimèrent que si l’enquête pénale avait été effectuée correctement, l’enfant aurait pu être sauvé. Elles précisèrent que les fautes du service de la justice étaient en lien direct avec le préjudice subi par elles, du fait de leur mission de protection de l’enfance maltraitée. Elles sollicitèrent la condamnation de l’État à leur verser un euro symbolique.

i. Jugement du 6 juin 2013 du tribunal d’instance de Paris

Le 6 juin 2013, le tribunal d’instance de Paris XIIIe rendit son jugement en dernier ressort.

Notant que la qualité à agir des deux associations requérantes n’était pas contestée par l’agent judiciaire de l’État, le tribunal déclara l’action en responsabilité recevable.

Sur le fond, il débouta les associations requérantes de l’intégralité de leurs demandes.

En premier lieu, il rappela que, sauf dispositions particulières, la responsabilité de l’État pour fonctionnement défectueux de ses services judiciaires n’était engagée que par une faute lourde ou un déni de justice. Il retraça les éléments caractérisant la notion de faute lourde :

« La faute lourde s’entend de toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l’inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi, ce qui concerne aussi les services de police et gendarmerie intervenant pour des missions de service judiciaire, sous l’autorité et le contrôle des juges du siège ou des magistrats du parquet.

Constitue une faute lourde l’acte qui révèle une erreur manifeste et grossière d’appréciation des éléments de droit ou de fait et qui procède d’un comportement anormalement déficient, erreur caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant cette inaptitude et qui doit s’apprécier non au regard des événements postérieurement survenus et non prévisibles à la date des décisions incriminées mais dans le contexte soumis aux magistrats et aux enquêteurs.

Si prises séparément aucune des éventuelles négligences relevées ne s’analyse en une faute lourde, le fonctionnement défectueux du service de la justice peut découler de l’addition de celles-ci et ainsi caractériser une faute lourde de nature à engager la responsabilité de l’État. (...) »

Ensuite, il examina chaque point soulevé par les associations requérantes.

Il rappela que le jour de la réception par fax du signalement du 19 juin 2008, le substitut des mineurs avait fait diligenter une enquête, prescrivant l’examen de l’enfant par un médecin légiste et son audition filmée. Il conclut que la réponse pénale avait été immédiate et adaptée.

Il estimait qu’il ne pouvait être reproché au procureur de ne pas avoir entendu l’auteur du signalement du 19 juin 2008, ni le directeur et les enseignantes de l’ancienne école (mentionnés dans ce signalement). Il notait, entre autres, que les enseignantes n’avaient pas été témoins des faits générant les marques relevées ni ne les avaient imputés aux parents ou autres adultes entourant Marina. Il poursuivait que le directeur de l’ancienne école n’avait pas fait de signalement ; quant à la directrice de la nouvelle école, ayant signalé les deux premiers jours d’absence, elle n’avait ensuite transmis aucun autre élément jusqu’à la fin du mois de juin 2008 clôturant l’année scolaire.

Quant au grief tiré de ce que les parents, avisés de l’enquête, avaient pu conditionner Marina et orienter ses réponses, le tribunal rappela que la procédure imposait aux gendarmes d’aviser les représentants légaux de l’enfant mineure en vue de son audition filmée et de son examen par un expert. Il ajoutait que Marina était toujours préparée à répondre aux questions directes d’une façon qui n’incriminait pas ses parents.

Le tribunal rejeta les griefs selon lesquels les médecins auraient dû être entendus comme témoins. Il estimait que le médecin légiste (Dr B.), avait rendu, le 17 juillet 2008 en sa qualité d’expert, un avis circonstancié ne nécessitant aucun complément d’enquête. Quant au médecin scolaire (Dr D.), le tribunal considérait que le message électronique d’une assistante sociale avisant le parquet du constat par Dr D. d’ecchymoses le 1er juillet 2008 était antérieur à l’expertise et ne pouvait en modifier les conclusions.

Le tribunal considéra qu’aucun vice de procédure ne pouvait être retenu du fait que l’audition de Marina ne s’était pas faite en présence d’un psychologue ou d’un médecin spécialiste de l’enfance. Il rappelait que le gendarme ayant procédé à l’audition filmée de Marina était un enquêteur spécialisé dans le recueil de la parole de l’enfant.

Après avoir relaté les éléments recueillis dans le procès-verbal de synthèse de l’enquête préliminaire, le tribunal conclut qu’il ne pouvait être fait grief au parquet d’avoir classé la procédure sans suites le 6 octobre 2008 sans exiger de nouvelles diligences.

Enfin, le tribunal se prononça sur un grief qui n’avait pas été soulevé dans l’assignation et qui avait été ajouté par l’association Enfance et Partage. Celle-ci reprochait au parquet de ne pas avoir rouvert son enquête à l’occasion d’un nouveau signalement d’informations préoccupantes enregistré le 4 mai 2009 par le président du conseil général. Le tribunal rejeta ce moyen, au motif que ce signalement n’était pas destiné au parquet et que le président du conseil général qui avait fait diligenter une enquête sociale ne le lui a jamais transmis.

En guise de conclusion, le tribunal estima que les associations succombaient dans la preuve qui leur incombait de faute lourde ou de multiples fautes légères confinant à la faute lourde qu’auraient commises le parquet ou les enquêteurs de police judiciaire à la suite du signalement de suspicion de maltraitance sur Marina effectué le 19 juin 2008.

Les deux associations se pourvurent en cassation du jugement du 6 juin 2013. À l’occasion de son pourvoi, l’association Innocence en Danger formula une question prioritaire de constitutionnalité (« QPC »).

ii. Arrêt de non-lieu à renvoi de la QPC

L’association Innocence en Danger posa la question de la conformité du régime légal de responsabilité pour faute lourde au principe du droit à un recours juridictionnel effectif. Ainsi, elle sollicita le renvoi au Conseil constitutionnel de la QPC suivante :

« Les dispositions de l’article L. 141-1, alinéa 2, du code de l’organisation judiciaire qui exigent la preuve d’une faute lourde pour que soit engagée la responsabilité de l’État du fait du fonctionnement défectueux du service de la justice sont-elles, s’agissant de l’instruction de signalements de maltraitances d’enfants, conformes au principe de responsabilité issu de l’article 4 de la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen de 1789 ainsi qu’au droit à un recours juridictionnel effectif garanti par l’article 16 de la même Déclaration ? »

Elle arguait que la question posée était nouvelle. Elle rappelait que la Cour de cassation avait déjà été saisie à quatre reprises de la conformité de l’article L. 141-1 du COJ aux principes de séparation des pouvoirs et d’impartialité des juridictions issus de l’article 16 de la Déclaration de 1789, en ce que l’article L. 141-1 du COJ attribue au juge judiciaire le soin de juger des dysfonctionnements de son propre corps. Or, dans ces quatre espèces, la question ne portait pas, comme au cas présent, sur la condition de faute lourde exigée à l’alinéa 2 de l’article L. 141-1 du COJ. Elle ajoutait que, dans le contexte de la loi anti-Perruche, le Conseil constitutionnel s’était prononcée sur la conformité de l’exigence d’une faute caractérisée avec la Déclaration de 1789, mais qu’il avait pris soin de distinguer la nature caractérisée de cette faute de celle en cause en l’espèce (la faute lourde). Elle soulignait également que la question posée s’inscrivait au cœur de l’actualité sociale et judiciaire française, le sujet de la maltraitance d’enfants constituant un véritable débat de société.

Elle considérait que l’exigence de la faute lourde constituait une condition trop sévère pour les victimes d’actes fautifs des acteurs du service de la justice, s’agissant des enfants à l’égard desquels un fait de maltraitance avait été signalé. Cette exigence conduisait à priver les victimes de la faculté d’exercer un recours effectif. Elle estimait que la prise en compte de la difficulté d’exécution de la mission de service public incombant aux acteurs du service de la justice devait être considérée comme secondaire au regard de l’impératif absolu de protection des enfants à l’égard desquels existait un fort soupçon de maltraitance. Elle concluait que la censure que pourrait opérer le Conseil constitutionnel serait limitée au cas des signalements de maltraitance d’enfants, et le cas échéant, plus largement, aux activités d’enquête et de police, sans remettre en cause le régime de la faute lourde pour ce qui concerne les activités juridictionnelles qui pourraient rester gouvernées par un régime de faute lourde.

Le 12 février 2014, la Cour de cassation rendit son arrêt sur la QPC formulée par Innocence en Danger à l’occasion de son pourvoi, en présence de l’association Enfance et Partage. Elle décida qu’il n’y avait pas lieu à renvoyer au Conseil constitutionnel la QPC. Elle estimait que la question n’était pas nouvelle et ne présentait pas un caractère sérieux. À ce dernier égard, elle précisa ceci :

« (...) ni le droit à un recours juridictionnel effectif ni le droit à réparation d’un dommage consécutif à une faute ne font obstacle à ce que le législateur aménage l’action des victimes des dommages causés par le fonctionnement défectueux du service public de la justice, pour des motifs d’intérêt général répondant à l’objectif de protection de l’indépendance de l’activité de ce service, en exigeant pour engager la responsabilité de l’État l’établissement d’une faute lourde, au regard de la portée effective que confère à l’article L. 141-1 du [COJ] l’interprétation qu’en donne la jurisprudence constante de la Cour de cassation, selon laquelle constitue une faute lourde au sens de ce texte, toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l’inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi. »

iii. Arrêt de rejet des pourvois

Dans un arrêt du 8 octobre 2014, la Cour de cassation prononça la jonction des pourvois des deux associations et les rejeta. Elle décida, notamment, ceci :

« Attendu que les associations Innocence en Danger et Enfance et Partage font grief au jugement de les débouter de leur demande ;

Attendu qu’après avoir rappelé que, le 19 juin 2008, jour de la réception du fax transmettant le signalement effectué par la directrice de l’école pour absentéisme de l’enfant et suspicion de mauvais traitements, le substitut des mineurs avait fait diligenter une enquête, prescrivant l’examen de l’enfant par un médecin légiste et son audition filmée, le jugement constate que, contrairement aux allégations des associations, aucun des éléments d’information communiqués par les enseignants au procureur de la République n’incriminait les parents de l’enfant dans les actes de maltraitance suspectés et que les services de gendarmerie, qui avaient reçu les instructions le 2 juillet 2008, avaient réquisitionné le médecin légiste le 10 juillet suivant et informé les parents de leur enquête et de la date d’audition de leur fille ; qu’il relève que l’avis circonstancié du médecin ne nécessitait aucun complément d’enquête auprès de ce dernier, qu’au cours de son audition par un gendarme spécialisé, l’enfant, souriante et qui ne montrait aucune appréhension, donnait une explication circonstanciée pour chaque cicatrice révélée par l’expert, sauf pour deux lésions trop anciennes ; qu’en l’état de ces énonciations, le tribunal a pu en déduire qu’aucune faute lourde, au sens de l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire, n’était caractérisée ; que les moyens ne peuvent être accueillis. »

B. Le droit et la pratique internes pertinents

1. La responsabilité de l’État du fait du fonctionnement défectueux du service de la justice

Les dispositions de l’article L. 141-1 du COJ ainsi que l’évolution de la jurisprudence interne en la matière sont relatés dans la décision Benmouna et autres c. France (no 51097/13, 15 septembre 2015).

2. Le traitement en temps réel « TTR »

Le compte rendu du Défenseur des Droits du 30 juin 2014 explique que le traitement en temps réel TTR se caractérise par le fait que les membres du parquet répondent par téléphone, et non par courrier comme dans les enquêtes préliminaires classiques, aux demandes d’orientation des affaires émanant des officiers de police judiciaire et prennent immédiatement les décisions concernant la suite à donner à ces affaires.

GRIEFS

1. Invoquant l’article 2 de la Convention sous son volet matériel, les deux associations requérantes se plaignent du classement sans suite de la procédure le 6 octobre 2008, à la suite d’une enquête de police qu’elles jugent inefficace. L’association Enfance et Partage invoque en outre l’article 6 de la Convention à ce sujet.

2. L’association Innocence en Danger dénonce la nécessité de caractériser une faute lourde, au sens de l’article L. 141-1 du Code de l’organisation judiciaire, afin de pouvoir engager la responsabilité de l’État du fait du fonctionnement défectueux du service public de la justice. Elle estime que cette exigence, disproportionnée au regard de l’impératif absolu de protection des mineurs, est contraire au droit à un recours effectif tel que garanti par l’article 13 de la Convention.

3. Invoquant l’article 3 de la Convention sous son volet matériel, l’association Innocence en Danger estime que le système a failli à protéger Marina des abus extrêmement graves qu’elle a subis et qui ont abouti à son décès. Elle estime que les autorités, qui savaient ou auraient dû connaître la situation de grande détresse dans laquelle se trouvait l’enfant, avaient l’obligation de la protéger.

QUESTIONS AUX PARTIES

1. Les associations requérantes, l’association Innocence en Danger et l’association Enfance et Partage, disposent-elles d’une qualité pour agir au nom de Marina et introduire les présentes requêtes devant la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention (au regard des critères retenus dans Centre de ressources juridiques au nom de Valentin Câmpeanu c. Roumanie [GC], no 47848/08, § 112, CEDH 2014, et rappelés notamment dans Comité Helsinki bulgare c. Bulgarie (déc.), no 35653/12 et 66172/12, § 51, 28 juin 2016) ? 

2. Le droit de Marina à la vie, consacré par l’article 2 de la Convention, a-t-il été violé en l’espèce ? Plus précisément, en réponse au signalement du 19 juin 2008, le classement sans suites par le parquet, le 6 octobre 2008, associé aux insuffisances alléguées de l’enquête de police, a-t-il emporté violation des obligations positives qui incombent à l’État défendeur en vertu de l’article 2 de la Convention ? 

3. L’État défendeur a-t-il respecté son obligation positive en vertu de l’article 3 de la Convention de protéger Marina contre les agissements de ses parents ? Plus précisément, en réponse au signalement du 19 juin 2008, le classement sans suites par le parquet, le 6 octobre 2008, associé aux insuffisances alléguées de l’enquête de police, a-t-il emporté violation des obligations positives qui incombent à l’État défendeur en vertu de l’article 3 de la Convention ? 

4. Eu égard au seuil, allégué comme étant trop élevé, pour mettre en cause la responsabilité civile de l’État au sens de l’article L. 141-1 du Code de l’organisation judiciaire, l’association Innocence en Danger avait-elle à sa disposition, comme l’exige l’article 13 de la Convention, un recours interne effectif pour formuler ses griefs de méconnaissance de l’article 2 ?

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LA CEDH N'EST PAS UNE QUATRIÈME INSTANCE

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- LA CEDH NE PEUT PAS REJUGER VOTRE AFFAIRE

- L'ARTICLE 39 DU RÈGLEMENT ET MESURES PROVISOIRES

- LES CONDITIONS DE RESPECT CONCERNANT LES ÉTATS

- LES CONDITIONS DE RESPECT CONCERNANT LES REQUÉRANTS

- LA DECLARATION UNILATERALE DU GOUVERNEMENT PERMET A L'ÉTAT D'ÉCHAPPER A SA CONDAMNATION.

MOTIVATIONS REMARQUABLES DE LA CEDH

Tel c. Turquie du 17 octobre 2017 requête n° 36785/03

Article 6-1 : La CEDH n'est pas une quatrième instance sauf en cas de décision arbitraire ou de déni de justice.

58. Pour autant que le grief du requérant doit être compris comme visant l’appréciation des preuves et le résultat de la procédure menée devant les juridictions administratives concernant son licenciement (paragraphe 41 ci‑dessus), la Cour rappelle que, selon sa jurisprudence constante, si l’article 6 § 1 de la Convention garantit le droit à un procès équitable, il ne réglemente pas pour autant l’admissibilité des preuves ou leur appréciation, matière qui relève au premier chef du droit interne et des juridictions nationales. En principe, des questions telles que le poids attaché par les tribunaux nationaux à tel ou tel élément de preuve ou à telle ou telle conclusion ou appréciation dont ils ont eu à connaître échappent au contrôle de la Cour, à moins que leurs conclusions puissent passer pour arbitraires ou manifestement déraisonnables.

De même, il n’appartient pas non plus à la Cour de connaître des erreurs de fait ou de droit éventuellement commises par une juridiction interne, sauf si et dans la mesure où elles peuvent avoir porté atteinte aux droits et libertés sauvegardés par la Convention, par exemple, si elles peuvent exceptionnellement s’analyser en un « manque d’équité » incompatible avec l’article 6 de la Convention (Bochan c. Ukraine (no 2) [GC], no 22251/08, § 61, CEDH 2015, ainsi que les références qui y sont mentionnées).

59. En la matière, la Cour a déjà conclu à une violation du droit à un procès équitable au motif que la seule raison pour laquelle la Cour de cassation française avait rejeté un pourvoi était le résultat d’une « erreur manifeste d’appréciation » (Dulaurans c. France, no 34553/97, §§ 33-34 et 38, 21 mars 2000), cette notion couvrant les cas où une erreur de fait ou de droit commise par le juge national est évidente au point d’être qualifiée de « manifeste » – en ce sens que nul magistrat raisonnable n’aurait pu la commettre – et peut par conséquent avoir nui à l’équité du procès.

60. Dans l’affaire Khamidov, le caractère déraisonnable de la conclusion des juridictions nationales sur les faits était si « flagrant et manifeste » que la Cour a estimé que la procédure dénoncée devait être regardée comme « grossièrement arbitraire » (Khamidov c. Russie, no 72118/01, § 174, 15 novembre 2007).

Dans l’arrêt Anđelković, la Cour a jugé que la décision de justice interne litigieuse, qui, en substance, était dépourvue de base légale en droit interne et ne faisait pas de lien entre les faits établis, le droit applicable et l’issue du procès, revêtait un caractère arbitraire et s’analysait en un « déni de justice » (Anđelković c. Serbie, no 1401/08, § 27, 9 avril 2013).

Par ailleurs, dans l’affaire Bochan, la Cour a sanctionné le raisonnement d’une haute juridiction comme étant « manifestement arbitraire » ou comme emportant un « déni de justice », après avoir observé que celle-ci avait « grossièrement dénaturé » les constats opérés par elle-même dans son arrêt du 3 mai 2007, de manière à faire échouer la démarche de la requérante tendant à voir examiner sa demande à la lumière de cet arrêt dans le cadre de la procédure de type cassation prévue par le droit interne (Bochan, précité, §§ 63 et 64).

Plus récemment, dans son arrêt Carmel Saliba c. Malte (no 24221/13, § 79, 29 novembre 2016), la Cour a jugé qu’il n’était pas acceptable qu’une condamnation au civil soit prononcée, sans motifs convaincants, sur la base de preuves aussi incohérentes que conflictuelles, et ce en faisant fi des arguments contraires du requérant.

Sukhanov et autres c. Russie du 7 novembre 2017 requêtes 56251/12, 53116/14 et autre

QUATRIÈME INSTANCE

47. La Cour rappelle enfin qu’il ne lui appartient pas de connaître des erreurs de fait ou de droit éventuellement commises par une juridiction interne, sauf si et dans la mesure où elles peuvent avoir porté atteinte aux droits et libertés sauvegardés par la Convention (García Ruiz c. Espagne [GC], no 30544/96, § 28, CEDH 1999‑I). La Cour n’a pas à tenir lieu de juge de quatrième instance et elle ne remet pas en cause sous l’angle de l’article 6 § 1 l’appréciation des tribunaux nationaux, sauf si leurs conclusions peuvent passer pour arbitraires ou manifestement déraisonnables (Paroisse Gréco‑Catholique Lupeni et autres, précité, § 90).

48. La Cour n’a pas normalement pour tâche d’examiner dans l’abstrait la législation et la pratique pertinentes, mais de rechercher si la manière dont elles ont été appliquées au requérant ou l’ont touché a donné lieu à une violation de la Convention (Roman Zakharov c. Russie [GC], no 47143/06, § 164, CEDH 2015).

52. La Cour considère dès lors qu’il serait inutile pour elle de rechercher in abstracto si l’extinction de l’instance, telle que conçue par le législateur dans l’article 222 § 8 du code de procédure civile, poursuivait un but légitime, dans la mesure où son application, manifestement arbitraire, a détourné le sens de cette disposition. Pour la même raison, la Cour ne trouve pas nécessaire d’examiner la proportionnalité de la mesure contestée, notamment quant à la question de savoir si les requérants susmentionnés ont la possibilité, suggérée par le Gouvernement, de réintroduire la même demande pour réaliser leur droit au tribunal (paragraphes 24, 33 et 39 ci‑dessus).

54. (-) Partant, la Cour rejette cette exception en ce qui concerne MM. Sukhanov et Mazunin et juge que les décisions de justice concernant les requérants revêtaient un caractère arbitraire et s’analysent donc en un «déni de justice».

ÉPUISEMENT DES VOIES DE RECOURS

53. Quant à l’exception soulevée par le Gouvernement (paragraphe 43 ci-dessus), la Cour rappelle que l’article 35 de la Convention n’exige l’épuisement que des recours à la fois relatifs aux violations incriminées, disponibles et adéquats. Ces recours doivent exister à un degré suffisant de certitude, non seulement en théorie mais aussi en pratique, sans quoi leur manquent l’effectivité et l’accessibilité voulues (Saoud c. France, no 9375/02, § 77, 9 octobre 2007, et Civet c. France [GC], no 29340/95, § 41, CEDH 1999‑VI).

LA CEDH NE PEUT PAS REJUGER VOTRE AFFAIRE

UN REQUÉRANT EXPOSE SES REPROCHES CONTRE LA CEDH SUR "YOU TUBE"

Son discours permet de comprendre pourquoi sa requête a malheureusement été rejetée : LA CEDH N'EST PAS UNE QUATRIÈME INSTANCE.

La CEDH s'attache surtout à corriger des dysfonctionnements structurels des systèmes judiciaires européens et il suffit de voir la révolte de certains magistrats français qui refusent d'appliquer les obligations internationales que la France a signé (CEDH-ONU)  pour comprendre que la tâche est ardue.

Le requérant suisse, se plaint que le premier juge suisse fixe une présentation des faits et qu'il n'est ensuite, plus possible d'y revenir. Il s'agit malheureusement d'une difficulté judiciaire suisse, due, à des règles de procédure suisse qui exigent de  présenter tous ses moyens devant le premier juge. Les autres instances suisses sont liées par cette première présentation.
La responsabilité de l'avocat suisse est par conséquent, très importante, quant à la présentation première, des moyens  !

Elle ne rejuge pas votre affaire. Elle recherche seulement à constater si la Convention Européenne des Droits de l'Homme a été ou non violée dans le traitement que l'État signataire vous a infligé.

KEMMACHE c. FRANCE (No3) du 24 novembre 1994 requête 17621/91

44.   En principe, il n’appartient pas à la Cour d’apprécier elle-même les éléments de fait ayant conduit une juridiction nationale à adopter telle décision plutôt que telle autre, sous réserve de l’examen de compatibilité avec les dispositions de la Convention. Sinon, elle s’érigerait en juge de troisième ou quatrième instance et elle méconnaîtrait les limites de sa mission.

GARCÍA RUIZ c. ESPAGNE du 21 janvier 1999 requête 30544/96

28.  Pour autant que le grief du requérant puisse être compris comme visant l’appréciation des preuves et le résultat de la procédure menée devant les juridictions internes, la Cour rappelle qu’aux termes de l’article 19 de la Convention elle a pour tâche d’assurer le respect des engagements résultant de la Convention pour les Parties contractantes. Spécialement, il ne lui appartient pas de connaître des erreurs de fait ou de droit prétendument commises par une juridiction interne, sauf si et dans la mesure où elles pourraient avoir porté atteinte aux droits et libertés sauvegardés par la Convention. Par ailleurs, si la Convention garantit en son article 6 le droit à un procès équitable, elle ne réglemente pas pour autant l’admissibilité des preuves ou leur appréciation, matière qui relève dès lors au premier chef du droit interne et des juridictions nationales (voir l’arrêt Schenk c. Suisse du 12 juillet 1988, série A n° 140, p. 29, §§ 45-46).

PEREZ c. FRANCE du 12 février 2004 requête 47287/99

82.  Enfin, la Cour rappelle également qu'il ne lui appartient pas de connaître des erreurs de fait ou de droit prétendument commises par une juridiction interne, sauf si et dans la mesure où elles pourraient avoir porté atteinte aux droits et libertés sauvegardés par la Convention (voir, entre autres, García Ruiz c. Espagne [GC], no 30544/96, § 28, CEDH 1999-I). En tout état de cause, l'interprétation de la législation interne incombe au premier chef aux autorités nationales, et notamment aux cours et tribunaux (Coëme et autres c. Belgique, nos 32492/96, 32547/96, 32548/96, 33209/96 et 33210/96, § 115, CEDH 2000-VII).

LA DIFFERENCE ENTRE QUATRIEME INSTANCE ET GRIEF TIRE DE LA CONVENTION

VALLE PIERIMPIÈ SOCIETÀ AGRICOLA S.P.A. c. ITALIE

du 23 septembre 2014 requête 46154/11

Le transfert dans le domaine public sans indemnisation d’une vallée de pêche située dans la lagune de Venise et exploitée par une société était contraire à la Convention. Si la vallée de pêche est du domaine public. La société requérante avait un titre de propriété acquis en toute légalité. Le retour dans le domaine public aurait dû être indemnisé.

SUR LA DIFFERENCE ENTRE QUATRIEME INSTANCE ET VIOLATION DE LA CONVENTION

44. La Cour observe tout d’abord que les parties se sont concentrées sur la question de savoir si la déclaration de l’appartenance de la Valle Pierimpiè au DPM était ou non basée sur une interprétation correcte des textes pertinents, à savoir les actes du Sénat de la République de Venise, le règlement de police de la lagune de 1841, le cadastre De Bernardi de 1843, le CN de 1942 et les lois successives.

Devant ce débat, la Cour rappelle qu’il ne lui appartient pas de connaître des erreurs de fait ou de droit prétendument commises par une juridiction interne, sauf si et dans la mesure où elles pourraient avoir porté atteinte aux droits et libertés sauvegardés par la Convention (Khan c. Royaume-Uni, no 35394/97, § 34, CEDH 2000-V), et que c’est en principe aux juridictions nationales qu’il revient d’apprécier les faits et d’interpréter et appliquer le droit interne (Pacifico c. Italie (déc.), no 17995/08, § 62, 20 novembre 2012).

45.  En l’espèce, il s’agissait d’interpréter des textes complexes, dont certains très anciens et adoptés dans le cadre d’un système juridique différent de celui de l’Italie contemporaine, ainsi que de les harmoniser entre eux à la lumière des dispositions définissant le DPM. Dans ces circonstances, en l’absence d’arbitraire manifeste, la Cour ne saurait substituer sa propre appréciation à celle des tribunaux internes.

46.  En tout état de cause, elle estime que cette question n’est pas déterminante aux fins de l’applicabilité de l’article 1 du Protocole no 1.

En effet, comme il ressort de la jurisprudence citée ci‑dessus, il peut y avoir un « bien » au sens de cette disposition même en cas de révocation d’un titre de propriété, à condition que la situation de fait et de droit antérieure à cette révocation ait conféré au requérant une espérance légitime, rattachée à des intérêts patrimoniaux, suffisamment importante pour constituer un intérêt substantiel protégé par la Convention (voir, par exemple et mutatis mutandis, Di Marco c. Italie ((fond), no 32521/05, § 53, 26 avril 2011).

47.  La Cour estime que plusieurs éléments, non contestés par le Gouvernement, démontrent qu’en l’espèce la requérante était titulaire d’un tel intérêt.

48.  En premier lieu, l’intéressée était titulaire d’un titre formel de propriété, reçu par un notaire et enregistré dans les registres immobiliers. Elle pouvait donc légitimement se croire en situation de « sécurité juridique » quant à la validité du titre de propriété en question (voir, mutatis mutandis, Bölükbaş et autres, précité, § 32).

La Cour ne saurait par ailleurs attacher une importance décisive à la circonstance, évoquée par le Gouvernement (paragraphe 28 ci‑dessus), qu’un bien puisse appartenir au DPM même en l’absence d’une inscription ad hoc dans les registres immobiliers. À cet égard, elle se borne à observer que jusqu’à la révocation du titre de propriété, l’absence d’une telle inscription ne pouvait que conforter le particulier dans sa conviction de jouir d’un bien exempt de restrictions (voir, mutatis mutandis, Köktepe, précité, § 82).

49.  Deuxièmement, la requérante pouvait fonder son espérance légitime sur une pratique existant de longue date, puisque remontant au XVe siècle, et consistant à reconnaître à des particuliers des titres de propriété sur les vallées de pêche et à tolérer de leur part une possession et une exploitation continues de ces biens.

De plus, la requérante payait les impôts fonciers sur la Valle Pierimpiè et jusqu’au 24 juin 1989 (paragraphe 6 ci‑dessus), le fait qu’elle occupait la vallée et s’y comportait en propriétaire n’avait jamais suscité de réaction des autorités.

50.  Enfin, la Cour note que le site est le foyer de l’activité d’entreprise de la requérante, en l’occurrence une forme particulière d’élevage piscicole, le profit qu’elle en tire constituant sa source primaire de revenus. Jusqu’à l’affirmation définitive de l’appartenance de la Valle Pierimpiè au DPM, la requérante avait l’espérance légitime de pouvoir continuer à exercer cette activité (voir, mutatis mutandis, Di Marco, précité, § 52).

51.  Aux yeux de la Cour, les circonstances énumérées ci‑dessus, considérées dans leur ensemble, ont rendu la requérante titulaire d’un intérêt substantiel protégé par l’article 1 du Protocole nº 1 (voir, par exemple, Bozcaada Kimisis Teodoku Rum Ortodoks Kilisesi Vakfi c. Turquie, nos 37639/03, 37655/03, 26736/04 et 42670/04, § 41, 3 mars 2009, et Plalam S.P.A. c. Italie (fond), no 16021/02, § 37, 18 mai 2010).

52.  Il s’ensuit que cette disposition est applicable en l’espèce et que l’exception du Gouvernement tirée de l’incompatibilité ratione materiae de la requête avec celle-ci doit être rejetée.

La CEDH EXAMINE ENSUITE LE FOND ET CONSTATE LA VIOLATION DE LA CONVENTION.

LES PRINCIPES DE LA CEDH

La C.E.D.H a édicté des principes de protection des Droits de l'Homme tirés directement du titre I de la Convention soit des articles 1 à 18 et des Protocoles Additionnels, à la lumière "des conditions et nécessités démocratiques".

Le Titre III de la Convention entre l'article 52 et l'article 59, dernier article, concerne les dispositions diverses soit les conditions d'enquête auprès des Etats signataires, les relations avec les autres autorités du Conseil de L'Europe, les conditions de ratification ou de dénonciation de la Convention.

La Composition et le fonctionnement de la C.E.D.H sont prévus par le titre II de la Convention sous les articles 19 à 51.

ARTICLE 39 DU RÈGLEMENT ET MESURES PROVISOIRES

Ce titre est complété par un règlement interne de la Cour dont le fameux article 39 qui permet des mesures provisoires urgentes pour empêcher une extradition ou une expulsion vers un État considéré comme dangereux et capable de soumettre l'individu à la torture ou aux actes inhumains et dégradants.

Au sens de l'article 39 de son règlement qui ne concerne essentiellement que les expulsions des étrangers, la CEDH peut édicter des mesures conservatoires d'urgence. En 2014, concernant la France, elle a appliqué cette mesure concernant Monsieur Lambert en état de comas végétatif à l'hôpital, pour éviter qu'il ne soit débranché, avant que la CEDH ne rende une décision à venir importante sur le droit de fin de vie.

L'article 39 du Règlement de la Cour permet aux requérants de demander à la CEDH une mesure provisoire quand un dommage lié à la vie (article 2) ou aux actes inhumains et dégradants (article 3) est imminent. A titre exceptionnel, elle peut concerner aussi le grief de violation de l'article 8 de la Convention. Monsieur le Président rappelle aux Gouvernements, aux requérants et à leurs avocats le rôle approprié mais limité de la Cour en matière d’immigration, insistant sur leurs responsabilités respectives quant à une pleine coopération avec la Cour. Il souligne également que la Cour n’est pas une juridiction d’appel en matière d’immigration.

MANNAI c. ITALIE DU 22 mars 2012 REQUÊTE 9961/10

49. La Cour rappelle que l’article 39 du règlement habilite les chambres ou, le cas échéant, leur président à indiquer des mesures provisoires. De telles mesures n’ont été indiquées que lorsque cela était strictement nécessaire et dans des domaines limités, en principe en présence d’un risque imminent de dommage irréparable. Dans la grande majorité des cas, il s’agissait d’affaires d’expulsion et d’extradition. Les affaires dans lesquelles les Etats ne se sont pas conformés aux mesures indiquées sont rares (Mamatkulov et Askarov c. Turquie [GC], nos 46827/99 et 46951/99, §§ 103-105, CEDH 2005-I).

50.  Dans des affaires telles que la présente, où l’existence d’un risque de préjudice irréparable à la jouissance par le requérant de l’un des droits qui relèvent du noyau dur des droits protégés par la Convention est alléguée de manière plausible, une mesure provisoire a pour but de maintenir le statu quo en attendant que la Cour se prononce sur la justification de la mesure. Dès lors qu’elle vise à prolonger l’existence de la question qui forme l’objet de la requête, la mesure provisoire touche au fond du grief tiré de la Convention. Par sa requête, le requérant cherche à se protéger d’un dommage irréparable le droit énoncé dans la Convention qu’il invoque. En conséquence, le requérant demande une mesure provisoire, et la Cour l’accorde, en vue de faciliter « l’exercice efficace » du droit de recours individuel garanti par l’article 34 de la Convention, c’est-à-dire de préserver l’objet de la requête lorsqu’elle estime qu’il y a un risque que celui-ci subisse un dommage irréparable en raison d’une action ou omission de l’État défendeur Mamatkulov et Askarov, précité, § 108).

51.  Dans le cadre du contentieux international, les mesures provisoires ont pour objet de préserver les droits des parties, en permettant à la juridiction de donner effet aux conséquences de la responsabilité engagée dans la procédure contradictoire. En particulier, dans le système de la Convention, les mesures provisoires, telles qu’elles ont été constamment appliquées en pratique, se révèlent d’une importance fondamentale pour éviter des situations irréversibles qui empêcheraient la Cour de procéder dans de bonnes conditions à un examen de la requête et, le cas échéant, d’assurer au requérant la jouissance pratique et effective du droit protégé par la Convention qu’il invoque. Dès lors, dans ces conditions, l’inobservation par un Etat défendeur de mesures provisoires met en péril l’efficacité du droit de recours individuel, tel que garanti par l’article 34, ainsi que l’engagement formel de l’Etat, en vertu de l’article 1, de sauvegarder les droits et libertés énoncés dans la Convention. De telles mesures permettent également à l’Etat concerné de s’acquitter de son obligation de se conformer à l’arrêt définitif de la Cour, lequel est juridiquement contraignant en vertu de l’article 46 de la Convention (Mamatkulov et Askarov, précité, §§ 113 et 125). Il s’ensuit que l’inobservation de mesures provisoires par un État contractant doit être considérée comme empêchant la Cour d’examiner efficacement le grief du requérant et entravant l’exercice efficace de son droit et, partant, comme une violation de l’article 34 (Mamatkulov et Askarov,précité, § 128).

52.  En l’occurrence, l’Italie ayant expulsé le requérant vers la Tunisie, le niveau de protection des droits énoncés dans l’article 3 de la Convention que la Cour pouvait garantir à l’intéressé a été amoindri de manière irréversible. L’expulsion a pour le moins ôté toute utilité à l’éventuel constat de violation de la Convention, le requérant ayant été éloigné vers un pays qui n’est pas partie à cet instrument, où il alléguait risquer d’être soumis à des traitements contraires à celle-ci.

53.  En outre, l’efficacité de l’exercice du droit de recours implique aussi que la Cour puisse, tout au long de la procédure engagée devant elle, examiner la requête selon sa procédure habituelle.

54.  En l’espèce, la Cour note que le requérant est actuellement libre de ses mouvement et a pu garder les contacts avec son avocat. Cependant, le fait que l’intéressé soit parvenu à poursuivre la procédure n’empêche pas qu’un problème se pose sous l’angle de l’article 34 : dès lors qu’il est plus difficile pour le requérant d’exercer son droit de recours en raison des actions du Gouvernement, l’exercice des droits garantis par cet article est entravé (Chtoukatourov c. Russie, no 44009/05, § 147, 27 mars 2008).

55.  De plus, la Cour remarque que le Gouvernement défendeur, avant d’expulser le requérant, n’a pas demandé la levée de la mesure provisoire adoptée aux termes de l’article 39 du règlement de la Cour, qu’il savait être toujours en vigueur.

56.  Les faits de la cause, tels qu’ils sont exposés ci-dessus, montrent que l’arrêt de la Cour risque d’être privé de tout effet utile. En particulier, le fait que le requérant a été soustrait à la juridiction de l’Italie constitue un obstacle sérieux qui pourrait empêcher le Gouvernement de s’acquitter de ses obligations (découlant des articles 1 et 46 de la Convention) de sauvegarder les droits de l’intéressé et d’effacer les conséquences des violations constatées par la Cour. Cette situation a constitué une entrave à l’exercice effectif par le requérant de son droit de recours individuel garanti par l’article 34 de la Convention.

57.  Compte tenu des éléments en sa possession, la Cour conclut qu’en ne se conformant pas à la mesure provisoire indiquée en vertu de l’article 39 de son règlement, l’Italie n’a pas respecté les obligations qui lui incombaient en l’espèce au regard de l’article 34 de la Convention.

La CEDH ne pourra pas vous aider si vous subissez des chicanes quotidiennes de la part de l'État défendeur (contrôle fiscal, interception de votre correspondance, mise sous écoute téléphonique, fausses inscriptions sur registre public, arrestations abusives, huissiers qui défoncent votre porte).

La CEDH ne peut intervenir qu'à posteriori, une fois les chicanes subies. Cependant, la grande majorité des États deviennent prudents quand la CEDH est saisie, vous bénéficiez alors d'une certaine tranquillité.

Cependant, lorsque la CEDH applique l'article 39 de son règlement et demande de surseoir à l'expulsion de l'étranger, l'État ne respecte pas toujours la mesure provisoire édictée et extrade ou expulse quand même, le requérant.

Zohkidov C. Russie du 5 février 2013 requête 67286/10

L’expulsion hors de Russie d’un homme ouzbek soupçonné d’appartenance à une organisation religieuse illégale l’a exposé à un risque de mauvais traitements dans son pays d’origine

Le 19 novembre 2010, la Cour européenne des droits de l’homme accueillit la demande de M. Zokhidov d’une mesure provisoire et indiqua au gouvernement russe que jusqu’à nouvel ordre l’intéressé ne devait pas être extradé vers l’Ouzbékistan.

La Cour estime que les autorités russes n’ont pas procédé à un examen approfondi des allégations de M. Zokhidov concernant le risque de mauvais traitements en Ouzbékistan.

En particulier, la décision des tribunaux russes d’annuler la décision d’extradition reposait essentiellement sur des motifs techniques, à savoir la prescription des infractions en droit russe. Les services de l’immigration, dans leurs décisions de rejet de la demande d’asile, se sont principalement référés au fait que l’intéressé avait attendu trop longtemps avant de demander le statut de réfugié et avait enfreint la réglementation en matière de résidence ; mais ils ne se sont pas spécifiquement penchés sur ses allégations précises concernant le risque de subir des mauvais traitements en cas d’extradition.

Les assurances données par les autorités ouzbèkes selon lesquelles il ne subirait pas de mauvais traitements étaient formulées de manière générale, et rien n’indique qu’elles s’appuyaient sur un mécanisme de surveillance. Le renvoi de M. Zokhidov en Ouzbékistan a donc emporté violation de l’article 3.

CONDITIONS DE RESPECT CONCERNANT LES ÉTATS

ARTICLE 34 DE LA CONVENTION

"La Cour peut être saisie d'une requête par toute personne physique, toute organisation non gouvernementale ou tout groupe de particuliers qui se prétend victime d'une violation par l'une des Hautes Partie contractante des droits reconnus dans la Convention ou ses protocoles. Les Hautes Parties contractantes s'engagent à n'entraver par aucune mesure l'exercice efficace de ce droit"

NE VOUS TROMPEZ PAS DE HAUTE PARTIE CONTRACTANTE

Dans la plupart des cas, l'État est parfaitement connu. En revanche le problème se pose en matière d'extradition quand un individu est arrêté dans un Etat sur la demande d'un autre État. L'État responsable est bien l'État demandeur et non pas l'État qui a incarcéré l'individu. En ce sens, dans l'arrêt Stephens contre Malte du 21/04/2009 requête N° 11956/07, la CEDH a constaté que l'État qui a appréhendé et incarcéré le requérant est l'Espagne sur la demande de Malte. En sa qualité d'État demandeur Malte est donc responsable.

L'ÉTAT DOIT ÊTRE SIGNATAIRE DE LA CONVENTION

Gentilhomme Schaff-Benhadji et Zerouki C. France du 14 mai 2002 Hudoc 3646; requêtes 48205/99, 48207/99, 48209/99

"Les faits dénoncés ont été causés par une décision imputable à l'Algérie, prise souverainement par elle sur son propre territoire et échappant au contrôle de la France. Autrement dit, dans les circonstances particulière de la cause, les dits faits ne peuvent être imputés à la France. Il s'ensuit que cette partie des requêtes est incompatible ratione personae avec les dispositions de la Convention et doit être rejetée en application de l'article 35§3 et 4 de la Convention"

LES ÉTATS SONT RESPONSABLES MÊME QUAND ILS APPLIQUENT LES MESURES DE L'ONU

Les mesures de l'ONU imposées contre un prétendu taliban ne peuvent pas être appliquées sans discernement par les Etats signataires de la Convention.

GRANDE CHAMBRE NADA contre SUISSE du 12 septembre 2009 requête 10593/08

Mr Nada d'origine italienne, a été inscrit sur la liste des talibans de l'ONU sans fondement. Entre 2003 et 2009, il ne pût aller voir sa famille en Suisse et fut consigner à Campione d'Italia, une enclave italienne mais sans être retenu en résidence ni détenu.

La Suisse ayant appliqué les mesures de l'ONU sans user d'un pouvoir d'appréciation sur les conditions d'application a violé le droit à la vie familiale (article 8), le droit d'accès à un recours de l'article 13 mais pas l'article 5 puisqu'il n'y a pas eu détention.

La CEDH a écarté à l'unanimité le fait que la Suisse ne devait pas réfléchir sur les conditions d'application des mesures fixées par l'ONU pour préserver la vie familiale du requérant.

I.  SUR LES EXCEPTIONS PRÉLIMINAIRES DU GOUVERNEMENT

116.  A la lumière des arguments exposés par les parties et les tiers intervenants, la Cour doit déterminer si elle est compétente pour connaître des griefs soulevés par le requérant. Pour cela, il lui faut examiner si la requête tombe dans le champ d’application de l’article 1 de la convention et engage dès lors la responsabilité de l’Etat défendeur.

a.  Compatibilité ratione personae

118.  Aux termes de cette disposition, l’engagement des Etats contractants se borne à « reconnaître » (en anglais « to secure ») aux personnes relevant de leur « juridiction » les droits et libertés énoncés dans la Convention (Al-Skeini et autres c. Royaume-Uni [GC], no 55721/07, § 130, 7 juillet 2011, Al-Jedda, précité, § 74, Banković et autres c. Belgique et 16 autres Etats contractants (déc.) [GC], no 52207/99, § 66, CEDH 2001‑XII, et Soering c. Royaume-Uni, 7 juillet 1989, § 86 série A no 161). La « juridiction », au sens de l’article 1, est une condition sine qua non pour qu’un Etat contractant puisse être tenu pour responsable des actes ou omissions à lui imputables qui sont à l’origine d’une allégation de violation des droits et libertés énoncés dans la Convention

119.  La notion de juridiction reflète la conception de ce terme en droit international public de sorte que la compétence juridictionnelle d’un Etat est principalement territoriale et qu’elle est présumée s’exercer sur l’ensemble de son territoire

120.  Se prévalant de la décision Behrami et Behrami, précitée, le gouvernement français notamment, tiers intervenant, soutient que les mesures prises par les Etats membres de l’ONU mettant en œuvre les résolutions du Conseil de sécurité en vertu du chapitre VII de la Charte sont imputables à l’ONU et donc incompatibles ratione personae. La Cour ne saurait souscrire à cet argument. En effet, elle rappelle qu’elle a conclu, dans l’affaire Behrami et Behrami, que les actions et omissions litigieuses de la KFOR, dont les pouvoirs avaient été valablement délégués par le Conseil de sécurité en application du chapitre VII de la Charte, et de la MINUK, un organe subsidiaire de l’ONU instauré en vertu du même chapitre, étaient imputables à l’ONU en tant qu’organisation à vocation universelle remplissant un objectif impératif de sécurité collective (§ 151). En revanche, s’agissant de la présente affaire, les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, notamment les Résolutions 1267 (1999), 1333 (2000), 1373 (2001) et 1390 (2002), chargent les Etats d’agir en leur propre nom et de les mettre en œuvre au niveau national.

121.  En l’espèce, les mesures imposées par les résolutions du Conseil de sécurité ont été mises en œuvre au niveau interne par une ordonnance du Conseil fédéral et les demandes formées par le requérant aux fins de bénéficier d’une dérogation à l’interdiction d’entrer sur le territoire suisse ont été rejetées par des autorités suisses (l’IMES, puis l’ODM). On se trouve donc en présence d’actes nationaux d’application d’une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU (voir, mutatis mutandis, Bosphorus Hava Yolları Turizm ve Ticaret Anonim Şirketi, précité, § 137, et, a contrario, Behrami et Behrami, précité, § 151). Les violations alléguées de la Convention sont ainsi imputables à la Suisse.

122.  Il en découle que les mesures litigieuses ont été prises dans l’exercice par l’Etat suisse de sa « juridiction » au sens de l’article 1 de la Convention. Les actes ou omissions litigieuses sont donc susceptibles d’engager la responsabilité de l’Etat défendeur en vertu de la Convention. Il s’ensuit également que la Cour est compétente ratione personae pour connaître de la présente requête.

123.  Partant, la Cour rejette l’exception tirée de l’incompatibilité ratione personae de la requête.

b.  Compatibilité ratione materiae

124.  Le gouvernement défendeur soutient que la présente requête est également incompatible ratione materiae avec la Convention. Il insiste à cet égard sur la nature obligatoire des résolutions adoptées par le Conseil de sécurité en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies et sur la primauté de celle-ci sur tout autre traité international, conformément à son article 103.

125.  La Cour estime que ces arguments concernent davantage le fond des griefs que leur compatibilité avec la Convention. Par conséquent, il convient de joindre au fond l’exception du gouvernement défendeur tirée de l’incompatibilité ratione materiae de la requête.

B.  Sur la qualité de victime

128.  Selon la jurisprudence constante de la Cour, par « victime », l’article 34 de la Convention désigne la personne directement concernée par l’acte ou l’omission litigieux. L’existence d’un manquement aux exigences de la Convention se conçoit même en l’absence de préjudice. Celui-ci ne joue un rôle que sur le terrain de l’article 41. Partant, une décision ou une mesure favorable à un requérant ne suffit en principe à lui retirer la qualité de « victime » que si les autorités nationales ont reconnu, explicitement ou en substance, puis réparé la violation de la Convention (voir, entre autres, Gäfgen c. Allemagne [GC], no 22978/05, § 115, 1 juin 2010, Association Ekin c. France (déc.), no 39288/98, 18 janvier 2000, Brumărescu c. Roumanie [GC], no 28342/95, § 50, CEDH 1999‑VII, Amuur c. France, 25 juin 1996, § 36, Recueil des arrêts et décisions 1996‑III, et Eckle c. Allemagne, 15 juillet 1982, § 66, série A no 51).

129.  En l’espèce, la Cour constate que les sanctions prononcées contre le requérant ont été levées et qu’il est désormais autorisé à franchir librement la frontière de Campione d’Italia pour se rendre en Suisse et pour transiter par ce pays. Toutefois, cette mesure, qui n’a été prise qu’en septembre-octobre 2009, n’a pas retiré à l’intéressé la qualité de victime des restrictions qu’il a subies dès l’inscription de son nom, en novembre 2001, sur la liste du comité des sanctions et à l’annexe à l’ordonnance sur les Taliban ou, à tout le moins, dès le 27 novembre 2003, date à laquelle il fut informé qu’il n’était plus autorisé à franchir la frontière (paragraphe 26 ci-dessus). La levée des sanctions ne saurait en effet passer pour une reconnaissance, même implicite, par le Gouvernement, de la violation de la Convention, au sens de la jurisprudence précitée. De plus, elle n’a pas été suivie d’une réparation au sens de la jurisprudence précitée de la Cour.

130.  Partant, le requérant peut prétendre avoir été victime des violations alléguées de la Convention pendant environ six années au moins. Il en résulte qu’il convient de rejeter l’exception tirée par le Gouvernement de l’absence alléguée de qualité de victime.

C.  Sur l’épuisement des voies de recours internes

140.  La Cour rappelle que l’article 35 de la Convention n’exige l’épuisement que des recours accessibles, adéquats et relatifs aux violations incriminées (Tsomtsos et autres c. Grèce, 15 novembre 1996, § 32, Recueil des arrêts et décisions 1996‑V).

141.  Il incombe au Gouvernement excipant du non-épuisement de convaincre la Cour qu’un recours était effectif et disponible tant en théorie qu’en pratique à l’époque des faits, c’est-à-dire qu’il était accessible, était susceptible d’offrir au requérant la réparation de ses griefs et présentait des perspectives raisonnables de succès (V. c. Royaume-Uni [GC], no 24888/94, § 57, CEDH 1999‑IX).

142.  De surcroît, un requérant qui a utilisé une voie de droit apparemment effective et suffisante ne saurait se voir reprocher de ne pas avoir essayé d’en utiliser d’autres qui étaient disponibles mais ne présentaient guère plus de chances de succès (voir, par exemple, Aquilina c. Malte [GC], no 25642/94, § 39, CEDH 1999‑III, et Manoussakis et autres c. Grèce, 26 septembre 1996, § 33, Recueil des arrêts et décisions 1996‑IV).

143.  En l’espèce, la Cour constate que le requérant n’a pas contesté les refus opposés par l’IMES et l’ODM à ses demandes de dérogation au régime des sanctions et qu’à deux occasions, il s’est vu accorder des dérogations dont il n’a pas fait usage (paragraphes 34 et 57 ci-dessus).

144.  Cependant, à supposer même que ces dérogations eussent permis d’atténuer certains effets du régime des sanctions – c’est-à-dire de quitter, pour des raisons médicales ou judiciaires, l’enclave de Campione d’Italia –, la Cour estime que la question des dérogations faisait partie d’une situation plus large dont l’origine se trouve dans l’inscription par les autorités suisses du nom du requérant sur la liste annexée à l’ordonnance sur les Taliban, qui repose sur celle du Conseil de sécurité. A cet égard, il convient d’observer que le requérant a demandé à maintes reprises aux autorités nationales sa radiation de la liste annexée à l’ordonnance sur les Taliban. Or le SECO et le Département fédéral de l’économie ont rejeté ses demandes (paragraphes 30-32 ci-dessus). Le Conseil fédéral, qu’il a saisi de la décision du Département, a renvoyé la cause au Tribunal fédéral. Par un arrêt du 14 novembre 2007, celui-ci a rejeté son recours sans examiner le bien-fondé des griefs tirés de la Convention. En conséquence, la Cour estime que le requérant a épuisé les voies de recours internes relativement au régime des sanctions, pris dans son ensemble, dont l’application à son égard trouve son origine dans la présence de son nom sur la liste annexée à l’ordonnance sur les Taliban.

145.  Dans ces circonstances, la Cour ne considère pas nécessaire de répondre, à ce stade, à l’argument soulevé par le Gouvernement selon lequel on pouvait raisonnablement exiger du requérant qu’il déménage de Campione d’Italia, où il réside depuis 1970, vers une autre région d’Italie. Cette question jouera par contre un certain rôle dans le cadre de l’examen de la proportionnalité des mesures litigieuses (paragraphe 190 ci-dessous).

146.  Quant au grief tiré, sur le terrain de l’article 8, de ce que l’inscription du requérant sur la liste annexée à l’ordonnance sur les Taliban aurait porté atteinte à son honneur et à sa réputation, la Cour admet qu’il a été soulevé, au moins en substance, devant les instances internes. En effet, le requérant prétendait que l’inscription de son nom sur la liste du comité des sanctions reviendrait à l’accuser publiquement d’entretenir des relations avec Oussama Ben Laden, l’organisation Al-Qaïda et les Taliban, bien que ce ne fût pas le cas (voir les paragraphes 33 et 38 ci-dessus).

147.  En conséquence, la Cour rejette l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Gouvernement pour non-épuisement des voies de recours internes en ce qui concerne les griefs relatifs aux articles 5 et 8.

148.  En ce qui concerne le grief tiré de l’article 13, la Cour estime que l’exception tirée du non-épuisement des voies de recours est étroitement liée au fond du grief. Partant, elle la joint au fond.

γ)  Conclusion

199.  Compte tenu de ce qui précède, la Cour rejette l’exception préliminaire soulevée par le Gouvernement pour incompatibilité ratione materiae de la requête avec la Convention et, statuant au fond, estime qu’il y a eu violation de l’article 8 de la Convention. Eu égard à cette conclusion, et nonobstant le fait que le grief selon lequel l’inscription du nom du requérant sur la liste annexée à l’ordonnance sur les Taliban aurait également porté atteinte à son honneur et à sa réputation constitue un grief distinct, elle estime qu’il n’y a pas lieu de l’examiner séparément.

L'ÉTAT DOIT COLLABORER AVEC LA CEDH ET RÉPONDRE AUX FAITS REPROCHÉS

ARRÊT GRANDE CHAMBRE ANOWIEC et Autres C. Russie

du 16 janvier 2012 requêtes n° 55508/07 et 29520/09

AFFAIRE DE KATYN

Principaux faits

Les requérants sont 15 ressortissants polonais proches de 12 victimes du massacre perpétré à Katyń. Ces 12 victimes étaient des officiers de la police et de l’armée, un médecin militaire et un directeur d’école primaire. Après l’invasion de la République de Pologne par l’Armée rouge en septembre 1939, elles furent conduites dans des camps ou des prisons dirigés par les Soviétiques et furent tuées par les services secrets sans avoir été jugées avec plus de 21 000 autres personnes en avril et mai 1940, puis enterrées dans des fosses communes dans la forêt de Katyń (proche de Smolensk) et dans les villages de Pyatikhatki et Mednoye.

Une enquête sur le massacre fut ouverte en 1990. La procédure pénale prit fin en 2004 par une décision de clore l’enquête. Le texte de cette décision étant toujours classé secret, les requérants n’ont accès ni à celui-ci ni à aucune autre information concernant le dossier de l’enquête pénale sur Katyń. Les demandes répétées qu’ils ont faites en vue d’être autorisés à consulter cette décision et d’obtenir sa déclassification ont toujours été rejetées par les tribunaux russes, au motif notamment que les requérants n’avaient aucun droit d’accès aux dossiers dès lors qu’ils ne s’étaient pas vu reconnaître la qualité de victimes. Les demandes des requérants visant à la réhabilitation de leurs proches ont également été écartées par le parquet militaire principal, de même que par les tribunaux.

Le 26 novembre 2010, la Douma russe émit une déclaration au sujet de la « tragédie de Katyń » dans laquelle elle réaffirmait que « l’extermination massive de citoyens polonais sur le territoire soviétique pendant la Seconde Guerre mondiale » avait été perpétrée sur l’ordre de Staline et qu’il fallait continuer à « vérifier les listes des victimes, rétablir la réputation des personnes mortes à Katyń et ailleurs et mettre au jour les circonstances de cette tragédie (…)».

Article 38 (obligation de coopérer avec la Cour)

La Cour prend acte du fait que le gouvernement russe a toujours refusé de produire copie de la décision de 2004 de clore l’enquête sur le massacre de Katyń. Elle souligne à cet égard que l’obligation de soumettre des documents doit être remplie indépendamment de tout constat qui pourra être formulé pendant la procédure ainsi que du dénouement de celle-ci.

Etant donné que la Cour détermine à son entière discrétion quels sont les documents dont elle a besoin pour examiner toute affaire dont elle est saisie, elle n’accepte pas l’argument des autorités russes selon lequel la décision de 2004 de clore l’enquête est sans importance.

En outre, l’argument du Gouvernement selon lequel le document en question ne peut être produit – au motif que les lois et règlements nationaux empêcheraient la communication de documents classés secrets – est contraire à la Convention de Vienne sur le droit des traités, qui dispose que le droit interne ne peut être invoqué pour justifier le manquement d’un Etat à se conformer à un traité.

Enfin, la Cour ne voit aucune considération légitime touchant à la sécurité qui aurait pu justifier le fait de garder secrète cette décision. Elle estime qu’une enquête publique et transparente sur les crimes de l’ancien régime totalitaire n’aurait pas été de nature à porter atteinte aux intérêts liés à la sécurité nationale de la Russie démocratique d’aujourd’hui, surtout si l’on songe que la responsabilité des autorités soviétiques quant au crime ici évoqué a été reconnue au plus haut niveau politique.

La Cour conclut dès lors que la Russie a failli à ses obligations découlant de l’article 38 car elle a manqué à lui fournir copie de la décision de 2004 de clore l’enquête.

LES ÉTATS N'APPLIQUENT LA CONVENTION QUE SUR LEUR TERRITOIRE

Article 1 – Obligation de respecter les droits de l'homme

Les Hautes Parties contractantes reconnaissent à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés définis au titre I de la présente Convention.

CHIRAGOV ET AUTRES c. ARMÉNIE du 16 juin 2016 requête 13216/05

ARRÊT CONFIRMÉ PAR GRANDE CHAMBRE SARGSYAN c. AZERBAÏDJAN DU 16 JUIN 2016 REQUÊTE 40167/06

L'Oblast autonome du Haut‑Karabakh (« l’OAHK ») était une province autonome de la République socialiste soviétique d’Azerbaïdjan. Elle est contrôlée depuis par l'armée d'Arménie. Les requérants d'origine d'Azebaïdjan, peuvent agir contre l'Arménie, pour retrouver leur domicile familiale.

167.  Si la compétence juridictionnelle d’un État est principalement territoriale, la notion de juridiction au sens de l’article 1 de la Convention ne se circonscrit pas au seul territoire national des Hautes Parties contractantes ; la responsabilité de l’État peut entrer en jeu à raison d’actes ou d’omissions imputables à ses organes et déployant leurs effets en dehors de son territoire national.

L’article 1 de la Convention est ainsi libellé :

« Les Hautes Parties contractantes reconnaissent à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés définis au titre I de la (...) Convention. »

1.  Les principes généraux en matière de juridiction extraterritoriale

168.  La Cour a conclu à un exercice extraterritorial de sa juridiction par l’État contractant mis en cause dans des cas où, du fait du contrôle effectif qu’il exerçait sur le territoire étranger en cause et sur ses habitants en conséquence d’une occupation militaire ou en vertu du consentement, de l’invitation ou de l’acquiescement du gouvernement local, il assumait l’ensemble ou certaines des prérogatives de puissance publique normalement exercées par celui-ci. Les principes pertinents ont été énoncés dans plusieurs arrêts, dont Ilaşcu et autres (précité, §§ 311-319), Al-Skeini et autres (précité, §§ 130-139) et Catan et autres c. Moldova et Russie ([GC], nos 43370/04, 8252/05 et 18454/06, CEDH 2012 (extraits)). Les passages pertinents de l’arrêt Catan sont ainsi libellés :

« 103.  La Cour a établi un certain nombre de principes clairs dans sa jurisprudence relative à l’article 1. Ainsi, aux termes de cette disposition, l’engagement des États contractants se borne à « reconnaître » (en anglais « to secure ») aux personnes relevant de leur « juridiction » les droits et libertés énumérés (Soering c. Royaume‑Uni, 7 juillet 1989, § 86, série A no 161, Banković et autres, décision précitée, § 66). La « juridiction » au sens de l’article 1 est une condition sine qua non. Elle doit avoir été exercée pour qu’un État contractant puisse être tenu pour responsable des actes ou omissions à lui imputables qui sont à l’origine d’une allégation de violation des droits et libertés énoncés dans la Convention (Ilaşcu et autres, précité, § 311, Al-Skeini et autres, précité, § 130).

104.  La juridiction d’un État, au sens de l’article 1, est principalement territoriale (Soering, précité, § 86, Banković et autres, décision précitée, §§ 61 et 67, Ilaşcu et autres, précité, § 312, Al-Skeini et autres, précité, § 131). Elle est présumée s’exercer normalement sur l’ensemble du territoire de l’État (Ilaşcu et autres, précité, § 312, et Assanidzé c. Géorgie [GC], no 71503/01, § 139, CEDH 2004-II). À l’inverse, les actes des États contractants accomplis ou produisant des effets en dehors de leur territoire ne peuvent que dans des circonstances exceptionnelles s’analyser en l’exercice par eux de leur juridiction au sens de l’article 1 (Banković et autres, décision précitée, § 67, et Al-Skeini et autres, précité, § 131).

105.  À ce jour, la Cour a reconnu un certain nombre de circonstances exceptionnelles susceptibles d’emporter exercice par l’État contractant de sa juridiction à l’extérieur de ses propres frontières. Dans chaque cas, c’est au regard des faits particuliers de la cause qu’il faut apprécier l’existence de pareilles circonstances exigeant et justifiant que la Cour conclue à un exercice extraterritorial de sa juridiction par l’État (Al-Skeini et autres, précité, § 132).

106.  Le principe voulant que la juridiction de l’État contractant au sens de l’article 1 soit limitée à son propre territoire connaît une exception lorsque, par suite d’une action militaire – légale ou non –, l’État exerce un contrôle effectif sur une zone située en dehors de son territoire. L’obligation d’assurer dans une telle zone le respect des droits et libertés garantis par la Convention découle du fait de ce contrôle, qu’il s’exerce directement, par l’intermédiaire des forces armées de l’État ou par le biais d’une administration locale subordonnée (Loizidou c. Turquie (exceptions préliminaires), 23 mars 1995, § 62, série A no 310, Chypre c. Turquie [GC], no 25781/94, § 76, CEDH 2001-IV, Banković et autres, décision précitée, § 70, Ilaşcu et autres, précité, §§ 314-316, Loizidou c. Turquie (fond), 18 décembre 1996, § 52, Recueil des arrêts et décisions 1996‑VI, et Al‑Skeini et autres, précité, § 138). Dès lors qu’une telle mainmise sur un territoire est établie, il n’est pas nécessaire de déterminer si l’État contractant qui la détient exerce un contrôle précis sur les politiques et actions de l’administration locale qui lui est subordonnée. Du fait qu’il assure la survie de cette administration grâce à son soutien militaire et autre, cet État engage sa responsabilité à raison des politiques et actions entreprises par elle. L’article 1 lui fait obligation de reconnaître sur le territoire en question la totalité des droits matériels énoncés dans la Convention et dans les Protocoles additionnels qu’il a ratifiés, et les violations de ces droits lui sont imputables (Chypre c. Turquie, précité, §§ 76-77, Al-Skeini et autres, précité, § 138).

107.  La question de savoir si un État contractant exerce ou non un contrôle effectif sur un territoire hors de ses frontières est une question de fait. Pour se prononcer, la Cour se réfère principalement au nombre de soldats déployés par l’État sur le territoire en cause (Loizidou (fond), précité, §§ 16 et 56, et Ilaşcu et autres, précité, § 387). D’autres éléments peuvent aussi entrer en ligne de compte, par exemple la mesure dans laquelle le soutien militaire, économique et politique apporté par l’État à l’administration locale subordonnée assure à celui-ci une influence et un contrôle dans la région (Ilaşcu et autres, précité, §§ 388-394, Al-Skeini et autres, précité, § 139).

(...)

115.  (...) Comme le montre le bref exposé de la jurisprudence de la Cour livré ci‑dessus, les critères permettant d’établir l’existence de la « juridiction » au sens de l’article 1 de la Convention n’ont jamais été assimilés aux critères permettant d’établir la responsabilité d’un État concernant un fait internationalement illicite au regard du droit international. »

2.  Application de ces principes aux faits de la cause

169.  La Cour considère d’abord que, contrairement à ce que plaident les requérants à titre subsidiaire dans leur argumentation, il n’existe pas dans le Haut-Karabakh et les territoires avoisinants une situation où des agents de l’État arménien exerceraient une autorité et un contrôle sur des individus se trouvant hors des frontières de cet État. La question à trancher à partir des faits de la cause consiste plutôt à savoir si la République d’Arménie a exercé et continue d’exercer un contrôle effectif sur les territoires mentionnés et peut, de ce fait, être tenue pour responsable des violations alléguées. Comme la Cour l’a dit dans son arrêt Catan et autres (précité, § 107), la réponse à pareille question dépend avant tout de l’ampleur de la présence militaire de l’État sur place, mais d’autres indicateurs, tels que le soutien économique et politique éventuellement apporté, peuvent aussi avoir leur importance.

170.  Si les requérants résidaient dans le district de Latchin, la question de la juridiction ne concerne pas uniquement ce territoire. De fait, le district de Latchin est l’une des zones des territoires mentionnés les plus éloignées de la ligne de contact avec l’Azerbaïdjan. Il est entouré par le Haut‑Karabakh à l’est, par les districts de Kelbajar, de Gubadly et de Jabrayil au nord et au sud, et par l’Arménie à l’ouest. Pour trancher la question de la juridiction de l’Arménie en l’espèce, il faut donc déterminer si ce pays exerce un contrôle effectif sur le Haut-Karabakh et les territoires environnants dans leur ensemble.

171.  De plus, si l’Arménie ne peut voir sa responsabilité engagée pour des violations qui tireraient leur origine d’événements antérieurs au 26 avril 2002, date à laquelle elle a ratifié la Convention, la Cour peut néanmoins tenir compte de faits se rapportant à des événements antérieurs s’ils sont révélateurs d’une situation continue ayant perduré après cette date.

a)  Appui militaire

172.  Le conflit dans le Haut-Karabakh a dégénéré en une véritable guerre en 1992 mais il avait commencé quelques années plus tôt, avec des appels à l’incorporation du Haut-Karabakh à l’Arménie provenant des deux entités. Ainsi, en décembre 1989, le soviet suprême de la RSS d’Arménie et le conseil régional du Haut-Karabakh avaient adopté une résolution conjointe sur la « réunification » des deux entités et, en janvier 1990, celles‑ci avaient adopté un budget commun. Il est clair que, depuis le début du conflit, la RSS d’Arménie puis la République d’Arménie ont fortement appuyé les revendications tendant à ce que le Haut‑Karabakh soit incorporé à son propre territoire ou bien obtienne son indépendance de l’Azerbaïdjan.

173.  Les documents dont la Cour dispose ne permettent pas – et ils ne pouvaient du reste guère permettre – de déterminer de manière certaine la composition des forces armées qui ont occupé et contrôlé le Haut-Karabakh et les sept districts voisins entre le moment, au début de l’année 1992, où la guerre a éclaté et celui, en mai 1994, où le cessez-le-feu a été conclu. Par exemple, les résolutions adoptées par le Conseil de sécurité de l’ONU en 1993, tout en exprimant une vive préoccupation relativement à la tension entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, mentionnaient une invasion et une occupation par « des forces arméniennes locales » et appelaient l’Arménie à exercer son influence sur « les Arméniens de la Région du Haut-Karabakh » (paragraphe 59 ci-dessus). En revanche, le rapport de Human Rights Watch (paragraphe 60 ci-dessus) témoigne de l’implication des forces armées de la République d’Arménie à cette période. Le ministre arménien de la défense en poste en 1992-1993, Vazguen Manoukian, a d’ailleurs lui-même reconnu cet état de choses (paragraphe 62 ci-dessus).

174.  Au demeurant, la Cour n’estime guère concevable que le Haut‑Karabakh – entité peuplée de moins de 150 000 individus d’ethnie arménienne – ait été capable, sans un appui militaire substantiel de l’Arménie, de mettre en place au début de l’année 1992 une force de défense qui, face à un pays comme l’Azerbaïdjan, peuplé de quelque sept millions d’habitants, allait non seulement prendre le contrôle de l’ex-OAHK mais encore conquérir, avant la fin de l’année 1993, la majeure partie sinon la totalité des sept districts azerbaïdjanais voisins.

175.  Quoi qu’il en soit, la présence militaire de l’Arménie dans le Haut‑Karabakh a été à plusieurs égards officialisée en juin 1994 par l’« Accord de coopération militaire entre le gouvernement de la République d’Arménie et le gouvernement de la République du Haut-Karabakh » (paragraphe 74 ci‑dessus). Outre qu’il mentionne différentes questions militaires sur lesquelles les deux entités conviennent de coopérer, cet accord prévoit en particulier que les appelés de l’Arménie et ceux de la « RHK » peuvent accomplir leur service militaire dans l’une ou l’autre entité.

176.  Des rapports et des déclarations ultérieurs confirment la participation des forces arméniennes au conflit. Par exemple, même s’ils n’ont pas abouti à un accord entre les parties, le « plan global » et l’approche « étape par étape » élaborés au sein du Groupe de Minsk de l’OSCE en 1997 prévoyaient que les forces armées de l’Arménie se replient à l’intérieur des frontières de la République d’Arménie (paragraphe 61 ci‑dessus). Des exigences analogues ont été exprimées par l’Assemblée générale des Nations unies en mars 2008 (paragraphe 67 ci‑dessus) et par le Parlement européen en avril 2012 (paragraphe 70 ci‑dessus). En janvier 2005, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, notant que des « parties importantes du territoire azerbaïdjanais » demeuraient occupées par les forces arméniennes, a réaffirmé que l’indépendance et la sécession d’un territoire ne devaient pas être la conséquence de « l’annexion de fait du territoire concerné par un autre État » (paragraphe 64 ci-dessus). Dans son rapport de septembre 2005, l’International Crisis Group (ICG) concluait, sur la base de déclarations de responsables et de soldats arméniens, que les forces de l’Arménie et celles du Haut‑Karabakh étaient « largement intégrées » (paragraphe 65 ci‑dessus). On trouve aussi dans des affaires portées devant la Cour ou devant d’autres juridictions des éléments qui indiquent que des soldats arméniens ont servi en « RHK » (paragraphes 76 et 77 ci-dessus).

177.  Comme elle l’a déjà dit dans l’arrêt El-Masri c. l’ex-République yougoslave de Macédoine ([GC], no 39630/09, § 163, CEDH 2012), la Cour considère en principe avec prudence les déclarations émanant de ministres ou de hauts fonctionnaires, ceux-ci pouvant être enclins à s’exprimer en faveur du gouvernement qu’ils représentent ou représentaient. Cependant, elle estime aussi que les déclarations de hauts dirigeants – même s’il s’agit d’anciens ministres ou de hauts fonctionnaires – ayant joué un rôle central dans le litige en question revêtent une valeur probante particulière lorsque les intéressés reconnaissent des faits ou un comportement faisant apparaître les autorités sous un jour défavorable. Pareilles déclarations peuvent alors être interprétées comme une forme d’aveu (voir à cet égard, mutatis mutandis, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 14, § 64).

178.  Dans ces conditions, elle juge frappantes les déclarations de certains représentants de la République d’Arménie qui paraissent contredire la thèse officielle selon laquelle les forces armées arméniennes n’ont pas été déployées en « RHK » ni dans les territoires voisins. La déclaration de l’ancien ministre de la Défense, M. Manoukian, a déjà été mentionnée ci‑dessus (paragraphe 62). Un élément plus important encore est le discours prononcé en janvier 2013 par le président arménien, Serge Sargsian, devant les responsables du ministère de la Défense, auxquels il a déclaré que le but de la politique étrangère arménienne était d’obtenir la reconnaissance juridique de la victoire remportée dans le cadre de la guerre du Haut‑Karabakh par ce qu’il appelait « notre armée » (paragraphe 72 ci‑dessus). Il est à noter aussi que le gouvernement arménien a reconnu en l’espèce, relativement à l’accord de coopération militaire de 1994, que l’armée arménienne et la force de défense de la « RHK » coopéraient au sein d’une alliance de défense.

179.  Par ailleurs, même si on ne peut considérer M. Jirair Sefilian comme un représentant officiel de la République d’Arménie, il n’en est pas moins un homme politique de premier plan et un ancien haut gradé de l’armée arménienne ayant servi pendant la guerre, et, à ce titre, la Cour tient compte des propos qu’il a tenus lors d’une interview accordée en octobre 2008 : « [l]e monde entier sait que l’armée de la RHK fait partie des forces armées de l’Arménie » (paragraphe 68 ci-dessus).

À l’inverse, la Cour note que l’avis de M. Bucur‑Marcu (paragraphe 73 ci‑dessus) a été établi à la demande du gouvernement défendeur et doit donc être envisagé avec précaution dans les circonstances de l’espèce.

180.  Le nombre de soldats arméniens servant en « RHK » est controversé : le gouvernement défendeur affirme qu’il se monte à 1 500 personnes tout au plus, tandis que les requérants s’appuient sur les chiffres avancés par l’IISS et l’ICG en 2002-2005, selon lesquels 8 000 à 10 000 militaires arméniens étaient alors déployés dans le Haut-Karabakh (paragraphes 63 et 65 ci-dessus). La Cour n’estime pas nécessaire de trancher cette question. En effet, sur la base des nombreux rapports et déclarations cités ci-dessus, elle juge établi que la République d’Arménie, par sa présence militaire et par la fourniture de matériel et de conseils militaires, a participé très tôt et de manière significative au conflit du Haut‑Karabakh. Cet appui militaire a été et demeure déterminant pour la conquête et la conservation du contrôle sur les territoires en cause, et les éléments disponibles, en particulier l’accord de coopération militaire de 1994, démontrent de manière convaincante que les forces armées de l’Arménie et celles de la « RHK » sont largement intégrées.

b)  Autre type d’appui

181.  L’intégration des deux entités est en outre démontrée par le nombre d’hommes politiques qui ont exercé les plus hautes fonctions en Arménie après l’avoir fait en « RHK » (paragraphe 78 ci-dessus). L’appui politique apporté de manière générale par l’Arménie à la « RHK » est aussi mis en évidence par les déclarations susmentionnées relatives à la participation militaire de l’Arménie au conflit.

182.  Le gouvernement arménien soutient que la « RHK » possède ses propres lois et ses propres organes politiques et judiciaires, lesquels seraient indépendants. Or la dépendance politique de la « RHK » à l’égard de l’Arménie apparaît flagrante non seulement à la lumière des transferts entre l’une et l’autre de personnalités politiques de premier plan, mais aussi parce que ses résidents se procurent des passeports arméniens pour se rendre à l’étranger, la « RHK » n’étant reconnue par aucun État ni aucune organisation internationale (paragraphe 83 ci-dessus). On trouve dans la législation et le système judiciaire d’autres signes d’intégration entre les deux entités. Le gouvernement arménien a reconnu que plusieurs lois de la « RHK » avaient été reprises de la législation arménienne. De manière plus importante, les circonstances de l’affaire Zalyan, Sargsyan et Serobyan c. Arménie, pendante devant la Cour (paragraphe 76 ci-dessus), montrent non seulement que des troupes arméniennes sont présentes dans le Haut-Karabakh mais aussi que des agents des forces de l’ordre arméniennes y sont actifs et que les juridictions arméniennes exercent leur compétence sur ce territoire. Le cas de M. Grigoryan (paragraphe 77 ci-dessus) va dans le même sens.

183.  Enfin, l’appui financier que l’Arménie apporte directement ou indirectement à la « RHK » est substantiel. L’ICG a rapporté que, dans le budget 2005 de cette entité, seuls 26,7 % des dépenses étaient couverts par des recettes de source locale. La « RHK » a reçu, dans le cadre d’un « prêt inter-États » consenti par l’Arménie, des sommes considérables, qui s’élevaient pour 2004 et 2005 à 51 millions de dollars au total. S’appuyant sur des sources officielles, l’ICG a estimé que ce prêt représentait jusqu’à 67,3 % du budget de la « RHK » en 2001 et 56,9 % en 2004. Bien qu’il fût en place depuis 1993, pas un centime n’en avait encore été remboursé en 2005 (paragraphes 80 et 81 ci-dessus).

184.  La « RHK » reçoit également une aide du Fonds arménien Hayastan, qui, selon le gouvernement arménien, a alloué quelque 111 millions de dollars à des projets menés dans l’entité entre 1995 et 2012. Même si ce fonds n’est pas une institution gouvernementale et si ses ressources proviennent de dons individuels, il est à noter qu’il a été créé par décret présidentiel. De plus, le président arménien est nommé d’office président de son conseil d’administration, lequel compte parmi ses membres plusieurs présidents et ministres anciens ou actuels de l’Arménie et de la « RHK » ainsi que d’autres hauts responsables arméniens. Même si toutes ces personnalités n’y sont pas majoritaires, il ressort clairement de cette composition que les représentants officiels de l’Arménie – ainsi que leurs homologues de « RHK » – sont en mesure de peser d’un grand poids sur les activités du Fonds.

185.  Il est vrai que la « RHK » reçoit aussi une assistance financière substantielle en provenance d’autres sources, notamment du gouvernement américain et de la diaspora arménienne. Néanmoins, les chiffres mentionnés ci-dessus montrent qu’elle ne pourrait pas subsister économiquement sans l’appui substantiel que lui apporte l’Arménie.

c)  Conclusion

186.  L’ensemble des éléments exposés ci-dessus révèlent que la République d’Arménie a exercé sur la « RHK » une influence importante et déterminante dès le début du conflit dans le Haut-Karabakh, que les deux entités sont hautement intégrées dans pratiquement tous les domaines importants et que cette situation perdure à ce jour. En d’autres termes, la « RHK » et son administration survivent grâce à l’appui militaire, politique, financier et autre que leur apporte l’Arménie, laquelle, dès lors, exerce un contrôle effectif sur le Haut-Karabakh et les territoires avoisinants, y compris le district de Latchin. Les faits dénoncés par les requérants relèvent donc de la juridiction de l’Arménie aux fins de l’article 1 de la Convention.

187.  Partant, la Cour rejette l’exception du Gouvernement concernant la juridiction de la République d’Arménie sur le Haut-Karabakh et les territoires avoisinants.

AL-DULIMI ET MONTANA MANAGEMENT INC. c. SUISSE Requête 5809/08 du 26 novembre 2013

Ils doivent appliquer la convention même s'il exécute une résolution de L'ONU

88.  Aux termes de cette disposition, l’engagement des Etats contractants se borne à « reconnaître » (en anglais « to secure ») aux personnes relevant de leur « juridiction » les droits et libertés énoncés dans la Convention (Al‑Skeini et autres c. Royaume-Uni [GC], no 55721/07, § 130, CEDH 2011, Al-Jedda c. Royaume-Uni [GC], no 27021/08, § 74, CEDH 2011, Banković et autres c. Belgique et autres (déc.) [GC], no 52207/99, § 66, CEDH 2001‑XII, et Soering c. Royaume-Uni, 7 juillet 1989, § 86, série A n161). La « juridiction », au sens de l’article 1, est une condition sine qua non pour qu’un Etat contractant puisse être tenu pour responsable des actes ou omissions à lui imputables qui sont à l’origine d’une allégation de violation des droits et libertés énoncés dans la Convention (Al-Skeini et autres, précité, § 130, Al-Jedda, précité, § 74, et Ilaşcu et autres c. Moldova et Russie [GC], no 48787/99, § 311, CEDH 2004-VII).

89.  La notion de juridiction reflète la conception de ce terme en droit international public (Assanidzé c. Géorgie [GC], no 71503/01, § 137, CEDH 2004-II, Gentilhomme, Schaff-Benhadji et Zerouki c. France, nos 48205/99, 48207/99 et 48209/99, § 20, 14 mai 2002, et Banković et autres, décision précitée, §§ 59-61), de sorte que la compétence juridictionnelle d’un Etat est principalement territoriale (Al-Skeini et autres, précité, § 131, et Banković et autres, décision précitée, § 59) et qu’elle est présumée s’exercer sur l’ensemble de son territoire (Ilaşcu et autres, précité, § 312).

90.  Se prévalant de la décision Behrami et Behrami, précitée, le gouvernement français notamment, tiers intervenant, soutient que les mesures prises par les Etats membres de l’ONU mettant en œuvre les résolutions du Conseil de sécurité en vertu du chapitre VII de la Charte sont imputables à l’ONU et échappent donc à la compétence ratione personae de la Cour. Celle-ci ne saurait souscrire à cet argument. En effet, elle rappelle qu’elle a conclu, dans l’affaire Behrami et Behrami, que les actions et omissions litigieuses de la KFOR, dont les pouvoirs avaient été valablement délégués par le Conseil de sécurité en application du chapitre VII de la Charte, et de la MINUK, un organe subsidiaire de l’ONU instauré en vertu du même chapitre, étaient imputables à l’ONU en tant qu’organisation à vocation universelle remplissant un objectif impératif de sécurité collective (§ 151). En revanche, s’agissant de la présente affaire, les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, notamment la Résolution 1483 (2003), chargent les Etats d’agir en leur propre nom et de les mettre en œuvre au niveau national.

91.  En l’espèce, les mesures imposées par les résolutions du Conseil de sécurité ont été mises en œuvre au niveau interne par une ordonnance du Conseil fédéral. Les avoirs des requérants ont été gelés et le Département fédéral de l’économie a prononcé la confiscation de certains avoirs par une décision du 16 novembre 2006. On se trouve donc clairement en présence d’actes nationaux d’application d’une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU (voir, mutatis mutandis, Bosphorus Hava Yolları Turizm ve Ticaret Anonim Şirketi, précité, § 137, et, a contrario, Behrami et Behrami, décision précitée, § 151). Les violations alléguées de la Convention sont ainsi imputables à la Suisse (voir, mutatis mutandis, Nada, précité, § 121).

92.  Il en découle que les mesures litigieuses ont été prises par l’Etat suisse dans l’exercice de sa « juridiction » au sens de l’article 1 de la Convention. Les actes ou omissions litigieux sont donc susceptibles d’engager la responsabilité de l’Etat défendeur en vertu de la Convention. Il s’ensuit également que la Cour est compétente ratione personae pour connaître de la présente requête (voir, mutatis mutandis, Nada, précité, § 122).

93.  Partant, la Cour rejette l’exception tirée de l’incompatibilité ratione personae de la requête. En revanche, elle tiendra compte, dans l’examen au fond de la présente affaire, des arguments amplement développés par les parties et les tiers intervenants concernant la primauté des résolutions du Conseil de sécurité prises en vertu du Chapitre VII de la Charte.

GRANDE CHAMBRE Hirsi Jamaa et autres c. Italie du 23 février 2012 Requête no 27765/09

Un navire de guerre fait partie du territoire de l'Etat même lorsqu'il est en haute mer

76. Il n’est pas contesté devant la Cour que les événements litigieux se sont déroulés en haute mer, à bord de navires militaires battant pavillon italien. Le gouvernement défendeur reconnaît par ailleurs que les navires de la garde des finances et des garde-côtes sur lesquels ont été embarqués les requérants relevaient pleinement de la juridiction de l’Italie.

77. La Cour observe qu’en vertu des dispositions pertinentes du droit de la mer, un navire naviguant en haute mer est soumis à la juridiction exclusive de l’Etat dont il bat pavillon. Ce principe de droit international a conduit la Cour à reconnaître, dans les affaires concernant des actes accomplis à bord de navires battant pavillon d’un Etat, à l’instar des aéronefs enregistrés, des cas d’exercice extraterritorial de la juridiction de cet Etat (paragraphe 75 ci-dessus). Dès lors qu’il y a contrôle sur autrui, il s’agit dans ces cas d’un contrôle de jure exercé par l’Etat en question sur les individus concernés.

78. La Cour observe par ailleurs que ledit principe est transcrit en droit national, à l’article 4 du code italien de la navigation, et n’est pas contesté par le gouvernement défendeur (paragraphe 18 ci-dessus). Elle en conclut que le cas d’espèce constitue bien un cas d’exercice extraterritorial de la juridiction de l’Italie, susceptible d’engager la responsabilité de cet Etat au sens de la Convention.

79. D’ailleurs l’Italie ne saurait soustraire sa « juridiction » à l’empire de la Convention en qualifiant les faits litigieux d’opération de sauvetage en haute mer. En particulier, la Cour ne saurait souscrire à l’argument du Gouvernement selon lequel l’Italie ne serait pas responsable du sort des requérants en raison du niveau prétendument réduit du contrôle que ses autorités exerçaient sur les intéressés au moment des faits.

80. A cet égard, il suffit d’observer que dans l’affaire Medvedyev et autres, précitée, les faits litigieux avaient eu lieu à bord du Winner, un bateau battant pavillon d’un Etat tiers mais dont l’équipage avait été placé sous le contrôle de militaires français. Dans les circonstances particulières de ladite affaire, la Cour a examiné la nature et la portée des actions accomplies par les agents français afin de vérifier s’il existait un contrôle, au moins de facto, continu et ininterrompu, exercé par la France sur le Winner et son équipage (ibidem, §§ 66 et 67).

81.  Or, la Cour remarque que dans la présente affaire les faits se sont entièrement déroulés à bord de navires des forces armées italiennes, dont l’équipage était composé exclusivement de militaires nationaux. De l’avis de la Cour, à partir du moment où ils sont montés à bord des navires des forces armées italiennes et jusqu’à leur remise aux autorités libyennes, les requérants se sont trouvés sous le contrôle continu et exclusif, tant de jure que de facto, des autorités italiennes. Aucune spéculation concernant la nature et le but de l’intervention des navires italiens en haute mer ne saurait conduire la Cour à une autre conclusion.

82.  Partant, les faits dont découlent les violations alléguées relèvent de la « juridiction » de l’Italie au sens de l’article 1 de la Convention.

L'INVASION EN IRAK ENGAGE LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS OCCUPANTS

La Grande Chambre de la CEDH a constaté, dans son arrêt JALOUD c. PAYS-BAS du 20 novembre 2014, requête 47708.08, que les autorités néerlandaises ont manqué à leur obligation d'enquête effective au sens de l' article 2 de la Convention, concernant la mort d'un individu qui avait forcé un barrage de militaires néerlandais, en Irak.

Dans son arrêt Al Skeini et autres c. Royaume Uni du 7 juillet 2011, requête n°55721/07 la CEDH a considéré que le Royaume-Uni avait l’obligation d’enquêter sur les décès de six civils tués en Irak en 2003 au cours d’incidents ayant impliqué des soldats britanniques puisque l'Irak était soumis à la souveraineté britannique après l'invasion des forces armées.

La principale question soulevée en l’espèce est celle de savoir si la Convention européenne des droits de l’homme est applicable au décès de civils irakiens tués en Irak par des soldats britanniques entre mai et novembre 2003. La CEDH doit décider si les proches des requérants relevaient alors de la « juridiction » du Royaume-Uni au sens de l’article 1 de la Convention.

La CEDH renvoie à sa jurisprudence antérieure d’où il ressort que les Etats contractants ont normalement l’obligation d’appliquer la Convention seulement sur leur propre territoire. Ce n’est que dans des circonstances exceptionnelles qu’un acte extraterritorial relève de la juridiction d’un Etat contractant. L’une de ces exceptions consacrées par la jurisprudence de la CEDH est la situation où un Etat contractant assume des prérogatives de puissance publique sur le territoire d’un autre Etat.

En l’espèce, après le renversement du régime baasiste et jusqu’à l’instauration du gouvernement intérimaire, le Royaume-Uni a assumé en Irak (conjointement avec les Etats-Unis) certaines des prérogatives de puissance publique qui sont normalement celles d’un Etat souverain, en particulier le Royaume-Uni a assumé le pouvoir et la responsabilité du maintien de la sécurité dans le sud-est du pays. Dans ces circonstances exceptionnelles, un lien juridictionnel existait entre le Royaume-Uni et les personnes tuées au cours d’opérations de sécurité menées par les soldats britanniques entre mai 2003 et juin 2004. Les proches des requérants ayant tous été tués au cours d’opérations de sécurité menées par les forces britanniques pendant cette période, l’Etat défendeur avait l’obligation de mener une enquête sur ces décès.

DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ CHAPMAN C. BELGIQUE du 5 mars 2013 requête 39619/06

La reconnaissance de l’immunité de juridiction d’une organisation internationale n’a pas restreint l’accès à un tribunal.

42. La Cour rappelle qu’aux termes de l’article 1 de la Convention, les Etats contractants s’engagent à « reconnaître » aux personnes relevant de leur « juridiction » les droits et libertés énoncés dans la Convention. La « juridiction », au sens de cette disposition, est une condition pour qu’un Etat contractant puisse être tenu pour responsable des actes ou omissions à lui imputables qui sont à l’origine d’une allégation de violation des droits et libertés énoncés dans la Convention (voir, parmi beaucoup d’autres, Nada c. Suisse [GC], no 10593/08, § 118, CEDH 2012).

43.  En l’espèce, la Cour constate que les doléances du requérant sont dirigées contre la décision des juges belges qui, en appel, n’ont pas examiné le bien-fondé de ses griefs en raison de l’immunité de juridiction de l’OTAN. Pour déclarer irrecevable l’action du requérant, la cour du travail a relevé, en particulier, que le requérant disposait, au sein de l’OTAN, d’une voie alternative raisonnable.

44.  La Cour estime qu’à l’instar de la situation qui se présentait dans les affaires Waite et Kennedy et Bosphorus précitées, sa compétence ratione personae résulte du fait que la décision litigieuse a été prise par un organe de l’Etat défendeur, à savoir la cour du travail de Bruxelles. Il s’agit là d’un élément qui distingue la présente affaire des affaires citées par le Gouvernement, y compris de l’affaire Gasparini, ainsi que d’autres affaires telles que Galić c. Pays-Bas (déc., no 22617/07, 9 juin 2009), Blagojević c. Pays-Bas (déc., no 49032/07, 9 juin 2009), Beygo c. 46 Etats membres du Conseil de l’Europe (déc., n 36099/06, 16 juin 2009), dans lesquelles la Cour a décliné sa compétence en raison de l’absence d’intervention directe de l’Etat défendeur et/ou du fait que les griefs étaient dirigés contre des actes de l’organisation internationale mise en cause.

45.  La Cour rappelle que l’article 6 § 1 garantit à toute personne le droit à ce qu’un tribunal connaisse de toute contestation relative à ses droits et obligations de caractère civil. Il consacre de la sorte le droit à un tribunal, dont le droit d’accès, à savoir le droit de saisir un tribunal en matière civile, ne constitue qu’un aspect. Elle rappelle également que ce droit n’est pas absolu : il se prête à des limitations implicitement admises car il commande, de par sa nature même, une règlementation par l’Etat. Les Etats contractants jouissent en la matière d’une certaine marge d’appréciation. Les limitations mises en œuvre ne peuvent toutefois restreindre le droit de l’individu d’une manière ou à un point tel qu’il s’en trouve atteint dans sa substance même. En outre, pareille limitation ne se concilie avec l’article 6 § 1 que si elle tend à un but légitime et s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (Waite et Kennedy précité, § 59 ; Kart c. Turquie [GC], no 8917/05, § 79, CEDH 2009 (extraits)).

46.  En l’espèce, la Cour note que le requérant a eu accès au tribunal du travail de Bruxelles puis à la cour du travail de Bruxelles. Devant ces deux juridictions du fond, il a pu exposer ses contestations relatives à ses droits contractuels et ses moyens quant à l’application de l’immunité de juridiction de l’OTAN.

47.  Devant la Cour, le requérant a réitéré l’argument selon lequel l’immunité de l’OTAN avait été indûment invoquée devant la cour du travail et ne pouvait légitimement entraver son droit d’accès à un tribunal. Selon lui, l’immunité accordée aux organisations internationales devait être limitée aux litiges concernant des actes de « fonction publique » à l’exclusion des litiges relatifs aux contrats de travail.

48.  La Cour rappelle que la Convention ne s’oppose pas à ce que les Etats créent des organisations internationales pour coopérer dans certains domaines d’activité ou pour renforcer leur coopération et qu’ils leur transfèrent des compétences et leur accordent des immunités (ibidem, § 67 ; Prince Hans-Adam II de Liechtenstein c. Allemagne [GC], no 42527/98, § 48, CEDH 2001-VIII ; Bosphorus précité, § 152). Elle a reconnu que l’octroi de privilèges et immunités aux organisations internationales était un moyen indispensable au bon fonctionnement de celles-ci, sans ingérence unilatérale d’un gouvernement, et poursuivait un but légitime (Waite et Kennedy précité, § 63).

49.  En l’espèce, la cour du travail de Bruxelles constata que l’OTAN jouissait de l’immunité de juridiction en vertu de son instrument constitutif. Se référant à la jurisprudence de la Cour telle qu’énoncée dans l’arrêt Waite et Kennedy précité, elle considéra que cette règle conventionnelle poursuivait un but légitime. Eu égard à ce qui précède, la Cour arrive à la même conclusion.

50.  Toutefois, étant donné que la protection des droits fondamentaux peut se trouver affectée par le jeu des immunités, il y a lieu de rappeler qu’il serait contraire au but et à l’objet de la Convention que les Etats, en transférant des compétences à des organisations internationales et en leur accordant des immunités, soient ainsi exonérés de toute responsabilité au regard de la Convention dans le domaine d’activité concernée (Waite et Kennedy précité, § 67 ; Prince Hans-Adam II de Liechtenstein précité, § 48).

51.  Ainsi, l’immunité de juridiction d’une organisation internationale n’est admissible au regard de l’article 6 § 1 de la Convention que si la restriction qu’elle engendre n’est pas disproportionnée. A ce sujet, la Cour est d’avis que compte tenu du but légitime des immunités des organisations internationales (paragraphe 48 ci-dessus), le critère de proportionnalité ne saurait s’appliquer de façon à contraindre une telle organisation à se défendre devant les tribunaux nationaux au sujet des conditions de travail de son personnel au sujet de conditions de travail énoncées par le droit interne du travail. Interpréter l’article 6 § 1 de la Convention et ses garanties d’accès à un tribunal comme exigeant que l’organisation accepte forcément la juridiction des tribunaux nationaux, à tout le moins en ce qui concerne les conditions du travail de son personnel, entraverait, de l’avis de la Cour, le bon fonctionnement des organisations internationales et irait à l’encontre de la tendance existant depuis de nombreuses années à l’élargissement et à l’intensification de la coopération internationale (Waite et Kennedy précité, § 72). Il n’en demeure pas moins que la question de la proportionnalité doit être appréciée à la lumière des circonstances particulières de l’espèce. C’est pour cette raison que la Cour a examiné, dans une affaire comparable à la présente affaire, si les personnes concernées disposaient d’une autre voie raisonnable pour protéger efficacement leurs droits garantis par la Convention (ibidem, § 68).

52.  En l’espèce, la cour du travail de Bruxelles considéra qu’il y avait lieu d’apprécier le caractère éventuellement disproportionné de la restriction au regard de la procédure mise en place devant la commission de recours de l’OTAN et estima, après examen des règles figurant dans le règlement relatif aux réclamations et recours des litiges de l’OTAN, qu’elle présentait des garanties suffisantes au sens de l’article 6 § 1 de la Convention (paragraphe 11 ci-dessus). De plus, elle observa que, contrairement à ce que soutenait le requérant, cette procédure était accessible aux anciens agents. La cour du travail conclut qu’en présence d’une voie interne alternative raisonnable, l’immunité de juridiction de l’OTAN jouait pleinement.

53.  La Cour n’aperçoit rien dans la démarche de la cour du travail qui puisse être considéré comme étant arbitraire.

54.  Elle constate en particulier que, devant les juridictions internes, l’argument principal du requérant tenait à l’inaccessibilité de cette voie pour les anciens agents qui, comme lui, n’étaient plus en service. Il avait déduit cela du règlement relatif au personnel civil de l’organisation et de l’absence de mise en mouvement spontanée de la procédure malgré ses courriers (paragraphe 10 ci-dessus). A l’instar de la cour du travail, la Cour estime que, pris dans leur ensemble, les textes applicables étaient pourtant suffisamment clairs (paragraphes 20 à 23 ci-dessus) et que le requérant a, en réalité, laissé de côté une voie qui s’ouvrait à lui.

55.  De surcroît, la Cour constate que, n’ayant pas saisi la commission de recours, le requérant est resté en défaut de démontrer en quoi, s’il avait valablement saisi la commission de recours, les défaillances qu’il impute, devant la Cour, à cette procédure (paragraphe 41 ci-dessus) l’auraient empêché de bénéficier, dans le cadre de son litige devant cette instance, de garanties suffisantes au sens de l’article 6 § 1 de la Convention.

56.  Compte tenu de l’ensemble des circonstances, la Cour conclut que la cour du travail de Bruxelles n’a pas excédé sa marge d’appréciation en entérinant l’immunité de juridiction de l’OTAN. Eu égard en particulier à l’autre voie de droit qui s’offrait au requérant, on ne saurait dire que les restrictions de l’accès aux juridictions belges pour régler son différend avec l’OTAN aient porté atteinte à la substance même de son « droit à un tribunal » ou qu’elles aient été disproportionnées sous l’angle de l’article 6 § 1 de la Convention (comparer Waite et Kennedy précité, § 73).

57.  Il s’ensuit que le grief du requérant est manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et doit être rejeté conformément à l’article 35 § 4.

LES ÉTATS SIGNATAIRES DOIVENT ORGANISER

LEURS JURIDICTIONS POUR APPLIQUER LA CONVENTION

De très nombreux arrêts exposent cette règle dont notamment un des grands arrêts de principe de la Cour

Arrêt Kudla contre Pologne du 26 octobre 2000 Hudoc 1996 requête 30210/96

"L'article 6§1 n'astreint pas les Etats à créer des cours d'appel ou de cassation. Néanmoins, un Etat qui se dote de juridictions de cette nature a l'obligation de veiller à ce que les justiciables jouissent auprès d'elles des garanties fondamentales de l'article 6"

Les Etats ne peuvent invoquer aucune excuse.

Arrêt Scheele contre Luxembourg du 15/05/2001 Hudoc 2596 requête 41761/98

"La Cour note d'emblée qu'elle ne saurait accueillir l'argumentation par laquelle le Gouvernement essaye de justifier le retard dans l'instruction du dossier du requérant pendant la période d'été 1997 par le fait que le juge fut chargé de l'instruction d'une "autre affaire à grande envergure". Elle rappelle  en effet que "l'article 6§1 de la Convention oblige les Etats contractants à organiser leur système judiciaire de telle sorte que leurs cours et tribunaux puissent remplir chacune de ses exigences"

L'ÉTAT NE PEUT PAS ENTRAVER LE DROIT DE DÉPOSER UNE REQUÊTE

AOULMI c. FRANCE du 17 janvier 2006 Requête no 50278/99

"101.  La Cour rappelle qu’elle s’est prononcée le 4 février 2005, par un arrêt rendu par la Grande Chambre, sur les conséquences, au regard de l’article 34 de la Convention, du fait pour un gouvernement défendeur de ne pas s’être conformé aux mesures que la Cour a indiquées en vertu de l’article 39 de son règlement (Mamatkulov et Askarov c. Turquie, précité, §§ 99 à 129).

102.  Elle a rappelé que l’engagement de ne pas entraver l’exercice efficace du droit de recours interdit les ingérences dans l’exercice du droit pour l’individu de porter et défendre effectivement sa cause devant la Cour.

103.  Ainsi, dans des affaires telles que la présente, où l’existence d’un risque de préjudice irréparable à la jouissance par le requérant de l’un des droits qui relèvent du noyau dur des droits protégés par la Convention est alléguée de manière plausible, une mesure provisoire a pour but de maintenir le statu quo en attendant que la Cour statue sur la justification de la mesure. Dès lors qu’elle vise à prolonger l’existence de la question qui forme l’objet de la requête, la mesure provisoire touche au fond du grief tiré de la Convention. Par sa requête, le requérant cherche à protéger d’un dommage irréparable le droit énoncé dans la Convention qu’il invoque. En conséquence, le requérant demande une mesure provisoire, et la Cour l’accorde, en vue de faciliter « l’exercice efficace » du droit de recours individuel garanti par l’article 34 de la Convention, c’est-à-dire de préserver l’objet de la requête lorsqu’elle estime qu’il y a un risque que celui-ci subisse un dommage irréparable en raison d’une action ou omission de l’Etat défendeur (arrêt Mamatkulov et Askarov c. Turquie, précité, § 108).

104.  En l’espèce le requérant ayant été expulsé vers l’Algérie par la France, le niveau de protection que la Cour pouvait garantir s’agissant des droits énoncés à l’article 3 de la Convention a été amoindri de manière irréversible. De plus, l’avocat du requérant ayant perdu tout contact avec celui-ci depuis son expulsion, l’administration des preuves à l’appui des allégations du requérant s’est révélée plus complexe.

105.  La Cour a souligné que le système de protection tel qu’il fonctionne actuellement a été modifié par le Protocole no 11 : le droit de recours individuel ne dépend plus d’une déclaration éventuelle des Etats contractants. Ainsi, l’individu s’est vu reconnaître au plan international un véritable droit d’action pour faire valoir des droits et libertés qu’il tient directement de la Convention. Elle a estimé qu’au vu des principes généraux de droit international, du droit des traités et de la jurisprudence internationale, l’interprétation de la portée des mesures provisoires ne peut être dissociée de la procédure au cours de laquelle elles sont prévues et de la décision sur le fond qu’elles visent à protéger.

106.  Elle a conclu que de ce fait, on peut dire que, quel que soit le système juridique considéré, toute bonne administration de la justice implique que ne soient pas accomplis, tant qu’une procédure est en cours, des actes de caractère irréparable.

107.  De même, dans le système de la Convention, les mesures provisoires, telles qu’elles ont été constamment appliquées en pratique, se révèlent d’une importance fondamentale pour éviter des situations irréversibles qui empêcheraient la Cour de procéder dans de bonnes conditions à un examen de la requête et, le cas échéant, d’assurer au requérant la jouissance pratique et effective du droit protégé par la Convention qu’il invoque. Dès lors, dans ces conditions, l’inobservation par un Etat défendeur de mesures provisoires met en péril l’efficacité du droit de recours individuel, tel que garanti par l’article 34, ainsi que l’engagement formel de l’Etat, en vertu de l’article 1, de sauvegarder les droits et libertés énoncés dans la Convention.

108.  Une indication de mesures provisoires donnée par la Cour, comme dans le cas d’espèce, permet à celle-ci non seulement d’examiner efficacement une requête mais aussi de s’assurer de l’effectivité de la protection prévue par la Convention à l’égard du requérant, et ultérieurement au Comité des Ministres de surveiller l’exécution de l’arrêt définitif. Une telle mesure permet ainsi à l’Etat concerné de s’acquitter de son obligation de se conformer à l’arrêt définitif de la Cour, lequel est juridiquement contraignant en vertu de l’article 46 de la Convention (arrêt Mamatkulov et Askarov c. Turquie précité, § 125).

109.  La Cour rappelle que, dans son arrêt Mamatkulov et Askarov c. Turquie, elle a admis qu’il est dans l’intérêt de la sécurité juridique et de la prévisibilité qu’elle ne s’écarte pas sans motif valable de ses propres précédents.

Elle a toutefois également réitéré qu’il est d’une importance cruciale que la Convention soit interprétée et appliquée d’une manière qui en rende les garanties concrètes et effectives et non pas théoriques et illusoires. En outre, elle est un instrument vivant à interpréter à la lumière des conditions actuelles (arrêt Tyrer c. Royaume-Uni, arrêt du 25 avril 1978, série A no 26, § 31).

110.  La Cour estime que dans la présente affaire, le renvoi du requérant vers l’Algérie a gêné l’examen, de manière appropriée, des griefs du requérant conformément à sa pratique constante dans des affaires similaires et, en fin de compte, l’a empêchée de le protéger en cas de besoin des violations potentielles de la Convention. La conséquence de cet empêchement est que le requérant a été entravé dans l’exercice effectif de son droit de recours individuel, garanti par l’article 34 de la Convention.

111.  La Cour rappelle qu’en vertu de l’article 34 de la Convention, les Etats contractants s’engagent à s’abstenir de tout acte ou à se garder de toute omission qui entraverait l’exercice effectif du droit de recours d’un requérant.

Elle souligne que, même si, à l’époque où le requérant a été expulsé dans la présente affaire, la force obligatoire des mesures prises en application de l’article 39 de son Règlement n’avait pas été affirmée explicitement, il n’en demeure pas moins que l’article 34 et les obligations en découlant s’imposaient déjà aux Etats contractants.

112.  Compte tenu des éléments en sa possession, la Cour conclut qu’en ne se conformant pas aux mesures provisoires indiquées en vertu de l’article 39 de son règlement, la France n’a pas respecté les obligations qui lui incombaient en l’espèce au regard de l’article 34 de la Convention."

L'ÉTAT NE PEUT PAS FAIRE PRESSION POUR QUE LE REQUÉRANT RETIRE SA REQUÊTE

GRANDE CHAMBRE KONSTANTIN MARKIN c. RUSSIE DU 22 MARS 2012 Requête n° 30078/06

153.  Le requérant allègue que la visite du procureur à son domicile peu avant la tenue de l’audience devant la Grande Chambre s’analyse en une entrave à l’exercice de son droit de recours individuel garanti par l’article 34 de la Convention. Cette disposition est ainsi libellée :

« La Cour peut être saisie d’une requête par toute personne physique (...) qui se prétend victime d’une violation par l’une des Hautes Parties contractantes des droits reconnus dans la Convention ou ses Protocoles. Les Hautes Parties contractantes s’engagent à n’entraver par aucune mesure l’exercice efficace de ce droit. »

158.  La Cour rappelle que, pour que le mécanisme de recours individuel instauré à l’article 34 de la Convention soit efficace, il est de la plus haute importance que les requérants, déclarés ou potentiels, soient libres de communiquer avec la Cour, sans que les autorités les pressent en aucune manière de retirer ou modifier leurs griefs (voir, entre autres, Akdivar et autres c. Turquie, 16 septembre 1996, § 105, Recueil 1996-IV, et Aksoy c. Turquie, 18 décembre 1996, § 105, Recueil 1996-VI). A cet égard, le terme « presse[r] » vise non seulement la coercition directe et les actes flagrants d’intimidation, mais aussi les actes ou contacts indirects et de mauvais aloi tendant à dissuader ou décourager les requérants de se prévaloir du recours qu’offre la Convention (Kurt c. Turquie, 25 mai 1998, § 159, Recueil 1998-III).

159.  Pour déterminer si des contacts entre les autorités et un requérant constituent des pratiques inacceptables du point de vue de l’article 34, il faut tenir compte des circonstances particulières de la cause. A ce propos, il faut envisager la vulnérabilité du plaignant et le risque que les autorités ne l’influencent (Akdivar et autres, précité, § 105, et Kurt, précité, § 160). Même un « entretien » informel avec un requérant, sans parler d’un interrogatoire formel au sujet de la procédure de Strasbourg, peut passer pour une forme d’intimidation (voir, a contrario, Syssoyeva et autres c. Lettonie (radiation)[GC],no 60654/00, §§ 107 et suiv., CEDH 2007-I).

160.  La Cour a souligné à maintes reprises qu’il n’est en principe guère approprié que les autorités d’un Etat défendeur entrent en contact direct avec un requérant au sujet de l’affaire dont celui-ci l’a saisie (Riabov, précité, §§ 59-65, Fedotova, précité, § 51, Akdeniz et autres c. Turquie, no 23954/94, §§ 118-121, 31 mai 2001, Assenov et autres c. Bulgarie, 28 octobre 1998, §§ 169-171, Recueil 1998-VIII, et Ergi c. Turquie, 28 juillet 1998, § 105, Recueil 1998-IV). En particulier, si un gouvernement a des raisons de croire que, dans une affaire donnée, il y a abus du droit de recours individuel, il doit en avertir la Cour et lui faire part de ses doutes. Un questionnement par les autorités locales peut très bien être interprété par le requérant comme une tentative d’intimidation (Tanrıkulu c. Turquie [GC], no 23763/94, §§ 131-133, CEDH 1999-IV).

161.  Parallèlement, la Cour réaffirme qu’il ne s’agit pas de considérer toute enquête de la part des autorités au sujet d’une requête pendante devant elle comme une mesure d’« intimidation ». Par exemple, elle a jugé que les contacts organisés entre les autorités et un requérant en vue de parvenir à un règlement amiable ne constituaient pas une entrave à l’exercice du droit de recours, à condition que les mesures prises par l’Etat dans le cadre des négociations à cet égard ne comportent aucune forme de pression, d’intimidation ou de coercition (Yevgeniy Alekseyenko c. Russie, no 41833/04, § 168-174, 27 janvier 2011). Dans d’autres affaires portant sur l’interrogatoire d’un requérant par les autorités locales au sujet des circonstances à l’origine de sa requête, la Cour, en l’absence d’éléments de preuve attestant de mesures de pression ou d’intimidation, n’a pas non plus jugé que le requérant avait été entravé dans l’exercice de son droit de recours individuel (Manoussos c. République tchèque et Allemagne (déc.), no 46468/99, 9 juillet 2002, et Matyar c. Turquie, no 23423/94, §§ 158-159, 21 février 2002).

162.  Quant aux circonstances de l’espèce, la Cour relève qu’un responsable du parquet militaire local s’est rendu chez le requérant dans la soirée du 31 mars 2011. Ce responsable a déclaré qu’il menait une enquête à la demande du représentant de la Fédération de Russie auprès de la Cour européenne des droits de l’homme. Il a posé au requérant des questions sur sa vie familiale et lui a demandé de produire des documents ; il est resté dans l’appartement pendant une heure environ et n’est parti qu’après que le requérant eut rédigé et signé une déclaration indiquant qu’il ne répondrait plus à aucune question.

163.  La Cour admet que le requérant et sa famille ont dû se sentir intimidés et effrayés par la visite du procureur à leur domicile. Toutefois, rien n’indique que cette visite – qui avait apparemment pour but d’obtenir des informations à jour sur la situation familiale du requérant en vue de la préparation des observations du Gouvernement à la Cour (paragraphes 41 et 156 ci-dessus) – ou les circonstances dans lesquelles elle s’est déroulée aient été destinées à pousser le requérant à retirer ou modifier sa requête ou à le gêner de toute autre manière dans l’exercice effectif du droit de recours individuel, ou qu’elles aient en réalité eu un tel effet. Les autorités de l’Etat défendeur ne peuvent ainsi passer pour avoir entravé le requérant dans l’exercice de son droit de recours individuel. Dès lors, l’Etat défendeur n’a pas manqué aux obligations qui lui incombaient au titre de l’article 34 de la Convention.

OPINION EN PARTIE CONCORDANTE ET EN PARTIE DISSIDENTE DU JUGE PINTO DE ALBUQUERQUE

(Traduction)

L’affaire Markin porte sur la situation des parents aux premiers moments de la vie de leurs enfants et sur les raisons justifiant l’existence d’un statut parental spécial applicable aux militaires. Je souscris au constat de violation de l’article 8 combiné avec l’article 14 auquel la majorité est parvenue, bien que les motifs qui m’y conduisent diffèrent grandement de ceux qui sont exposés dans l’arrêt. Ces motifs tiennent à la nature du droit au congé parental, qui ne peut être correctement appréciée qu’au regard de l’évolution de la protection des droits sociaux par la Convention européenne des droits de l’homme (« la Convention »). En outre, il me paraît important, pour des raisons tant pratiques que théoriques, d’analyser séparément la double discrimination subie par le requérant, d’abord en tant que militaire de sexe masculin par rapport à ses collègues de sexe féminin (la question de la discrimination sexuelle), ensuite en tant que militaire par rapport aux civils (la question de la discrimination professionnelle). Enfin, je ne puis souscrire au constat de non-violation de l’article 34.

Opinion dissidente

Le droit du requérant au respect de son domicile

Je marque mon désaccord avec les conclusions de la majorité en ce qui concerne le grief tiré de l’article 34. J’estime que l’ingérence opérée de nuit dans le droit du requérant au respect de son domicile est inacceptable. Quelle que soit l’heure exacte à laquelle la visite au domicile de l’intéressé a commencé, il n’est pas contesté que celle-ci a eu lieu pendant la nuit. La Cour s’est maintes fois déclarée opposée à tout contact des autorités nationales avec les requérants et leur famille tant que les requêtes sont pendantes devant elle. En l’espèce, deux éléments renforcent la gravité de l’ingérence. En premier lieu, celle-ci s’est produite de nuit au domicile du requérant, c’est-à-dire dans un endroit éminemment intime et à un moment où l’intéressé et sa famille étaient particulièrement vulnérables. En second lieu, l’agent enquêteur aurait pu obtenir ailleurs et autrement les informations qu’il recherchait. Les autorités n’ont pas employé la bonne méthode pour se procurer les renseignements qu’elles recherchaient. Même s’il n’y avait pas de volonté d’intimidation de leur part, il n’en reste pas moins que leur comportement était objectivement intimidant et qu’il a été ressenti comme tel par le requérant et sa famille, emportant ainsi violation de l’article 34.

Nous marquons notre accord avec cette opinion, les autorités de tous les États font de plus en plus de pression contre les requérants même en France.

CONDITIONS DE RESPECT DU REQUÉRANT

ARTICLE 34 DE LA CONVENTION

"La Cour peut être saisie d'une requête par toute personne physique, toute organisation non gouvernementale ou tout groupe de particuliers qui se prétend victime d'une violation par l'une des Hautes Partie contractante des droits reconnus dans la Convention ou ses protocoles. Les Hautes Parties contractantes s'engagent à n'entraver par aucune mesure l'exercice efficace de ce droit"

LE REQUÉRANT EST PROTÉGÉ PAR LA CONVENTION QUE S'IL NE LA VIOLE PAS

X et autres c. Bulgarie du 17 janvier 2019 pourvoi n° 22457/16

Le requérant doit être respectueux dans la rédaction de sa requête

1. Sur l’abus allégué du droit de recours individuel

60. Le Gouvernement demande à la Cour de déclarer la requête irrecevable pour abus du droit de recours. Il soutient, d’une part, que les représentants légaux des requérants ont sciemment présenté des faits imaginaires, qui ne seraient corroborés par aucun élément tel que des certificats médicaux, et, d’autre part, qu’ils ont utilisé un langage irrespectueux et offensant envers les autorités bulgares et les personnes physiques qu’ils accusent.

61. Les requérants n’ont pas fait de commentaires sur cette question.

62. Selon la jurisprudence de la Cour, une requête est abusive si elle se fonde délibérément sur des faits controuvés en vue de la tromper (Gross c. Suisse [GC], no 67810/10, § 28, CEDH 2014). En l’espèce, indépendamment de la question de savoir si les accusations d’abus sexuels sur les requérants sont fondées, rien ne permet à la Cour de conclure que leurs représentants ont sciemment présenté des faits qu’ils savaient inexacts.

63. Une requête peut également être considérée comme abusive lorsque le requérant utilise dans ses communications avec la Cour des expressions particulièrement vexatoires, outrageantes, menaçantes ou provocatrices – que ce soit à l’encontre du gouvernement défendeur, de son agent, des autorités de l’État défendeur, de la Cour elle-même, de ses juges, de son greffe ou des agents de ce dernier (Řehák c. République tchèque (déc.), no 67208/01, 18 mai 2004). Le rejet d’une requête pour abus du droit de recours est cependant une mesure exceptionnelle, et le requérant doit avoir excédé les limites d’une critique normale, civique et légitime (Di Salvo c. Italie (déc.), no 16098/05, 11 janvier 2007). En l’espèce, la Cour relève que, dans leurs observations, les représentants légaux des requérants accusent et traitent de « pédophiles » des personnes physiques identifiées et reprochent aux autorités bulgares, notamment aux agents du Gouvernement, de couvrir des actes criminels. Elle constate que, certes, le langage utilisé dans les observations des requérants est irrespectueux mais, compte tenu du contexte de la présente affaire et du fait qu’elle concerne les droits d’enfants mineurs qui n’ont pas la responsabilité des propos utilisés par leurs représentants, elle considère que ces propos n’ont pas dépassé des limites justifiant le rejet de la requête pour ce motif.

64. Eu égard à ce qui précède, il convient de rejeter l’exception du Gouvernement tirée de l’abus du droit de recours individuel.

ORBAN ET AUTRES c. FRANCE du 15 JANVIER 2009 Requête 20985/05

Le Gouvernement reproche au requérant de faire l'apologie de la torture et ensuite d'invoquer le droit à la liberté d'expression ! La CEDH considère qu'il s'agit d'un intérêt historique incontestable et non pas d'une apologie de la torture.

"33.  La Cour rappelle tout d'abord que « l'article 17, pour autant qu'il vise des groupements ou des individus, a pour but de les mettre dans l'impossibilité de tirer de la Convention un droit qui leur permette de se livrer à une activité ou d'accomplir un acte visant à la destruction des droits et libertés reconnus dans la Convention ; qu'ainsi personne ne doit pouvoir se prévaloir des dispositions de la Convention pour se livrer à des actes visant à la destruction des droits et libertés visés (...) » (Lawless c. Irlande, 1er juillet 1961, § 7, série A no 3).

34.  La Cour a en particulier jugé qu'un « propos dirigé contre les valeurs qui sous-tendent la Convention » se voit soustrait par l'article 17 à la protection de l'article 10 (voir Lehideux et Isorni précité, §§ 53 et 47, Garaudy, précitée, et Ivanov c. Russie du 20 février 2007, no 35222/04). Ainsi, dans l'affaire Garaudy, relative notamment à la condamnation pour contestation de crimes contre l'humanité de l'auteur d'un ouvrage remettant en cause de manière systématique des crimes contre l'humanité commis par les nazis envers la communauté juive, la Cour a conclu à l'incompatibilité rationae materiae avec les dispositions de la Convention du grief qu'en tirait l'intéressé sur le terrain de l'article 10. Elle a fondé cette conclusion sur le constat que la plus grande partie du contenu et la tonalité générale de l'ouvrage du requérant, et donc son « but », avaient un caractère négationniste marqué et allaient donc à l'encontre des valeurs fondamentales de la Convention que sont la justice et la paix ; elle a ensuite déduit de ce constat que le requérant tentait de détourner l'article 10 de sa vocation en utilisant son droit à la liberté d'expression à des fins contraires à la lettre et à l'esprit de la Convention. Elle est parvenue à cette même conclusion dans les décisions Norwood c. Royaume-Uni (no 23131/03, 16 novembre 2004) et Ivanov (précitée), qui concernent l'usage de la liberté d'expression dans des buts respectivement islamophobe et antisémite.

35.  Il n'est pas douteux que des propos ayant sans équivoque pour but de justifier des crimes de guerre tels que la torture ou des exécutions sommaires sont pareillement caractéristiques d'un détournement de l'article 10 de sa vocation. Toutefois, sans pour autant se prononcer sur la constitution en l'espèce du délit d'apologie de crimes de guerre tel qu'il est défini par la loi 29 juillet 1881, la Cour estime que l'on ne peut retenir que l'ouvrage publié par les requérants était consacré à un tel but. Il ressort en effet du contenu dudit ouvrage que son auteur, affecté en Algérie entre la fin de l'année 1954 et l'automne 1957 en qualité d'officier des services de renseignement, entendait contribuer à un « débat historique » – selon les mots des requérants – et apporter son témoignage direct sur un sujet qui, bien que sensible et polémique, relevait sans aucun doute de l'intérêt général : la question de l'usage de la torture et du recours aux exécutions sommaires par les autorités françaises durant la guerre d'Algérie. Dans l'arrêt qu'elle a rendu le 25 avril 2003 en la cause des requérants, la cour d'appel de Paris a d'ailleurs reconnu l'« incontestable » « intérêt historique de l'ouvrage ».

36.  Dans ces conditions, on ne peut dire qu'en publiant Services Spéciaux Algérie 1955-1957, les requérants ont utilisé leur droit à la liberté d'expression à des fins contraires à la lettre et à l'esprit de la Convention, et détourné l'article 10 de sa vocation. L'article 17 ne saurait donc entrer en jeu.

37.  La Cour constate en outre que la requête n'est pas manifestement mal fondée au sens de l'article 35 § 3 de la Convention et qu'elle ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il convient en conséquence de la déclarer recevable.""

LE PRÉJUDICE DU REQUÉRANT DOIT ÊTRE IMPORTANT ET NON FUTILE

Le préjudice subi doit être important pour le requérant en protocole n° 14 de la Convention

KOROLEV CONTRE RUSSIE DU 27 JUILLET 2010 REQUETE 25551/05

La Cour examine tout d’abord si le requérant a subi un dommage important. Elle rappelle que les nouveaux critères de recevabilité sont censés lui permettre de traiter plus rapidement les affaires à caractère futile et, ainsi, de se concentrer sur sa mission essentielle, qui est d’assurer au niveau européen une protection juridique en matière de droits de l’homme. Elle estime qu’un « préjudice important » ne peut être défini de manière exhaustive et qu’il lui incombe d’établir des critères objectifs aux fins de l’application de la nouvelle règle.

La Cour relève ensuite que la violation d’un droit, quelle que soit sa réalité d’un point de vue strictement juridique, doit atteindre un seuil minimum de gravité pour justifier un examen par une juridiction internationale. Ce seuil doit être apprécié au cas par cas, en fonction de l’ensemble des circonstances de l’espèce. La Cour est frappée de constater que les griefs de M. Korolev se limitent expressément au défaut de versement d’une somme équivalente à moins d’un euro. Certes, même une modeste indemnité pourrait avoir de l’importance pour certaines personnes en raison de leur situation personnelle ou de l’économie du pays ou de la région où elles vivent. Cependant, moins d’un euro est un montant manifestement négligeable qui n’a quasiment aucune importance pour M. Korolev.

Consciente qu’une violation de la Convention peut concerner une importante question de principe et causer ainsi un préjudice important sans avoir pour autant une incidence patrimoniale, la Cour constate que M. Korolev ne se plaint que du défaut de versement à lui d’une somme inférieure à un euro au titre des dépens. Il n’invoque pas son droit légitime à consulter son dossier au département des passeports et visas et ne tire pas non plus grief de l’inexécution du jugement du tribunal national concernant son droit d’accès à ce dossier.

La Cour en conclut que M. Korolev n’a pas subi de préjudice important.

Décision d'irrecevabilité Liga Portuguesa de Futebol Profissional C. Portugal du 27 avril 2012 requête no 49639/09

Irrecevabilité d’une plainte de la Ligue portugaise de football contre le fisc pour défaut de préjudice important

Articles 6 § 1 et 13

Il résulte de l’article 35 § 3 b) (critères de recevabilité) que la Cour déclare irrecevable toute requête individuelle introduite lorsqu’elle estime que le requérant n’a subi aucun préjudice important, sauf si le respect des droits de l’homme garantis par la Convention et ses Protocoles exige un examen de la requête au fond et à condition de ne rejeter pour ce motif aucune affaire qui n’a pas été dûment examinée par un tribunal interne.

La Cour rappelle que ce nouveau critère a été conçu pour lui permettre de traiter rapidement les requêtes à caractère futile afin de se concentrer sur sa mission essentielle, qui est d’assurer au niveau européen la protection juridique des droits garantis par la Convention et ses Protocoles. Cette nouvelle condition de recevabilité renvoie à l’idée que la violation d’un droit, quelle que soit sa réalité d’un point de vue strictement juridique, doit atteindre un seuil minimum de gravité pour justifier un examen par une juridiction internationale.

Afin de vérifier si la violation d’un droit atteint le seuil minimum de gravité, il y a lieu de prendre en compte la nature du droit prétendument violé ainsi que la gravité de l’incidence de la violation alléguée dans l’exercice d’un droit et/ou les conséquences éventuelles de la violation sur la situation personnelle du requérant.

Dans la présente affaire, la requérante se plaint d’une violation du principe du contradictoire au motif que l’avis de l’agent du ministère public près la Cour suprême administrative ne lui a pas été communiqué.

Or, la Cour constate que cet avis – de quelques lignes – se bornait à considérer que la décision attaquée avait bien interprété le droit applicable et qu’aucune question nouvelle pouvant appeler des commentaires de la Liga Portuguesa n’y était soulevée. Par ailleurs, la Cour relève également que l’intéressée n’a, quant à elle, pas pu démontrer qu’elle aurait pu apporter, en réplique audit avis, des éléments nouveaux et pertinents pour l’examen de la cause et, qu’au demeurant, la question de l’interprétation de l’avis avait déjà été discutée devant le tribunal de première instance. Enfin, elle observe que la Cour suprême administrative ne s’est pas fondée expressément sur l’avis en cause pour rejeter le recours de la requérante.

Dès lors, la Cour estime que la requérante n’a pas subi en l’espèce un « préjudice important » dans l’exercice de son droit à participer de manière adéquate à la procédure litigieuse. Elle précise, à cette occasion que, dans les circonstances de la cause, l’on ne saurait assimiler le « préjudice », au sens de l’article 35 § 3 b), à la somme de 20 millions d’euros environ réclamée par le fisc à l’origine de la procédure. Il s’agissait, en effet, de rechercher si l’absence de communication de l’avis de l’agent du ministère public près la Cour suprême administrative pouvait causer à la requérante un éventuel préjudice important, ce qui n’était pas établi.

En conséquence, et après avoir observé que le respect des droits de l’homme garantis par la Convention n’exige pas un examen de la requête au fond et que la cause de la requérante a été examinée sur le fond en première instance et en appel, la Cour déclare le grief irrecevable.

Décision d'irrecevabilité Berdajs C. Slovénie du 27 avril 2012 requête 10390/09

Une audience publique n’est pas nécessaire dans les recours non étayés portant sur des infractions mineures comme les infractions à la sécurité routière.

La Cour constate que l’affaire de M. Berdajs ne relève pas des catégories classiques du droit pénal puisqu’elle concerne une infraction mineure à la loi sur la sécurité routière. Il aurait néanmoins pu être essentiel pour protéger les intérêts du requérant de tenir une audience, laquelle aurait permis d’apprécier la crédibilité des constats émis par les policiers, seule base de sa condamnation.

Mais le requérant s’est contenté de critiquer la réglementation en matière de procédure simplifiée appliquée par la police, alors qu’il avait la possibilité de contester les observations des policiers dans sa demande de contrôle juridictionnel.

Dans les affaires concernant l’application de la procédure simplifiée à des infractions mineures, la nécessité de tenir une audience dépend non seulement de la nature de l’infraction mais aussi des arguments présentés par l’accusé. Or, dans sa demande de contrôle juridictionnel, M. Berdajs n’a contesté aucun des faits établis par la police. La Cour en conclut que le juge a exercé ses fonctions dans le respect des exigences de l’article 6 et qu’il n’était donc pas nécessaire de tenir une audience. Par conséquent, la Cour déclare le grief de M. Berdajs irrecevable. La Cour rejette également les autres griefs pour le même motif.

LE REQUÉRANT N'A PAS LE DROIT DE MENTIR

Abokar c. Suède du 6 juin 2019 requête n° 23270/16

Le requérant a menti sur son identité : Le refus d’accorder un permis de séjour en Suède aux fins du regroupement familial a respecté la Convention.

L’affaire concerne le refus des autorités suédoises d’accorder à M. Abokar un permis de séjour aux fins du regroupement familial. La Cour constate que les autorités ont ménagé un juste équilibre entre, d’un côté, les intérêts de M. Abokar et, de l’autre, l’intérêt de l’État à assurer la mise en œuvre effective de sa politique en matière d’immigration.

LES FAITS

Le requérant, Said Mohamed Abokar, est un ressortissant somalien né en 1986 et résidant en Italie. M. Abokar est marié à A, une ressortissante somalienne qui est titulaire d’un permis de séjour permanent en Suède depuis 2009. Il a épousé A lors de cérémonies religieuse et civile qui ont eu lieu en mai 2011 et en avril 2013 respectivement. L’intéressé et son épouse se sont connus en Suède et n’ont jamais vécu ensemble en Somalie. Ils ont deux enfants : B, né en 2012, et C, né en 2014. En 2013, M. Abokar a obtenu un permis de séjour et le statut de réfugié en Italie. En juin 2010, M. Abokar demanda l’asile en Suède sous le nom d’Abdirahman Mohamed Abukar, né le 22 février 1990. En août 2010, l’office des migrations rejeta sa demande et, conformément au règlement de Dublin, décida de le transférer en Italie, où il avait précédemment demandé l’asile et obtenu un titre de séjour temporaire. L’office des migrations constata que le requérant avait demandé l’asile en Finlande en janvier 2010 sous le nom de Said Mohamed Abokar, né en 1986, et qu’il avait séjourné en Suède durant l’année 2009 sans se faire enregistrer. En décembre 2012, M. Abokar sollicita une nouvelle fois l’asile en Suède sous le nom d’Abdirahman Mohamed Abukar, né le 22 février 1990. Il demanda que son dossier d’asile fût examiné en Suède où résidaient son épouse, handicapée, ainsi que leur enfant. En février 2013, l’office des migrations rejeta sa demande et le transféra en Italie après que les autorités italiennes eurent confirmé qu’il avait obtenu un permis de séjour sous le nom de Said Mohamed Abokar, né en 1986. En avril 2013, il demanda un permis de séjour en se fondant sur ses liens familiaux avec A et B, mais fut débouté. L’office des migrations déclara qu’il ne pourrait obtenir un permis de séjour qu’après confirmation de son identité. M. Abokar fut débouté de ses recours auprès du tribunal des migrations et de la cour d’appel des migrations. M. Abokar sollicita à nouveau l’octroi d’un permis de séjour, en s’appuyant cette fois sur ses liens avec A, B et C. Contredisant ses précédentes déclarations, il indiqua qu’il n’avait pas été marié auparavant. Sa demande et les recours qu’il forma ultérieurement furent tous écartés.

Article 8 :

La Cour observe que la situation de M. Abokar est constitutive d’une vie familiale au sens de l’article 8 et que la décision de ne pas lui accorder de permis de séjour en Suède s’analyse en une ingérence dans l’exercice de ses droits découlant de cette disposition. Sur la question de savoir si ce refus était nécessaire dans une société démocratique et si elle était proportionnée, au regard de l’article 8 § 2, la Cour note que M. Abokar n’a jamais obtenu la régularisation de son séjour en Suède. De plus, sa vie familiale avec son épouse et ses enfants a débuté pendant sa procédure d’asile, le mariage religieux étant intervenu après le rejet définitif de sa première demande. Il avait commencé à avoir une vie familiale lorsqu’il a appris qu’il ne pourrait probablement pas établir et maintenir celle-ci en Suède. Par ailleurs, il a au départ fourni aux autorités suédoises des informations inexactes sur son identité et a ainsi lui-même contribué à ses propres difficultés à prouver qui il était. En outre, il a enfreint la législation en matière d’immigration en refusant de quitter le pays après le rejet de sa première demande d’asile. De surcroît, en dehors de sa famille il n’avait pas de liens avec la Suède. La Cour relève également que M. Abokar a obtenu un permis de séjour temporaire en Italie, où il réside actuellement. Dès lors que son épouse et lui sont titulaires de permis de séjour dans des États membres de l’Union européenne, la famille peut facilement voyager entre l’Italie et la Suède et faire des séjours prolongés dans l’un ou l’autre de ces pays. Dans ces conditions, la Cour conclut que les autorités suédoises n’ont pas manqué à ménager un juste équilibre entre le droit de M. Abokar au respect de sa vie familiale et les intérêts de la Suède à assurer la mise en œuvre effective de sa politique de contrôle de l’immigration, et que l’appréciation de ces autorités n’a pas été disproportionnée. La requête étant manifestement dénuée de fondement, la Cour, à l’unanimité, la déclare irrecevable.

PETROIU c. ROUMANIE du 7 février 2017 Requête no 33055/09

Révision d'un arrêt car le requérant n'avait pas donné toutes les preuves de ses dires et il avait menti

16. La Cour rappelle que, selon l’article 44 de la Convention, ses arrêts sont définitifs et que, dans la mesure où elle remet en question ce caractère définitif, la procédure de révision, non prévue par la Convention mais instaurée par son règlement, revêt un caractère exceptionnel, d’où l’exigence d’un examen strict de la recevabilité de toute demande en révision d’un de ses arrêts dans le cadre d’une telle procédure (Pardo c. France (révision‑recevabilité), 10 juillet 1996, § 21, Recueil des arrêts et décisions 1996‑III, Gustafsson c. Suède (révision - bien-fondé), 30 juillet 1998, § 25, Recueil 1998‑V, et Stoicescu c. Roumanie (révision), no 31551/96, § 33, 21 septembre 2004).

17. Elle rappelle également qu’une requête peut être rejetée comme étant abusive, au sens de l’article 35 § 3 de la Convention, si elle a été fondée sciemment sur des faits controuvés (Gross c. Suisse [GC], no 67810/10, § 28, CEDH 2014). Une information incomplète, et donc trompeuse, peut également être qualifiée d’abus du droit de recours individuel, particulièrement lorsqu’elle concerne le noyau de l’affaire et que le requérant n’explique pas de façon suffisante son manquement à divulguer les informations pertinentes (Gardean et S.C. Grup 95 SA c. Roumanie (révision), no 25787/04, § 11, 30 avril 2013).

18. La Cour doit donc se pencher sur la question de savoir si, dans la présente cause, il y a lieu de réviser ses arrêts des 24 novembre 2009 et 25 mars 2014 par application de l’article 80 de son règlement, qui, en ses parties pertinentes en l’espèce, est ainsi libellé :

« En cas de découverte d’un fait qui, par sa nature, aurait pu exercer une influence décisive sur l’issue d’une affaire déjà tranchée et qui, à l’époque de l’arrêt, était inconnu de la Cour et ne pouvait raisonnablement être connu d’une partie, cette dernière peut, dans le délai de six mois à partir du moment où elle a eu connaissance du fait découvert, saisir la Cour d’une demande en révision de l’arrêt dont il s’agit (...) »

19. Il convient ainsi de déterminer si les faits en cause auraient pu exercer une influence décisive sur l’issue de l’affaire déjà tranchée, s’ils ne pouvaient raisonnablement être connus du Gouvernement avant le prononcé des arrêts susmentionnés et si la demande en révision a été formée dans le délai légal (Stoicescu, ibidem, précité).

20. S’agissant de la première condition imposée par l’article 80 du règlement, la Cour rappelle que, pour savoir si les faits à la base d’une demande en révision sont de « nature à exercer une influence décisive », au sens du paragraphe 1 de cette disposition, il faut les considérer par rapport à la décision dont la révision est sollicitée (Pardo, précité, § 22). En l’espèce, la Cour relève que, dans son arrêt du 24 novembre 2009, elle a jugé que la vente par l’État du bien que la requérante avait hérité de son auteur, avant même que la question du droit de propriété fût définitivement tranchée par les tribunaux internes, s’analysait en une privation de propriété et qu’elle a conclu, en l’absence d’une indemnisation en faveur de l’intéressée, à la violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention (Petroiu c. Roumanie, no 33055/09, §§ 22 et 25, 24 novembre 2009).

21. La Cour note que, d’après les informations fournies par le Gouvernement – non contestées par la requérante –, à la date du prononcé de l’arrêt du 24 novembre 2009, une décision définitive de justice avait déjà été rendue en faveur de l’intéressée, ce qui a permis à cette dernière de prendre effectivement possession du bien litigieux avant cette date. Elle est d’avis qu’il s’agit bien de faits de « nature à exercer une influence décisive » sur l’issue de l’affaire.

22. À cette étape de son examen, la Cour estime utile de rappeler que, en application de l’article 47 § 6 de son règlement, il incombe au requérant de l’informer « de tout fait pertinent pour l’examen de sa requête».

23. La Cour observe en l’espèce que la conduite du représentant de la requérante a été inappropriée, puisqu’il n’a pas porté à sa connaissance que sa cliente avait obtenu une décision définitive favorable et qu’elle avait bien pris possession de l’immeuble (voir, mutatis mutandis, Bugajny et autres c. Pologne (révision), no 22531/05, § 24, 15 décembre 2009).

24. Dans ces circonstances, la Cour ne peut que conclure que la requérante a agi en méconnaissance de l’obligation qui lui était faite par les articles 44C § 1 et 47 § 7 de son règlement de l’informer de tout fait pertinent pour l’examen de la requête, ainsi que de son devoir de coopérer avec elle dans le but d’une bonne administration de la justice, énoncé à l’article 44A du même texte (Gardean et S.C. Grup 95 SA, précité, § 20).

25. La Cour souligne également qu’il convient d’éviter que ses arrêts puissent avoir pour effet un enrichissement sans cause. Cela serait le cas en l’espèce si la requérante devait obtenir en plus de la mise en possession de l’immeuble, ultérieurement, une somme au titre de la satisfaction équitable pour préjudice matériel, calculée sur la base de la valeur de cet immeuble : en effet, la requérante obtiendrait alors deux fois la valeur dudit bien (voir, en ce sens, Pennino c. Italie (révision), no 43892/04, § 16, 8 juillet 2014).

26. Dès lors, la Cour est d’avis que la requérante a sciemment omis de porter à sa connaissance l’existence de la nouvelle situation, ce qui représente un abus de sa part dans la conduite de sa procédure devant elle.

27. Pour ce qui est de la deuxième condition imposée par l’article 80 du règlement – à savoir « l’absence de connaissance des faits découverts » –, la Cour observe que la décision définitive de justice en question a été rendue contradictoirement, entre autres, à l’égard du conseil général de Bucarest et que la requérante a ensuite fait enregistrer son droit de propriété sur le registre foncier, qui relève d’une autorité publique (paragraphe 7 ci-dessus). À cet égard, elle rappelle qu’il incombe en principe au gouvernement défendeur de se renseigner auprès des autorités publiques pour obtenir toute information pertinente ou encore de demander à celles-ci de lui faire connaître dans les meilleurs délais tout développement significatif de l’affaire (idem, § 17, et De Luca c. Italie (révision), no 43870/04, § 17, 8 juillet 2014). En l’espèce, la Cour note que les faits en cause sont intervenus après le 13 avril 2007, date du dépôt par le Gouvernement de ses observations sur la recevabilité et le bien‑fondé de la requête (paragraphe 2 ci-dessus ; voir, également Gardean et S.C. Grup 95 SA, précité, § 17). Elle attache aussi une grande importance au comportement de la requérante, qui a sciemment omis de l’informer de ces faits (idem, § 18). Dans ces conditions et compte tenu de la spécificité de l’affaire, la Cour conclut qu’on ne saurait « raisonnablement » reprocher au Gouvernement d’être resté dans l’ignorance des faits en question.

28. La Cour relève enfin que le Gouvernement indique avoir pris connaissance de l’action en revendication susmentionnée, par l’intermédiaire de l’avocat des tiers acheteurs de l’immeuble, après le prononcé de son arrêt sur la satisfaction équitable, c’est-à-dire après le 25 mars 2014 (paragraphe 8 ci-dessus), et qu’il a présenté sa demande en révision le 13 juin 2014. Elle estime donc que le Gouvernement a formulé sa demande dans le délai de six mois requis par l’article 80 de son règlement et qu’il a ainsi respecté la troisième condition requise par cette disposition.

29. À la lumière de ce qui précède, la Cour estime qu’il y a lieu de réviser, dans leur intégralité, les arrêts prononcés les 24 novembre 2009 et 25 mars 2014, en application de l’article 80 de son règlement.

30. Il convient, dès lors, de déclarer la requête irrecevable comme étant abusive au sens de l’article 35 § 3 de la Convention.

YENKO C. FRANCE du 21 mai 2015 requête 50494/12

Recevabilité de la requête : Le fait que le requérant ait oublié de dire qu'il est libéré n'est pas un mensonge au sens de la Convention

a)  Sur l’exception du Gouvernement tirée de la nature abusive de la requête

48.  La Cour rappelle qu’une requête peut être déclarée abusive si elle se fonde délibérément sur des faits controuvés en vue de la tromper. Ce type d’abus peut également être commis lorsque le requérant produit des informations incomplètes, dès le début de la procédure, et qu’elles concernent le cœur d’un grief présenté au titre de la Convention. Il en va de même lorsque des développements nouveaux importants surviennent au cours de la procédure suivie à Strasbourg et que, en dépit de l’obligation expresse lui incombant en vertu de l’article 47 § 7 du règlement, le requérant n’en informe pas la Cour, l’empêchant ainsi de se prononcer sur l’affaire en pleine connaissance de cause. Il s’agit d’une mesure procédurale exceptionnelle et, dans tous les cas, l’intention de l’intéressé d’induire la Cour en erreur doit toujours être établie avec suffisamment de certitude (Gross c. Suisse ([GC], no 67810/10, § 28, CEDH 2014 ; Miroļubovs et autres c. Lettonie, no 798/05, §§ 62-65, 15 septembre 2009).

49.  La Cour relève d’emblée que sur le formulaire de requête déposé à la Cour le 20 juillet 2012, le requérant, représenté par son avocat, a indiqué qu’il était domicilié Tribu de Ceni, district de la Roche à Mare, et non détenu au centre pénitentiaire dit Camp Est en Nouvelle-Calédonie. D’après ce formulaire, en saisissant la Cour, l’intéressé visait à dénoncer l’absence de recours à sa disposition pour empêcher la continuation de sa détention subie depuis plus de six mois au jour du prononcé de l’arrêt de la Cour de cassation le 29 février 2012. Il précisait que cet arrêt constituait à ses yeux le point d’aboutissement de la seule voie de recours à épuiser pour empêcher la continuation d’une détention contraire à l’article 3 de la Convention (paragraphe 18 ci-dessus). Peu de temps après l’introduction de la requête, l’avocat du requérant fit parvenir à la Cour l’ordonnance du 31 juillet 2012 rendue par le président du tribunal administratif de Nouvelle‑Calédonie pour indiquer que le requérant avait obtenu de cette juridiction l’octroi d’une indemnité au titre des conditions inhumaines de détention subies. Il indiquait à cette occasion que le requérant « persiste dans les fins de sa requête» (paragraphe 20 ci-dessus), signifiant que l’indemnisation allouée par le juge des référés ne préjudiciait pas le cœur de son argumentation, à savoir l’absence de mécanisme effectif préventif en matière de conditions de détention. Ce faisant, il invoquait la nécessaire coexistence des recours préventifs et indemnitaires en cas d’allégations de mauvaises conditions de détention.

50.  La Cour rappelle à cet égard que, dans l’appréciation de l’effectivité de ces remèdes, la question décisive est de savoir si la personne intéressée peut obtenir des juridictions internes un redressement direct et approprié, et pas simplement une protection indirecte de ses droits garantis par l’article 3 de la Convention. Pour qu’un système de protection des droits des détenus garantis par cette disposition soit effectif, les remèdes préventifs et compensatoires doivent exister de façon complémentaire. L’importance particulière de cette disposition impose que les États établissent, au delà d’un simple recours indemnitaire, un mécanisme effectif permettant de mettre rapidement un terme à tout traitement contraire à l’article 3 de la Convention. À défaut d’un tel mécanisme, la perspective d’une possible indemnisation risquerait de légitimer des souffrances incompatibles avec cet article et d’affaiblir sérieusement l’obligation des États de mettre leur normes en accord avec les exigences de la Convention (Ananyev et autres c. Russie, précité, § 98).

51.  Eu égard à tout ce qui précède, la Cour conclut que l’omission de la mention de la libération du requérant, certes regrettable, ne révèle pas une intention patente de sa part ou de celle de son avocat de l’induire en erreur. Tel eut été clairement le cas si le requérant avait été libéré en vue de mettre fin à la violation alléguée des articles 3 et 13 de la Convention, et non comme en l’espèce, au motif que sa détention ne paraissait plus nécessaire à la manifestation de la vérité.

52.  En conséquence, la Cour rejette la demande du Gouvernement de voir la requête déclarée abusive en application de l’article 35 § 3 a) de la Convention.

LE REQUERANT DOIT APPORTER LES PREUVES SUFFISANTES DE SES ALLÉGATIONS

Les Gouvernements ont tendance à plaider devant la Cour avec mauvaise foi.

Il est parfois difficile voir impossible pour le requérant de démontrer que non seulement il n'a pas renoncé à un droit de la Convention mais que ce droit ne lui a pas été accordé par les autorités. La CEDH renverse parfois la charge de la preuve sur les Etats.

Pardo contre France du 20 septembre 1993 Hudoc 421 requête 13416/87

"Confrontée à une controverse relative au déroulement précis de l'instance devant la Cour d'Appel d'Aix en Provence, la Cour doit trancher sur la base du dossier en sa possession () Eu égard à ces considérations, la Cour ne peut pas constater la violation de l'article 6§1"

Durdevic c. Croatie du 19 juillet 2011 requête n°52442/09

Le grief d’un écolier relatif aux brimades qu’il aurait subies à l’école aurait dû être plus précis pour être jugé recevable par la Cour européenne des droits de l’homme

La Cour note que, comme le grief des requérants concernait des violences dirigées contre Danijel à l’école, il n’était pas nécessaire qu’ils déposent une plainte au pénal. En revanche, les autorités avaient l’obligation d’agir afin de protéger la population de mauvais traitements, même de la part de particuliers, et de veiller au respect de la vie privée, y compris dans le domaine des relations entre particuliers.

La Cour observe que les rapports médicaux soumis par les requérants faisaient état de blessures telles qu’une lésion irréversible de l’œil, des maux de ventre et de dos et des maux de tête. Or les requérants n’ont jamais mentionné les dates exactes ni les circonstances ou tout autre renseignement précis quant aux incidents au cours desquels ces blessures auraient pu leur être infligées ; leurs griefs étaient formulés en termes vagues et généraux. Ils n’ont jamais précisé non plus les dates, les circonstances ou les autres détails relatifs aux incidents au cours desquels Danijel aurait subi des mauvais traitements.

Concernant un incident particulier signalé par Danijel et ses parents, la direction de l’école a enquêté et établi qu’il s’agissait d’un accident : un autre élève avait tourné la tête brutalement et heurté Danijel sans le faire exprès. Les autorités de l’Etat ne pouvaient prévoir cela et n’étaient donc pas tenues d’intervenir à l’avance pour protéger Danijel.

Pour ce qui est de la blessure de Danijel à l’oeil, le rapport médical n’en indique pas la cause ni s’il a un rapport avec un incident particulier survenu à l’école. Danijel, pour sa part, s’est plaint d’avoir été frappé par des agresseurs inconnus à l’extérieur de l’école, sans mentionner un incident précis à l’école qui aurait pu être à l’origine de sa lésion à l’oeil.

En conséquence, en l’absence d’allégations plus précises quant au lieu, à la date et à la nature des actes rapportés, la Cour ne saurait tenir l’Etat pour responsable de ne pas avoir réagi de manière adéquate aux violences dont Danijel se plaint d’avoir fait l’objet à l’école. Dès lors, elle rejette ce grief.

UNE RENONCIATION AUX DROITS DE LA CONVENTION S'IMPOSE A LA CEDH

Colozza contre Italie du 12 février 1985 Hudoc 47 requête 9024/80

"§28: En l'espèce, la Cour n'a pas besoin de décider si et à quelles conditions un prévenu peut renoncer à pareille comparution car en tout cas, selon sa jurisprudence constante, la renonciation à l'exercice d'un droit garanti par la Convention doit se trouver établie de manière non équivoque"

Voisine contre France du 08 février 2000 Hudoc 1573 requête 27362/95

"Il ressort des termes constants de la jurisprudence que la renonciation à l'exercice d'un droit garanti par la Convention doit se trouver établie de manière non équivoque (arrêt Colozza contre Italie du 12 février 1985, série A n° 89, pp14 - 15, § 28)"

LA DECLARATION UNILATERALE DU GOUVERNEMENT

LUI PERMET D'ECHAPPER A SA CONDAMNATION

Une nouvelle pratique pour désengorger le prétoire de la CEDH, les Gouvernements qui veulent échapper à la condamnation, font une déclaration unilatérale pour signifier que la faute ne recommencera plus, et propose une indemnisation, peu importe que le requérant soit d'accord ou non.

Cette pratique vient de l'essai de la CEDH d'une procédure de règlement amiable. La Cour européenne des droits de l’homme a décidé d’inaugurer une nouvelle pratique à compter du 1er janvier 2019 prévoyant une phase non-contentieuse spécifique pour tous les États contractants. À l’issue d’une phase d’expérimentation d’un an, elle décidera si elle poursuivra cette pratique. Le but de l’instauration d’une telle phase est de faciliter les règlements amiables. Cette nouvelle pratique se caractérise essentiellement par deux stades de procédure :

Premièrement, le greffe de la Cour fera en général une proposition de règlement amiable lorsque la requête sera communiquée à l’État défendeur.

Deuxièmement, la procédure se scindera en deux phases distinctes :

- une phase de règlement amiable (non-contentieuse) d’une durée de douze semaines ;

- puis une phase d’observations (contentieuse, avec échange d’observations) d’une durée de douze semaines aussi.

Les gouvernements ont un délai de seize semaines pour produire leurs observations sur la recevabilité et le fond d’une affaire. Pendant les huit premières semaines de ce délai, ils sont également tenus de dire à la CEDH s’ils sont disposés à conclure un règlement amiable et maintenant une déclaration unilatérale.

Gérard STASSART contre la France décision du 4 mai 2023 requête n° 79356/17

Dialogue des juges : la Cour européenne s’appuie sur l’évolution de jurisprudence de la Cour de révision et de réexamen et de la Cour de cassation pour rayer une affaire du rôle à la suite d’une déclaration unilatérale du Gouvernement qui propose une indemnisation auequérant, peu importe qu'il soit d'accord ou pas !

FAITS

Le requérant n’accepte pas les termes de la déclaration. Par une lettre du 22 avril 2022, il a indiqué que la somme proposée ne constitue pas une réparation satisfaisante à la violation du principe de sécurité juridique reconnue dès lors qu’elle n’efface pas la condamnation pénale prononcée par la cour d’appel de Paris, qu’elle n’emporte pas expressément renonciation à l’exécution de cet arrêt sur l’action civile, qu’elle prive le requérant du droit d’obtenir le réexamen de sa condamnation pénale en application de l’article 622-1 du code de procédure pénale dont l’application suppose « qu'il résulte d'un arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l'homme que la condamnation a été prononcée en violation de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou de ses protocoles additionnels ». La Cour rappelle qu’en vertu de l’article 37 § 1 c) de la Convention, elle peut rayer des requêtes du rôle sur le fondement d’une déclaration unilatérale du gouvernement défendeur, même si les requérants souhaitent que l’examen de leur affaire se poursuive. La Cour prend acte, ainsi que l’y invite le Gouvernement, de l’évolution de l’interprétation de l’article 622-1 du code de procédure pénale retenue par les juridictions internes. Il résulte en effet des décisions de la Cour de révision et de réexamen en date du 10 février 2022 et de la Cour de cassation en date du 3 mars 2023 qu’est désormais ouverte la possibilité d’obtenir la réouverture d’une procédure pénale sur le fondement d’une décision par laquelle la Cour a rayé une affaire du rôle après acceptation d’une déclaration unilatérale (voir en ce sens, s’agissant de la possibilité de demander l’ouverture d’une enquête pénale après une déclaration unilatérale, Şeker et autres c. Turquie (déc.), n° 58175/10, § 15, 18 décembre 2018). Dans ces conditions, la Cour considère que les modalités de redressement désormais offertes au requérant sont de nature à lui permettre d’obtenir l’effacement des conséquences de la violation reconnue tant en ce qui concerne la condamnation pénale que l’action civile. Eu égard aux concessions que renferme la déclaration du Gouvernement, ainsi qu’au montant de l’indemnisation proposée (montant qui est conforme à ceux alloués dans des affaires similaires), la Cour estime qu’il ne se justifie plus de poursuivre l’examen de la requête (article 37 § 1 c)). Elle considère en outre que cette décision ne préjuge en rien de la possibilité pour le requérant d’exercer, le cas échéant, un recours au niveau national afin d’obtenir le réexamen de la procédure pénale. Enfin, la Cour souligne que, dans le cas où le Gouvernement ne respecterait pas les termes de sa déclaration unilatérale, la requête pourrait être réinscrite au rôle en vertu de l’article 37 § 2 de la Convention. En conséquence, la Cour décide de rayer la requête du rôle en application de l’article 37 § 1 c) de la Convention.

CEDH

18.  La Cour rappelle que l’article 37 § 1 c) de la Convention lui permet de rayer une affaire du rôle si :

« (...) pour tout autre motif dont [elle] constate l’existence, il ne se justifie plus de poursuivre l’examen de la requête ».

19.  Ainsi, en vertu de cette disposition, la Cour peut rayer des requêtes du rôle sur le fondement d’une déclaration unilatérale du gouvernement défendeur, même si les requérants souhaitent que l’examen de leur affaire se poursuive (voir, en particulier, l’arrêt Tahsin Acar c. Turquie (question préliminaire) [GC], no 26307/95, §§ 75‑77, CEDH 2003‑VI).

20.  La Cour a rappelé dans l’arrêt Jeronovičs c. Lettonie ([GC], n44898/10, §§ 64 à 66, CEDH 2016) que, parmi les facteurs qui entrent en jeu lorsqu’il s’agit de décider de rayer du rôle tout ou partie d’une requête en vertu de l’article 37 § 1 c) de la Convention sur la base d’une déclaration unilatérale, figurent la nature des griefs formulés, la nature et la portée des mesures éventuellement prises par le gouvernement défendeur dans le cadre de l’exécution des arrêts rendus par la Cour dans des affaires antérieures, et l’incidence de ces mesures sur l’affaire examinée, la nature des concessions formulées dans la déclaration unilatérale, en particulier la reconnaissance d’une violation de la Convention et l’engagement de verser une réparation adéquate pour une telle violation, l’existence d’une jurisprudence pertinente « claire et complète » à cet égard – en d’autres termes, le point de savoir si les questions soulevées sont analogues à celles déjà tranchées par la Cour dans des affaires précédentes –, les modalités du redressement que le gouvernement défendeur entend offrir au requérant et la question de savoir si ces modalités permettent ou non d’effacer les conséquences d’une violation alléguée.

21.  Si la Cour est satisfaite des réponses apportées aux questions ci‑dessus, elle vérifie que les conditions énoncées à l’article 37 § 1 c) et à l’article 37 § 1 in fine de la Convention sont remplies (à savoir, qu’il ne se justifie plus de poursuivre l’examen de tout ou partie de la requête et que le respect des droits de l’homme n’exige pas qu’elle poursuive l’examen de la requête). Si ces conditions sont réunies, elle décide alors de rayer du rôle tout ou partie de la requête.

  1. L’application au cas d’espèce

22.  En l’espèce, la Cour examinera en premier lieu les concessions que renferme la déclaration unilatérale du Gouvernement – à savoir la reconnaissance d’une violation de la Convention et l’engagement de verser une réparation adéquate pour cette violation – ainsi que l’existence d’une jurisprudence établie, puis, en deuxième lieu, les modalités de redressement offertes au requérant de nature à effacer les conséquences de la violation reconnue (voir paragraphe 20 ci-dessus). En troisième lieu, elle s’assurera que les conditions énoncées au paragraphe 21 ci-dessus sont remplies.

23.  En premier lieu, la Cour relève que, dans sa déclaration unilatérale, le Gouvernement reconnaît que le requérant a été victime d’une atteinte au principe de sécurité juridique au sens de l’article 6 § 1 de la Convention (voir paragraphe 12 ci-dessus) et propose, en conséquence, de lui verser la somme globale de 7 200 EUR. La Cour relève que les questions soulevées par la requête sont proches de celles qu’elle a examinées notamment dans Gök et autres c. Turquie (nos 71867/01 et 3 autres, §§ 57 à 62, 27 juillet 2006), Esertas c. Lituanie (no 50208/06, §§ 23 à 32, 31 mai 2012) et, plus particulièrement, dans Lungu et autres c. Roumanie (no 25129/06, §§ 37 à 48, 21 octobre 2014). La présente affaire s’inscrit donc dans le cadre d’une jurisprudence bien établie de la Cour. Elle constate par ailleurs que le montant de la réparation proposée est analogue à ceux alloués dans des affaires similaires.

24.  En deuxième lieu, il revient à la Cour de rechercher si la possibilité de demander la réouverture de la procédure pénale constitue une forme de redressement approprié dans les circonstances de l’espèce et si cette possibilité est bien prévue dans le cas d’une décision de radiation par la Cour sur la base d’une déclaration unilatérale (voir, en ce sens, Aviakompaniya A.T.I., ZAT c. Ukraine, no 1006/07, § 34, 5 octobre 2017, et Igranov et autres c. Russie, no 42399/13 et 8 autres, § 24, 20 mars 2018).

25.  La Cour rappelle que lorsqu’un particulier a été condamné à l’issue d’une procédure entachée de manquements aux exigences de l’article 6 de la Convention, un nouveau procès ou une réouverture de la procédure à la demande de l’intéressé représente en principe un moyen approprié de redresser la violation constatée (voir, notamment, Moreira Ferreira c. Portugal (no 2) [GC], no 19867/12, §§ 50 et 52, 11 juillet 2017).

26.  Reste à vérifier si une décision de radiation du rôle prise à la suite d’une déclaration amiable du Gouvernement permet ou non au requérant de demander la réouverture de la procédure pénale. À défaut, la Cour peut rejeter la déclaration amiable et poursuivre l’examen de la requête (voir, parmi d’autres, Hakimi c. Belgique, no 665/08, §§ 29 à 30, 29 juin 2010, Dridi c. Allemagne, no 35778/11, §§ 24 et 26, 26 juillet 2018, et Romić et autres c. Croatie, no 22238/13 et 6 autres, §§ 83, 85 et 87, 14 mai 2020).

27.  Dans son arrêt Dumenil c. France (no 63418/13, § 17, 24 juin 2021), la Cour n’avait pas estimé opportun de rayer l’affaire du rôle sur la seule base de la déclaration unilatérale du Gouvernement après avoir relevé, avec les parties, que seul un arrêt prononcé en violation de la Convention, et non une décision de radiation, aurait permis, en l’état du droit et des pratiques alors applicables, au requérant de demander le réexamen de sa condamnation pénale.

28.  La Cour prend acte, ainsi que l’y invite le Gouvernement (voir paragraphe 17 ci-dessus), de l’évolution de l’interprétation de l’article 622-1 du code de procédure pénale retenue par les juridictions internes. Il résulte en effet des décisions précitées tant de la Cour de révision et de réexamen que de la Cour de cassation (voir paragraphes 8 et 9 ci-dessus) qu’est désormais ouverte la possibilité d’obtenir la réouverture d’une procédure pénale sur le fondement d’une décision par laquelle la Cour a rayé une affaire du rôle après acceptation d’une déclaration unilatérale (voir en ce sens, s’agissant de la possibilité de demander l’ouverture d’une enquête pénale après une déclaration unilatérale, Şeker et autres c. Turquie (déc.), no 58175/10, § 15, 18 décembre 2018). Dans ces conditions, la Cour considère que les modalités de redressement désormais offertes au requérant sont de nature à lui permettre d’obtenir l’effacement des conséquences de la violation reconnue tant en ce qui concerne la condamnation pénale que l’action civile (voir article 626-1 du code de procédure pénale, paragraphe 7 ci-dessus).

29.  Eu égard aux concessions que renferme la déclaration du Gouvernement, ainsi qu’au montant de l’indemnisation proposée, et à la possibilité pour le requérant d’obtenir, à la suite d’une demande de réouverture de la procédure pénale, le réexamen de son affaire au niveau interne, la Cour considère qu’il ne se justifie plus de poursuivre l’examen de la requête (article 37 § 1 c)).

30.  En troisième lieu, s’agissant des conditions énumérées au paragraphe 21 ci-dessus, la Cour considère que le respect des droits de l’homme garantis par la Convention et ses Protocoles n’exige pas par ailleurs qu’elle poursuive l’examen de la requête (article 37 § 1 in fine).

31.  Enfin, la Cour souligne que, dans le cas où l’État défendeur ne respecterait pas les termes de sa déclaration unilatérale, la requête pourrait être réinscrite au rôle en vertu de l’article 37 § 2 de la Convention (Josipović c. Serbie (déc.), no 18369/07, 4 mars 2008).

32.  Selon l’article 43 § 4 du règlement de la Cour, lorsqu’une requête est rayée du rôle en vertu de l’article 37 de la Convention, les dépens sont laissés à l’appréciation de la Cour (voir, par exemple, Union des Témoins de Jéhovah et autres c. Géorgie (déc.), no 72874/01, § 33, 21 avril 2015, et Meriakri c. Moldova (radiation), no 53487/99, § 33, 1er mars 2005). En l’espèce, compte tenu des documents dont elle dispose et eu égard à sa jurisprudence, la Cour décide d’accorder au requérant la somme de 12 000 EUR au titre des frais et dépens.

33.  Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de rayer cette requête du rôle.

Berlusconi c. Italie du 27 novembre 2018 requête n° 58428/13

L’affaire Berlusconi est rayée du rôle

M. Berlusconi alléguait notamment que l’application du décret législatif n° 235/2012, ayant abouti à la déclaration d’invalidation de son élection par le sénat, consécutive à l’interdiction de se porter candidat aux élections à la suite de sa condamnation pour fraude fiscale, avait enfreint l’article 7 (pas de peine sans loi), l’article 3 du Protocole n° 1 (droit à des élections libres) et l’article 13 (droit à un recours effectif) de la Convention. Compte tenu de l’ensemble des faits de la cause et en particulier de la réhabilitation du requérant intervenue le 11 mai 2018, ainsi que de son souhait de retirer sa requête, la Cour conclut qu’aucune circonstance spéciale touchant au respect des droits de l’homme n’exige la poursuite de l’examen de l’affaire en vertu de l’article 37 § 1. Elle décide de rayer l’affaire du rôle.

LES FAITS

56. Invoquant l’article 7 de la Convention, le requérant alléguait que l’application du décret législatif no 235/2012, qui avait eu pour effets de lui interdire de se porter candidat aux élections et de le déchoir de son mandat de sénateur à la suite de sa condamnation définitive pour fraude fiscale, avait enfreint les principes de légalité, de prévisibilité, de proportionnalité et de non-rétroactivité des sanctions pénales.

57. S’appuyant sur l’article 3 du Protocole no 1, il estimait ensuite que l’interdiction prévue par ledit décret législatif ne respectait pas les principes de légalité et de proportionnalité au but poursuivi, en violation de son droit à exercer son mandat électif et au mépris de l’espérance légitime du corps électoral de le voir accomplir le mandat de sénateur.

58. En outre, le requérant considérait que l’absence en droit interne d’un recours accessible et effectif permettant de contester la compatibilité du décret législatif no 235/2012 avec la Convention ainsi que la décision du Sénat du 27 novembre 2013 était contraire à l’article 13 de la Convention.

59. Le requérant alléguait également la violation de l’article 3 du Protocole no 1 combiné avec l’article 14, sans en expliquer les motifs dans sa requête introductive. Par la suite, dans son mémoire du 31 juillet 2017, le requérant a indiqué qu’il lui fallait subir l’interdiction de se porter candidat aux élections pendant six ans au même titre qu’un individu qui se serait vu infliger une interdiction d’exercer des fonctions publiques plus sévère que la sienne, par exemple perpétuelle ou d’une durée de trois ans. Il en inférait que le décret législatif en question portait atteinte à l’article 3 du Protocole no 1 combiné avec l’article 14 de la Convention.

60. Dans une lettre du 7 mai 2014, à la suite du dépôt, le 18 mars 2014, de l’arrêt par lequel la Cour de cassation avait confirmé la peine accessoire de l’interdiction temporaire d’exercer des fonctions publiques, le requérant a soulevé deux nouveaux griefs sur le terrain de l’article 4 du Protocole no 7 et de l’article 6 § 1 de la Convention.

EN DROIT

Sur la demande de radiation du rôle

61. Le 27 juillet 2018, le requérant a informé la Cour de son intention de ne plus maintenir sa requête et a demandé que celle-ci fût rayée du rôle. Il soutient notamment qu’en raison de sa réhabilitation (paragraphe 40 ci‑dessus), la décision de la Cour sur sa requête n’aurait aucun effet utile compte tenu de la levée de l’interdiction de se porter candidat aux élections et de ce qu’aucune réparation adéquate ne saurait être obtenue, ni pour l’incandidabilità ni pour la perte du mandat de sénateur. Il demande à la Cour de rayer l’affaire du rôle en application de l’article 37 § 1 a) et b) de la Convention.

62. Le 10 août 2018, le Gouvernement a indiqué qu’il s’en remettait à la décision de la Cour.

63. L’article 37 § 1 de la Convention se lit comme suit :

« À tout moment de la procédure, la Cour peut décider de rayer une requête du rôle lorsque les circonstances permettent de conclure

a) que le requérant n’entend plus la maintenir ; ou

b) que le litige a été résolu ; ou

c) que, pour tout autre motif dont la Cour constate l’existence, il ne se justifie plus de poursuivre l’examen de la requête.

Toutefois, la Cour poursuit l’examen de la requête si le respect des droits de l’homme garantis par la Convention et ses Protocoles l’exige. »

64. La Cour note que le requérant a explicitement déclaré ne pas vouloir maintenir sa requête, au sens de l’article 37 § 1 a) de la Convention.

65. Elle estime que le souhait du requérant de renoncer à la procédure engagée devant la Cour est établi de manière non équivoque (Association SOS Attentats et de Boëry c. France [GC], (déc.), no 76642/01, § 30, CEDH 2006‑XIV). Conformément à l’article 37 § 1 a) de la Convention, la Cour conclut que le requérant n’entend plus maintenir sa requête.

66. Par conséquent, il n’y a pas lieu de rechercher si le litige a été résolu au sens de l’article 37 § 1 b) de la Convention.

67. Il reste à déterminer s’il existe des circonstances spéciales touchant au respect des droits de l’homme garantis par la Convention et ses Protocoles qui exigent la poursuite de l’examen de la requête (article 37 § 1 in fine).

68. Pour déterminer s’il y a lieu de poursuivre l’examen d’une requête conformément à l’article 37 § 1 in fine, la Cour prend en compte, entre autres, la question de savoir si l’affaire soulève d’importantes questions qui permettraient de clarifier, sauvegarder et développer les normes de protection prévues par la Convention (Konstantin Markin c. Russie [GC], no 30078/06, §§ 89-90, CEDH 2012 (extraits)) ou si l’affaire, par son impact, dépasse la situation particulière du requérant (F.G. c. Suède [GC], no 43611/11, §§ 81-82, 23 mars 2016, et, a contrario, Khan c. Allemagne [GC] (radiation), no 38030/12, § 40, 21 septembre 2016).

69. Compte tenu de l’ensemble des faits de la cause, et en particulier de la réhabilitation du requérant intervenue le 11 mai 2018 (paragraphe 39 ci‑dessus) et du souhait clair de celui-ci de retirer sa requête, la Cour conclut qu’aucune circonstance spéciale touchant au respect des droits de l’homme n’exige la poursuite de l’examen de la présente affaire en vertu de l’article 37 § 1 in fine.

70. Il y a donc lieu de rayer l’affaire du rôle.

Grande Chambre

S.J. c. BELGIQUE, arrêt du 19 mars 2015, requête 70055/10

3.  La requérante alléguait que son éloignement au Nigéria l’exposerait à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention et porterait atteinte au droit au respect de sa vie privée et de sa vie familiale tel que garanti par l’article 8 de la Convention. Elle se plaignait aussi de l’absence de recours effectif au sens de l’article 13 de la Convention.

56.  Le 26 août 2014, la Cour a reçu du Gouvernement une proposition de règlement amiable formulée en ces termes: « Le cas de la requérante est (...) marqué par de fortes considérations humanitaires militant en faveur d’une régularisation de son séjour et de celui de ses enfants sur base de l’article 9 bis de la loi du 15 décembre 1980 sur les étrangers. »

57.  Le 11 septembre 2014, la Cour a reçu de la requérante la réponse suivante :

« [La requérante] a décidé d’accepter la proposition de l’État belge sous conditions.

Premièrement, que le séjour soit illimité et sans conditions pour elle et ses 3 enfants.

Deuxièmement : [elle] demande aussi une compensation pour le dommage moral et matériel qu’elle a subi du fait de la décision de l’État belge de considérer sa demande de régularisation sur la base de l’article 9ter de la loi sur les étrangers comme étant non-fondée et de l’ordre de quitter le territoire.

[Un] montant de 7 000 euros ex aequo et bono peut couvrir les souffrances que la [requérante] a subies à la suite des décisions de l’État belge.

Troisièmement : [la requérante] ne marque son accord avec une radiation de l’affaire du rôle de la Cour qu’après avoir reçu le permis de séjour en mains propres.

(...) »

58.  Le 17 septembre 2014, le Gouvernement a informé la Cour qu’il acceptait les conditions mises par la requérante. Il a précisé que la requérante et ses enfants feraient l’objet d’une régularisation immédiate et sans condition pour une durée indéterminée.

59.  La Cour note que, le 6 janvier 2015, la requérante et ses enfants ont été mis en possession d’une autorisation de séjour à durée indéterminée.

60.  En outre, la Cour considère que le règlement s’inspire du respect des droits de l’homme tels que les reconnaissent la Convention et ses Protocoles (articles 37 § 1 in fine de la Convention et 62 § 3 du règlement).

61.  Partant, il y a lieu de rayer l’affaire du rôle, par application de l’article 39 § 3 de la Convention.

GRANDE CHAMBRE WH C. Suède du 8 avril 2015 requête 49341/10

Affaire rayée du rôle, le Gouvernement a donné un titre de séjour à la requérante.

26.  La requérante allègue que son renvoi en Irak emporterait violation de l’article 3 de la Convention, qui est ainsi libellé :

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

27.  Le gouvernement défendeur estime qu’il y a lieu de rayer l’affaire du rôle dès lors que la requérante, depuis la décision de l’office des migrations du 15 octobre 2014, ne risque plus d’être expulsée vers l’Irak. À titre subsidiaire, il considère que la requête doit être déclarée irrecevable, l’intéressée ne pouvant plus selon lui se prétendre victime.

28.  La requérante indique qu’elle ne souhaite pas maintenir sa requête et ne s’oppose pas à ce que la Cour la raye du rôle. Elle déclare qu’elle a obtenu ce qu’elle souhaitait en saisissant la Cour et que pour elle le litige est définitivement résolu.

29.  La Cour note que la requérante a obtenu un permis de séjour permanent en Suède. Dès lors, elle estime que le litige a été résolu au sens de l’article 37 § 1 b) de la Convention. Elle tient compte également du fait que l’intéressée n’entend plus maintenir sa requête (article 37 § 1 a)). Elle ne décèle par ailleurs pas de circonstances spéciales touchant au respect des droits de l’homme garantis par la Convention et ses Protocoles qui exigeraient qu’elle poursuive l’examen de la requête (article 37 § 1 in fine).

30.  En conséquence, il convient de rayer la requête du rôle.

GRANDE CHAMBRE ME C. Suède du 8 avril 2015 requête 71398/12

Le requérant ne veut pas retirer sa requête alors qu'il a obtenu ses papiers en droit interne. La CEDH la raye du rôle.

31.  L’article 37 § 1 de la Convention énonce :

« 1.  À tout moment de la procédure, la Cour peut décider de rayer une requête du rôle lorsque les circonstances permettent de conclure

a)  que le requérant n’entend plus la maintenir; ou

b)  que le litige a été résolu; ou

c)  que, pour tout autre motif dont la Cour constate l’existence, il ne se justifie plus de poursuivre l’examen de la requête.

Toutefois, la Cour poursuit l’examen de la requête si le respect des droits de l’homme garantis par la Convention et ses Protocoles l’exige. »

32.  La Cour observe d’emblée que, conformément à sa jurisprudence constante dans les affaires concernant l’expulsion d’un requérant d’un État défendeur, elle considère, dès lors que l’intéressé ne risque plus d’être expulsé de cet État, que l’affaire a été résolue, et elle la raye de son rôle, que le requérant approuve ou non cette décision (voir, entre autres, Paez c. Suède, 30 octobre 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997‑VII, Sarwari c. Autriche (déc.), no 21662/10, 3 novembre 2011, M.A. c. Suède (déc.), no 28361/12, 19 novembre 2013, Isman c. Suisse (déc.), no 23604/11, 21 janvier 2014, O.G.O. c. Royaume-Uni (déc.), no 13950/12, 18 février 2014, et I.A. c Pays-Bas (déc.), no 76660/12, 27 mai 2014).

33.  La raison en est que la Cour a toujours envisagé la question sous l’angle d’une violation potentielle de la Convention, étant d’avis que la menace d’une violation disparaît de par la décision accordant au requérant le droit de séjour dans l’État défendeur en cause (Paez, précité, § 29). Suivant cette approche, elle a conclu dans des affaires antérieures que l’article 3 ne serait pas violé dès lors que le requérant ne courait plus un risque réel et imminent d’être expulsé (voir, par exemple, A.G. c. Suède (déc.), no 22107/08, 6 décembre 2011, et H c. Norvège (déc.) no 51666/13, 17 février 2015).

34.  En l’espèce, la Cour relève qu’aucun règlement amiable ou arrangement n’est intervenu. La mesure d’octroi d’un permis de séjour permanent au requérant, qui a annulé effectivement l’arrêté d’expulsion, a été prise par l’office des migrations de son propre chef le 17 décembre 2014, essentiellement en raison de la détérioration des conditions de sécurité en Libye depuis l’été 2014, ainsi qu’il est exposé dans l’avis juridique concernant la situation en Libye rendu par le directeur général de l’office des migrations le 4 novembre 2014 (paragraphes 24-25 ci‑dessus). Il y a lieu de noter en outre que, pour autant que la requête a été déclarée recevable, le grief initial soulevé par le requérant au regard de la Convention concernait ses craintes que son expulsion vers la Libye l’exposât à des mauvais traitements contraires à l’article 3 de la Convention. Cette menace de violation a été éliminée par la décision de l’office des migrations du 17 décembre 2014 annulant l’arrêté d’expulsion – dont l’exécution avait été suspendue pendant la procédure – et octroyant à l’intéressé un permis de séjour permanent en Suède.

35.  Dès lors, conformément à sa jurisprudence exposée ci-dessus, la Cour estime que le litige a été résolu au sens de l’article 37 § 1 b) de la Convention.

36.  Contrairement à ce qu’avance le requérant, lors de l’examen de cette question, la Cour n’est pas tenue de rechercher rétrospectivement s’il existait un risque réel engageant la responsabilité de l’État défendeur au regard de l’article 3 de la Convention lorsque les autorités suédoises de l’immigration ont refusé les demandes d’asile du requérant ou lorsque la chambre a adopté son arrêt. Il s’agit certes de faits historiques mais ils ne permettent pas d’éclairer la situation actuelle du requérant, dans laquelle le risque en cause a disparu ; cette dernière circonstance est déterminante pour le constat de la Cour que le litige a été résolu (voir, mutatis mutandis, Saadi c. Italie [GC], no 37201/06, § 133, CEDH 2008).

37.  En ce qui concerne l’argument du requérant selon lequel il existe des circonstances spéciales touchant au respect des droits de l’homme garantis par la Convention et ses Protocoles qui exigent la poursuite de l’examen de l’affaire (article 37 § 1 in fine), la Cour note que dans sa décision du 17 décembre 2014 l’office des migrations a pris en compte l’orientation sexuelle du requérant. L’office a estimé que l’intéressé avait besoin de protection en Suède car la détérioration des conditions de sécurité dans son pays d’origine l’exposerait au risque d’être persécuté puisqu’il vivait ouvertement son homosexualité et que l’on pouvait penser qu’il continuerait à vivre ainsi à son retour dans ce pays. Dans ces conditions, la Cour ne décèle aucune circonstance spéciale touchant au respect des droits de l’homme garantis par la Convention et ses Protocoles qui exigerait qu’elle poursuive l’examen de la requête.

38.  En conséquence, il convient de rayer la requête du rôle.

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DEMANDE DE MESURE PROVISOIRE

L'article 39 du règlement de la CEDH prévoit :

« 1. La chambre ou, le cas échéant, le président de la section ou un juge de permanence désigné conformément au paragraphe 4 du présent article peuvent, soit à la demande d’une partie ou de toute autre personne intéressée, soit d’office, indiquer aux parties toute mesure provisoire qu’ils estiment devoir être adoptée dans l’intérêt des parties ou du bon déroulement de la procédure.

2. Le cas échéant, le Comité des Ministres [du Conseil de l’Europe] est immédiatement informé des mesures adoptées dans une affaire.

3. La chambre ou, le cas échéant, le président de la section ou un juge de permanence désigné conformément au paragraphe 4 du présent article peuvent inviter les parties à lui fournir des informations sur toute question relative à la mise en œuvre des mesures provisoires indiquées.

4. Le président de la Cour peut désigner des vice-présidents de section comme juges de permanence pour statuer sur les demandes de mesures provisoires. »

LES DEMANDES DE MESURES PROVISOIRES NE CONCERNENT QUE LES REQUÊTES AU SENS DE L'ARTICLE 3 OU 8

MESURES PROVISOIRES ARTICLE 39 DU RÈGLEMENT

MESURES PROVISOIRES POUR ALEKSEY NAVALNYY FINALEMENT SUIVIES PAR LA RUSSIE

Aleksey Navalnyy est le principal opposant au Kremlin. Ses soutiens restent persuadés qu’il a été victime d’un empoisonnement, lors d'un voyage en avion.

Aleksey Navalnyy et son épouse Yulia Navalnaya

Le 21 août 2020, la Cour européenne des droits de l’homme a fait droit à une demande de mesures provisoires au nom d’Aleksey Navalnyy, indiquant au gouvernement russe de permettre à sa famille et à ses médecins de le consulter et de voir s’il est en condition à être transféré en Allemagne pour y être soigné.

La CEDH, après avoir reçu une demande au nom de M. Navalnyy par son représentant légal en vertu de l’article 39 du règlement de la Cour relatif aux mesures provisoires, a décidé d’indiquer au gouvernement russe les mesures provisoires suivantes, à mettre en œuvre sans délai, et en tout cas avant le 22 août 2020 à midi :

- de veiller à ce que la famille du requérant (épouse) ait accès à son dossier médical à l’hôpital d’Omsk,

- de veiller à ce que les médecins désignés par la famille du requérant aient accès à celui-ci afin de l’examiner et de conclure si le requérant peut être transféré pour un traitement en Allemagne,

- d’informer la Cour du traitement médical que le requérant reçoit, le cas échéant, et de son état actuel, en soumettant à la Cour une copie du dossier médical du demandeur.

La CEDH a également demandé aux deux parties pour le 24 août à 14H00 (heure française) un rapport de médecins ayant l’expertise nécessaire sur l’aptitude du requérant à être transporté en Allemagne, le cas échéant dans un avion médicalement équipé.

La CEDH a également demandé au gouvernement de lui soumettre une copie du dossier médical du requérant dans le même délai.

Selon la demande de mesures provisoires, M. Navalnyy est dans le coma sous ventilation dans un hôpital de la ville d’Omsk après être tombé malade lors d’un vol aérien. La demande de mesures provisoires a pour but d’obtenir que M. Navalnyy soit autorisé à être transporté à l’hôpital de la Charité à Berlin pour y être soigné, car il y a un risque de danger pour sa vie ou sa santé, en violation de l’article 2 (droit à la vie) de la Convention européenne des droits de l’homme.

Les responsables de l’hôpital sibérien d’Omsk, où Navalny avait été admis en urgence jeudi 20 août 2020, après avoir fait un malaise dans un avion à destination de Moscou, avaient d’abord affirmé que l’état du patient ne permettait pas de le transporter. Le refus initial des médecins a poussé l’épouse de l’opposant, Yulia Navalnaya, à écrire à Vladimir Poutine pour plaider en faveur de l’évacuation de son mari, qui “requiert une assistance médicale qualifiée”.

Après une journée de valse-hésitation, les médecins et autorités russes ont finalement autorisé l’évacuation d’Alexeï Navalny vers l’Allemagne pour y être soigné.

Vendredi 21 août 2021, sous la pression de la CEDH, “le chef adjoint de l’hôpital Anatoly Kalinichenko a informé les journalistes réunis devant l’établissement que l’état de santé de l’opposant au Kremlin était désormais suffisamment stable pour qu’il puisse voyager”.

Navalny s’est envolé samedi 22 août 2021 pour Berlin, peu après 8 heures locales, à bord d’un vol affrété par l’ONG allemande Cinema for Peace.

Si l’équipe médicale d’Omsk a écarté l’empoisonnement au profit d’une simple crise d’hypoglycémie, la police locale a précisé avoir trouvé sur Navalny des traces d’un “agent chimique industriel” utilisé pour accroître l’élasticité des plastiques. Ces traces pourraient être la conséquence “d’un contact avec un verre en plastique”, ont précisé les inspecteurs.

Mais pour les soutiens de Navalny, “les déclarations contraires et les changements de d’avis des docteurs indiquent une pression des autorités, qui espèrent que les toxines auront quitté son organisme avant que les médecins allemands puissent l’examiner”, observe The Moscow Times.

Le 24 août 2020, la CEDH a décidé de lever les mesures provisoires, qui ont été accordées en vertu de l'article 39 du règlement de la Cour, après que M. Navalnyy a été transporté par avion samedi matin pour être soigné à l'hôpital de la Charité à Berlin. Les médecins allemands déclarent que «les résultats cliniques indiquent une intoxication par une substance du groupe des inhibiteurs de la cholinestérase». Il a été placé dans le coma. Ses jours ne sont pas en danger mais il risque d'avoir des séquelles à vie.

LA CEDH PROTEGE LES FAUTES DES MAGISTRATS

ET FERME LA PORTE AUX JURIDICTIONS DE L'ONU

Le justiciable, surtout en France a un chemin balisé vers la CEDH. Cependant, la CEDH protège les magistrats en Europe car ils sont pourchassés surtout dans les Etats de l'Est de l'Europe et en Turquie. En ce sens les magistrats belges et français profitent de cette protection contre leurs fautes.

Si la CEDH répond par une lettre type qui comporte ce type de formule : "il n'y a pas d'apparence de violation des droits au sens de l'article 35". Il est alors considéré que la CEDH a répondu au fond et les comités près du OHCHR ne peuvent plus être saisis.

Voici l'exemple de l'affaire Bogne qui s'est présenté et défendu seul devant la CEDH puis devant le CDH

La CEDH rend une décision d'irrecevabilité par un juge unique qui motive :

"... les faits dénoncés ne révèlent aucune apparence de violation des Droits et Libertés énumérés dans la Convention et ses Protocoles. Il s'ensuit que ces allégations sont manifestement mal fondées au sens de l'article 35 § 3 a) de la Convention"

Le requérant saisit alors le Comité des Droits de l'Homme près du OHCHR de l'ONU qui répond :

"Veuillez noter qu'à la lumière de La procédure mise en oeuvre par la Cour Européenne des Droits de l'Homme depuis 2017 (il s'agit de la procédure de la CEDH dite "anti-Fabre qui saisissait d'abord la CEDH puis le CDH) le Comité des droits de l'homme conclut que les décisions du juge unique de la CEDH, selon lesquelles les griefs ne révèlent aucune apparence de violation des droits et des libertés garanties par la Convention ou ses protocoles, vont au delà d'un examen purement procédurale des critères de recevabilité."

Le rapport de l'European Centre for Law & Justice (EC & LJ) à lire ici au format PDF, constate que les cas de conflits d'intérêts entre juges de la CEDH et ONG ont augmenté, même si la CEDH a adopté quelques mesures pour y remédier. Ce rapport expose aussi une série de problèmes structurels affectant l'impartialité de la CEDH et démontre que celle-ci n'est pas à la hauteur des standards des autres grandes juridictions internationales et nationales. Je le dis depuis 2010 et la Présidence du français Jean Paul Costa entre 2007 et 2011, décédé le 27 avril 2023. Depuis sa présidence, la France est protégée par la CEDH. L'ONU est une solution alternative. Afin de soutenir le processus de réforme de la CEDH, ce rapport présente une série de recommandations visant à résoudre les problèmes identifiés.

Un exemple de protection des magistrats français par la CEDH est l'arrêt Diémert c. FRANCE du 30 mars 2023

Dans cet arrêt la Cour d'Appel renvoie à une audience de plus de cinq mois, alors qu'en matière de diffamation, pour protéger le principe de la liberté d'expression, l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse, prévoit que passé le délai de trois mois entre chaque acte, il y a prescription.

La CEDH reconnaît une faute des magistrats français dans leur audience, mais reproche au requérant de ne pas l'avoir signalé à l'audience alors qu'il est juriste. Elle lui reproche aussi de en pas avoir réassigner son adversaire devant la Cour d'Appel à une date plus reprochée. Comment faire pour assigner, quand le greffe de la Cour d'Appel déclare qu'il n'y a pas d'audience plus proche ?

La CEDH peut conclure :

"48. Dans ces conditions, et en dépit de la négligence dont la cour d’appel de Papeete a fait preuve en matière d’audiencement, la Cour juge que le requérant n’a pas eu à supporter une charge procédurale excessive."

Voici les motivations de l'arrêt Diémert contre France :    

DIÉMERT c. FRANCE du 30 mars 2023 Requête no 71244/17

6 § 1 (pénal) • Accès à un tribunal en matière de diffamation • Constat de la prescription de l’action indemnitaire du requérant en cours d’instance d’appel l’ayant privé d’un examen au fond sans lui faire supporter une charge procédurale excessive (en dépit de la négligence de la cour d’appel en matière d’audiencement)

40.  La Cour note que le requérant ne conteste ni le principe ni la brièveté du délai de prescription litigieux. Il se plaint d’une application excessivement formaliste de son devoir de surveillance de la procédure, et fait valoir, plus largement, que la déclaration d’appel devrait avoir pour effet de suspendre la prescription (paragraphe 31 ci-dessus). À cet égard, la Cour rappelle que les délais de péremption ou de prescription figurent parmi les restrictions légitimes au droit à un tribunal (Sanofi Pasteur c. France, no 25137/16, § 50, 13 février 2020). Elle réaffirme ensuite que les États contractants jouissent d’une certaine marge d’appréciation dans l’élaboration de la réglementation relative à l’accès aux tribunaux. La Cour n’a pas qualité pour substituer à l’appréciation des autorités nationales une autre appréciation de ce qui pourrait être la meilleure politique en la matière. En revanche, il lui appartient de statuer en dernier ressort sur le respect des exigences de la Convention (Zubac, précité, § 78).

42.  S’agissant d’une part du rôle joué par la cour d’appel de Papeete, la Cour relève que le droit interne confère aux décisions de renvoi prises par la juridiction de jugement un effet interruptif de prescription (paragraphe 24 ci-dessus) et qu’il impose à celle-ci de fixer la date de renvoi en déterminant l’audience à laquelle l’affaire pourra utilement être examinée (paragraphe 17 ci-dessus). Or, à l’audience du 9 octobre 2014, la cour d’appel a reporté l’examen de l’affaire à plus de trois mois, c’est-à-dire au-delà de l’échéance du délai de prescription (paragraphe 18 ci-dessus). Aux yeux de la Cour, la cour d’appel ne pouvait ignorer qu’une telle décision entraînerait la prescription. Elle estime donc que la date fixée n’était pas une « date utile » au sens du droit interne, et que l’audiencement de l’affaire procède d’un dysfonctionnement du service public de la justice.

43.  S’agissant d’autre part du rôle joué par le requérant, la Cour rappelle que le droit interne lui imposait de surveiller le déroulement de la procédure et de veiller à ce que son action en justice, toujours pendante, échappe à la prescription (paragraphe 22 ci-dessus). Or, la décision de renvoi du 9 octobre 2014 a été prononcée contradictoirement, de sorte que le requérant pouvait effectivement faire citer son contradicteur à l’une des audiences de la cour d’appel pour interrompre la prescription. Les juridictions internes ont donc pu considérer que celui-ci avait manqué à son devoir de surveillance sans que cette conclusion puisse passer pour arbitraire ou déraisonnable.

44.  La Cour en conclut que la cour d’appel de Papeete et le requérant ont tous deux contribué à l’acquisition de la prescription. En pareilles circonstances, pour déterminer si le requérant a dû supporter une charge procédurale excessive, la Cour doit tenir compte de toutes les circonstances de l’affaire, considérée dans son ensemble, en recherchant en particulier i) si le requérant était assisté d’un avocat et s’il a agi avec la diligence requise, ii) si les erreurs commises auraient pu être évitées dès le début, iii) et si les erreurs sont principalement ou objectivement imputables au requérant ou aux autorités compétentes (Zubac, précité, §§ 91-95).

45.  À cet égard, la Cour constate en premier lieu que le requérant a été assisté par un avocat spécialisé en droit pénal devant la cour d’appel et qu’il est lui‑même un professionnel du droit. Elle estime donc qu’il ne pouvait ignorer l’étendue de ses obligations procédurales. La Cour remarque que le requérant est à l’origine des poursuites pénales engagées à l’encontre de M. Tuheiava, et elle admet que cette circonstance peut lui conférer une responsabilité particulière dans la conduite de l’instance.

46.  En deuxième lieu, elle observe que l’avocat du requérant aurait pu présenter des observations sur la demande de renvoi présentée par le prévenu à l’audience du 9 octobre 2014 ou interpeller la juridiction sur le problème lié à la fixation par les juges d’une date d’audience entraînant prescription. Or, il ne résulte pas des documents produits devant la Cour qu’il ait fait usage de cette faculté. Au contraire, le requérant reconnaît dans ses observations que son avocat s’est « [laissé] surprendre par la prescription ».

47.  En troisième lieu, la Cour souligne que le requérant a eu connaissance de la date de renvoi dès le 9 octobre 2014 et qu’il a disposé d’un délai de trois mois pour faire délivrer aux parties une citation à comparaître à une autre audience. Elle considère que cette formalité procédurale, bien qu’étant nécessairement de nature à générer un coût supplémentaire pour le requérant, était simple et accessible. À cet égard, la Cour rappelle que droits procéduraux et obligations procédurales vont normalement de pair et que les parties sont tenues d’accomplir avec diligence les actes de procédure relatifs à leur affaire (Zubac, précité, § 93, et, par exemple, Clinique Sainte Marie, décision précitée).

48.  Dans ces conditions, et en dépit de la négligence dont la cour d’appel de Papeete a fait preuve en matière d’audiencement, la Cour juge que le requérant n’a pas eu à supporter une charge procédurale excessive.

LA DECLARATION UNILATERALE DU GOUVERNEMENT FRANCAIS LUI PERMET DE NE PAS SE FAIRE CONDAMNER A LA CEDH

Gérard STASSART contre la France décision du 4 mai 2023 requête n° 79356/17

18.  La Cour rappelle que l’article 37 § 1 c) de la Convention lui permet de rayer une affaire du rôle si :

« (...) pour tout autre motif dont [elle] constate l’existence, il ne se justifie plus de poursuivre l’examen de la requête ».

19.  Ainsi, en vertu de cette disposition, la Cour peut rayer des requêtes du rôle sur le fondement d’une déclaration unilatérale du gouvernement défendeur, même si les requérants souhaitent que l’examen de leur affaire se poursuive (voir, en particulier, l’arrêt Tahsin Acar c. Turquie (question préliminaire) [GC], no 26307/95, §§ 75‑77, CEDH 2003‑VI).

21.  Si la Cour est satisfaite des réponses apportées aux questions ci‑dessus, elle vérifie que les conditions énoncées à l’article 37 § 1 c) et à l’article 37 § 1 in fine de la Convention sont remplies (à savoir, qu’il ne se justifie plus de poursuivre l’examen de tout ou partie de la requête et que le respect des droits de l’homme n’exige pas qu’elle poursuive l’examen de la requête). Si ces conditions sont réunies, elle décide alors de rayer du rôle tout ou partie de la requête.

  1. L’application au cas d’espèce

23.  En premier lieu, la Cour relève que, dans sa déclaration unilatérale, le Gouvernement reconnaît que le requérant a été victime d’une atteinte au principe de sécurité juridique au sens de l’article 6 § 1 de la Convention

27.  Dans son arrêt Dumenil c. France (no 63418/13, § 17, 24 juin 2021), la Cour n’avait pas estimé opportun de rayer l’affaire du rôle sur la seule base de la déclaration unilatérale du Gouvernement après avoir relevé, avec les parties, que seul un arrêt prononcé en violation de la Convention, et non une décision de radiation, aurait permis, en l’état du droit et des pratiques alors applicables, au requérant de demander le réexamen de sa condamnation pénale.

29.  Eu égard aux concessions que renferme la déclaration du Gouvernement, ainsi qu’au montant de l’indemnisation proposée, et à la possibilité pour le requérant d’obtenir, à la suite d’une demande de réouverture de la procédure pénale, le réexamen de son affaire au niveau interne, la Cour considère qu’il ne se justifie plus de poursuivre l’examen de la requête (article 37 § 1 c)).

 

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