DÉLAI NON RAISONNABLE

D'UNE PROCÉDURE FRANÇAISE

ARTICLE 6-1 DE LA CEDH

Pour plus de sécurité, fbls délai non raisonnable d'une procédure française est sur : https://www.fbls.net/6-1delai1.htm

"Le délai non raisonnable est qualifié de déni de justice en France."
Frédéric Fabre docteur en droit.

ARTICLE 6§1 en ses termes compatibles :

"Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue () dans un délai raisonnable, par un tribunal () qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien- fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle"

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- LE SCANDALE DE LA DURÉE DES PROCÉDURES DE LIQUIDATION JUDICIAIRE

- LE DÉLAI NON RAISONNABLE DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

- LE DÉLAI NON RAISONNABLE DES JURIDICTIONS JUDICIAIRES

- LES CAS OU LE REQUÉRANT PEUT SAISIR DIRECTEMENT LA CEDH.

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Nous pouvons analyser GRATUITEMENT et SANS AUCUN ENGAGEMENT vos griefs pour savoir s'ils sont susceptibles d'être recevables devant le parlement européen, la CEDH, le Haut Commissariat aux droits de l'homme, ou un autre organisme de règlement international de l'ONU. Contactez nous à fabre@fbls.net.

Si vos griefs semblent recevables, pour augmenter réellement et concrètement vos chances, vous pouvez nous demander de vous aider à rédiger votre requête, votre pétition ou votre communication individuelle.

Pour les français, pensez à nous contacter au moins au moment de votre appel, pour assurer l'épuisement des voies de recours et augmenter vos chances de réussite, devant les juridictions françaises ou internationales.

LE SCANDALE DE LA DURÉE

DES PROCÉDURES DE LIQUIDATION JUDICIAIRE

HISTORIQUE DU CHANGEMENT DE LA JURISPRUDENCE FRANÇAISE

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- LA JURISPRUDENCE CONTRE LE DELAI NON RAISONNABLE DES PROCEDURES DE LIQUIDATION JUDICIAIRE

- L'ARRÊT DU 16 DÉCEMBRE 2014 DE LA CHAMBRE COMMERCIALE DE LA COUR DE CASSATION

- LES CINQ REQUÊTES QUI MODIFIENT LE DROIT EN FRANCE EN FAVEUR DES DÉBITEURS

- LES CINQ DÉCISIONS DE LA CEDH négociées avec l'État français.

- L'ARRÊT HISTORIQUE INSUFFISANT POUR CHANGER LA JURISPRUDENCE FRANÇAISE

- LA JURISPRUDENCE DE LA CEDH TABOURET C. FRANCE

LA PROTECTION LIMITEE DES DEBITEURS DANS LE DROIT FRANCAIS

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- LA LOI ET LA JURISPRUDENCE DE LA COUR DE CASSATION FRANÇAISE PROTEGENT FAIBLEMENT LES DEBITEURS

- LE DROIT DE SUITE DES CREANCIERS

HISTORIQUE DU CHANGEMENT DE LA JURISPRUDENCE FRANÇAISE

LA JURISPRUDENCE CONTRE LE DELAI NON RAISONNABLE

Les opérations de liquidation judiciaire contre les personnes physiques, sont un véritable scandale. Sous l'apparence de légalité, elles permettent de ruiner des familles entières et de spolier les héritages des enfants, en laissant durer les procédures pendant 5, 7, 10, 15, 20 ou 25 ans. Pendant ce temps, le débiteur est privé de la gestion patrimoniale de ses biens et ne peut pas reconstruire sa vie. Il subit une "mort civile". Ce scandale est l'une des causes du chômage de masse en France.

QUE DEVEZ VOUS FAIRE SI VOUS SUBISSEZ UN DÉLAI NON RAISONNABLE D'UNE LIQUIDATION JUDICIAIRE ?

Quand la procédure de liquidation judiciaire subit un délai non raisonnable, vous avez droit à une réparation morale et matérielle et à une clôture immédiate de la procédure de liquidation judiciaire, même s'il reste encore des biens à vendre. Cependant la Cour de cassation s'y oppose avec la complicité de la CEDH qui fait tout pour ne pas répondre aux questions posées.

Vous pouvez agir vous-même, sans la nomination d'un administrateur ad hoc, puisqu'il s'agit d'un droit propre qui vous appartient.

Vous assignez Monsieur l'agent judiciaire de l'État devant le TGI près du tribunal qui gère la liquidation judiciaire ou devant le TGI de Paris, pour réclamer la réparation du préjudice matériel et moral pour cause de délai non raisonnable de la procédure de liquidation judiciaire.

Monsieur le Procureur de la République sera appelé par les juges. Vous demandez que le TGI lui impose de demander la clôture des opérations de liquidation judiciaire, pour cause de délai non raisonnable, à la juridiction qui gère la procédure de liquidation.

Si vous voulez contraindre le liquidateur judiciaire à demander la clôture des opérations de liquidation judiciaire, vous pouvez l'assigner devant le TGI.

La juridiction qui gère la liquidation judiciaire vous appellera, avant même la décision du TGI. Vous demandez la clôture en l'état, des opérations de liquidation judiciaire pour cause de délai non raisonnable. Le liquidateur judiciaire sera appelé par la juridiction.

Si la liquidation judiciaire est gérée par un TGI, vous pouvez faire les deux demandes devant le même TGI.

Vous pouvez nous contacter à fabre@fbls.net pour des informations complémentaires.

Le Gouvernement français nous a envoyé dans le cadre d'un échange devant un comité de l'ONU, les statistiques françaises de l'année 2018 :

9 recours ont été exercés devant les TGI, pour délai non raisonnable d'une procédure de liquidation judiciaire, 5 ont abouti à une condamnation de l'Etat dont 3 de chez nous. Nous avons donc participé à la bonne statistique de 55 % de taux de réussite.

LES SOURCES DU DROIT APPLICABLE :

PATRICE POULAIN

- Le 19 janvier 2017, l'arrêt de la Cour d'Appel de Douai prononce la clôture de la liquidation judiciaire pour délai non raisonnable de la procédure. Le requérant sauve une partie de son héritage.

- Le jugement du TGI de Paris en date du 29 octobre 2018 répare et indemnise le délai non raisonnable de la liquidation judiciaire personnelle de Monsieur Poulain. Il bénéficie de l'exécution provisoire.

- La décision de référence de la CEDH est directement ici sous le lien bleu des cinq décisions devant la CEDH.

TAVARES

- Le 18 juillet 2018, le Tribunal de Commerce d'Annecy a rendu une décision mettant fin en l'état à la procédure de liquidation judiciaire, pour cause de délai non raisonnable de la procédure. Le requérant sauve sa maison et un appartement pour pouvoir y finir sa vie et les transmettre à ses enfants.

- Le jugement du TGI de Paris en date du 29 octobre 2018, répare et indemnise le délai non raisonnable de la liquidation judiciaire personnelle de Monsieur Tavares. Il bénéficie de l'exécution provisoire et ne fera pas appel. L'agent judiciaire de l'État non plus

- La décision de référence de la CEDH est directement ici sous le lien bleu des cinq décisions devant la CEDH.

 

L'ARRÊT DEVENU EN PARTIE OBSOLÈTE DU 16 DÉCEMBRE 2014

PUIS A NOUVEAU REAPPLIQUE PAR LA CHAMBRE COMMERCIALE DE LA COUR DE CASSATION

HISTORIQUEMENT

La décision de la Cour de Cassation 16 décembre 2014, est des plus curieuses. Les débiteurs ont  un droit propre pour se faire indemniser pour le délai non raisonnable d'une procédure de liquidation judiciaire, mais ils ne peuvent pas exiger que la clôture des opérations de liquidation judiciaire. Cette dernière interdiction a été annulée par les procédures appliquées par Frédéric Fabre et fbls.net.

Cour de cassation chambre commerciale arrêt du 16 décembre 2014 pourvois n° 13-19402 Cassation

Vu l'article L. 643-9 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, ensemble les articles 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du protocole n° 1 additionnel à cette Convention ;

Attendu que, lorsqu'il existe un actif réalisable de nature à désintéresser en tout ou partie les créanciers, la violation du droit du débiteur à être jugé dans un délai raisonnable et de celle, qui en résulte, de son droit d'administrer ses biens et d'en disposer, n'est pas sanctionnée par la clôture de la procédure de liquidation des biens mais lui ouvre l'action en réparation prévue à l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire, qu'il peut exercer au titre de ses droits propres ;

Attendu que pour prononcer la clôture de la procédure de liquidation des biens de M. X..., l'arrêt, après avoir relevé que le comportement du débiteur a été dilatoire à l'extrême mais qu'en parallèle, le mandataire n'a pas rempli sa mission en usant de ses pouvoirs de contrainte pour poursuivre la vente forcée des immeubles, retient que la durée totale de trente-trois ans de la procédure est excessive au regard des exigences d'un procès équitable, qu'elle a privé la procédure de sa justification économique qui est de désintéresser les créanciers de sorte que la privation du débiteur de ses droits sur son patrimoine ne se justifie plus ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté l'existence d'actifs immobiliers réalisables, la cour d'appel a violé les textes susvisés

LES DECISION DE PROLONGATION DES PROCÉDURES DE LIQUIDATION JUDICIAIRES NE SONT MÊME PAS SUSCEPTIBLES DE RECOURS

Cour de cassation chambre commerciale arrêt du 22 mars 2016 pourvois n° 14-21919 irrecevabilité

Vu l'article 537 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 10 avril 2014), que M. X... a été mis en liquidation judiciaire le 5 juillet 2006 ; qu'à l'audience à laquelle l'affaire avait été renvoyée pour examiner la clôture de la procédure, le liquidateur a demandé le report de son examen ; que le débiteur s'y est opposé en demandant la clôture ; que le tribunal a rejeté la demande de clôture et ordonné la prorogation du délai de son examen ; que M. X... s'est pourvu en cassation contre l'arrêt ayant déclaré irrecevable l'appel qu'il a formé contre ce jugement ;

Mais attendu que la décision par laquelle le tribunal proroge le délai d'examen de la clôture de la procédure de liquidation judiciaire en application de l'article L. 643-9, alinéa 1er, du code de commerce et rejette, par voie de conséquence, la demande de clôture faite par le débiteur pour s'opposer à ce report, est une mesure d'administration judiciaire non susceptible de recours, fût-ce pour excès de pouvoir ; qu'en conséquence, M. X..., dont l'appel de cette décision n'était pas recevable, n'est pas davantage recevable à se pourvoir en cassation ;

Au visa de l'article 537 du code de procédure civile qui prévoit : "Les mesures d'administration judiciaire ne sont sujettes à aucun recours.", la Cour de cassation interdit tout examen d'appel d'une décision de prolongation des opérations de liquidation judiciaire, fût-ce pour excès de pourvoir !

L'arrêt complet de la cour de cassation du 22 mars 2016 est lisible ici au format WORD.

AUJOURD'HUI

DEPUIS LES REQUÊTES QUE J'AI DEPOSÉES A LA CEDH PUIS L'ASSIGNATION AU TGI DE PARIS, LA LOI ET JURISPRUDENCE A UN PEU CHANGÉ

Cour de cassation chambre commerciale arrêt du 7 novembre 2018 pourvois n° 17-16.176 irrecevabilité

Mais attendu que la décision par laquelle le tribunal proroge le délai d'examen de la clôture de la procédure de liquidation judiciaire en application de l'article L. 643-9, alinéa 1er, du code de commerce et rejette, par voie de conséquence, la demande de clôture faite par le débiteur pour s'opposer à ce report, est une mesure d'administration judiciaire non susceptible de recours, fût-ce pour excès de pouvoir, contrairement à la décision qui rejetterait la demande de clôture de la procédure formée par le débiteur à tout autre moment, en application de l'article L. 643-9, alinéa 4, du même code ; qu'en conséquence, M. X..., dont l'appel de cette décision n'était pas recevable, n'est pas davantage recevable à se pourvoir en cassation ;

Article L 643-9 alinéa1 du Code de Commerce

Dans le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire, le tribunal fixe le délai au terme duquel la clôture de la procédure devra être examinée. Si la clôture ne peut être prononcée au terme de ce délai, le tribunal peut proroger le terme par une décision motivée.

Article L 643-9 alinéa 4 du Code de Commerce

Le tribunal est saisi à tout moment par le liquidateur, le débiteur ou le ministère public. Il peut se saisir d'office. A l'expiration d'un délai de deux ans à compter du jugement de liquidation judiciaire, tout créancier peut également saisir le tribunal aux fins de clôture de la procédure.

LE RETOUR EN ARRIERE DE LA COUR DE CASSATION SUR LES CLÔTURES DES LIQUIDATIONS JUDICIAIRES

MALGRE DES DELAIS NON RAISONNABLES - LES DOMICILES PEUVENT ÊTRE SAISIS

La Cour de Cassation impose le paragraphe IV de l'article 206 de la LOI n° 2015-990 du 6 août 2015 qui prévoit :

"IV.-Le premier alinéa des articles L. 526-1 et L. 526-3 du même code, dans leur rédaction résultant du présent article, n'a d'effet qu'à l'égard des créanciers dont les droits naissent à l'occasion de l'activité professionnelle après la publication de la présente loi.
Les déclarations et les renonciations portant sur l'insaisissabilité de la résidence principale publiées avant la publication de la présente loi continuent de produire leurs effets."

UN REFUS DE LA COUR DE CASSATION DE PRESENTER UNE QPC

Cour de cassation chambre commerciale arrêt du 12 avril 2018 pourvois n° 18-40.004 non lieu à QPC inédit

Attendu que la question transmise est ainsi rédigée :

« Les dispositions de l'article L. 526-1, alinéa 1, du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi 2015-990 du 6 août 2015, protégeant la résidence principale du débiteur en liquidation judiciaire, sont-elles contraires au préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, en ce qu'elles semblent introduire une discrimination entre les débiteurs en liquidation judiciaire selon qu'ils se trouvent dans une situation procédurale antérieure ou postérieure à la publication de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, en ce qu'elles privent les débiteurs en liquidation judiciaire au moment de la promulgation de la loi du 6 août 2015 du principe de l'application immédiate de la loi dans le temps et introduisent ainsi une discrimination entre les débiteurs en état de liquidation judiciaire, et en ce qu'elles introduisent un principe discriminatoire entre les débiteurs en liquidation judiciaire dont les créanciers ont des droits nés avant la promulgation de ladite loi du 6 août 2015 ? » ;

Attendu que l'article L. 526, alinéa 1, du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, énonce que, par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil, les droits qu'a une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante sur l'immeuble où est fixée sa résidence principale sont de droit insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l'occasion de l'activité professionnelle de la personne ; que l'article 206 IV de la même loi dispose que ce texte n'a d'effet qu'à l'égard des créanciers dont les droits naissent à l'occasion de l'activité professionnelle après la publication de la loi ;

Attendu que cette disposition est applicable au litige, en ce qu'il concerne la vente forcée, ordonnée par le juge-commissaire, de l'immeuble appartenant à Mme Y..., débitrice en liquidation judiciaire répondant aux critères légaux ; qu'elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;

Mais attendu, d'une part, que la question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle ;

Et attendu, d'autre part, que le principe constitutionnel d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; que la question n'est pas sérieuse en ce que, d'abord, l'entrepreneur individuel mis en liquidation judiciaire avant la publication de la loi du 6 août 2015, et qui n'avait pas estimé nécessaire de déclarer insaisissables ses droits sur sa résidence principale, n'est pas dans la même situation que celui qui s'endette, après cette date, pour les besoins de son activité professionnelle, et qui bénéficie de plein droit de cette insaisissabilité, et en ce que, ensuite, les dispositions critiquées résultant d'une loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques ont pour objet de promouvoir la création d'entreprises individuelles tout en assurant la protection de la résidence principale des entrepreneurs et que la différence de traitement ainsi instituée est donc en rapport direct avec cet objet ;

D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel ;

L'ARRÊT CONSEQUENT DU REFUS DU QPC

Cour de cassation chambre commerciale arrêt du 14 novembre 2019 pourvois n° 17-16.058 rejet inédit

Mais attendu que, lorsqu'il existe un actif réalisable de nature à désintéresser en tout ou partie les créanciers, la violation du droit du débiteur à être jugé dans un délai raisonnable et de celle, qui en résulte, de son droit d'administrer ses biens et d'en disposer, n'est pas sanctionnée par la clôture de la procédure de liquidation judiciaire mais lui ouvre l'action en réparation prévue à l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire, qu'il peut exercer au titre de ses droits propres ; qu'après avoir énuméré les nombreuses créances imputables aux appelants, qui ont presque toutes fait l'objet de leur part de contestations et de recours, l'arrêt relève que la détermination de l'actif réalisable a dû faire l'objet d'une estimation par un expert, toujours en cours du fait de la résistance des débiteurs ; qu'ayant ainsi fait ressortir qu'existait un actif réalisable de nature à désintéresser en tout ou partie les créanciers, rendant impossible la clôture de la liquidation au seul motif de sa durée, c'est à bon droit que la cour d'appel a rejeté la demande de clôture de la liquidation judiciaire de M. et Mme B... ; que le moyen n'est pas fondé ;

L'insaisissabilité de plein droit de la résidence principale du débiteur résultant de l'article L. 526-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015, n'a d'effet, en application de l'article 206, IV, alinéa 1, de cette loi, qu'à l'égard des créanciers dont les droits naissent à l'occasion de l'activité professionnelle après la publication de la loi. Il en résulte que le liquidateur ne peut agir en licitation-partage de l'immeuble indivis constituant la résidence principale de l'indivisaire en liquidation judiciaire, que si tous les créanciers de la procédure ont des créances nées avant la publication de la loi, les droits du débiteur sur l'immeuble étant alors appréhendés par le gage commun. C'est, dès lors, exactement qu'une cour d'appel déclare irrecevable l'action en licitation-partage d'un tel immeuble formée par un liquidateur qui soutient que l'essentiel des créances déclarées sont antérieures au 8 août 2015, date de la publication de la loi, et non leur totalité

UNE LEGERE EVOLUTION DE LA JURISPRUDENCE DE LA COUR DE CASSATION CONTRE LA LETTRE DU PARAGRAPHE IV DE L'ARTICLE 206 DE LA LOI

Cour de cassation chambre commerciale arrêt du 13 avril 2022 pourvois n° 20-23.165 rejet

1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 20 novembre 2020), M. [I] et Mme [H] sont propriétaires indivis d'un bien immobilier qui constitue leur résidence principale. Par un jugement du 10 août 2016, M. [I], exerçant la profession de peintre, a été mis en liquidation judiciaire, la société Franklin Bach étant désignée liquidateur.

2. Mme [H] s'opposant à la vente de l'immeuble, le liquidateur l'a assignée devant le tribunal aux fins de partage judiciaire de l'indivision et de vente aux enchères publiques de l'immeuble. Mme [H] lui a opposé l'insaisissabilité de plein droit des droits du débiteur sur sa résidence principale prévue par l'article L. 526-1 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015.

REPONSE COUR DE LA CASSATION

4. L'insaisissabilité de plein droit de la résidence principale du débiteur résultant de l'article L. 526-1 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015 n'a d'effet, en application de l'article 206, IV, alinéa 1er, de cette loi, qu'à l'égard des créanciers dont les droits naissent à l'occasion de l'activité professionnelle après la publication de la loi. Il en résulte que le liquidateur ne peut agir en licitation-partage de l'immeuble indivis constituant la résidence principale de l'indivisaire en liquidation judiciaire, que si tous les créanciers de la procédure ont des créances nées avant la publication de la loi, les droits du débiteur sur l'immeuble étant alors appréhendés par le gage commun.

5. Dès lors qu'il est soutenu par le liquidateur que l'essentiel des créances déclarées sont antérieures au 8 août 2015, date de la publication de la loi, et non leur totalité, l'arrêt retient exactement qu'il n'est pas opérant de la part du liquidateur, en l'espèce, d'invoquer l'opposabilité de l'insaisissabilité de droit de la résidence principale du débiteur aux seuls créanciers dont les droits sont nés postérieurement, et que l'action est irrecevable.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

ATTENTION AU DIVORCE EN CAS DE LIQUIDATION JUDICIAIRE, LE DOMICILE PEUT ÊTRE VENDU ! 

Il résulte de la combinaison des articles L. 526-1 du code de commerce et 255, 3° et 4°, du code civil que, lorsque, au cours de la procédure de divorce de deux époux dont l'un exerce une activité indépendante, le juge aux affaires familiales a ordonné leur résidence séparée et attribué au conjoint de l'entrepreneur la jouissance du logement familial, la résidence principale de l'entrepreneur, à l'égard duquel a été ouverte postérieurement une procédure collective, n'est plus située dans l'immeuble appartenant aux deux époux dans lequel se trouvait le logement du ménage. Les droits qu'il détient sur ce bien ne sont donc plus de droit insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l'occasion de son activité professionnelle. Par conséquent, a violé ces textes la cour d'appel qui, pour déclarer irrecevable la demande du liquidateur tendant à la réalisation de l'immeuble au titre des opérations de liquidation, retient que la décision judiciaire attribuant la jouissance exclusive de la résidence de la famille à l'épouse de l'entrepreneur est sans effet sur les droits de ce dernier sur le bien et sur son insaisissabilité légale

Cour de cassation chambre commerciale arrêt du 18 mai 2022 pourvoi n° 20-22.768 cassation

Vu les articles L. 526-1 du code de commerce et 255, 3° et 4°, du code civil :

4. Il résulte de la combinaison de ces textes que, lorsque, au cours de la procédure de divorce de deux époux dont l'un exerce une activité indépendante, le juge aux affaires familiales a ordonné leur résidence séparée et attribué au conjoint de l'entrepreneur la jouissance du logement familial, la résidence principale de l'entrepreneur, à l'égard duquel a été ouverte postérieurement une procédure collective, n'est plus située dans l'immeuble appartenant aux deux époux dans lequel se trouvait le logement du ménage. Les droits qu'il détient sur ce bien ne sont donc plus de droit insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l'occasion de son activité professionnelle.

5. Pour déclarer la demande du liquidateur tendant à la réalisation de l'immeuble au titre des opérations de liquidation irrecevable, l'arrêt retient que la décision judiciaire attribuant la jouissance exclusive de la résidence de la famille à Mme [X] est sans effet sur les droits de M. [K] sur le bien et sur son insaisissabilité légale.

6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

LES CINQ REQUÊTES QUI MODIFIENT LE DROIT EN FRANCE

POUR RENDRE AUX DÉBITEURS LEURS DROITS FONDAMENTAUX

Frédéric Fabre a introduit cinq requêtes devant la CEDH, la première le 9 septembre 2014 (Rodrigues Tavares), la seconde le 30 janvier 2015 (Sabadie), la troisième en avril 2015 (Poulain), la quatrième (Nogues) le 10 juin 2015 et la cinquième (Subtil) le 7 octobre 2016.

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- L'ARRÊT DE LA COUR D'APPEL DE DOUAI DU 19 JANVIER 2017 MODIFIE LE DROIT EN FRANCE

- LA PROCÉDURE CONTRE L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ÉTAT DEVANT LE TGI DE PARIS

L'ARRÊT DE LA COUR D'APPEL DE DOUAI DU 19 JANVIER 2017 MODIFIE LE DROIT EN FRANCE

L'AUDIENCE SOLENNELLE DE RENTRÉE DE LA COUR DE CASSATION DU 13 JANVIER 2017

Ces cinq requêtes avaient créé un émoi lors de l'audience solennelle de rentrée de la Cour de Cassation, en date du 13 janvier 2017 tenue en présence de Monsieur le Président de la CEDH. Le Premier Président de la Cour de Cassation a déclaré qu'il aurait un sentiment de honte si la France était condamnée par la CEDH dans ces cinq affaires.

Monsieur le Procureur Général avait fait un avertissement en déclarant que parfois les membres du parquet général ne sont pas assez écoutés. Sur ce dernier point et sur les affaires concernées, je ne peux que souscrire à sa déclaration. Dans son avis rendu à l'occasion de l'arrêt du 16 décembre 2014 de la chambre commerciale de la Cour de Cassation, l'avocat général avait proposé la bonne solution soit l'arrêt immédiat des opérations de liquidation judiciaire et l'indemnisation du délai non raisonnable.

L'ARRÊT POULAIN C. SOINNE DE LA COUR D'APPEL DE DOUAI DU 19 JANVIER 2017

La requête Poulain c. France en avril 2015 a fait l'objet d'une procédure interne complète. Elle est devenue la décision de principe de la CEDH reproduite ci-dessous.

Le 19 janvier 2017 SOUS LA PRESSION DE LA CEDH, nous avons enfin obtenu un arrêt de la Cour d'Appel de Douai, pour clore les opérations de liquidation judiciaire contre l'avis du mandataire judiciaire, venu à la rescousse du mandataire, quelques heures avant l'audience de la Cour d'Appel.

L'arrêt de la Cour d'Appel de Douai du 19 janvier 2017 n'a pas fait l'objet d'un pourvoi en cassation et il est devenu définitif créant le droit en France.

Cependant, il n'est pas indemnisé du délai non raisonnable de la procédure. Il est Invité à assigner Monsieur l'agent judiciaire de l'État, pour faute du service public de la justice.

Les trois requêtes suivantes ont subi le même sort le 23 mai 2017, sous prétexte d'une part que l'arrêt du 16 décembre 2014 de la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation, ouvre une voie interne d'indemnisation et que d'autre part, l'arrêt de la Cour d'Appel de Douai du 19 janvier 2017 leur permet d'accéder au tribunal, pour obtenir la clôture la procédure de liquidation judiciaire. La cinquième requête dans laquelle le débiteur principal est décédé, a été rendue le 8 juin 2017 par un juge unique. Les cinq décisions d'irrecevabilité sont reproduites ci-dessous.

UN AUTRE EXEMPLE DE NÉGOCIATION ENTRE LA FRANCE ET LA CEDH AU PROFIT DES PERSONNES MISES SOUS CURATELLE

IRRECEVABILITÉ DELECOLLE c. FRANCE du 25 octobre 2018 Requête n° 37646/13

Article 12 : Un autre type de négociation entre la France et la CEDH. Celle-ci déclare irrecevable la requête contre la requérante, alors que maîtresse de la qualification, elle pourrait requalifier au sens de l'article 8 de la convention. En contrepartie, le même jour, la secrétaire d'État Sophie Cluzel et le Premier ministre Edouard Philippe présentent, dans le cadre d'un comité interministériel, les mesures du gouvernement en faveur des personnes handicapées. Parmi les priorités de l'exécutif figure l'extension du droit de vote aux personnes sous tutelle, ainsi que la possibilité de se marier sans l'accord d'un juge.

La requérante poursuit le recours en qualité de concubine. Elle est reconnue par la CEDH. Le requérant qui n'a pas eu le droit de se marier est décédé.

47. Le requérant soutient que la liberté du mariage est une liberté fondamentale, garantie par l’article 12 de la Convention et l’article 23 du pacte international relatif aux droits civils et politiques.

57. Par ailleurs, contrairement à l’article 8, qui énonce le droit au respect de la vie privée et familiale, et avec lequel le droit « de se marier et de fonder une famille » a des liens étroits, l’article 12 ne prévoit aucun motif admissible d’ingérence par l’État comme ceux qui peuvent être invoqués sous l’angle du paragraphe 2 de l’article 8 pour autant que l’ingérence soit « prévue par la loi » et qu’elle soit « nécessaire dans une société démocratique » pour parvenir au but légitime recherché, tel que par exemple « la protection de la santé ou de la morale » ou « la protection des droits et libertés d’autrui ». Partant, lorsqu’elle examine une affaire sous l’angle de l’article 12, la Cour n’applique pas les critères de « nécessité » ou de « besoin social impérieux » utilisés dans le cadre de l’article 8, mais elle doit déterminer si, compte tenu de la marge d’appréciation de l’État, l’ingérence litigieuse était arbitraire ou disproportionnée (Frasik, précité, § 90).

66. Compte tenu de ce qui précède, au vu des circonstances de l’espèce et de la marge d’appréciation dont disposaient les autorités internes, la Cour estime que les limitations apportées aux droits du requérant de se marier n’ont pas restreint ou réduit ce droit d’une manière arbitraire ou disproportionnée. Partant, il n’y a pas eu de violation de l’article 12 de la Convention.

LA PROCÉDURE CONTRE L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ÉTAT DEVANT LE TGI DE PARIS

Les cinq requérants ont accepté de saisir le TGI de Paris, courant octobre 2017 :

PATRICE POULAIN

- Les conclusions de Patrice Poulain devant le TGI de Paris sont lisibles ici au format PDF.

- Les conclusions de l'Agent Judiciaire de l'État contre Patrice Poulain sont lisibles ici au format PDF.

- L'arrêt du TGI de Paris en date du 29 octobre 2018 répare et indemnise le délai non raisonnable de la liquidation judiciaire personnelle de Monsieur Poulain. Il bénéficie de l'exécution provisoire et ne fera pas appel.

NOGUES

- Le 26 avril 2017, le Tribunal de Commerce d'Annecy prononce la clôture de la liquidation judiciaire, alors que des procédures sont encore en cours.

- Les conclusions de Christian Nogues devant le TGI de Paris sont lisibles ici au format PDF.

- Les conclusions de l'Agent Judiciaire de l'État contre Christian Nogues sont lisibles ici au format PDF.

- L'arrêt du TGI de Paris en date du 29 octobre 2018 refuse de réparer le délai non raisonnable de la liquidation judiciaire de la SARL de Monsieur Nogues. La procédure est en appel.

GAETAN SABADIE

- Le 24 novembre 2015, le TGI de Carcassonne prononce la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif.

- Les conclusions de Gaetan Sabadie devant le TGI de Paris sont lisibles ici au format PDF.

- Les conclusions de l'Agent Judiciaire de l'État contre Gaetan Sabadie sont lisibles ici au format PDF.

- L'arrêt du TGI de Paris en date du 29 octobre 2018, répare et indemnise le délai non raisonnable de la liquidation judiciaire personnelle de Monsieur Sabadie. Il bénéficie de l'exécution provisoire.

TAVARES

- Les conclusions de Joachim Tavares pour mettre fin en l'état, à la procédure de liquidation judiciaire et pour obtenir une indemnisation du délai non raisonnable de la liquidation judiciaire devant le TGI de Paris sont lisibles ici au format PDF.

- Les conclusions de l'Agent Judiciaire de l'État devant le TGI de Paris sont lisibles ici au format PDF.

- Le 18 juillet 2018, le Tribunal de Commerce d'Annecy a rendu une décision mettant fin en l'état à la procédure de liquidation judiciaire. Le requérant sauve sa maison et un appartement pour pouvoir y finir sa vie et les transmettre à ses enfants.

- L'arrêt du TGI de Paris en date du 29 octobre 2018, répare et indemnise le délai non raisonnable de la liquidation judiciaire personnelle de Monsieur Tavares. Il bénéficie de l'exécution provisoire et ne fera pas appel. L'Etat français n'a pas fait appel.

SUBTIL

- Les conclusions des consorts Subtil devant le TGI de Paris pour demander l'arrêt en l'état d'une procédure de liquidation judiciaire et une expertise pour calculer le préjudice subi par le délai non raisonnable,  sont lisibles ici au format PDF.

- Les conclusions en réponse de l'Agent Judiciaire de l'État sont lisibles ici au format PDF.

- L'arrêt du TGI de Paris en date du  29 octobre 2018, a préparé l'affaire pour qu'elle soit examinée par la Cour d'Appel de Paris. Cette affaire est grave, plusieurs dizaines de millions sont en jeu du fait de la faute lourde du service public de la justice. La procédure est en appel.

- Le 8 juin 2021, à la lecture des conclusions en appel, la Cour d'Appel de Paris rejette la demande réparation. La famille Subtil saisit la cour de cassation dernière étape avant les recours internationaux.

LES CINQ DÉCISIONS DE LA CEDH

Patrice POULAIN Irrecevabilité du 13 avril 2017 Requête no 16470/15 contre la France

Le débiteur dispose d’un recours effectif pour se plaindre de la durée de la procédure de liquidation judiciaire. Sous la pression de la CEDH, le requérant a pu obtenir la clôture de la procédure des opérations de liquidation judiciaire, par un arrêt du 19 janvier 2017, rendu par la Cour d'Appel de Douai. Il doit maintenant saisir le TGI de Paris contre Monsieur l'agent judiciaire de l'État, pour demander réparation du délai non raisonnable de la procédure de liquidation judiciaire, déjà reconnu.

LA DÉCISION DE LA CEDH :

1. Le requérant, M. Patrice Poulain, est un ressortissant français né en 1937 et résidant à Dainville. Il est représenté devant la Cour par M. F. Fabre. Le gouvernement français (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. F. Alabrune, directeur des affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères.

A. Les circonstances de l’espèce

2. Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.

3. Le 6 décembre 1995, le requérant, éleveur de chevaux, fit l’objet d’une procédure de redressement judiciaire.

4. Le 7 février 1996, le tribunal de grande instance d’Arras prononça la liquidation judiciaire du requérant. Le 11 avril 1996, les chevaux de l’exploitation du requérant furent vendus.

5. Le 7 septembre 2006, le requérant se vit communiquer un tableau des créances déclarées pour un montant de 149 444,89 euros (EUR). Après contestation judiciaire de plusieurs créances, le montant des créances définitivement admises s’éleva à 80 651,51 EUR.

6. Le juge commissaire statua par ordonnances des 23 mars 2009, 30 juin 2010, 28 octobre 2011, 6 mars 2012, 26 avril 2012, 19 octobre 2012 et 31 octobre 2012. En outre, par deux ordonnances du tribunal de grande instance d’Arras en date des 13 janvier 2009 et 10 juillet 2012, la vente de deux parcelles de terrain fut autorisée.

7. Le tribunal de grande instance d’Arras convoqua le requérant, en sa qualité de débiteur, et le liquidateur judiciaire pour l’audience du 9 juillet 2014, afin de vérifier l’avancement des opérations et d’examiner la clôture éventuelle de la procédure.

8. Lors de cette audience, le requérant fut représenté par un tiers. L’affaire fut renvoyée à l’audience du 10 décembre 2014 en vue d’un nouvel examen de la question de la clôture de la procédure.

9. Par un courrier adressé le 1er décembre 2014, le requérant sollicita le renvoi à une « date ultérieure en 2015 », compte tenu de son état de santé.

10. Le 10 décembre 2014, le tribunal de grande instance d’Arras renvoya l’affaire à l’audience du 11 mars 2015.

11. Le 11 mars 2015, le requérant comparut seul, sans son conseil, expliquant que celui-ci, n’avait pas été prévenu de la date d’audience. Le liquidateur judiciaire sollicita la prorogation du délai de clôture, compte tenu du passif restant à régler et de l’actif dont disposait le requérant. L’affaire fit l’objet d’un nouveau renvoi, afin de permettre au requérant d’être assisté de son conseil.

12. Le 12 mars 2015, le conseil du requérant fut convoqué pour l’audience du 8 avril 2015 par courrier recommandé, l’accusé de réception ayant été signé le 14 mars. Le requérant fut convoqué le même jour.

13. Le 8 avril 2015, ni le requérant ni son conseil ne se présentèrent. Dans ces conditions et compte tenu des multiples renvois déjà accordés dans ce dossier, l’examen de l’affaire fut maintenu. Le liquidateur judiciaire confirma sa demande de prorogation du délai de clôture, en se prévalant d’un recouvrement en cours et en expliquant que le requérant, représenté par sa fille, avait perçu une somme de 29 765 EUR courant 2014 à la suite de la signature d’un protocole d’accord, montant qui lui avait été dissimulé alors qu’il aurait dû transiter par lui.

14. Par un jugement en date du 24 avril 2015, le tribunal de grande instance d’Arras prorogea le délai du liquidateur judiciaire pour achever les opérations de liquidation judiciaire, cette décision valant convocation à l’audience du 14 octobre 2015.

15. Le 26 novembre 2015, le tribunal prorogea la date de clôture de la liquidation judiciaire pour une période de six mois, afin de recueillir les observations du requérant.

16. Le 28 novembre 2016, la juge déléguée par le premier président de la cour d’appel de Douai rendit une ordonnance de taxe pour le mandataire judiciaire, dans le cadre de laquelle elle rejeta également des demandes d’annulation soumises par le requérant.

17. Par un arrêt du 19 janvier 2017, statuant sur l’appel du requérant à l’encontre du jugement du 26 novembre 2015, la cour d’appel de Douai ordonna la clôture des opérations de la procédure de liquidation judiciaire. S’agissant de l’argument du requérant relatif à la durée excessive de la procédure et à la violation de son droit de propriété, la cour d’appel se référa expressément aux articles 6 et 13 de la Convention, ainsi qu’à l’article 1 du Protocole no 1, souligna notamment qu’« en droit français, l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire permet d’engager la responsabilité de l’État en raison de la durée excessive de la procédure, action en réparation que le débiteur en liquidation judiciaire peut exercer au titre de ses droits propres. »

B. Le droit interne pertinent

18. L’article L. 643-9 du code de commerce tel que créé par la loi no 2005‑845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises est ainsi libellé :

« Dans le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire, le tribunal fixe le délai au terme duquel la clôture de la procédure devra être examinée. Si la clôture ne peut être prononcée au terme de ce délai, le tribunal peut proroger le terme par une décision motivée.

Lorsqu’il n’existe plus de passif exigible ou que le liquidateur dispose de sommes suffisantes pour désintéresser les créanciers, ou lorsque la poursuite des opérations de liquidation judiciaire est rendue impossible en raison de l’insuffisance de l’actif, la clôture de la liquidation judiciaire est prononcée par le tribunal, le débiteur entendu ou dûment appelé.

Le tribunal est saisi à tout moment par le liquidateur, le débiteur ou le ministère public. Il peut se saisir d’office. À l’expiration d’un délai de deux ans à compter du jugement de liquidation judiciaire, tout créancier peut également saisir le tribunal aux fins de clôture de la procédure.

En cas de plan de cession, le tribunal ne prononce la clôture de la procédure qu’après avoir constaté le respect de ses obligations par le cessionnaire. »

19. L’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire (COJ) se lit ainsi :

« L’État est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice.

Sauf dispositions particulières, cette responsabilité n’est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice. »

20. Dans un arrêt du 12 juillet 2004 (Cass. Com., 12 juillet 2004, Bull. IV, no 154), la Cour de cassation a considéré que l’action en responsabilité dirigée par un débiteur en liquidation judiciaire contre l’État, qui tend non à sanctionner une atteinte personnelle à ses droits, mais à obtenir la réparation d’un préjudice résultant d’une faute lourde qu’aurait commise l’État sur le fondement de l’article L. 141-1 (alors L. 781-1) du code de l’organisation judiciaire, revêt un caractère patrimonial susceptible d’affecter les droits des créanciers. Elle en a conclu que le débiteur ne pouvait exercer cette action.

21. Toutefois, par un arrêt du 16 décembre 2014, tirant les conséquences de l’arrêt Tetu c. France (no 60983/09, 22 septembre 2011), la chambre commerciale de la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence en jugeant que le débiteur à la liquidation peut désormais agir sur le fondement de l’article L. 141-1 du COJ, au titre de ses droits propres, pour se plaindre de la durée de la procédure de liquidation (Cass. Com., 16 décembre 2014, Bull. IV, no 187). Son arrêt, notamment diffusé le jour même sur le site internet de la Cour de cassation et commenté par la doctrine dès le mois de janvier 2015 (F. Pérochon, « Non à la clôture pour durée excessive de la procédure », Lettre d’actualité des Procédures collectives civiles et commerciales, janvier 2015, no 1, et C. Lebel, « Durée excessive d’une procédure de liquidation », La Semaine Juridique Entreprise et Affaires, 15 janvier 2015, no 3, 1010), est motivé comme suit :

« Vu l’article L. 643-9 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, ensemble les articles 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 1er du Protocole no 1 additionnel à cette Convention ;

(...) lorsqu’il existe un actif réalisable de nature à désintéresser en tout ou partie les créanciers, la violation du droit du débiteur à être jugé dans un délai raisonnable et de celle, qui en résulte, de son droit d’administrer ses biens et d’en disposer, n’est pas sanctionnée par la clôture de la procédure de liquidation des biens mais lui ouvre l’action en réparation prévue à l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire, qu’il peut exercer au titre de ses droits propres ; (...) »

GRIEF

22. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant dénonce la durée excessive de la procédure de liquidation judiciaire à son encontre.

EN DROIT

23. Le requérant allègue que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable », tel que prévu à l’article 6 § 1 de la Convention. Les dispositions pertinentes de cet article sont ainsi libellées :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable (...) »

24. Le Gouvernement soulève l’irrecevabilité de ce grief sur le fondement de l’article 35 § 1 de la Convention, au motif du non-épuisement des voies de recours internes, le requérant n’ayant pas exercé l’action spécialement prévue par l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire. Il souligne que ce recours est ouvert au requérant, le dessaisissement du débiteur soumis à une procédure collective n’empêchant dorénavant plus l’intéressé d’engager cette action en responsabilité, compte tenu du revirement de jurisprudence opéré par la Cour de cassation dans son arrêt du 16 décembre 2014. Il précise que cet arrêt était connu et diffusé avant l’introduction de la requête devant la Cour, puisqu’il avait été publié sur le site internet de la Cour de cassation le jour-même, puis fait l’objet de commentaires dans des revues juridiques dès le mois de janvier 2015. Il ajoute que dès le prononcé de l’arrêt Tetu, des juges du fond avaient déjà jugé que l’action du débiteur devant le juge indemnitaire en raison de la durée excessive de la procédure devait être jugée recevable (tribunal de grande instance de Paris, jugements des 12 septembre 2012, 16 octobre et 18 décembre 2013, respectivement nos RG 10/17539, 11/03426 et 11/17828 ; cour d’appel de Rouen, 19 février 2014, no RG 13/00934).

25. Le requérant indique que, selon lui, l’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 16 décembre 2014 ne semble pas répondre à la jurisprudence de la Cour en matière de délai raisonnable. Quant aux décisions des juges du fond invoquées par le gouvernement défendeur, il estime qu’elles sont incertaines et non prévisibles. Il en déduit qu’un recours fondé sur l’article L. 141-1 du COJ ne peut lui être opposé.

26. La Cour rappelle qu’aux termes de l’article 35 § 1 de la Convention, elle ne peut être saisie qu’après l’épuisement des voies de recours internes. À cet égard, elle souligne que tout requérant doit avoir donné aux juridictions internes l’occasion que l’article 35 § 1 a pour finalité de ménager en principe aux États contractants : éviter ou redresser les violations alléguées contre lui (Cardot c. France, 19 mars 1991, § 36, série A no 200, et, plus récemment, Colonna c. France (déc.), no 4213/13, 15 novembre 2016).

27. Elle rappelle également qu’il existe un recours fondé sur l’article L. 141-1 du COJ pour engager la responsabilité de l’État en raison de la durée excessive de la procédure (paragraphe 19 ci-dessus). Dans une affaire similaire, elle avait cependant relevé que le droit interne empêchait le débiteur soumis à une liquidation judiciaire d’engager ce type d’action, celle-ci revêtant un caractère patrimonial susceptible d’affecter les droits des créanciers (Tetu c. France, précité, § 69).

28. Or, la Cour constate que la chambre commerciale de la Cour de cassation, tirant les conséquences de l’arrêt Tetu (précité), a opéré un revirement de jurisprudence. Dans un arrêt du 16 décembre 2014, elle a en effet jugé que le débiteur à la liquidation pouvait désormais agir sur le fondement de l’article L. 141-1 du COJ, au titre de ses droits propres, pour se plaindre de la durée de la procédure de liquidation (paragraphe 21 ci‑dessus).

29. S’agissant de la date à laquelle en droit interne ce recours est devenu effectif au sens de la Convention, mais aussi de la date de prise de « connaissance de manière effective » de ce recours par le justiciable, la Cour rappelle qu’il peut correspondre à une date ultérieure à l’adoption de l’arrêt, en fonction des circonstances, en particulier de la publicité dont ladite décision a fait l’objet (Broca et Texier-Micault c. France, nos 27928/02 et 31694/02, § 20, 21 octobre 2003). En l’espèce, elle relève que l’arrêt du 16 décembre 2014 a été diffusé le jour même sur le site internet de la Cour de cassation, avant d’être commenté par la doctrine dès le mois de janvier 2015 (paragraphe 21 ci-dessus). La Cour juge dès lors raisonnable de retenir que cet arrêt ne pouvait plus être ignoré du public après le mois de janvier 2015. Tel était notamment le cas du requérant, à la date d’introduction de sa requête, le 28 mars 2015.

30. Dans ces conditions, la Cour estime que le requérant dispose d’un recours effectif pour faire redresser le grief tiré de l’article 6 § 1 de la Convention et que, faute de l’avoir exercé, l’exception soulevée par le Gouvernement doit être accueillie.

31. Il s’ensuit que la requête doit être rejetée pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

RODRIGUES TAVARES contre la France du 23 mai 2017 requête n° 62019/14

La CEDH s'est écartée de sa jurisprudence dans la requête déposée le 29 septembre 2014. Sous sa pression, l'artisan a pu sauver sa maison familiale.

"Selon le requérant, la durée de la procédure ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, et il ne dispose pas d’un recours effectif, faute de pouvoir exercer une action en responsabilité contre l’État.

Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.

La Cour rappelle avoir jugé qu’à la suite d’un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation, en date du 16 décembre 2014, qui a opéré un revirement de jurisprudence en jugeant qu’un débiteur à la liquidation peut désormais agir sur le fondement de l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire au titre de ses droits propres pour se plaindre de la durée de la procédure de liquidation, les requérants disposent d’un recours effectif pour faire redresser le grief tiré de l’article 6 § 1 de la Convention, et ce depuis janvier 2015 (Poulain c. France (déc.), n o 16470/15, 21 mars 2017). Or, la Cour rappelle également que si l’épuisement des voies de recours internes s’apprécie en règle générale à la date d’introduction de la requête devant la Cour (Baumann c. France, no33592/96, § 47, CEDH 2001-V (extraits)), cette règle ne va pas sans exceptions (voir, parmi beaucoup d’autres, Ivan Todorov c. Bulgarie, no 71545/11, § 49, 19 janvier 2017), qui peuvent être justifiées par les circonstances particulières de chaque espèce, en particulier s’agissant de la durée excessive des procédures judiciaires (cf., notamment, Brusco c. Italie (déc.), no 69789/01, CEDH 2001-IX, Nogolica c. Croatie, no 77784/01, 5 septembre 2002, et Grzincic c. Slovénie, no 26867/02, 3 mai 2007). Partant, et compte tenu du fait que la possibilité d’exercer le nouveau recours existe en l’espèce, la Cour conclut que le requérant est tenu par l’article 35 § 1 de la Convention d’agir sur le fondement de l’article L. 141‑1 du code de l’organisation judiciaire.

Il s’ensuit que le grief tiré de l’article 6 doit être rejeté pour non‑épuisement des voies de recours internes, et que celui tiré de l’article 13 doit l’être comme étant manifestement mal fondé, en application de l’article 35 §§ 1, 3 a) et 4 de la Convention."

Sabadie C. France du 23 mai 2017 requête n° 7115/15 déposée le 2 février 2015

Sous la pression de la CEDH, le requérant a pu obtenir, le 24 novembre 2015, la clôture de la procédure de liquidation judiciaire devant le TGI de Carcassonne. Il doit maintenant saisir le TGI de Paris contre Monsieur l'agent judiciaire de l'État, pour demander réparation du délai non raisonnable de la procédure.

Pour rejeter la requête, la CEDH a fait une exception à sa jurisprudence habituelle. Elle a considéré non pas la date d'envoi du 30 janvier 2015 mais la date de réception du 2 février 2015 pour dire que la requête n'a pas été envoyée en janvier 2015.

LA DÉCISION DE LA CEDH :

"Selon le requérant, la durée de la procédure ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, et il ne dispose pas d’un recours effectif, faute de pouvoir exercer une action en responsabilité contre l’État.

Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.

La Cour rappelle avoir jugé qu’à la suite d’un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation, en date du 16 décembre 2014, qui a opéré un revirement de jurisprudence en jugeant qu’un débiteur à la liquidation peut désormais agir sur le fondement de l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire au titre de ses droits propres pour se plaindre de la durée de la procédure de liquidation, les requérants disposent d’un recours effectif pour faire redresser le grief tiré de l’article 6 § 1 de la Convention, et ce depuis janvier 2015 (Poulain c. France (déc.), no 16470/15, 21 mars 2017).

Il s’ensuit que le grief tiré de l’article 6 doit être rejeté pour non‑épuisement des voies de recours internes, et que celui tiré de l’article 13 doit l’être comme étant manifestement mal fondé, en application de l’article 35 §§ 1, 3 a) et 4 de la Convention.

Nogues C. France du 23 mai 2017 requête 29790/15, envoyée le 10 juin 2015

Dans cette l'affaire, la CEDH a considéré que les opérations de liquidation judiciaire d'une SARL permet à son gérant d'agir devant elle, en sa qualité de caution.

Sous la pression de la CEDH, le requérant a pu obtenir, le 25 avril 2017, la clôture de la procédure de liquidation judiciaire devant le Tribunal de Commerce d'Annecy.

La CEDH a décrit les faits particulièrement graves, avant de rejeter la requête, pour non épuisement des voies de recours. Le requérant doit saisir le TGI de Paris contre Monsieur l'agent judiciaire de l'État, pour demander réparation du délai non raisonnable de la procédure de liquidation judiciaire.

LA DÉCISION DE LA CEDH :

"Le requérant, M. Christian Nogues, est un ressortissant français né en 1956 et résidant à Seynod. Il a été représenté devant la Cour par M. F. Fabre, qui réside à Saint-Geniès des Mourgues. Le gouvernement français (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. F. Alabrune, directeur des affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères.

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.

Le 10 juin 1991, le requérant créa avec son épouse une société dont il est le gérant.

Le 12 juillet 2002, il déposa le bilan de sa société.

Le 16 juillet 2002, la société fut admise au régime simplifié de redressement judiciaire.

Par un jugement du 16 juillet 2002, le tribunal de grande instance d’Annecy ouvrit une procédure de redressement judiciaire.

Le 16 décembre 2003, la société fut mise en liquidation judiciaire et un liquidateur judiciaire fut désigné.

Le 20 janvier 2004, le juge commissaire admit une créance bancaire déclarée par la caisse de Crédit mutuel d’Annecy Bonlieu pour un montant de 76 180,71 euros (EUR) à titre privilégié (prêt professionnel) et de 76 196,33 EUR à titre chirographaire (compte courant débiteur).

Par un arrêt du 18 janvier 2005, la cour d’appel de Chambéry confirma partiellement l’ordonnance du 20 janvier 2004 en ce qu’elle avait admis la créance à titre privilégié de 76 180,71 EUR. Elle rejeta la déclaration de la seconde créance.

Le 6 juin 2006, le tribunal de grande instance d’Annecy condamna le requérant, en sa qualité de caution solidaire de la société, à verser à la banque les sommes de 45 375 EUR au titre du prêt professionnel et 56 756,79 EUR au titre du solde débiteur du compte courant. À une date inconnue, la cour d’appel de Chambéry confirma ce jugement.

Le 19 juin 2007, le requérant et le liquidateur introduisirent des recours en révision contre l’arrêt du 18 janvier 2005. Par des arrêts respectivement rendus les 12 février 2008 et 5 avril 2012, les cours d’appel de Chambéry et de Grenoble rejetèrent ces recours.

Le 10 juin 2009, le tribunal de commerce d’Annecy rendit une ordonnance concernant une substitution de créance. En juin 2011, la Cour de cassation annula cette ordonnance.

Le 24 novembre 2010, le requérant et le liquidateur formèrent une action en inscription de faux contre l’arrêt rendu le 18 janvier 2005 par la cour d’appel de Chambéry.

Les 30 novembre et 2 décembre 2010, ils assignèrent l’agent judiciaire du Trésor et deux agences du crédit mutuel pour contester l’arrêt rendu le 18 janvier 2005 par la cour d’appel de Chambéry, en particulier pour le faire qualifier de faux en écriture publique.

Le 19 février 2014 le requérant forma une requête en suspicion légitime contre la formation de jugement chargée d’examiner sa demande d’inscription de faux. Le 18 juin 2014, la cour d’appel de Paris rejeta cette requête.

Le 8 octobre 2014, le tribunal de grande instance de Paris rejeta la requête en inscription de faux formée le 24 novembre 2010.

La procédure de liquidation judiciaire est toujours pendante.

EN DROIT

Selon le requérant, la durée de la procédure ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, et il ne dispose pas d’un recours effectif, faute de pouvoir exercer une action en responsabilité contre l’État.

Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.

La Cour rappelle avoir jugé qu’à la suite d’un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation, en date du 16 décembre 2014, qui a opéré un revirement de jurisprudence en jugeant qu’un débiteur à la liquidation peut désormais agir sur le fondement de l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire au titre de ses droits propres pour se plaindre de la durée de la procédure de liquidation, les requérants disposent d’un recours effectif pour faire redresser le grief tiré de l’article 6 § 1 de la Convention, et ce depuis janvier 2015 (Poulain c. France (déc.), no 16470/15, 21 mars 2017).

Il s’ensuit que le grief tiré de l’article 6 doit être rejeté pour non‑épuisement des voies de recours internes, et que celui tiré de l’article 13 doit l’être comme étant manifestement mal fondé, en application de l’article 35 §§ 1, 3 a) et 4 de la Convention".

SUBTIL C. France décision du 8 juin 2017 Requête n° 59457/16

La décision Subtil est une décision du juge unique. Depuis juin 2017, les décisions du juge unique ne sont plus rendues par lettre type mais par lettre motivée.

En l'espèce, la CEDH a fait référence directement à l'arrêt Poulain contre France ci-dessous. La CEDH s'est écartée de sa jurisprudence habituelle car la requête a été introduite le 7 octobre 2016 AVANT ET NON APRÈS l'arrêt de la Cour d'Appel de Douai du 19 janvier 2017 qui a reconnu définitivement pour la première fois en France qu'un débiteur peut réclamer la clôture des opérations de liquidation judiciaire.

La décision de la CEDH Subtil c. France du 8 juin 2017 est lisible au format PDF.

 

ARRÊT HISTORIQUE MAIS INSUFFISANT POUR CHANGER LA JURISPRUDENCE FRANÇAISE

TETU C. FRANCE du 22 SEPTEMBRE 2011 Requête 60983/09

Les durées scandaleuses des liquidations judiciaires des entreprises en France

35.  Le Gouvernement s’oppose à la thèse du requérant. Il soutient que la durée de la procédure litigieuse n’est pas excessive. Selon lui, l’affaire présentait une complexité juridique, en raison de la nature même de la procédure collective et de la rigueur de la législation applicable. Avant l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, le requérant se trouvait en indivision avec des membres de sa famille, dans le cadre de la succession d’une parente décédée. Le Gouvernement souligne que ce n’est que le 6 décembre 1996 qu’un état liquidatif de la succession a été déposé et que le liquidateur n’a pu en prendre connaissance que le 4 février 1997. Selon lui, les difficultés liées au règlement de la succession à laquelle le requérant était partie en tant qu’héritier ont eu des incidences sur la durée de la procédure en liquidation.

36.  Le Gouvernement soutient que le requérant a contribué à allonger la durée de la procédure, en s’abstenant de toute diligence lors de la période d’observation et en se désintéressant de la procédure de liquidation judiciaire. Il souligne que le dessaisissement du débiteur prévu par la loi de 1985 ne le prive pas de la possibilité de faire valoir ses droits et d’être un véritable acteur de la procédure. Le requérant aurait pu solliciter lui-même la clôture de la procédure collective (Cass. Com, 5 mars 2002, no 98-226465). Le Gouvernement ajoute que le liquidateur lui a vainement proposé la vente amiable de ses biens et que, devant l’inertie du requérant, il a requis le notaire afin de rechercher des acquéreurs et de vendre les biens dans les meilleures conditions.

37.  Il ajoute que les juridictions ont pleinement exercé leur mission de contrôle de la procédure. Le Gouvernement explique que lorsqu’une procédure de liquidation judiciaire est ouverte, la plupart des diligences sont accomplies par le liquidateur ; la loi de 1985 n’offre au juge commissaire qu’un rôle résiduel dans la procédure afin de surveiller les opérations et la gestion de la liquidation judiciaire. Il souligne que le requérant n’a jamais signalé aux autorités judiciaires l’existence de difficultés du fait du liquidateur.

38.  Concernant la complexité de l’affaire, le requérant fait valoir que Me D., agissant comme représentant des créanciers puis comme liquidateur, n’a pas saisi le notaire chargé de la succession d’I.M. pour faire accélérer la procédure. Ayant été dessaisi de ses biens, il n’aurait pu prendre une quelconque initiative procédurale. Il ajoute que l’état liquidatif a été déposé le 6 décembre 1996 et que ce n’est que le 17 septembre 1998 que le juge commissaire a autorisé la vente de ses parcelles. La procédure collective serait ensuite retombée en inertie. Le requérant rappelle que le dessaisissement du débiteur lui interdit toute action procédurale et que c’est le liquidateur qui le représentait pendant les opérations de liquidation successorale et qui a requis le juge commissaire d’ordonner ensuite la vente. Il ajoute qu’il avait bien tenté de s’y opposer et d’obtenir une expertise, mais que sa demande a été écartée le 6 novembre 2008.

39.  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d’autres, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII).

40.  En l’espèce, la Cour constate que le Gouvernement ne conteste pas que la procédure de liquidation judiciaire est toujours pendante à ce jour. Ayant débuté en juillet 1990, elle dure donc depuis plus de vingt ans.

41.  La Cour admet que les opérations de liquidation et de partage de la succession de la parente du requérant I.M. ont pu retarder la réalisation des actifs du requérant et la procédure de liquidation judiciaire.

42.  S’agissant du manque de diligence reproché au requérant, elle constate que celui-ci s’est montré peu coopératif avec Me D. à certaines périodes de la procédure de redressement et de liquidation judiciaires, notamment, au moment où celui-ci cherchait des acquéreurs potentiels pour la vente des biens du requérant. Cependant, en dehors de ces périodes, le Gouvernement ne démontre pas en quoi le requérant aurait, par son comportement, retardé la procédure entre le 11 octobre 1990, date du prononcé de la liquidation judiciaire, et aujourd’hui. La Cour relève par ailleurs qu’aux termes de l’article 152 de la loi du 25 janvier 1985, le requérant n’est pas, en tant que débiteur, partie à la procédure de liquidation judiciaire (paragraphe 30 ci-dessus). En effet, pendant toute la durée de la procédure, les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés par le liquidateur, mandataire de justice désigné par le juge. A cet égard, la Cour note que le Gouvernement reconnaît que la plupart des diligences sont accomplies par le liquidateur. Elle constate en outre que le juge commissaire n’a pas été saisi d’éventuelles difficultés rencontrées avec le débiteur. La Cour relève enfin que le Gouvernement ne donne pas d’explication sur les périodes d’inactivité judiciaire, se limitant à indiquer que « les juridictions ont pleinement exercé leur mission de contrôle de la procédure » et à produire une liste des courriers établis par le liquidateur.

43.  La Cour rappelle à cet égard qu’il incombe aux Etats contractants d’organiser leur système judiciaire de telle sorte que leurs juridictions puissent garantir à chacun le droit d’obtenir une décision définitive sur les contestations relatives à ses droits et obligations de caractère civil dans un délai raisonnable (Caillot c. France, no 36932/97, § 27, 4 juin 1999).

44.   A la lumière des critères dégagés par la jurisprudence et des affaires similaires où la Cour a conclu au non-respect du délai raisonnable, et compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, la Cour estime que la durée de la procédure litigieuse est excessive et ne répond pas à la condition du délai raisonnable (à titre de comparaison, voir, par exemple, Bertolini c. Italie, no 14448/03, 18 décembre 2007, Carbè et autres c. Italie, no 13697/04, 23 juin 2009, et Cavalleri c. Italie, no 30408/03, 26 mai 2009, où les procédures de faillite ont duré plus de seize ans).

45.  Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DES ARTICLES 6 ET 13 DE LA CONVENTION ET DE L’ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1

65.  Le requérant soutient que le droit interne ne lui permet pas d’obtenir réparation du préjudice que cause la violation de son droit au jugement dans un délai raisonnable.

66.  S’appuyant sur la jurisprudence de la Cour et sur un arrêt du 2 mai 2006 de la Cour de justice des Communautés européennes, le Gouvernement fait valoir que le droit d’accès à un tribunal n’est pas absolu et que le dessaisissement du débiteur soumis à une procédure collective est consacré comme un principe communautaire des procédures d’insolvabilité. Il ne conteste pas que l’article 152 de la loi du 25 janvier 1985 ne permet pas au débiteur en liquidation judiciaire d’engager la responsabilité de l’Etat sur le fondement de l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire et constitue ainsi une limitation au droit d’accès au tribunal. Toutefois, une telle limitation apparaît proportionnée au regard du but légitime poursuivi. Le Gouvernement explique que l’impossibilité pour le débiteur d’engager une telle action se justifie par le fait qu’en cas de condamnation, le requérant se verrait privé des sommes allouées en réparation du préjudice subi, sommes qui seraient intégrées à la procédure de liquidation judiciaire. A cet égard, il cite un extrait d’un arrêt de la Cour de cassation (Cass. Com., 12 juillet 2004, Bull. 2004 IV No 154 p. 168). Le Gouvernement ajoute que le débiteur ne peut donc, provisoirement, le temps de la procédure collective, exercer seul les droits et actions à caractère personnel. Enfin, il fait valoir que le droit interne ne prive pas définitivement le requérant de son recours, mais l’empêche temporairement de l’exercer en raison de la spécificité de la procédure de liquidation judiciaire.

67.  La Cour rappelle que, selon sa jurisprudence constante, l’article 13 de la Convention garantit l’existence en droit interne d’un recours effectif devant une instance nationale permettant de se plaindre d’une méconnaissance de l’obligation, imposée par l’article 6 § 1, d’entendre les causes dans un délai raisonnable. Pour être « effectif », au sens de cette disposition, un tel recours doit permettre d’« empêcher la survenance ou la continuation de la violation alléguée ou [de] fournir à l’intéressé un redressement approprié pour toute violation s’étant déjà produite » (Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, §§ 156-158, CEDH 2000-XI).

68.  Eu égard à sa conclusion concernant le caractère excessif de la durée de la procédure (paragraphe 45 ci-dessus), la Cour estime que le requérant disposait d’un « grief défendable » fondé sur la méconnaissance de l’article 6 § 1 et que l’article 13 trouve donc à s’appliquer.

69.  En l’espèce, la Cour constate qu’il existe un recours fondé sur l’article L. 141-1 du code de l’organisation judicaire pour engager la responsabilité de l’Etat en raison de la durée excessive de la procédure (paragraphe 31 ci-dessus). Cependant, elle relève que le droit interne empêche le débiteur soumis à une liquidation judiciaire d’engager ce type d’action, celle-ci revêtant un caractère patrimonial susceptible d’affecter les droits des créanciers (paragraphes 30 et 32 ci-dessus).

70.  Dans ces conditions, la Cour estime que le requérant, qui est en état de liquidation judiciaire depuis le 11 octobre 1990, n’a pas disposé d’un recours effectif pour faire redresser le grief tiré de l’article 6 § 1 de la Convention.

71. Il s’ensuit qu’il y a eu violation de l’article 13 combiné avec l’article 6 § 1 de la Convention.

MATHURIN c. FRANCE requête 63648/12 du 5 juin 2014

Les négociations préalables ont échoué. Il a fallu la menace de l'arrêt concernant le scandale des procédures en redressement judiciaires pour que l'Etat accepte de payer.

9.  Invoquant l’article 6 de la Convention, le requérant dénonce la durée excessive de la procédure de liquidation judiciaire à son encontre. Sous l’angle des articles 6 et 13 de la Convention, il se plaint – en tant que débiteur en liquidation judiciaire – de l’interdiction qui lui est faite d’agir en justice pour engager la responsabilité de l’État en raison de la durée excessive de la procédure.

10.  La Cour constate d’emblée que la requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention. La Cour relève par ailleurs qu’elle ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de la déclarer recevable.

11.  La Cour relève qu’après l’échec des tentatives de règlement amiable, le Gouvernement a, par une lettre du 15 novembre 2013, informé la Cour qu’il envisageait de formuler une déclaration unilatérale afin de résoudre la question soulevée par la requête. Il a, en outre, invité la Cour à rayer celle-ci du rôle en application de l’article 37 de la Convention.

12.  La déclaration était ainsi libellée :

« Je soussignée, Nathalie Ancel, agent du gouvernement français, déclare que le gouvernement français offre de verser à M. Jacques Mathurin la somme globale de 15.300 euros (quinze mille trois cents euros), au titre de la requête enregistrée sous le no 63648/12.

Cette somme ne sera soumise à aucun impôt et sera versée sur le compte bancaire indiqué par le requérant dans les trois mois à compter de la date de l’arrêt de radiation rendu par la Cour sur le fondement de l’article 37 § 1 c) de la Convention. Le paiement vaudra règlement définitif de la cause.

Le Gouvernement reconnaît, qu’en l’espèce, d’une part, la durée de la procédure de liquidation judiciaire dont le requérant, débiteur, a été l’objet a été excessive au regard des exigences du délai raisonnable posées par l’article 6 § 1 de la Convention et, d’autre part, que l’impossibilité pour le requérant d’exercer une action en réparation du dommage causé par la durée de la procédure de liquidation a porté atteinte à ses droits garantis par les articles 6§1 et 13 de la Convention. »

13.  Par une lettre du 2 décembre 2013, la partie requérante a indiqué qu’elle n’était pas satisfaite des termes de la déclaration unilatérale. Elle a rappelé que, malgré la reconnaissance du Gouvernement de la violation des articles 6 § 1 et 13 de la Convention, la procédure de liquidation judiciaire litigieuse n’était toujours pas clôturée. En outre, le requérant considère que la somme de 15 300 euros (EUR) proposée par le Gouvernement ne couvre ni son préjudice moral, ni son préjudice matériel.

14.  La Cour rappelle qu’en vertu de l’article 37 de la Convention, à tout moment de la procédure, elle peut décider de rayer une requête du rôle lorsque les circonstances l’amènent à l’une des conclusions énoncées aux alinéas a), b) ou c) du paragraphe 1 de cet article. L’article 37 § 1 c) lui permet en particulier de rayer une affaire du rôle si :

« pour tout autre motif dont la Cour constate l’existence, il ne se justifie plus de poursuivre l’examen de la requête ».

15.  La Cour rappelle aussi que, dans certaines circonstances, il peut être indiqué de rayer une requête du rôle en vertu de l’article 37 § 1 c) sur la base d’une déclaration unilatérale du gouvernement défendeur même si le requérant souhaite que l’examen de l’affaire se poursuive.

16.  A cette fin, la Cour doit examiner de près la déclaration à la lumière des principes que consacre sa jurisprudence, en particulier l’arrêt Tahsin Acar (Tahsin Acar c. Turquie (question préliminaire) [GC], n26307/95, §§ 75-77, CEDH 2003‑VI, WAZA Spółka z o.o. c. Pologne (déc.) no 11602/02, 26 juin 2007, et Sulwińska c. Pologne (déc.) no 28953/03, 18 septembre 2007). Parmi les facteurs à prendre en considération à cet égard figurent notamment « la nature des griefs formulés, le point de savoir si les questions soulevées sont analogues à celles déjà tranchées par la Cour dans des affaires précédentes » ainsi que le point de savoir si le Gouvernement a, dans sa déclaration, reconnu l’existence des violations alléguées et proposé des modalités de redressement appropriées (Tahsin Acar, précité, § 76).

17.  En l’espèce, la Cour prend acte de la déclaration formelle du Gouvernement. Elle note qu’elle s’est déjà prononcée sur la question de la durée raisonnable dans une affaire de liquidation judiciaire ainsi que sur celle de l’existence d’un recours effectif pour un requérant en état de liquidation judiciaire pour faire redresser le grief tiré de l’article 6 § 1 de la Convention (Tetu c. France, no 60983/09, §§ 33-45 et §§ 62-71, 22 septembre 2011).

18.  La Cour relève que le Gouvernement français a, dans sa déclaration, reconnu sans équivoque qu’en l’espèce, la durée de la procédure de liquidation judiciaire était excessive au regard des exigences de délai raisonnable au sens de l’article 6 § 1 de la Convention et que l’impossibilité pour le requérant d’exercer une action en réparation du dommage causé par la durée de la procédure de liquidation judiciaire avait porté atteinte à ses droits garantis par les articles 6 § 1 et 13. Pour y remédier, le Gouvernement a proposé de verser la somme de 15 300 EUR au requérant. La Cour considère, au regard des circonstances de l’espèce et de la jurisprudence en la matière, qu’il s’agit d’une somme d’un montant approprié.

19.  Compte tenu de ce qui précède, la Cour conclut qu’il ne se justifie plus de poursuivre l’examen de la requête. Il y a lieu dès lors de rayer la requête du rôle. La somme de 15 300 EUR devra être versée dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention européenne des droits de l’homme. A défaut de règlement dans ledit délai, le Gouvernement devra verser, à compter de l’expiration de celui-ci et jusqu’au règlement effectif de la somme en question, un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne, augmenté de trois points de pourcentage.

20.  Enfin, la Cour souligne que, dans le cas où le Gouvernement ne respecterait pas les termes de sa déclaration unilatérale, la requête pourrait être réinscrite au rôle en vertu de l’article 37 § 2 de la Convention (Josipović c. Serbie(déc.), nº 18369/07, 4 mars 2008).

LA PROTECTION LIMITEE DES DEBITEURS DANS LE DROIT FRANCAIS

LA LOI ET LA JURISPRUDENCE PERTINENTE DE LA COUR DE CASSATION FRANÇAISE

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- LA CLÔTURE DES OPERATIONS DE LIQUIDATION JUDICIAIRE

- LES POUVOIRS DU FAILLI A TITRE PERSONNEL MALGRÉ SA MORT PATRIMONIALE : DROITS PROPRES ET DROITS PATRIMONIAUX

- LA PROTECTION DES DOMICILES ET DES BIENS IMMOBILIERS DU DEBITEUR

- LA RESPONSABILITE DU DEBITEUR POUR CAUSE DE FAUTE DE GESTION

- LA DECLARATION DE CREANCE ET SA CONTESTATION

LA CLÔTURE DES OPERATIONS DE LIQUIDATION JUDICIAIRE

La saisine du tribunal se fait par voie de requête

Article L643-9 du code de commerce

Dans le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire, le tribunal fixe le délai au terme duquel la clôture de la procédure devra être examinée. Si la clôture ne peut être prononcée au terme de ce délai, le tribunal peut proroger le terme par une décision motivée.

Lorsqu'il n'existe plus de passif exigible ou que le liquidateur dispose de sommes suffisantes pour désintéresser les créanciers, ou lorsque la poursuite des opérations de liquidation judiciaire est rendue impossible en raison de l'insuffisance de l'actif, ou encore lorsque l'intérêt de cette poursuite est disproportionné par rapport aux difficultés de réalisation des actifs résiduels la clôture de la liquidation judiciaire est prononcée par le tribunal, le débiteur entendu ou dûment appelé.

Le tribunal peut également prononcer la clôture de la procédure en désignant un mandataire ayant pour mission de poursuivre les instances en cours et de répartir, le cas échéant, les sommes perçues à l'issue de celles-ci lorsque cette clôture n'apparaît pas pouvoir être prononcée pour extinction du passif.

Le tribunal est saisi à tout moment par le liquidateur, le débiteur ou le ministère public. Il peut se saisir d'office. A l'expiration d'un délai de deux ans à compter du jugement de liquidation judiciaire, tout créancier peut également saisir le tribunal aux fins de clôture de la procédure.

En cas de plan de cession, le tribunal ne prononce la clôture de la procédure qu'après avoir constaté le respect de ses obligations par le cessionnaire.

LES AUTORITES JUDICIAIRES ONT UN DEVOIR DE SURVEILLANCE DU LIQUIDATEUR JUDICIAIRE

Article L 641-7 du Code de Commerce

Le liquidateur tient informés, au moins tous les trois mois, le juge-commissaire, le débiteur et le ministère public du déroulement des opérations.

Le juge-commissaire et le ministère public peuvent à toute époque requérir communication de tous actes ou documents relatifs à la procédure.

CE DEVOIR DE SURVEILLANCE EST NECESSAIRE CAR LE DEBITEUR PERD SES DROITS PATRIMONIAUX

Alinéa 1 de l'Article L 641-9 du Code de Commerce

I.-Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur.

JURISPRUDENCE

Cour de cassation chambre commerciale et financière arrêt du 24 mai 2023 pourvoi n° 21-22.398 cassation

Vu l'article L. 641-9 du code de commerce :

6. Le débiteur dessaisi de l'administration et de la disposition de ses biens, dont les droits et actions sur son patrimoine sont exercés par le liquidateur, conserve le droit propre de se défendre sur le recours formé contre la décision fixant, après reprise d'une instance en cours lors du jugement d'ouverture, une créance à son passif ou le condamnant à payer un créancier.

7. Pour déclarer irrecevable l'intervention de la société CAP, l'arrêt énonce que l'instance n'est plus en cours si les débats ont déjà eu lieu avant le jugement d'ouverture, puis retient que si le tribunal des affaires de sécurité sociale a été saisi d'une opposition à la contrainte formée par la société CAP alors qu'elle était in bonis, l'instance n'était plus en cours à la date du prononcé de la liquidation judiciaire puisque les débats étaient clos. Il en déduit que, compte tenu de sa liquidation judiciaire, la société CAP est irrecevable à se défendre et doit être représentée par son liquidateur.

8. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que la société CAP avait été mise en liquidation judiciaire le 11 octobre 2019, soit après que l'URSSAF avait relevé appel du jugement la condamnant à paiement, de sorte que l'instance était en cours et que la société CAP avait un droit propre à y défendre, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Il résulte des articles L. 641-9 du code de commerce et 125 du code de procédure civile que le débiteur mis en liquidation judiciaire est irrecevable à interjeter appel d'un jugement concernant son patrimoine et que cette fin de non-recevoir, qui est d'ordre public, doit être relevée d'office par le juge. Cependant, celle-ci peut être régularisée par l'intervention du liquidateur dans le délai d'appel, conformément aux dispositions de l'article 126, alinéa 2, du code de procédure civile

Cour de cassation chambre commerciale et financière arrêt du 18 janvier 2023 pourvoi n° 21-17.581 rejet

10. Il résulte des articles L. 641-9 du code de commerce et 125 du code de procédure civile que le débiteur mis en liquidation judiciaire est irrecevable à interjeter appel d'un jugement concernant son patrimoine et que cette fin de non-recevoir, qui est d'ordre public, doit être relevée d'office par le juge. Cependant, celle-ci peut être régularisée par l'intervention du liquidateur dans le délai d'appel, conformément aux dispositions de l'article 126, alinéa 2, du code de procédure civile.

11. Même lorsqu'il est d'ordre public, le moyen invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation n'est recevable que s'il résulte d'un fait dont la cour d'appel a été mise à même d'avoir connaissance.

12. Selon les énonciations de l'arrêt, la société débitrice Bâti GSB, après sa mise en liquidation judiciaire, a relevé appel, seule, du jugement entrepris, puis son liquidateur est intervenu volontairement à l'instance d'appel.

13. En l'état des conclusions et pièces soumises à la cour d'appel par le seul liquidateur, eu égard à l'irrecevabilité des conclusions de la Sagim, entraînant l'irrecevabilité des pièces qu'elle a produites, dont il ne ressortait ni précision ni aucune justification sur la signification du jugement au liquidateur, la cour d'appel n'a pas été mise à même de constater que le délai d'appel avait couru à l'égard du liquidateur et avait expiré à la date de son intervention volontaire.

14. En conséquence, le moyen, pris en sa seconde branche, étant irrecevable, l'intervention du liquidateur à l'instance d'appel a régularisé la fin de non-recevoir affectant l'appel du débiteur.

15. Le moyen, inopérant en sa première branche, n'est donc pas fondé pour le surplus.

La mission d'assistance confiée à l'administrateur judiciaire en application de l'article L. 631-12 du code de commerce ne vient pas priver le débiteur en redressement judiciaire de la faculté de conclure seul pour défendre à une action patrimoniale dirigée contre lui, pourvu que cette action ait également été dirigée contre son administrateur. Il n'en résulte, en cette hypothèse, aucun défaut de qualité du débiteur susceptible de se traduire par l'irrecevabilité de telles conclusions, ni aucune nullité de fond de ces mêmes conclusions

Cour de cassation chambre commerciale et financière arrêt du 18 janvier 2023 pourvoi n° 21-18.492 cassation

Vu les articles 1844-7, 7° du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, 1844-8 de ce code, L. 641-9, II et L. 662-1 du code de commerce :

15. Il résulte du premier de ces textes que la société prend fin par l'effet d'un jugement ordonnant sa liquidation judiciaire ce qui, en application du deuxième, se traduit par sa dissolution sur laquelle le jugement de clôture pour extinction du passif est sans incidence, rendant ainsi nécessaire la désignation d'un liquidateur amiable pour en achever les opérations. En application du dernier de ces textes, aucune opposition ou procédure d'exécution de quelque nature qu'elle soit sur les sommes versées par un liquidateur à la Caisse des dépôts et consignations n'est recevable.

16. Pour valider la saisie-attribution, l'arrêt retient que les dispositions de l'article L. 662-1 du code de commerce sont sans application dès lors que les opérations de liquidation amiable de la société HAH ne sont pas régies par les dispositions du code de commerce relatives aux procédures collectives.

17. En statuant ainsi, alors que la clôture de la procédure collective de la société HAH pour extinction du passif était restée sans incidence sur la nécessité impérative d'achever les opérations tendant à la dissolution de cette société provoquée par sa mise en liquidation judiciaire, justifiant ainsi la désignation par le jugement de clôture d'un mandataire ad hoc puis ensuite d'un liquidateur ayant notamment pour mission de répartir les fonds déposés par le liquidateur à la Caisse des dépôts et consignations où ils étaient insaisissables, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

18. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

19. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

IL FAUT POURSUIVRE POUR LA FAUTE DES AUTORITES JUDICIAIRES ET NON LA FAUTE DU LIQUIDATEUR JUDICIAIRE

Cour de cassation 1ere chambre civile arrêt du 30 janvier 2013 pourvoi n° 11-26056 REJET

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande alors, selon le moyen, que les fautes commises par l'administrateur judiciaire et le liquidateur judiciaire engagent la responsabilité de l'État au titre du dysfonctionnement du service public de la justice ; qu'en retenant pourtant que les fautes de l'administrateur et du liquidateur judiciaire n'étaient susceptibles que d'engager leur responsabilité personnelle, à l'exclusion de la responsabilité de l'État, la cour d'appel a violé l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire ;

Mais attendu que la cour d'appel a exactement énoncé que les prétendues défaillances de l'administrateur et du liquidateur judiciaires, lesquels sont des collaborateurs du service public de la justice, distincts de l'institution judiciaire, ne peuvent avoir pour conséquence que d'engager leur responsabilité personnelle ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

L'ARRÊT DE PRINCIPE ENCORE APPLIQUE PERMET LA REPARATION UNIQUEMENT

Cour de cassation chambre commerciale arrêt du 16 décembre 2014 pourvoi n° 13-19402 Cassation

Vu l'article L. 643-9 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, ensemble les articles 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du protocole n° 1 additionnel à cette Convention ;

Attendu que, lorsqu'il existe un actif réalisable de nature à désintéresser en tout ou partie les créanciers, la violation du droit du débiteur à être jugé dans un délai raisonnable et de celle, qui en résulte, de son droit d'administrer ses biens et d'en disposer, n'est pas sanctionnée par la clôture de la procédure de liquidation des biens mais lui ouvre l'action en réparation prévue à l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire, qu'il peut exercer au titre de ses droits propres ;

Attendu que pour prononcer la clôture de la procédure de liquidation des biens de M. X..., l'arrêt, après avoir relevé que le comportement du débiteur a été dilatoire à l'extrême mais qu'en parallèle, le mandataire n'a pas rempli sa mission en usant de ses pouvoirs de contrainte pour poursuivre la vente forcée des immeubles, retient que la durée totale de trente-trois ans de la procédure est excessive au regard des exigences d'un procès équitable, qu'elle a privé la procédure de sa justification économique qui est de désintéresser les créanciers de sorte que la privation du débiteur de ses droits sur son patrimoine ne se justifie plus ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté l'existence d'actifs immobiliers réalisables, la cour d'appel a violé les textes susvisés

Sous la pression de la CEDH, Patrice Poulain a pu obtenir définitivement la fin de la procédure des opérations de liquidation judiciaire, par un arrêt du 19 janvier 2017 rendu par la Cour d'Appel de Douai et par conséquent la réforme de l'arrêt de principe de la Cour de Cassation. Aucun pourvoi n'a été déposé contre cet arrêt, pourtant objet de toutes les attentions.

LES POUVOIRS DU FAILLI A TITRE PERSONNEL MALGRÉ SA MORT PATRIMONIALE

DROITS PROPRES ET DROITS PATRIMONIAUX

Cour de cassation chambre commerciale arrêt du 8 février 2023 pourvoi n° 21-16.954 Rejet

5. Si le débiteur dessaisi de l'administration et de la disposition de ses biens, par l'effet du jugement prononçant la liquidation judiciaire, conserve le droit, pourvu qu'il l'exerce contre le liquidateur ou en sa présence, de former un appel, puis le cas échéant, un pourvoi en cassation, contre les décisions prononçant la résolution de son plan de redressement et sa liquidation judiciaire, il n'est, en revanche, pas recevable à agir en responsabilité contre l'avocat qu'il a mandaté pour le représenter et l'assister dans l'exercice de ce droit propre.

6. Une telle action n'ayant pas pour effet de faire valoir le point de vue du débiteur dans le déroulement de la procédure collective, mais poursuivant une finalité patrimoniale consistant en l'obtention de dommages et intérêts, elle ne peut se rattacher à l'exercice d'un droit propre et la fin de non-recevoir opposée au débiteur n'est pas contraire aux exigences de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine, seuls atteints par le dessaisissement, sont exercés par le liquidateur pendant toute la durée de la procédure collective.

7. En conséquence, l'arrêt a exactement retenu que M. [B] exerçait contre son avocat une action en responsabilité de nature patrimoniale entrant dans le champ d'application de l'article L. 641-9 du code de commerce, de sorte qu'il n'avait pas qualité pour agir contre M. [F].

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Cour de cassation chambre commerciale arrêt du 8 septembre 2015 pourvois n° 14-14192 Rejet

Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 641-9 I du code de commerce que lorsqu'une instance, tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent pour une cause antérieure au jugement d'ouverture de sa liquidation judiciaire, est en cours à la date de ce jugement, le débiteur a, dans ce cas, le droit propre d'exercer les voies de recours prévues par la loi contre la décision statuant sur la demande de condamnation ; qu'ayant relevé que la société CI avait relevé appel, le 14 octobre 2011, du jugement la condamnant solidairement avec M. X..., avant d'être mise en liquidation judiciaire le 26 octobre suivant, tandis que son liquidateur, assigné en intervention forcée par M. et Mme Y... en cause d'appel, avait fait savoir qu'il ne se constituerait pas pour le compte de la société CI, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions invoquées par la troisième branche, a décidé à bon droit de statuer sur l'appel formé, au titre de son droit propre, par la société CI, peu important l'absence de constitution de son liquidateur pourtant appelé en la cause ; que le moyen n'est pas fondé

Cour de Cassation chambre commerciale, arrêt du 22 janvier 2013 pourvoi n° 11-18904 cassation, inédit

Vu l'article L. 622-9 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises et l'article 122 du code de procédure civile ;

Attendu que pour déclarer irrecevables les demandes formées par Mme X... au nom de la société Suberdine et de ses quatre filiales, l'arrêt retient que le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens, tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée et que l'action en réparation, qui présente un caractère patrimonial, fait partie des droits et actions du débiteur frappés par le dessaisissement et n'entre pas dans la sphère des droits propres ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la règle du dessaisissement étant édictée dans l'intérêt des créanciers, seul le liquidateur judiciaire peut s'en prévaloir de sorte que les sociétés Orange n'ont pas qualité pour l'invoquer, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Cour de Cassation chambre commerciale, arrêt du 14 décembre 2010 pourvoi n°10-10774 rejet, inédit

Attendu, en second lieu, que la règle du dessaisissement étant édictée dans l'intérêt des créanciers, seul le liquidateur judiciaire peut s'en prévaloir, de sorte que la société La Mondiale n'a pas qualité pour soulever la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel formé par le mandataire ad hoc en faisant valoir que le droit invoqué par lui à l'appui de l'appel n'était propre à la société débitrice que pour partie ; que par ce motif de pur droit, suggéré par la défense, substitué à ceux critiqués, l'arrêt se trouve justifié.

Cour de Cassation chambre commerciale, arrêt du 13 avril 2010 pourvoi n° 09-11851 cassation, inédit

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la règle du dessaisissement étant édictée dans l'intérêt des créanciers, seul le liquidateur judiciaire peut s'en prévaloir de sorte que les sociétés Orange n'ont pas qualité pour soulever cette fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Cour de Cassation chambre 1ere civile, arrêt du 28 mai 2009 pourvoi n° 07-14075 07-14644 rejet

Mais attendu que la règle du dessaisissement étant édictée dans l'intérêt des créanciers, seul le liquidateur peut s'en prévaloir de sorte que la société Azurex et M. Z... n'ont pas qualité pour soulever cette exception ; que le moyen n'est pas recevable.

 

LA PROTECTION DES DOMICILES ET DES BIENS IMMOBILIERS DU DEBITEUR

Article L 526-1 du Code de Commerce

Par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil, les droits d'une personne physique immatriculée au registre national des entreprises sur l'immeuble où est fixée sa résidence principale sont de droit insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l'occasion de l'activité professionnelle de la personne. Lorsque la résidence principale est utilisée en partie pour un usage professionnel, la partie non utilisée pour un usage professionnel est de droit insaisissable, sans qu'un état descriptif de division soit nécessaire. La domiciliation de la personne dans son local d'habitation en application de l'article L. 123-10 du présent code ne fait pas obstacle à ce que ce local soit de droit insaisissable, sans qu'un état descriptif de division soit nécessaire.

Par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil, une personne physique immatriculée au registre national des entreprises peut déclarer insaisissables ses droits sur tout bien foncier, bâti ou non bâti, qu'elle n'a pas affecté à son usage professionnel. Cette déclaration, publiée au fichier immobilier ou, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, au livre foncier, n'a d'effet qu'à l'égard des créanciers dont les droits naissent, après sa publication, à l'occasion de l'activité professionnelle du déclarant. Lorsque le bien foncier n'est pas utilisé en totalité pour un usage professionnel, la partie non affectée à un usage professionnel ne peut faire l'objet de la déclaration qu'à la condition d'être désignée dans un état descriptif de division.

L'insaisissabilité mentionnée aux deux premiers alinéas du présent article n'est pas opposable à l'administration fiscale lorsque celle-ci relève, à l'encontre de la personne, soit des manœuvres frauduleuses, soit l'inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales.

Article L 526-2 du Code de Commerce

La déclaration prévue au deuxième alinéa de l'article L. 526-1, reçue par notaire sous peine de nullité, contient la description détaillée des biens et l'indication de leur caractère propre, commun ou indivis.L'acte est publié au fichier immobilier ou, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, au livre foncier, de sa situation.

Lorsque la personne est immatriculée au registre du commerce et des sociétés, au registre spécial des agents commerciaux ou au registre spécial des entreprises à responsabilité limitée, la déclaration doit y être mentionnée.

A défaut d'une telle immatriculation, la déclaration est mentionnée au registre national des entreprises.

L'établissement de l'acte prévu au premier alinéa et l'accomplissement des formalités donnent lieu au versement aux notaires d'émoluments fixes dans le cadre d'un plafond déterminé par décret.

Article L 526-3 du Code de Commerce

En cas de cession des droits immobiliers sur la résidence principale, le prix obtenu demeure insaisissable, sous la condition du remploi dans le délai d'un an des sommes à l'acquisition par la personne mentionnée au premier alinéa de l'article L. 526-1 d'un immeuble où est fixée sa résidence principale.

L'insaisissabilité des droits sur la résidence principale et la déclaration d'insaisissabilité portant sur tout bien foncier, bâti ou non bâti, non affecté à l'usage professionnel peuvent, à tout moment, faire l'objet d'une renonciation soumise aux conditions de validité et d'opposabilité prévues à l'article L. 526-2. La renonciation peut porter sur tout ou partie des biens ; elle peut être faite au bénéfice d'un ou de plusieurs créanciers mentionnés à l'article L. 526-1 désignés par l'acte authentique de renonciation. Lorsque le bénéficiaire de cette renonciation cède sa créance, le cessionnaire peut se prévaloir de celle-ci. La renonciation peut, à tout moment, être révoquée dans les conditions de validité et d'opposabilité prévues à l'article L. 526-2. Cette révocation n'a d'effet qu'à l'égard des créanciers mentionnés à l'article L. 526-1 dont les droits naissent postérieurement à sa publication.

Les effets de l'insaisissabilité et ceux de la déclaration subsistent après la dissolution du régime matrimonial lorsque la personne mentionnée au premier alinéa de l'article L. 526-1 ou le déclarant mentionné au deuxième alinéa du même article L. 526-1 est attributaire du bien. Ils subsistent également en cas de décès de la personne mentionnée au premier alinéa dudit article L. 526-1 ou du déclarant mentionné au deuxième alinéa du même article L. 526-1 jusqu'à la liquidation de la succession.

RAPPEL

L'article 206 de la loi 2015-990 du 6 août 2015 prévoit :

IV.-Le premier alinéa des articles L. 526-1 et L. 526-3 du même code, dans leur rédaction résultant du présent article, n'a d'effet qu'à l'égard des créanciers dont les droits naissent à l'occasion de l'activité professionnelle après la publication de la présente loi.

Les déclarations et les renonciations portant sur l'insaisissabilité de la résidence principale publiées avant la publication de la présente loi continuent de produire leurs effets.

Par conséquent la protection automatique du domicile ne débute que pour les liquidations judiciaires prononcées à partir du 8 août 2015.

EN CAS DE SAISIE D'UN DOMICILE COMMUN LA VENTE NE VAUT PAS TITRE D'EXPULSION A L'EGARD DU CONJOINT DU DEBITEUR

Cour de cassation chambre civile 2 arrêt du 17 novembre 2022 pourvoi n° 20-18.047 cassation

6. Vu l'article L. 322-13 du code des procédures civiles d'exécution et les articles 1271 à 1281 et 1377 du code de procédure civile :

7. S'il résulte de la combinaison des articles 1377 et 1271 à 1281 du code de procédure civile relatives à la vente sur licitation que de nombreuses règles régissant la procédure de saisie immobilière s'appliquent, par renvoi de texte, à la procédure de vente judiciaire d'immeubles après partage, l'article L. 322-13 du code des procédures civiles d'exécution ne lui est pas applicable.

8. Il en résulte qu'un jugement de vente sur adjudication par licitation ne vaut pas titre d'expulsion.

9. Pour confirmer le jugement ayant rejeté la demande de nullité du commandement d'avoir à quitter les lieux, l'arrêt retient, d'abord, que la vente des immeubles d'une personne physique en liquidation judiciaire est régie par l'article L. 642-18 du code de commerce, lequel renvoie aux articles L. 322-5 à L. 322-13 du code des procédures civiles d'exécution à l'exception des articles L. 322-6 et L. 322-9, R. 642-27 et suivants du code de commerce renvoyant aux dispositions du code des procédures civiles d'exécution relatives à la saisie immobilière.

10. L'arrêt retient, ensuite, que l'article L. 322-13 du code des procédures civiles d'exécution précise que le jugement d'adjudication sur licitation constitue un titre d'expulsion à l'encontre du saisi conformément à l'article L. 311-6 de ce code.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

13. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

14. Il résulte des paragraphes 7 et 8 que le jugement d'adjudication sur licitation ne valant pas titre d'expulsion, il convient d'annuler le commandement de quitter les lieux du 21 juin 2018.

LA VENTE D'UN BIEN IMMOBILIER N'EST PAS UNE OBLIGATION POUR QUE LE DÉBITEUR EN LIQUIDATION JUDICIAIRE SORTE D'UNE INDIVISION

Cour de cassation chambre commerciale arrêt du 20 septembre 2017 pourvoi n° 16-14295 cassation partielle

Vu les articles 815-17, 822 et 831-2 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Stéphane X... a été mis en liquidation judiciaire le 19 février 2010 ; que ce dernier étant propriétaire indivis d'un immeuble avec Mme Josiane X..., sa mère, et avec Mme Magali X..., sa soeur, le liquidateur a assigné ces dernières en partage et licitation de l'immeuble ; qu'elles ont formé une opposition à l'arrêt qui, statuant par défaut, a ordonné l'ouverture des opérations de liquidation et de partage de l'indivision et préalablement, la licitation de l'immeuble ;

Attendu que pour écarter les demandes de Mme Josiane X... fondées sur les articles 822 et 831-2 du code civil, l'arrêt retient que ces dispositions ne sont pas applicables lorsque le bien concerné est soumis à une vente forcée qui intervient en exécution des dispositions spéciales, d'ordre public, relatives à la procédure collective ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la licitation de l'immeuble indivis, qui était l'une des opérations de liquidation et partage de l'indivision préexistante au jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire de M. Stéphane X..., échappait aux règles applicables en matière de réalisation des actifs de la procédure collective et ne pouvait être ordonnée qu'après examen des demandes formées par Mme Josiane X... tendant au maintien dans l'indivision et à l'attribution préférentielle de l'immeuble, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

MÊME SI LA VENTE DU DOMICILE EST PREVUE PAR DECISION DEFINITIVE

IL APPARTIENT AU JUGE D'EXAMINER UN MOYEN FONDAMENTAL S'IL N'A PAS ETE EXAMINE

Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne rendue en application de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, que l'autorité de la chose jugée ne fait pas obstacle, en soi, à ce que le juge national soit tenu d'apprécier, sur la demande des parties ou d'office, le caractère éventuellement abusif d'une clause, même au stade d'une mesure d'exécution forcée, dès lors que cet examen n'a pas déjà été effectué à l'occasion du précédent contrôle juridictionnel ayant abouti à la décision revêtue de l'autorité de la chose jugée (v. not. CJUE, arrêt du 26 janvier 2017, Banco Primus, C-421/14 ; CJUE, arrêt du 17 mai 2022, Ibercaja Banco, C-600/19 ; CJUE, arrêt du 17 mai 2022, SPV Project 1503 Srl et Banco di Desio e della Brianza e.a, C-693/19 et C-831/19).

Par conséquent, un débiteur soumis à une procédure collective contre lequel a été rendue une décision, irrévocable, admettant à son passif une créance au titre d'un prêt immobilier, qu'il avait souscrit antérieurement en qualité de consommateur, peut, à l'occasion de la procédure de saisie immobilière d'un bien appartenant à ce débiteur, mise en oeuvre par le créancier auquel la déclaration d'insaisissabilité de l'immeuble constituant la résidence principale du débiteur est inopposable, nonobstant l'autorité de la chose jugée attachée à cette décision, soulever, à l'audience d'orientation devant le juge de l'exécution, une contestation portant sur le caractère abusif d'une ou plusieurs clauses de l'acte de prêt notarié dès lors qu'il ressort de la décision revêtue de l'autorité de la chose jugée que le juge ne s'est pas livré à cet examen.

Cour de cassation chambre commerciale arrêt du 8 février 2023, pourvoi n°21-17.763 cassation

Vu les articles 7, § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, L. 132-1, alinéa 1er, devenu L. 212-1, alinéa 1er, du code de la consommation :

16. Aux termes du premier de ces textes, les États membres veillent à ce que, dans l'intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l'utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel.

17. Selon le second de ces textes, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

18. Par un arrêt du 26 janvier 2017, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que, dans l'hypothèse où, lors d'un précédent examen d'un contrat litigieux ayant abouti à l'adoption d'une décision revêtue de l'autorité de la chose jugée, le juge national s'est limité à examiner d'office, au regard de la directive 93/13 susvisée, une seule ou certaines des clauses de ce contrat, cette directive impose à un juge national d'apprécier, à la demande des parties ou d'office dès lors qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet, le caractère éventuellement abusif des autres clauses dudit contrat (CJUE, arrêt du 26 janvier 2017, Banco Primus, C-421/14).

19. En outre, par un arrêt du 4 juin 2020, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit qu'il appartient aux juridictions nationales, en tenant compte de l'ensemble des règles du droit national et en application des méthodes d'interprétation reconnues par celui-ci, de décider si et dans quelle mesure une disposition nationale est susceptible d'être interprétée en conformité avec la directive 93/13 sans procéder à une interprétation contra legem de cette disposition nationale. À défaut de pouvoir procéder à une interprétation et à une application de la réglementation nationale conformes aux exigences de cette directive, les juridictions nationales ont l'obligation d'examiner d'office si les stipulations convenues entre les parties présentent un caractère abusif et, à cette fin, de prendre les mesures d'instruction nécessaires, en laissant au besoin inappliquées toutes dispositions ou jurisprudence nationales qui s'opposent à un tel examen (CJUE, arrêt du 4 juin 2020, Kancelaria Médius, C-495/19).

20. Il résulte d'un arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne en grande chambre le 17 mai 2022, que l'article 6, paragraphe 1, et l'article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une législation nationale qui, en raison de l'effet de l'autorité de la chose jugée et de la forclusion, ne permet ni au juge d'examiner d'office le caractère abusif de clauses contractuelles dans le cadre d'une procédure d'exécution hypothécaire ni au consommateur, après l'expiration du délai pour former opposition, d'invoquer le caractère abusif de ces clauses dans cette procédure ou dans une procédure déclarative subséquente, lorsque lesdites clauses ont déjà fait l'objet, lors de l'ouverture de la procédure d'exécution hypothécaire, d'un examen d'office par le juge de leur caractère éventuellement abusif, mais que la décision juridictionnelle autorisant l'exécution hypothécaire ne comporte aucun motif, même sommaire, attestant de l'existence de cet examen ni n'indique que l'appréciation portée par ce juge à l'issue dudit examen ne pourra plus être remise en cause en l'absence d'opposition formée dans ledit délai (CJUE, arrêt du 17 mai 2022, C-600/19 Ibercaja Banco).

21. Il résulte en outre d'un arrêt rendu le même jour que ces mêmes dispositions doivent être interprétées en ce sens qu'elles s'opposent à une réglementation nationale qui prévoit que, lorsqu'une injonction de payer prononcée par un juge à la demande d'un créancier n'a pas fait l'objet d'une opposition formée par le débiteur, le juge de l'exécution ne peut pas, au motif que l'autorité de la chose jugée dont cette injonction est revêtue couvre implicitement la validité de ces clauses, excluant tout examen de la validité de ces dernières, ultérieurement, contrôler l'éventuel caractère abusif des clauses du contrat qui ont servi de fondement à ladite injonction (CJUE, arrêt du 17 mai 2022, affaires jointes C-693/19 SPV Project 503 Srl, et C-831/19 Banco di Desio e della Brianza e.a.).

22. Il s'en déduit que l'autorité de la chose jugée d'une décision du juge-commissaire admettant des créances au passif d'une procédure collective, résultant de l'article 1355 du code civil et de l'article 480 du code de procédure civile, ne doit pas être susceptible de vider de sa substance l'obligation incombant au juge national de procéder à un examen d'office du caractère éventuellement abusif des clauses contractuelles.

23. Il en découle que le juge de l'exécution, statuant lors de l'audience d'orientation, à la demande d'une partie ou d'office, est tenu d'apprécier, y compris pour la première fois, le caractère éventuellement abusif des clauses contractuelles qui servent de fondement aux poursuites, sauf lorsqu'il ressort de l'ensemble de la décision revêtue de l'autorité de la chose jugée que le juge s'est livré à cet examen.

24. Il en résulte qu'un débiteur soumis à une procédure collective contre lequel a été rendue une décision, irrévocable, admettant à son passif une créance au titre d'un prêt immobilier, qu'il avait souscrit antérieurement en qualité de consommateur, peut, à l'occasion de la procédure de saisie immobilière d'un bien appartenant à ce débiteur, mise en oeuvre par le créancier auquel la déclaration d'insaisissabilité de l'immeuble constituant la résidence principale du débiteur est inopposable, nonobstant l'autorité de la chose jugée attachée à cette décision, soulever, à l'audience d'orientation devant le juge de l'exécution, une contestation portant sur le caractère abusif d'une ou plusieurs clauses de l'acte de prêt notarié dès lors qu'il ressort de la décision revêtue de l'autorité de la chose jugée que le juge ne s'est pas livré à cet examen.

25. Pour rejeter la contestation de M. [T], qui soutenait que la créance de la banque n'était pas liquide et exigible, au motif que la clause d'exigibilité anticipée stipulée dans chacun des prêts était abusive, au sens des articles L. 212-1 et R. 212-1 du code de la consommation, l'arrêt retient que, les décisions d'admission des créances du 7 novembre 2013 ont autorité de la chose jugée à l'égard de M. [T] relativement aux créances qu'elles fixent, que celui-ci, débiteur convoqué à l'audience du juge-commissaire pour qu'il soit statué sur ses contestations, se présente en la même qualité devant le juge de l'exécution statuant en saisie immobilière que devant le juge-commissaire, et il relève que, devant ce juge, le débiteur n'a formulé aucune observation concernant la première créance et qu'il n'a pas davantage contesté la seconde. L'arrêt en déduit que les moyens développés par M. [T] pour contester la validité de certaines clauses des contrats de prêts, en particulier celle portant exigibilité anticipée de ceux-ci, sont inefficaces pour remettre en cause la procédure de saisie immobilière.

26. En statuant ainsi, après avoir constaté que, dans ses décisions d'admission, le juge-commissaire n'avait pas examiné, à la demande de M. [T] ou d'office, le caractère abusif de la clause d'exigibilité anticipée des prêts notariés fondant la saisie immobilière litigieuse, de sorte qu'il appartenait au juge de l'exécution, saisi d'une contestation formée sur ce point pour la première fois devant lui par M. [T] lors de l'audience d'orientation, de procéder à cet examen, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

LA PÉREMPTION DU JUGE COMMISSAIRE ORDONNANT LA VENTE D'UN IMMEUBLE EST DE DEUX ANS

Cour de cassation chambre commerciale avis du 18 avril 2018, demande d'avis n° Q18-70005

Vu les articles L. 441-1 du code de l’organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile;

Vu la demande d’avis formulée le 11 janvier 2018 par le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Paris, dont le dossier complet a été reçu le 7 février 2018 , dans une instance opposant M. X..., en qualité de liquidateur de M.Mohammed Y..., Mme Samira Z... épouse Y... et le syndicat des copropriétaires de la résidence [...] , et ainsi libellée:

"Au regard des renvois opérés par l’article R. 642-27 du code de commerce au livre III du code des procédures civiles d’exécution, la sanction de la péremption de l’article R.321-20 du code des procédures civiles d’exécution est-elle applicable à l’ordonnance du juge commissaire ?
Dans l’affirmative, le juge de l’exécution est-il compétent pour proroger cette ordonnance ?
"

Sur le rapport de Mme le conseiller Vaissette et les conclusions de M. Le Mesle ,premier avocat général, entendu en ses observations orales
Vu les observations écrites déposées par la SCP Foussard et Froger, pour M.X..., ès qualités

MOTIFS

Lorsque le juge-commissaire ordonne, en application de l’article L. 642-18 du code de commerce, la vente d’un immeuble appartenant à un débiteur en liquidation judiciaire par voie d’adjudication judiciaire , cette vente a lieu conformément aux articles L. 322-5 à L. 322-13 du code des procédures civiles d’exécution, à l’exception des articles L. 322-6 et L. 322-9, et sous réserve que ces dispositions ne soient pas contraires à celles du code de commerce. L’article R. 642-27 du code de commerce dispose que la vente par voie d’adjudication judiciaire est soumise aux dispositions des titres 1 et Il du livre Ill du code des procédures civiles d’exécution et, dans la mesure où il n’y est pas dérogé, par les dispositions du présent livre.

L’ordonnance du juge-commissaire, aux termes de l’article R. 642-23, alinéa 2,du code de commerce, produit les effets du commandement prévu à l’article R. 321-21 du code des procédures civiles d’exécution et est publiée au fichier immobilier à la diligence du liquidateur ou du créancier poursuivant dans les conditions prévues pour ledit commandement.

Il en résulte, conformément aux dispositions de l’article R. 321-20 du code des procédures civiles d’exécution, qu’en l’absence de dispositions dérogatoires ou
incompatibles du livre VI du code de commerce, l’ordonnance du juge-commissaire, en dépit de son caractère juridictionnel, cesse de plein droit de produire effet si, dans les deux ans de sa publication, il n’a pas été mentionné, en marge de cette publication, un jugement constatant la vente du bien saisi.

En conséquence, à l’expiration du délai prévu par l’article R. 321-20 et jusqu’à la publication du titre de vente, toute partie intéressée peut demander au juge de l’exécution de constater la péremption de l’ordonnance du juge-commissaire.
Enfin, à défaut de disposition du code de commerce excluant sa compétence ou incompatible avec cette dernière, il appartient au juge de l’exécution, désigné par l’article R. 321-21 du code des procédures civiles d’exécution pour constater la péremption, de se prononcer sur une demande de prorogation des effets de l’ordonnance du juge-commissaire, formée conformément à l’article R. 321-22 du même code.

En conséquence,

LA COUR EST D’AVIS QUE :

La sanction de la péremption prévue par les articles R.321-20 et R. 321-21 du code des procédures civiles d’exécution s’applique à l’ordonnance du juge-commissaire ordonnant la vente d’un immeuble d’un débiteur en liquidation judiciaire par adjudication judiciaire .

Le juge de l’exécution est compétent pour statuer sur une demande de prorogation des effets d’une telle ordonnance.

RESPONSABILITE DU DEBITEUR POUR CAUSE DE FAUTE DE GESTION

LA NÉGLIGENCE DU CHEF D'ENTREPRISE NE PEUT PLUS ÊTRE POURSUIVIE EN COMBLEMENT DE PASSIF A TITRE PERSONNEL

Prive sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce, la cour d'appel qui, pour condamner un dirigeant sur ce fondement, relève que celui-ci a manqué de vigilance en engageant la société qu'il dirigeait dans une activité reposant sur un client unique, lequel lui a imposé des investissements lorsque le dirigeant pouvait légitimement croire à une expansion de sa société, avant de rompre brutalement les relations commerciales à sa seule initiative, de tels motifs étant impropres à établir une faute de gestion du dirigeant excédant sa simple négligence

Cour de cassation chambre commerciale arrêt du 13 avril 2022, pourvoi n° 20-20.137 cassation

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 juillet 2020), la société CDV, ayant pour objet le commerce de viande et dont M. [P] était le dirigeant, a bénéficié d'une procédure de sauvegarde le 28 février 2011. Elle a été mise en liquidation judiciaire le 4 juillet 2011 à la suite de la rupture brutale de ses relations commerciales avec son client unique, M. [E] étant désigné liquidateur. Celui-ci a recherché la responsabilité pour insuffisance d'actif du dirigeant.

Vu l'article L. 651-2 du code de commerce :

3. Il résulte de ce texte qu'en cas de simple négligence dans la gestion de la société, la responsabilité du dirigeant au titre de l'insuffisance d'actif est écartée.

4. Pour condamner M. [P] au titre de sa responsabilité pour insuffisance d'actif, l'arrêt , après avoir constaté que le cocontractant unique de la société CDV avait imposé à cette dernière des investissements destinés à adapter sa capacité de production à ses demandes dans un secteur d'activité et à une période où M. [P] pouvait légitimement croire à l'expansion de sa société, constate que ce cocontractant a brutalement rompu, à sa seule initiative, leurs relations commerciales, et relève que M. [P] a manqué de vigilance en engageant la société qu'il dirigeait dans une activité reposant sur un client unique sans trouver le moyen de garantir la pérennité des relations commerciales.

5. En statuant par de tels motifs tirés seulement d'un manque de vigilance de M. [P], impropres à établir que celui-ci aurait commis une faute de gestion non susceptible d'être analysée en une simple négligence, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Cour de cassation chambre commerciale arrêt du 5 septembre 2018, pourvoi n° 17-15031 rejet

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Chambéry, 17 janvier 2017), que la société DM Finances a été mise en liquidation judiciaire le 2 décembre 2011 ; que le liquidateur a assigné Mme Y..., en qualité de dirigeant, en responsabilité pour insuffisance d’actif de cette société ;

Attendu que le liquidateur fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande alors, selon le moyen, que selon l’article L. 651-2 du code de commerce, dans sa rédaction applicable en l’espèce antérieure à l’entrée en vigueur de l’article 146 de la loi du 9 décembre 2016, une négligence pouvait constituer une faute de gestion ; qu’en affirmant cependant que la responsabilité du dirigeant ne pouvait être engagée en cas de négligence dans la gestion de sa société, de sorte que Mme Y... ne pouvait se voir reprocher une faute dans la gestion de la société DM Finances, la cour d’appel a violé le texte ci-dessus&

Mais attendu que, selon les articles 1 et 2 du code civil, la loi nouvelle s’applique immédiatement aux situations et rapports juridiques établis ou formés avant sa promulgation, à moins que cette application immédiate ne méconnaisse un droit acquis ; que le caractère facultatif de la condamnation du dirigeant à supporter, en tout ou partie, l’insuffisance d’actif de la société exclut tout droit acquis du liquidateur à la réparation du préjudice auquel le dirigeant a contribué par sa faute de gestion ; qu’il en résulte qu’en l’absence de disposition contraire prévue par elle, la loi du 9 décembre 2016, qui écarte, en cas de simple négligence dans la gestion de la société, la responsabilité du dirigeant au titre de l’insuffisance d’actif, est applicable immédiatement aux procédures collectives en cours et aux instances en responsabilité en cours ; que le moyen, qui postule le contraire, n’est pas fondé ;

LES LIMITES ENTRE LA PROCEDURE COLLECTIVE ET LA PROCEDURE DE SURENDETTEMENT

Cour de cassation chambre civile 2 arrêt du 27 septembre 2018, pourvoi n° 17-22013 cassation

Sur le moyen unique pris en sa seconde branche, qui est préalable :

Vu les articles L. 526-6 du code de commerce et L. 333-7 du code de la consommation, devenu l’article L. 711-7 ;

Attendu, selon le premier de ces textes, que tout entrepreneur individuel peut affecter à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel, sans création d’une personne morale ; qu’il résulte du second, que les dispositions régissant le traitement des situations de surendettement sont applicables au débiteur qui a procédé à une déclaration de constitution de patrimoine affecté conformément à l’article L. 526-7 du code de commerce ; que ces dispositions s’appliquent à raison d’une situation de surendettement résultant uniquement de dettes non professionnelles ; qu’en ce cas, celles de ces dispositions qui intéressent les biens, droits et obligations du débiteur doivent être comprises, sauf dispositions contraires, comme visant les seuls éléments du patrimoine non affecté ; que celles qui intéressent les droits et obligations des créanciers du débiteur s’appliquent dans les limites du seul patrimoine non affecté ;

Attendu que pour déclarer irrecevable la demande de traitement de la situation de surendettement de Mme X..., le jugement retient qu’elle exerce son activité professionnelle sous le statut d’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, ce qui la rend éligible aux procédures collectives ;

Qu’en statuant ainsi, alors que la seule circonstance que le patrimoine affecté de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée relève de la procédure instituée par les titres II à IV du livre VI du code de commerce relative au traitement des difficultés des entreprises n’était pas de nature à exclure le patrimoine non affecté du débiteur de la procédure de traitement des situations de surendettement, le juge du tribunal d’instance a violé les dispositions susvisées ;

Et sur le moyen unique pris en sa première branche :

Vu les articles L. 330-1 et L. 333-7 du code de la consommation, devenus les articles L. 711-1 et L. 711-7 ; 

Attendu que pour déclarer irrecevable la demande de traitement de la situation de surendettement de Mme X... en raison de son absence de bonne foi, le jugement retient d’une part, qu’est versé aux débats un document intitulé « modèle de déclaration d’affectation par un entrepreneur à responsabilité limitée » aux termes duquel Mme X... indique être propriétaire de deux mobiles homes ayant vocation à être loués dans le cadre de l’EIRL X... blue vacances et d’autre part, qu’elle a sciemment caché la réalité de sa situation patrimoniale et financière en ne déclarant pas en être propriétaire ; 

Qu’en statuant ainsi sans rechercher si les mobiles homes n’étaient pas affectés au patrimoine professionnel de Mme X..., le juge du tribunal d’instance a privé sa décision de base légale

LA DECLARATION DE CREANCE ET SA CONTESTATION

LE DEBITEUR PEUT POURSUIVRE LE CREANCIER PUISQUE LA DECLARATION DE CREANCE AU PASSIF N'A PAS AUTORITE DE LA CHOSE JUGEE

La déclaration d’une créance au passif d’un débiteur soumis à une procédure collective ne tend qu’à la constatation de l’existence, de la nature et du montant de la créance déclarée, appréciés au jour de l’ouverture de la procédure. La contestation de cette créance, au cours de la procédure de vérification du passif, n’a pas le même objet que la demande en paiement d’une somme d’argent formée par le débiteur contre le créancier déclarant. Par conséquent, doit être approuvée la cour d’appel qui, ayant relevé qu’à l’occasion de la contestation de la créance déclarée par un créancier, le débiteur ne s’était pas prévalu de la compensation avec ses propres créances, ce qu’il n’avait pas à faire, en déduit que la demande en paiement de ces créances formée par le débiteur ultérieurement, devant le juge de droit commun, ne se heurte pas à l’autorité de la chose jugée dans le cadre de la vérification des créances.

Cour de cassation chambre commerciale arrêt du 9 octobre 2019, pourvoi n° 18-17730 rejet

Mais attendu que la déclaration d’une créance au passif d’un débiteur soumis à une procédure collective ne tend qu’à la constatation de l’existence, de la nature et du montant de la créance déclarée, appréciés au jour de l’ouverture de la procédure ; que la contestation de cette créance, au cours de la procédure de vérification du passif, n’a pas le même objet que la demande en paiement d’une somme d’argent formée contre le créancier déclarant ; qu’ayant relevé qu’à l’occasion de la contestation de la créance de la société BMW, la société Oustric ne s’était pas prévalue de la compensation avec ses propres créances, ce qu’elle n’avait pas à faire, la cour d’appel en a exactement déduit que la demande en paiement de celles-ci , qui ne se heurtait pas à l’autorité de la chose jugée dans le cadre de la vérification des créances, était recevable ; que le moyen n’est pas fondé ;

Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, pris en sa seconde branche, ni sur le second moyen, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

INSCRIPTION DES CREANCES DES PROCEDURES COLLECTIVES ET EXAMEN DU TITRE PAR LE JEX

Cour de cassation chambre civile 2 arrêt du 14 janvier 2021 pourvoi n° 18-23.238 cassation

Vu les articles L. 111-2 et L. 111-3 du code des procédures civiles d’exécution et 706-11 du code de procédure pénale :

7. La décision rendue par une juridiction, qui se borne à constater une créance et à en fixer le montant dans le cadre d’une procédure collective, ne constitue pas un titre exécutoire et ne peut, dès lors, servir de fondement à une mesure d’exécution forcée, et le fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’infraction, subrogé dans les droits de la victime, ne peut se prévaloir que du titre exécutoire de condamnation de l’auteur de l’infraction au bénéfice de la victime des faits.

8. Pour rejeter la contestation de la saisie-attribution formée par M. X..., l’arrêt retient que le texte même de l’article 706-11 précité indique bien que le FGTI est en droit d’obtenir auprès de la personne déclarée responsable du dommage le remboursement des indemnisations versées à la victime, que M. X... a bénéficié d’un plan de continuation adopté le 21 novembre 2012, soit antérieurement à la décision fixant le montant précis de l’indemnisation, que l’adoption du plan a mis fin à la période d’observation et a remis le débiteur en capacité de gérer son entreprise sous réserve des mesures imposées par ce plan, que dès lors, les créances nées après l’adoption du plan relèvent du droit commun et doivent être payées à l’échéance.

9. En statuant ainsi, alors qu’elle constatait par ailleurs que le jugement du 2 octobre 2014 avait seulement fixé les créances d’un débiteur faisant l’objet d’une procédure collective, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

LES CREANCES DOIVENT ÊTRE CONTESTEES AU MOMENT DE L'ADMISSION DES CREANCES ET NON PAS PLUS TARD DURANT LA PROCEDURE

Cour de cassation chambre commerciale arrêt du 20 janvier 2021 pourvoi n° 19-13.539 cassation

Réponse de la Cour

Vu les articles 1351, devenu 1355, du code civil, 583 du code de procédure civile et R. 624-8, alinéa 4, du code de commerce :

6. L’autorité de chose jugée qui s’attache à la décision irrévocable d’admission d’une créance au passif de la liquidation d’une société civile s’impose à ses associés, de sorte que, s’il n’a pas présenté contre une telle décision la réclamation prévue par l’article R. 624-8 du code de commerce, dans le délai fixé par ce texte, l’associé d’une société civile en liquidation judiciaire est sans intérêt à former tierce-opposition à la décision, antérieure, condamnant la société au paiement de ladite créance et sur le fondement de laquelle celle-ci a été admise.

7. Pour déclarer recevable la tierce-opposition formée par les consorts X..., l’arrêt retient que c’est en vain que la banque prétend qu’à défaut pour ceux-ci d’avoir exercé un recours contre l’état des créances dans le délai d’un mois à compter de sa publication au BODACC le 28 février 2015, la créance en litige a acquis l’autorité de la chose jugée à l’égard de tous, de sorte qu’ils seraient irrecevables à former toute nouvelle contestation portant sur l’existence, la nature ou le quantum de la créance ainsi admise définitivement, dès lors que l’admission définitive de la créance de la banque, dans le cadre et pour les besoins de la liquidation judiciaire de la SCI, n’interdisait nullement aux associés, qui n’étaient ni plus ni moins parties à cette procédure collective qu’à l’instance précédente devant cette cour, d’exercer devant un juge le recours effectif reconnu par le texte précité, qu’au demeurant l’examen du bordereau de déclaration de créance montre que la banque n’a pas déclaré d’autre créance que celle résultant précisément de l’arrêt du 24 mars 2011, qui était déjà définitive suite au rejet, le 28 juin 2012, du pourvoi formé contre cet arrêt et qu’ainsi les consorts X..., qui ont un intérêt manifeste à voir rétracter le jugement dès lors qu’ils sont poursuivis en paiement par la banque pour répondre des dettes sociales de la SCI à proportion de leurs parts dans le capital social, doivent être déclarés recevables en leur tierce-opposition.

8. En statuant ainsi, alors que les consorts X... ne contestaient pas ne pas avoir, en tant qu’intéressés au sens de l’article R. 624-8, alinéa 4, du code de commerce, présenté contre l’état des créances dans le délai d’un mois à compter de sa publication au BODACC, la réclamation prévue par ce texte, lequel leur ouvrait un accès effectif au juge au sens de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de sorte que, faute d’intérêt, leur tierce-opposition à l’arrêt condamnant la SCI, n’était pas recevable, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

9. En application de l’article 624 du code de procédure civile, la cassation de la disposition de l’arrêt déclarant recevable la tierce-opposition formée par les consorts X... entraîne la cassation de toutes les autres dispositions de l’arrêt, qui s’y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

LE DEBITEUR PEUT FAIRE APPEL DES CREANCES

Il résulte de la combinaison des articles L. 624-1, L. 624-3 et R. 624-1 du code de commerce que le débiteur en redressement judiciaire peut exercer un recours contre la décision du juge commissaire statuant sur la créance qu'il a contestée, peu important l'objet de cette contestation. Dès lors que le débiteur a contesté la créance, quel que soit le motif de cette contestation, il est recevable à un invoquer devant la cour d'appel un autre motif de contestation

Cour de cassation chambre commerciale arrêt du 29 mars 2023 pourvoi n° 21-21.258 rejet

Vu les articles L. 624-1, L. 624-3 et R. 624-1 du code de commerce :

4. Il résulte de la combinaison de ces textes que le débiteur en redressement judiciaire peut exercer un recours contre la décision du juge-commissaire statuant sur la créance qu'il a contestée, peu important l'objet de cette contestation.

5. Pour confirmer l'ordonnance du juge-commissaire du 10 février 2020 et admettre la créance de l'URSSAF, à titre privilégié, pour un montant de 52 220,59 euros et, à titre chirographaire, pour un montant de 61 309 euros, l'arrêt relève que la contestation de créance de la société SOS Micro 57 du 8 décembre 2018 n'était pas totale et ne visait pas les sommes dues au titre de cotisations pour le 4e trimestre 2013, les quatre trimestres 2014 et l'année 2014, dont elle demandait désormais l'annulation.

6. En statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que la société débitrice, par l'intermédiaire du mandataire judiciaire, avait contesté la créance de l'URSSAF, de sorte que, peu important le motif de cette contestation, elle était recevable à invoquer devant la cour d'appel un autre motif de contestation, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

LES CREANCES DES SALARIES DOIVENT ÊTRE PROTEGEES ET ILS DOIVENT POUVOIR FAIRE LEUR DECLARATION

Cour de cassation chambre commerciale arrêt du 22 mars 2023 pourvoi n° 21-14.604 cassation

Vu les articles L. 625-1 et R. 625-3 du code de commerce :

6. Selon le premier de ces textes, le salarié dont la créance ne figure pas en tout ou partie sur un relevé des créances résultant du contrat de travail établi par le mandataire judiciaire peut saisir, à peine de forclusion, le conseil de prud'hommes dans un délai de deux mois à compter de la mesure de publicité de ce relevé.

7. Aux termes du second de ces textes, le mandataire judiciaire informe par tout moyen chaque salarié de la nature et du montant des créances admises ou rejetées, lui indique la date du dépôt du relevé des créances au greffe et lui rappelle que le délai de forclusion prévu à l'article L. 625-1 du code du commerce, court à compter de la publication du relevé.

8. En application de ces textes, l'information délivrée par le mandataire judiciaire comprend, au titre des modalités de saisine de la juridiction compétente, l'indication de la saisine par requête de la formation de jugement du conseil de prud'hommes compétent et la possibilité de se faire assister et représenter par le représentant des salariés.

9. Il s'ensuit qu'en l'absence de ces mentions, ou lorsqu'elles sont erronées, le délai de forclusion ne court pas.

10. Pour déclarer le salarié irrecevable en ses demandes, l'arrêt retient que le liquidateur judiciaire justifie que le dépôt du relevé des créances salariales de la société GDSP a fait l'objet d'une mesure de publicité dans le quotidien Ouest France édition des Côtes d'Armor du 21 octobre 2014, qu'il avait préalablement informé le salarié le 14 octobre 2014 par courrier recommandé du dépôt du relevé des créances salariales effectué le 23 septembre 2014 auprès du greffe du tribunal de commerce de Saint-Brieuc et que contrairement à ce qu'a retenu le conseil de prud'hommes, le courrier d'information du 14 octobre 2014 comportait les précisions exigées par la loi s'agissant du délai de forclusion, de la date de la publication, du nom du journal, du nom de la juridiction compétente et des modalités d'assistance et de représentation devant le conseil de prud'hommes. Il relève qu'il a également averti le salarié qu'en cas de contestation de sa part sur le montant et/ou la nature de ses créances inscrites sur le relevé, il lui appartenait de saisir à peine de forclusion le conseil de prud'hommes compétent dans un délai de deux mois à compter de la publicité du 21 octobre 2014.

11. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le liquidateur n'avait pas indiqué au salarié la nature et le montant de ses créances admises ou rejetées ni le lieu et les modalités de saisine de la juridiction compétente, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

La cassation prononcée sur le premier moyen entraîne par voie de conséquence celle des chefs de dispositif de l'arrêt déboutant le salarié de sa demande en fixation au passif de la liquidation judiciaire d'une indemnité pour travail dissimulé et de sa demande de délivrance, sous astreinte, de bulletins de salaire rectificatifs, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.;

EXCEPTION AU DÉLAI DE 30 JOURS POUR CONTESTER LE REFUS DE LA CRÉANCE

Cour de cassation chambre commerciale arrêt du 5 septembre 2018, pourvoi n° 17-14960 rejet

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 28 novembre 2016), que la société TLS France (la société TLS) a été mise en redressement judiciaire le 24 avril 2014, tandis qu’était en cours devant le tribunal de commerce de Paris une instance l’opposant à la société Leasecom à propos de l’exécution de contrats de location financière ; que la société Leasecom ayant déclaré sa créance, objet de l’instance en cours, au passif de la société TLS, Mme X..., désignée mandataire puis liquidateur judiciaire, l’a informée que sa créance était discutée et qu’elle entendait proposer son rejet au juge-commissaire, l’invitant à répondre dans le délai de trente jours, ce dont la société Leasecom s’est abstenue ; que la société Leasecom a demandé au tribunal de commerce de Paris de fixer sa créance ; que cette demande ayant été déclaré irrecevable, la société Leasecom a relevé appel ;

Attendu que le liquidateur fait grief à l’arrêt statuant sur cet appel de déclarer la demande recevable et de fixer la créance de la société Leasecom alors, selon le moyen, que le créancier qui s’abstient de contester dans les trente jours la proposition de rejet de sa créance par le mandataire est irrecevable à contester ensuite cette proposition, peu important qu’elle ait été justifiée ou non ; qu’en décidant que la sanction prévue par l’article L. 622-7 [lire L. 622-27] du code de commerce ne s’applique pas au motif inopérant que le mandataire judiciaire avait à tort proposé le rejet de la créance quand il aurait dû proposer au juge-commissaire de constater qu’une instance était en cours, la cour d’appel a violé l’article L. 622-27 du code de commerce ;

Mais attendu que c’est à bon droit que l’arrêt retient que l’article L. 622-27 du code de commerce, qui interdit au créancier, qui n’a pas répondu à l’avis du mandataire judiciaire dans le délai de trente jours, de contester ultérieurement la proposition de ce dernier, n’a pas vocation à s’appliquer lorsqu’une instance au fond était en cours au jour de l’ouverture de la procédure collective du débiteur ; que le moyen n’est pas fondé ;

LE DROIT DE SUITE DU CREANCIER

Durant la procédure de liquidation judiciaire :

Il résulte de l'article L. 622-21 du code de commerce, rendu applicable à la liquidation judiciaire par L. 641-3 de ce code, que le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent. Les dispositions de ce texte ne profitant qu'au seul débiteur en procédure collective, les actions poursuivies contre les dirigeants sociaux, en raison de leurs fautes personnelles, ne sont pas soumises à la suspension des poursuites individuelles

Cour de cassation chambre commerciale arrêt du 30 mars 2023 pourvoi n° 21-21.005 rejet

6. Il résulte de l'article L. 622-21 du code de commerce, rendu applicable à la liquidation judiciaire par l'article L. 641-3 de ce code, que le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.

7. Les dispositions de ce texte ne profitant qu'au seul débiteur en procédure collective, c'est à bon droit que l'arrêt retient que les actions poursuivies contre les dirigeants sociaux, à raison de leurs fautes personnelles, ne sont pas soumises à la suspension des poursuites individuelles et que l'administration des douanes ne s'est pas affranchie de cette règle en poursuivant M. [H], sur le fondement des articles 1799 et 1799 A du code général des impôts, en sa qualité de personne solidaire ayant permis de commettre ou de faciliter la fraude.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Après la fin des opérations de liquidation judiciaire, le droit de suite est très limitée pour les créances déclarées

Selon l'article L. 645-11 du code de commerce, la clôture de la procédure de rétablissement professionnel d'un débiteur entraîne l'effacement de ses dettes à l'égard des créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture de cette procédure, a été portée à la connaissance du juge commis par le débiteur et a fait l'objet de l'information prévue à l'article L. 645-8 de ce code. Selon l'article R. 645-15 du même code, le jugement de clôture comprend l'état chiffré des créances effacées avec l'indication, selon le cas, du nom ou de la dénomination et du domicile ou siège des créanciers. Il en résulte qu'une dette n'est susceptible d'être effacée par la clôture de la procédure qu'à concurrence du montant indiqué dans cet état chiffré des créances

Cour de cassation chambre commerciale arrêt du 19 avril 2023 pourvoi n° 21-19.743 cassation

Vu les articles L. 645-11 et R. 645-17 du code de commerce :

8. Selon le premier de ces textes, la clôture de la procédure de rétablissement professionnel entraîne effacement des dettes à l'égard des créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure, a été portée à la connaissance du juge commis par le débiteur et a fait l'objet de l'information prévue à l'article L. 645-8 du code de commerce.

9. Selon le second, le jugement de clôture comprend l'état chiffré des créances effacées avec l'indication, selon le cas, du nom ou de la dénomination et du domicile ou siège des créanciers.

10. Il en résulte qu'une dette n'est susceptible d'être effacée par la clôture de la procédure qu'à concurrence du montant indiqué dans cet état chiffré des créances.

11. Pour rejeter les demandes de constat de la résiliation du bail et de paiement de l'arriéré des loyers formées par la SCI, l'arrêt retient que la dette de loyer de la locataire existait avant le 8 novembre 2019, date du commandement de payer, que, par une lettre du 6 avril 2020, le mandataire au rétablissement professionnel de Mme [G] a invité la SCI à lui adresser sa déclaration de créance dans les délais légaux, lui exposant que la débitrice avait indiqué lui devoir la somme de 18 330,58 euros, et que la créance de loyers ne fait pas partie des créances exclues de l'effacement.

12. En statuant ainsi, alors que la créance portée à la connaissance du juge commis et faisant l'objet du jugement de clôture de la procédure de rétablissement professionnel de Mme [G], emportant son effacement, était de 18 330,58 euros, tandis que la SCI se prévalait d'un commandement de payer portant sur un arriéré de loyers d'un montant supérieur, de 36 429,40 euros en principal, la cour d'appel, en retenant l'effacement intégral de la dette de Mme [G], a violé les textes susvisés.

Les créanciers ne peuvent plus poursuivre le débiteur et n'ont donc pas de droit de suite sauf exceptions prévues à l'article L643-11 du code de commerce

Article L 643-11 du code de commerce

I.- Le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur. Il est fait exception à cette règle :

1° Pour les actions portant sur des biens acquis au titre d'une succession ouverte pendant la procédure de liquidation judiciaire ;

2° Lorsque la créance trouve son origine dans une infraction pour laquelle la culpabilité du débiteur a été établie ou lorsqu'elle porte sur des droits attachés à la personne du créancier ;

3° Lorsque la créance a pour origine des manœuvres frauduleuses commises au préjudice des organismes de protection sociale mentionnés à l'article L. 114-12 du code de la sécurité sociale. L'origine frauduleuse de la créance est établie soit par une décision de justice, soit par une sanction prononcée par un organisme de sécurité sociale dans les conditions prévues aux articles L. 114-17 et L. 114-17-1 du même code.

II.-Les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent poursuivre le débiteur s'ils ont payé à la place de celui-ci.

III.-Les créanciers recouvrent leur droit de poursuite individuelle dans les cas suivants :

1° La faillite personnelle du débiteur a été prononcée ;

2° Le débiteur a été reconnu coupable de banqueroute ;

3° Le débiteur, au titre de l'un quelconque de ses patrimoines, ou une personne morale dont il a été le dirigeant a été soumis à une procédure de liquidation judiciaire antérieure clôturée pour insuffisance d'actif moins de cinq ans avant l'ouverture de celle à laquelle il est soumis ainsi que le débiteur qui, au cours des cinq années précédant cette date, a bénéficié des dispositions de l'article L. 645-11 ;

4° La procédure a été ouverte en tant que procédure territoriale au sens du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité ou au sens du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 2015/848 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relatif aux procédures d'insolvabilité.

IV.-En outre, en cas de fraude à l'égard d'un ou de plusieurs créanciers, le tribunal autorise la reprise des actions individuelles de tout créancier à l'encontre du débiteur. Le tribunal statue lors de la clôture de la procédure après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur, le liquidateur et les contrôleurs. Il peut statuer postérieurement à celle-ci, à la demande de tout intéressé, dans les mêmes conditions.

V.-Les créanciers qui recouvrent leur droit de poursuite individuelle et dont les créances ont été admises ne peuvent exercer ce droit sans avoir obtenu un titre exécutoire ou, lorsqu'ils disposent déjà d'un tel titre, sans avoir fait constater qu'ils remplissent les conditions prévues au présent article. Le président du tribunal, saisi à cette fin, statue par ordonnance.

Les créanciers qui recouvrent l'exercice individuel de leurs actions et dont les créances n'ont pas été vérifiées peuvent le mettre en œuvre dans les conditions du droit commun.

VI.-Lorsque la clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif est prononcée à l'issue d'une procédure ouverte à raison de l'activité d'un débiteur entrepreneur individuel à responsabilité limitée à laquelle un patrimoine est affecté, le tribunal, en cas de fraude à l'égard d'un ou de plusieurs créanciers, autorise les actions individuelles de tout créancier sur les biens compris dans le patrimoine non affecté de cet entrepreneur. Il statue dans les conditions prévues au IV. Les créanciers exercent les droits qui leur sont conférés par les présentes dispositions dans les conditions prévues au V.

VII.-Lorsque la clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif est prononcée à l'issue d'une procédure ouverte à raison de l'activité d'un débiteur, personne physique, à laquelle un patrimoine n'avait pas été affecté, le tribunal peut imposer des délais uniformes de paiement des créances mentionnées au I de l'article L. 641-13 à l'exception de celles des administrations financières, des organismes de sécurité sociale, des institutions gérant le régime d'assurance chômage prévu par les articles L. 5422-1 et suivants du code du travail et des institutions régies par le livre IX du code de la sécurité sociale. Ces délais ne peuvent excéder deux ans.

DÉLAI NON RAISONNABLE DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

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- LE DÉLAI NON RAISONNABLE DOIT ÊTRE LE FAIT DE LA JURIDICTION

- L'OBLIGATION D'ÉPUISER LES VOIES DE RECOURS INTERNES

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- UNE REQUÊTE PEUT ENSUITE ÊTRE POSTÉE A LA LA CEDH

LE DÉLAI NON RAISONNABLE DOIT ÊTRE LE FAIT DE LA JURIDICTION

Gobry contre France du 06/07/2004 Hudoc 5180 requête 71367/01

La Cour condamne le laps de temps entre chaque acte du Conseil d'Etat :

"§40 : La Cour relève, par contre, plusieurs périodes d'inactivité imputables au Conseil d'Etat et, notamment, du 11 mai 1994, date de la communication du recours du ministre défendeur, au 13 mai 1996, date d'une première demande de retour du dossier. De cette date au 15 novembre 1996, puis au 4 février 1997, dates d'une seconde demande de retour du dossier puis d'une mise en demeure. Elle relève également une période de latence entre le 4 mai 1998, date de l'affectation du dossier à un rapporteur, au 12 juillet 1999, date de dépôt de ce rapport.  

§41 : En conséquence, la Cour estime que les juridictions internes n'ont pas agi avec la diligence particulière requise par l'article 6§1 de la Convention en pareil cas"

Carries contre France du 20/07/2004 Hudoc 5248, requête 74628/01

la Cour condamne un délai de trois ans et six mois pour que  la Cour d'Appel Administrative de Marseille rende son arrêt dans un litige suite à un licenciement d'un personnel communal. Le dommage moral a été fixé à 6000 euros.

Donnadieu c. France (no 2) du 7 février 2006 Requête no 19249/02

EN MATIÈRE DE DEMANDE DE DOCUMENTS ET DE PROCÉDURE DEVANT LA CADA

"44.  La Cour rappelle en premier lieu que l’article 6 est applicable à la procédure en annulation du refus de communication par le CHU de documents administratifs et médicaux concernant l’internement du requérant (voir Loiseau c. France (déc.), no 46809/99, § 7, 18 novembre 2003). Elle rappelle ensuite que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d’autres, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII).

1.  Détermination de la durée de la procédure administrative en annulation du refus de communication par le CHU de documents relatifs à l’internement du requérant

45.  La Cour relève que seule la décision prise par la CADA dans le cadre d’une troisième saisine par le requérant, le 4 janvier 1999, qui lui avait été notifiée le 6 avril 1999, a fait l’objet d’un recours auprès du tribunal administratif le 19 avril 1999. La saisine de la CADA ne revêt le caractère de recours préalable obligatoire que dans le cadre de cette troisième saisine (X. c. France, précité, § 31) et seule la durée de trois mois qui y est relative doit donc être prise en considération. Quant à la phase juridictionnelle de cette procédure, elle s’est achevée le 3 janvier 2005 par l’arrêt de la cour administrative de Marseille.

La Cour observe que la première instance a connu une période d’inactivité de deux ans et trois mois après la réception du dernier mémoire du requérant et que la durée globale de la procédure est de six ans pour un recours préalable et deux degrés d’instance.

2.  Détermination de la durée de la procédure administrative en réparation du préjudice subi du fait de la communication tardive des documents précités

46.  La Cour constate que cette procédure a débuté le 14 avril 1999, date du recours préalable en indemnisation auprès du CHU (X., précité, § 31) et s’est achevée le 3 janvier 2005. Elle relève en particulier que la première instance a duré trois ans et six mois. La durée globale de la procédure est donc de cinq ans et plus de huit mois pour une demande préalable et deux degrés d’instance.

47.  La Cour a traité à maintes reprises d’affaires soulevant des questions semblables aux deux procédures visées en l’espèce et a constaté la violation de l’article 6 § 1 de la Convention. Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour considère que le Gouvernement n’a exposé aucun fait ni argument convaincant pouvant mener à une conclusion différente dans le cas présent. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu’en l’espèce la durée des procédures litigieuses est excessive et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ». Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention."

L'OBLIGATION D'ÉPUISER LES VOIES DE RECOURS INTERNES

Broca et Texier-Micault contre France du 21/10/2003; Hudoc 4655; requêtes 27928/02 et 31694/02

"§18: La Cour rappelle qu'aux termes de l'article 35§1 de la Convention, elle ne peut être saisie qu'après l'épuisement des voies de recours internes : tout requérant doit avoir donné aux juridictions internes l'occasion que cette disposition a pour finalité de ménager en principe aux Etats contractants : éviter ou redresser les violations alléguées contre eux.

Cette règle se fonde sur l'hypothèse que l'ordre interne offre un recours effectif quant à la violation alléguées (voir par exemple décision d'irrecevabilité Mifsud contre France; 11/09/2002; requête 57200/00)

En matière de "délai raisonnable" au sens de l'article 6§1 de la Convention, un recours purement indemnitaire - tel le recours en responsabilité de l'Etat pour fonctionnement défectueux du service public de la justice dont il est question en l'espèce - est en principe susceptible de constituer une voie de recours à épuiser au sens de l'article 35§1, même lorsque la procédure est pendante au plan interne au jour de la saisine de la Cour (voir en particulier la décision Mifsud précitée)

§19: Les dispositions de l'article 35§1 de la Convention ne prescrivent cependant que l'épuisement des recours à la fois relatifs aux violations incriminées, disponibles et adéquats. Ils doivent exister à un degré suffisant de certitude non seulement en théorie mais aussi, en pratique, sans quoi leur manquent l'effectivité et l'accessibilité voulues; il incombe à l'État défendeur de démontrer que ces exigences se trouvent réunies (ibidem,notamment)

A cet égard, dans les affaires relatives à la durée de procédures devant les juridictions administratives qu'elles a examinées antérieurement, la Cour a constamment jugé que, nonobstant la jurisprudence Daimont du Conseil d'Etat, les jugements du Tribunal Administratif de Paris des 24 juin et 30 septembre 1999 auxquels se réfère le Gouvernement ne suffisent "manifestement pas à faire la démonstration du caractère effectif et accessible de la voie de recours invoquée s'agissant d'un grief tiré de la durée d'une procédure devant le juge administratif, d'autant moins qu'ils émanent d'une jurisprudence de première instance" () l'arrêt rendu par la Cour d'Appel de Paris le 11/07/2001 dans l'affaire Magiera fait en revanche clairement droit à des conclusions indemnitaires en réparation de préjudices nés d'un dépassement du "délai raisonnable" de l'article 6§1 de la Convention  et  alloue  au   demandeur   une  indemnité  de 30 000 FF pour une instance ayant duré 7ans et 6 mois.

Assurément, la Cour l'a d'ailleurs déjà reconnu (voir Lutz contre France (n° 1)  requête n°48215/99; 26 mars 2002 §20) cet arrêt apporte plus de poids à l'argumentation du Gouvernement. Cependant, frappé de pourvoi à l'initiative du Garde des Sceaux, il était susceptible d'être annulé par le Conseil d'Etat, de sorte qu'aucune conclusion définitive ne pouvait être tirée.

Par un arrêt du 28/06/2002 ( Garde des Sceaux ministre de la justice contre Magiera; paragraphe 12 ci dessus)  l'Assemblée du contentieux du Conseil d'Etat a confirmé cette décision de la Cour Administrative d'Appel de Paris. Rendu par la formation la plus solennelle de la haute juridiction administrative, cet arrêt se réfère expressément à l'article 6§1 de la Convention et au droit "des justiciables () à ce que leurs requêtes soient jugées dans un délai raisonnable", et reconnaît à ceux-ci, "lorsque la méconnaissance de (ce droit) leur a causé un préjudice (la possibilité d')obtenir la réparation du dommage ainsi causé par le fonctionnement défectueux du Service Public de la justice"

Il souligne en particulier ce qui suit:   

"l'action en responsabilité engagée par le justiciable dont la requête n'a pas été jugée dans un délai raisonnable doit permettre la réparation de l'ensemble des dommages tant matériels que moraux, directs et certains, qui ont pu lui être causés et dont la réparation ne se trouve pas assurées par la décision rendue sur le litige principal () peut ainsi, notamment, trouver réparation du préjudice causé par la perte d'un avantage ou d'une chance ou encore par la reconnaissance tardive d'un droit () peuvent aussi donner lieu à réparation des désagréments provoqués par la durée abusivement longue d'une procédure lorsque ceux-ci ont un caractère réel et vont au delà des préoccupations habituellement causées par un procès, compte tenu notamment de la situation personnelle de l'intéressé"

Il ressort ainsi clairement de cet arrêt que le recours en responsabilité de l'Etat pour fonctionnement défectueux du service public de la justice permet aux justiciables, parties à une procédure devant les juridictions administratives, d'obtenir un constat de violation de leur droit à voir leur cause entendue dans un délai "raisonnable" et l'indemnisation du préjudice qui en résulte. La Cour Juge en outre convaincante la thèse du Gouvernement selon laquelle cela vaut pour les procédures pendantes comme pour les procédures achevées au plan interne (voir, par analogie, la décision Mifsud précitée)   

Les arrêts du Conseil d'Etat sont définitifs et s'imposent aux juridiction du fond, rendu par l'assemblée du contentieux, l'arrêt Magiera s'impose en outre, sinon en droit, du moins en pratique, à la section du contentieux et aux sous sections du contentieux de la haute juridiction. La Cour déduit de ce qui précède que le recours dont il est question se trouve "établie" à un degré suffisant de certitude non seulement en théorie mais aussi en pratique pour pouvoir et devoir être utilisée aux fins de l'article 35§1 de la Convention, ceci à première vue, dès le jour du prononcé de l'arrêt Magiera soit dès le 28 juin 2002 (en vertu du brocard "res judicata pro veritate habetur")

§20: Il ne serait cependant pas équitable d'opposer une voie de recours nouvellement intégrée dans le système juridique d'un Etat cocontractant aux individus qui se portent requérantes devant la Cour, avant que les justiciables concernés en aient eu connaissance de manière effective () l'équité commande de prendre en compte un laps de temps raisonnable, nécessaire aux justiciables pour avoir effectivement connaissance de la décision interne qui la consacre () S'agissant de l'arrêt du Conseil d'Etat du 28 juin 2002 dont il est présentement question, il semble qu'à ce jour, il n'a pas encore été publié au "recueil Lebon", qui est le recueil "officiel"  des arrêts du Conseil d'Etat, du Tribunal des conflits et des juridictions administratives; le Gouvernement indique cependant qu'il figure sur le site internet du Conseil d'Etat depuis le 1er juillet 2002 et a été publié et commenté (date de publications dans divers chroniques) il avait acquis un degré de certitude juridique suffisant à une période qui se situe aux alentours de la fin de l'année 2002, soit environ six mois après sa lecture. Elle rappelle à toutes fins utiles qu'elle a suivi un raisonnement comparable s'agissant de l'évolution jurisprudentielle consacrant la possibilité pour les justiciables  d'obtenir une indemnisation à raison de la durée d'une procédure judiciaire, par le biais d'un recours fondé sur l'article L 781-1 du C.O.J  (voir, notamment la décision d'irrecevabilité Giummarra et autres contre France du 12 juin 2001; requête n°61166/00) le problème était analogue, puisque, si cet arrêt est issu d'une loi, insérée dans le code par décret du 16 mars 1978, c'est l'évolution récente de l'interprétation jurisprudentielle au dit article qui a conduit la Cour à considérer, par la décision Giummara, qu'il instituait une voie de recours interne à épuiser. Quant à la différence entre l'espèce Giummara et la présente affaire, tenant à ce qu'ici il s'agit d'un arrêt du Conseil d'Etat et non d'un arrêt de cour d'appel, elle ne vaut pas, car dans la décision Giummara, la Cour avait retenu comme date de l'arrêt le jour où celui-ci, faute de pourvoi en cassation, était devenu définitif.

La Cour juge en conséquence raisonnable de retenir que l'arrêt Magiera du Conseil d'Etat ne pouvait plus être ignoré du public à partir du 01/01/2003. Elle en conclut que c'est à partir de cette date, et non du 28 juin 2002 qu'il doit être exigé des requérants qu'ils usent de ce recours aux fins de l'article 35§1 de la Convention.

§21: Enfin la Cour rappelle que l'épuisement des voies de recours internes s'apprécie en règle générale à la date d'introduction de la requête (voir par exemple la décision de recevabilité Van der Kar et Lissaur van West contre France du 7 novembre 2000; requêtes n°44952/98 et 44953/98 et la décision de recevabilité Malve contre France du 20 janvier 2001; requête n° 46051/99) ()

En conséquence, dès lors qu'une requête dénonçant la durée d'une procédure devant les juridictions administratives françaises a été introduite devant la Cour avant le 1er janvier 2003, elle est recevable, peu importe que le requérant ait, par la suite, pour une raison ou une autre, la possibilité d'engager au plan interne le recours dont il est question.

§22: En résumé, tout grief tiré de la durée d'une procédure devant les juridictions administratives introduit  devant la Cour le 1er janvier 2003 ou après cette date sans avoir préalablement été soumis aux juridictions internes dans le cadre d'un recours en responsabilité de l'Etat pour fonctionnement défectueux du Service Public de la justice est irrecevable, quelque soit l'état de la procédure au plan interne"

Maugee contre France du 14/09/2004 requête 65902/01

"A.  Sur la recevabilité:

§23:  Le Gouvernement soutient, à titre principal, que le grief est irrecevable en raison du non-épuisement des voies de recours internes. Il expose que le requérant disposait en droit interne d’un recours efficace permettant de dénoncer la durée de la procédure et obtenir réparation, à savoir le recours en responsabilité de l’Etat pour fonctionnement défectueux du service public de la justice. Il se réfère à la jurisprudence du Conseil d’Etat (Darmont, Assemblée, 29 décembre 1978, Rec. p. 542 et Garde des Sceaux, Ministre de la Justice c. Magiera, Assemblée, 28 juin 2002), et de la Cour (Brusco c. Italie (déc.), no 69789/01, 6 septembre 2001, CEDH 2001-IX) et Nogolica c. Croatie (déc.), no 77784/01, 5 septembre 2002, CEDH 2002-VIII).

§24:  Le requérant conclut au rejet de l’exception.

§25: La Cour renvoie à l’arrêt Broca et Texier-Micault c. France du 21 octobre 2003 (nos 27928/02 et 31694/02), dans lequel elle a jugé que, pour les griefs tirés de la durée d’une procédure devant les juridictions administratives françaises, le recours en responsabilité de l’Etat pour fonctionnement défectueux du service public de la justice a acquis, le 1er janvier 2003, le degré de certitude juridique requis pour pouvoir et devoir être utilisé aux fins de l’article 35 § 1 de la Convention. Tout grief de cette nature introduit devant la Cour le 1er janvier 2003 ou après cette date sans avoir préalablement été soumis aux juridictions internes dans le cadre d’un tel recours est irrecevable ; il en va à l’inverse des griefs introduits avant cette date.

§26:  La Cour ayant été saisie de la présente affaire le 6 novembre 2000, soit avant le 1er janvier 2003, il ne saurait être reproché au requérant de ne pas avoir usé de ce recours. Il y a lieu en conséquence de rejeter l’exception soulevée par le Gouvernement"

 B.  Sur le fond 

§37:  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d’autres, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII).

§38:  La Cour constate en premier lieu qu’une part importante des ressources du requérant est constituée de sa pension d’invalidité. Le litige, qui tendait à une amélioration de celle-ci au vu de la dégradation de l’état de santé de l’intéressé, avait en conséquence pour lui un enjeu important, justifiant une diligence particulière de la part des autorités (voir, mutatis mutandis l’arrêt Mocie c. France du 8 avril 2003, no 46096/99, § 22).

§39:  La Cour considère que l’affaire ne présentait pas de difficulté sérieuse. Elle constate que le requérant, en demandant une contre-expertise en première instance, n’a pas provoqué de retard notable dans le déroulement de la procédure (un peu plus de quatre mois en l’occurrence, puisque le rapport aurait dû être établi dans un délai de trois mois), et qu’aucun autre délai ne lui est imputable. En particulier, il ne ressort pas du dossier que le requérant, qui a fait appel et auquel on ne saurait reprocher d’avoir tiré pleinement parti des voies de recours internes existantes (voir notamment Erkner et Hofauer c. Autriche, arrêt du 23 avril 1987, série A no 117, p. 63, § 68), ait retardé le déroulement de la procédure devant la cour d’appel. La Cour relève, par contre, plusieurs périodes d’inactivité imputables aux juridictions internes, outre celles évoquées par le Gouvernement (§ 31 ci-dessus). De tels retards peuvent notamment être constatés dans le délai de onze mois et vingt-cinq jours entre la saisine du tribunal départemental et la désignation d’un expert par ce tribunal, le 25 mars 1993, dans le délai de dix mois et deux jours pris par l’expert, désigné le 27 janvier 2004, pour déposer son rapport (qui devait être établi en trois mois), le 29 novembre 1994, et dans le délai de neuf mois et vingt-neuf jours qui sépare ce dépôt du jugement, rendu le 28 septembre 1995. Il en va de même du délai d’un an et dix sept jours pris, en appel, entre le 21 février 1997, date à laquelle fut ordonné le rapport d’expertise (devant être établi en deux mois) et le dépôt de ce rapport, le 10 mars 1998.

§40:  En second lieu, la Cour est d’avis qu’une durée globale de plus de neuf ans dans ce type d’affaire ne saurait, en soi, être considérée comme répondant aux exigences du « délai raisonnable » garanti par l’article 6 § 1 de la Convention"

Watt contre France du 28/09/2004, requête 71377/01

 17.  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d'une procédure s'apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l'affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l'enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d'autres, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII).

  18.  La Cour estime que la présente affaire ne présentait aucune complexité particulière. Elle relève, par contre, de longues périodes d'inactivité imputables aux juridictions internes (voir paragraphes 8 et 9 ci-dessus).

  19.  La Cour a traité à maintes reprises d'affaires soulevant des questions semblables à celle du cas d'espèce et a constaté la violation de l'article 6 § 1 de la Convention (voir Frydlender précité).

  20.  Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour considère que le Gouvernement n'a exposé aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente dans le cas présent. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu'en l'espèce la durée de la procédure litigieuse est excessive et ne répond pas à l'exigence du « délai raisonnable ».

 Partant, il y a eu violation de l'article 6 § 1.

Braillon contre France du 24/01/2006, requête 32929/02

"17.  La Cour renvoie à l’arrêt Broca et Texier-Micault c. France du 21 octobre 2003 (nos 27928/02 et 31694/02), dans lequel elle a jugé qu’en matière de durée d’une procédure devant les juridictions administratives françaises, le recours en responsabilité de l’Etat pour fonctionnement défectueux du service public de la justice a acquis, le 1er janvier 2003, le degré de certitude juridique requis pour pouvoir et devoir être utilisé aux fins de l’article 35 § 1 de la Convention. Tout grief de cette nature introduit devant la Cour à compter du 1er janvier 2003 sans avoir préalablement été soumis aux juridictions internes dans le cadre d’un tel recours est irrecevable ; il en va autrement des griefs introduits avant cette date.

En l’espèce, la Cour ayant été saisie de la présente affaire le 30 juillet 2002, il ne saurait être reproché à la requérante de ne pas avoir usé de ce recours.

18.  Il convient donc de rejeter cette exception préliminaire.

19.  La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Elle relève en outre qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

B.  Sur le fond

20.  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d’autres, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII).

21.  La Cour a traité à maintes reprises d’affaires soulevant des questions semblables à celle du cas d’espèce et a constaté la violation de l’article 6 § 1 de la Convention (voir Frydlender, précité).

22.  Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, et en particulier la complexité du cas soumis en l’espèce aux juridictions internes et l’enjeu pour la requérante, la Cour considère que le Gouvernement n’a exposé aucun fait ni argument convaincant pouvant mener à une conclusion différente dans le cas présent. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu’en l’espèce la durée de la procédure litigieuse est excessive et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ».

Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

Donnadieu contre France du 7/02/2006, requête 19249/02

"44.  La Cour rappelle en premier lieu que l’article 6 est applicable à la procédure en annulation du refus de communication par le CHU de documents administratifs et médicaux concernant l’internement du requérant (voir Loiseau c. France (déc.), no 46809/99, § 7, 18 novembre 2003). Elle rappelle ensuite que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d’autres, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII).

1.  Détermination de la durée de la procédure administrative en annulation du refus de communication par le CHU de documents relatifs à l’internement du requérant

45.  La Cour relève que seule la décision prise par la CADA dans le cadre d’une troisième saisine par le requérant, le 4 janvier 1999, qui lui avait été notifiée le 6 avril 1999, a fait l’objet d’un recours auprès du tribunal administratif le 19 avril 1999. La saisine de la CADA ne revêt le caractère de recours préalable obligatoire que dans le cadre de cette troisième saisine (X. c. France, précité, § 31) et seule la durée de trois mois qui y est relative doit donc être prise en considération. Quant à la phase juridictionnelle de cette procédure, elle s’est achevée le 3 janvier 2005 par l’arrêt de la cour administrative de Marseille.

La Cour observe que la première instance a connu une période d’inactivité de deux ans et trois mois après la réception du dernier mémoire du requérant et que la durée globale de la procédure est de six ans pour un recours préalable et deux degrés d’instance.

2.  Détermination de la durée de la procédure administrative en réparation du préjudice subi du fait de la communication tardive des documents précités

46.  La Cour constate que cette procédure a débuté le 14 avril 1999, date du recours préalable en indemnisation auprès du CHU (X., précité, § 31) et s’est achevée le 3 janvier 2005. Elle relève en particulier que la première instance a duré trois ans et six mois. La durée globale de la procédure est donc de cinq ans et plus de huit mois pour une demande préalable et deux degrés d’instance.

47.  La Cour a traité à maintes reprises d’affaires soulevant des questions semblables aux deux procédures visées en l’espèce et a constaté la violation de l’article 6 § 1 de la Convention. Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour considère que le Gouvernement n’a exposé aucun fait ni argument convaincant pouvant mener à une conclusion différente dans le cas présent. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu’en l’espèce la durée des procédures litigieuses est excessive et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ». Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention."

Barillon contre France du 09/02/2006, arrêt 22897/02

"1.  Sur la recevabilité

16.  Le Gouvernement excipe du non-épuisement de la voie de recours interne en responsabilité de l’Etat pour fonctionnement défectueux du service public de la justice.

17.  La Cour renvoie à l’arrêt Broca et Texier-Micault c. France du 21 octobre 2003 (nos 27928/02 et 31694/02), dans lequel elle a jugé qu’en matière de durée d’une procédure devant les juridictions administratives françaises, le recours en responsabilité de l’Etat pour fonctionnement défectueux du service public de la justice a acquis, le 1er janvier 2003, le degré de certitude juridique requis pour pouvoir et devoir être utilisé aux fins de l’article 35 § 1 de la Convention. Tout grief de cette nature introduit devant la Cour à compter du 1er janvier 2003 sans avoir préalablement été soumis aux juridictions internes dans le cadre d’un tel recours est irrecevable ; il en va autrement des griefs introduits avant cette date.

En l’espèce, la Cour ayant été saisie de la présente affaire le 7 juin 2002, il ne saurait être reproché à la requérante de ne pas avoir usé de ce recours.

18.  Il convient donc de rejeter cette exception.

19.  La Cour constate que le grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Elle relève en outre qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

2.  Sur le fond

20.  La période à considérer a débuté le 24 juillet 1997 et s’est terminée le 25 mai 2004, durant ainsi plus de six ans et dix mois pour trois instances.

21.  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d’autres, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII).

22.  Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, en particulier la complexité du cas soumis en l’espèce aux juridictions internes, et compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime que la durée de la procédure litigieuse a été excessive et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ».

Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention"

LA JURISPRUDENCE DU CONSEIL D'ÉTAT FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat a, dans son arrêt "Garde des Sceaux ministre de la justice contre Magiera du 28 juin 2002" intégralement reproduit ci dessous définit clairement l'étendue matérielle de sa jurisprudence.

Il ne s'agit pas seulement de considérer les procédures qui concerne des "contestations sur des droits et obligations de caractère civil" dans le cadre de l'article 6§1 de la Convention mais de toutes les procédures pourvu qu'elles aient causé un dommage moral ou matériel à l'intéressé.

Matériellement, la simple perte de chance suffit. Moralement, la simple préoccupation trop longue causée par la durée "non raisonnable", suffit. Le préjudice matériel est réparé alors que la C.E.D.H ou les juridictions judiciaires ne réparent que le préjudice moral.

Conseil d'Etat
statuant au contentieux
N° 239575 Publié au Recueil Lebon

EN ASSEMBLEE

Mlle Vialettes, Rapporteur
M. Lamy, Commissaire du gouvernement
M. Denoix de Saint Marc, Président

Lecture du 28 juin 2002

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Vu le recours, enregistré le 31 octobre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ; le GARDE DE SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler, sans renvoi, l'arrêt en date du 11 juillet 2001 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du 24 juin 1999 du tribunal administratif de Paris et a condamné l'Etat à verser à M. Pierre X... une indemnité de 30 000 F à raison du préjudice né du délai excessif de jugement d'un précédent litige et une somme de 10 000 F au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la requête présentée par M. X... devant la cour administrative d'appel de Paris ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Vialettes, Auditeur,

- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Paris, après avoir constaté que la procédure que M. X... avait précédemment engagée à l'encontre de l'Etat et de la société "La Limousine" et qui avait abouti à la condamnation de ces défendeurs à lui verser une indemnité de 78 264 F, avait eu une durée excessive au regard des exigences de l'article 6, paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, a condamné l'Etat à verser à M. X... une indemnité de 30 000 F pour la réparation des troubles de toute nature subis par lui du fait de la longueur de la procédure ;

Sur la régularité de l'arrêt attaqué :

Considérant que l'arrêt énonce avec précision les raisons pour lesquelles la cour a estimé que la durée de la procédure avait été excessive et que l'Etat devait réparation à M. X... du préjudice qui avait pu en résulter ; que la cour administrative d'appel a ainsi suffisamment motivé sa décision ;

Sur la légalité de l'arrêt attaqué :

Sur le moyen relatif aux conditions d'engagement de la responsabilité de l'Etat :

Considérant que le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE, soutient, d'une part, que la cour a commis une erreur de droit en estimant la responsabilité de l'Etat automatiquement engagée dans le cas où la durée d'une procédure aurait été excessive, d'autre part, qu'elle a commis une autre erreur de droit ainsi qu'une dénaturation des pièces du dossier en ce qui concerne les critères qu'elle a retenus pour juger anormalement longue la durée de la procédure en cause ;

Considérant qu'aux termes de l'article 6, paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal (.) qui décidera (.) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (.)" ; qu'aux termes de l'article 13 de la même convention : "toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente convention, ont été violés a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles" ;

Considérant qu'il résulte de ces stipulations, lorsque le litige entre dans leur champ d'application, ainsi que, dans tous les cas, des principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions administratives, que les justiciables ont droit à ce que leurs requêtes soient jugées dans un délai raisonnable ;

Considérant que si la méconnaissance de cette obligation est sans incidence sur la validité de la décision juridictionnelle prise à l'issue de la procédure, les justiciables doivent néanmoins pouvoir en faire assurer le respect ; qu'ainsi lorsque la méconnaissance du droit à un délai raisonnable de jugement leur a causé un préjudice, ils peuvent obtenir la réparation du dommage ainsi causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice ;

Considérant qu'après avoir énoncé que la durée de la procédure avait été excessive, la cour administrative d'appel en a déduit que la responsabilité de l'Etat était engagée vis-à-vis de M. X... ; que, ce faisant, loin de violer les textes et les principes sus rappelés, elle en a fait une exacte application ;

Considérant que le caractère raisonnable du délai de jugement d'une affaire doit s'apprécier de manière à la fois globale - compte tenu, notamment, de l'exercice des voies de recours - et concrète, en prenant en compte sa complexité, les conditions de déroulement de la procédure et, en particulier, le comportement des parties tout au long de celle-ci, mais aussi, dans la mesure où la juridiction saisie a connaissance de tels éléments, l'intérêt qu'il peut y avoir, pour l'une ou l'autre, compte tenu de sa situation particulière, des circonstances propres au litige et, le cas échéant, de sa nature même, à ce qu'il soit tranché rapidement ;

Considérant que pour regarder comme excessif le délai de jugement du recours de M. X..., la cour administrative d'appel de Paris énonce que la durée d'examen de l'affaire devant le tribunal administratif de Versailles a été de 7 ans et 6 mois pour "une requête qui ne présentait pas de difficulté particulière" ; qu'en statuant ainsi, la cour, contrairement à ce que soutient le ministre, a fait une exacte application des principes rappelés ci-dessus ;

Sur le moyen relatif aux conditions d'appréciation de l'existence d'un préjudice :

Considérant que le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE, soutient que la cour ne pouvait se borner à constater "une inquiétude et des troubles dans les conditions d'existence" mais devait rechercher si un préjudice pouvait être caractérisé compte tenu de la nature et de l'enjeu du litige ainsi que de l'issue qui lui avait été donnée ;

Considérant que l'action en responsabilité engagée par le justiciable dont la requête n'a pas été jugée dans un délai raisonnable doit permettre la réparation de l'ensemble des dommages tant matériels que moraux, directs et certains, qui ont pu lui être causés et dont la réparation ne se trouve pas assurée par la décision rendue sur le litige principal ; que peut ainsi, notamment, trouver réparation le préjudice causé par la perte d'un avantage ou d'une chance ou encore par la reconnaissance tardive d'un droit ; que peuvent aussi donner lieu à réparation les désagréments provoqués par la durée abusivement longue d'une procédure lorsque ceux-ci ont un caractère réel et vont au-delà des préoccupations habituellement causées par un procès, compte tenu notamment de la situation personnelle de l'intéressé ;

Considérant que la cour administrative d'appel de Paris a estimé, par une appréciation souveraine, que M. X... avait subi, du fait de l'allongement de la procédure, "une inquiétude et des troubles dans les conditions d'existence" dont elle a chiffré la somme destinée à en assurer la réparation à 30 000 F ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que, contrairement à ce que soutient le ministre, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE, n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 11 juillet 2001 ;

DECIDE :

Article 1er : Le recours du GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE, est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE et à M. Pierre X....

MODÈLE GRATUIT DE RECOURS GRACIEUX AU MINISTRE

Vous pouvez saisir le ministre de la justice garde des sceaux d'un recours gracieux. Quelque soit la décision du ministre de la justice, votre recours gracieux aura pour conséquence de faire "avancer" votre dossier devant les juridictions administratives.

Notre Conseil: Copiez collez sur une page Word ou autre préalablement ouverte puis complétez ou modifiez le texte comme vous le souhaitez.

LETTRE RECOMMANDEE AVEC ACCUSE DE RECEPTION DU

RECOURS GRACIEUX A MADAME LA MINISTRE DE LA JUSTICE

A: MADAME LA MINISTRE DE LA JUSTICE

13 Place Vendôme

75042 Paris cedex 01

Pour :

Nom et Prénoms:

de nationalité:                                        profession:

né le:                                                    à:

demeurant:

 

EXPOSE DE LA DEMANDE

 

Les faits:

 

 

 

 

 

 

Le droit:

L'article 6§1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme prévoit en ses termes compatibles:

"Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue () dans un délai raisonnable () par un Tribunal () qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation pénale dirigée contre elle" 

La célèbre jurisprudence Magiera contre ministre de la justice rendue par le Conseil d'Etat le 28 juin 2002  prévoit la réparation du préjudice moral et matériel causé par un délai non raisonnable d'une procédure administrative.

Cet arrêt ne concerne pas seulement le refus de répondre aux requêtes ou le fait de négliger de juger les affaires en état de l'être, mais aussi plus largement, de tout manquement de l'Etat à son devoir de protection juridictionnelle de l'individu qui comprend le droit pour tout justiciable de voir statuer sur ses prétentions dans un délai raisonnable conformément à l'article 6§1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme.   

L'existence d'un tel délai s'apprécie à la lumière des circonstances propres à chaque espèce.

Il y a lieu en particulier, de prendre en considération:

-le délai global de l'affaire par rapport à sa nature;

-son degré de complexité;

-le comportement de la partie qui se plaint de la durée de la procédure,

-le comportement et les délais de latence commis par les autorités judiciaires

-l'enjeu de la procédure pour la partie qui se plaint.

DISCUSSION:

La procédure a débuté le

pour se terminer le

(ou n'est pas encore terminée)

le délai global pris dans son ensemble est de

Il est beaucoup trop long pour une affaire de cette nature et la simple constatation de ce délai global suffit à le qualifier de "non raisonnable".

 

 

L'AFFAIRE N'EST PAS COMPLEXE:

Il s'agit simplement de:

 

 

NOUS N'AVONS RIEN FAIT QUI PUISSE PROLONGER LA PROCÉDURE:

Nous avons seulement usé de nos droits de recours:

Cet usage ne peut pas nous être reproché, sans partialité.

Bien au contraire, nous avons essayé de faire accélérer la procédure:

 

EN REVANCHE LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES ONT COMMIS DES "DELAIS DE LATENCE" ENTRE CHAQUE ACTE:

 

Entre le

Et le

Il y a eu un délai de

Entre le

Et le

Il y a eu un délai de

 

L'addition de ces délais fait apparaître un délai total de :

pendant lequel il ne s'est strictement rien passé !  

L'ENJEU DU LITIGE EST IMPORTANT POUR MOI :

 

 

 

PAR CES CONSIDÉRATIONS: 

Et tous autres à déduire et suppléer même d'office, il est sollicité qu'il vous plaise (Madame Monsieur le la) ministre

de la Justice d'organiser une inspection du service devant lequel, le délai non raisonnable est commis.

Il est sollicité qu'il vous plaise de m'accorder la somme de:

en réparation du préjudice moral subi par le délai non raisonnable de la procédure;

la somme de:

en réparation du préjudice matériel subi par le délai non raisonnable de la procédure.

Il est aussi sollicité qu'il vous plaise, dans le respect du principe de la séparation des pouvoirs,

de faire tout ce qui est en votre pouvoir pour mettre fin à la procédure.

Veuillez agréer, Monsieur le ministre de la justice, l'expression de mon profond respect.

signature du demandeur

BORDEREAU DE COPIES DE PIECES

DE LA PROCEDURE POUR DEMONTRER SON "DELAI NON RAISONNABLE

1/

2/

3/

LE RECOURS AU CONSEIL D'ÉTAT

Après un délai de deux mois mais avant un délai de quatre mois, il faut déposer une requête au Conseil d'État pour délai non raisonnable d'une procédure administrative et demander des dommages et intérêts.

UN RECOURS DOIT ÊTRE INTRODUIT AUPRÈS DU CONSEIL D'ÉTAT PAR MINISTÈRE D'UN AVOCAT AU CONSEIL D'ÉTAT ET A LA COUR DE CASSATION

Article R 311-1 du Code de Justice Administrative

Le Conseil d'État est compétent pour connaître en premier et dernier ressort : (-)

5° Des actions en responsabilité dirigées contre l'État pour durée excessive de la procédure devant la juridiction administrative ;

Article R 431-2 du code de justice administrative :

"Les requêtes et les mémoires doivent, à peine d'irrecevabilité, être présentés soit par un avocat, soit par un avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, lorsque les conclusions de la demande tendent au paiement d'une somme d'argent, à la décharge ou à la réduction de sommes dont le paiement est réclamé au requérant ou à la solution d'un litige né d'un contrat.

La signature des requêtes et mémoires par l'un de ces mandataires vaut constitution et élection de domicile chez lui."

<

UNE REQUÊTE PEUT ENSUITE ÊTRE POSTÉE A LA LA CEDH

Sarl le Club et autres c. France du 20 juillet 2017 Requêtes n° 31386/09 et 22854/11

Délai non raisonnable, la CEDH condamne après un recours au Conseil d'État contre la longueur d'une procédure administrative française.

Si la procédure interne n'a pas permis la réparation, vous pouvez saisir la CEDH.

Épuisement des voies de recours

68. Le Gouvernement soutient que les requérants dans la requête no31386/09 n’ont pas épuisé les voies de recours internes, dans la mesure où ils n’ont pas formé de pourvois en cassation contre les arrêts de la cour administrative d’appel de Marseille des 22 janvier 2001 et 30 mars 2004 (paragraphes 15 et 19 ci-dessus).

69. Les requérants rappellent que le principe de l’épuisement des voies de recours internes ne concerne que la procédure de réparation des violations alléguées, et non pas les procédures elles-mêmes à propos desquelles il est demandé réparation. Ils soulignent qu’en l’espèce, après avoir adressé une demande préalable d’indemnisation au ministre de la justice, ils ont saisi la juridiction administrative d’une action au terme de laquelle le Conseil d’État a reconnu le non-respect du délai raisonnable concernant la procédure engagée le 24 juin 1996.

70. La Cour relève que l’exception du Gouvernement vise les deux procédures principales engagées par les requérants (paragraphes 10-19 ci‑dessus). Elle observe que ces derniers ont, conformément à sa jurisprudence (Broca et Texier-Micault c. France, nos27928/02 et31694/02, § 22, 21 octobre 2003) porté devant les juridictions administratives leur grief relatif à la durée de ces procédures et que le Conseil d’État a statué en dernier lieu sur leurs demandes d’indemnisation. Ils ont dès lors épuisé les voies de recours internes.

71. Il y a donc lieu de rejeter l’exception soulevée par le Gouvernement.

3. Conclusion

72. La Cour constate que le surplus des requêtes n’est pas manifestement mal fondé, au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité. Elle le déclare donc recevable.

SUR LE FOND

73. Les requérants réitèrent leur grief selon lequel la durée des procédures litigieuses a dépassé le délai raisonnable, sans qu’ils y contribuent par leur comportement.

74. Le Gouvernement considère que, pour ce qui est de la requête no31386/09, la durée de la première procédure principale, évaluée par le Conseil d’État à quatre ans et sept mois pour deux degrés de juridiction, n’était pas excessive au regard des critères posés par la jurisprudence de la Cour. S’agissant de la requête no22854/11, le Gouvernement reconnaît la violation du droit à un délai raisonnable de jugement, mais estime que les juridictions nationales l’ont redressée de manière appropriée et suffisante.

75. La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement des requérants et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d’autres, Frydlender c. France [GC], no30979/96, § 43, CEDH 2000-VII).

76. S’agissant de la requête no31386/09, la Cour relève que la première procédure principale a débuté le 14 septembre 1995, date de la demande préalable d’indemnisation et a pris fin le 22 janvier 2001, date de l’arrêt de la cour administrative d’appel, soit une durée de cinq ans et plus de quatre mois pour deux degrés de juridiction. La Cour note par ailleurs que l’affaire n’était pas particulièrement complexe et que le comportement des requérants n’a pas contribué aux délais.

77. La Cour a traité à maintes reprises d’affaires soulevant des questions semblables à celle du cas d’espèce et a constaté la violation de l’article 6 § 1 de la Convention (voir Frydlender précité).

78. Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour considère que le Gouvernement n’a exposé aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente dans le cas présent.

79. Pour ce qui est de la requête no22854/11, la Cour observe que la procédure principale a débuté le 5 octobre 1995, date de la demande préalable d’indemnisation et a pris fin le 16 novembre 2005, soit une durée de dix ans et plus d’un mois pour trois niveaux de juridiction. La Cour relève également que le Conseil d’État a considéré excessive la durée de cette procédure, qui ne présentait pas de difficulté particulière et dans laquelle le requérant n’avait pas eu de comportement dilatoire. Le Gouvernement a également reconnu la violation du droit du requérant à un délai raisonnable de jugement.

80. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu’en l’espèce la durée des procédures litigieuses est excessive et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ». Elle conclut en conséquence qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

GOUTTARD C.FRANCE DU 30 juin 2011 Requête 57435/08

LA PROCEDURE INTERNE DE REPARATION DU DELAI

25.  Le 15 janvier 2007, le requérant adressa un recours gracieux au Garde des Sceaux tendant à l'indemnisation des différents chefs de préjudices subis en raison du caractère excessivement long de la procédure.

26.  Le 15 mars 2007, une décision implicite de rejet intervint. Le requérant forma alors un pourvoi devant le Conseil d'Etat à l'encontre de cette décision.

27.  Puis, par une décision du 15 mai 2007, le Garde des Sceaux fit partiellement droit à la demande du requérant et proposa une indemnisation de 1 000 euros (EUR) au titre du préjudice subi par le requérant dans ses conditions d'existence en raison de la longueur excessive de la procédure devant les juridictions administratives. Il estima cette somme eu égard au « caractère limité du dépassement du délai » de la procédure. Le requérant forma un pourvoi à l'encontre de cette décision.

28.  Par un arrêt du 21 mai 2008, le Conseil d'Etat, se prononçant sur les décisions des 15 mars et 15 mai 2007, débouta le requérant au motif que la durée de six ans et onze mois pour trois instances n'était pas excessive.

LA DÉCISION DE LA CEDH

34.  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d'une procédure s'apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l'affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l'enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d'autres, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII).

35.   La Cour rappelle qu'il incombe aux Etats contractants d'organiser leur système judiciaire de telle sorte que leurs juridictions puissent garantir à chacun le droit d'obtenir une décision définitive sur les contestations relatives à ses droits et obligations de caractère civil dans un délai raisonnable. Une telle célérité est particulièrement nécessaire en matière de litiges relatifs à l'emploi, appelant par nature une décision rapide, compte tenu de l'enjeu de la procédure pour l'intéressé, sa vie personnelle et familiale ainsi que sa carrière professionnelle (Kalfon c. France, no 23776/07, § 34, 29 octobre 2009).

36.  En l'espèce, la Cour constate que l'affaire ne présentait pas de complexité particulière et que l'enjeu du litige pour le requérant était important puisqu'il a dû attendre presque sept années pour s'installer comme exploitant agricole. Par ailleurs, la Cour note que celui-ci n'a pas contribué à ralentir le cours de la procédure. Enfin, s'agissant du comportement des autorités, si les délais écoulés devant le tribunal administratif et devant le Conseil d'Etat ne présentent pas de retards significatifs, celui de trois ans et demi pour la procédure devant la cour administrative d'appel a dépassé le délai raisonnable.

Eu égard à ce qui précède, il y a eu violation de l'article 6 § 1.

DÉLAI NON RAISONNABLE DES JURIDICTIONS JUDICIAIRES

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- LE DÉLAI NON RAISONNABLE DOIT ÊTRE LE FAIT DE LA JURIDICTION

- L'OBLIGATION D'ÉPUISER LES VOIES DE RECOURS INTERNES

- LE DROIT ET LA JURISPRUDENCE DE LA COUR DE CASSATION

- LE MODÈLE GRATUIT DE RECOURS GRACIEUX AU MINISTRE DE LA JUSTICE ET A L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

- L'ASSIGNATION DEVANT LE TRIBUNAL JUDICIAIRE POUR FAUTE LOURDE DU SERVICE PUBLIC DE LA JUSTICE

- APRÈS ÉPUISEMENT, UNE REQUÊTE PEUT ENSUITE ÊTRE POSTÉE A LA LA CEDH

LE DÉLAI NON RAISONNABLE DOIT ÊTRE LE FAIT DE LA JURIDICTION

Arrêt J.M.F contre France du 01/06/2004; Hudoc 5107; requête 42268/98 qui concerne un délai de 14 ans pour une affaire devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale.

Arrêt Mutimura contre France 08/06/2004; Hudoc 5120; requête 46621/99 concernant une information pénale de 9 ans.

Arrêt Authouart contre France du 8 novembre 2005 Requête no 45338/99

"44.  Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour considère que le Gouvernement n’a exposé aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente dans le cas présent. En particulier, elle relève que l’affaire n’était pas particulièrement complexe, que l’affaire a été confiée à cinq magistrats instructeurs successifs, dont aucun n’a eu la charge du dossier plus de deux ans et que certains d’entre eux se sont abstenus de tout acte pendant de longues périodes : ainsi, le premier magistrat chargé de l’affaire n’a rendu aucun acte en un an, six mois et vingt-deux jours ; le troisième a juste ordonné une commission rogatoire et adressé une réponse à l’avocat de la partie civile en un an et sept mois. Par ailleurs, le délit d’abus de confiance, infraction principale visée dans la plainte de 1985, n’a fait l’objet d’un réquisitoire supplétif du parquet que le 20 octobre 1992 (suite à la demande en ce sens du quatrième juge d’instruction), tandis que l’escroquerie, seule visée dans le réquisitoire introductif du 31 juillet 1987, a finalement été écartée avant renvoi devant le tribunal correctionnel. Enfin, le requérant ne saurait se voir reprocher son comportement qui, nonobstant le fait qu’il ait opposé son activité professionnelle à l’étranger pour ne pas se rendre aux convocations et qu’il ait formulé des demandes de renvoi, ne suffit pas à expliquer une durée d’instruction de presque cinq ans dans les circonstances de l’espèce.

45.  Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, eu égard aux circonstances de la cause et à la procédure prise dans son ensemble, la Cour estime qu’en l’espèce la durée de la procédure litigieuse est excessive et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ».

Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1."

L'OBLIGATION D'ÉPUISER LES VOIES DE RECOURS INTERNES

La C.E.D.H a constaté l'existence de l'arrêt Gauthier rendu par la Cour d'Appel de Paris le  20 janvier 1999 en matière de délai non raisonnable d'une procédure concernant l'application d'un contrat de travail.

Elle l'a considéré définitif le 20 mars 1999 puisque, dans le délai de deux mois, aucun pourvoi en cassation n'a été formé.

Elle l'a considéré définitif devant sa juridiction le 20 septembre 1999 puisque l'article 35§1 de la Convention édicte :

"la Cour ne peut être saisie que () dans le délai de six mois à partir de la date de la décision interne définitive".

Monsieur Gauthier n'a pas saisi la C.E.D.H après l'arrêt de la Cour d'appel de Paris.

Décision de recevabilité Van der Kar et Lissaur Van West contre France

du 07/11/2000 requêtes 44952/98 et 44953/98

"La Cour rappelle que l'épuisement des recours internes s'apprécie, sauf exceptions, à la date d'introduction de la requête devant la Cour. Or, en l'espèce, elle note que l'arrêt de la Cour d'Appel de Paris (arrêt Gauthier) du 20/01/1999 ainsi que les autres arrêts mentionnés par le Gouvernement sont postérieurs à l'introduction des requêtes, à savoir le 2 décembre 1998.

Par conséquent, il ne saurait être reproché aux requérantes de n'avoir pas épuisé, avant de saisir la Cour, un recours qui ne présentait pas, à ce moment là, les caractères de certitude et l'efficacité requis.

Partant, l'exception de non épuisement soulevée par le Gouvernement ne saurait être retenue"

Décision d'irrecevabilité Giummara contre France du 12/06/2001 requête 61166/00

"Les dispositions de l'article 35 de la Convention ne prescrivent l'épuisement que des recours à la fois relatifs aux violations incriminées, disponibles, adéquats. Ils doivent exister à un degré suffisant de certitude non seulement en théorie mais aussi en pratique, sans quoi leur manquent l'effectivité et l'accessibilité voulues ()

Elle (la Cour) considère que, à la date du 20 septembre 1999, l'arrêt Gauthier  (d'ailleurs commenté dans les revues juridiques dès février 1999) avait fait jurisprudence, et que le recours de l'article L 781-1 du C.O.J avait acquis à cette même date un degré de certitude juridique suffisant pour pouvoir et devoir être utilisé aux fins du même article 35§1 de la Convention"

Décision d'irrecevabilité Mifsud contre France du 11/09/2002 requête 57220/00

"Les dispositions de l'article 35§1 de la Convention même prescrivent cependant que l'épuisement des recours à la fois relatifs aux violations incriminées, disponibles et adéquats. Ils doivent exister à un degré suffisant de certitude non seulement en théorie mais aussi en pratique, sans quoi leur manquent l'effectivité voulues, il incombe à l'Etat défendeur de démontrer que ces exigences se trouvent réunies (Vermillo contre France et Dalia contre France)

Au vu de l'évolution jurisprudentielle dont fait état le Gouvernement, la Cour a jugé que le recours fondé sur l'article L 781-1 du C.O.J  peuvent se remédier à une violation alléguée du droit de voir sa cause entendue dans un "délai raisonnable" au sens de l'article 6§1 de la Convention lorsque la procédure litigieuse est achevée au plan interne (Van der Kar et Lissaur Van West contre France) voir ci-dessus. Elle a précisé que ce recours avait acquis, à la date du 20 septembre 1999, le degré de certitude juridique requis pour pouvoir et devoir être utilisé aux fins de l'article 35§1 de la Convention.

Il est donc établi que, lorsqu'une procédure judiciaire est achevée au plan interne au jour de la saisine de la Cour et que cette saisine est postérieure au 20/09/1999, un grief tiré de la durée de cette procédure est irrecevable si le requérant ne l'a pas préalablement vainement soumis aux juridictions internes dans le cadre d'un recours fondé sur l'article L 781-1 du C.O.J.

Il ressort clairement des jugements et arrêts auxquels se réfèrent le Gouvernement, que le droit positif ne distingue pas les procédures pendantes des procédures achevées : quelque soit l'état de la procédure dont la durée apparaît excessive, l'article L 781-1 du C.O.J permet au justiciable d'obtenir un constat de manquement à son droit de voir sa cause entendue dans un délai raisonnable ainsi que la réparation du préjudice en résultant.

La circonstance que ce recours, purement indemnitaire, ne permet pas d'accélérer une procédure en cours n'est pas déterminante. La Cour rappelle à cet égard qu'elle a jugé que les recours dont un justiciable dispose au plan interne pour se plaindre de la durée d'une procédure sont "effectifs" au sens de l'article 13 de la Convention lorsqu'il permettent "d'empêcher la survenance ou la continuation de la violation alléguée ou (de) fournir à l'intéressé un redressement approprié pour toute violation s'étant déjà produite" (Kudla contre Pologne)

L'article 13 ouvre donc une option en la matière; un recours est "effectif" dès lors qu'il permet soit de faire intervenir plus tôt la décision des juridictions saisies, soit de fournir au justiciable une réparation adéquate pour les retards déjà accusés. Selon la Cour, vu les "étroites affinités" que présentent les articles 13 et 35§1 de la Convention () il en va nécessairement de même pour la notion de recours "effectif" au sens de cette seconde disposition"

LE DROIT ET LA JURISPRUDENCE DE LA COUR DE CASSATION

La loi du 20 décembre 2007 a inséré de nouveaux articles dans le Code de l'Organisation judiciaire:

Art. L. 141-1 du COJ

L'État est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice.

Sauf dispositions particulières, cette responsabilité n'est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice.

Art. L. 141-2 du COJ

La responsabilité des juges, à raison de leur faute personnelle, est régie :

- s'agissant des magistrats du corps judiciaire, par le statut de la magistrature

- s'agissant des autres juges, par des lois spéciales ou, à défaut, par la prise à partie.

Art. L. 141-3 du COJ

Les juges peuvent être pris à partie dans les cas suivants :

1° S'il y a dol, fraude, concussion ou faute lourde, commis soit dans le cours de l'instruction, soit lors des jugements ;

2° S'il y a déni de justice.

Il y a déni de justice lorsque les juges refusent de répondre aux requêtes ou négligent de juger les affaires en état et en tour d'être jugées.

L'État est civilement responsable des condamnations en dommages et intérêts qui sont prononcées à raison de ces faits contre les juges, sauf son recours contre ces derniers.

La loi du 20 décembre 2007 fait la différence entre les magistrats professionnels du corps judiciaires et les autres juges judiciaires qui eux, peuvent être poursuivis personnellement. L'État garantit alors civilement les condamnations au profit du justiciable lésé. Quand la faute est causée par un magistrat professionnel de l'ordre judiciaire, le justiciable n'a qu'un seul recours fondé sur l'article L141 -1 du C.O.J. Il ne peut saisir que le Tribunal d'Instance ou le Tribunal de Grande Instance de Paris contre l'Agent Judiciaire de l'État. Pour en savoir plus sur la différence entre les magistrats et les autres juges,cliquez ici

LA JURISPRUDENCE DE LA COUR DE CASSATION EST PLUS RESTRICTIVE QUE CELLE DU CONSEIL D'ÉTAT

COUR DE CASSATION 1ère CHAMBRE CIVILE. 31 janvier 2006. Pourvoi N° 04-10803 REJET

Justifie légalement sa décision au regard de l'article L. 781-1 du code de l'organisation judiciaire la cour d'appel, qui a caractérisé la complexité d'un litige résultant de la mise en œuvre de la coopération judiciaire internationale, l'absence de retard particulier à la dénonciation d'un crime aux autorités étrangères et précisé que rien ne permet d'imputer les lenteurs de la procédure à la justice française.

COUR DE CASSATION 1ère CHAMBRE CIVILE. 4 novembre 2010. Pourvoi N° 09-69776 REJET

Attendu que M. X..., maire de la commune de Toul et, à ce titre, président de l'office public d'habitation à loyer modéré de cette ville, a été inculpé le 15 décembre 1989, des chefs de complicité de faux et usage de faux en écriture de commerce, complicité d'abus de biens sociaux, recel de biens sociaux et corruption active et passive de citoyens chargé d'une mission de service public et a été placé sous mandat de dépôt; qu'il a été remis en liberté le 29 juin 1990 ; que par arrêts des 27 octobre 2000 et 7 juin 2001, il a été constaté que les faits qui avaient pour finalité le financement d'un parti politique et des campagnes électorales de ses représentants et qui avaient été commis avant le 11 mars 1988, entraient dans le champ d'application de la loi d'amnistie du 10 juillet 1988 ; que l'action publique a été déclarée éteinte ; que M. X... a recherché la responsabilité de l'Etat sur le fondement de l'article L 781-1 du code de l'organisation judiciaire devenu l'article L. 141-1 du même code en invoquant le fonctionnement défectueux du service public de la justice

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 30 juin 2009) de l'avoir débouté de ses demandes

Attendu qu'ayant relevé, par motifs adoptés, qu'il n'apparaissait pas des pièces versées aux débats qu'il était possible, avant le prononcé de l'arrêt du 27 octobre 2000, de constater qu'aucun enrichissement à des fins personnelles ne pouvait en définitive être imputé à M. X..., et, par motifs propres, que c'était l'information et les investigations auxquelles il avait été procédé qui avaient permis la décision constatant l'extinction de l'action publique, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il ne saurait être reproché aux magistrats de ne pas avoir appliqué d'emblée la loi d'amnistie ; que le grief n'est pas fondé

Attendu qu'ayant retenu, d'une part, l'importance de l'enquête, les nombreuses auditions, les rapports des services de police pour démonter les mécanismes de fausses factures aux fins de recueillir de manière occulte d'importantes sommes d'argent servant à financer parti politique et campagnes électorales et pour rechercher la destination précise de ces sommes, d'autre part, la difficulté pour les juridictions saisies d'apprécier la portée distributive de l'annulation d'actes d'information, la cour d'appel a caractérisé la complexité de l'affaire et justement constaté que la durée de la procédure n'était pas déraisonnable au sens de l'article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l'homme

COUR DE CASSATION 1ère CHAMBRE CIVILE. 4 novembre 2010. Pourvoi N° 09-69955 CASSATION

Attendu que, le 21 février 1991, une plainte avec constitution de partie civile désignant nommément M. X... a été déposée pour abus de biens sociaux ; que le 27 octobre 1992 le procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Evreux a requis l'ouverture d'une information "contre toute personne que l'information fera connaître" ; que le 29 mars 1993 un juge d'instruction a donné une commission rogatoire au SRPJ de Rouen qui, le 5 octobre 1993, a entendu M. X... en qualité de témoin ; que M. X... a été mis en examen le 4 décembre 1997 et entendu le 12 mars 1998 ; que, par ordonnance du 12 mai 1999, le juge d'instruction a renvoyé M. X... devant le tribunal correctionnel d'Evreux qui, par jugement du 16 janvier 2001,l'a déclaré coupable des faits qui lui étaient reprochés et l'a condamné ; que, par arrêt du 17 décembre 2001, la cour d'appel de Rouen a infirmé ce jugement et prononcé la relaxe de M. X... ; que le pourvoi formé contre cet arrêt a été déclaré non admis par un arrêt du 11 juin 2002 ; que M. X... a recherché la responsabilité de l'Etat pour dysfonctionnement du service public de la justice au motif que les délais de traitement de la procédure avaient été anormalement longs et constituaient un déni de justice ; qu'un tribunal a condamné l'agent judiciaire du Trésor à payer à M. X... la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Attendu que, pour réduire à 4 000 euros le montant des dommages-intérêts, l'arrêt attaqué retient que le délai à prendre en compte n'a commencé à courir que le 4 décembre 1997 date à laquelle M. X... a été mis en examen ;

Qu'en statuant ainsi, alors que M. X... avait été entendu le 5 octobre 1993 par les services de police agissant sur commission rogatoire du juge d'instruction et que, même s'il l'avait été en qualité de témoin, il s'était trouvé, dès cette date, en situation de s'expliquer sur la portée des accusations dont il faisait l'objet, de sorte que l'accusation, au sens de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, tel qu'interprété à cet égard par la Cour européenne des droits de l'homme dans son arrêt du 11 février 2010, résultait de cette audition qui avait eu une répercussion importante sur sa situation, la cour d'appel a violé les textes susvisés

Un délai non raisonnable n'a aucune incidence sur le fond du litige. Il ne peut y avoir indemnisation sur le fond, par le service public de la justice, à la place de la partie adverse. En matière pénale, un délai non raisonnable ne peut avoir pour conséquence la nullité de la procédure.

Cour de Cassation chambre criminelle arrêt du 24 avril 2013 pourvoi n° 12-82863 Cassation

Attendu qu'il se déduit de ces textes que, si la méconnaissance du délai raisonnable peut ouvrir droit à réparation, elle est sans incidence sur la validité des procédures

Attendu qu'après avoir rappelé la réalité des faits reprochés aux prévenus mais portés devant la cour d'appel dix ans plus tard, l'arrêt attaqué énonce que la procédure n'a pas suivi un cours normal, en ce que des périodes d'inactivité sont imputables à l'autorité judiciaire qui n'a, à aucun moment, pris en compte la situation des prévenus, que cette situation est contraire à l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et qu'il convient d'annuler la procédure, en faisant droit aux conclusions de la défense ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef

Seules les conséquences du délai non-raisonnable, peuvent être réparées par le service public de la justice.

QUAND LES MOYENS DONNÉS A LA JUSTICE SONT EN CAUSE, L'ÉTAT PEUT ÊTRE CONDAMNÉ

Cour de Cassation chambre civile 1, arrêt du 6 juillet 2011 N° de pourvoi 10-23897 cassation

Vu l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire ;

Attendu que lorsqu'elles ont le même objet, une procédure pénale et une procédure civile qui se sont succédé doivent être considérées dans leur ensemble pour apprécier le caractère raisonnable des délais de jugement ;

Attendu que M. X..., qui avait été victime d'un accident du travail le 21 mars 1993, a déposé une plainte avec constitution de partie civile le 27 mars 1996 ; que par arrêt du 17 mai 2001, M. Y..., gérant de fait de la société qui l'employait, a été pénalement condamné pour le délit de blessures involontaires ; que le pourvoi formé contre cet arrêt a été rejeté le 22 juin 2002 ; que le 12 septembre 1997, M. X... a parallèlement saisi un tribunal des affaires de sécurité sociale en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur ; que par arrêt confirmatif du 3 février 2005 la cour d'appel de Nîmes a reconnu le caractère inexcusable de la faute commise par Mme Y..., gérante de droit de la société ; que, par jugement du 13 avril 2006, un tribunal des affaires de sécurité sociale a ordonné une nouvelle expertise médicale ; que M. X... a fait assigner l'agent judiciaire du Trésor en réparation de son préjudice pour déni de justice ;

Attendu que, pour débouter M. X... de sa demande, l'arrêt attaqué retient que la preuve d'une déficience du service public de la justice n'était rapportée ni en ce qui concernait la procédure pénale ni en ce qui concernait la procédure devant les juridictions des affaires de sécurité sociale ;

Qu'en statuant ainsi, en analysant séparément et non globalement les deux procédures qui tendaient aux mêmes fins, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 mai 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence

Cour de cassation chambre civile 1 Arrêt du 4 novembre 2010 N° de pourvoi: 09-69955 Cassation

Vu l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Attendu que, le 21 février 1991, une plainte avec constitution de partie civile désignant nommément M. X... a été déposée pour abus de biens sociaux ; que le 27 octobre 1992 le procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Evreux a requis l'ouverture d'une information "contre toute personne que l'information fera connaître" ; que le 29 mars 1993 un juge d'instruction a donné une commission rogatoire au SRPJ de Rouen qui, le 5 octobre 1993, a entendu M. X... en qualité de témoin ; que M. X... a été mis en examen le 4 décembre 1997 et entendu le 12 mars 1998 ; que, par ordonnance du 12 mai 1999, le juge d'instruction a renvoyé M. X... devant le tribunal correctionnel d'Evreux qui, par jugement du 16 janvier 2001,l'a déclaré coupable des faits qui lui étaient reprochés et l'a condamné ; que, par arrêt du 17 décembre 2001, la cour d'appel de Rouen a infirmé ce jugement et prononcé la relaxe de M. X... ; que le pourvoi formé contre cet arrêt a été déclaré non admis par un arrêt du 11 juin 2002 ; que M. X... a recherché la responsabilité de l'Etat pour dysfonctionnement du service public de la justice au motif que les délais de traitement de la procédure avaient été anormalement longs et constituaient un déni de justice ; qu'un tribunal a condamné l'agent judiciaire du Trésor à payer à M. X... la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts

Attendu que, pour réduire à 4 000 euros le montant des dommages-intérêts, l'arrêt attaqué retient que le délai à prendre en compte n'a commencé à courir que le 4 décembre 1997 date à laquelle M. X... a été mis en examen

Qu'en statuant ainsi, alors que M. X... avait été entendu le 5 octobre 1993 par les services de police agissant sur commission rogatoire du juge d'instruction et que, même s'il l'avait été en qualité de témoin, il s'était trouvé, dès cette date, en situation de s'expliquer sur la portée des accusations dont il faisait l'objet, de sorte que l'accusation, au sens de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, tel qu'interprété à cet égard par la Cour européenne des droits de l'homme dans son arrêt du 11 février 2010, résultait de cette audition qui avait eu une répercussion importante sur sa situation, la cour d'appel a violé les textes susvisés

LA FAUTE PERSONNELLE D'UN MAGISTRAT EST ENFIN RECONNUE

Si le délai avec lequel répond le juge d'instruction est trop long, il y a un délai non raisonnable qualifié de déni de justice par le TGI de Paris, dans son arrêt de condamnation de l'Agent Judiciaire de l'Etat du 28 mai 2018.

La motivation de cet arrêt est sans appel pour un délai de cinq ans sans réponse à la partie civile :

"Un tel délai de cinq ans est manifestement excessif et engage ainsi la responsabilité de l'Etat pour déni de justice, peu important que X ait ou non adressé des relances dès lors que l'institution judiciaire, une fois saisie, est tenue de répondre spontanément"

LA JURISPRUDENCE ANTERIEURE NE RECONNAISSAIT PAS LA FAUTE PERSONNELLE D'UN MAGISTRAT

Cour de cassation chambre civile 1, Arrêt du 17 février 2010 N° de pourvoi 09-10815 Rejet

Attendu que M. et Mme X... ont emprunté diverses sommes par l'intermédiaire de M. Y..., notaire ; qu'à la suite d'une saisie-arrêt pratiquée par un de leurs créanciers, porteur d'une copie exécutoire d'un acte authentique, ils ont, le 28 février 1989, déposé une plainte avec constitution de partie civile des chefs d'exercice illégal de la profession de banquier, de faux en écriture authentique et de tentative d'extorsion de fonds ; que M. Y..., renvoyé le 21 février 1997 devant le tribunal correctionnel, a été relaxé le 2 juin 1998 ; que, sur appel des seules parties civiles, ce jugement a été confirmé par une décision cassée par un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 24 mai 2000 ; que, par un arrêt du 14 novembre 2001, la cour d'appel de renvoi a constaté que l'action publique avait été définitivement jugée par le jugement ayant relaxé les prévenus, infirmé le jugement en ses dispositions civiles, dit que les éléments constitutifs des délits d'exercice illégal de la profession de banquier et de faux en écriture authentique étaient réunis à l'encontre de M. Y... et débouté les parties civiles de leurs demandes après avoir constaté qu'elles ne justifiaient pas d'un préjudice découlant directement de ces infractions; qu'au cours de la procédure pénale, des saisies immobilières ont été pratiquées sur les biens des époux X... ; que ceux-ci ont recherché la responsabilité de l'Etat pour fonctionnement défectueux du service public de la justice en invoquant le délai déraisonnable de l'instance pénale ;

Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche, ci-après annexé :

Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt attaqué (Papeete, 25 janvier 2007) d'avoir rejeté leur action en responsabilité contre l'Etat sur le fondement de l'article L. 781-1 du code de l'organisation judiciaire, devenu l'article L. 141-1 du même code ;

Attendu qu'en énonçant que la longueur de la procédure trouvait sa cause dans la recherche minutieuse de la vérité et dans la mise en jeu des règles protectrices du droit en faveur du mis en examen, la cour d'appel, qui n'avait pas à suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a, implicitement mais nécessairement, jugé que le rapport de MM. Z... et A... déposé en 1988, puis celui de M. B... déposé en 1992, étaient insuffisants à caractériser les charges pesant sur M. Y... et que les consultations ordonnées par le juge d'instruction étaient utiles ; que le moyen ne peut être accueilli

Cour de cassation chambre civile 1 Arrêt du 4 novembre 2010 N° de pourvoi: 09-69776 Rejet

Attendu que M. X..., maire de la commune de Toul et, à ce titre, président de l'office public d'habitation à loyer modéré de cette ville, a été inculpé le 15 décembre 1989, des chefs de complicité de faux et usage de faux en écriture de commerce, complicité d'abus de biens sociaux, recel de biens sociaux et corruption active et passive de citoyens chargé d'une mission de service public et a été placé sous mandat de dépôt ; qu'il a été remis en liberté le 29 juin 1990 ; que par arrêts des 27 octobre 2000 et 7 juin 2001, il a été constaté que les faits qui avaient pour finalité le financement d'un parti politique et des campagnes électorales de ses représentants et qui avaient été commis avant le 11 mars 1988, entraient dans le champ d'application de la loi d'amnistie du 10 juillet 1988 ; que l'action publique a été déclarée éteinte ; que M. X... a recherché la responsabilité de l'Etat sur le fondement de l'article L 781-1 du code de l'organisation judiciaire devenu l'article L. 141-1 du même code en invoquant le fonctionnement défectueux du service public de la justice ;

Sur le moyen, pris en ses première et troisième branches, ci-après annexé :

Attendu que ces griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche, ci-après annexé :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 30 juin 2009) de l'avoir débouté de ses demandes ;

Attendu qu'ayant relevé, par motifs adoptés, qu'il n'apparaissait pas des pièces versées aux débats qu'il était possible, avant le prononcé de l'arrêt du 27 octobre 2000, de constater qu'aucun enrichissement à des fins personnelles ne pouvait en définitive être imputé à M. X..., et, par motifs propres, que c'était l'information et les investigations auxquelles il avait été procédé qui avaient permis la décision constatant l'extinction de l'action publique, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il ne saurait être reproché aux magistrats de ne pas avoir appliqué d'emblée la loi d'amnistie ; que le grief n'est pas fondé ;

Et sur le moyen, pris en sa quatrième branche, ci-après annexé :

Attendu que M. X... fait encore le même grief à l'arrêt ;

Attendu qu'ayant retenu, d'une part, l'importance de l'enquête, les nombreuses auditions, les rapports des services de police pour démonter les mécanismes de fausses factures aux fins de recueillir de manière occulte d'importantes sommes d'argent servant à financer parti politique et campagnes électorales et pour rechercher la destination précise de ces sommes, d'autre part, la difficulté pour les juridictions saisies d'apprécier la portée distributive de l'annulation d'actes d'information, la cour d'appel a caractérisé la complexité de l'affaire et justement constaté que la durée de la procédure n'était pas déraisonnable au sens de l'article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l'homme

UNE AFFAIRE DITE ET QUALIFIÉE DE COMPLEXE N'EST JAMAIS RÉPARÉE POUR UN DÉLAI NON RAISONNABLE

Cour de Cassation, chambre civile 1, arrêt du 1er juin 2011 pourvoi n° 09-72350 Rejet

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu qu'au cours d'une information ouverte en 1994, André X... a été mis en examen le 22 juin 2000 du chef de complicité d'escroquerie ; qu'il est décédé le 30 décembre 2000 ; que le 8 juillet 2002, le juge d'instruction a rendu une ordonnance renvoyant un mis en examen devant le tribunal correctionnel et ordonnant un non-lieu pour le surplus ; que, M. Claude X..., fils d'André X..., a fait assigner l'agent judiciaire du Trésor aux fins de condamnation de l'État en réparation du préjudice résultant du fonctionnement défectueux du service de la justice

Attendu que M. Claude X... fait grief à l'arrêt confirmatif (Paris, 22 septembre 2009) de l'avoir débouté de sa demande

Attendu que les juges du fond ont relevé qu'André X... n'a acquis la qualité d'usager du service public de la justice qu'à compter de la date de sa mise en examen, son audition par les enquêteurs le 30 mars 1999 l'ayant été en qualité de témoin sans qu'aucun autre acte d'instruction ne fasse apparaître son implication dans les faits poursuivis, que la lecture du dossier ne permet pas d'affirmer qu'il n'y avait aucun délit ni aucun élément le reliant aux faits poursuivis et que le délai écoulé est d'autant moins déraisonnable qu'il y avait 70 parties civiles et que plusieurs expertises ont été nécessaires ; que, de ces constatations et énonciations, et alors que ne pouvait être prise en compte la période postérieure au décès d'André X..., la cour d'appel a pu déduire que la responsabilité de l'État n'était pas engagée du fait du fonctionnement défectueux du service de la justice ; que le moyen, qui est inopérant en ce qu'il porte, d'une part, sur la période antérieure à la mise en examen d'André X... et, d'autre part, sur la période postérieure à son décès, n'est pas fondé pour le surplus.

Cour de Cassation, chambre civile 1, arrêt du 23 mars 2011 pourvoi n° 10-11013 Rejet

Attendu que des salariés du groupe de sociétés DCI ont introduit une action le 22 mai 1992 devant le tribunal de grande instance de Paris pour obtenir leur part dans la réserve spéciale de participation et le redressement de cette réserve afin de prendre en compte les salaires de tous les salariés expatriés du groupe ; que d'autres salariés ont formé les mêmes demandes le 26 mai 1999 ; que la première procédure, a fait l'objet de deux décisions avant-dire-droit, l'une du 1er mars 1993, pour enjoindre aux demandeurs de préciser leurs prétentions et produire les pièces utiles, la seconde du 28 mars 1993 ordonnant le sursis à statuer jusqu'à l'Intervention d'une décision définitive de la juridiction administrative sur une question préjudicielle, laquelle est intervenue le 9 mai 1995 ; que par jugement du 7 mai 1996, il a été fait droit à la demande des salariés, la société DCI étant condamnée à leur payer leur part avec un arriéré de 30 ans et un expert étant désigné avec mission de reconstituer la réserve spéciale de participation ; que ce jugement a été confirmé par arrêt de la cour d'appel de Paris du 4 décembre 1998, renvoyant à la mise en état, devenu irrévocable à la suite du rejet par la cour de cassation le 22 mai 2001 du pourvoi formé par société la DCI ; que l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 7 janvier 2000 ordonnant la réouverture des débats et condamnant la société DCI à effectuer les calculs nécessaires, a été cassé par un arrêt du 29 octobre 2002 de la Cour de cassation renvoyant l'affaire devant la cour d'appel de Versailles, laquelle, par arrêt du 26 janvier 2005, a ordonné avant-dire-droit une expertise ; que sur requêtes des demandeurs à l'instance, la cour d'appel de Paris a rendu le 5 avril 2001 un arrêt en interprétation de ses arrêts des 4 décembre 1998 et 7 janvier 2000 ; que dans la seconde procédure engagée en 1999, il a été constaté par jugement du 5 décembre 2000 que les demandeurs avaient droit à leur part de réserve spéciale de participation pour toutes les années durant lesquelles ils avaient été détachés en Arabie Saoudite, dans la limite de trente ans, et il a été ordonné une expertise afin de reconstituer la réserve spéciale de participation, ce jugement étant confirmé le 10 février 2005 par la cour d'appel de Paris ; que par ordonnance du 3 juillet 2001, le juge de la mise en état a apporté des précisions techniques quant à la mission de l'expert remplacé par ordonnance du 5 mars 2002, puis a complété la mission de l'expert le 1er octobre 2002 ; que le 23 septembre 2003, il a étendu les opérations d'expertise en cours à trois parties intervenantes, puis le 21 septembre 2004 a complété la mission de l'expert, avant, le 5 juillet 2005, de préciser à ce dernier les modalités de calcul et de répartition de la réserve en référence à l'arrêt du 29 octobre 2002 de la Cour de cassation ; que le 26 janvier 2005, la cour d'appel de Paris a déclaré que les salariés expatriés des sociétés du groupe DCl ont droit à leur part dans la réserve spéciale de participation pour les périodes travaillées en France et à l'étranger et a ordonné une expertise afin de reconstituer fictivement la réserve spéciale de participation des sociétés et de déterminer la part de cette réserve revenant à chacun des salariés ; que par ordonnance du 6 septembre 2005, complétée le 11 octobre suivant, le juge de la mise en état a fixé la date limite du dépôt du rapport définitif d'expertise au 15 mars 2006, avec dépôt d'un rapport d'étape au 1er décembre 2005 ; que par ordonnance du 4 avril 2006, ce magistrat a imparti à l'expert un nouveau délai au 1er juin 2006 pour le rapport d'étape sur le redressement et la distribution de la réserve des exercices 1986 à 1993 inclus, le rapport d'expertise étant déposé le 19 février 2007 ; que les salariés ont saisi le tribunal de grande instance de Paris le 28 juin 2005 pour rechercher la responsabilité de l'Etat sur le fondement de l'article L. 781-1 du code de l'organisation judiciaire devenu l'article L. 141-1 du même code en invoquant le fonctionnement défectueux du service public de la justice ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué (Paris, 3 novembre 2009), d'avoir rejeté cette demande, alors, selon le moyen, que :

1°/ le délai anormalement long d'une procédure pour obtenir le paiement de créances salariales suffit à caractériser un déni de justice et engage la responsabilité de l'Etat ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que les salariés expatriés qui ont assigné les 22 mai 1992 et 26 mai 1999 le groupe de sociétés DCI aux fins d'obtenir leur part dans la réserve spéciale de participation de la société DCI, n'en ont obtenu le paiement que le 6 août 2008 par le biais d'une transaction qui a mis fin aux procédures engagées, soit plus de seize ans et de neuf ans après les assignations ; qu'en décidant cependant qu'une telle durée de procédure qu'elle qualifie de « manquement », ne « constitue pas à elle seule la démonstration d'un caractère fautif et anormal du déroulement de l'instance », la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire ;

2°/ la défaillance du juge de la mise en état dans le suivi de l'expertise qui se traduit par un retard anormal, quand bien même celle-ci serait elle complexe en raison de l'importance des calculs, caractérise l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi et engage la responsabilité de l'Etat ; qu'en l'espèce, les exposants, salariés expatriés, ont fait valoir que le juge de la mise en état n'avait jamais su imposer un délai de rigueur à l'expert pour le dépôt de son rapport, qu'il avait été défaillant dans le suivi de ses travaux et que de surcroît il n'avait jamais mis en demeure la société DCI de fournir à l'expert les pièces comptables ; qu'en se fondant sur les motifs inopérants tirés de ce que l'expertise, en raison de sa complexité n'a pu commencer qu'en 2002, que le juge de la mise en état a rendu de nombreuses décisions et « n'a pas failli dès lors que le dépôt du rapport d'expertise a toujours fait l'objet d'un calendrier »- éléments insuffisants à rendre compte du suivi effectif de l'expertise par le juge de la mise en état-, sans s'expliquer sur les défaillances précitées mises en exergue par les salariés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire ;

3°/ en se fondant sur la prétendue « très grande complexité du litige »- en réalité inexistante puisque le principe même du droit des salariés expatriés à la réserve spéciale de participation était acquis dès 1982 par la juridiction administrative et a fait l'objet dans le présent litige de décisions constamment unanimes-et sur « l'importance des calculs à effectuer »- dont les données avaient été fixées dès 1977 lors de la création de la réserve spéciale de participation, et ne visaient qu'un groupe de six cent personnes-sans rechercher ni constater que le délai de procédure de plus de seize ans était proportionné à cette soi-disant complexité, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire ;

Mais attendu qu'ayant constaté que la solution du litige dépendait du résultat d'opérations d'expertise d'une rare complexité qui appelaient une reconstitution comptable portant sur une période de trente ans et intéressant plusieurs sociétés dont l'effectif total atteignait six cents personnes, la cour d'appel a relevé que le juge de la mise en état, qui s'était attaché à maîtriser la durée de la mesure d'instruction, avait été contraint de rendre de nombreuses décisions en raison tant de contestations relatives à la personne comme à la mission de l'expert que de la multiplication d'incidents de procédure ; que de l'ensemble de ces éléments elle a pu déduire que la durée de la procédure n'était pas déraisonnable au sens de l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et que ne pouvait être reprochée au juge de la mise en état aucune faute au sens de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire, susceptible d'engager la responsabilité de l'État ; que le moyen n'est pas fondé

Cour de cassation chambre civile 1 Arrêt du 23 mars 2011 N° de pourvoi: 10-14740 Rejet

Attendu que Mme Mauricette X..., veuve A..., a été placée sous tutelle par jugement du 31 janvier 2003 à la requête de sa fille, Mme Y... ; que par ordonnance du 22 octobre 2003, le juge des tutelles de Marseille a désigné l'UDAF des Bouches du Rhône comme gérant de tutelle en remplacement de M. Z..., sur sa demande ; que par requête du 4 juin 2004, l'UDAF a demandé à être dessaisie de sa mission ; que M. A... , fils de la majeure protégée, a saisi le juge des tutelles suivant requête du 20 décembre 2004 aux fins de changement de gérant de tutelle, un médecin expert étant désigné en avril 2005 ; qu'à la suite d'un conflit né en septembre 2005 entre M. A... et sa soeur, Mme Y..., relatif au droit de visite de celle-ci envers sa mère, le juge des tutelles a, par ordonnance du 16 février 2006, homologué l'accord intervenu entre eux à ce sujet, déchargé l'UDAF de son mandat à cause du comportement d'obstruction de M. A... et désigné un administrateur spécial en la personne de M. B...; que par acte du 31 juillet 2006, M. A... a recherché la responsabilité de l'Etat au visa des articles L. 781-1 devenu L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire et 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme pour dysfonctionnement du service public de la justice

Attendu que M. A... fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 24 novembre 2009), de l'avoir débouté de sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice résultant du fonctionnement défectueux du service public de la justice

Attendu qu'après avoir relevé, par motifs propres et adoptés, que, d'une part, il devait être tenu compte de la nature de l'affaire et de la nécessité pour le juge des tutelles de concilier les intérêts divergents des enfants de la personne protégée et de celle-ci et que le dossier de tutelle avait fait l'objet d'un suivi régulier et attentif, une expertise médicale étant ordonnée avant d'envisager un changement de mesure, que, d'autre part, M. A... avait manifesté une attitude d'obstruction systématique à l'égard des gérants de tutelle qui s'étaient succédés imposant à l'UDAF, notamment, de nombreuses démarches auprès du juge des tutelles pour faire respecter tant sa mission, devenue de plus en plus compliquée, que la sauvegarde de la personne et des biens de Mme A... , la cour d'appel, qui s'est déterminée par une appréciation des éléments de la cause et hors toute dénaturation, a ainsi caractérisé les circonstances particulières justifiant que la durée de la procédure ne soit pas considérée comme excédant un délai raisonnable au sens des dispositions de l'article 6, 1°, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le moyen n'est pas fondé

Cour de cassation chambre civile 1 Arrêt du 23 février 2011 N° de pourvoi 09-71164 Rejet

Attendu que, le 20 janvier 1992, un avion s'est écrasé à proximité du Mont Sainte-Odile ; que le 31 janvier suivant s'est créée l'association ECHO (l'association) regroupant des familles de victimes ; que l'information pénale ouverte immédiatement a été clôturée le 8 décembre 2005 par une ordonnance renvoyant plusieurs prévenus devant le tribunal correctionnel de Colmar qui, par jugement en date du 7 novembre 2006, a relaxé les prévenus et a accordé à l'association une somme de 500 000 euros au titre des frais irrépétibles ; que, par arrêt en date du 14 mars 2008, la cour d'appel a confirmé cette décision sur le plan pénal et a débouté l'association de l'ensemble de ses demandes ; que cette dernière a recherché la responsabilité de l'État pour fonctionnement défectueux du service public de la justice

Attendu que l'association fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Colmar, 18 septembre 2009) d'avoir rejeté son action en responsabilité contre l'État sur le fondement de l'article L. 781-1 du code de l'organisation judiciaire, devenu l'article L. 141-1 du même code
Attendu que l'arrêt retient, par motifs adoptés, qu'à aucun moment la procédure pénale n'est restée en souffrance sans qu'aucune diligence ne soit accomplie, que c'est au contraire la multiplication des diligences, et plus particulièrement des expertises, qui est à l'origine de la longueur de la procédure critiquée, que le rapport final de la commission d'enquête ainsi que l'ordonnance de renvoi permettent d'établir que de telles expertises étaient néanmoins indispensables en raison du caractère éminemment et exclusivement technique des faits ainsi qu'en l'absence de cause évidente susceptible d'expliquer l'accident survenu et que l'analyse de la chronologie des faits ne permet pas de stigmatiser une lenteur fautive imputable aux experts dans l'accomplissement de leur mission ; qu'ayant ainsi caractérisé la complexité de l'affaire, la cour d'appel a pu en déduire que le délai de traitement de la l'affaire n'était pas déraisonnable ; qu'elle a, dès lors, par ce seul motif et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les autres branches du moyen, légalement justifié sa décision

LES DÉLAIS NON RAISONNABLES NE POSENT PAS DE PROBLÈME EN MATIÈRE DE PRESCRIPTION

Cour de Cassation, chambre civile 1, arrêt du 18 mai 2011 pourvoi n° 10-17098 Rejet

Attendu que M. X... a fait l'objet de deux mesures d'hospitalisation d'office en exécution d'arrêtés du maire de Mulhouse confirmés par le préfet du Haut-Rhin ; que ces mesures ont été exécutées, d'abord, au Centre hospitalier de Rouffach, du 17 juillet au 2 octobre 1997, puis, à celui de Mulhouse, du 22 juillet au 19 août 1999 ; que par jugement du 17 mai 2005 le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'ensemble des arrêtés municipaux et préfectoraux ; que la plainte avec constitution de partie civile que M. X... avait déposée le 13 juin 2000 pour des faits d'accusations mensongères, placement abusif et séquestration a fait l'objet d'une ordonnance de non-lieu du 31 août 2007 ; qu'en juin 2006, M. X... a recherché la responsabilité de l'Etat, de la ville de Mulhouse et des Centres hospitaliers de Rouffach et de Mulhouse ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche, et le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu que ces griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche, ci-après annexé :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 19 juin 2009), d'avoir déclaré irrecevable l'action engagée par lui contre l'agent judiciaire du Trésor sur le fondement de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire pour cause de prescription de sa créance ;

Attendu que la plainte avec constitution de partie civile déposée par M. X... ayant fait l'objet d'une ordonnance de non-lieu non frappée de recours, l'interruption de la prescription qu'elle avait entraînée doit être regardée comme non avenue ; que par ce motif de pur droit, suggéré par la défense, substitué à celui critiqué, la décision déférée se trouve légalement justifiée ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Et sur le second moyen du pourvoi principal, ci-après annexé :
Attendu que M. X... fait encore grief à l'arrêt d'avoir déclaré prescrite sa demande tendant à l'indemnisation des préjudices nés du caractère non nécessaire des deux mesures d'internement d'office prises à son encontre ;

Attendu que la plainte avec constitution de partie civile déposée par M. X... ayant fait l'objet d'une ordonnance de non-lieu non frappée de recours, l'interruption de la prescription qu'elle avait entraînée doit être regardée comme non avenue ; que par ce motif de pur droit, suggéré par la défense, substitué à celui critiqué, la décision déférée se trouve légalement justifiée ; que le moyen ne peut être accueilli

MODÈLE GRATUIT DE RECOURS GRACIEUX AU MINISTRE DE LA JUSTICE

ET A L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

Il faut d'abord saisir le ministre de la justice garde des sceaux et l'Agent Judiciaire de l'Etat d'un recours gracieux. Quelque soit la décision du ministre de la justice et de l'Agent Judiciaire de l'Etat, votre recours gracieux aura pour conséquence de remplir l'obligation de négociation préalable, avant de saisir le Tribunal Judiciaire. Cette formalité est suspensive du délai non raisonnable.

Notre Conseil: Copiez collez sur une page Word ou autre préalablement ouverte puis complétez ou modifiez le texte comme vous le souhaitez.

LETTRE RECOMMANDEE AVEC ACCUSE DE RECEPTION DU

RECOURS GRACIEUX A MADAME LA MINISTRE DE LA JUSTICE

ET MONSIEUR L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

A: MADAME LA MINISTRE DE LA JUSTICE

13 Place Vendôme

75042 Paris cedex 01

A: MONSIEUR L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

6 rue louise Weiss

75703 Paris cedex 13

Pour :

Nom et Prénoms:

de nationalité:                                        profession:

né le:                                                    à:

demeurant:

 

EXPOSE DE LA DEMANDE

 

Les faits:

 

 

 

 

 

 

Le droit:

L'article 6§1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme prévoit en ses termes compatibles:

"Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue () dans un délai raisonnable () par un Tribunal () qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation pénale dirigée contre elle"   

La jurisprudence de la Cour de cassation prévoit la réparation du préjudice moral causé par un délai non raisonnable d'une procédure judiciaire.

La jurisprudence de la Cour de cassation concerne tout manquement de l'Etat à son devoir de protection juridictionnelle de l'individu qui comprend le droit pour tout justiciable de voir statuer sur ses prétentions dans un délai raisonnable conformément à l'article 6§1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme.   

L'existence d'un tel délai s'apprécie à la lumière des circonstances propres à chaque espèce.

Il y a lieu en particulier, de prendre en considération:

-le délai global de l'affaire par rapport à sa nature;

-son degré de complexité;

-le comportement de la partie qui se plaint de la durée de la procédure,

-le comportement et les délais de latence commis par les autorités judiciaires

-l'enjeu de la procédure pour la partie qui se plaint.

En droit français, le délai non raisonnable est considéré comme un déni de justice au sens de l'article L 141-1 du COJ

DISCUSSION:

 La procédure a débuté le

pour se terminer le

(ou n'est pas encore terminée)

le délai global pris dans son ensemble est de

Il est beaucoup trop long pour une affaire de cette nature et la simple constatation de ce délai global suffit à le qualifier de "non raisonnable".

 

 

L'AFFAIRE N'EST PAS COMPLEXE:

Il s'agit simplement de:

 

 

NOUS N'AVONS RIEN FAIT QUI PUISSE PROLONGER LA PROCEDURE:

Nous avons seulement usé de nos droits de recours:

Cet usage ne peut pas nous être reproché, sans partialité.

Bien au contraire, nous avons essayé de faire accélérer la procédure:

 

EN REVANCHE LES AUTORITÉS JUDICIAIRES ONT COMMIS DES "DELAIS DE LATENCE" ENTRE CHAQUE ACTE:

 

 

L'AFFAIRE EST EN ÉTAT D'ÊTRE JUGÉE DEPUIS LE........ ET ELLE N'EST TOUJOURS PAS JUGÉE A CE JOUR !

Alors que l'article L 143 -3 du C.O.J prévoit en son alinéa 2:

"Il y a déni de justice lorsque les juges refusent de répondre aux requêtes ou négligent de juger les affaires en état et en tour d'être jugées"

 

Entre le

Et le

Il y a eu un délai de

Entre le

Et le

Il y a eu un délai de

 

L'addition de ces délais fait apparaître un délai total de :

pendant lequel il ne s'est strictement rien passé !  

L'ENJEU DU LITIGE EST IMPORTANT POUR MOI :

 

 

 

PAR CES CONSIDÉRATIONS:

Et tous autres à déduire et suppléer même d'office, il est sollicité qu'il vous plaise (Madame Monsieur le la) ministre

de la Justice de saisir l'inspection générale de la justice pour connaître la cause de ce délai non raisonnable.

Il est sollicité qu'il vous plaise de m'accorder la somme de :

en réparation du préjudice moral subi par le délai non raisonnable de la procédure.

Il est aussi sollicité qu'il vous plaise, dans le respect du principe de la séparation des pouvoirs, de faire tout ce qui est en votre pouvoir pour mettre fin à la procédure.

Veuillez agréer, Monsieur le ministre de la justice, l'expression de mon profond respect.

signature du demandeur

BORDEREAU DE COPIES DE PIECES

DE LA PROCEDURE POUR DEMONTRER SON "DELAI NON RAISONNABLE"

1/

2/

3/

L'ASSIGNATION DEVANT LE TRIBUNAL JUDICIAIRE

POUR FAUTE LOURDE DU SERVICE PUBLIC DE LA JUSTICE

En cas de silence de deux mois, il faut assigner Monsieur l'agent judiciaire de l'État si possible devant le Tribunal Judiciaire de Paris, sachant que le Tribunal Judiciaire du lieu de la faute est aussi compétent.

MONSIEUR L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ÉTAT

6 rue louise Weiss

75703 Paris cedex 13

Devant le Tribunal Judiciaire de Paris, vous devez constituer avocat, qui vous rédigera l'assignation qui sera signifiée par un huissier parisien.

UNE REQUÊTE PEUT ENSUITE ÊTRE ENVOYÉE A LA LA CEDH

Si la procédure interne n'a pas permis la réparation, vous pouvez saisir la CEDH.

MALLET c. FRANCE du 11 FEVRIER 2010 Requête no 24997/07

LA PROCÉDURE INTERNE

9.  Le 9 septembre 2003, dénonçant la durée de la procédure, le requérant saisit le tribunal de grande instance de Saint-Denis de la Réunion d’une action en responsabilité fondée sur l’article L. 781-1 du code de l’organisation judiciaire.

10.  Par un jugement du 22 juin 2004, le tribunal débouta le requérant de ses demandes, au motif que, bien que visé par la plainte du 3 octobre 1991, il n’était devenu un « usager effectif du service public de la justice » qu’à la date de sa mise en examen, le 17 septembre 1996 ; prenant cette date comme point de départ de la période à considérer, le tribunal conclut que la durée de la procédure n’était pas excessive.

11.  Le 18 novembre 2005, la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion confirma ce jugement.

12.  Par un arrêt du 10 mai 2007, la Cour de cassation (première chambre civile) rejeta le pourvoi du requérant.

SUR LA RECEVABILITÉ

14.  Le Gouvernement soulève une exception d’irrecevabilité tirée du non-respect du délai de six mois prévu par l’article 35 de la Convention entre la date de la décision interne définitive et la saisine de la Cour. Il expose que, sous réserve qu’une lettre introductive d’instance ait été antérieurement adressée à la Cour, la requête n’a été reçue au greffe de la Cour que le 5 décembre 2007. Or il fait valoir que l’arrêt de la Cour de cassation mettant fin à la procédure d’indemnisation pour durée excessive de la procédure a été rendu publiquement et en présence de l’avocat aux Conseils du requérant le 10 mai 2007.

15.  Le requérant estime avoir saisi la Cour dans le délai de six mois à compter de la décision interne définitive, dès lors qu’il a introduit sa requête le 29 mai 2007, soit dix-neuf jours après l’arrêt de la Cour de cassation.

16.  La Cour note que la première lettre envoyée par le requérant au greffe de la Cour, porte la date du 26 mai 2007 et qu’elle a été postée le 29 mai 2007, c’est-à-dire dans le délai de six mois prévu par l’article 35 § 1 de la Convention. La Cour observe en outre que dans cette lettre, le requérant se référait à une précédente requête concernant la durée (no PP9194) de la procédure pénale intentée contre lui et indiquait avoir épuisé les voies de recours internes, avec mention précise des décisions de justice rendues. La Cour estime dès lors que la première lettre contenait le grief tiré de la méconnaissance du « délai raisonnable » que le requérant entendait soulever devant la Cour. Partant, il y lieu de rejeter l’exception soulevée par le Gouvernement.

17.  Par ailleurs, la Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention Elle relève en outre qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité.

SUR LE FOND

24.  Concernant la durée à prendre en considération sous l’angle du « délai raisonnable », la Cour rappelle qu’en matière pénale, ce délai débute dès l’instant qu’une personne se trouve « accusée ». L’« accusation », au sens de l’article 6 § 1, qui revêt un caractère autonome (voir, entre autres, Deweer c. Belgique, 27 février 1980, § 42, série A no 35), peut se définir « comme la notification officielle, émanant de l’autorité compétente, du reproche d’avoir accompli une infraction pénale », idée qui correspond aussi à la notion de « répercussions importantes sur la situation » du suspect (voir, entre autres, Janosevic c. Suède, no 34619/97, § 91, 23 juillet 2002, CEDH 2002-VII, Eckle c. Allemagne, arrêt du 15 juillet 1982, , § 73, série A no 51, Deweer, précité, § 42, et Salov c. Ukraine, no 65518/01, § 65, CEDH 2005-VIII).

25.  En l’espèce, la Cour considère, à l’instar des parties, que ni le dépôt de plainte, même visant nommément le requérant, ni la saisine, par le procureur de la République, de la chambre criminelle de la Cour de cassation, ne pouvaient conférer au requérant la qualité d’ « accusé », dans la mesure où ces actes n’impliquaient, en tout état de cause, nullement l’engagement de poursuites à son endroit.

26.  S’agissant de l’arrêt de la Cour de cassation du 4 août 1992, porté à la connaissance du requérant le 14 septembre 1992, la Cour observe qu’il désigne la juridiction susceptible d’instruire l’affaire, sans se prononcer sur l’opportunité de l’ouverture d’une information, en relevant tant le caractère potentiel des poursuites que la nature hypothétique des faits imputés au requérant. La Cour relève que consécutivement à la signification de cet arrêt, qui l’avisait officiellement que la chambre d’accusation de la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion était chargée de se prononcer sur les suites à donner à une plainte le visant nommément, le requérant s’est trouvé en situation de s’expliquer, devant cette juridiction, sur la portée des accusations dont il faisait l’objet. En effet, le 15 décembre 1992, la chambre d’accusation a entendu non seulement l’avocat de l’auteur de la plainte, mais également celui du requérant, avant de désigner un juge d’instruction. Partant, la Cour estime que ces circonstances ont eu une répercussion importante sur la situation du requérant et que la période à considérer débute au plus tard le 15 décembre 1992.

27.  Quant à la fin de la période, la Cour estime qu’il y a lieu de prendre en compte, ce qui n’est pas contesté, l’arrêt du 15 novembre 2000 par lequel la Cour de cassation a rejeté le pourvoi du requérant contre l’arrêt de cour d’appel le déclarant coupable des faits qui lui étaient reprochés.

28.  En l’espèce, la Cour constate que la procédure litigieuse a dès lors duré huit ans pour trois degrés de juridiction.

29.  S’agissant de l’appréciation du caractère raisonnable de la durée en cause, la Cour rappelle qu’il incombe aux États contractants d’organiser leur système judiciaire de telle sorte que leurs juridictions puissent remplir chacune de ses exigences, y compris l’obligation de trancher les causes dans des délais raisonnables (voir, entre autres, Pélissier et Sassi c. France [GC], no 25444/94, § 74, CEDH 1999-II).

30.  A cet égard, le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et au regard des critères dégagés par la jurisprudence, parmi lesquels la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes (voir, parmi beaucoup d’autres, Beljanski c. France (déc.), no 44070/98, 5 juillet 2001).

31.  En l’espèce, la Cour considère que la procédure litigieuse ne présentait pas de complexité particulière. Quant au comportement du requérant, qui a formé deux pourvois en cassation, l’un contre l’arrêt le renvoyant devant le tribunal correctionnel, l’autre contre l’arrêt de la cour d’appel prononçant sa condamnation, la Cour estime qu’il n’a pas contribué à ralentir le cours de la procédure.

32.  S’agissant en revanche du comportement des autorités, la Cour constate d’emblée que si un premier magistrat instructeur fut rapidement désigné le 15 décembre 1992, force est de constater qu’il n’a accompli aucun acte d’instruction jusqu’à la désignation de son successeur intervenue presque dix-huit mois plus tard. Celui-ci, pour sa part, s’est borné à délivrer aux services d’enquête une commission rogatoire dont les termes, s’ils se réfèrent à la procédure de révision du plan d’occupation des sols et au rôle du requérant, ne présentent pas de rapport évident avec la prise d’intérêt personnel qui était reprochée à ce dernier. Ce n’est que le troisième magistrat instructeur qui a procédé à la mise en examen du requérant le 17 septembre 1996, soit plus de quatre ans après le début de la période litigieuse. Le délai qui s’est écoulé ensuite, entre la mise en examen du requérant et la décision définitive rejetant son pourvoi en cassation, n’apparaît pas devoir être mis en cause.

33.  Compte tenu de ce qui précède, la Cour estime que, dans les circonstances de l’espèce, la durée de la procédure litigieuse est excessive et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ».

34.  Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1.

LE REQUÉRANT SAISIT DIRECTEMENT LA CEDH

QUAND LA PROCÉDURE PRINCIPALE EST LONGUE

Les autorités françaises ont cru pouvoir dénier l'évidence et ne réparent pas les délais non raisonnables. Les justiciables saisissent alors la CEDH qui dans un premier temps a rejeté toutes les requêtes puis devant l'affût, a commencé à les accepter à partir de 2010.

Depuis 2010, si la procédure principale a été particulièrement longue, le justiciable est toujours dispensé de faire un recours interne et peut s'adresser directement à la CEDH.

LA PROCÉDURE EST PARTICULIÈREMENT LONGUE

VERITER c. FRANCE du 14 OCTOBRE 2010 Requête no31508/07

En l'espèce la procédure principale a duré 18 ans jusqu'au Conseil d'Etat

54.  Le Gouvernement soulève une exception d’irrecevabilité du grief tiré de la durée de la procédure qui a pris fin le 25 mai 2007. Il estime que le requérant n’a pas épuisé les voies de recours internes, au sens de l’article 35 § 1 de la Convention, dans la mesure où il n’a pas fait usage du recours prévu par l’article R. 311-1 du code de justice administrative.

55.  Le requérant considère qu’il ne lui appartenait pas d’exercer le recours prévu par l’article R. 311-1 précité, dès lors que celui-ci est de création récente et que son utilisation est limitée en raison de l’exigence d’une faute lourde.

56.  La Cour rappelle qu’aux termes de l’article 35 § 1 précité, elle ne peut être saisie qu’après l’épuisement des voies de recours internes. Toutefois, ces recours doivent exister non seulement en théorie mais aussi en pratique. De même, ces dispositions doivent s’appliquer avec une certaine souplesse et sans formalisme excessif et, selon les « principes de droit international généralement reconnus », certaines circonstances particulières peuvent dispenser le requérant de l’obligation d’épuiser les recours internes s’offrant à lui (voir, parmi beaucoup d’autres, Scordino c. Italie (déc.), no 36813/97, CEDH 2003-IV).

57.  La Cour rappelle également qu’elle a déjà jugé que le recours en responsabilité de l’Etat pour fonctionnement défectueux du service public de la justice permettait aux justiciables parties à une procédure devant les juridictions administratives d’obtenir, le cas échéant, un constat de violation de leur droit à voir leur cause entendue dans un délai raisonnable, ainsi que l’indemnisation du préjudice en résultant. Cela vaut pour les procédures pendantes comme pour les procédures achevées au plan interne (arrêt Broca et Texier-Micault c. France, nos 27928/02 et 31694/02, § 19, 21 octobre 2003).

58.  Cependant, en l’espèce, le requérant se plaint de la durée excessive du recours en responsabilité de l’Etat qu’il a engagé pour obtenir réparation du préjudice qu’il estimait avoir subi en raison de la longueur déraisonnable des procédures administratives antérieures.

59.  La Cour rappelle que, dans l’affaire Vaney c. France (no 53946/00, arrêt du 30 novembre 2004), dans laquelle le requérant soulevait un grief similaire relativement au recours prévu par l’article L.781-1 (devenu l’article L.141-1) du code de l’organisation judiciaire, elle a considéré qu’exiger du requérant qu’il forme un nouveau recours en responsabilité de l’Etat pour dysfonctionnement du service de la justice devant les juridictions internes, comme le suggérait le Gouvernement, serait déraisonnable et constituerait un obstacle disproportionné à l’exercice efficace de son droit de recours individuel, tel que défini à l’article 34 de la Convention. Elle estime que cette approche peut être transposée à la présente affaire, où le requérant a saisi la juridiction administrative pour la première fois le 11 juillet 1988, soit plus de dix-huit ans et neuf mois avant l’arrêt du Conseil d’Etat du 25 mai 2007.

60.  En conséquence, et sans remettre en cause l’arrêt Broca et Texier-Micault précité sur l’effectivité du recours en responsabilité de l’Etat, la Cour estime que les circonstances particulières de la cause étaient telles que le requérant était dispensé de l’obligation d’épuiser le recours interne qui s’offrait à lui (Vaney précité, § 53). Il s’ensuit que l’exception soulevée par le Gouvernement doit être rejetée.

61.  Constatant que la requête ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour la déclare recevable.

PALMERO c. FRANCE Requête n° 77362/11 du 30 octobre 2014

Violation article 6 pour délai non raisonnable : Un Arrêt pour que le requérant ne puisse pas saisir le CDH de Genève. Le requérant demande une indemnité pour partialité du juge d'instruction et délai non raisonnable durant une procédure d'accusation pénale. Il subit un rejet devant les juridictions internes. Il présente ses griefs devant la CEDH. Il rajoute le grief de délai non raisonnable de la procédure d'indemnisation, sans auparavant, avoir épuisé les voies de recours internes concernant le délai de cette procédure compensatoire. La CEDH condamne pour délai non raisonnable de la procédure d'indemnisation pourtant échouée en droit interne car la Cour d'Appel a rendu son arrêt avec un délai de 3 ans. La CEDH ne répond pas sur le grief concernant le délai non raisonnable de la procédure d'accusation pénale. Elle répond ensuite de manière succincte (2 lignes) et générale sur le grief tiré de  la partialité du juge d'instruction. Comme la CEDH a examiné la requête contre la France. Du fait de la clause de réserve de la France, le Comité des Droits de l'Homme de Genève est incompétent pour statuer sur les griefs tirés de la procédure pénale, au sens de l'article 14 du Pacte International relatif aux droits civils et politiques.

LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

6.  Le père du requérant, André Palmero, exerçait de son vivant des fonctions d’administrateur de biens du prince de Monaco. Le 30 mars 1999, il fut entendu pour la première fois en qualité de témoin dans une information judiciaire ouverte en France en 1994, concernant des faits d’escroquerie liés à la vente de timbres de collection de la Principauté.

7.  Le 22 juin 2000, il fut mis en examen du chef de complicité d’escroquerie. Il décéda le 30 décembre 2000 et, le 8 juillet 2002, le juge d’instruction constata l’extinction de l’action publique à son bénéfice en raison de ce décès. En 2005, une ordonnance de non-lieu général concernant l’ensemble des personnes mises en examen fut rendue.

8.  Le 28 décembre 2004, le requérant engagea une action en responsabilité de l’État, au nom de son père, sur le fondement de l’article L.781-1 du code de l’organisation judiciaire, alors en vigueur, en réparation des fautes qui auraient été commises dans le cadre de la procédure pénale diligentée contre ce dernier. Le requérant invoqua, notamment, le défaut d’impartialité du juge d’instruction, ainsi que le caractère déraisonnable de la durée de la procédure pénale.

9.  Par un jugement du 26 avril 2006, le tribunal de grande instance de Paris déclara la demande du requérant recevable - rappelant notamment que le droit à réparation du dommage moral subi par une personne défunte, entré dans son patrimoine, se transmettait à ses héritiers – mais la rejeta. Le 22 septembre 2009, la cour d’appel de Paris confirma ce jugement. Les juges du fond estimèrent que les accusations de partialité dirigées contre le juge d’instruction n’étaient pas fondées et considérèrent que le point de départ de la période à envisager sous l’angle de l’exigence d’un délai raisonnable devait être fixé au 22 juin 2000, date de mise en examen du père du requérant, compte tenu de l’absence d’éléments dans le dossier le mettant en cause au moment du dépôt de plainte initial ainsi que lors de sa première audition comme témoin en 1999.

10.  Par un arrêt du 1er juin 2011, la Cour de cassation rejeta le pourvoi du requérant en estimant, en outre, que le terme de la période à considérer sous l’angle de l’article 6 § 1 de la Convention devait être fixé au décès du père du requérant en décembre 2000.

EN DROIT

11.  Le requérant se plaint de la durée déraisonnable tant de la procédure pénale dirigée contre son père, que de la procédure d’indemnisation exercée par lui sur le fondement de l’article L. 781-1 du code de l’organisation judiciaire, devenu l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire. Il met par ailleurs en cause l’impartialité du juge d’instruction chargé de l’information dans laquelle son père fut mis en examen. Il invoque l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...) impartial (...), qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »

I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION AU REGARD DE LA DURÉE DE LA PROCÉDURE PÉNALE

B.  Sur le fond

18.  Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Cour en ce qui concerne la durée de la procédure d’indemnisation. Il admet que la procédure devant la cour d’appel, d’une durée supérieure à trois ans, ne semble manifestement pas répondre à l’exigence du délai raisonnable.

19.  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par la jurisprudence de la Cour, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes (voir, parmi beaucoup d’autres, Pélissier et Sassi c. France [GC], no 25444/94, § 67, CEDH 1999-II).

20.  La période à considérer a débuté le 28 décembre 2004, date de l’assignation en responsabilité de l’Etat pour s’achever le 1er juin 2011, date de l’arrêt de la Cour de cassation. La procédure en indemnisation a dès lors duré six années, cinq mois et quatre jours pour trois degrés de juridictions, dont trois ans et cinq mois au niveau de la seule cour d’appel, puis un an et neuf mois au niveau de la Cour de cassation.

21.  Tout en ayant à l’esprit que le requérant a engagé l’action en responsabilité de l’État au nom de son père, la Cour rappelle l’importance pour les juridictions internes de porter une attention particulière à ce type de procédures d’indemnisation, notamment pour ce qui est de la durée raisonnable de leur examen (Gouveia da Siva Torrado c. Portugal, décision, no 65305/01, 22 mai 2003, Cocchiarella c. Italie [GC], précité, § 89, Sartory c. France, précité, § 24). Elle estime que la durée de la procédure litigieuse est excessive et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ».

22.  Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION AU REGARD DE L’IMPARTIALITÉ DU TRIBUNAL

23.  Compte tenu de l’ensemble des éléments en sa possession, la Cour ne relève aucune apparence de violation de l’article 6 § 1 de la Convention à l’égard du grief allégué. Partant, cette partie de la requête doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

L'AFFAIRE TABOURET CONTRE FRANCE

TABOURET c. FRANCE du 12 mai 2022 Requête no 43078/15

Art 6 § 1 (pénal) • Durée raisonnable • Durée excessive de la procédure juridictionnelle sur près de dix-huit ans, du fait des délais, la requérante a subi une liquidation judiciaire et la perte de son étude d'huissier quia été définitivement fermée par décision ministérielle.

FAITS

1.  À l’origine de l’affaire se trouve la cession d’une étude d’huissier entre la requérante et son prédécesseur, A.C. Une procédure pénale avec constitution de partie civile fut engagée à l’encontre de ce dernier pour escroquerie et abus de confiance. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, la requérante se plaint de la durée excessive de cette procédure, en particulier de la durée de l’expertise ordonnée dans le cadre du règlement de l’action civile.

Sur la recevabilité

  1. Le recours en responsabilité exercé sur le fondement de l’article L. 781-1 du code de l’organisation judiciaire (devenu L. 141-1 du même code)

65.  Le 29 juin 2010, la requérante fit assigner l’agent judiciaire du Trésor, dans le cadre d’une action en responsabilité de l’État, aux fins d’obtenir la condamnation de celui‑ci à lui payer la somme d’un million d’euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.

66.  Le 26 octobre 2012, le tribunal de grande instance de Beauvais rejeta son recours.

67.  Le 3 avril 2014, la cour d’appel d’Amiens rendit un arrêt confirmatif dont les motifs pertinents sont les suivants :

« (...)

- sur la recevabilité des demandes :

Considérant que l’Agent Judiciaire de l’Etat soulève l’irrecevabilité des demandes formées par [la requérante] en faisant valoir que celle-ci est, en raison du prononcé de sa liquidation judiciaire, dessaisie de l’administration de son patrimoine, conformément aux dispositions de l’article L 641-9 du code de commerce, alors qu’elle sollicite désormais la réparation de ses préjudices tant moral que matériel ;

Que sur le fondement de l’article 564 du code de procédure civile, l’Agent Judiciaire de l’Etat soulève également l’irrecevabilité, comme étant nouvelles en appel, des demandes de [la requérante] et de Me L., ès qualités, tendant à la réparation du préjudice matériel de celle-là et à la condamnation de l’Etat « in solidum » au paiement des condamnations prononcées par l’arrêt de la cour d’appel d’Amiens du 30 mars 2011 et au passif produit à l’encontre de [la requérante] ;

Considérant, cependant, que comme l’a exactement retenu le tribunal, la demande de réparation de son préjudice moral formée par [la requérante] constitue une action qui lui est personnelle et qu’elle peut exercer elle-même ;

Qu’en revanche, les demandes présentées par elle et Me L., ès qualités, tendant à la réparation du préjudice matériel de celle-là et à la condamnation de l’Etat « in solidum » au paiement des condamnations prononcées par l’arrêt de la cour d’appel d’Amiens du 30 mars 2011 et au passif produit à l’encontre de [la requérante], qui n’ont pas le même objet, ne tendent pas aux mêmes fins que l’indemnisation du seul préjudice moral et qui n’ont pas été soumises aux premiers juges, sont effectivement des prétentions nouvelles au sens de l’article 564 du code de procédure civile ; qu’en application de ces mêmes dispositions, elles sont donc irrecevables, étant ici observé que les appelants n’ont présenté aucun moyen de défense sur cette fin de non-recevoir ;

- sur la demande de réparation du préjudice moral :

Considérant que pour rechercher la responsabilité de l’Etat en raison d’un fonctionnement défectueux du service de la justice, [la requérante] invoque, comme en première instance, les fautes commises par le « juge taxateur » du tribunal de grande instance de Beauvais, le Garde des Sceaux lors de la délivrance de son agrément, le Procureur de la République de Beauvais et les chambres nationale et départementale des huissiers de justice, de même que les « délais non raisonnables de procédure » et « l’absence de satisfaction équitable dans le procès » en étant résultés ;

* sur les fautes reprochées au juge du tribunal de grande instance de Beauvais chargé du contrôle de l’expertise ordonnée le 29 avril 1999 et confiée [au premier expert, M. D.] :

Considérant que [la requérante] reproche au juge du tribunal de grande instance de Beauvais chargé du contrôle de l’expertise ordonnée le 29 avril 1999 et confiée à M. D., d’avoir, entre 2001 et 2005, accordé à ce dernier des délais excessifs pour déposer son rapport ainsi que d’avoir mis à sa charge des consignations d’un montant aussi excessif alors qu’il avait connaissance de sa situation financière obérée ; qu’elle rappelle à cet égard qu’à la consignation initiale de 50 000 francs qu’elle a versée le 25 janvier 2001, se sont ajoutées celle de 100 000 francs ordonnée le 1er août 2001 qu’elle a versée le 16 janvier 2002 après avoir dû contracter un emprunt, puis, les 22 juillet 2002 et 11 janvier 2005, celles de 30 000 euros et de 17 600 euros et qu’elle a ainsi consigné une somme totale de 52 867,35 euros alors que M. D. sera finalement récusé le 20 juillet 2006 sans avoir déposé son rapport définitif et que le retard dans ce dépôt l’a privée de la possibilité d’obtenir la réparation de son préjudice avant que sa situation ne se dégrade de façon irrémédiable ;

Considérant, cependant, qu’il ressort des mentions du jugement du tribunal correctionnel de Beauvais du 29 avril 1999 et de l’arrêt du 31 octobre 2000 de la cour d’appel d’Amiens que c’est [la requérante] qui a sollicité l’organisation d’une expertise comptable afin d’évaluer ses préjudices découlant des infractions commises à son détriment par [son prédécesseur] ; que comme les premiers juges l’ont relevé, les provisions à valoir sur la rémunération de l’expert ont été normalement mises à sa charge dès lors que [son prédécesseur] n’avait pas intérêt à ce que soit diligentée cette mesure d’instruction à laquelle il s’opposait ;

Que [la requérante] ne peut pas valablement dénier la complexité des opérations confiées à M. D. et donc la nécessité de lui accorder un délai conséquent pour les mener à leur terme eu égard aux nombreuses anomalies affectant le système informatique de l’office et à l’insuffisance de sa comptabilité ; qu’elle indique en effet elle-même, à la page 52 de ses conclusions, avoir fourni « un travail colossal » pour communiquer à cet expert « le recensement des produits illégaux » et d’autres éléments ;

Que « l’état de ses travaux lors de la demande de récusation » rédigé par M. D. (pièce no14 de l’Agent judiciaire de l’État), qui récapitule en détail le déroulement de ses opérations entre 2001 et la fin de l’année 2004 ne permet pas de relever une inaction manifeste de ce dernier alors que sa récusation n’est liée qu’à une faute personnelle quant au respect de son obligation d’impartialité ;

Qu’en outre et même s’il n’a pas achevé ses travaux, arrêtés au 21 avril 2005, date du dépôt de la requête en récusation, ses pré‑rapports d’avril 2002 et juillet 2004 n’en ont pas moins fourni au tribunal correctionnel de Beauvais puis à la cour d’appel d’Amiens des éléments utiles à la détermination des préjudices subis par [la requérante], ainsi que ces juridictions l’ont énoncé dans leurs décisions ;

Qu’enfin, [la requérante] à qui av[ait] été allou[ée] par le jugement du 29 avril 1999 une provision de 160 071, 47 euros, ne justifie ni même ne prétend avoir fait part au juge chargé du contrôle de l’expertise de ses critiques quant au déroulement des opérations d’expertise, à leur lenteur et au montant trop élevé des provisions sollicitées ;

Qu’à l’inverse, dans sa décision du 20 juillet 2006 ayant fait droit à la demande de récusation de M. D., le tribunal correctionnel de Beauvais a notamment relevé que [la requérante] avait une responsabilité dans « la longueur de la procédure », n’ayant pas réglé la consignation supplémentaire mise à sa charge le 11 janvier 2005 alors que « si elle l’avait fait, l’expert aurait pu déposer son rapport définitif avant la demande de récusation présentée par le prévenu (...) » tandis qu’elle « ne démontrait pas par les pièces qu’elle produit, qu’elle est dans un état d’impécuniosité ne lui permettant pas de faire face à ses obligations judiciaires » ; que le recours exercé par [la requérante] contre cette décision a été déclaré irrecevable par un arrêt du 20 juin 2007 de la cour d’appel d’Amiens à défaut pour elle d’avoir déposé la requête prévue à l’article 507 du code de procédure pénale ;

Considérant que dans ces conditions et même si la durée des opérations menées par M. D. jusqu’à sa récusation, de l’ordre de quatre années, et le montant des consignations mises à la charge de [la requérante] par le juge chargé du contrôle de l’expertise peuvent en définitive paraître excessifs au regard, en particulier, de l’ordonnance du 27 mars 2012 ayant fixé les honoraires de cet expert à la somme de 17 940 euros, les décisions prises par le juge du tribunal de grande instance de Beauvais chargé du contrôle de l’expertise quant aux prorogations de délais et aux consignations ne sont pas de nature à caractériser une faute lourde susceptible d’engager la responsabilité de l’État, étant rappelé que ne constitue une telle faute, au sens des dispositions de l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire, qu’une déficience traduisant l’inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi ;

(...)

* sur « les délais non raisonnables de procédure » et « l’absence de satisfaction équitable dans le procès » :

Considérant que les appelants font valoir que plus de vingt ans après l’escroquerie dont [la requérante] a été victime en 1993 et dont [son prédécesseur] a été déclaré coupable en 1999, celle-là n’a toujours pas été indemnisée de ses préjudices en raison des fautes précitées, alors que s’agissant d’un litige se rapportant à son exercice professionnel, il appartenait aux autorités judiciaires de faire preuve d’une particulière diligence ;

Qu’ils soulignent que l’absence de décision judiciaire fixant le montant de ses préjudices et rendue dans un délai raisonnable, notamment consécutive aux manquements dans le contrôle de l’expertise, a permis [au prédécesseur de la requérante] d’organiser son insolvabilité et a aggravé ses difficultés financières ;

Qu’ils rappellent que jusqu’au 11 mai 2010, n’était intervenue aucune décision de justice ayant octroyé à [la requérante] « une indemnisation substantielle, nécessaire au redressement de sa situation » ;

Qu’ils estiment de la sorte caractérisé un manquement du service de la justice à son devoir de protection de la victime et ajoute que ce manquement et le dysfonctionnement de ce service doit être apprécié au regard de l’ensemble des fautes commises par les différents intervenants et non en fonction de celles‑ci prises isolément ;

Mais considérant que s’agissant de la procédure pénale suivie à l’encontre [du prédécesseur de la requérante], les appelants n’invoquent aucun fait précis de nature à mettre en évidence un retard fautif dans la conduite de l’enquête puis de l’information judiciaire ouverte le 21 avril 1994, ni davantage dans les délais mis pour juger pénalement [le prédécesseur de la requérante], étant rappelé que celui-ci a été reconnu coupable des infractions lui étant reprochées le 29 avril 1999 et qu’il ressort des pièces versées aux débats, en particulier du réquisitoire définitif de renvoi devant le tribunal correctionnel daté du 28 mai 1998, que la réunion des preuves nécessaires à la caractérisation de ces infractions complexes a nécessité de nombreuses investigations en raison, notamment, des anomalies affectant le système informatique de l’office et de l’absence partielle de comptabilité ;

Considérant, de plus, que comme cela a déjà été dit, la durée des opérations d’expertise qui, avec les recours exercés par [le prédécesseur de la requérante], expliquent ceux pour statuer sur les intérêts civils, ne peuvent pas non plus caractériser une faute lourde susceptible d’engager la responsabilité de l’État, étant en outre rappelé que des provisions à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices ont été allouées à [la requérante] pour des montants significatifs, soit le 29 octobre 1997 à hauteur de 36 435,32 euros et le 2[9] avril 1999 à hauteur de 169 071, 47 euros ;

Qu’en outre, les difficultés rencontrées par [la requérante] pour obtenir de [son prédécesseur] l’exécution des condamnations mises à sa charge, imputables à ce dernier dont elle indique qu’il a organisé son insolvabilité, ne peuvent pas non plus engager la responsabilité de l’État alors qu’elle avait, avant la liquidation de ses préjudices, la possibilité de prendre des mesures conservatoires ou des sûretés sur les biens de son débiteur afin de garantir ses créances, ce qu’elle ne prétend pas avoir fait ;

Que pour les motifs précédemment énoncés, ne peuvent pas non plus être prises en compte les difficultés rencontrées par [la requérante] pour obtenir la prise en charge du sinistre par la chambre nationale des huissiers de justice en tant qu’assureur ;

Considérant que n’étant pas établie par [la requérante] l’existence d’un déni de justice et de fautes lourdes du service de la justice à l’origine du préjudice moral dont elle demande réparation, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu’il l’a déboutée de ses prétentions. (...) »

68.  Par une décision notifiée le 3 décembre 2014, le bureau d’aide juridictionnelle de la Cour de cassation rejeta la demande d’aide juridictionnelle de la requérante au motif qu’elle ne formulait aucun moyen sérieux de cassation contre l’arrêt de la cour d’appel. Le 18 mars 2015, le magistrat délégué par le premier président de la Cour de cassation rejeta le recours formé contre cette décision pour les mêmes motifs, ajoutant par ailleurs que la Cour de cassation n’exerce pas son contrôle sur l’appréciation par les juges du fond des faits et des éléments de preuve. Le 5 novembre 2015, le conseiller référendaire délégué par le premier président de la Cour de cassation constata la déchéance du pourvoi formé par la requérante et son liquidateur, en l’absence de production dans le délai légal d’un mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée.

  1. Sur la recevabilité

72.Constatant que le grief tiré de l’article 6 § 1 de la Convention n’est pas manifestement mal fondé ni irrecevable pour un autre motif visé à l’article 35 de la Convention, la Cour le déclare recevable.

  1. Le recours en responsabilité formé à l’encontre de l’expert

69.  Le 12 mai 2016, la cour d’appel de Douai statua sur renvoi après cassation sur une action en responsabilité pour faute engagée par la requérante et son mandataire judiciaire à la liquidation à l’encontre du premier expert judiciaire. Elle condamna notamment ce dernier, en raison de son manquement au devoir d’impartialité, à verser à la requérante une somme de 5 000 EUR en réparation de son préjudice moral et au mandataire judiciaire une somme de 10 000 EUR en réparation du préjudice matériel.

 

Sur le fond

a)  Principes généraux

83.  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie à la lumière des circonstances de l’affaire et selon les critères suivants consacrés par une jurisprudence bien établie : la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes, ainsi que l’enjeu du litige pour l’intéressé (Frydlender c. France [GC], n30979/96, § 43, CEDH 2000‑VII). Ces critères s’appliquent également dans le cas où est en cause la durée de la procédure d’exécution d’un jugement définitif (Bendayan Azcantot et Benalal Bendayan c. Espagne, no 28142/04, § 71, 9 juin 2009).

84.  Elle a plus spécifiquement jugé qu’il incombe aux États contractants de traiter avec célérité les litiges relatifs à l’emploi, compte tenu de l’enjeu de la procédure pour l’intéressé, sa vie personnelle et familiale ainsi que sa carrière professionnelle (Gouttard c. France, no 57435/08, § 35, 30 juin 2011).

85.  La Cour rappelle, s’agissant des procédures ayant donné satisfaction au demandeur, que le point de départ du délai est en principe la date de saisine de la juridiction compétente (Poiss c. Autriche, 23 avril 1987, § 50, série A no 117) et que l’exécution d’un jugement ou arrêt, de quelque juridiction que ce soit, devant être considérée comme faisant partie intégrante du « procès » au sens de l’article 6 (Hornsby c. Grèce, 19 mars 1997, § 40, Recueil des arrêts et décisions 1997‑II), ce n’est qu’au moment où le droit revendiqué dans la procédure trouve sa réalisation effective que le délai arrive à son terme (Estima Jorge c. Portugal, 21 avril 1998, §§ 35‑38, Recueil des arrêts et décisions 1998‑II, Martins Moreira c. Portugal, 26 octobre 1988, § 44, série A no 143).

86.  Lorsque la collaboration d’un expert s’avère nécessaire au cours de la procédure, la Cour retient qu’il incombe au juge d’assurer la mise en état et la conduite rapide du procès (Capuano c. Italie, 25 juin 1987, §§ 30‑31, série A no 119, Versini c. France, no 40096/98, § 29, 10 juillet 2001, et Sürmeli c. Allemagne [GC], no 75529/01, § 129, CEDH 2006‑VII).

87.  La Cour estime enfin que le comportement du défendeur ne dispense pas le juge d’assurer le respect des exigences de l’article 6 en matière de délai raisonnable, notamment en exerçant les pouvoirs mis à sa disposition par la loi afin de remédier à d’éventuelles manœuvres dilatoires de la part d’une partie à la procédure (Costa Ribeiro c. Portugal, no 54926/00, § 29, 30 avril 2003) mais elle entend néanmoins rappeler que seules les lenteurs imputables à l’État peuvent amener à conclure à l’inobservation du « délai raisonnable » (Humen c. Pologne [GC], no 26614/95, § 66, 15 octobre 1999).

b)     Application des principes au cas d’espèce

  1. Période à prendre en considération

88.  La Cour constate que les parties s’accordent pour considérer que la période à prendre en compte a débuté en juillet 1993, avec le signalement effectué par la requérante auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Beauvais. La Cour relève quant à elle que si les pièces du dossier ne permettent pas d’établir avec exactitude la date à laquelle la requérante s’est constituée partie civile devant la juridiction pénale, l’intéressée a néanmoins, dès le 14 octobre 1994, commencé à chiffrer son préjudice dans le cadre de l’instruction et a ainsi exercé son droit de demander réparation des préjudices subis du fait de l’infraction commise par A.C. (Perez c. France [GC], no 47287/99, § 64, CEDH 2004 I). La Cour en déduit que le point de départ du délai de la procédure litigieuse doit être fixé, au plus tard, le 14 octobre 1994.

89.  En ce qui concerne le terme de la procédure litigieuse, la Cour relève que le volet pénal du procès a pris fin avec le jugement correctionnel du 29 avril 1999, dont il n’a été fait appel que des seules dispositions civiles. Elle note par ailleurs que le volet civil de la procédure juridictionnelle s’est achevé avec l’intervention de l’arrêt de la Cour de cassation du 27 juin 2012 (paragraphe 42 ci-dessus).

90.  La Cour considère toutefois, que, contrairement à ce que soutient le Gouvernement, le délai de la procédure qu’il convient d’appréhender dans son ensemble comprend également la phase d’exécution consécutive à l’arrêt de la Cour de cassation du 27 juin 2012 (paragraphe 85 ci-dessus).

91.  Il s’agit certes d’une seconde phase dont le déclenchement dépendait de l’initiative de la requérante (Martins Moreira c. Portugal, 26 octobre 1988, § 44, série A no 143). Toutefois, en l’espèce, cette dernière a, tout au long de la procédure, pris des initiatives visant au recouvrement des sommes qui lui étaient dues (paragraphes 45, 48, 49, 50 et 51 ci-dessus).

92.  Il s’ensuit que la phase juridictionnelle de la procédure en litige doit être regardée comme s’étant déroulée du 14 octobre 1994 au 27 juin 2012, soit sur une période de dix-sept ans et huit mois. La phase ultérieure d’exécution demeure quant à elle inachevée et a ainsi duré à tout le moins neuf années et onze mois.

  1. Caractère raisonnable de la durée de la procédure

α)  Complexité de l’affaire

93.  La Cour note que, le 29 avril 1999, le tribunal correctionnel de Beauvais, a, dans un jugement devenu définitif sur ce point, reconnu A.C. coupable d’escroquerie au préjudice de la requérante, pour des faits commis entre 1990 et le 13 janvier 1993.

94.  La Cour relève que, dans l’arrêt précité du 3 avril 2014, la cour d’appel d’Amiens a distingué, dans l’analyse de la complexité de l’instance, « la procédure pénale suivie à l’encontre [du prédécesseur de la requérante] » de la procédure relative à la détermination des intérêts civils.

95.  Elle retint en particulier que la partie pénale de la procédure présentait un caractère de complexité certain attesté par les « nombreuses investigations » requises en vue de « la réunion des preuves nécessaires à la caractérisation [d’] infractions complexes ». Elle jugea également que la requérante ne pouvait valablement contester la complexité des opérations d’expertise ordonnées aux fins d’évaluer les préjudices civils subis par elle (paragraphe 67 ci-dessus).

96.  La Cour constate que l’instruction pénale a effectivement exigé, d’une part, une analyse approfondie de comptabilité effectuée sur un logiciel informatique défaillant et en dépit d’éléments comptables manquants et, d’autre part, de nombreuses auditions et confrontations dont le caractère utile n’est pas contesté. Toutefois, se concentrant sur la procédure d’indemnisation des préjudices civils de la requérante, la Cour constate que si sa complexité découlait des constats effectués au cours de l’instruction pénale, d’une part, la détermination des nombreux préjudices subis était susceptible d’être menée à la lumière des éléments recueillis dans le cadre de ce volet pénal et, d’autre part, le travail d’expertise était circonscrit à une seule étude et à un peu plus de trois années de comptabilité.

97.  Dans ces conditions, la Cour considère que, prise dans son ensemble, la procédure civile présentait un degré de complexité qui ne saurait justifier à lui-seul sa longueur depuis son déclenchement au plus tard le 14 octobre 1994.

β)  Comportement de la requérante

    Au cours de la phase juridictionnelle

98.  La Cour constate que la requérante signala au procureur de la République le comportement de son prédécesseur, M. A. C., très rapidement après avoir acquis l’étude, laquelle était dans une situation financière bien plus défavorable que celle présentée lors de la cession.

99.  En ce qui concerne la phase procédurale s’étant déroulée jusqu’à la condamnation pénale prononcée le 29 avril 1999, la Cour relève que la requérante a contribué à l’évaluation de ses propres préjudices et de ceux des clients institutionnels de l’étude.

100.  En ce qui concerne la phase juridictionnelle ultérieure, la Cour constate que si la requérante n’a réglé les consignations d’expertise mises à sa charge en octobre 2000, janvier 2002 et novembre 2002 que plusieurs mois après qu’elles ont été ordonnées (paragraphes 23, 24 et 26 ci-dessus), engendrant un retard total d’environ une année pour les trois premières consignations, elle n’est pas en mesure d’en tirer des conséquences en ce qui concerne le comportement de l’intéressée, en l’absence au dossier d’éléments permettant d’établir, de manière certaine, la date de notification de ces ordonnances.

101.  Par ailleurs, la Cour relève que la requérante n’a pas réglé les consignations d’expertise mises à sa charge le 11 janvier 2005 et le 20 juillet 2006, contribuant de ce fait à l’allongement de la procédure.

102.  À cet égard, la Cour constate que la cour d’appel d’Amiens a jugé le 3 avril 2014 (paragraphe 67 ci-dessus) que la requérante n’établissait pas avoir fait utilement part de difficultés financières au juge en charge des expertises. La Cour relève que ce point n’est pas sérieusement contesté par l’intéressée.

103.  La Cour estime qu’il en résulte que s’il est constant que la requérante faisait face à d’importantes difficultés financières, notamment à partir de décembre 2005, date de cessation des paiements dans le cadre de la liquidation judiciaire, l’intéressée a tout de même une part de responsabilité dans le délai pris par les juridictions pour statuer sur le volet civil de la procédure. Contrairement à ce qu’elle soutient, la requérante ne pouvait attendre de la juridiction saisie qu’elle analyse sa situation financière d’office quand bien même celle-ci avait eu à connaître de litiges disciplinaires résultant de l’insuffisance d’actifs de l’étude ou encore de demandes de suppléance de l’office.

104.  Dans ces conditions, la Cour considère, à l’instar des juges internes, que le comportement de la requérante doit être regardé comme ayant partiellement contribué à la longueur de la procédure litigieuse.

105.  Il est vrai toutefois que, dès 2005, la durée de cette procédure ne pouvait plus, au vu des faits de l’espèce, passer pour raisonnable. La Cour en déduit que le comportement de la requérante lié au défaut de consignation à compter de cette date ne peut revêtir qu’une importance marginale dans la mise en balance des critères énoncés précédemment (paragraphe 83 ci-dessus).

106.  En outre, la Cour relève qu’il ne peut être reproché à la requérante d’avoir investi dans l’office les provisions obtenues en 1997 et 1999 alors qu’elle faisait par ailleurs l’objet d’une procédure disciplinaire liée à la situation financière de l’étude.

107.  Le Cour constate également que la requérante a contribué à la détermination de ses préjudices en produisant devant les juridictions internes en charge de statuer sur les intérêts civils deux rapports d’expertise qu’elle fit elle-même réaliser, datés de juin 1997 et d’octobre 2000 (paragraphes 12 et 21 ci-dessus), ainsi qu’un rapport d’expertise daté de 2003 sollicité par la juridiction d’appel statuant en matière disciplinaire (paragraphe 55 ci-dessus).

108.  La Cour relève enfin que les multiples requêtes formées par la requérante n’ont pas significativement retardé le règlement du volet civil de la procédure en litige.

    Au cours de la phase d’exécution

109.  En ce qui concerne la procédure d’exécution des décisions juridictionnelles prononçant l’indemnisation des préjudices de la requérante, la Cour constate que la cour d’appel d’Amiens, statuant sur la durée de la procédure (paragraphe 67 ci-dessus), a relevé que les difficultés de recouvrement de la créance, y compris le défaut de prise en charge du sinistre dans le cadre assurantiel, ne pouvaient être imputées à l’État et que l’intéressée ne justifiait pas des diligences accomplies sur les biens de son débiteur pour garantir ses créances.

110.  La Cour relève toutefois que la requérante obtint le paiement intégral des deux provisions mises à la charge de son prédécesseur en décembre 1997 et avril 1999.

111.  La Cour constate également que la requérante sollicita le versement d’une provision complémentaire le 8 juin 2005 qui lui fut refusée par jugement du 20 juillet 2006 (paragraphes 31 et 32 ci-dessus).

112.  La Cour observe par ailleurs que, le 24 novembre 2009, la requérante perçut une somme de 4 101 EUR de la part de la commission d’indemnisation des victimes d’infraction au motif qu’elle se trouvait dans l’impossibilité d’obtenir de l’auteur des faits une indemnisation effective et suffisante de son préjudice (paragraphe 48 ci-dessus).

113.  La Cour note que, bénéficiant d’une décision juridictionnelle partiellement exécutoire le 11 mai 2010, la requérante fit procéder immédiatement à des saisies sur les comptes bancaires et le patrimoine immobilier de son prédécesseur, notamment sur ses pensions de retraite, ces procédures ne permettant toutefois pas de recouvrer l’intégralité de la créance (paragraphe 49 ci-dessus).

114.  La Cour constate également que la requérante entreprit deux procédures judiciaires tendant à faire reconnaître que son prédécesseur avait organisé son insolvabilité par le biais d’un divorce contre lequel elle formait alors tierce opposition (paragraphes 50 et 51 ci-dessus).

115.  La Cour relève toutefois qu’à l’occasion de ces instances, qui n’aboutirent pas favorablement pour l’intéressée, les juridictions indiquèrent à la requérante qu’elle disposait d’une action oblique envers l’ex-épouse de son prédécesseur pour recouvrement d’une soulte d’un montant de 200 000 EUR, action qu’elle n’allègue pas avoir entreprise (paragraphe 52 ci-dessus).

116.  Au vu de ce qui précède, la Cour se sépare en partie de l’appréciation des juges internes et conclut qu’alors même qu’il n’apparaît pas que la requérante ait effectué toutes les diligences à sa disposition elle doit être regardée comme s’étant efforcée, dans la mesure du possible, d’obtenir l’indemnisation de son préjudice.

γ)  Comportement des autorités compétentes

    Au cours de la phase juridictionnelle

117.  La Cour estime tout d’abord que la chronologie de la procédure, appréhendée de l’instruction pénale des faits jusqu’à l’intervention du jugement du 29 avril 1999, ne révèle aucune inaction manifeste des autorités nationales (paragraphes 7 à 18 ci-dessus).

118.  La Cour relève ensuite que si l’expertise sollicitée dans le cadre du volet pénal de la procédure par A.C. aux fins d’établissement des préjudices subis par la requérante a été définitivement refusée en appel en octobre 1997, au motif notamment de l’insuffisance et de l’absence partielle de comptabilité de l’étude (paragraphe 13 ci-dessus), en revanche, le tribunal de grande instance de Beauvais statuant sur l’action civile le 29 avril 1999, confirmé, sur ce point, par la cour d’appel d’Amiens le 31 octobre 2000, a ordonné, avant-dire droit, une telle expertise.

119.  En ce qui concerne cette expertise, la Cour relève que le juge en charge de son contrôle n’a pas pleinement fait usage des outils à sa disposition pour la faire avancer et assurer la conduite rapide du procès. À cet égard, il est intéressant de relever que la cour d’appel d’Amiens, statuant sur l’action civile le 30 mars 2011, fit elle-même mention du « déroulement, pour le moins aléatoire, de[s] opérations d’expertise ».

120.  Concernant, en premier lieu, les délais accordés à l’expert, la Cour constate que l’expertise a débuté après le versement de la première consignation, en février 2001. Elle relève que l’appréciation des juridictions internes a été variable en ce qui concerne le respect des délais, le juge taxateur ayant retenu dans l’ordonnance du 27 mars 2012, devenue définitive, qu’« il n’est pas discutable que l’expert n’a, en aucune façon, respecté les délais impartis » tandis que le juge statuant définitivement sur le recours en responsabilité formé contre l’expert, le 12 mai 2016, a considéré qu’aucune faute ne peut être imputée à l’expert sur ce point. La Cour souligne qu’il ressort des pièces du dossier que quatre prorogations ont été accordées, parfois sollicitées hors délai par l’expert, et que, par ailleurs, des temps de latence significatifs, de l’ordre de plusieurs mois, ont été recensés entre la fin de chaque délai et les différentes ordonnances de prorogation prises par le juge.

121.  Concernant, en deuxième lieu, la maîtrise du montant de l’expertise, le juge, accueillant les demandes successives de l’expert fondées, selon ce dernier, sur « la nature et l’importance de l’affaire », a mis à la charge de la requérante, sans aucunement motiver ses décisions, des consignations complémentaires pour un montant global qui s’est avéré être bien supérieur à la taxation définitive. Le 11 janvier 2005, date à laquelle une quatrième consignation d’un montant de 17 600 EUR lui était demandée, la requérante avait ainsi déjà consigné près de trois fois le montant de la taxation définitive.

122.  Concernant, en troisième lieu, la maîtrise du comportement des parties et de l’expert, la Cour note que si le juge en charge des expertises les avait convoqués à une réunion devant se tenir le 28 avril 2005, il annula cette dernière au vu de la demande de récusation présentée par A.C.

123.  Concernant, en quatrième lieu, les diligences accomplies à la suite de la demande de récusation du premier expert, la Cour retient que si cette demande n’était pas imputable aux autorités compétentes mais à A.C., dix mois se sont toutefois écoulés entre celle-ci et la tenue d’une première audience puis, après renvoi à la demande des parties, une nouvelle période de cinq mois avant que ne soit rendu le jugement de récusation. La Cour constate également qu’alors que la première expertise durait depuis le mois de février 2001, le juge ordonna tout de même une nouvelle expertise sans rechercher s’il était envisageable de statuer en l’état, au vu des éléments déjà versés au dossier, ce qu’il sera finalement décidé de faire en mai 2010. Enfin, la Cour relève que le tribunal de grande instance de Beauvais mit plus de trois ans et demi à tirer les conséquences du défaut de règlement par la requérante de la dernière consignation mise à sa charge en constatant la caducité de la seconde expertise (paragraphe 37 ci-dessus).

124.  La Cour rappelle que, concernant les faits relevés ci-dessus, la cour d’appel d’Amiens statuant le 3 avril 2014 a jugé que « les décisions prises par le juge du tribunal de grande instance de Beauvais chargé du contrôle de l’expertise quant aux prorogations de délais et aux consignations ne sont pas de nature à caractériser une faute lourde susceptible d’engager la responsabilité de l’État » (paragraphe 67 ci-dessus).

125.  Toutefois, au vu de l’ensemble des éléments mentionnés ci-dessus, la Cour considère pour sa part, retenant une vision globale de la procédure, que la conduite des opérations d’expertises, telle qu’effectuée par les juges internes qui n’en ont pas suffisamment assuré la maîtrise, explique pour une très large part la longueur de la procédure juridictionnelle. Elle se sépare donc des conclusions auxquelles est parvenue la cour d’appel d’Amiens dans l’appréciation du comportement des autorités compétentes.

126.  Par ailleurs, et en dernier lieu, la Cour n’est pas convaincue par l’argumentation du Gouvernement, qui invoque, pour exonérer les autorités compétentes de leur responsabilité, la circonstance selon laquelle les recours exercés par le prédécesseur de la requérante expliqueraient en partie la durée de la phase juridictionnelle. En effet, il ressort des pièces du dossier que ces recours n’ont pas substantiellement allongé les délais, les décisions intervenant dans une période comprise entre douze et dix-huit mois après l’instance précédente (paragraphes 19, 22, 37, 39 et 42 ci-dessus).

127.  Dans ces conditions, la Cour conclut, contrairement aux juridictions internes, que l’écoulement d’un délai de jugement excessif est principalement imputable au comportement des autorités compétentes.

    Au cours de la phase d’exécution

128.  La Cour rappelle que l’on ne saurait déduire de l’article 6 § 1 de la Convention qu’en matière civile les États contractants doivent être tenus pour responsables du défaut de paiement d’une créance exécutoire dû à l’insolvabilité d’un débiteur « privé » (Sanglier c. France, no 50342/99, § 39, 27 mai 2003).

129.  Les États ont toutefois l’obligation positive de mettre en place un système effectif, en pratique comme en droit, qui assure l’exécution des décisions judiciaires définitives entre personnes privées (Fouklev c. Ukraine, no 71186/01, § 84, 7 juin 2005).

130.  En l’espèce, la Cour constate qu’à la suite de sa demande du 22 avril 2009, la requérante a pu bénéficier, le 24 novembre 2009, de l’octroi d’une somme de 4 101 EUR versée par un fonds de garantie d’indemnisation des victimes dont le débiteur est défaillant (paragraphe 48 ci-dessus).

131.  La Cour rappelle par ailleurs que la cour d’appel de Poitiers, dans son arrêt du 14 mars 2014, a indiqué à la requérante qu’elle disposait d’une action oblique envers l’ex-épouse de son prédécesseur pour recouvrement d’une soulte de 200 000 EUR prévue dans la convention de divorce en cas de non-paiement effectif de celle-ci à l’ex-époux (paragraphe 52 ci-dessus).

132.  La Cour estime que, dans les circonstances de l’espèce, l’intervention des autorités compétentes en vue de contribuer à l’exécution de la décision judiciaire condamnant A.C., personne privée, à indemniser la requérante doit être regardée comme répondant à l’obligation positive susmentionnée (paragraphe 129 ci-dessus). Elle en conclut qu’aucun élément ne permet d’imputer à l’État une part de responsabilité s’agissant du délai pendant lequel l’arrêt de la cour d’appel d’Amiens du 30 mars 2011 est resté, pour l’essentiel, inexécuté.

δ) Enjeu du litige pour l’intéressée

133.  La Cour note que la procédure litigieuse ne pouvait avoir d’effet utile pour la requérante que si elle aboutissait à une indemnisation rapide des préjudices nés de l’escroquerie afin de permettre a minima le renflouement du déficit de l’office, la préservation des intérêts des clients et la continuation d’une activité professionnelle viable.

134.  La Cour relève que ce déficit a provoqué la naissance de litiges disciplinaires à l’encontre de l’intéressée. Si les suspensions sollicitées par la chambre départementale des huissiers de justice furent rejetées, l’intéressée fit tout de même l’objet d’un rappel à l’ordre, après onze années de procédure (paragraphe 55 ci-dessus).

135.  La Cour constate que l’écoulement du temps a amplifié l’ampleur du préjudice subi, tant en raison de l’inflation que de l’augmentation parallèle du déficit de l’étude, de l’épuisement psychologique de la requérante engendrant son arrêt pour maladie, la suppléance en son office, puis, les charges n’étant plus payées, le redressement et la liquidation judiciaires de l’étude et, enfin, sa démission d’office suivie de la suppression de l’étude par arrêté ministériel.

136.  La Cour en déduit que l’indemnisation des préjudices civils nés de l’escroquerie représentait un enjeu crucial pour la continuité de l’activité professionnelle de la requérante ainsi que pour sa vie privée et son équilibre personnel.

c) Conclusion

137.  Compte-tenu de l’enjeu du litige pour la requérante, la Cour considère que la procédure juridictionnelle en cause requérait une particulière diligence de la part des autorités compétentes.

138.  La Cour estime qu’en l’espèce la complexité de l’affaire ne pouvait à elle-seule justifier la longueur de la procédure juridictionnelle considérée dans son ensemble. Elle note qu’à la date à laquelle la première expertise était ordonnée, le nombre d’années écoulées depuis l’engagement de la procédure, au plus tard le 14 octobre 1994, commandait de statuer avec une particulière célérité sur l’action civile. Était ainsi requise une diligence certaine des juridictions et en particulier du juge en charge des expertises, ce qui ne fut manifestement pas le cas.

139.  Eu égard à l’ensemble de ces éléments, la Cour se sépare de l’appréciation retenue par les juges internes et conclut qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention en ce qui concerne la procédure juridictionnelle, prise dans son ensemble, laquelle se déroula sur près de dix-huit années, alors même que la phase juridictionnelle conduite jusqu’au 29 avril 1999 ne saurait à elle-seule révéler une telle violation.

140.  En revanche, la Cour considère que la durée de la période pendant laquelle l’arrêt de la cour d’appel d’Amiens du 30 mars 2011 est resté, pour l’essentiel, inexécuté ne peut être imputée à l’État et qu’il ne saurait, en conséquence, être reconnu, à ce titre, une violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

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