Publié par Frédéric Fabre docteur en droit.
La jurisprudence du Conseil Constitutionnel en matière de Question Prioritaire de Constitutionnalité, dans l'ordre chronologique.
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Décision n° 2012-287 QPC du 15 janvier 2013
Le Conseil constitutionnel a été
saisi le 17 octobre 2012 par la Cour de cassation d'une question prioritaire de
constitutionnalité posée par la Société française du radiotéléphone (SFR). Cette
question portait sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution
garantit du paragraphe II de l'article 6 de la loi n° 2011-1898 du 20 décembre
2011 relative à la rémunération pour copie privée.
L'article 6 de la loi du 20 décembre 2011 tire des conséquences de l'annulation
par le Conseil d'État, le 17 juin 2011, de la décision n° 11 du 17 décembre 2008
de la commission dite « de la copie privée ». Le paragraphe II de cet article 6
valide les rémunérations perçues en application de cette décision au titre des
supports autres que ceux acquis notamment à des fins professionnelles. Les
rémunérations validées sont celles ayant fait l'objet d'une action contentieuse
introduite avant le 18 juin 2011 et n'ayant pas donné lieu à une décision de
justice passée en force de chose jugée.
Le Conseil constitutionnel a rappelé sa jurisprudence constante relative aux
validations législatives qui doivent, notamment, poursuivre un but d'intérêt
général suffisant. En l'espèce la validation a visé à limiter, pour les
instances en cours, la portée de l'annulation prononcée par le Conseil d'État,
afin d'éviter que cette annulation ne prive les titulaires de droits d'auteur et
de droits voisins de la compensation attribuée au titre de supports autres que
ceux acquis notamment à des fins professionnelles et dont les conditions
d'utilisation ne permettent pas de présumer un usage à des fins de copie privée.
Le Conseil a jugé que de tels motifs financiers, à l'occasion d'instances
portant sur des sommes dont l'importance du montant n'est pas établie, ne
peuvent être regardés comme suffisants pour justifier une telle atteinte aux
droits des personnes qui avaient engagé une procédure contentieuse avant la date
de la décision du Conseil d'État. Il a donc jugé contraire à la Constitution le
paragraphe II de l'article 6 de la loi n° 2011-1898 du 20 décembre 2011 relative
à la rémunération pour copie privée.
Le Conseil constitutionnel
a été saisi le 17 octobre 2012 par la Cour de cassation (première chambre
civile, arrêt n° 1292 du 17 octobre 2012), dans les conditions prévues à
l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de
constitutionnalité posée par la Société française du radiotéléphone (SFR),
relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du
paragraphe II de l'article 6 de la loi n° 2011-1898 du 20 décembre 2011 relative
à la rémunération pour copie privée.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de la propriété intellectuelle ;
Vu la loi n° 2011-1898 du 20 décembre 2011 relative à la rémunération pour copie
privée ;
Vu la décision du Conseil d'État n° 324816, 325439, 325463, 325468, 325469 du 17
juin 2011 ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2012-263 QPC du 20 juillet 2012 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la société requérante par la SCP Piwnica et
Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, et le cabinet Allen
et Overy LLP, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 7 et 21 novembre 2012
;
Vu les observations produites pour la Société pour la perception de la
rémunération de la copie privée sonore et audiovisuelle (Copie France), par la
SCP Bernard Hémery et Carole Thomas-Raquin, avocat au Conseil d'État et à la
Cour de cassation, enregistrées le 8 novembre 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 8
novembre 2012;
Vu les observations en intervention produites pour les sociétés Nokia France SA,
Motorola Mobility France SAS et Sony Mobile Communications AB, par Me Sophie
Soubelet-Caroit, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 8 et 22 novembre
2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Emmanuel Piwnica et Me Romaric Lazerges, avocat au barreau de Paris, pour la
société requérante, Me Thomas-Raquin, pour la société Copie France, Me Soubelet-Caroit
pour les sociétés intervenantes, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier
ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 8 janvier 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux
termes du paragraphe II de l'article 6 de la loi n° 2011-1898 du 20 décembre
2011 relative à la rémunération pour copie privée : « II - Les rémunérations
perçues ou réclamées en application de la décision n° 11 du 17 décembre 2008 de
la commission prévue à l'article L. 311-5 du code de la propriété intellectuelle
au titre des supports autres que ceux acquis notamment à des fins
professionnelles dont les conditions d'utilisation ne permettent pas de présumer
un usage à des fins de copie privée, qui ont fait l'objet d'une action
contentieuse introduite avant le 18 juin 2011 et n'ont pas donné lieu, à la date
de promulgation de la présente loi, à une décision de justice passée en force de
chose jugée sont validées en tant qu'elles seraient contestées par les moyens
par lesquels le Conseil d'État a, par sa décision du 17 juin 2011, annulé cette
décision de la commission ou par des moyens tirés de ce que ces rémunérations
seraient privées de base légale par suite de cette annulation » ;
2. Considérant que, selon la société requérante, en tant qu'elles s'appliquent
aux instances en cours à la date de la décision du Conseil d'État, les
dispositions contestées procèdent à une validation en méconnaissance des
principes constitutionnels de la séparation des pouvoirs et du droit à un
recours juridictionnel effectif ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des
droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de
Constitution » ; que, si le législateur peut modifier rétroactivement une règle
de droit ou valider un acte administratif ou de droit privé, c'est à la
condition de poursuivre un but d'intérêt général suffisant et de respecter tant
les décisions de justice ayant force de chose jugée que le principe de
non-rétroactivité des peines et des sanctions ; qu'en outre, l'acte modifié ou
validé ne doit méconnaître aucune règle ni aucun principe de valeur
constitutionnelle, sauf à ce que le but d'intérêt général visé soit lui-même de
valeur constitutionnelle ; qu'enfin, la portée de la modification ou de la
validation doit être strictement définie ;
4. Considérant que, par la décision susvisée du 17 juin 2011, le Conseil d'État
a annulé la décision n° 11 du 17 décembre 2008 de la commission prévue à
l'article L. 311-5 du code de la propriété intellectuelle, aux motifs « qu'en
décidant que l'ensemble des supports, à l'exception de ceux acquis par les
personnes légalement exonérées de la rémunération pour copie privée par les
dispositions de l'article L. 311-8 du code de la propriété intellectuelle,
seraient soumis à la rémunération, sans prévoir la possibilité d'exonérer ceux
des supports acquis, notamment à des fins professionnelles, dont les conditions
d'utilisation ne permettent pas de présumer un usage de ces matériels à des fins
de copie privée, la décision attaquée a méconnu les dispositions précitées du
code de la propriété intellectuelle et la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001
telle qu'interprétée par l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne » ;
que l'effet de l'annulation prononcée a été reporté à l'expiration d'un délai de
six mois à compter de la date de sa notification au ministre de la culture et de
la communication sous réserve des instances en cours ; que le paragraphe I de
l'article 6 de la loi du 20 décembre 2011 susvisée a procédé à un nouveau report
de l'effet de l'annulation prononcée tout en modifiant les règles applicables ;
5. Considérant que, par la validation prévue par le paragraphe II de l'article
6, le législateur a limité la portée, pour les instances en cours, de
l'annulation prononcée par le Conseil d'État, afin d'éviter que cette annulation
prive les titulaires de droits d'auteur et de droits voisins de la compensation
attribuée au titre de supports autres que ceux acquis notamment à des fins
professionnelles dont les conditions d'utilisation ne permettent pas de présumer
un usage à des fins de copie privée ;
6. Considérant que le législateur pouvait rendre applicables aux situations
juridiques nées antérieurement à la date de la décision d'annulation du Conseil
d'État susvisée de nouvelles règles mettant fin au motif qui avait justifié
cette annulation ; que, toutefois, les motifs financiers invoqués à l'appui de
la validation des rémunérations faisant l'objet d'une instance en cours le 18
juin 2011, qui portent sur des sommes dont l'importance du montant n'est pas
établie, ne peuvent être regardés comme suffisants pour justifier une telle
atteinte aux droits des personnes qui avaient engagé une procédure contentieuse
avant cette date ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre
grief, le paragraphe II de l'article 6 de la loi du 20 décembre 2011 susvisée
doit être déclaré contraire à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- Le paragraphe II de l'article 6 de la loi n° 2011-1898 du 20
décembre 2011 relative à la rémunération pour copie privée est contraire à la
Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23 11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 15 janvier 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de
GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
2 DECISIONS DU 17 JANVIER 2013
Le Conseil constitutionnel a été
saisi le 7 novembre 2012 par la Cour de cassation d'une question prioritaire de
constitutionnalité posée par MM. Pierre et Philippe M. Cette question était
relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de
l'article 414-2 du code civil.
L'article 414-1 du code civil dispose que pour faire un acte valable, il faut
être sain d'esprit. Il confie à ceux qui agissent en nullité pour cette cause la
charge de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte. L'article
414-2 du même code désigne les personnes qui ont qualité pour agir sur ce
fondement. Le premier alinéa réserve cette qualité à l'intéressé, de son vivant.
Les deuxième à cinquième alinéas fixent les cas dans lesquels, après le décès de
ce dernier, les actes autres que la donation entre vifs et le testament peuvent
être attaqués par les héritiers. Les requérants soutenaient que ces dispositions
limitatives portaient atteinte au droit à un recours effectif.
Le Conseil constitutionnel a écarté ces griefs et jugé l'article 414-2 du code
civil conforme à la Constitution.
D'une part, avec l'article 414-2 du code civil, le législateur a poursuivi un
but d'intérêt général. Il a entendu assurer un équilibre entre les intérêts des
héritiers et la sécurité des actes conclus par le défunt, en particulier des
transactions. Il a aussi voulu, dans l'intérêt d'une bonne administration de la
justice, éviter les difficultés liées à l'administration de la preuve de l'état
mental d'une personne décédée.
D'autre part, le législateur a apporté au droit des
héritiers des limitations proportionnées au regard de ces objectifs, sans faire
obstacle à ce qu'ils exercent des actions en nullité qui seraient fondées sur
les règles du droit commun des contrats. Des actes passés au moyen de violences,
de fraudes ou d'abus de faiblesse peuvent ainsi être annulés.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le
7 novembre 2012 par la Cour de cassation (première chambre civile, arrêt n° 1389
du 7 novembre 2012), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la
Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par MM.
Pierre et Philippe M., relative à la conformité aux droits et libertés que la
Constitution garantit de l'article 414-2 du code civil.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code civil ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour les requérants par Me Olivier Kuhn-Massot,
avocat au barreau de Marseille, enregistrées le 29 novembre 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 29
novembre 2012 ;
Vu les observations produites pour la société financière Roquebillière (SOFIROC)
par la SCP Rouch-Astruc et associés, avocat au barreau de Paris, enregistrées le
13 décembre 2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Georges Rudigoz, avocat au barreau de Marseille pour les requérants, Me
Martine Belain, avocate au barreau de Paris pour la société défenderesse et M.
Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience
publique du 8 janvier 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu
1. Considérant qu'aux termes de l'article
414-2 du code civil : « De son vivant, l'action en nullité n'appartient qu'à
l'intéressé.
« Après sa mort, les actes faits par lui, autres que la donation entre vifs et
le testament, ne peuvent être attaqués par ses héritiers, pour insanité
d'esprit, que dans les cas suivants :
« 1° Si l'acte porte en lui-même la preuve d'un trouble mental ;
« 2° S'il a été fait alors que l'intéressé était placé sous sauvegarde de
justice ;
« 3° Si une action a été introduite avant son décès aux fins d'ouverture d'une
curatelle ou d'une tutelle ou si effet a été donné au mandat de protection
future.
« L'action en nullité s'éteint par le délai de cinq ans prévu à l'article 1304 »
;
2. Considérant que, selon les requérants, en limitant les cas dans lesquels les
héritiers peuvent demander la nullité d'un acte pour insanité d'esprit du
défunt, ces dispositions portent atteinte au droit à un recours effectif ;
3. Considérant qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au
législateur de déterminer les règles relatives à la capacité des personnes et
aux successions et de fixer les principes fondamentaux des obligations civiles
et commerciales ; qu'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans
le domaine de sa compétence, d'adopter des dispositions nouvelles dont il lui
appartient d'apprécier l'opportunité et de modifier des textes antérieurs ou
d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions,
dès lors que, dans l'exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties
légales des exigences de caractère constitutionnel ; que l'article 61-1 de la
Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général
d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ; que cet
article lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité d'une
disposition législative aux droits et libertés que la Constitution garantit ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des
droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de
Constitution » ; qu'il résulte de cette disposition qu'il ne doit pas être porté
d'atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d'exercer un
recours effectif devant une juridiction ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 414-1 du code civil : « Pour faire un
acte valable, il faut être sain d'esprit. C'est à ceux qui agissent en nullité
pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte
» ; que les dispositions de l'article 414-2 du même code désignent les personnes
qui ont qualité pour agir sur ce fondement ; que le premier alinéa réserve cette
qualité à l'intéressé, de son vivant ; que les deuxième à cinquième alinéas
fixent les cas dans lesquels, après le décès de ce dernier, les actes autres que
la donation entre vifs et le testament peuvent être attaqués par les héritiers ;
6. Considérant, en premier lieu, que, par les dispositions contestées, le
législateur a entendu assurer un équilibre entre, d'une part, les intérêts des
héritiers et, d'autre part, la sécurité des actes conclus par le défunt et en
particulier des transactions ; qu'il a également entendu, dans l'intérêt d'une
bonne administration de la justice, éviter les difficultés liées à
l'administration de la preuve de l'état mental d'une personne décédée ;
7. Considérant, en second lieu, que les dispositions contestées réservent aux
héritiers la qualité pour agir en nullité pour insanité d'esprit dans le cas où
l'acte « porte en lui-même la preuve d'un trouble mental », si l'intéressé était
placé sous sauvegarde de justice lors de la conclusion de l'acte litigieux ou si
une action a été introduite avant le décès de l'auteur de l'acte aux fins
d'ouverture d'une curatelle ou d'une tutelle ou si effet a été donné au mandat
de protection future ; que, par ces dispositions, le législateur a précisément
fixé la portée des limites au droit des héritiers d'agir en nullité d'un acte
juridique pour cause d'insanité d'esprit conclu par le défunt ; que ces
dispositions ne font pas obstacle à l'exercice, par les héritiers, des actions
en nullité qui seraient fondées sur les règles du droit commun des contrats ;
qu'elles ne font ainsi pas obstacle à ce que des actes passés au moyen de
violences, de fraudes ou d'abus de faiblesse puissent être annulés ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en adoptant les dispositions
contestées le législateur a, dans l'exercice de sa compétence, apporté au droit
d'agir des héritiers des limitations justifiées par des motifs d'intérêt général
et proportionnées au regard de ces objectifs ;
9. Considérant que les dispositions contestées ne portent atteinte à aucun autre
droit ou liberté que la Constitution garantit ; qu'elles doivent être déclarées
conformes à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- L'article 414-2 du code civil est conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 17 janvier 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Le Conseil constitutionnel a été
saisi le 7 novembre 2012 par le Conseil d'État d'une question prioritaire de
constitutionnalité posée par M. Laurent D. Cette question était relative à la
conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L.
145-2 du code de la sécurité sociale (CSS).
L'article L. 145-2 du CSS est relatif aux sanctions applicables aux médecins
pour des fautes commises dans l'exercice de la profession au préjudice de la
sécurité sociale ou des assurés sociaux, qui sont prononcées par les
juridictions dites du « contentieux du contrôle technique de la sécurité sociale
». L'article L. 4124-6 du code de la santé publique (CSP) est, quant à lui,
relatif aux sanctions applicables aux médecins pour des manquements
déontologiques dans l'exercice de la médecine, qui sont prononcées par les
formations disciplinaires de l'ordre des médecins. Le requérant soutenait que
l'application cumulative de ces deux régimes de sanction était contraire à la
Constitution.
La jurisprudence constante du Conseil constitutionnel impose, en cas de cumul de
poursuites différentes pour des mêmes faits, que le montant global des sanctions
éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des
sanctions encourues.
Le Conseil constitutionnel a relevé qu'en vertu du neuvième alinéa de l'article
L. 145-2 du CSS, les sanctions prévues par cet article ne sont pas cumulables
avec les peines prévues à l'article L. 4124-6 du CSP lorsqu'elles ont été
prononcées à l'occasion des mêmes faits. Si les juridictions compétentes p
rononcent des sanctions différentes, seule la sanction la plus forte peut être mise à exécution. Ces dispositions s'appliquent au cumul des sanctions prévues par les articles L. 4124-6 du CSP et L. 145-2 du CSS quel que soit l'ordre dans lequel les procédures ont été engagées ou les condamnations prononcées. Le Conseil constitutionnel a jugé que l'ensemble de ces dispositions assure la conformité à la Constitution de l'article L. 145-2 du CSS.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le
7 novembre 2012 par le Conseil d'État (décision n° 361995 du 7 novembre 2012),
dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question
prioritaire de constitutionnalité posée par M. Laurent D., relative à la
conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L.
145-2 du code de la sécurité sociale.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Coutard, Munier-Apaire,
avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 29 novembre
et 14 décembre 2012 ;
Vu les observations produites pour la caisse primaire d'assurance maladie de la
Haute-Garonne et le médecin-conseil chef de service de l'échelon local de la
Haute-Garonne par Me Dominique Foussard, avocat au Conseil d'État et à la Cour
de cassation, enregistrées les 29 novembre et 14 décembre 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées les 29
novembre et 14 décembre 2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Madeleine Munier-Apaire pour le requérant, Me Foussard pour la caisse
primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne et le médecin-conseil chef de
service de l'échelon local de la Haute-Garonne, et M. Xavier Pottier, désigné
par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 8 janvier
2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu
1. Considérant qu'aux termes de l'article
L. 145-2 du code de la sécurité sociale : « Les sanctions susceptibles d'être
prononcées par la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de
première instance ou par la section spéciale des assurances sociales du conseil
national de l'ordre des médecins ou des chirurgiens-dentistes ou des
sages-femmes sont :
« 1°) l'avertissement ;
« 2°) le blâme, avec ou sans publication ;
« 3°) l'interdiction temporaire ou permanente, avec ou sans sursis, du droit de
donner des soins aux assurés sociaux ;
« 4°) dans le cas d'abus d'honoraires, le remboursement à l'assuré du trop-perçu
ou le reversement aux organismes de sécurité sociale du trop-remboursé, même
s'il n'est prononcé aucune des sanctions prévues ci-dessus.
« Les sanctions prévues aux 3° et 4° ci-dessus peuvent faire l'objet d'une
publication.
« Si, pour des faits commis dans un délai de cinq ans à compter de la
notification au praticien d'une sanction assortie du sursis et devenue
définitive, la juridiction prononce la sanction mentionnée au 3°, elle peut
décider que la sanction pour la partie assortie du sursis devient exécutoire
sans préjudice de l'application de la nouvelle sanction.
« Est considérée comme non avenue une sanction, pour la partie assortie du
sursis, lorsque le praticien sanctionné n'aura commis aucune nouvelle faute
suivie d'une sanction dans le délai fixé à l'alinéa précédent.
« Les sanctions prévues au présent article ne sont pas cumulables avec les
peines prévues à l'article L. 4124-6 du code de la santé publique lorsqu'elles
ont été prononcées à l'occasion des mêmes faits. Si les juridictions compétentes
prononcent des sanctions différentes, la sanction la plus forte peut être seule
mise à exécution.
« Les décisions devenues définitives ont force exécutoire. Elles doivent, dans
le cas prévu au 3° du premier alinéa, ou si le jugement le prévoit, faire
l'objet d'une publication par les soins des organismes de sécurité sociale » ;
2. Considérant que, selon le requérant, en n'excluant pas l'application
cumulative des dispositions de l'article L. 145-2 du code de la sécurité sociale
et de celles de l'article L. 4124-6 du code de la santé publique et en
permettant ainsi qu'un praticien soit poursuivi et sanctionné deux fois pour les
mêmes faits par les chambres disciplinaires de l'ordre des médecins et par les
juridictions du contentieux du contrôle technique de la sécurité sociale, le
législateur a méconnu le principe « non bis in idem » ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines
strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu
d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée
» ; que les principes ainsi énoncés ne concernent pas seulement les peines
prononcées par les juridictions pénales mais s'étendent à toute sanction ayant
le caractère d'une punition ; que le principe de la nécessité des peines ne fait
pas obstacle à ce que les mêmes faits commis par une même personne puissent
faire l'objet de poursuites différentes aux fins de sanctions de nature
disciplinaire ou administrative en application de corps de règles distincts
devant leurs propres ordres de juridictions ; que, si l'éventualité que soient
engagées deux procédures peut ainsi conduire à un cumul des sanctions, le
principe de proportionnalité implique qu'en tout état de cause, le montant
global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus
élevé de l'une des sanctions encourues ;
4. Considérant que, d'une part, en vertu du premier alinéa de l'article L.
4121-2 du code de la santé publique, l'ordre des médecins « veille au maintien
des principes de moralité, de probité, de compétence et de dévouement
indispensables à l'exercice de la médecine » et à « l'observation, par tous
leurs membres, des devoirs professionnels, ainsi que des règles édictées par le
code de déontologie » ; qu'en vertu de l'article L. 4124-6 du même code, les
peines que l'autorité disciplinaire compétente de l'ordre des médecins peut
prononcer sont l'avertissement, le blâme, l'interdiction temporaire, avec ou
sans sursis, ou l'interdiction permanente d'exercer une, plusieurs ou la
totalité des fonctions de médecin, conférées ou rétribuées par l'État, les
départements, les communes, les établissements publics, les établissements
reconnus d'utilité publique ou des mêmes fonctions accomplies en application des
lois sociales, l'interdiction temporaire d'exercer, avec ou sans sursis, pour
une durée ne pouvant excéder trois ans et la radiation du tableau de l'ordre ;
5. Considérant que, d'autre part, dans le cadre du contentieux du contrôle
technique, visant la recherche et le redressement de tout abus professionnel
commis au préjudice de la sécurité sociale ou des assurés sociaux, l'article L.
145-1 du code de la sécurité sociale prévoit que « les fautes, abus, fraudes et
tous faits intéressant l'exercice de la profession, relevés à l'encontre des
médecins à l'occasion des soins dispensés aux assurés sociaux sont soumis en
première instance à une section de la chambre disciplinaire de première instance
des médecins. . . dite section des assurances sociales de la chambre
disciplinaire de première instance et, en appel, à une section de la chambre
disciplinaire nationale du conseil national de l'ordre des médecins. . ., dite
section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des médecins » ;
que selon l'article L. 145-6 du même code, les juridictions de cet ordre,
distinctes des chambres de discipline, comprennent, outre leur président, un
nombre égal d'assesseurs, membres de l'ordre des médecins et d'assesseurs
représentant les organismes de sécurité sociale ; que son article L. 145-2
définit le régime des sanctions relevant de ce contentieux ; qu'il prévoit
notamment que les sanctions qui peuvent être infligées sont l'avertissement, le
blâme, avec ou sans publication, l'interdiction temporaire ou permanente, avec
ou sans sursis, du droit de donner des soins aux assurés sociaux et, dans le cas
d'abus d'honoraires, le remboursement à l'assuré du trop-perçu ou le reversement
aux organismes de sécurité sociale du trop-remboursé ;
6. Considérant qu'en vertu du neuvième alinéa de l'article L. 145-2 du code de
la sécurité sociale, « les sanctions prévues par cet article ne sont pas
cumulables avec les peines prévues à l'article L. 4124-6 du code de la santé
publique lorsqu'elles ont été prononcées à l'occasion des mêmes faits » ; que,
si les juridictions compétentes prononcent des sanctions différentes, seule la
sanction la plus forte peut être mise à exécution ; que, par ces dispositions
qui s'appliquent au cumul des sanctions disciplinaires prévues par les articles
L. 4124-6 du code de la santé publique et L. 145-2 du code de la sécurité
sociale quel que soit l'ordre dans lequel les procédures ont été engagées ou les
condamnations prononcées, le législateur a assuré le respect des exigences
constitutionnelles précitées ;
7. Considérant que l'article L. 145-2 du code de la sécurité sociale ne
méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ; qu'il doit
être déclaré conforme à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- L'article L. 145-2 du code de la sécurité sociale est conforme à
la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 17 janvier 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Pierre
STEINMETZ.
Décision n° 2012-290/291 QPC du 25 janvier 2013
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 15 novembre 2012
par la Cour de cassation de deux questions prioritaires de constitutionnalité
posées, d'une part, par les sociétés Distrivit et Sodipam et, d'autre part, par
la société PHP Trading. Ces questions étaient relatives à la conformité aux
droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 268 du code des
douanes dans ses rédactions résultant tant de la loi du 27 décembre 2008 de
finances pour 2009 que de la loi du 29 décembre 2010 de finances rectificative
pour 2010.
L'article 268 du code des douanes est relatif à la fixation du droit de
consommation sur les tabacs destinés à être consommés dans les départements de
la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion. Il donne
compétence aux conseils généraux de ces départements pour fixer, dans un cadre
déterminé par la loi, l'assiette et le taux de ce droit et en attribue le
produit aux départements.
Les sociétés requérantes soutenaient que l'article 268 du code des douanes
portait atteinte à l'égalité devant la loi et les charges publiques. Le Conseil
constitutionnel a écarté ce grief. Il a relevé que la faiblesse des ressources,
notamment fiscales des quatre collectivités territoriales concernées et les
écarts de prix du tabac entre ces territoires et la France continentale
constituent, au sens de l'article 73 de la Constitution, des « caractéristiques
et contraintes particulières » de nature à permettre au législateur de confier
aux conseils généraux de ces quatre départements les modalités de détermination
de l'assiette et du taux du droit de consommation sur les tabacs ainsi que d'en
affecter le produit au budget de ces collectivités départementales. Le
législateur a fixé un cadre objectif et rationnel à cette détermination afin de
limiter les différences entre les montants du droit de consommation selon qu'il
s'applique à des produits homologués ou non.
Les sociétés requérantes soutenaient également que l'article 268 du code des
douanes méconnaissait tant la liberté d'entreprendre que la libre administration
des collectivités territoriales. Le Conseil constitutionnel a écarté ces griefs.
Il a notamment jugé qu'en permettant que soit fixé un minimum de prix de vente
des produits du tabac et en encadrant la détermination de ce minimum par les
conseils généraux, le législateur a assuré une conciliation, qui n'est pas
manifestement déséquilibrée, entre l'exercice de la liberté d'entreprendre et
les exigences du onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre
1946, relatives à « la protection de la santé ».
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 15 novembre 2012
par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 1232 du 15 novembre
2012), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une
question prioritaire de constitutionnalité posée par les sociétés Distrivit et
Sodipam, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution
garantit de l'article 268 du code des douanes dans ses rédactions successives
résultant de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009, puis
de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010.
Il a été saisi le même jour dans les mêmes conditions par la Cour de cassation
(chambre commerciale, arrêt n° 1233 du 15 novembre 2012), d'une question
prioritaire de constitutionnalité posée par la société PHP Trading, relative à
la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du même
article dans sa rédaction résultant de la loi du 27 décembre 2008 précitée.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code des douanes ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 ;
Vu la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites, d'une part, pour les sociétés Distrivit et
Sodipam et, d'autre part, pour la société PHP Trading, par la SELARL Carpentier
et Associés, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 10 et 24 décembre 2012
;
Vu les observations en intervention produites pour les sociétés SOMAF et Société
guadeloupéenne de tabac et d'allumettes, par la SELARL Carpentier et Associés,
avocat au barreau de Paris, enregistrées le 10 décembre 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 10
décembre 2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Jean-Philippe Carpentier, pour les sociétés requérantes et les sociétés
intervenantes et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été
entendus à l'audience publique du 15 janvier 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'il y a lieu de joindre ces questions
prioritaires de constitutionnalité pour statuer par une seule décision ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 268 du code des douanes dans sa
rédaction résultant de la loi du 27 décembre 2008 susvisée : « 1. Les
cigarettes, les cigares, cigarillos, les tabacs à mâcher, les tabacs à priser,
les tabacs fine coupe destinés à rouler les cigarettes et les autres tabacs à
fumer, destinés à être consommés dans les départements de la Guadeloupe, de la
Guyane, de la Martinique et de la Réunion, sont passibles d'un droit de
consommation.
« Les taux et l'assiette du droit de consommation sont fixés par délibération
des conseils généraux des départements. Ces délibérations prennent effet au plus
tôt au 1er janvier 2001.
« Pour les produits mentionnés au premier alinéa ayant fait l'objet d'une
homologation en France continentale en application de l'article 572 du code
général des impôts, le montant du droit est déterminé par application du taux
fixé par le conseil général à un pourcentage fixé par ce même conseil, supérieur
à 66 % et au plus égal à 110 % du prix de vente au détail en France
continentale.
« Pour les produits mentionnés au premier alinéa n'ayant pas fait l'objet d'une
homologation en France continentale, le montant du droit est déterminé par
application du taux fixé par le conseil général à un pourcentage fixé par ce
même conseil, supérieur à 66 % et au plus égal à 110 % du prix de vente au
détail en France continentale correspondant à la moyenne pondérée des prix
homologués.
« Les taux des droits de consommation fixés par chaque conseil général ne
peuvent être supérieurs aux taux prévus à l'article 575 A du code général des
impôts qui frappent les produits de même catégorie en France continentale.
« Les conseils généraux des départements d'outre-mer peuvent fixer, par
délibération, un minimum de perception spécifique fixé pour 1000 unités, tel que
mentionné aux articles 575 et 575 A du code général des impôts, pour le droit de
consommation sur les cigarettes dans leur circonscription administrative. Ce
minimum de perception ne peut être supérieur au droit de consommation résultant
de l'application du taux fixé par le conseil général au prix de vente au détail
en France continentale des cigarettes de la classe de prix la plus demandée.
« Les conseils généraux des départements d'outre-mer peuvent également établir
un minimum de perception fixé pour 1 000 grammes pour les tabacs fine coupe
destinés à rouler les cigarettes. Ce minimum de perception ne peut excéder les
deux tiers du minimum de perception fixé par le conseil général pour 1 000
unités de cigarettes.
« 2. Le droit de consommation est exigible soit à l'importation, soit à l'issue
de la fabrication par les usines locales.
« 3. Le droit de consommation est recouvré comme en matière de droit de douane.
Les infractions sont constatées et réprimées et les instances instruites et
jugées conformément aux dispositions du code des douanes.
« 4. Le produit du droit de consommation perçu à la Guyane et à la Réunion sur
les cigarettes, cigares et cigarillos, tabac à fumer, tabac à mâcher et tabac à
priser, est affecté au budget de ces départements. Il en est de même à la
Guadeloupe et à la Martinique à compter du 1er janvier 2001.
« Les conseils généraux des départements d'outre-mer peuvent fixer, par
délibération, un prix de détail des cigarettes exprimé aux 1 000 unités et un
prix de détail des tabacs fine coupe destinés à rouler des cigarettes exprimé
aux 1 000 grammes, en deçà duquel ces différents produits du tabac ne peuvent
être vendus dans leur circonscription administrative en raison de leur prix de
nature promotionnelle au sens de l'article L. 3511-3 du code de la santé
publique. Pour chacun de ces produits, ce prix est supérieur à 66 % et au plus
égal à 110 % du prix de vente au détail déterminé pour la France continentale en
application du premier alinéa du même article L. 3511-33 » ;
3. Considérant que le paragraphe II de l'article 73 de la loi du 29 décembre
2010 susvisée a modifié l'article 268 du code des douanes ainsi qu'il suit : «
1° À la fin de la seconde phrase du sixième alinéa du 1, les mots : "la plus
demandée" sont remplacés par les mots : "de référence" ;
« 2° Le dernier alinéa du 4 est ainsi modifié :
« a) À la fin de la première phrase, les mots : "en raison de leur prix de
nature promotionnelle au sens de l'article L. 3511-3 du code de la santé
publique" sont supprimés ;
« b) À la fin de la seconde phrase, les mots : "du prix de vente au détail
déterminé pour la France continentale en application du premier alinéa du même
article L. 3511-3" sont remplacés par les mots : "de la moyenne pondérée des
prix homologués mentionnée au 1" » ;
4. Considérant que, selon les sociétés requérantes, l'article 268 du code des
douanes, dans ses versions successives, porte atteinte au principe d'égalité
devant la loi et les charges publiques et à la liberté d'entreprendre ; qu'il
porterait également atteinte à la libre administration des collectivités
territoriales
- SUR LES GRIEFS TIRÉS DE L'ATTEINTE À L'ÉGALITÉ DEVANT LA LOI ET LES CHARGES
PUBLIQUES :
5. Considérant que les sociétés requérantes soutiennent que sont contraires au
principe d'égalité devant la loi et les charges publiques les différences de
législation applicable entre la France continentale et les départements de la
Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion en ce qui concerne
l'assiette et le taux du droit de consommation sur les tabacs, en ce qui
concerne la compétence confiée au conseil général, dans ces départements
d'outre-mer, pour fixer l'assiette et le taux de ce droit et enfin, en ce qui
concerne l'affectation du produit de ce droit à ces départements d'outre-mer ;
qu'ils dénoncent en outre la différence de taxation des tabacs selon qu'ils sont
ou non homologués en France métropolitaine ;
6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des deux premiers alinéas de
l'article 73 de la Constitution : « Dans les départements et les régions
d'outre-mer, les lois et règlements sont applicables de plein droit. Ils peuvent
faire l'objet d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes
particulières de ces collectivités.
« Ces adaptations peuvent être décidées par ces collectivités dans les matières
où s'exercent leurs compétences et si elles y ont été habilitées, selon le cas,
par la loi ou par le règlement » ;
7. Considérant que l'article 268 du code des douanes contesté est relatif au
droit de consommation sur les tabacs manufacturés applicable dans les
départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion ;
que cet article donne compétence aux conseils généraux de ces départements pour
fixer, dans un cadre déterminé par la loi, l'assiette et les taux de ce droit et
pour en recevoir le produit ; qu'en adoptant ces dispositions, le législateur a
entendu accroître les ressources de ces collectivités départementales et
permettre le rapprochement entre les prix du tabac dans ces départements et ceux
applicables en France continentale ;
8. Considérant que la faiblesse des ressources, notamment fiscales, de ces
collectivités territoriales et les écarts de prix du tabac entre ces territoires
et la France continentale constituent, au sens de l'article 73 de la
Constitution, des « caractéristiques et contraintes particulières » de nature à
permettre au législateur, d'une part, de donner aux conseils généraux de la
Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion le pouvoir d'arrêter
les modalités de détermination de l'assiette et du taux du droit de consommation
sur les tabacs ainsi que, d'autre part, d'affecter le produit de ce droit au
budget de ces collectivités départementales ;
9. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 13 de la Déclaration
de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses
d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être
également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ;
qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de
déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des
caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être
appréciées les facultés contributives ; qu'en particulier, pour assurer le
respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères
objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose ; que cette
appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de
l'égalité devant les charges publiques ;
10. Considérant que les troisième et quatrième aliénas du 1 de l'article 268 du
code des douanes prévoient que le montant du droit de consommation est calculé
dans chaque département par application des taux fixés par le conseil général à
un pourcentage d'un prix de référence calculé conformément à la loi ; que les
taux fixés par chaque conseil général ne peuvent, en application du cinquième
alinéa du 1 de l'article 268, excéder ceux prévus à l'article 575 A du code
général des impôts pour les produits de même catégorie en France continentale ;
que le pourcentage du prix de vente au détail est également fixé par ces mêmes
conseils généraux, dans les limites déterminées par la loi, entre 66 % et 110 %
du prix de référence ; que, pour les produits ayant fait l'objet d'une
homologation en France continentale, le prix de référence est le prix de vente
au détail en France continentale ; que, pour les autres produits, le prix de
référence correspond à la moyenne pondérée des prix homologués en France
continentale pour les produits analogues ;
11. Considérant que, par ces dispositions, le législateur a entendu limiter les
différences entre les montants du droit de consommation selon qu'il s'applique à
des produits homologués ou non ; qu'il s'est fondé sur un critère en lien direct
avec l'objectif qu'il s'est assigné ; que ces dispositions n'entraînent pas de
rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de
l'atteinte à l'égalité devant la loi et les charges publiques doivent être
écartés
- SUR LE GRIEF TIRÉ DE L'ATTEINTE À LA LIBERTÉ D'ENTREPRENDRE :
13. Considérant que, selon les sociétés requérantes, en donnant aux conseils
généraux des départements d'outre-mer précités le pouvoir de fixer un prix de
détail en deçà duquel les produits ne peuvent être vendus, le dernier alinéa de
l'article 268 du code des douanes porte atteinte à la liberté d'entreprendre ;
14. Considérant que la liberté d'entreprendre découle de l'article 4 de la
Déclaration de 1789 ; qu'il est loisible au législateur d'apporter à cette
liberté des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées
par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes
disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi ;
15. Considérant que le dernier alinéa de l'article 268 autorise les conseils
généraux à fixer un prix en deçà duquel les produits du tabac ne peuvent être
vendus «dans leur circonscription administrative» ; que, dans sa rédaction issue
de la loi du 27 décembre 2008 susvisée, l'article 268 dispose que ce prix doit
être supérieur à 66 % et égal au plus à 110 % « du prix de vente au détail
déterminé pour la France continentale en application du premier alinéa du même
article L. 3511-3 du code de la santé publique » ; que, dans sa rédaction issue
de la loi du 29 décembre 2010 susvisée, il doit être supérieur à 66 % et égal au
plus à 110 % « de la moyenne pondérée des prix homologués mentionnée au 1 » ;
16. Considérant qu'en permettant que soit fixé un minimum de prix de vente des
produits du tabac et en encadrant la détermination de ce minimum par les
conseils généraux, le législateur a assuré une conciliation, qui n'est pas
manifestement déséquilibrée, entre l'exercice de la liberté d'entreprendre et
les exigences du onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre
1946 relatives à « la protection de la santé »
- SUR LES GRIEFS TIRÉS DE L'ATTEINTE À LA LIBRE ADMINISTRATION DES COLLECTIVITÉS
TERRITORIALES :
17. Considérant que les sociétés requérantes font grief aux dispositions
contestées, par le caractère exogène de l'assiette du droit de consommation sur
les tabacs qu'elles définissent et par les conséquences de cette taxation sur le
produit de l'octroi de mer, de porter atteinte à la libre administration des
collectivités territoriales ; qu'elles contestent également à ce titre les
dispositions prévoyant que la livraison de tabacs manufacturés entre la
Martinique et la Guadeloupe donne lieu à un versement au profit du département
de destination prélevé sur le produit perçu dans le département d'importation ;
18. Considérant que l'assiette du droit de consommation sur les tabacs est
définie par le conseil général par la fixation d'un pourcentage, supérieur à 66
% et au plus égal à 110 % du prix de vente au détail en France continentale ;
que le pourcentage ainsi fixé s'applique aux tabacs importés ou fabriqués par
des entreprises locales ; que cette définition de l'assiette de ce droit ne
porte aucune atteinte à la libre administration des communes, départements et
régions d'outre-mer ;
19. Considérant que, dans les deux versions contestées, l'article 268 du code
des douanes ne comprend aucune disposition relative au versement du produit du
droit de consommation sur les tabacs manufacturés lors de livraisons entre la
Martinique et la Guadeloupe ; que le grief invoqué manque en fait ;
20. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre
droit ou liberté que la Constitution garantit ; qu'elles doivent être déclarées
conformes à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- L'article 268 du code des douanes, dans ses rédactions successives
résultant de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009, et
de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010,
est conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23 11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 24 janvier 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme
Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 12 décembre 2012
par la Cour de cassation, première chambre civile, dans les conditions prévues à
l'article 61-1 de la Constitution de quatre questions prioritaires de
constitutionnalité (QPC) posées respectivement par la société Motorola Mobility
France SAS (arrêt n° 1595 du 12 décembre 2012), par la société Nokia France SA
(arrêt n° 1597 du même jour), par la société Sony mobile communication AB (arrêt
n° 1596 du même jour) et par la société Acer Computer France SAS (arrêt n° 1598
du même jour), relatives à la conformité aux droits et libertés que la
Constitution garantit des dispositions du paragraphe II de l'article 6 de la loi
n° 2011-1898 du 20 décembre 2011 relative à la rémunération pour copie privée.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi n° 2011-1898 du 20 décembre 2011 relative à la rémunération pour copie
privée ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la Société pour la perception de la
rémunération de la copie privée audiovisuelle et sonore, dite Copie France, par
la SCP Bernard Hémery et Carole Thomas-Raquin, avocat au Conseil d'État et à la
Cour de cassation, enregistrées au secrétariat général du Conseil
constitutionnel le 3 janvier 2013 ;
Vu les observations produites pour les sociétés Motorola Mobility France SAS,
Nokia France SA, Sony mobile communication AB et Acer Computer France SAS, par
Me Sophie Soubelet-Caroit, avocat au barreau de Paris, enregistrées comme
ci-dessus le 4 janvier 2013 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées comme
ci-dessus le 4 janvier 2013 ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2012-287 QPC du 15 janvier 2013 ;
Vu la notification par le greffe du Conseil constitutionnel, le 16 janvier 2013,
de cette décision aux requérants, les informant de ce qu'à la suite de cette
décision, le Conseil constitutionnel envisageait de statuer sans appeler ces
affaires à une audience publique ;
Vu les nouvelles observations présentées pour les sociétés Motorola Mobility
France SAS, Nokia France SA, Sony mobile communication AB et Acer Computer
France SAS, par Me Soubelet-Caroit, enregistrées comme ci-dessus le 28 janvier
2013 ;
Vu les pièces produites et jointes aux dossiers ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'il y a lieu de joindre ces questions prioritaires de
constitutionnalité pour y répondre par une seule décision ;
2. Considérant que, par sa décision du 15 janvier 2013 susvisée, le Conseil
constitutionnel a déclaré les dispositions du paragraphe II de l'article 6 de la
loi n° 2011-1898 du 20 décembre 2011 relative à la rémunération pour copie
privée contraires à la Constitution ; que, par suite, il n'y a pas lieu
d'examiner les questions prioritaires de constitutionnalité portant sur ces
dispositions,
D É C I D E :
Article 1er.- Il n'y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de statuer sur
les questions prioritaires de constitutionnalité renvoyées par la Cour de
cassation et portant sur le paragraphe II de l'article 6 de la loi n° 2011-1898
du 20 décembre 2011 relative à la rémunération pour copie privée.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 7 février 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de
GUILLENCHMIDT et M. Pierre STEINMETZ.
Décision n° 2012-292 QPC du 15 février 2013
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 27 novembre 2012
par la Cour de cassation, dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la
Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme
Suzanne P.-A. Cette question était relative à la conformité aux droits et
libertés que la Constitution garantit de l'article L. 12-6 du code de
l'expropriation pour cause d'utilité publique.
L'article L. 12-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique met
en place le droit de rétrocession. Il permet à l'ancien propriétaire ou à ses
ayants droit de demander la rétrocession de l'immeuble exproprié si celui-ci n'a
pas reçu, dans les cinq ans à compter de la date de l'ordonnance
d'expropriation, une destination conforme à celle prévue dans la déclaration
d'utilité publique ou a cessé de la recevoir. Ce droit peut être exercé pendant
un délai de trente ans à compter de l'ordonnance d'expropriation. Il ne peut
être fait obstacle à une demande de rétrocession formée par l'ancien
propriétaire ou ses ayants droit que par la réquisition d'une nouvelle
déclaration d'utilité publique.
La requérante soutenait que le premier alinéa de cet article L. 12-6 portait
notamment atteinte au droit de propriété. Le Conseil constitutionnel a écarté ce
grief et jugé cette disposition conforme à la Constitution.
Par les dispositions du titre Ier du code de l'expropriation pour cause
d'utilité publique, le législateur a entendu fixer les garanties légales de
nature à satisfaire aux exigences relatives au droit de propriété posées par
l'article 17 de la Déclaration de 1789. Il en va notamment ainsi des
dispositions du chapitre Ier relatives à l'enquête publique et à la déclaration
d'utilité publique. En instaurant le droit de rétrocession, le législateur a
entendu renforcer ces garanties légales assurant le respect de l'exigence
constitutionnelle selon laquelle l'expropriation d'immeubles ou de droits réels
immobiliers ne peut être ordonnée que pour la réalisation d'une opération dont
l'utilité publique a été légalement constatée. Les modalités fixées par le
législateur à l'article L. 12-6 fixent des limites à l'exercice du droit de
rétrocession afin que sa mise en œuvre ne puisse faire obstacle à la
réalisation, soit d'un projet d'utilité publique qui a été retardé, soit d'un
nouveau projet d'utilité publique se substituant à celui en vue duquel
l'expropriation avait été ordonnée.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 27 novembre 2012
par la Cour de cassation (troisième chambre civile, arrêt n° 1557 du 27 novembre
2012), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une
question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Suzanne P.- A, relative
à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du premier
alinéa de l'article L. 12-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité
publique.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la requérante par le cabinet Thalamas-Maylie
(AARPI), avocat au barreau de Toulouse, enregistrées les 19 et 20 décembre 2012
;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 19
décembre 2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me André Thalamas pour la requérante et M. Xavier Pottier, désigné par le
Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 29 janvier 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article
L. 12-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : « Si les
immeubles expropriés en application du présent code n'ont pas reçu dans le délai
de cinq ans la destination prévue ou ont cessé de recevoir cette destination,
les anciens propriétaires ou leurs ayants droit à titre universel peuvent en
demander la rétrocession pendant un délai de trente ans à compter de
l'ordonnance d'expropriation, à moins que ne soit requise une nouvelle
déclaration d'utilité publique » ;
2. Considérant que, selon la requérante, en permettant que la seule réquisition
d'une nouvelle déclaration d'utilité publique fasse obstacle au droit de
rétrocession, les dispositions contestées portent atteinte au droit de propriété
; qu'en abandonnant à l'autorité administrative la détermination de règles
relatives à la protection du droit de propriété, le législateur aurait en outre
méconnu l'étendue de sa compétence ;
3. Considérant, en premier lieu, que la propriété figure au nombre des droits de
l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'aux termes de son article 17 : « La propriété
étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est
lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous
la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'afin de se conformer à
ces exigences constitutionnelles, la loi ne peut autoriser l'expropriation
d'immeubles ou de droits réels immobiliers que pour la réalisation d'une
opération dont l'utilité publique est légalement constatée ;
4. Considérant que les dispositions contestées permettent à l'ancien
propriétaire ou à ses ayants droit de demander la rétrocession de leur immeuble
exproprié si celui-ci n'a pas reçu, dans les cinq ans à compter de la date de
l'ordonnance d'expropriation, une destination conforme à celle prévue dans la
déclaration d'utilité publique ou a cessé de la recevoir ; que ce droit peut
être exercé pendant un délai de trente ans à compter de l'ordonnance
d'expropriation ; qu'il ne peut être fait obstacle à une demande de rétrocession
formée par l'ancien propriétaire ou ses ayants droit que par la réquisition
d'une nouvelle déclaration d'utilité publique ;
5. Considérant que, par les dispositions du titre Ier du code de l'expropriation
pour cause d'utilité publique, le législateur a entendu fixer les garanties
légales de nature à satisfaire aux exigences de l'article 17 de la Déclaration
de 1789 ; qu'il en va notamment ainsi des dispositions du chapitre Ier relatives
à l'enquête publique et à la déclaration d'utilité publique ; que cette
déclaration peut faire l'objet d'un recours devant la juridiction administrative
compétente ; qu'en instaurant le droit de rétrocession, le législateur a entendu
renforcer ces garanties légales assurant le respect de l'exigence
constitutionnelle selon laquelle l'expropriation d'immeubles ou de droits réels
immobiliers ne peut-être ordonnée que pour la réalisation d'une opération dont
l'utilité publique a été légalement constatée ;
6. Considérant qu'en prévoyant que la réquisition d'une nouvelle déclaration
d'utilité publique permet à elle-seule de faire obstacle à une demande de
rétrocession formée par l'ancien propriétaire ou ses ayants droit, le
législateur a entendu fixer des limites à l'exercice du droit de rétrocession
afin que sa mise en oeuvre ne puisse faire obstacle à la réalisation soit d'un
projet d'utilité publique qui a été retardé soit d'un nouveau projet d'utilité
publique se substituant à celui en vue duquel l'expropriation avait été ordonnée
; qu'il n'a ainsi pas méconnu les exigences constitutionnelles résultant de
l'article 17 de la Déclaration de 1789 ;
7. Considérant, en second lieu, qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution,
la loi détermine les principes fondamentaux « du régime de la propriété, des
droits réels et des obligations civiles et commerciales » ; qu'en adoptant les
dispositions contestées, le législateur n'a pas confié à l'autorité
administrative le pouvoir de fixer des règles qui mettent en cause ces principes
fondamentaux ; que, par suite, il n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence ;
8. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre
droit ou liberté que la Constitution garantit ; qu'elles doivent être déclarées
conformes à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- Le premier alinéa de l'article L. 12-6 du code de l'expropriation
pour cause d'utilité publique est conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 14 février 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE,
Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 19 décembre 2012 par le Conseil d'État (décision n°s 360724 et 360725 du 19 décembre 2012), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par l'association pour la promotion et l'expansion de la laïcité, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article VII des articles organiques des cultes protestants de la loi du 18 germinal an X relative à l'organisation des cultes.
Aux termes des dispositions contestées, il est pourvu, dans
les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, au traitement des
pasteurs des églises consistoriales. Ces dispositions ont été maintenues en
vigueur par la loi du 1er juin 1924 puis par l'ordonnance du 15 septembre 1944.
La loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des églises et de l'État n'a
pas été rendue applicable dans ces trois départements.
Les requérants soutenaient que les dispositions contestées méconnaissaient le
principe constitutionnel de laïcité.
Le Conseil constitutionnel a rappelé qu'aux termes des trois premières phrases
du premier alinéa de l'article 1er de la Constitution : « La France est une
République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité
devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de
religion. Elle respecte toutes les croyances ». Le principe de laïcité figure au
nombre des droits et libertés que la Constitution garantit. Il en résulte la
neutralité de l'État. Il en résulte également que la République ne reconnaît
aucun culte. Le principe de laïcité impose notamment le respect de toutes les
croyances, l'égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction de
religion et que la République garantisse le libre exercice des cultes. Il
implique que celle-ci ne salarie aucun culte.
Toutefois, le Conseil constitutionnel a relevé qu'il ressort tant des travaux
préparatoires du projet de Constitution du 27 octobre 1946 relatifs à son
article 1er ainsi que de ceux du projet de la Constitution du 4 octobre 1958 qui
a repris la même disposition, qu'en proclamant que la France est une «
République. . . Laïque », la Constitution n'a pas pour autant entendu remettre
en cause les dispositions législatives ou règlementaires particulières
applicables dans plusieurs parties du territoire de la République lors de
l'entrée en vigueur de la Constitution et relatives à l'organisation de certains
cultes et, notamment, à la rémunération de ministres du culte.
Le Conseil constitutionnel en a déduit que le grief tiré de ce que l'article VII
des articles organiques des cultes protestants de la loi du 18 germinal an X
relative à l'organisation des cultes serait contraire au principe de laïcité
doit être écarté. Il a jugé les dispositions contestées conformes à la
Constitution.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi du 18 germinal an X relative à l'organisation des cultes ;
Vu la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État ;
Vu la loi du 17 octobre 1919 relative au régime transitoire de l'Alsace et de la
Lorraine ;
Vu la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française
dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ;
Vu l'ordonnance du 15 septembre 1944 relative au rétablissement de la légalité
républicaine dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour l'association requérante par son président,
enregistrées le 11 janvier 2013 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées les 11 et 28
janvier 2013 ;
Vu les observations en intervention produites pour l'association République sans
Concordat par Me Jérémy Afane-Jacquart, avocat au barreau de Paris, enregistrées
les 10 et 28 janvier 2013 ;
Vu les observations en interventions produites pour l'Institut du droit local
alsacien-mosellan, par son président, enregistrées les 8 et 25 janvier 2013 ;
Vu les observations en interventions produites par la SCP Roth-Pignon, Leparoux
et associés, avocat au barreau de Strasbourg, pour M. Jean-François COLLANGE,
président de l'Union des Églises protestantes d'Alsace et de Lorraine, président
du directoire de l'Église protestante de la confession d'Augsbourg d'Alsace et
de Lorraine (EPCAAL), M. Christian KRIEGER, vice-président de président de
l'Union des Églises protestantes d'Alsace et de Lorraine et président du Conseil
synodal de l'Église protestante réformée d'Alsace et de Lorraine (EPRAL), M.
Enno STROBEL, président du Consistoire de l'EPRAL de Bischwiller, M. Frédéric
WENNAGEL, président du Consistoire de l'EPRAL de Mulhouse, Armand SCHLUCHTER,
président du Consistoire de l'EPRAL de Metz, M. Olivier KAUFFMANN, président du
Consistoire de l'EPRAL de Strasbourg, M. Philippe GUNTHER, président du
Consistoire de l'EPCAAL de Cronenbourg, M. Claude MOURLAM, président du
Consistoire de l'EPCAAL de l'Elsau, M. Jehan-Claude HUTCHEN, président du
Consistoire de l'EPCAAL de Neurdof, Mme Yrsa THORDARDOTTIR, présidente du
Consistoire de l'EPCAAL de la Robertsau, M. Christophe KOCHER, président du
Consistoire de l'EPCAAL du Temple-Neuf, Mme Claire-Lise OLTZ-MEYER, président du
Consistoire de l'EPCAAL de Bischheim, M. Manfred REEB, président du Consistoire
de l'EPCAAL de Bischwiller, Mme Marlène HALLER, présidente du Consistoire de l'EPCAAL
de Schiltigheim, M. Jean-Jacques LEDERMANN, président du Consistoire de l'EPCAAL
de Vendenheim, Mme Sybille STOHRER, présidente du Consistoire de l'EPCAAL de
Dorlisheim, M. Philippe ICHTER, président du Consistoire de l'EPCAAL de Barr, M.
Guy MOSER, président du Consistoire de l'EPCAAL de Gerstheim, M. Jean-Marc
HEINTZ, président du Consistoire de l'EPCAAL de Graffenstaden, M. Marc LEHNING,
président du Consistoire de l'EPCAAL d'Ittenheim, M. Jean WENDLING, président du
Consistoire de l'EPCAAL de Wasselonne, M. Alain AMBIEHL, président du
Consistoire de l'EPCAAL de Bouxwiller, M. Michel HEINRICH, président du
Consistoire de l'EPCAAL de Dettwiller, M. Jean-Luc HAUSS, président du
Consistoire de l'EPCAAL d'Ingwiller, Mme Eliane SCHMITT, présidente du
Consistoire de l'EPCAAL de Pfaffenhoffen, M. Louis HELMLINGER, président du
Consistoire de l'EPCAAL de Schwindratzheim, M. Gaston MUHLMANN, président du
Consistoire de l'EPCAAL de La Petite-Pierre, M. Thierry GEYER, président du
Consistoire de l'EPCAAL de Diemeringen, Mme Danièle HAUSS-BERTHELIN, présidente
du Consistoire de l'EPCAAL de Drulingen, M. Christophe STROHM, président du
Consistoire de l'EPCAAL de Fénétrange, M. Conrad MOHR, président du Consistoire
de l'EPCAAL de Sarreguemines, M. Jean-Jacques BALTZER, président du Consistoire
de l'EPCAAL de Sarre-Union, M. Georges MERCKLING, président du Consistoire de l'EPCAAL
de Soultz-Wissembourg, M. Bernard NIESS, président du Consistoire de l'EPCAAL de
Hatten, M. Denis KLEIN, président du Consistoire de l'EPCAAL d'Oberbronn, M.
Georges REMPP, président du Consistoire de l'EPCAAL de Woerth, M. Bernard STOEHR,
président du Consistoire de l'EPCAAL de Colmar, M. Philippe CLAIR, président du
Consistoire de l'EPCAAL d'Andolsheim, Mme Catherine FRITSCH, présidente du
Consistoire de l'EPCAAL de Mulhouse, Mme Alexandra BREUKINK, présidente du
Consistoire de l'EPCAAL de Munster, M. Fabien TROGOLO, président du Consistoire
de l'EPCAAL de Riquewihr, et Mme Marianne PRIGENT, présidente du Consistoire de
l'EPCAAL de Sélestat, enregistrées les 8 et 25 janvier 2013 ;
Vu les observations en interventions produites par la société Magellan, avocat
au barreau de Strasbourg, pour M. Jean-Pierre GRALLET, archevêque de Strasbourg,
M. Pierre RAFFIN, évêque de Metz, le consistoire Israélite du Bas-Rhin, le
consistoire Israélite du Haut-Rhin, le consistoire Israélite de la Moselle, M.
René GUTMAN, grand rabbin du Bas-Rhin, M. Jacob FHIMA, grand rabbin du
Haut-Rhin, M. Bruno FISZON, grand rabbin de la Moselle, enregistrées le 9
janvier 2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Jean-François Amédro, de la SCP Celice-Blancpain-Soltner, avocat au Conseil
d'Etat et à la Cour de cassation, et Me Benjamin Dewhurst, avocat au Barreau de
Paris, pour l'association requérante, Me Pierre-Étienne Rosenstiehl, Me Antoine
Marcantoni et Me Afane-Jacquart, pour les parties intervenantes, et M.
Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à
l'audience publique du 12 février 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article VII des articles
organiques des cultes protestants de la loi du 18 germinal an X relative à
l'organisation des cultes : « Il sera pourvu au traitement des pasteurs des
églises consistoriales ; bien entendu qu'on imputera sur ce traitement les biens
que ces églises possèdent, et le produit des oblations établies par l'usage ou
par des règlements » ;
2. Considérant que, selon l'association requérante, en prévoyant qu'il sera
pourvu au traitement des pasteurs des églises consistoriales, ces dispositions
méconnaissent le principe constitutionnel de laïcité ; qu'elle fait valoir que
la règle de non-subventionnement des cultes et le principe de non-reconnaissance
des cultes, qui résultent du principe de laïcité, font interdiction aux pouvoirs
publics de financer l'exercice du culte et d'accorder un statut ou un soutien
public à des cultes déterminés ;
3. Considérant que la loi du 18 germinal an X relative à l'organisation des
cultes a promulgué et rendu exécutoires comme lois de la République, d'une part,
« La convention passée à Paris le 26 messidor an IX, entre le Pape et le
Gouvernement français, et dont les ratifications ont été échangées à Paris le 23
fructidor an IX » et, d'autre part, les articles organiques de ladite convention
et les articles organiques des cultes protestants ; qu'aux termes de l'article 3
de la loi du 17 octobre 1919 relative au régime transitoire de l'Alsace et de la
Lorraine, adoptée à la suite du rétablissement de la souveraineté de la France
sur ces territoires : « Les territoires d'Alsace et de Lorraine continuent,
jusqu'à ce qu'il ait été procédé à l'introduction des lois françaises, à être
régis par les dispositions législatives et réglementaires qui y sont
actuellement en vigueur » ; que le 13° de l'article 7 de la loi du 1er juin 1924
mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du
Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle a expressément maintenu en vigueur dans
ces départements à titre provisoire l'ensemble de la législation locale sur les
cultes et les congrégations religieuses ; qu'enfin, selon l'article 3 de
l'ordonnance du 15 septembre 1944 relative au rétablissement de la légalité
républicaine dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle :
« La législation en vigueur. . . à la date du 16 juin 1940 est restée seule
applicable et est provisoirement maintenue en vigueur » ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que n'ont pas été rendues
applicables aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle les
dispositions de la loi du 9 décembre 1905 susvisée et, notamment, celles de la
première phrase de son article 2 qui dispose : « La République ne reconnaît, ne
salarie ni ne subventionne aucun culte », ainsi que celles de son article 44 en
vertu desquelles : « Sont et demeurent abrogées toutes les dispositions
relatives à l'organisation publique des cultes antérieurement reconnus par
l'État, ainsi que toutes dispositions contraires à la présente loi et notamment
la loi du 18 germinal an X » ; qu'ainsi, dans ces départements, les dispositions
contestées, relatives au traitement des pasteurs des églises consistoriales,
sont demeurées en vigueur ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 10 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions,
même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public
établi par la loi » ; qu'aux termes des trois premières phrases du premier
alinéa de l'article 1er de la Constitution : « La France est une République
indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la
loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion.
Elle respecte toutes les croyances » ; que le principe de laïcité figure au
nombre des droits et libertés que la Constitution garantit ; qu'il en résulte la
neutralité de l'État ; qu'il en résulte également que la République ne reconnaît
aucun culte ; que le principe de laïcité impose notamment le respect de toutes
les croyances, l'égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction de
religion et que la République garantisse le libre exercice des cultes; qu'il
implique que celle-ci ne salarie aucun culte ;
6. Considérant, toutefois, qu'il ressort tant des travaux préparatoires du
projet de la Constitution du 27 octobre 1946 relatifs à son article 1er que de
ceux du projet de la Constitution du 4 octobre 1958 qui a repris la même
disposition, qu'en proclamant que la France est une « République. . . laïque »,
la Constitution n'a pas pour autant entendu remettre en cause les dispositions
législatives ou règlementaires particulières applicables dans plusieurs parties
du territoire de la République lors de l'entrée en vigueur de la Constitution et
relatives à l'organisation de certains cultes et, notamment, à la rémunération
de ministres du culte ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le grief tiré de ce que
l'article VII des articles organiques des cultes protestants de la loi du 18
germinal an X relative à l'organisation des cultes serait contraire au principe
de laïcité doit être écarté ;
8. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre
droit ou liberté que la Constitution garantit ; que, par suite, elles doivent
être déclarées conformes à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- L'article VII des articles organiques des cultes protestants de la
loi du 18 germinal an X relative à l'organisation des cultes est conforme à la
Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 février 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
2 DECISIONS DU 28 MARS 2013
Décision n° 2012-298 QPC du 28 mars 2013
Taxe additionnelle à la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises - Modalités de recouvrement
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 28 décembre 2012
par le Conseil d'État, dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la
Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la SARL
Majestic Champagne. Cette question était relative à la conformité aux droits et
libertés que la Constitution garantit de l'article 1600 du code général des
impôts dans sa rédaction antérieure à celle qui résulte de la loi n° 2012-958 de
finances rectificative pour 2012 du 16 août 2012.
L'article 1600 du CGI institue notamment une taxe additionnelle à la cotisation
sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Les huit premiers alinéas du
paragraphe III de cet article fixent les caractéristiques de cette taxe.
Cependant ils n'en prévoient pas les modalités de recouvrement. Le Conseil
constitutionnel a jugé qu'en omettant de définir les modalités de recouvrement
de la taxe additionnelle à la CVAE, le législateur a méconnu l'étendue de la
compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution. Par suite, le Conseil
a jugé contraires à la Constitution les huit premiers alinéas du paragraphe III
de l'article 1600 du CGI. Cette déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à
compter de la date de la publication de la décision du Conseil et peut être
invoquée à l'encontre des impositions contestées avant le 11 juillet 2012, date
à laquelle le législateur a défini les modalités de recouvrement de la taxe
additionnelle à la CVAE.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code général des impôts ;
Vu la loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services ;
Vu la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 ;
Vu la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010 ;
Vu la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la SARL Majestic Champagne par la SCP
Laugier-Caston, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 16 janvier et 5 février 2013 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 21 janvier 2013 ;
Vu les observations en intervention produites pour l'association « Confédération
française du commerce et de gros interentreprises et du commerce international »
par le cabinet CMS Bureau Francis Lefebvre, avocat au barreau des
Hauts-de-Seine, enregistrées le 15 janvier 2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Anne Echard, avocat au barreau de La Rochelle, pour la société requérante, Me
Stéphane Austry, avocat au barreau des Hauts-de-Seine, pour la partie
intervenante, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été
entendus à l'audience publique du 19 mars 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
- SUR L'INTERVENTION :
1. Considérant qu'en vertu de l'article 6 de la décision du 4 février 2010
modifiée par les décisions des 24 juin 2010 et 21 juin 2011 portant règlement
intérieur sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les
questions prioritaires de constitutionnalité, seules les personnes justifiant
d'un « intérêt spécial » sont admises à présenter une intervention ; que
l'association « Confédération française du commerce et de gros interentreprises
et du commerce international » ne justifie pas d'un intérêt spécial à intervenir
dans la procédure de la présente question prioritaire de constitutionnalité ;
que, par suite, son intervention n'est pas admise ;
- SUR L'ARTICLE 1600 DU CODE GÉNÉRAL DES IMPÔTS :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 1600 du code général des impôts, dans
sa rédaction résultant des loi de finances pour 2011 et loi de finances
rectificative pour 2010 du 29 décembre 2010 susvisées : « I.-Il est pourvu à une
partie des dépenses des chambres de commerce et d'industrie de région ainsi
qu'aux contributions allouées par ces dernières, selon des modalités fixées par
décret en Conseil d'État, aux chambres de commerce et d'industrie territoriales
et à l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie au moyen
d'une taxe pour frais de chambres constituée de deux contributions : une taxe
additionnelle à la cotisation foncière des entreprises et une taxe additionnelle
à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. La taxe pour frais de
chambres est employée, dans le respect des règles de concurrence nationales et
communautaires, pour remplir les missions prévues à l'article L. 710-1 du code
de commerce, à l'exclusion des activités marchandes.
« Sont exonérés de cette taxe :
« 1° Les redevables qui exercent exclusivement une activité non commerciale au
sens du 1 de l'article 92 ;
« 2° Les loueurs de chambres ou appartements meublés ;
« 3° Les chefs d'institution et maîtres de pension ;
« 4° Les sociétés d'assurance mutuelles ;
« 5° Les artisans établis dans la circonscription d'une chambre de métiers et de
l'artisanat, régulièrement inscrits au répertoire des métiers et qui ne sont pas
portés sur la liste électorale de la chambre de commerce et d'industrie de leur
circonscription ;
« 6° Les caisses de crédit agricole mutuel ;
« 7° Les caisses de crédit mutuel adhérentes à la Confédération nationale du
crédit mutuel ;
« 8° L'organe central du crédit agricole ;
« 9° Les caisses d'épargne et de prévoyance ;
« 10° Les sociétés coopératives agricoles, unions de coopératives agricoles et
les sociétés d'intérêt collectif agricole ;
« 11° Les artisans pêcheurs et les sociétés de pêche artisanale visés aux 1° et
1°bis de l'article 1455 ;
« 12° Les personnes physiques ayant une activité commerciale dispensées
d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés en application de
l'article L. 123-1-1 du code de commerce.
« II. - A. - La taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises
mentionnée au I est due par les redevables de cette cotisation
proportionnellement à leur base d'imposition.
« Cette base d'imposition est réduite de moitié pour les artisans régulièrement
inscrits au répertoire des métiers et qui restent portés sur la liste électorale
de la chambre de commerce et d'industrie territoriale de leur circonscription.
Pour les impositions établies au titre de 2011 et 2012, sont calculés deux taux :
« 1° Un taux régional de taxe additionnelle à la cotisation foncière des
entreprises applicable dans la circonscription de chaque chambre de commerce et
d'industrie de région égal au quotient, exprimé en pourcentage :
« - d'une fraction égale à 40 % de la somme des produits de la taxe
additionnelle à la taxe professionnelle mentionnée au présent article, dans sa
rédaction en vigueur au 1er janvier 2009, perçus en 2009 par les chambres de
commerce et d'industrie rattachées à la chambre de commerce et d'industrie de
région multipliés par le pourcentage mentionné aux troisième à sixième alinéas
du III de l'article 3 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances
pour 2010 applicable à chacune des chambres de commerce et d'industrie ;
« - par le montant total des bases de cotisation foncière des entreprises
imposées en 2010 des établissements des entreprises redevables de la taxe
additionnelle à la cotisation foncière des entreprises situés dans la
circonscription de chaque chambre de commerce et d'industrie de région ;
« 2° Un taux local de taxe additionnelle à la cotisation foncière des
entreprises applicable dans la circonscription de chaque chambre de commerce et
d'industrie territoriale égal au quotient, exprimé en pourcentage :
« - d'une fraction égale à 40 % du produit de la taxe additionnelle à la taxe
professionnelle mentionnée au présent article, dans sa rédaction en vigueur au
1er janvier 2009, perçu en 2009 par chaque chambre de commerce et d'industrie
multiplié par le pourcentage mentionné aux troisième à sixième alinéas du III de
l'article 3 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 précitée applicable à
chacune des chambres de commerce et d'industrie ;
« - par le montant total des bases de cotisation foncière des entreprises
imposées en 2010 des établissements des entreprises redevables de la taxe
additionnelle à la cotisation foncière des entreprises situés dans la
circonscription de chaque chambre de commerce et d'industrie territoriale.
« En 2011, le taux applicable à chaque établissement est égal à la somme de deux
tiers du taux local de la chambre de commerce et d'industrie territoriale dans
le ressort de laquelle il se trouve et d'un tiers du taux régional de la chambre
de commerce et d'industrie de région dans le ressort de laquelle il se trouve.
« En 2012, le taux applicable à chaque établissement est égal à la somme d'un
tiers du taux local de la chambre de commerce et d'industrie territoriale dans
le ressort de laquelle il se trouve et de deux tiers du taux régional de la
chambre de commerce et d'industrie de région dans le ressort de laquelle il se trouve.
« À compter des impositions établies au titre de 2013, le taux applicable à
chaque établissement est le taux régional de la chambre de commerce et
d'industrie de région dans le ressort de laquelle il se trouve. Les chambres de
commerce et d'industrie de région votent chaque année ce taux qui ne peut
excéder celui de l'année précédente. À compter de 2013, une convention
d'objectifs et de moyens est conclue, dans des conditions fixées par décret en
Conseil d'État, entre chaque chambre de commerce et d'industrie de région et l'État.
« B. - Chaque chambre de commerce et d'industrie de région perçoit le produit de
la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises due au titre des
établissements situés dans sa circonscription.
« III. - A. - La taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des
entreprises mentionnée au I est égale à une fraction de la cotisation visée à
l'article 1586 ter due par les entreprises redevables après application de l'article 1586 quater.
« Le taux national de cette taxe est égal au quotient, exprimé en pourcentage :
« - d'une fraction égale à 60 % de la somme des produits de la taxe
additionnelle à la taxe professionnelle mentionnée au présent article, dans sa
rédaction en vigueur au 1er janvier 2009, perçus en 2009 par les chambres de
commerce et d'industrie multiplié par le pourcentage mentionné aux troisième à
sixième alinéas du III de l'article 3 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009
précitée applicable à chacune des chambres de commerce et d'industrie ;
« - par le produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises perçu,
après application de l'article 1586 quater, en 2010.
« Ce taux est réduit :
« - de 4 % pour les impositions établies au titre de 2011 ;
« - de 8 % pour les impositions établies au titre de 2012 ;
« - de 15 % pour les impositions établies à compter de 2013.
« B. - Le produit de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée
des entreprises est affecté au fonds de financement des chambres de commerce et
d'industrie de région.
« Pour chaque chambre de commerce et d'industrie de région, est calculée la
différence entre :
« - la somme des produits de la taxe additionnelle à la cotisation foncière des
entreprises mentionnée au présent article, dans sa rédaction en vigueur au 1er
janvier 2010, perçus en 2010 par les chambres de commerce et d'industrie
territoriales rattachées à la chambre de commerce et d'industrie de région,
minorée de 4 % pour le calcul de cette différence applicable aux versements
opérés en 2011, de 8 % pour le calcul de cette différence applicable aux
versements opérés en 2012 et de 15 % pour le calcul de cette différence
applicable aux versements opérés à compter de 2013 ;
« - une fraction égale à 40 % de la somme des produits de la taxe additionnelle
à la cotisation foncière des entreprises mentionnée au présent article, dans sa
rédaction en vigueur au 1er janvier 2010, perçus en 2010 par les chambres de
commerce et d'industrie territoriales rattachées à la chambre de commerce et
d'industrie de région, minorée du prélèvement mentionné au 5. 3. 5 de l'article
2 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010.
« Si le produit de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée
des entreprises affecté, au titre d'une année d'imposition, au fonds de
financement des chambres de commerce et d'industrie de région est supérieur ou
égal à la somme des différences calculées en application des trois alinéas
précédents, le fonds de financement des chambres de commerce et d'industrie de
région verse, à chaque chambre de commerce et d'industrie de région, un montant
égal à sa différence puis verse aux chambres de commerce et d'industrie de
région le solde du produit qui lui est affecté proportionnellement à la valeur
ajoutée imposée dans les communes de leur circonscription et retenue pour la
détermination de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises en
application du 1 du II de l'article 1586 ter.
« Si le produit de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée
des entreprises affecté, au titre d'une année d'imposition, au fonds de
financement des chambres de commerce et d'industrie de région est inférieur à la
somme des différences calculées en application des deuxième à quatrième alinéas
du présent B, le fonds de financement des chambres de commerce et d'industrie de
région verse, à chaque chambre de commerce et d'industrie de région, un montant
égal au produit de sa différence par un coefficient unique d'équilibrage calculé
de sorte que la somme des versements soit égale au produit de la taxe
additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises affecté, au titre de l'année, au fonds.
« IV. - Pour l'application des II et III, les produits de la taxe additionnelle
à la cotisation foncière des entreprises perçus en 2010 s'entendent de
l'ensemble des sommes mises en recouvrement en 2010 au titre de la taxe
additionnelle à la cotisation foncière des entreprises au titre de 2010 » ;
3. Considérant que, selon la société requérante, en ne précisant pas les
modalités de recouvrement de la taxe additionnelle à la contribution sur la
valeur ajoutée des entreprises, ces dispositions portent atteinte à l'article 34
de la Constitution ainsi qu'au droit de propriété proclamé aux articles 2 et 17
de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'elles
seraient, par suite, entachées d'incompétence négative ; qu'elles
méconnaîtraient également les objectifs constitutionnels d'intelligibilité et
d'accessibilité de la loi qui découlent des articles 4, 5, 6 et 16 de la
Déclaration de 1789 ;
4. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les
huit premiers alinéas du paragraphe III de l'article 1600 du code général des
impôts dans leur rédaction résultant de la loi de finances pour 2011 susvisée ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution : « La loi fixe
les règles concernant... l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement
des impositions de toutes natures... » ; qu'il s'ensuit que, lorsqu'il définit
une imposition, le législateur doit déterminer ses modalités de recouvrement,
lesquelles comprennent les règles régissant le contrôle, le recouvrement, le
contentieux, les garanties et les sanctions applicables à cette imposition ; que
la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être
invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le
cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la
Constitution garantit ;
6. Considérant que l'absence de détermination des modalités de recouvrement
d'une imposition affecte le droit à un recours effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration de 1789 ;
7. Considérant que les dispositions contestées ne prévoient pas les modalités de
recouvrement de la taxe additionnelle à la contribution sur la valeur ajoutée
des entreprises ; qu'en omettant de définir les modalités de recouvrement de la
taxe additionnelle à la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises, le
législateur a méconnu l'étendue de la compétence qu'il tient de l'article 34 de
la Constitution ; que, par suite, les dispositions des huit premiers alinéas du
paragraphe III de l'article 1600 du code général des impôts dans leur rédaction
résultant de la loi de finances pour 2011 susvisée doivent être déclarées contraires à la Constitution ;
8. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la
Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement
de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du
Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le
Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les
effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ;
que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à
l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition
déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances
en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel,
les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le
pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses
effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a
produits avant l'intervention de cette déclaration ;
9. Considérant qu'en l'espèce, le paragraphe I de l'article 39 de la loi de
finances rectificative pour 2012 du 16 août 2012 susvisée a introduit après les
huit premiers alinéas du paragraphe III de l'article 1600 du code général des
impôts un nouvel alinéa aux termes duquel : « La taxe additionnelle à la
cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est recouvrée et contrôlée
selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et
privilèges que la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Les
réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables
à cette dernière » ; que le législateur a ainsi défini les modalités de
recouvrement de l'imposition ; que le paragraphe II du même article 39 a prévu
que le nouvel alinéa relatif aux modalités de recouvrement de la taxe
additionnelle à la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises précité
était applicable « aux impositions dues à compter du 1er janvier 2011, sous
réserve des impositions contestées avant le 11 juillet 2012 » ; que, par suite,
la déclaration d'inconstitutionnalité des huit premiers alinéas du paragraphe
III de l'article 1600 du code général des impôts, qui prend effet à compter de
la date de la publication de la présente décision, ne peut être invoquée qu'à
l'encontre des impositions contestées avant le 11 juillet 2012,
D É C I D E :
Article 1er.- L'intervention de l'association « Confédération française du
commerce et de gros interentreprises et du commerce international » n'est pas admise.
Article 2.- Les huit premiers alinéas du paragraphe III de l'article 1600 du
code général des impôts, dans leur rédaction résultant de la loi n° 2010-1657 du
29 décembre 2010 de finances pour 2011, sont contraires à la Constitution.
Article 3.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à
compter de la publication de la présente décision dans les conditions prévues au
considérant 9.
Article 4.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 mars 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY
MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
Décision n° 2013-299 QPC du 28 mars 2013
Procédure de licenciement pour motif économique et entreprises en redressement ou en liquidation judiciaires
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 9 janvier 2013 par
la Cour de cassation, dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la
Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme
Maïtena V. Cette question était relative à la conformité aux droits et libertés
que la Constitution garantit du troisième alinéa de l'article L. 1235-10 du code du travail.
L'article L. 1235-10 du code du travail prévoit que dans les entreprises d'au
moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciements pour motif
économique concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours,
la procédure de licenciement est nulle tant que le plan de reclassement des
salariés n'est pas présenté par l'employeur aux représentants du personnel.
Toutefois le troisième alinéa du même article écarte l'application de cette
disposition pour les entreprises en redressement ou liquidation judiciaires.
La requérante soutenait que cette exception était inconstitutionnelle car elle
créait une discrimination entre salariés et portait atteinte au principe
d'égalité devant la loi. Le Conseil constitutionnel a écarté ce grief et jugé le
troisième alinéa de l'article L. 1235-10 du code du travail conforme à la Constitution.
Le troisième alinéa de l'article L. 1235-10 limite les droits des salariés des
entreprises en redressement ou en liquidation judiciaires lorsque la procédure
de licenciement est nulle du fait de l'absence de présentation aux représentants
du personnel du plan de reclassement des salariés. Le Conseil constitutionnel a
relevé que, par cette disposition, le législateur a entendu tenir compte de la
situation économique particulière des entreprises en cessation des paiements. La
loi a confié au tribunal de commerce le soin de constater cette situation, de
prononcer l'ouverture des procédures de redressement et de liquidation
judiciaires et d'autoriser les licenciements dans le cadre de celles-ci. Le
Conseil constitutionnel a jugé que le critère des entreprises en redressement ou
en liquidation judiciaires sur lequel s'est fondé le législateur est objectif et
rationnel et en lien direct avec l'objet des dispositions contestées. Dès lors,
le législateur n'a pas méconnu le principe d'égalité devant la loi.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de commerce ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la SCP Brouard-Daudé, mandataire judiciaire
agissant en qualité de mandataire-liquidateur de la société Stim sécurité, par
la SCP Waquet-Farge-Hazan, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation,
enregistrées les 1er et 18 février 2013 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 1er février 2013 ;
Vu les observations produites pour Mme Maïtena V., par la SCP Peignot-Garreau-Bauer
Violas, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation et la SELARL OBP, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 15 février 2013 ;
Vu les observations produites pour l'UNEDIC Délégation AGS CGEA IDF Ouest par la
SELARL Lafarge associés le 18 février 2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Bongrand pour la requérante, Me Claire Waquet pour la SCP Brouard-Daudé, Me
Arnaud Clerc, avocat au barreau de Paris pour l'UNEDIC Délégation AGS IDF Ouest
et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à
l'audience publique du 19 mars 2013
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que le premier alinéa de l'article L. 1235-10 du code du
travail prévoit que dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque
le projet de licenciements concerne au moins dix salariés dans une même période
de trente jours, la procédure de licenciement est nulle tant que le plan de
reclassement des salariés prévu à l'article L. 1233-61 et s'intégrant au plan de
sauvegarde de l'emploi n'est pas présenté par l'employeur aux représentants du
personnel, qui doivent être réunis, informés et consultés ; qu'aux termes du
troisième alinéa de l'article L. 1235-10 : « Le premier alinéa n'est pas
applicable aux entreprises en redressement ou liquidation judiciaires » ;
2. Considérant que, selon la requérante, en privant certains salariés licenciés
dans le cadre d'une procédure collective, quelle que soit leur ancienneté, du
bénéfice de l'application des conséquences de la nullité de la procédure de
licenciement résultant de l'absence de présentation aux représentants du
personnel du plan de reclassement prévu par l'article L. 1233-61 du code du
travail, les dispositions du troisième alinéa de l'article L. 1235-10 du même
code créent une discrimination entre salariés et portent atteinte au principe
d'égalité devant la loi ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi... doit être la même pour tous, soit
qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose
ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes,
ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que,
dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en
rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
4. Considérant que l'article L. 1235-11 du code du travail prévoit que l'absence
de respect des exigences relatives au plan de reclassement des salariés
mentionnés à l'article L. 1235-10 en cas de procédure de licenciement pour motif
économique a pour conséquences une poursuite du contrat de travail ou une
nullité du licenciement des salariés et une réintégration de ceux-ci à leur
demande, sauf si cette réintégration est devenue impossible ; qu'en vertu des
dispositions du second alinéa de ce même article, lorsque le salarié ne demande
pas la poursuite de son contrat de travail ou lorsque la réintégration est
impossible, le juge lui octroie une indemnité à la charge de l'employeur qui ne
peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois ; qu'en application
des dispositions contestées, les salariés des entreprises placées en
redressement ou en liquidation judiciaires ne peuvent bénéficier de ces
dispositions en cas de nullité de la procédure de licenciement en raison de
l'absence de présentation aux représentants du personnel du plan de reclassement
prévu par l'article L. 1233-61 du code du travail ; qu'en vertu des dispositions
de l'article L. 1235-3 du même code, et sans préjudice le cas échéant de
l'indemnité de licenciement prévue à son article L. 1234-9, ces salariés peuvent
obtenir, à défaut de réintégration dans l'entreprise, une indemnité pour
licenciement survenu pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse ; que cette
indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des
six derniers mois ; qu'en outre, en vertu des dispositions de l'article L.
1235-12 du même code, en cas de non-respect par l'employeur des procédures de
consultation des représentants du personnel ou d'information de l'autorité
administrative, le juge accorde une indemnité au salarié compris dans un
licenciement collectif pour motif économique ; que cette indemnité, à la charge
de l'employeur, est calculée en fonction du préjudice subi ;
5. Considérant qu'en limitant les droits des salariés des entreprises visées à
l'article L. 1235-10 du code du travail en cas de nullité de la procédure de
licenciement du fait de l'absence de présentation aux représentants du personnel
du plan de reclassement des salariés prévu à l'article L. 1233-61 du code du
travail, lorsque ces entreprises sont en redressement ou en liquidation
judiciaires, le législateur a entendu tenir compte de la situation économique
particulière de ces entreprises en cessation des paiements ; qu'il a confié au
tribunal de commerce le soin de constater cette situation, de prononcer
l'ouverture des procédures de redressement et de liquidation judiciaires et
d'autoriser les licenciements dans le cadre de celles-ci ; que le législateur
s'est fondé sur un critère objectif et rationnel en lien direct avec l'objet des
dispositions contestées ; qu'il n'a, dès lors, pas méconnu le principe d'égalité devant la loi ;
6. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre
droit ou liberté que la Constitution garantit ; que, par suite, elles doivent
être déclarées conformes à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- Le troisième alinéa de l'article L. 1235-10 du code du travail est conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 mars 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY
MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de
SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
2 DECISIONS DU 5 AVRIL 2013
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 17 janvier 2013 par
la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par
la chambre de commerce et d'industrie de Brest. Cette question était relative à
la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de «
l'exclusion des chambres de commerce et d'industrie du champ d'application de la
réduction Fillon qui résulte de l'article L. 241-13 II du code de la sécurité
sociale ». Cette disposition était soumise au Conseil constitutionnel dans sa
version issue de la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au
temps de travail et au développement de l'emploi et dans celle issue de la loi
n° 2005-516 du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales.
Le paragraphe II de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale (CSS),
qui fixe le champ d'application de la réduction de cotisations sociales
patronales, dite "réduction Fillon" , exclut du bénéfice de cette réduction les
chambres de commerce et d'industrie. Le Conseil constitutionnel a jugé ces
dispositions conformes à la Constitution.
Le Conseil constitutionnel a relevé que par la réduction des cotisations à la
charge de l'employeur prévue par le paragraphe II de l'article L. 241-13 du CSS,
le législateur a entendu favoriser l'emploi, en allégeant le coût des charges
sociales pesant sur l'employeur. Pour définir les conditions ouvrant droit à
cette réduction, le législateur s'est fondé sur des différences de situation en
lien direct avec l'objet de la loi ; il a pris en compte le régime juridique de
l'employeur, les modalités selon lesquelles l'employeur est assuré contre le
risque de privation d'emploi de ses salariés ainsi que le régime de sécurité
sociale auquel ces salariés sont affiliés. Ainsi, il a fondé son appréciation
sur des critères objectifs et rationnels en lien avec l'objectif poursuivi. Les
chambres de commerce et d'industrie pouvaient être exclues du bénéfice de cette
disposition sans que ne soit ainsi créée une rupture caractérisée de l'égalité
devant les charges publiques.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code du travail ;
Vu l'ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958 portant loi de finances pour 1959
;
Vu la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de
travail et au développement de l'emploi ;
Vu la loi n° 2005-516 du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités
postales ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par la SERARL Mazé-Calvez et
associés, avocat au barreau de Brest, enregistrées le 25 février 2013 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 8 février
2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Marine Kerros, avocate au barreau de Brest, pour la requérante et M. Xavier
Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience
publique du 26 mars 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu
1. Considérant qu'à la suite d'un contrôle portant sur la
période s'étendant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006, la chambre de
commerce et d'industrie de Brest a contesté le redressement décidé par l'URSSAF
du Finistère et, à l'occasion de l'appel formé contre la décision du tribunal
des affaires de sécurité sociale de Brest, posé une question prioritaire de
constitutionnalité relative au paragraphe II de l'article L. 241-13 du code de
la sécurité sociale ; que la loi du 17 janvier 2003 susvisée a réduit à
l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale les cotisations à la charge
de l'employeur au titre des assurances sociales, des accidents du travail et des
maladies professionnelles et des allocations familiales qui sont assises sur les
gains et rémunérations tels que définis à l'article L. 242-1 de ce code ; que le
paragraphe II de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale a ensuite
été modifié par la loi du 20 mai 2005 susvisée ; que la question prioritaire de
constitutionnalité doit être regardée comme portant sur les dispositions
applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée ; qu'ainsi le Conseil
constitutionnel est saisi du paragraphe II de l'article L. 241-13 du code de la
sécurité sociale dans sa version issue de la loi du 17 janvier 2003 susvisée et
dans celle issue de la loi du 20 mai 2005 susvisée ;
2. Considérant qu'aux termes du paragraphe II de l'article L. 241-13 du code de
la sécurité sociale dans sa version issue de la loi du 17 janvier 2003 susvisée
:
« II. - Cette réduction est appliquée aux gains et rémunérations versés aux
salariés au titre desquels l'employeur est soumis à l'obligation édictée par
l'article L. 351-4 du code du travail et aux salariés mentionnés au 3° de
l'article L. 351-12 du même code, à l'exception des gains et rémunérations
versés par l'organisme mentionné à l'article 2 de la loi n° 90-568 du 2 juillet
1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des
télécommunications et par les particuliers employeurs.
« Cette réduction n'est pas applicable aux gains et rémunérations versés par les
employeurs relevant des dispositions du titre Ier du livre VII du présent code,
à l'exception des employeurs des régimes spéciaux de sécurité sociale des
marins, des mines et des clercs et employés de notaires » ;
3. Considérant que la loi du 20 mai 2005 susvisée a donné une nouvelle rédaction
du premier alinéa du paragraphe II de l'article L. 241-13 du code de la sécurité
sociale, aux termes de laquelle : « II. - Cette réduction est appliquée aux
gains et rémunérations versés aux salariés au titre desquels l'employeur est
soumis à l'obligation édictée par l'article L. 351-4 du code du travail et aux
salariés mentionnés au 3° de l'article L. 351-12 du même code, à l'exception des
gains et rémunérations versés par les particuliers employeurs et, jusqu'au 31
décembre 2005, par l'organisme mentionné à l'article 2 de la loi n° 90-568 du 2
juillet 1990 relative à l'organisation du service public de La Poste et à France
Télécom » ;
4. Considérant que, selon la requérante, en excluant les chambres de commerce et
d'industrie du bénéfice de la réduction de cotisations sociales patronales
prévue par le paragraphe I de l'article L. 241-13 du code de la sécurité
sociale, les dispositions du paragraphe II de ce même article ont pour effet de
placer les chambres de commerce et d'industrie, lorsqu'elles concourent à des
marchés identiques, en situation désavantageuse par rapport à des sociétés de
droit privé ; que, par suite, ces dispositions méconnaîtraient le principe
d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
5. Considérant, qu'aux termes de l'article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour
l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une
contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre
tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; qu'en vertu de l'article 34
de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect
des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque
impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés
contributives ; qu'en particulier, pour assurer le respect du principe
d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et
rationnels en fonction des buts qu'il se propose ; que cette appréciation ne
doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les
charges publiques ;
6. Considérant que le paragraphe II de l'article L. 241-13 du code de la
sécurité sociale définit les conditions ouvrant droit au bénéfice de la
réduction des cotisations à la charge de l'employeur au titre des assurances
sociales, des accidents du travail et des maladies professionnelles et des
allocations familiales qui sont assises sur les gains et rémunérations ; que
cette réduction est appliquée aux gains et rémunérations versés aux salariés
titulaires d'un contrat de travail de droit privé pour lesquels l'employeur est
soumis à l'obligation, prévue par l'article L. 351-4 du code du travail,
d'assurer contre le risque de privation d'emploi tout salarié dont l'engagement
résulte de son contrat ; qu'elle est également appliquée aux gains et
rémunérations versés aux salariés mentionnés au 3° de l'article L. 351-12 du
même code au nombre desquels figurent notamment les salariés des entreprises,
sociétés et organismes définis au a du paragraphe I de l'article 164 de
l'ordonnance portant loi de finances pour 1959 susvisée, les salariés relevant
soit des établissements publics à caractère industriel et commercial des
collectivités territoriales, soit des sociétés d'économie mixte dans lesquelles
ces collectivités ont une participation majoritaire ; qu'en revanche, cette
réduction ne s'applique pas aux gains et rémunérations versés par les
particuliers employeurs ainsi que, jusqu'au 31 décembre 2005, à ceux versés par
la Poste ; que cette réduction n'est pas non plus applicable aux gains et
rémunérations versés par les employeurs relevant des régimes spéciaux de
sécurité sociale prévus par les dispositions du titre Ier du livre VII du code
de la sécurité sociale, à l'exception des employeurs des régimes spéciaux de
sécurité sociale des marins, des mines et des clercs et employés de notaire;
7. Considérant qu'en outre, les employeurs des salariés mentionnés au 3° de
l'article L. 351-12 du code du travail ont la faculté, par une option
irrévocable, de se placer sous le régime de l'article L. 351-4 du même code en
assurant contre le risque de privation d'emploi tout salarié dont l'engagement
résulte d'un contrat de travail ; qu'il en est de même pour les employeurs des
salariés mentionnés au 4° de l'article L. 351-12 du même code et, notamment, les
employeurs des salariés non statutaires des services à caractère industriel et
commercial gérés par les chambres de commerce et d'industrie qui se sont, par
une option irrévocable, volontairement « soumis à l'obligation édictée par
l'article L. 351-4 du code du travail » ; que, dans une telle hypothèse, les
employeurs des salariés mentionnés aux 3° et 4° de l'article L. 351-12 du code
du travail bénéficient de la réduction des cotisations patronales prévue par le
paragraphe I de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale ;
8. Considérant que, par la réduction des cotisations à la charge de l'employeur
prévue par le paragraphe I de l'article L. 241-13 du code de la sécurité
sociale, le législateur a entendu favoriser l'emploi en allégeant le coût des
charges sociales pesant sur l'employeur ; que pour définir les conditions
ouvrant droit à cette réduction, le législateur s'est fondé sur des différences
de situation en lien direct avec l'objet de la loi ; qu'il a pris en compte le
régime juridique de l'employeur, les modalités selon lesquelles l'employeur est
assuré contre le risque de privation d'emploi de ses salariés ainsi que le
régime de sécurité sociale auquel ces salariés sont affiliés ; qu'ainsi, il a
fondé son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en lien avec
l'objectif poursuivi ; que les dispositions contestées ne créent pas de rupture
caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la
méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques doit être
rejeté ; que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit
ou liberté garanti par la Constitution ; qu'elles doivent être déclarées
conformes à cette dernière,
D É C I D E :
Article 1er.- Le paragraphe II de l'article L. 241-13 du code de la sécurité
sociale, dans sa version issue de la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 susvisée
et dans celle issue de la loi n° 2005-516 du 20 mai 2005 susvisée, est conforme
à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 4 avril 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY
MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 17 janvier 2013 par
la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par
Mme Annick D. épouse L. Cette question était relative à la conformité aux droits
et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 756-5 du code de la
sécurité sociale (CSS) dans sa rédaction résultant de l'article 3 de la loi n°
2000-1207 du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'outre-mer.
L'article L. 756-5 du CSS institue un régime particulier plus favorable pour le
calcul de diverses cotisations et contributions sociales acquittées par les
travailleurs non salariés non agricoles dans les départements d'outre-mer de la
Guadeloupe, de la Martinique, de la Guyane et de la Réunion. Le Conseil
constitutionnel a jugé que ces dispositions ne sont pas contraires à la
Constitution et notamment au principe d'égalité.
D'une part, cet article exonère des cotisations et contributions sociales pour
deux ans la personne débutant une activité non salariée non agricole dans ces
départements d'outre-mer et il retient comme assiette de ces cotisations et
contributions le revenu professionnel de l'avant-dernière année. Le Conseil
constitutionnel a jugé qu'en adoptant ces dispositions, le législateur a, dans
des conditions conformes à la Constitution, entendu prendre en compte la
situation particulière des travailleurs indépendants dans ces départements
d'outre-mer et inciter au développement d'activités indépendantes dans ces
territoires.
D'autre part, l'article L. 756-5 du CSS fait bénéficier les seuls artisans,
industriels et commerçants de ce régime favorable également pour leurs
cotisations d'assurance vieillesse. Le législateur a ici tiré les conséquences
de la situation particulière des intéressés, affiliés à un régime d'assurance
vieillesse particulier, qui sont dans une situation plus précaire que les autres
travailleurs non salariés des départements d'outre-mer. En outre toute personne
commençant une activité indépendante dans ces départements bénéficie des
dispositions de l'article L. 756-5 du CSS.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'outre-mer ;
Vu l'arrêt de la Cour de cassation (deuxième chambre civile) n° 06-18611 du 22
novembre 2007 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la requérante par la SCP Alain Benabent et
Marielle Jehannin, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation,
enregistrées les 31 janvier et 19 février 2013 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 8 février
2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendu à
l'audience publique du 26 mars 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 756-5 du code de
la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi du 13 décembre 2000
susvisée : « Par dérogation aux dispositions de l'article L. 242-11, du premier
alinéa de l'article L. 612-4, du premier alinéa de l'article L. 633-10 et des
premier et quatrième alinéas de l'article L. 131-6, les cotisations
d'allocations familiales, d'assurance maladie et d'assurance vieillesse des
travailleurs non salariés non agricoles exerçant leur activité dans les
départements mentionnés à l'article L. 751-1 sont calculées, à titre définitif,
sur la base du dernier revenu professionnel de l'avant-dernière année ou, le cas
échéant, de revenus forfaitaires.
« Par dérogation aux dispositions du sixième alinéa de l'article L. 131-6, la
personne débutant l'exercice d'une activité non salariée non agricole est
exonérée des cotisations et contributions pour une période de vingt-quatre mois
à compter de la date de la création de l'activité » ;
2. Considérant que, selon la requérante, les dispositions contestées
introduisent dans certains départements d'outre-mer des règles de calcul de
l'assiette des cotisations sociales des travailleurs non salariés non agricoles
différentes de celles applicables en France métropolitaine et qui ne sont
justifiées par aucune caractéristique ni contrainte particulière propre à ces
départements d'outre-mer ; qu'il en résulterait une rupture de l'égalité devant
les charges publiques entre les travailleurs indépendants selon leur situation
géographique ;
3. Considérant, qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit
qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose
ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes, ni
à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que,
dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en
rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour
l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une
contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre
tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; qu'en vertu de l'article 34
de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect
des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque
impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés
contributives ; qu'en particulier, pour assurer le respect du principe
d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et
rationnels en fonction des buts qu'il se propose ; que cette appréciation ne
doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les
charges publiques ;
5. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 73 de la
Constitution : « Dans les départements et les régions d'outre-mer, les lois et
règlements sont applicables de plein droit. Ils peuvent faire l'objet
d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces
collectivités » ;
6. Considérant, en premier lieu, que l'article L. 756-5 du code de la sécurité
sociale prévoit que, lorsque les travailleurs non salariés non agricoles
exercent leur activité dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de
la Martinique ou de la Réunion, l'assiette retenue pour le calcul des
cotisations d'allocations familiales et d'assurance maladie et des contributions
sociales dont ils doivent s'acquitter est, à titre définitif, le revenu
professionnel de l'avant-dernière année ou, le cas échéant, un revenu
forfaitaire ; qu'il en est de même de l'assiette retenue pour le calcul des
cotisations d'assurance vieillesse dont les artisans, industriels et commerçants
doivent s'acquitter ; que cet article exonère également de ces cotisations et
contributions sociales, pour une période de vingt-quatre mois, la personne
débutant l'exercice d'une activité non salariée non agricole dans les
départements d'outre-mer précités ; qu'en adoptant ces dispositions, le
législateur a entendu prendre en compte la situation particulière des
travailleurs indépendants dans ces départements et inciter au développement
d'activités indépendantes dans ces territoires ; que la situation de l'emploi et
celle des travailleurs indépendants dans les départements d'outre-mer
constituent, au sens de l'article 73 de la Constitution, des « caractéristiques
et contraintes particulières » de nature à permettre au législateur d'adapter
les modalités de détermination de l'assiette des cotisations et contributions
sociales dues par ces travailleurs indépendants et de les exonérer du paiement
de ces cotisations et contributions pendant une durée limitée ; que, dès lors,
le législateur n'a pas porté atteinte à l'égalité devant la loi et les charges
publiques ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que pour l'ensemble des travailleurs non
salariés non agricoles dans les départements d'outre-mer précités, les
dispositions contestées ne sont applicables qu'aux cotisations d'assurance
maladie, aux cotisations d'allocations familiales et aux contributions sociales
alors que, pour les artisans, industriels et commerçants, ces dispositions sont
également applicables aux cotisations d'assurance vieillesse ; qu'en retenant un
champ d'application plus large pour les cotisations des artisans, industriels et
commerçants bénéficiant du mode de calcul et de l'exonération spécifiques issues
des dispositions contestées, le législateur a fondé son appréciation sur le fait
que ces travailleurs, qui sont affiliés à un régime d'assurance vieillesse
distinct de celui des autres travailleurs non salariés non agricoles, sont dans
une situation plus précaire que les autres travailleurs non salariés non
agricoles des départements d'outre-mer ; qu'il a fondé son appréciation sur un
critère objectif et rationnel en lien avec l'objectif poursuivi ; qu'il n'en
résulte pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;
8. Considérant, en troisième lieu, que le second alinéa de l'article L. 756-5 du
code de la sécurité sociale réserve le bénéfice de l'exonération biennale des
cotisations et contributions sociales à « la personne débutant l'exercice d'une
activité non salariée non agricole » ; qu'ainsi que la Cour de cassation l'a
jugé dans son arrêt du 22 novembre 2007 susvisé, toute personne commençant à
exercer une activité non salariée non agricole dans un département d'outre-mer
doit bénéficier de ce dispositif d'exonération, même si elle exerçait auparavant
une activité non salariée non agricole dans une autre partie du territoire
national ; que, dans ces conditions, le second alinéa de l'article L. 756-5 du
code de la sécurité sociale ne méconnaît pas le principe d'égalité devant la loi
et les charges publiques;
9. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre
droit ou liberté que la Constitution garantit ; qu'elles doivent être déclarées
conformes à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- L'article L. 756-5 du code de la sécurité sociale, dans sa
rédaction résultant de la loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000, est conforme à
la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 4 avril 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY
MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
Décision n° 2013-302 QPC du 12 avril 2013
La Cour de cassation a renvoyé au Conseil constitutionnel le
22 janvier 2013 deux questions prioritaires de constitutionnalité posées dans
les mêmes termes par M. Laurent A. et cinq autres requérants. Ces questions
étaient relatives à l'article 65-3 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté
de la presse dans sa rédaction résultant de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004
adaptant la justice aux évolutions de la criminalité.
L'article 65-3 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse
instaure, pour certains délits prévus par cette loi, un délai de prescription
d'un an, par dérogation au délai de droit commun de trois mois prévu par
l'article 65 de cette même loi. Les requérants soutenaient que cette durée
particulière de prescription portait atteinte aux principes d'égalité devant la
loi et devant la justice. Le Conseil a écarté ces griefs et jugé l'article 65-3
de la loi du 29 juillet 1881 conforme à la Constitution.
Le Conseil constitutionnel a relevé que l'article 65-3 prévoit un allongement du
délai de la prescription pour le délit de provocation à la discrimination ou à
la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à
raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une
ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, prévu et réprimé par le
huitième alinéa de l'article 24 de la loi de 1881, les délits de diffamation et
d'injure publiques commis aux mêmes fins, prévus et réprimés par le deuxième
alinéa de l'article 32 et le troisième alinéa de l'article 33 et le délit de
contestation des crimes contre l'humanité, prévu et réprimé par l'article 24 bis
de la même loi de 1881.
Le Conseil constitutionnel a jugé qu'en portant de trois mois à un an le délai
de la prescription pour les délits qu'il définit précisément, l'article 65-3 de
la loi du 29 juillet 1881 a pour objet de faciliter la poursuite et la
condamnation des auteurs de propos ou d'écrits incitant à la discrimination, à
la haine ou à la violence, diffamatoires ou injurieux, à caractère ethnique,
national, racial, ou religieux ou contestant l'existence d'un crime contre
l'humanité. La différence de traitement qui résulte de ce délai de prescription
particulier pour les infractions poursuivies ne revêt pas un caractère
disproportionné au regard de l'objectif poursuivi. Il a donc été déclaré conforme à la Constitution.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;
Vu la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 adaptant la justice aux évolutions de la
criminalité ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour les requérants par Me Antoine Comte, avocat
au barreau de Paris, enregistrées les 14 et 28 février 2013 ;
Vu les observations produites pour l'association « Bureau national de vigilance
contre l'antisémitisme (BNVA) » par la SCP Bensimhon-Associés, avocat au barreau
de Paris, enregistrées le 14 février 2013 ;
Vu les observations en interventions produites pour l'association « SOS soutien
ô sans papiers » par Mes Henri Braun et Nawel Gafsia, avocats au barreau de
Paris, enregistrées le 31 janvier 2013 ;
Vu les observations en intervention produites pour l'association « La ligue
internationale contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA) » par la SCP Mendi-Cahn,
avocat au barreau de Mulhouse, enregistrées le 6 février 2013 ;
Vu les observations en intervention produites pour l'association « Mouvement
contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP) » par Me Patrice
Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 12
février 2013 et 1er mars 2013 ;
Vu les observations en intervention produites pour l'association « SOS Racisme -
Touche pas à mon pote » par Me Michaël Ghnassia, avocat au barreau de Paris,
enregistrées le 12 février 2013 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 14
février 2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Comte pour les requérants, Me Marc Bensimhon pour le BNVA, Me Braun, pour «
SOS soutien ô sans papiers », Me Rodolphe Cahn pour la LICRA, Me Ghnassia pour
SOS Racisme, Me Spinosi pour le MRAP et Thierry-Xavier Girardot, désigné par le
Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 2 avril 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que le premier alinéa de l'article 65 de la
loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse dispose que l'action publique
et l'action civile résultant des crimes, délits et contraventions prévus par
cette loi se prescrivent après trois mois révolus, à compter du jour où ils ont
été commis ou du jour du dernier acte d'instruction ou de poursuite s'il en a
été fait ; que, toutefois, aux termes de l'article 65-3 de cette même loi, dans
sa rédaction résultant de la loi du 9 mars 2004 susvisée : « Pour les délits
prévus par le huitième alinéa de l'article 24, l'article 24 bis, le deuxième
alinéa de l'article 32 et le troisième alinéa de l'article 33, le délai de
prescription prévu par l'article 65 est porté à un an » ;
2. Considérant que, selon les requérants, en allongeant la durée de la
prescription pour certains délits prévus par la loi du 29 juillet 1881, les
dispositions de l'article 65-3 portent atteinte aux principes d'égalité devant
la loi et la justice ; qu'ils font valoir en particulier que la courte
prescription prévue par l'article 65 de cette même loi constitue l'une des
garanties essentielles de la liberté de la presse ;
3. Considérant que l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen de 1789 dispose que la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle
protège, soit qu'elle punisse » ; qu'il est loisible au législateur, compétent
pour fixer les règles de la procédure pénale en vertu de l'article 34 de la
Constitution, de prévoir des règles de procédure différentes selon les faits,
les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, à la condition
que ces différences ne procèdent pas de discriminations injustifiées et que
soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au
respect du principe des droits de la défense ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la Déclaration de 1789 : « La
libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus
précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement,
sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi »
; que les atteintes portées à l'exercice de cette liberté doivent être
nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif poursuivi ;
5. Considérant que, par dérogation à la règle prévue par l'article 65 de la loi
du 29 juillet 1881 susvisée, qui fixe le délai de prescription de l'action
publique et de l'action civile à trois mois pour les infractions prévues par
cette loi, les dispositions contestées prévoient que ce délai est porté à un an
pour certains délits qu'elles désignent ; que cet allongement du délai de la
prescription vise le délit de provocation à la discrimination ou à la haine ou à
la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de
leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie,
une nation, une race ou une religion déterminée, prévu et réprimé par le
huitième alinéa de l'article 24 de cette loi, les délits de diffamation et
d'injure publiques commis aux mêmes fins, prévus et réprimés par le deuxième
alinéa de son article 32 et le troisième alinéa de son article 33 et le délit de
contestation des crimes contre l'humanité, prévu et réprimé par son article 24
bis ; que les
règles de la prescription applicables à ces délits ne se distinguent des règles
applicables aux autres infractions prévues et réprimées par la loi du 29 juillet
1881 que par la durée de ce délai de prescription ; qu'en particulier, ce délai
d'un an court à compter du jour où les délits ont été commis ou du jour du
dernier acte d'instruction ou de poursuite, s'il en a été fait ;
6. Considérant qu'en portant de trois mois à un an le délai de la prescription
pour les délits qu'il désigne, l'article 65-3 de la loi du 29 juillet 1881 a
pour objet de faciliter la poursuite et la condamnation, dans les conditions
prévues par cette loi, des auteurs de propos ou d'écrits provoquant à la
discrimination, à la haine ou à la violence, diffamatoires ou injurieux, à
caractère ethnique, national, racial, ou religieux ou contestant l'existence
d'un crime contre l'humanité ; que le législateur a précisément défini les
infractions auxquelles cet allongement du délai de la prescription est
applicable ; que la différence de traitement qui en résulte, selon la nature des
infractions poursuivies, ne revêt pas un caractère disproportionné au regard de
l'objectif poursuivi ; qu'il n'est pas porté atteinte aux droits de la défense ;
que, dans ces conditions, les dispositions contestées ne méconnaissent pas les
exigences constitutionnelles précitées ;
7. Considérant que ces dispositions, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou
liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la
Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- L'article 65-3 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la
presse, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004
adaptant la justice aux évolutions de la criminalité, est conforme à la
Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 11 avril 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY
MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 6 février 2013 par
la Cour de cassation de trois questions prioritaires de constitutionnalité
posées par la commune de Tourville-la-Rivière. Ces questions étaient relatives à
la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des
paragraphes B et C de l'article L. 2333-16 du code général des collectivités
territoriales (CGCT) dans sa rédaction résultant de la loi n° 2008-776 du 4 août
2008 de modernisation de l'économie.
La loi du 4 août 2008 a créé une taxe locale sur la publicité extérieure, se
substituant à deux taxes préexistantes : la taxe sur la publicité extérieure
frappant les affiches, réclames et enseignes lumineuses et la taxe communale sur
les emplacements publicitaires fixes. L'article L. 2333-16 du CGCT prévoit que
les communes qui percevaient en 2008 l'une de ces deux taxes doivent respecter
un tarif maximal calculé selon des règles différentes de celles applicables aux
autres communes. Les dispositions contestées de cet article fixent les règles de
détermination de ce tarif maximal dérogatoire et transitoire.
La commune requérante soutenait que ces dispositions contestées portaient
atteinte au principe d'égalité entre les collectivités territoriales, au
principe d'égalité devant les charges publiques et à la libre administration des
collectivités territoriales. Le Conseil constitutionnel a écarté ces griefs et
jugé les paragraphes B et C de l'article L. 2333-16 du CGCT conformes à la
Constitution.
Le Conseil constitutionnel a notamment relevé que, par ces dispositions, le
législateur a entendu rapprocher en cinq ans la situation des communes percevant
en 2008 les deux taxes préexistantes de celles ne les percevant pas. À cette
fin, le législateur a retenu des critères objectifs et rationnels en lien direct
avec l'objectif poursuivi. En fixant à cinq ans la durée de cet alignement
progressif, le législateur n'a pas porté atteinte à l'égalité entre les
collectivités territoriales. La différence de traitement qui en résulte entre
les contribuables, selon les communes dans lesquelles ils sont assujettis, est
transitoire et progressivement réduite. Il n'en résulte pas de rupture
caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la commune requérante par le cabinet Weyl et
Porcheron, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 28 février 2013 et le 15
mars 2013 ;
Vu les observations produites pour la société La Halle par la SELAFA CMS Bureau
Francis Lefebvre, société d'avocats, au barreau des Hauts-de-Seine, enregistrées
le 28 février 2013 ;
Vu les observations produites pour la société But International par la SCP
Fabiani-Luc-Thaler, avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation
associés, enregistrées le 28 février 2013 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 28
février 2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Porcheron, pour la commune requérante, Me Thibault Henique, avocat au barreau
de Nantes, pour la société But International et M. Xavier Pottier, désigné par
le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 9 avril 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'il y a lieu de joindre ces questions
prioritaires de constitutionnalité pour statuer par une seule décision ;
2. Considérant que l'article 171 de la loi du 4 août 2008 susvisée a créé, aux
articles L. 2333-6 à L. 2333-16 du code général des collectivités territoriales,
une taxe locale sur la publicité extérieure, se substituant à la taxe sur la
publicité extérieure frappant les affiches, réclames et enseignes lumineuses et
à la taxe communale sur les emplacements publicitaires fixes ; que l'article L.
2333-16 du code général des collectivités territoriales prévoit que les communes
qui percevaient en 2008 les taxes désignées ci-dessus doivent respecter un tarif
maximal calculé selon des règles distinctes de celles prévues par l'article L.
2333-9 applicables aux autres communes ; que les règles de détermination de ce
tarif maximal dérogatoire sont fixées par les paragraphes B et C de l'article L.
2333-16 du code général des collectivités territoriales ; qu'aux termes des
paragraphes B et C de l'article L. 2333-16 du code général des collectivités
territoriales dans leur rédaction résultant de la loi du 4 août 2008 susvisée :
« B. - Pour chaque commune, est déterminé un tarif de référence.
« 1. Ce tarif de référence est égal :
« a) À 35 euros par mètre carré pour les communes de plus de 100 000 habitants
percevant en 2008 la taxe sur la publicité extérieure frappant les affiches,
réclames et enseignes lumineuses, prévue par l'article L. 2333-6 dans sa
rédaction antérieure au 1er janvier 2009 ;
« b) À 15 euros par mètre carré pour les autres communes.
« 2. Par dérogation au 1, les communes percevant en 2008 la taxe prévue par
l'article L. 2333-6 ou celle prévue par l'article L. 2333-21, dans leur
rédaction antérieure au 1er janvier 2009, peuvent procéder au calcul de leur
tarif de référence. Ce tarif est alors égal au rapport entre :
« - d'une part, le produit de référence résultant de l'application des tarifs en
vigueur en 2008 aux dispositifs publicitaires et aux préenseignes présents sur
le territoire de la commune au 1er octobre 2008. Si la commune applique en 2008
la taxe sur la publicité extérieure frappant les affiches, réclames et enseignes
lumineuses, prévue par l'article L. 2333-6 dans sa rédaction antérieure au 1er
janvier 2009, ce produit de référence est calculé, pour les dispositifs relevant
des première et deuxième catégories de cette taxe, en retenant l'hypothèse d'un
taux de rotation des affiches de 44 par an ;
« - d'autre part, la superficie totale de ces dispositifs publicitaires au 1er
octobre 2008, majorée, le cas échéant, conformément au C de l'article L. 2333-9.
« Les données nécessaires à ce calcul doivent être déclarées par l'exploitant du
dispositif au plus tard le 1er décembre 2008.
« Les communes faisant application du présent 2 déterminent le tarif applicable
en 2009 sur la base d'une estimation de leur tarif de référence. La
régularisation éventuelle auprès des contribuables est réalisée en 2010, lors du
paiement de la taxe.
« C. - À compter du 1er janvier 2009, dans chaque commune, pour les dispositifs
publicitaires autres que ceux apposés sur des éléments de mobilier urbain et
pour les préenseignes, le tarif maximal prévu par le 1° du B de l'article L.
2333-9 évolue progressivement du tarif de référence prévu par le B du présent
article vers le montant prévu par le 1° du B de l'article L. 2333-9.
« De 2009 à 2013, cette évolution s'effectue dans la limite d'une augmentation
ou d'une diminution égale à un cinquième de l'écart entre le tarif de référence
prévu par le B du présent article et le tarif prévu par le 1° du B de l'article
L. 2333-9 » ;
3. Considérant que, selon la commune requérante, les dispositions des
paragraphes B et C de l'article L. 2333-16 du code général des collectivités
territoriales portent atteinte au principe d'égalité entre les collectivités
territoriales, au principe d'égalité devant les charges publiques et à la libre
administration des collectivités territoriales ;
- SUR LE GRIEF TIRÉ DE LA MÉCONNAISSANCE DU PRINCIPE D'ÉGALITÉ ENTRE LES
COLLECTIVITÉS TERRITORIALES :
4. Considérant que, selon la commune requérante, en instituant un régime
dérogatoire quant à la détermination des tarifs maximaux de la taxe locale sur
la publicité extérieure applicable sur une période de cinq ans, soit de 2009 à
2013, les dispositions des paragraphes B et C de l'article L. 2333-16 du code
général des collectivités territoriales méconnaissent le principe d'égalité
entre les communes qui percevaient en 2008 la taxe sur la publicité extérieure
frappant les affiches, réclames et enseignes lumineuses ou la taxe communale sur
les emplacements publicitaires fixes et les autres communes ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi. . . doit être la même pour tous, soit
qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose
ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes,
ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que,
dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en
rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
6. Considérant que les dispositions contestées prévoient un régime transitoire
pour le calcul du tarif maximal de la taxe locale sur la publicité extérieure
applicable aux communes qui percevaient en 2008 la taxe sur la publicité
extérieure frappant les affiches, réclames et enseignes lumineuses ou la taxe
communale sur les emplacements publicitaires fixes prévues par les articles L.
2333-6 et L. 2333-21 du code général des collectivités territoriales dans leur
rédaction antérieure au 1er janvier 2009 ; que le 1. du paragraphe B de
l'article L. 2333-16 prévoit un tarif de référence qui est égal à 35 euros par
mètre carré pour les communes de plus de 100 000 habitants percevant en 2008 la
taxe sur la publicité extérieure frappant les affiches, réclames et enseignes
lumineuses et à 15 euros par mètre carré pour les autres communes ; que,
toutefois, le 2. du paragraphe B de l'article L. 2333-16 permet à toutes ces
communes, par dérogation au 1., de procéder au calcul de leur tarif de référence
; que, dans ce cas, ce tarif est égal au rapport entre, d'une part, le produit
de référence résultant de l'application des tarifs en vigueur en 2008 aux
dispositifs publicitaires et aux préenseignes présents sur le territoire de la
commune au 1er octobre 2008 et, d'autre part, la superficie totale de ces
dispositifs publicitaires au 1er octobre 2008, majorée, le cas échéant,
conformément au paragraphe C de l'article L. 2333-9 ; que le tarif de référence
ainsi déterminé en application du 1. ou du 2. du paragraphe B de l'article L.
2333-16 évolue annuellement, entre 2009 et 2013, dans la limite d'une
augmentation ou d'une diminution égale à un cinquième de l'écart avec les tarifs
maximaux de droit commun prévus au paragraphe B de l'article L. 2333-9 ;
7. Considérant que, par les dispositions des paragraphes B et C de l'article L.
2333-16 du code général des collectivités territoriales, le législateur a
entendu permettre un aménagement progressif, sur une période de cinq ans, des
tarifs de la taxe locale sur la publicité extérieure et des recettes des
communes qui percevaient auparavant les impositions auxquelles cette taxe a été
substituée ; que les communes concernées par ces dérogations tarifaires sont les
seules « communes percevant en 2008 la taxe prévue par l'article L. 2333-6 ou
celle prévue par l'article L. 2333-21, dans leur rédaction antérieure au 1er
janvier 2009 » ; que, pour déterminer les modalités de cet alignement progressif
des tarifs, les dispositions contestées retiennent des critères objectifs et
rationnels en lien direct avec l'objectif poursuivi par le législateur ; qu'en
retenant une durée de cinq ans pour cet alignement progressif, le législateur
n'a pas porté atteinte à l'égalité entre les collectivités territoriales ; que,
par suite, le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité entre les
collectivités territoriales doit être écarté ;
- SUR LE GRIEF TIRÉ DE LA MÉCONNAISSANCE DU PRINCIPE D'ÉGALITÉ DEVANT LES
CHARGES PUBLIQUES :
8. Considérant que, selon la commune requérante, en recourant à un critère
exclusivement fondé sur la perception en 2008 par la commune de la taxe sur la
publicité extérieure frappant les affiches, réclames et enseignes lumineuses ou
de la taxe sur les emplacements publicitaires fixes et en imposant un seul tarif
de référence pour les différents types de supports assujettis sans distinguer
selon qu'ils étaient ou non soumis aux taxes locales désignées ci-dessus en
2008, les dispositions des paragraphes B et C de l'article L. 2333-16 du code
général des collectivités territoriales méconnaissent le principe d'égalité
devant les charges publiques ;
9. Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour
l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une
contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre
tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; qu'en vertu de l'article 34
de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect
des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque
impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés
contributives ; qu'en particulier, pour assurer le respect du principe
d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et
rationnels en fonction des buts qu'il se propose ; que cette appréciation ne
doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les
charges publiques ;
10. Considérant que la taxe locale sur la publicité extérieure frappe les
supports publicitaires fixes énumérés à l'article L. 2333-7 du code général des
collectivités territoriales ; que les tarifs maximaux applicables à ces supports
publicitaires selon la population de la commune ou de l'établissement public de
coopération intercommunale sont prévus par le paragraphe B de l'article L.
2333-9 ; que ce paragraphe prévoit également que ces tarifs maximaux sont
triplés pour les dispositifs publicitaires et les préenseignes dont l'affichage
se fait au moyen d'un procédé numérique et qu'ils sont également majorés lorsque
la superficie des dispositifs publicitaires, présenseignes et enseignes excède,
selon le cas, 12 mètres carrés ou 50 mètres carrés ; que l'article L. 2333-10
permet aux communes ou établissements publics de coopération intercommunale de
fixer tout ou partie des tarifs prévus par l'article L. 2333-9 à des niveaux
inférieurs aux tarifs maximaux ou d'appliquer des majorations facultatives
lorsque certaines conditions démographiques sont satisfaites ; que le paragraphe
B de l'article L. 2333-16 prévoit un tarif maximal distinct pour les communes
qui percevaient en 2008 la taxe sur les emplacements publicitaires fixes ou la
taxe sur la publicité extérieure frappant les affiches, réclames et enseignes
lumineuses ; que cette différence de traitement, qui ne porte que sur le tarif
maximal, ne prive pas les communes précitées de la faculté de moduler les tarifs
en deçà de cette limite maximale, en application de l'article L. 2333-10, ou
d'appliquer les majorations facultatives prévues par cet article aux tarifs
maximaux vers lesquels doit converger le tarif de référence ; que le paragraphe
C de l'article L. 2333-16 instaure un dispositif de convergence sur cinq ans du
tarif de référence prévu au paragraphe B de ce même article vers les tarifs
maximaux de droit commun prévus au paragraphe B de l'article L. 2333-9 ; que,
par suite, si le dispositif dérogatoire transitoire de plafonnement du tarif de
référence de la taxe instaurée par les dispositions contestées est uniforme la
première année pour les différents types de supports assujettis à la taxe,
l'évolution quinquennale prévue par le paragraphe C assure une convergence
différenciée vers chacun des tarifs maximaux applicable à chaque catégorie de
supports prévus par l'article L. 2333-9 ; que la différence de traitement qui en
résulte entre les contribuables selon les communes dans lesquelles ils sont
assujettis est transitoire et progressivement réduite ; qu'elle est en lien avec
l'objectif poursuivi par le législateur d'assurer une évolution progressive des
impositions antérieures vers la nouvelle imposition ; qu'il n'en résulte pas de
rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ; que, dès lors,
le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant les charges
publiques doit être écarté ;
- SUR LE GRIEF TIRÉ DE LA MÉCONNAISSANCE DU PRINCIPE DE LIBRE ADMINISTRATION DES
COLLECTIVITÉS TERRITORIALES :
11. Considérant que, selon la commune requérante, l'application des tarifs
dérogatoires applicables à la taxe locale sur la publicité extérieure dans les
conditions prévues par les paragraphes B et C de l'article L. 2333-16 du code
général des collectivités territoriales prive les communes ayant perçu en 2008
la taxe sur les emplacements publicitaires fixes ou la taxe sur la publicité
extérieure frappant les affiches, réclames et enseignes lumineuses, de
ressources supplémentaires qu'elles auraient tirées de l'application des tarifs
de droit commun ; que, par suite, les dispositions contestées porteraient
atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales ;
12. Considérant que l'article 34 de la Constitution réserve au législateur la
détermination des principes fondamentaux de la libre administration des
collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources ; que,
si, en vertu des articles 72 et 72-2 de la Constitution, les collectivités
territoriales « s'administrent librement par des conseils élus » et «
bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement » , chacune
d'elles le fait « dans les conditions prévues par la loi » ;
13. Considérant que les dispositions des paragraphes B et C de l'article L.
2333-16 du code général des collectivités territoriales, qui déterminent les
tarifs maximaux applicables à la taxe locale sur la publicité extérieure dans
certaines communes, ne portent, en elles-mêmes, aucune atteinte à la libre
administration des communes ; que le tarif de référence résultant du
plafonnement prévu par les dispositions contestées, qui peut dans certains cas
se révéler supérieur aux tarifs de droit commun prévus par le paragraphe B de
l'article L. 2333-9 et dans d'autres cas inférieur à ces tarifs, n'a pas pour
effet, eu égard au produit de cette imposition et aux écarts de tarifs résultant
de ces dispositions, de réduire les ressources propres de certaines communes
dans des proportions telles que serait méconnue leur autonomie financière ; que,
par suite, le grief tiré de la méconnaissance du principe constitutionnel de
libre administration des collectivités territoriales doit être écarté ;
14. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre
droit ou liberté que la Constitution garantit ; qu'elles doivent être déclarées
conformes à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- Les paragraphes B et C de l'article L. 2333-16 du code général des
collectivités territoriales dans leur rédaction résultant de la loi n° 2008-776
du 4 août 2008 de modernisation de l'économie sont conformes à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 18 avril 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY
MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC,
Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
5 DECISIONS DU 26 AVRIL 2013
Décision n° 2013-309 QPC du 26 avril 2013
SARL SCMC [Exercice par le préfet du droit de préemption des communes ayant méconnu leurs engagements de réalisation de logements sociaux]
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 13 février 2013 par
le Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la
SARL SCMC. Cette question était relative à la conformité aux droits et libertés
que la Constitution garantit du deuxième alinéa de l'article L. 210-1 du code de
l'urbanisme.
Les communes dépassant certains seuils démographiques ont des obligations en
matière de construction et de réalisation de logements locatifs sociaux.
Lorsqu'elles ne respectent pas ces obligations, une procédure de constat de
carence peut être engagée à leur encontre. Dans cette hypothèse, aux termes de
l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, un arrêté préfectoral de carence est
pris et le droit de préemption est exercé par le préfet, lorsque l'aliénation
porte sur un terrain bâti ou non affecté au logement ou destiné à l'être.
Le Conseil constitutionnel a relevé que l'article L. 210-1 du code de
l'urbanisme a pour objet de remédier au non-respect, par la commune en cause, de
l'objectif de construction ou de réalisation de logements sociaux fixé par le
législateur, afin d'atteindre cet objectif. Ainsi, ces dispositions sont
justifiées par un but d'intérêt général. Par ailleurs, l'objet et la portée de
la compétence ainsi conférée au préfet sont précisément définis en adéquation
avec l'objectif poursuivi. Le Conseil constitutionnel a par conséquent estimé
que l'atteinte portée à la libre administration des collectivités territoriales
qui en résulte ne revêt pas un caractère disproportionné au regard de l'objectif
poursuivi. Il a jugé le deuxième alinéa de l'article L. 210-1 du code de
l'urbanisme conforme à la Constitution.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de la construction et de l'habitation ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la
lutte contre les exclusions, notamment son article 39 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 7 mars
2013 ;
Vu les observations produites pour l'Établissement public foncier de
Provence-Alpes-Côte d'Azur, défendeur à la procédure, par la SELAS CMS Bureau
Francis Lefebvre Lyon, avocat au barreau de Lyon, enregistrées le 12 mars 2013 ;
Vu les observations produites pour la société requérante par la SELAS LLC et
associés, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 29 mars 2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Jérôme Lefort, avocat au barreau de Paris, pour la société requérante, Me
Walter Salamand, avocat au barreau de Lyon, pour la partie en défense et M.
Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience
publique du 16 avril 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu
1. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article
L. 210-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction résultant de la loi du 25
mars 2009 susvisée : « Pendant la durée d'application d'un arrêté préfectoral
pris sur le fondement de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de
l'habitation, le droit de préemption est exercé par le représentant de l'État
dans le département lorsque l'aliénation porte sur un terrain, bâti ou non bâti,
affecté au logement ou destiné à être affecté à une opération ayant fait l'objet
de la convention prévue à l'article L. 302-9-1 précité. Le représentant de
l'État peut déléguer ce droit à un établissement public foncier créé en
application de l'article L. 321-1 du présent code, à une société d'économie
mixte ou à un des organismes d'habitations à loyer modéré prévus par l'article
L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation. Les biens acquis par
exercice du droit de préemption en application du présent alinéa doivent être
utilisés en vue de la réalisation d'opérations d'aménagement ou de construction
permettant la réalisation des objectifs fixés dans le programme local de
l'habitat ou déterminés en application du premier alinéa de l'article L. 302-8
du même code » ;
2. Considérant que, selon la société requérante, le pouvoir de substitution
ainsi conféré au préfet pour exercer le droit de préemption en lieu et place de
la commune, en vue de la construction ou de la réalisation de logements sociaux,
est soustrait à tout contrôle du juge et porte une atteinte disproportionnée à
la libre administration des collectivités territoriales ;
3. Considérant que l'article 34 de la Constitution réserve au législateur la
détermination des principes fondamentaux de la libre administration des
collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources ; qu'en
vertu du troisième alinéa de l'article 72 de la Constitution, dans les
conditions prévues par la loi, les collectivités territoriales s'administrent
librement par des conseils élus ; qu'aux termes du dernier alinéa de cet article
: « Dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de
l'État, représentant de chacun des membres du Gouvernement, a la charge des
intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois » ; qu'il
appartient donc au législateur de prévoir l'intervention du représentant de
l'État pour remédier, sous le contrôle du juge, aux difficultés résultant de
l'absence de décision de la part des autorités décentralisées compétentes en se
substituant à ces dernières lorsque cette absence de décision risque de
compromettre le fonctionnement des services publics et l'application des lois ;
que les conditions posées pour l'exercice par le représentant de l'État de ses
pouvoirs de substitution doivent être définies quant à leur objet et à leur
portée ;
4. Considérant que les dispositions contestées sont applicables aux communes
ayant fait l'objet d'une « procédure de constat de carence » prévue par
l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation, soit parce
qu'elles n'ont pas tenu les engagements de construction ou de réalisation de
logements locatifs sociaux figurant dans le programme local de l'habitat, soit
parce que, à défaut de programme local de l'habitat, le nombre de logements
locatifs sociaux à réaliser en application du dernier alinéa de l'article L.
302-8 du même code n'a pas été atteint ; qu'en application de l'article L.
302-9-1, le constat de la carence de la commune a pour effet de conférer au
préfet le pouvoir de se substituer à la commune pour « conclure une convention
avec un organisme en vue de la construction ou l'acquisition des logements
sociaux nécessaires à la réalisation des objectifs fixés dans le programme local
de l'habitat ou déterminés en application du premier alinéa de l'article L.
302-8 » ;
5. Considérant, en premier lieu, qu'afin de renforcer l'efficacité de ce pouvoir
de substitution, le législateur, en modifiant l'article L. 210-1 du code de
l'urbanisme par la loi du 25 mars 2009, a conféré au préfet, pendant la durée
d'application de l'arrêté de carence, l'exercice du droit de préemption lorsque
l'aliénation porte sur un terrain, bâti ou non bâti, affecté au logement ou
destiné à être affecté à une opération ayant fait l'objet de la convention
prévue à l'article L. 302-9-1 ; que ces dispositions ont pour objet de remédier
au non-respect par la commune en cause de l'objectif de construction ou de
réalisation de logements sociaux fixé par le législateur, afin d'atteindre cet
objectif ; que, d'une part, elles sont justifiées par un but d'intérêt général ;
que, d'autre part, l'objet et la portée de la compétence ainsi conférée au
préfet est précisément définie en adéquation avec l'objectif poursuivi ; que
l'atteinte portée à la libre administration des collectivités territoriales qui
en résulte ne revêt pas un caractère disproportionné au regard de l'objectif
poursuivi ;
6. Considérant, en second lieu, qu'ainsi qu'il ressort de l'article L. 302-9-1,
l'arrêté préfectoral constatant la carence de la commune est pris après une
procédure contradictoire et peut faire l'objet d'un recours de pleine
juridiction ; que la décision du préfet d'exercer le droit de préemption peut
aussi faire l'objet d'un recours juridictionnel ; que, par suite, si les
dispositions contestées confient de plein droit au préfet, en cas d'arrêté de
carence, l'exercice du droit de préemption, il n'en résulte pas que la mise en
œuvre des dispositions contestées est soustraite au contrôle du juge ;
7. Considérant que les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 210-1 du
code de l'urbanisme ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la
Constitution garantit ; qu'elles doivent être déclarées conformes à la
Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- Le deuxième alinéa de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme,
dans sa rédaction résultant de la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de
mobilisation pour le logement et la lutte contre les exclusions est conforme à
la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 25 avril 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY
MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de
SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
Décision n° 2013-308 QPC du 26 avril 2013
Association « Ensemble pour la planète » [Nouvelle-Calédonie - Autorisations de travaux de recherches minières]
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 11 février 2013 par
le Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par
l'association « Ensemble pour la planète ». Cette question était relative à la
conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions
de l'article Lp. 142-10 du code minier de la Nouvelle-Calédonie « relatives aux
autorisations de travaux de recherches ».
Ces travaux de recherches consistent à effectuer des travaux superficiels ou
profonds en vue d'établir la continuité des indices découverts par la
prospection afin de conclure à l'existence de gisements de substances minérales
et d'en étudier les conditions d'exploitation et d'utilisation industrielle.
L'article Lp. 142-10 du code minier de la Nouvelle-Calédonie fixe la procédure
pour autoriser ces travaux de recherches. L'ouverture de ces travaux est
subordonnée à une autorisation du président de l'assemblée de province
compétente. Cette autorisation fixe les prescriptions prévenant les nuisances.
Elle est précédée d'une notice d'impact ou d'une étude d'impact. Les
dispositions du code minier de la Nouvelle-Calédonie ne concernent que les trois
substances minérales que sont le nickel, le chrome et le cobalt.
L'association requérante soutenait que cette procédure méconnaissait les
principes d'information et de participation du public à l'élaboration des
décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement posés par l'article
7 de la Charte de l'environnement. Le Conseil constitutionnel a écarté ce grief.
Il a jugé que, compte tenu de la nature des substances minérales susceptibles
d'être recherchées et en l'état des techniques mises en oeuvre, le législateur a
pu considérer que les autorisations de travaux de recherches en question ne
constituent pas des décisions ayant une incidence significative sur
l'environnement.
Les dispositions de l'article Lp. 142-10 du code minier de la Nouvelle-Calédonie
relatives aux autorisations de travaux de recherches sont donc conformes à la
Constitution.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de
l'article 61-1 de la Constitution ;
Vu la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie ;
Vu le code minier de la Nouvelle-Calédonie ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie par
la SCP Ancel-Couturier-Meier, avocat au Conseil d'État et à la Cour de
cassation, enregistrées le 7 mars 2013, puis par la SCP Meier-Bourdeau-Lécuyer,
avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 13 et 27
mars 2013 ;
Vu les observations produites pour l'association requérante par la SELARL
Raphaële Charlier, avocat au barreau de Nouméa, enregistrées les 10 et 26 mars
2013 ;
Vu les observations produites pour la société Géovic Nouvelle-Calédonie,
défendeur à la procédure, par la SELARL Descombes et Salans, avocat au barreau
de Nouméa, enregistrées les 11 et 22 mars 2013 ;
Vu les observations produites pour le congrès de la Nouvelle-Calédonie par la
SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat au Conseil d'État et à la Cour de
cassation, enregistrées les 12 et 25 mars 2013 ;
Vu les observations présentées par l'assemblée de la province sud de la
Nouvelle-Calédonie, enregistrées le 12 avril 2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Raphaële Charlier, avocate au barreau de Nouméa, pour l'association
requérante, Me Gilles Especel, avocat au barreau de Paris pour la partie en
défense, Me Floriane Beauthier, avocat au barreau de Paris, pour le congrès de
la Nouvelle-Calédonie, Me Guillaume Lécuyer, avocat au Conseil d'État et à la
Cour de cassation, pour le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ayant été
entendus à l'audience publique du 16 avril 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
- SUR LES DISPOSITIONS SOUMISES À L'EXAMEN DU CONSEIL
CONSTITUTIONNEL :
1. Considérant qu'aux termes de l'article Lp. 142-10 du code minier de la
Nouvelle-Calédonie : « L'ouverture de travaux de recherches et d'exploitation
est subordonnée à une autorisation du président de l'assemblée de la province
compétente fixant les prescriptions destinées à prévenir les dommages ou
nuisances que l'activité minière est susceptible de provoquer.
« L'autorisation de travaux de recherches est précédée d'une notice d'impact.
Toutefois, lorsque la protection des intérêts mentionnés à l'article Lp. 142-5
le justifie, cette autorisation peut être précédée, à la demande du président de
l'assemblée de la province compétente, de tout ou partie d'une étude d'impact.
« L'autorisation de travaux d'exploitation est précédée d'une étude d'impact.
« L'autorisation de travaux de recherches est accordée après avis de la
commission minière communale. L'autorisation de travaux d'exploitation est
accordée après enquête publique et avis de la commission minière communale. Ces
autorisations peuvent être complétées ou modifiées ultérieurement » ;
2. Considérant que l'article 99 de la loi organique du 19 mars 1999 susvisée a
défini le domaine des lois du pays de la Nouvelle-Calédonie et que son article
107 leur a conféré « force de loi » dans ces matières ; que, d'une part, ce
dernier article organise, en ses troisième et quatrième alinéas, une procédure
par laquelle le Conseil d'État, saisi soit par une juridiction de l'ordre
administratif ou de l'ordre judiciaire, soit par le président du congrès, le
président du gouvernement, le président d'une assemblée de province ou le
haut-commissaire, constate, le cas échéant, qu'une disposition d'une loi du pays
serait intervenue en dehors du domaine défini à l'article 99 ; que, d'autre
part, l'article 3 de la loi organique du 10 décembre 2009 susvisée relative à
l'application de l'article 61-1 de la Constitution a inséré dans cet article 107
un alinéa aux termes duquel : « Les dispositions d'une loi du pays peuvent faire
l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité, qui obéit aux règles
définies par les articles 23-1 à 23-12 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre
1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel » ; qu'il ressort de
ces dernières dispositions de l'article 107 que la procédure relative à l'examen
d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur une loi du pays de
la Nouvelle-Calédonie exclut l'application des dispositions des troisième et
quatrième alinéas du même article ;
3. Considérant que la loi du pays contestée a été adoptée selon la procédure
prévue par les articles 100 à 103 de la loi organique du 19 mars 1999 susvisée ;
qu'elle n'a pas fait l'objet, depuis lors, d'une décision du Conseil d'État
constatant qu'elle serait intervenue en dehors des matières énumérées par
l'article 99 ; que, par suite, elle constitue une disposition pouvant faire
l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité ;
- SUR LA CONSTITUTIONNALITÉ DES DISPOSITIONS CONTESTÉES :
4. Considérant que, selon l'association requérante, en ne prévoyant pas
d'information et de participation du public lors de l'élaboration des
autorisations de travaux de recherches, les dispositions de l'article Lp. 142-10
du code minier de la Nouvelle-Calédonie méconnaissent les principes posés par
l'article 7 de la Charte de l'environnement ;
5. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les
mots « de recherches et » figurant au premier alinéa ainsi que sur le deuxième
alinéa et la première phrase du quatrième alinéa de l'article Lp. 142-10 du code
minier de la Nouvelle-Calédonie ;
6. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la
Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une
juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux
droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut
être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de
cassation qui se prononce dans un délai déterminé » ; que la méconnaissance par
le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une
question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette
méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution
garantit ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la Charte de l'environnement : «
Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la
loi d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les
autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques
ayant une incidence sur l'environnement » ; que ces dispositions figurent au
nombre des droits et libertés que la Constitution garantit ; qu'il incombe au
législateur et, dans le cadre défini par la loi, aux autorités administratives
de déterminer, dans le respect des principes ainsi énoncés, les modalités de la
mise en oeuvre de ces dispositions ;
8. Considérant que l'article 22 de la loi organique du 19 mars 1999 susvisée
donne compétence au congrès de la Nouvelle-Calédonie pour adopter, par des lois
du pays, les « règles concernant les hydrocarbures, le nickel, le chrome et le
cobalt » ; qu'en application de ces dispositions, l'article Lp. 111-1 du code
minier de la Nouvelle-Calédonie prévoit que les substances minérales relevant du
régime minier sont le nickel, le chrome et le cobalt ;
9. Considérant que l'article Lp. 111-4 du même code définit la prospection comme
« l'activité consistant à procéder à des investigations superficielles, incluant
les travaux de géophysique, en vue de la découverte des substances minérales
définies à l'article Lp. 111-1 » ; que le même article définit la recherche
comme « l'activité consistant à effectuer tous travaux superficiels ou profonds
en vue d'établir la continuité des indices découverts par la prospection afin de
conclure à l'existence de gisements des substances minérales énumérées à
l'article Lp. 111-1 et d'en étudier les conditions d'exploitation et
d'utilisation industrielle » ; que l'exploitation est, en vertu des mêmes
dispositions, « l'activité consistant à extraire d'un gisement les substances
minérales énumérées à l'article Lp. 111-1 pour en disposer à des fins
industrielles et commerciales » ;
10. Considérant que l'activité de recherche est subordonnée, en vertu de
l'article Lp. 112-1 du même code, à l'obtention d'un permis de recherches ou à
la détention d'une concession minière ; que l'ouverture de travaux de recherches
et d'exploitation est, en vertu de l'article Lp. 142-10 du même code,
subordonnée à une autorisation du président de l'assemblée de province
compétente ; que cette autorisation fixe les prescriptions destinées à prévenir
les dommages ou les nuisances que l'activité minière est susceptible de
provoquer ; que l'autorisation de travaux de recherches, précédée d'une notice
d'impact, voire d'une étude d'impact à la demande du président de l'assemblée de
la province compétente, est accordée après avis de la commission minière
communale ;
11. Considérant que, compte tenu de la nature des substances minérales
susceptibles d'être recherchées et en l'état des techniques mises en oeuvre, le
législateur a pu considérer que les autorisations de travaux de recherches ne
constituent pas des décisions ayant une incidence significative sur
l'environnement ; que, par suite, en ne prévoyant pas de procédure d'information
et de participation du public préalable à l'intervention des autorisations de
travaux de recherches, le législateur a fixé, au principe d'information et de
participation du public, des limites qui ne méconnaissent pas l'article 7 de la
Charte de l'environnement ;
12. Considérant que les dispositions ne méconnaissent aucun autre droit ou
liberté que la Constitution garantit ; qu'elles doivent être déclarées conformes
à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- Les mots « de recherches et » figurant au premier alinéa ainsi que
le deuxième alinéa et la première phrase du quatrième alinéa de l'article Lp.
142-10 du code minier de la Nouvelle-Calédonie sont conformes à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 25 avril 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY
MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de
SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
LA COMMUNE ET L'EPCI
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 30 janvier et le 8
mars 2013 par le Conseil d'État de trois questions prioritaires de
constitutionnalité posées respectivement par les communes de Puyravault, Maing
et Couvrot. Ces QPC sont relatives à la conformité aux droits et libertés que la
Constitution garantit des paragraphes II et III de l'article 60 de la loi du 16
décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales et de l'article L.
5211-19 du code général des collectivités territoriales (CGCT).
L'article L. 5211-19 du CGCT est relatif aux conditions de retrait d'une commune
d'un établissement public de coopération intercommunale (EPCI). Les paragraphes
II et III de la loi du 16 décembre 2010 traitent respectivement de la
modification du périmètre des EPCI et de la fusion d'EPCI. Ils prévoient
notamment un mécanisme transitoire et dérogatoire jusqu'au 1er juin 2013.
Dans sa décision n° 2013-304 QPC, le Conseil constitutionnel a jugé conforme à
la Constitution l'article L. 5211-19 du CGCT. Cet article subordonne le retrait
d'une commune d'un EPCI à l'accord de l'organe délibérant de l'établissement
public et des conseils municipaux des communes intéressées, ce qui affecte la
libre administration de la commune qui souhaite se retirer. Cependant, le
législateur a entendu éviter que le retrait d'une commune ne compromette le
fonctionnement et la stabilité d'un tel établissement ainsi que la cohérence des
coopérations intercommunales. Le Conseil constitutionnel a jugé que le
législateur a pu, dans ces buts d'intérêt général, apporter ces limitations à la
libre administration des communes. Il a écarté le grief tiré de la
méconnaissance de la libre administration des collectivités territoriales ainsi
que les autres griefs soulevés par les communes requérantes.
Dans ses décisions n° 2013-303 QPC et n° 2013-315 QPC, le Conseil
constitutionnel a examiné respectivement les paragraphes II et III de l'article
60 de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales. Ces
dispositions prévoient une procédure relative à la modification du périmètre
d'un EPCI à fiscalité propre ou à la fusion d'EPCI dont l'un au moins est à
fiscalité propre. Dans les deux cas, cette modification ou cette fusion est
prononcée par arrêté du préfet après accord de la moitié au moins des conseils
municipaux des communes intéressées, représentant la moitié au moins de la
population totale de celle-ci, y compris le conseil municipal de la commune dont
la population est la plus nombreuse si cette dernière représente au moins le
tiers de la population totale. Ces dispositions peuvent donc imposer une
modification du périmètre d'un EPCI ou une fusion d'EPCI à certaines communes.
Cependant le Conseil constitutionnel a relevé que le législateur a entendu
favoriser l'achèvement et la rationalisation de la carte de l'intercommunalité
ainsi que le renforcement de l'intercommunalité à fiscalité propre. Le Conseil a
jugé que, dans ces buts d'intérêt général, le législateur avait pu apporter des
limitations à la libre administration des collectivités territoriales.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités
territoriales ;
Vu la loi n° 2012-281 du 29 février 2012 visant à assouplir les règles relatives
à la refonte de la carte intercommunale ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la commune de Puyravault, par la SELARL
Atlantic-Juris, avocat au barreau de La Roche-sur-Yon, enregistrées le 18
février 2013;
Vu les observations en intervention produites pour la commune de
Savigny-sur-Orge par la SCP Seban et associés, avocat au barreau de Paris,
enregistrées le 19 février et le 11 mars 2013 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 22
février 2013 ;
Vu les observations en intervention produites pour les communes de Ventiseri et
de Chisa par la SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas, avocat au Conseil d'État et
à la Cour de cassation, enregistrées le 22 février 2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Grégoire Tertrais, avocat au barreau de La Roche-sur-Yon, pour la commune de
Puyravault, Me Patrick Chauvin, avocat au barreau de Paris, pour les communes de
Ventiseri et Chisa, Me Solenne Daucé, avocate au barreau de Paris, pour la
commune de Savigny-sur-Orge et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier
ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 16 avril 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu
1. Considérant que l'article 60 de la loi du 16 décembre 2010
susvisée figure dans la section 3 « Dispositifs temporaires d'achèvement et de
rationalisation de l'intercommunalité » du chapitre II « Achèvement et
rationalisation de la carte de l'intercommunalité » du Titre III « Développement
et simplification de l'intercommunalité » ; qu'aux termes du paragraphe II de
cet article 60 tel que modifié par l'article premier de la loi du 29 février
2012 susvisée : « Dès la publication du schéma départemental de coopération
intercommunale prévu à l'article L. 5210-1-1 du [code général des collectivités
territoriales] ou au plus tard à compter du 1er janvier 2012, le représentant de
l'État dans le département propose, jusqu'au 31 décembre 2012, pour la mise en
oeuvre du schéma, la modification du périmètre de tout établissement public de
coopération intercommunale à fiscalité propre.
« À défaut de schéma arrêté, il peut proposer, par arrêté pris avant le 31
décembre 2012 après avis de la commission départementale de la coopération
intercommunale, la modification du périmètre de tout établissement public de
coopération intercommunale à fiscalité propre, sous réserve du respect des
objectifs mentionnés aux I et II du même article L. 5210-1-1 et de la prise en
compte des orientations définies au III dudit article.
« Le représentant de l'État dans le département peut également proposer une
modification de périmètre ne figurant pas dans le schéma, sous la même réserve,
après avis de la commission départementale de la coopération intercommunale.
« Lorsqu'elle est saisie pour avis en application des deuxième et troisième
alinéas du présent II, la commission départementale de la coopération
intercommunale dispose d'un délai de trois mois à compter de sa saisine pour se
prononcer. À défaut de délibération dans ce délai, l'avis est réputé favorable.
L'arrêté intègre les propositions de modification adoptées par la commission
départementale dans les conditions de majorité prévues au quatrième alinéa du IV
du même article L. 5210-1-1.
« La modification de périmètre peut porter sur des communes appartenant ou non à
un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. Un
arrêté de projet de périmètre dresse la liste des communes intéressées.
« Cet arrêté est notifié par le représentant de l'État dans le département au
président de chaque établissement public de coopération intercommunale à
fiscalité propre intéressé afin de recueillir l'avis de son organe délibérant
et, concomitamment, au maire de chaque commune incluse dans le projet de
périmètre afin de recueillir l'accord de chaque conseil municipal. À compter de
la notification de l'arrêté de projet de périmètre, les organes délibérants des
établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et les
conseils municipaux disposent d'un délai de trois mois pour se prononcer. À
défaut de délibération de l'organe délibérant ou d'un conseil municipal dans ce
délai, l'avis est réputé favorable.
« La modification de périmètre de l'établissement public de coopération
intercommunale à fiscalité propre est prononcée par arrêté du ou des
représentants de l'État dans le ou les départements concernés après accord des
conseils municipaux des communes incluses dans le projet de périmètre. Cet
accord doit être exprimé par la moitié au moins des conseils municipaux des
communes intéressées, représentant la moitié au moins de la population totale de
celles-ci, y compris le conseil municipal de la commune dont la population est
la plus nombreuse si cette dernière représente au moins le tiers de la
population totale.
« À défaut d'accord des communes et sous réserve de l'achèvement des procédures
de consultation, le ou les représentants de l'État dans le ou les départements
concernés peuvent, jusqu'au 1er juin 2013, par décision motivée, après avis de
la commission départementale de la coopération intercommunale, modifier le
périmètre de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité
propre. En vue de formuler son avis, la commission départementale entend tout
maire d'une commune et tout président d'un établissement public de coopération
intercommunale dont l'audition est de nature à éclairer ses délibérations ou qui
en fait la demande. L'arrêté de projet de périmètre intègre les nouvelles
propositions de modification du périmètre adoptées par la commission
départementale dans les conditions de majorité prévues au quatrième alinéa du IV
de l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales. La
commission dispose d'un délai d'un mois à compter de sa saisine pour se
prononcer. À défaut de délibération dans ce délai, l'avis est réputé favorable.
« L'arrêté de modification du périmètre emporte retrait des communes auxquelles
le périmètre est étendu des établissements publics de coopération intercommunale
à fiscalité propre dont elles sont membres.
« Le II de l'article L. 5211-18 du même code est applicable.
« Le présent II s'applique de plein droit pendant une période d'un an suivant la
publication du schéma départemental de coopération intercommunale révisé
conformément au dernier alinéa du IV de l'article L. 5210-1-1 du même code et
pendant l'année 2018 » ;
2. Considérant que, selon la commune requérante, en imposant à une commune
d'intégrer un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité
propre, notamment dans le cas où elle a exprimé sa volonté de rejoindre un autre
groupement de coopération intercommunale, ces dispositions méconnaissent le
principe de la libre administration des collectivités territoriales énoncé à
l'article 72 de la Constitution ; qu'elles méconnaîtraient également les
principes d'égalité et d'interdiction de la tutelle d'une collectivité sur une
autre ;
3. Considérant, en premier lieu, que l'article 34 de la Constitution réserve au
législateur la détermination des principes fondamentaux de la libre
administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs
ressources ; qu'en vertu du troisième alinéa de l'article 72 de la Constitution,
les collectivités territoriales « s'administrent librement par des conseils élus
» ; qu'aux termes du cinquième alinéa de cet article : « Aucune collectivité
territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre. Cependant, lorsque
l'exercice d'une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités
territoriales, la loi peut autoriser l'une d'entre elles ou un de leurs
groupements à organiser les modalités de leur action commune » ;
4. Considérant que si le législateur peut, sur le fondement des articles 34 et
72 de la Constitution, assujettir les collectivités territoriales ou leurs
groupements à des obligations, ou les soumettre à des interdictions, c'est à la
condition, notamment, que les unes et les autres répondent à des fins d'intérêt
général ; que le principe de la libre administration des collectivités
territoriales, non plus que le principe selon lequel aucune collectivité
territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre ne font obstacle, en
eux-mêmes, à ce que le législateur organise les conditions dans lesquelles les
communes peuvent ou doivent exercer en commun certaines de leurs compétences
dans le cadre de groupements ;
5. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 5210-1-1 du code
général des collectivités territoriales, il est établi dans chaque département,
au vu d'une évaluation de la cohérence des périmètres et de l'exercice des
compétences des groupements existants, un schéma départemental de coopération
intercommunale ; que ce schéma prévoit une couverture intégrale du territoire
par des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre
et la suppression des enclaves et discontinuités territoriales ; qu'il prévoit
également les modalités de rationalisation des périmètres des établissements
publics de coopération intercommunale et des syndicats mixtes existants ; qu'il
peut, en particulier, proposer la création, la transformation ou la fusion
d'établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, ainsi
que la modification de leurs périmètres ; que le même article énumère les
orientations que doit prendre en compte le schéma et fixe les modalités de son
élaboration ainsi que de sa révision ;
6. Considérant que le paragraphe II de l'article 60 de la loi du 16 décembre
2010 porte sur la modification du périmètre des établissements publics de
coopération intercommunale à fiscalité propre ; que le premier alinéa de ce
paragraphe prévoit que, dès la publication du schéma départemental de
coopération intercommunale prévu à l'article L. 5210-1-1 du code général des
collectivités territoriales, ou au plus tard à compter du 1er janvier 2012, le
représentant de l'État dans le département propose, jusqu'au 31 décembre 2012,
pour la mise en oeuvre du schéma, la modification du périmètre de tout
établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ; qu'en
vertu du deuxième alinéa du même paragraphe II, à défaut de schéma arrêté, le
représentant de l'État peut proposer la modification du périmètre de tout
établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, par
arrêté pris avant le 31 décembre 2012, sous réserve du respect des objectifs
mentionnés aux paragraphes I et II du même article L. 5210-1-1 et de la prise en
compte des orientations définies au paragraphe III dudit article ; que le
troisième alinéa du paragraphe II de l'article 60 permet également au
représentant de l'État de proposer une modification de périmètre ne figurant pas
dans le schéma, sous la même réserve que précédemment ; que les deuxième et
troisième alinéas du paragraphe II de l'article 60 prévoient l'intervention,
pour avis, de la commission départementale de la coopération intercommunale ;
que cette commission est composée d'élus locaux représentant notamment les
communes et les établissements publics de coopération intercommunale ; que le
quatrième alinéa du paragraphe II de l'article 60 prévoit que les modification
apportées, dans les trois mois, par ladite commission dans des conditions de
majorité qualifiée doivent être intégrées dans l'arrêté du représentant de
l'État ;
7. Considérant qu'en vertu du septième alinéa du paragraphe II de l'article 60
de la loi du 16 décembre 2010, il appartient au représentant de l'État dans le
département, après avoir obligatoirement saisi les établissements publics de
coopération intercommunale à fiscalité propre intéressés et les communes
incluses dans le projet de périmètre, de prononcer la modification du périmètre
de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre «
après accord des conseils municipaux des communes incluses dans le projet de
périmètre » ; que cet accord « doit être exprimé par la moitié au moins des
conseils municipaux des communes intéressées représentant la moitié au moins de
la population totale de celles-ci, y compris le conseil de la commune dont la
population est la plus nombreuse si cette dernière représente au moins le tiers
de la population » ;
8. Considérant que, sous réserve de l'achèvement des procédures de consultation
prévues par la loi, les dispositions du huitième alinéa du paragraphe II de
l'article 60 permettent au représentant de l'État, jusqu'au 1er juin 2013, de
modifier le périmètre d'un établissement public de coopération intercommunale
nonobstant l'opposition des communes à intégrer dans celui-ci ou celle des
communes membres de l'établissement dont le périmètre est modifié ; que cette
modification du périmètre de l'établissement public de coopération
intercommunale à fiscalité propre est soumise à l'avis de la commission
départementale de coopération intercommunale ; que cette commission entend tout
maire d'une commune et tout président d'un tel établissement lorsque son
audition est de nature à éclairer ses délibérations ou qui en fait la demande ;
que l'arrêté de projet de périmètre intègre les nouvelles propositions de
modification adoptées par la commission départementale à la majorité des deux
tiers de ses membres ;
9. Considérant que le dernier alinéa du paragraphe II précise que « le présent
II s'applique de plein droit pendant une période d'un an suivant la publication
du schéma départemental de coopération intercommunale révisé conformément au
dernier alinéa du IV de l'article L. 5210-1-1 et pendant l'année 2018 » ;
10. Considérant, en premier lieu, que les règles relatives à l'intégration des
communes dans un établissement public de coopération intercommunale affectent la
libre administration de celles-ci ; qu'en imposant à des communes de faire
partie d'un établissement public de coopération intercommunale, notamment
lorsqu'elles souhaitent appartenir à un autre établissement public de
coopération intercommunale, le législateur a entendu favoriser « l'achèvement et
la rationalisation de la carte de l'intercommunalité » ; qu'en particulier, la
procédure prévue au huitième alinéa du paragraphe II de l'article 60, qui permet
au préfet de passer outre à l'opposition des communes n'est applicable que
jusqu'au 1er juin 2013 ; que le législateur a pu, dans les buts d'intérêt
général « d'achèvement et de rationalisation de la carte de l'intercommunalité
», apporter ces limitations à la libre administration des communes ; que tout
maire qui en fait la demande est entendu par la commission départementale de la
coopération intercommunale ; que, dans ces conditions, le grief tiré de la
méconnaissance de la libre administration des collectivités territoriales doit
être écarté ; que ces dispositions n'ont pas davantage pour effet de méconnaître
les dispositions du cinquième alinéa de l'article 72 de la Constitution en vertu
desquelles aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une
autre ;
11. Considérant, en second lieu, que les dispositions contestées sont
applicables à l'ensemble des communes et n'ont pas pour objet de traiter
différemment des communes qui sont dans des situations semblables ; que, par
suite, le grief tiré de ce que le législateur aurait méconnu le principe
d'égalité devant la loi doit être écarté ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les griefs soulevés par la
commune requérante doivent être écartés ;
13. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre
droit ou liberté que la Constitution garantit ; qu'elles doivent être déclarées
conformes à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- Le paragraphe II de l'article 60 de la loi n° 2010-1563 du 16
décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales est conforme à la
Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 25 avril 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY
MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de
SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par la commune de Maing, requérante, enregistrées
le 20 février et le 7 mars 2013 ;
Vu les observations produites pour le syndicat interdépartemental des eaux du
nord de la France - syndicat intercommunal d'assainissement du Nord (SIDEN-SIAN)
par la SELARL Landot et Associés, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 20
février 2013 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 22
février 2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Guillaume Glénard, avocat au barreau de Paris, pour le SIDEN-SIAN et M.
Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience
publique du 16 avril 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 5211-19 du code
général des collectivités territoriales : « Une commune peut se retirer de
l'établissement public de coopération intercommunale, sauf s'il s'agit d'une
communauté urbaine ou d'une métropole, dans les conditions prévues à l'article
L. 5211-25-1, avec le consentement de l'organe délibérant de l'établissement. À
défaut d'accord entre l'organe délibérant de l'établissement public de
coopération intercommunale et le conseil municipal concerné sur la répartition
des biens ou du produit de leur réalisation et du solde de l'encours de la dette
visés au 2° de l'article L. 5211-25-1, cette répartition est fixée par arrêté du
ou des représentants de l'État dans le ou les départements concernés. Cet arrêté
est pris dans un délai de six mois suivant la saisine du ou des représentants de
l'État dans le ou les départements concernés par l'organe délibérant de
l'établissement public de coopération intercommunale ou de l'une des communes
concernées.
« Le retrait est subordonné à l'accord des conseils municipaux exprimé dans les
conditions de majorité requises pour la création de l'établissement. Le conseil
municipal de chaque commune membre dispose d'un délai de trois mois à compter de
la notification de la délibération de l'organe délibérant au maire pour se
prononcer sur le retrait envisagé. À défaut de délibération dans ce délai, sa
décision est réputée défavorable.
« Lorsque la commune se retire d'un établissement public de coopération
intercommunale membre d'un syndicat mixte, ce retrait entraîne la réduction du
périmètre du syndicat mixte. Les conditions financières et patrimoniales du
retrait de la commune sont déterminées par délibérations concordantes du conseil
municipal de la commune et des organes délibérants du syndicat mixte et de
l'établissement public de coopération intercommunale. À défaut d'accord, ces
conditions sont arrêtées par le représentant de l'État.
« Pour les établissements publics de coopération intercommunale soumis au régime
fiscal prévu à l'article 1609 nonies C du code général des impôts, le retrait
n'est possible qu'à l'issue de la période d'unification des taux de cotisation
foncière des entreprises.
« La décision de retrait est prise par le ou les représentants de l'État dans le
ou les départements concernés » ;
2. Considérant que, selon la commune requérante, en interdisant à une commune de
se retirer d'un établissement public de coopération intercommunale sans l'accord
d'une majorité qualifiée des conseils municipaux des communes membres de cet
établissement public de coopération intercommunale, alors même que celle-ci
entendrait adhérer à un autre groupement de coopération intercommunale, les
dispositions contestées méconnaissent le principe de la libre administration des
collectivités territoriales énoncé à l'article 72 de la Constitution ; qu'elles
méconnaîtraient également les principes de subsidiarité et d'interdiction de la
tutelle d'une collectivité sur une autre ; qu'elles méconnaîtraient enfin le
droit à un recours effectif ;
3. Considérant, en premier lieu, que l'article 34 de la Constitution réserve au
législateur la détermination des principes fondamentaux de la libre
administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs
ressources ; qu'en vertu du troisième alinéa de l'article 72 de la Constitution,
dans les conditions prévues par la loi, les collectivités territoriales
s'administrent librement par des conseils élus ; qu'aux termes du cinquième
alinéa de cet article : « Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une
tutelle sur une autre. Cependant, lorsque l'exercice d'une compétence nécessite
le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi peut autoriser
l'une d'entre elles ou un de leurs groupements à organiser les modalités de leur
action commune » ;
4. Considérant que si le législateur peut, sur le fondement des articles 34 et
72 de la Constitution, assujettir les collectivités territoriales ou leurs
groupements à des obligations, ou les soumettre à des interdictions, c'est à la
condition, notamment, que les unes et les autres répondent à des fins d'intérêt
général ; que le principe de la libre administration des collectivités
territoriales, non plus que le principe selon lequel aucune collectivité
territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre, ne font obstacle, en
eux-mêmes, à ce que le législateur organise les conditions dans lesquelles les
communes peuvent ou doivent exercer en commun certaines de leurs compétences
dans le cadre de groupements ;
5. Considérant que les dispositions contestées fixent les conditions et les
modalités selon lesquelles, en l'absence d'autres dispositions particulières,
une commune peut se retirer d'un établissement public de coopération
intercommunale ; qu'elles excluent toute possibilité de retrait si cet
établissement est une communauté urbaine ou une métropole ; que le retrait est
subordonné à l'accord de l'organe délibérant de l'établissement public ainsi que
des conseils municipaux des communes membres de l'établissement ; que l'accord
de ces derniers doit être exprimé dans les conditions de majorité requises pour
la création de l'établissement public de coopération intercommunale ; qu'à
défaut de délibération dans un délai de trois mois, la décision du conseil
municipal de chaque commune membre est réputée défavorable ; qu'enfin la
décision de retrait est prise par le ou les représentants de l'État dans le ou
les départements concernés ;
6. Considérant, en premier lieu, que les règles relatives au retrait d'une
commune d'un établissement public de coopération intercommunale affectent la
libre administration de celle-ci ; qu'en subordonnant ce retrait à l'accord de
l'organe délibérant de l'établissement public et d'une majorité qualifiée des
conseils municipaux des communes intéressées, le législateur a entendu éviter
que le retrait d'une commune ne compromette le fonctionnement et la stabilité
d'un tel établissement ainsi que la cohérence des coopérations intercommunales ;
que le législateur a pu, dans ces buts d'intérêt général, apporter ces
limitations à la libre administration des communes ; que le grief tiré de la
méconnaissance de la libre administration des collectivités territoriales doit
être écarté ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article
72 de la Constitution : « Les collectivités territoriales ont vocation à prendre
les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en
oeuvre à leur échelon » ; que cette disposition n'institue pas un droit ou une
liberté qui puisse être invoqué à l'appui d'une question prioritaire de
constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution ;
8. Considérant, en troisième lieu, que, d'une part, la mise en oeuvre des
dispositions contestées est placée sous le contrôle du juge compétent ; que,
d'autre part, l'absence de disposition législative imposant la motivation des
délibérations s'opposant au retrait d'une commune ne porte pas atteinte au droit
des communes d'obtenir l'annulation d'une telle délibération ; que le grief tiré
de la méconnaissance du droit au recours doit, en tout état de cause, être
écarté ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les griefs soulevés par la
commune requérante doivent être écartés ;
10. Considérant que les dispositions contestées, qui ne sont contraires à aucun
autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées
conformes à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- L'article L. 5211-19 du code général des collectivités
territoriales est conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 25 avril 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY
MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de
SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités
territoriales ;
Vu la loi n° 2012-281 du 29 février 2012 visant à assouplir les règles relatives
à la refonte de la carte intercommunale ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la commune de Couvrot, par la SELARL
Itinéraires Droit public, avocat au barreau de Lyon, enregistrées le 29 mars
2013 ;
Vu les observations en intervention produites pour la communauté de communes
Pays de Lamalou-les-Bains et celle d'Avène-Orb - Gravezon, par Me Arnaud Cazin
d'Honincthun, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 22 mars et le 10 avril
2013 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 2 avril
2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Pierre-Stéphane Rey et Me Simon Rey, avocats au barreau de Lyon, pour la
commune de Couvrot, Me Arnaud Cazin d'Honincthun, avocat au barreau de Paris,
pour les communautés de communes intervenantes et M. Xavier Pottier, désigné par
le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 16 avril 2013;
Le rapporteur ayant été entendu
1. Considérant que l'article 60 de la loi du 16 décembre 2010
susvisée figure dans la section 3 « Dispositifs temporaires d'achèvement et de
rationalisation de l'intercommunalité » du chapitre II « Achèvement et
rationalisation de la carte de l'intercommunalité » du Titre III « Développement
et simplification de l'intercommunalité » ; qu'aux termes du paragraphe III de
cet article 60 tel que modifié par l'article premier de la loi du 29 février
2012 susvisée : « Dès la publication du schéma départemental de coopération
intercommunale prévu à l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités
territoriales ou au plus tard à compter du 1er janvier 2012, le représentant de
l'État dans le département propose, jusqu'au 31 décembre 2012, pour la mise en
oeuvre du schéma, la fusion d'établissements publics de coopération
intercommunale dont l'un au moins est à fiscalité propre.
« À défaut de schéma arrêté, il peut proposer, par arrêté pris avant le 31
décembre 2012 après avis de la commission départementale de la coopération
intercommunale, la fusion de plusieurs établissements publics de coopération
intercommunale dont l'un au moins est à fiscalité propre, sous réserve du
respect des objectifs mentionnés aux I et II du même article L. 5210-1-1 et de
la prise en compte des orientations définies au III dudit article.
« Le représentant de l'État dans le département peut également proposer un
périmètre de fusion ne figurant pas dans le schéma, sous la même réserve, après
avis de la commission départementale de la coopération intercommunale.
« Lorsqu'elle est saisie pour avis en application des deuxième et troisième
alinéas du présent III, la commission départementale de la coopération
intercommunale dispose d'un délai de trois mois à compter de sa saisine pour se
prononcer. À défaut de délibération dans ce délai, l'avis est réputé favorable.
L'arrêté intègre les propositions de modification adoptées par la commission
départementale dans les conditions de majorité prévues au quatrième alinéa du IV
du même article L. 5210-1-1.
« Un arrêté de projet de périmètre du nouvel établissement public de coopération
intercommunale dresse la liste des établissements publics de coopération
intercommunale appelés à fusionner. Il peut en outre comprendre des communes
appartenant ou non à un autre établissement public de coopération intercommunale
à fiscalité propre.
« Cet arrêté est notifié par le représentant de l'État dans le département aux
présidents des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité
propre intéressés afin de recueillir l'avis de l'organe délibérant et,
concomitamment, au maire de chaque commune incluse dans le projet de périmètre
afin de recueillir l'accord de chaque conseil municipal. À compter de la
notification de l'arrêté de projet de périmètre, les organes délibérants des
établissements et les conseils municipaux disposent d'un délai de trois mois
pour se prononcer. Á défaut de délibération de l'organe délibérant ou d'un
conseil municipal dans ce délai, l'avis est réputé favorable.
« La fusion est prononcée par arrêté du ou des représentants de l'État dans le
ou les départements concernés après accord des conseils municipaux des communes
incluses dans le projet de périmètre. L'accord des communes doit être exprimé
par la moitié au moins des conseils municipaux des communes intéressées,
représentant la moitié au moins de la population totale de celles-ci, y compris
le conseil municipal de la commune dont la population est la plus nombreuse si
cette dernière représente au moins le tiers de la population totale.
« À défaut d'accord des communes et sous réserve de l'achèvement des procédures
de consultation, le ou les représentants de l'État dans le ou les départements
concernés peuvent, jusqu'au 1er juin 2013, par décision motivée, après avis de
la commission départementale de la coopération intercommunale, fusionner des
établissements publics de coopération intercommunale. En vue de formuler son
avis, la commission départementale entend tout maire d'une commune et tout
président d'un établissement public de coopération intercommunale dont
l'audition est de nature à éclairer ses délibérations ou qui en fait la demande.
L'arrêté de fusion intègre les nouvelles propositions de modification du
périmètre adoptées par la commission départementale dans les conditions de
majorité prévues au quatrième alinéa du IV de l'article L. 5210-1-1 du code
général des collectivités territoriales. La commission dispose d'un délai d'un
mois à compter de sa saisine pour se prononcer. À défaut de délibération dans ce
délai, l'avis est réputé favorable.
« L'arrêté de fusion emporte, le cas échéant, retrait des communes des
établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont
elles sont membres et qui ne sont pas intégralement inclus dans le périmètre.
« L'arrêté fixe également les compétences du nouvel établissement public.
Celui-ci exerce l'intégralité des compétences dont sont dotés les établissements
publics de coopération intercommunale qui fusionnent, sur l'ensemble de son
périmètre.
« Les III et IV de l'article L. 5211-41-3 du même code sont applicables.
« Le présent III s'applique de plein droit pendant une période d'un an suivant
la publication du schéma départemental de coopération intercommunale révisé
conformément au dernier alinéa du IV de l'article L. 5210-1-1 du même code et
pendant l'année 2018 » ;
2. Considérant que selon la commune requérante, en imposant à une commune de
rejoindre un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité
propre issu d'une fusion de plusieurs établissements, alors même qu'elle aurait
émis le souhait d'en rejoindre un autre, ces dispositions méconnaissent le
principe de la libre administration des collectivités territoriales énoncé à
l'article 72 de la Constitution ; qu'elles porteraient également atteinte à
l'article 34 de la Constitution, le législateur ayant méconnu sa propre
compétence en renvoyant au préfet le soin de fusionner les établissements
publics de coopération intercommunale ;
3. Considérant, en premier lieu, que l'article 34 de la Constitution réserve au
législateur la détermination des principes fondamentaux de la libre
administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs
ressources ; qu'en vertu du troisième alinéa de l'article 72 de la Constitution,
les collectivités territoriales « s'administrent librement par des conseils élus
» ; qu'aux termes du cinquième alinéa de cet article : « Aucune collectivité
territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre. Cependant, lorsque
l'exercice d'une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités
territoriales, la loi peut autoriser l'une d'entre elles ou un de leurs
groupements à organiser les modalités de leur action commune » ;
4. Considérant que, si le législateur peut, sur le fondement des articles 34 et
72 de la Constitution, assujettir les collectivités territoriales ou leurs
groupements à des obligations, ou les soumettre à des interdictions, c'est à la
condition, notamment, que les unes et les autres répondent à des fins d'intérêt
général ; que le principe de la libre administration des collectivités
territoriales, non plus que le principe selon lequel aucune collectivité
territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre, ne font obstacle, en
eux-mêmes, à ce que le législateur organise les conditions dans lesquelles les
communes peuvent ou doivent exercer en commun certaines de leurs compétences
dans le cadre de groupements ;
5. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 5210-1-1 du code
général des collectivités territoriales, il est établi dans chaque département,
au vu d'une évaluation de la cohérence des périmètres et de l'exercice des
compétences des groupements existants, un schéma départemental de coopération
intercommunale ; que ce schéma prévoit une couverture intégrale du territoire
par des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre
et la suppression des enclaves et discontinuités territoriales ; qu'il prévoit
également les modalités de rationalisation des périmètres des établissements
publics de coopération intercommunale et des syndicats mixtes existants ; qu'il
peut, en particulier, proposer la création, la transformation ou la fusion
d'établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, ainsi
que la modification de leurs périmètres ; que le même article énumère les
orientations que doit prendre en compte le schéma et fixe les modalités de son
élaboration ainsi que de sa révision ;
6. Considérant que le paragraphe III de l'article 60 de la loi du 16 décembre
2010 porte sur la fusion d'établissements publics de coopération intercommunale
dont l'un au moins est à fiscalité propre ; que le premier alinéa de ce
paragraphe prévoit que, dès la publication du schéma départemental de
coopération intercommunale prévu à l'article L. 5210-1-1 du code général des
collectivités territoriales, ou au plus tard à compter du 1er janvier 2012, le
représentant de l'État dans le département propose, jusqu'au 31 décembre 2012,
pour la mise en œuvre du schéma, la fusion d'établissements publics de
coopération intercommunale dont l'un au moins est à fiscalité propre ; qu'en
vertu du deuxième alinéa du même paragraphe III, à défaut de schéma arrêté, le
représentant de l'État peut proposer la fusion de tels établissements publics,
par arrêté pris avant le 31 décembre 2012, sous réserve du respect des objectifs
mentionnés aux paragraphes I et II du même article L. 5210-1-1 et de la prise en
compte des orientations définies au paragraphe III dudit article ; que le
troisième alinéa du paragraphe III de l'article 60 permet également au
représentant de l'État de proposer un périmètre de fusion ne figurant pas dans
le schéma, sous la même réserve que précédemment ; que les deuxième et troisième
alinéas du paragraphe III prévoient l'intervention, pour avis, de la commission
départementale de la coopération intercommunale ; que cette commission est
composée d'élus locaux représentant notamment les communes et les établissements
publics de coopération intercommunale ; que le quatrième alinéa du paragraphe
III de l'article 60 prévoit que les propositions de modification apportées, dans
le délai de trois mois, par ladite commission dans des conditions de majorité
qualifiée doivent être intégrées dans l'arrêté du représentant de l'État ;
7. Considérant qu'en vertu du septième alinéa du paragraphe III de l'article 60
de la loi du 16 décembre 2010, il appartient au représentant de l'État dans le
département, après avoir obligatoirement saisi les établissements publics de
coopération intercommunale à fiscalité propre intéressés et les communes
incluses dans le projet de périmètre, de prononcer la fusion des établissements
publics de coopération intercommunale dont l'un au moins est à fiscalité propre
« après accord des conseils municipaux des communes incluses dans le projet de
périmètre » ; que cet accord « doit être exprimé par la moitié au moins des
conseils municipaux des communes intéressées représentant au moins la moitié de
la population totale de celles-ci, y compris le conseil de la commune dont la
population est la plus nombreuse si cette dernière représente au moins le tiers
de la population » ;
8. Considérant que, sous réserve de l'achèvement des procédures de consultation
prévues par la loi, les dispositions du huitième alinéa du paragraphe III de
l'article 60 permettent au préfet, jusqu'au 1er juin 2013, de fusionner des
établissements publics de coopération intercommunale nonobstant l'opposition des
communes intéressées ; que cette décision de fusion est soumise à l'avis de la
commission départementale de coopération intercommunale ; que cette commission
entend tout maire d'une commune et tout président d'un tel établissement lorsque
son audition est de nature à éclairer ses délibérations ou qui en fait la
demande ; que l'arrêté de fusion intègre les nouvelles propositions de
modification adoptées par la commission départementale à la majorité des deux
tiers de ses membres ;
9. Considérant que le dernier alinéa du paragraphe III précise que « le présent
III s'applique de plein droit pendant une période d'un an suivant la publication
du schéma départemental de coopération intercommunale révisé conformément au
dernier alinéa du IV de l'article L. 5210-1-1 et pendant l'année 2018 » ;
10. Considérant, en premier lieu, que les règles relatives à la fusion des
établissements publics de coopération intercommunale affectent la libre
administration des communes faisant partie de ces établissements publics ; qu'en
imposant à des communes de faire partie d'un établissement public de coopération
intercommunale, notamment lorsqu'elles souhaitent appartenir à un autre
établissement public de coopération intercommunale, le législateur a entendu
favoriser « la rationalisation de la carte de l'intercommunalité » et le
renforcement de l'intercommunalité à fiscalité propre ; qu'en particulier, la
procédure prévue au huitième alinéa du paragraphe III de l'article 60, qui
permet au préfet de passer outre à l'opposition des communes, n'est applicable
que jusqu'au 1er juin 2013 ; que le législateur a pu, dans les buts d'intérêt
général de renforcement et de « rationalisation de la carte de
l'intercommunalité », apporter ces limitations à la libre administration des
communes ; que tout maire qui en fait la demande est entendu par la commission
départementale de la coopération intercommunale ; que, dans ces conditions, le
grief tiré de la méconnaissance de la libre administration des collectivités
territoriales doit être écarté ;
11. Considérant, en second lieu, que la méconnaissance par le législateur de sa
propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de
constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même
un droit ou une liberté que la Constitution garantit ; qu'il appartenait au
législateur compétent, en vertu de l'article 34 de la Constitution, pour
déterminer les principes fondamentaux de la libre administration des
collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources, de
définir de façon suffisamment précise les modalités de fusion des établissements
publics de coopération intercommunale ; qu'en fixant, par les dispositions
contestées, les règles de cette fusion et en confiant sa mise en œuvre aux
représentants de l'État, le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa
compétence ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les griefs soulevés par la
commune requérante doivent être écartés ;
13. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre
droit ou liberté que la Constitution garantit ; qu'elles doivent être déclarées
conformes à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- Le paragraphe III de l'article 60 de la loi n° 2010-1563 du 16
décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales est conforme à la
Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 25 avril 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY
MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de
SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 20 février 2013 par
la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par
M. Jérôme P. Cette question était relative à la conformité aux droits et
libertés que la Constitution garantit du cinquième alinéa du paragraphe IV de
l'article 81 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971. Cette disposition prévoit
que le conseil de l'ordre du barreau de Papeete siège comme conseil de
discipline pour les avocats inscrits à ce barreau. Ainsi le législateur a
maintenu en Polynésie française ce conseil de l'ordre dans ses attributions
disciplinaires alors que, par la loi n° 2004-130 du 11 février 2004, il a
institué dans les autres barreaux un conseil de discipline unique dans le
ressort de chaque cour d'appel.
En premier lieu, le Conseil constitutionnel a relevé qu'en prévoyant des règles
de composition spécifiques pour l'organe disciplinaire des avocats inscrits au
barreau de Papeete, le législateur a entendu tenir compte du particulier
éloignement de la Polynésie française des autres parties du territoire national
et du fait que la cour d'appel de Papeete ne comprend qu'un seul barreau. Le
Conseil a jugé qu'en n'instituant pas un conseil de discipline des avocats au
niveau de la cour d'appel, le législateur a instauré une différence de
traitement qui tient compte de la situation particulière de la Polynésie
française.
En second lieu, le Conseil a jugé que le maintien du conseil de l'ordre d'un
barreau dans ses attributions disciplinaires n'est pas, en lui-même, contraire
aux exigences d'indépendance et d'impartialité de l'organe disciplinaire.
Toutefois, les dispositions contestées ne sauraient, sans porter atteinte au
principe d'impartialité de l'organe disciplinaire, s'interpréter comme
permettant au bâtonnier en exercice de l'ordre du barreau de Papeete, ainsi
qu'aux anciens bâtonniers ayant engagé la poursuite disciplinaire, de siéger
dans la formation disciplinaire du conseil de l'ordre du barreau de Papeete. Le
Conseil a jugé que, sous cette réserve, le cinquième alinéa du paragraphe IV de
l'article 81 de la loi du 31 décembre 1971 est conforme à la Constitution.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de
la Polynésie française ;
Vu la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines
professions judiciaires et juridiques ;
Vu la loi n° 2004-130 du 11 février 2004 réformant le statut de certaines
professions judiciaires ou juridiques, des experts judiciaires, des conseils en
propriété industrielle et des experts en ventes aux enchères publiques ;
Vu l'ordonnance n° 2006-639 du 1er juin 2006 portant extension et adaptation
outre-mer de dispositions réformant le statut des avocats, des notaires, des
experts judiciaires, des conseils en propriété industrielle et des
administrateurs judiciaires ;
Vu le 26° du paragraphe I de l'article 20 de la loi n° 2007-224 du 21 février
2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à
l'outre-mer ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Waquet - Farge -
Hazan, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 14
mars 2013 et le 28 mars 2013 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 14 mars
2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Claire Waquet, pour le requérant, et M. Xavier Pottier, désigné par le
Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 23 avril 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 22 de la loi du 31 décembre 1971
susvisée, dans sa rédaction résultant de l'article 28 de la loi du 11 février
2004 susvisée : « Un conseil de discipline institué dans le ressort de chaque
cour d'appel connaît des infractions et fautes commises par les avocats relevant
des barreaux qui s'y trouvent établis.
« Toutefois, le Conseil de l'ordre du barreau de Paris siégeant comme conseil de
discipline connaît des infractions et fautes commises par les avocats qui y sont
inscrits.
« L'instance disciplinaire compétente en application des alinéas qui précèdent
connaît également des infractions et fautes commises par un ancien avocat, dès
lors qu'à l'époque des faits il était inscrit au tableau ou sur la liste des
avocats honoraires de l'un des barreaux établis dans le ressort de l'instance
disciplinaire » ;
2. Considérant qu'aux termes du cinquième alinéa du paragraphe IV de l'article
81 de cette même loi du 31 décembre 1971, dans sa rédaction résultant de
l'ordonnance du 1er juin 2006 susvisée, en Polynésie française, « pour
l'application des articles 22 à 25-1, le conseil de l'ordre du barreau de
Papeete, siégeant comme conseil de discipline, connaît des infractions et fautes
commises par les avocats qui y sont inscrits. Il connaît également des
infractions et fautes commises par un ancien avocat, dès lors qu'à l'époque des
faits il était inscrit au tableau ou sur la liste des avocats honoraires du
barreau » ;
3. Considérant que, selon le requérant, en soumettant les avocats inscrits au
barreau de Papeete à un organe disciplinaire composé selon des règles
différentes de celles applicables aux autres barreaux de métropole, les
dispositions contestées méconnaissent le principe d'égalité devant la justice,
le respect des droits de la défense et les principes d'indépendance et
d'impartialité des juridictions ;
4. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le
cinquième alinéa du paragraphe IV de l'article 81 de la loi du 31 décembre 1971
susvisée ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit
qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que son article 16 dispose : « Toute
société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation
des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que, si le législateur
peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations
et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces
différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées
aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe
des droits de la défense, qui implique en particulier l'existence d'une
procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties ;
6. Considérant, en premier lieu, qu'en vertu de l'article 74 de la Constitution,
la Polynésie française a un statut qui tient compte de ses intérêts propres au
sein de la République ; que ce statut est défini par une loi organique, adoptée
après avis de l'assemblée délibérante ; que les autres modalités de
l'organisation particulière de cette collectivité sont définies et modifiées par
la loi après consultation de cette assemblée ; qu'en vertu de l'article 14 de la
loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie
française, « l'organisation de la profession d'avocat » est au nombre des
matières pour lesquelles les autorités de l'État sont compétentes ; qu'il
ressort de l'article 7 de cette même loi organique que les dispositions
législatives relevant de cette matière ne sont applicables en Polynésie
française que si elles comportent une mention expresse à cette fin ;
7. Considérant que le cinquième alinéa du paragraphe IV de l'article 81 de la
loi du 31 décembre 1971 prévoit que, pour l'application en Polynésie française
des articles 22 à 25-1 de cette même loi, le conseil de l'ordre du barreau de
Papeete, siégeant comme conseil de discipline, connaît des infractions et fautes
commises par les avocats qui y sont inscrits ; qu'il prévoit que ce même conseil
de l'ordre connaît également des infractions et fautes commises par un ancien
avocat, dès lors qu'à l'époque des faits il était inscrit au tableau ou sur la
liste des avocats honoraires du barreau ; qu'ainsi, par dérogation aux
dispositions de l'article 28 de la loi du 11 février 2004 susvisée, instituant
un conseil de discipline unique dans le ressort de chaque cour d'appel, le
législateur a maintenu le conseil de l'ordre du barreau de Papeete dans ses
attributions disciplinaires ; qu'en prévoyant des règles de composition
spécifiques pour l'organe disciplinaire des avocats inscrits au barreau de
Papeete, le législateur a entendu tenir compte du particulier éloignement de la
Polynésie française des autres parties du territoire national et du fait que la
cour d'appel de Papeete ne comprend qu'un seul barreau ; que, dès lors, en
n'instituant pas un conseil de discipline des avocats au niveau de la cour
d'appel, le législateur a instauré une différence de traitement qui tient compte
de la situation particulière de la Polynésie française ;
8. Considérant, en second lieu, qu'en instituant un conseil de discipline unique
dans le ressort de chaque cour d'appel, le législateur a entendu garantir
l'impartialité de l'instance disciplinaire des avocats en remédiant aux risques
de proximité entre les membres qui composent cette instance et les avocats qui
en sont justiciables ; que, pour autant, le maintien du conseil de l'ordre d'un
barreau dans ses attributions disciplinaires n'est pas, en lui-même, contraire
aux exigences d'indépendance et d'impartialité de l'organe disciplinaire ;
9. Considérant que, toutefois, en vertu de l'article 23 de la loi du 31 décembre
1971, l'instance disciplinaire est saisie par le procureur général près la cour
d'appel dans le ressort de laquelle elle est instituée ou le bâtonnier dont
relève l'avocat mis en cause ; que l'article 24 dispose que lorsque l'urgence ou
la protection du public l'exigent, le conseil de l'ordre peut, à la demande du
procureur général ou du bâtonnier, suspendre provisoirement de ses fonctions
l'avocat qui en relève ; que, par suite, les dispositions du cinquième alinéa du
paragraphe IV de l'article 81 de la loi du 31 décembre 1971, qui rendent
applicables en Polynésie française les articles 22 à 25-1 de cette même loi avec
les adaptations mentionnées ci-dessus, ne sauraient, sans porter atteinte au
principe d'impartialité de l'organe disciplinaire, être interprétées comme
permettant au bâtonnier en exercice de l'ordre du barreau de Papeete, ainsi
qu'aux anciens bâtonniers ayant engagé la poursuite disciplinaire, de siéger
dans la formation disciplinaire du conseil de l'ordre du barreau de Papeete ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sous la réserve énoncée au
considérant 9, les griefs tirés de la méconnaissance du principe d'égalité
devant la justice, ainsi que de l'atteinte aux droits de la défense et aux
principes d'indépendance et d'impartialité des juridictions, doivent être
écartés ;
11. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre
droit ou liberté que la Constitution garantit, qu'elles doivent être déclarées
conformes à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- Sous la réserve énoncée au considérant 9, le cinquième alinéa du
paragraphe IV de l'article 81 de la loi du 31 décembre 1971 est conforme à la
Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 16 mai 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY
MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de
SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 20 février 2013 par
la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par
la société ÉCOCERT France. Cette question était relative à la conformité aux
droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 53 de la loi du 29
juillet 1881 sur la liberté de la presse.
L'article 53 de la loi du 29 juillet 1881, relatif à la saisine du tribunal en
droit de la presse, fixe les formalités substantielles de la citation en justice
pour les infractions prévues par cette loi. La Cour de cassation juge que ces
dispositions s'appliquent devant la juridiction civile.
Le Conseil constitutionnel a relevé qu'en imposant que la citation précise et
qualifie le fait incriminé et que l'auteur de la citation élise domicile dans la
ville où siège la juridiction saisie, le législateur a entendu que le défendeur
soit mis à même de préparer utilement sa défense dès la réception de la
citation. Il a jugé que la conciliation ainsi opérée entre, d'une part, le droit
à un recours juridictionnel du demandeur et, d'autre part, la protection
constitutionnelle de la liberté d'expression et le respect des droits de la
défense ne revêt pas, y compris dans les procédures d'urgence, un caractère
déséquilibré.
Le Conseil constitutionnel a conclu que l'article 53 de la loi du 29 juillet
1881 est conforme à la Constitution
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;
Vu l'arrêt de la Cour de cassation, Assemblée plénière, du 15 février 2013, n°
11-14637 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la société Écocert par la SCP Nicolaÿ, de
Lanouvelle, Hannotin, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation,
enregistrées le 13 mars, le 25 mars et le 28 mars 2013 ;
Vu les observations produites pour la Société France Télévisions par la SCP
Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation,
enregistrées le 13 mars et le 27 mars 2013 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 14 mars
2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Emmanuel Piwnica et Me Éric Andrieu, avocat au barreau de Paris, pour la
société France Télévisions et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier
ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 23 avril 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 : «
La citation précisera et qualifiera le fait incriminé, elle indiquera le texte
de loi applicable à la poursuite.
« Si la citation est à la requête du plaignant, elle contiendra élection de
domicile dans la ville où siège la juridiction saisie et sera notifiée tant au
prévenu qu'au ministère public.
« Toutes ces formalités seront observées à peine de nullité de la poursuite » ;
2. Considérant que, selon la société requérante, en imposant que la citation
pour des infractions de presse désigne précisément les propos ou écrits
incriminés et en donne la qualification pénale, ces dispositions conditionnent
l'accès au juge à des règles de recevabilité d'un formalisme excessif qui ne
trouvent aucune justification devant les juridictions civiles ; qu'il en irait
de même de l'obligation d'élire domicile dans la ville où siège la juridiction
saisie et de notifier la citation au ministère public ; que la sanction de
nullité en cas de non-respect de ces exigences présenterait un caractère
disproportionné ; que, par suite, les dispositions contestées méconnaîtraient le
droit au recours effectif ; qu'il conviendrait à tout le moins d'exclure
l'application de ces dispositions devant les juridictions civiles, en
particulier lorsqu'elles sont saisies selon la procédure de référé ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des
droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de
Constitution » ; qu'il ressort de cette disposition qu'il ne doit pas être porté
d'atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d'exercer un
recours effectif devant une juridiction ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la Déclaration de 1789 : « La
libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus
précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement,
sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi »
; que la liberté d'expression et de communication est d'autant plus précieuse
que son exercice est une condition de la démocratie et l'une des garanties du
respect des autres droits et libertés ;
5. Considérant que les dispositions contestées fixent les formalités
substantielles de la citation en justice pour les infractions prévues par la loi
du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ; que, par son arrêt susvisé du
15 février 2013, l'assemblée plénière de la Cour de cassation a jugé que
l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 « doit recevoir application devant la
juridiction civile » ; qu'en imposant que la citation précise et qualifie le
fait incriminé et que l'auteur de la citation élise domicile dans la ville où
siège la juridiction saisie, le législateur a entendu que le défendeur soit mis
à même de préparer utilement sa défense dès la réception de la citation et,
notamment, puisse, s'il est poursuivi pour diffamation, exercer le droit, qui
lui est reconnu par l'article 55 de la loi du 29 juillet 1881, de formuler en
défense une offre de preuve dans un délai de dix jours à compter de la citation
; que la conciliation ainsi opérée entre, d'une part, le droit à un recours
juridictionnel du demandeur et, d'autre part, la protection constitutionnelle de
la liberté d'expression et le respect des droits de la défense ne revêt pas, y
compris dans les procédures d'urgence, un caractère déséquilibré ; que
l'obligation de dénoncer la citation au ministère public ne constitue pas
davantage une atteinte substantielle au droit d'agir devant les juridictions ;
qu'il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de l'atteinte au droit à un
recours juridictionnel effectif doivent être écartés ;
6. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre
droit ou liberté que la Constitution garantit ; qu'elles doivent être déclarées
conformes à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- L'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la
presse est conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
2 DECISIONS QPC DU 22 MAI 2013
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 22 février 2013 par le Conseil
d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Jory
Orlando T. Cette question était relative à la conformité aux droits et libertés
que la Constitution garantit du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et
du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA).
Le 4° de l'article L. 313-11 du CESEDA porte sur la délivrance de la carte de
séjour temporaire à l'étranger marié à un ressortissant de nationalité
française. Le requérant soutenait qu'en n'accordant pas à un étranger lié avec
un ressortissant français par un pacte civil de solidarité (PACS) les mêmes
droits à une carte de séjour temporaire que ceux accordés à un étranger marié
avec un ressortissant français, le 4° de l'article 313-11 portait atteinte au
droit de mener une vie familiale normale et au principe d'égalité.
Le Conseil constitutionnel n'a pu que constater que ces griefs étaient
inopérants. Le 4° de l'article L. 313-11 n'est pas relatif à la situation des
personnes liées par un PACS que le requérant entend contester. Les intéressés
sont régis par les dispositions de l'article 12 de la loi du 15 novembre 1999
relative au PACS et par le 7° de l'article L. 313-11 du CESEDA. Ces dispositions
n'étaient pas soumises au Conseil constitutionnel.
Par ailleurs le 4° de l'article L. 313-11 du CESEDA, qui concerne les personnes
mariées, est conforme à la Constitution. Le législateur a pu, sans méconnaître
la liberté du mariage ni porter une atteinte excessive au droit de mener une vie
familiale normale, soumettre la délivrance de plein droit d'une carte de séjour
temporaire au conjoint étranger d'un ressortissant français ne vivant pas en
état de polygamie, à la condition que le mariage ait été contracté depuis au
moins un an, que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis lors, que le
conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été
célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de
l'état civil français.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée
et de séjour des étrangers en France ;
Vu la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Gadiou Chevallier,
avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation et Me Gérard Tcholakian,
avocat au barreau de Paris, enregistrées le 18 mars 2013 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre enregistrées le 18 mars
2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Jean-Pierre Chevallier pour le requérant et M. Xavier Pottier, désigné par le
Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 23 avril 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des
étrangers et du droit d'asile fixe les cas dans lesquels une carte de séjour
temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein
droit à un étranger, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre
public ; qu'aux termes du 4° de cet article , une telle carte est délivrée « à
l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de
nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé
depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et,
lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit
préalablement sur les registres de l'état civil français » ;
2. Considérant que, selon le requérant, en n'accordant pas à un étranger lié
avec un ressortissant français par un pacte civil de solidarité les mêmes droits
à une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale »
que ceux qui sont accordés à un étranger marié avec un ressortissant français,
les dispositions contestées portent atteinte au droit de mener une vie familiale
normale et au principe d'égalité ;
3. Considérant, en premier lieu, que les dispositions du 4° de l'article L.
313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne
portent que sur la délivrance de la carte de séjour temporaire à l'étranger
marié à un ressortissant de nationalité française ;
4. Considérant que, par ailleurs, aux termes de l'article 12 de la loi du 15
novembre 1999 susvisée, « la conclusion d'un pacte civil de solidarité constitue
l'un des éléments d'appréciation des liens personnels en France au sens du 7° de
l'article 12 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux
conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, pour l'obtention d'un
titre de séjour » ; que cet article 12 bis a été codifié dans l'article L.
313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
qu'en vertu du 7° de ce dernier article, sauf si sa présence constitue une
menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention «
vie privée et familiale » est délivrée de plein droit « à l'étranger ne vivant
pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou
dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens
personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur
intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence
de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la
nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que
le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie
privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus,
sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée » ;
5. Considérant que la question de la conformité aux droits et libertés que la
Constitution garantit des dispositions de l'article 12 de la loi du 15 novembre
1999 susvisée n'a pas été renvoyée au Conseil constitutionnel par le Conseil
d'État ; que n'a pas davantage été renvoyée celle des dispositions du 7° de
l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit
d'asile ; que les griefs fondés sur la situation particulière des personnes
liées par un pacte civil de solidarité, dirigés contre le 4° de l'article L.
313-11 du même code sont inopérants ;
6. Considérant, en second lieu, que, compte tenu des objectifs d'intérêt public
qu'il s'est assignés, le législateur a pu, sans méconnaître la liberté du
mariage ni porter une atteinte excessive au droit de mener une vie familiale
normale, soumettre la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire
au conjoint étranger d'un ressortissant français ne vivant pas en état de
polygamie, à la condition que le mariage ait été contracté depuis au moins un
an, que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis lors, que le conjoint ait
conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à
l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état
civil français ;
7. Considérant que les dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de
l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne méconnaissent aucun
autre droit ou liberté que la Constitution garantit ; qu'elles doivent être
déclarées conformes à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- Les dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée
et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont conformes à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Article 3.- Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 mai
2013, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes
Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud
DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 22 février 2013 par
le Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la
chambre de commerce et d'industrie de région des îles de Guadeloupe et les
autres chambres de commerce et d'industrie des départements d'outre-mer. Cette
question était relative à la conformité aux droits et libertés que la
Constitution garantit de « l'article L. 5312-7 du code des transports dans sa
rédaction résultant de l'article L. 5713-1-1 du même code créé par l'article 1er
de la loi du 22 février 2012 portant réforme des ports d'outre-mer relevant de
l'État et diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de
l'Union européenne dans le domaine des transports ».
Les dispositions contestées, applicables aux grands ports maritimes de
Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de la Réunion, prévoient une composition
du conseil de surveillance de ces grands ports maritimes différente de celle du
conseil de surveillance des grands ports maritimes de métropole. Elles prévoient
un avis des collectivités territoriales et de leurs groupements pour la
nomination de personnalités qualifiées élues par les chambres de commerce et
d'industrie au conseil de surveillance de ces grands ports maritimes.
Le Conseil constitutionnel a jugé ces dispositions conformes à la Constitution.
Il a relevé que le législateur a entendu, d'une part, prendre en compte la
spécificité du mode de gestion de ces ports antérieur à la loi du 22 février
2012, et, d'autre part, assurer une représentation accrue des collectivités
territoriales au sein du conseil de surveillance et leur accorder une influence
particulière. Compte tenu de la situation géographique des départements
d'outre-mer, ces ports occupent une place particulière dans leur réseau de
transports et leur économie générale. Dès lors, le Conseil a jugé que ces
circonstances constituent, au sens de l'article 73 de la Constitution, des «
caractéristiques et contraintes particulières » de nature à les justifier.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code des transports ;
Vu la loi n° 2012-260 du 22 février 2012 portant réforme des ports d'outre-mer
relevant de l'État et diverses dispositions d'adaptation de la législation au
droit de l'Union européenne dans le domaine des transports ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites, pour les chambres de commerce et d'industrie
requérantes, par la SELARL Claisse et Associés, avocat au barreau de Paris,
enregistrées les 15 et 29 mars 2013 ;
Vu les observations en intervention produites pour l'Association des chambres de
commerce et d'industrie des outre-mer, par la SELARL Claisse et Associés, avocat
au barreau de Paris, enregistrées le 15 mars 2013 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 18 mars
2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Yves Claisse, pour les chambres de commerce et d'industrie requérantes et
l'association intervenante et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier
ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 23 avril 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que l'article L. 5713-1-1 du code des transports prévoit que,
pour son application aux ports maritimes de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique
et de La Réunion figurant sur une liste fixée par décret en Conseil d'État, le
chapitre II du titre Ier du livre III de la cinquième partie du code des
transports fait l'objet d'adaptations ; qu'au nombre de ces adaptations, celle
du 4° de l'article L. 5713-1-1 prévoit que : « L'article L. 5312-7 est ainsi
rédigé :
« " Art. L. 5312-7. - Le conseil de surveillance est composé de :
« " a) quatre représentants de l'État ;
« " b) quatre représentants des collectivités territoriales et de leurs
groupements en Martinique et à La Réunion et cinq représentants des
collectivités territoriales et de leurs groupements en Guyane et en Guadeloupe.
En Guadeloupe et à La Réunion, sont membres du conseil de surveillance au moins
un représentant de la région et un représentant du département, en Guyane, deux
représentants de l'assemblée de Guyane et, en Martinique, deux représentants de
l'assemblée de Martinique ;
« " c) trois représentants du personnel de l'établissement public, dont un
représentant des cadres et assimilés ;
« "d) six personnalités qualifiées en Martinique et à La Réunion et cinq
personnalités qualifiées en Guyane et en Guadeloupe, nommées par l'autorité
compétente de l'État après avis des collectivités territoriales et de leurs
groupements dont une partie du territoire est située dans la circonscription du
port, parmi lesquelles trois représentants élus de la chambre de commerce et
d'industrie territorialement compétente et un représentant du monde économique ;
« " Le conseil de surveillance élit son président. La voix du président est
prépondérante en cas de partage égal des voix " » ;
2. Considérant que, selon les chambres de commerce et d'industrie requérantes,
en prévoyant un avis des collectivités territoriales et de leurs groupements
pour la nomination de personnalités qualifiées élues par les chambres de
commerce et d'industrie au conseil de surveillance des grands ports maritimes
des départements d'outre-mer, alors qu'un tel avis n'est pas prévu pour la
personnalité qualifiée élue par les chambres de commerce et d'industrie au
conseil de surveillance des grands ports maritimes de métropole, les
dispositions contestées portent atteinte au principe d'égalité devant la loi et
ne sont pas justifiées par les caractéristiques et contraintes particulières des
départements d'outre-mer ; que serait également méconnu un principe fondamental
reconnu par les lois de la République d'autonomie des chambres de commerce et
d'industrie ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 73
de la Constitution : « Dans les départements et les régions d'outre-mer, les
lois et règlements sont applicables de plein droit. Ils peuvent faire l'objet
d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces
collectivités » ;
4. Considérant que la rédaction de l'article L. 5312-7 du code des transports
qui résulte du 4° de l'article L. 5713-1-1 du même code, applicable aux ports
maritimes de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de La Réunion figurant sur
une liste fixée par décret en Conseil d'État, prévoit une composition du conseil
de surveillance des grands ports maritimes de ces départements différente de
celle du conseil de surveillance des grands ports maritimes de métropole ; qu'en
adoptant ces dispositions, le législateur a entendu, d'une part, prendre en
compte la spécificité du mode de gestion de ces ports antérieur à la loi du 22
février 2012 susvisée, et, d'autre part, assurer une représentation accrue des
collectivités territoriales au sein du conseil de surveillance et leur accorder
une influence particulière ; que, compte tenu de la situation géographique des
départements d'outre-mer, ces ports occupent une place particulière dans leur
réseau de transports et leur économie générale ; que ces circonstances
constituent, au sens de l'article 73 de la Constitution, des « caractéristiques
et contraintes particulières » de nature à permettre au législateur, d'une part,
de prévoir un nombre de représentants des collectivités territoriales et de
leurs groupements plus élevé que pour le conseil de surveillance des ports de
métropole, et d'autre part, de prévoir que la nomination des personnalités
qualifiées, dont celles élues par les chambres de commerce et d'industrie,
intervient après avis des collectivités territoriales et de leurs groupements
dont une partie du territoire est située dans la circonscription du port ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de
l'atteinte à l'égalité devant la loi doivent être écartés ;
6. Considérant, en second lieu, que contrairement à ce que soutiennent les
chambres de commerce et d'industrie requérantes, les dispositions contestées ne
portent atteinte à aucun principe constitutionnel applicable aux chambres de
commerce et d'industrie ni à aucun autre droit ou liberté que la Constitution
garantit ; que, par suite, le 4° de l'article L. 5713-1-1 du code des transports
doit être déclaré conforme à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- Le 4° de l'article L. 5713-1-1 du code des transports est conforme
à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 mai 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY
MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de
SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
Rendu public le 22 mai 2013.
2 DECISIONS QPC DU 24 MAI 2013
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 13 mars 2013 par le
Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la SCI
Pascal et M. Richard P. Cette question était relative à la conformité aux droits
et libertés que la Constitution garantit du 1° de l'article L. 2111-4 du code
général de la propriété des personnes publiques.
Les dispositions contestées prévoient que le domaine public maritime naturel de
l'État comprend : « 1° Le sol et le sous-sol de la mer entre la limite
extérieure de la mer territoriale et, côté terre, le rivage de la mer.
«Le rivage de la mer est constitué par tout ce qu'elle couvre et découvre
jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations
météorologiques exceptionnelles».
Le Conseil constitutionnel a relevé que ces dispositions ont notamment pour
objet de fixer, sur le rivage de la mer, la limite entre le domaine public
maritime naturel et les propriétés privées. Le législateur a retenu un critère
physique objectif indépendant de la volonté de la puissance publique et a
considéré que les espaces couverts, même épisodiquement, par les flots ne
peuvent faire l'objet d'une propriété privée. Par suite, le Conseil a jugé que
les dispositions contestées n'entraînent ni une privation de propriété au sens
de l'article 17 de la Déclaration de 1789 ni une atteinte contraire à l'article
2 de la Déclaration de 1789.
D'autre part, le Conseil constitutionnel a relevé que le propriétaire riverain
dispose des voies de droit notamment pour contester l'incorporation au domaine
public maritime naturel. Pour prévenir un risque d'incorporation, il peut aussi
être autorisé à construire une digue à la mer. Dès lors, le Conseil a jugé que
les exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789 étaient
respectées, sous une réserve relative à une situation particulière. Lorsqu'une
digue à la mer construite par un propriétaire est incorporée au domaine public
maritime naturel en raison de la progression du rivage de la mer, il peut être
imposé à l'intéressé de procéder à sa destruction. Ce dernier peut ainsi voir sa
propriété privée de la protection assurée par l'ouvrage qu'il avait légalement
érigé. Le Conseil a jugé que dans ces conditions, la garantie des droits du
propriétaire riverain de la mer ayant élevé une digue à la mer ne serait pas
assurée s'il était forcé de la détruire à ses frais en raison de l'évolution des
limites du domaine public maritime naturel.
Sous cette réserve, le Conseil constitutionnel a jugé que le 1° de l'article L.
2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques est conforme à la
Constitution.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;
Vu la loi du 16 septembre 1807 relative au dessèchement des marais, notamment
son article 33 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations en intervention produites pour la SARL La Siesta par Me
Patrice Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, les 2 et 19
avril 2013
Vu les observations produites pour les requérants par la SCP Scheuer, Vernhet et
associés, avocat au barreau de Montpellier, le 4 avril 2013 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 4 avril
2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Jérôme Jeanjean, avocat au barreau de Montpellier, pour les requérants, Me
Spinosi pour la partie intervenante et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier
ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 14 mai 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu
1. Considérant que le 1° de l'article L. 2111-4 du code
général de la propriété des personnes publiques prévoit que le domaine public
maritime naturel de l'État comprend : « 1° Le sol et le sous-sol de la mer entre
la limite extérieure de la mer territoriale et, côté terre, le rivage de la mer.
« Le rivage de la mer est constitué par tout ce qu'elle couvre et découvre
jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations
météorologiques exceptionnelles » ;
2. Considérant que, selon les requérants, en permettant au domaine public
maritime naturel d'empiéter sur des propriétés privées riveraines de la mer sans
que soit prévue une juste et préalable indemnité, les dispositions contestées
portent atteinte au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; que, par
l'automaticité de l'incorporation au domaine public maritime naturel, il serait
également porté atteinte aux exigences de l'article 16 de la Déclaration de 1789
; qu'en l'absence de procédure d'enquête publique systématique, ces dispositions
méconnaîtraient les principes posés par l'article 7 de la Charte de
l'environnement ; qu'elles méconnaîtraient en outre le principe de
responsabilité garanti par l'article 4 de la Déclaration de 1789 en raison des
préjudices non indemnisables résultant du transfert de propriété au profit de
l'État ;
3. Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés
par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ; qu'aux termes de son
article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en
être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée,
l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ;
qu'en l'absence de privation du droit de propriété au sens de cet article, il
résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les atteintes
portées à ce droit doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et
proportionnées à l'objectif poursuivi ; qu'aux termes du seizième alinéa de
l'article 34 de la Constitution, la loi détermine les principes fondamentaux «
du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et
commerciales » ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute
société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation
des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que sont garantis par
cette disposition le droit des personnes intéressées à exercer un recours
juridictionnel effectif, le droit à un procès équitable ainsi que le principe du
contradictoire ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la Charte de l'environnement : «
Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la
loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les
autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques
ayant une incidence sur l'environnement » ;
6. Considérant, en premier lieu, que les dispositions contestées ont notamment
pour objet de fixer, sur le rivage de la mer, la limite entre le domaine public
maritime naturel et les propriétés privées ; qu'en prévoyant que cette limite
est fixée en fonction de tout ce que la mer « couvre et découvre jusqu'où les
plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques
exceptionnelles », le législateur a confirmé un critère physique objectif
indépendant de la volonté de la puissance publique ; que, dans l'exercice de la
compétence que lui confie l'article 34 de la Constitution pour déterminer les
principes fondamentaux « du régime de la propriété », il a considéré que les
espaces couverts, même épisodiquement, par les flots ne peuvent faire l'objet
d'une propriété privée ; que, par suite, les dispositions contestées
n'entraînent ni une privation de propriété au sens de l'article 17 de la
Déclaration de 1789 ni une atteinte contraire à l'article 2 de la Déclaration de
1789 ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'un propriétaire riverain peut contester
devant la juridiction compétente les actes de délimitation du domaine public
maritime naturel ainsi que les actes pris sur le fondement de l'appartenance de
terrains au domaine public maritime naturel ; qu'une action en revendication de
propriété est ouverte dans un délai de dix ans suivant un acte de délimitation ;
que le propriétaire riverain dont tout ou partie de la propriété a été incorporé
au domaine public maritime naturel peut prétendre à une indemnisation lorsqu'il
justifie que l'absence d'entretien ou la destruction d'ouvrages de protection
construits par la puissance publique ou la construction de tels ouvrages est à
l'origine de cette incorporation ; qu'enfin, pour prévenir un risque
d'incorporation d'une propriété privée au domaine public maritime naturel, un
propriétaire riverain peut être autorisé à construire une digue à la mer,
conformément à l'article 33 de la loi du 16 septembre 1807 susvisée ;
8. Considérant, toutefois, que, lorsqu'une digue à la mer construite par un
propriétaire est incorporée au domaine public maritime naturel en raison de la
progression du rivage de la mer, il peut être imposé à l'intéressé de procéder à
sa destruction ; que ce dernier pourrait ainsi voir sa propriété privée de la
protection assurée par l'ouvrage qu'il avait légalement érigé ; que, dans ces
conditions, la garantie des droits du propriétaire riverain de la mer ayant
élevé une digue à la mer ne serait pas assurée s'il était forcé de la détruire à
ses frais en raison de l'évolution des limites du domaine public maritime
naturel ; que, sous cette réserve, le 1° de l'article L. 2111-4 du code général
de la propriété des personnes publiques est conforme à l'article 16 de la
Déclaration de 1789 ;
9. Considérant, en troisième lieu, que les délimitations du domaine public
maritime naturel qui résultent des dispositions contestées ne constituent pas
des décisions ayant une incidence sur l'environnement au sens de l'article 7 de
la Charte de l'environnement ; que, par suite, le grief tiré de la
méconnaissance de l'article 7 de la Charte de l'environnement est inopérant ;
10. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires ni aux
exigences de l'article 4 de la Déclaration de 1789 ni à aucun autre droit ou
liberté que la Constitution garantit ; que, sous la réserve énoncée au
considérant 8, le 1° de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des
personnes publique doit être déclaré conforme à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- Sous la réserve énoncée au considérant 8, le 1° de l'article L.
2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques est conforme à la
Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 23 mai 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY
MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 18 mars 2013 par le
Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par le
Syndicat français de l'industrie cimentière et la Fédération de l'industrie du
béton. Cette question était relative à la conformité aux droits et libertés que
la Constitution garantit du paragraphe V de l'article L. 224-1 du code de
l'environnement.
Le paragraphe V de l'article L. 224-1 du code de l'environnement prévoit que,
pour répondre aux objectifs du titre II (« Air et atmosphère ») du livre II de
la partie législative de ce même code, un décret en Conseil d'État fixe les
conditions dans lesquelles certaines constructions nouvelles doivent comporter
une quantité minimale de matériaux en bois.
Le Conseil constitutionnel a relevé que, par ces dispositions, le législateur a
entendu permettre l'adoption de normes techniques dans le bâtiment destinées à
imposer l'utilisation de bois dans les constructions nouvelles, afin de
favoriser une augmentation de la production de bois dont il est attendu une
amélioration de la lutte contre la pollution atmosphérique. L'exigence de telles
normes techniques n'est, en elle-même, susceptible de n'avoir qu'une incidence
indirecte sur l'environnement. Le Conseil a donc jugé que le législateur n'était
pas tenu de soumettre la décision de fixation de ces normes au principe de
participation du public et n'avait pas méconnu les exigences de l'article 7 de
la Charte de l'environnement.
En revanche, alors que ces dispositions n'ont, par elles-mêmes, pas d'incidence
directe sur l'environnement, le Conseil a jugé que le législateur avait habilité
le pouvoir réglementaire à porter aux exigences découlant de l'article 4 de la
Déclaration de 1789 et notamment à la liberté d'entreprendre une atteinte qui
n'était pas justifiée par un motif d'intérêt général en lien direct avec
l'objectif poursuivi. Le Conseil a donc jugé le paragraphe V de l'article L.
224-1 du code de l'environnement contraire à la Constitution.
Cette déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la publication
de la présente décision. Elle est applicable à toutes les affaires non jugées
définitivement à cette date.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le Syndicat français de l'industrie
cimentière et la Fédération de l'industrie du béton par la SCP Alain Monod -
Bertrand Colin, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées
le 9 avril 2013 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 9 avril
2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Alain Monod pour le Syndicat français de l'industrie cimentière et la
Fédération de l'industrie du béton et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier
ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 14 mai 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que l'article L. 224-1 du code de
l'environnement figure dans le titre II, intitulé « Air et atmosphère », du
livre II du même code ; qu'aux termes du paragraphe V de cet article : « Pour
répondre aux objectifs du présent titre, un décret en Conseil d'État fixe les
conditions dans lesquelles certaines constructions nouvelles doivent comporter
une quantité minimale de matériaux en bois » ;
2. Considérant que, selon les requérants, les dispositions du paragraphe V de
l'article L. 224-1 du code de l'environnement sont contraires à l'article 7 de
la Charte de l'environnement et à l'article 4 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 ;
- SUR LE GRIEF TIRÉ DE LA MÉCONNAISSANCE DE L'ARTICLE 7 DE LA CHARTE DE
L'ENVIRONNEMENT :
3. Considérant que, selon les requérants, en adoptant les dispositions du
paragraphe V de l'article L. 224-1 du code de l'environnement sans prévoir une
participation du public à l'élaboration du décret auquel elles renvoient, le
législateur a méconnu le droit de participation du public à l'élaboration des
décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement garanti par
l'article 7 de la Charte de l'environnement ;
4. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la
Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une
juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux
droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut
être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de
cassation qui se prononce dans un délai déterminé » ; que la méconnaissance par
le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une
question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette
méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution
garantit ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la Charte de l'environnement : «
Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la
loi d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les
autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques
ayant une incidence sur l'environnement » ; que ces dispositions figurent au
nombre des droits et libertés que la Constitution garantit ; qu'il incombe au
législateur et, dans le cadre défini par la loi, aux autorités administratives
de déterminer, dans le respect des principes ainsi énoncés, les modalités de la
mise en oeuvre de ces dispositions ;
6. Considérant que le paragraphe V de l'article L. 224-1 du code de
l'environnement prévoit que, pour répondre aux objectifs du titre II du livre II
de la partie législative de ce même code, un décret en Conseil d'État fixe les
conditions dans lesquelles certaines constructions nouvelles doivent comporter
une quantité minimale de matériaux en bois ; que ces objectifs sont définis par
le premier alinéa de l'article L. 220-1 du même code en vertu duquel « l'État et
ses établissements publics, les collectivités territoriales et leurs
établissements publics ainsi que les personnes privées concourent, chacun dans
le domaine de sa compétence et dans les limites de sa responsabilité, à une
politique dont l'objectif est la mise en oeuvre du droit reconnu à chacun à
respirer un air qui ne nuise pas à sa santé » ; que cet article précise, en son
second alinéa, que « cette action d'intérêt général consiste à prévenir, à
surveiller, à réduire ou à supprimer les pollutions atmosphériques, à préserver
la qualité de l'air et, à ces fins, à économiser et à utiliser rationnellement
l'énergie » ;
7. Considérant que, par les dispositions contestées, le législateur a entendu
permettre l'adoption de normes techniques dans le bâtiment destinées à imposer
l'utilisation de bois dans les constructions nouvelles, afin de favoriser une
augmentation de la production de bois dont il est attendu une amélioration de la
lutte contre la pollution atmosphérique ; que l'exigence de telles normes
techniques n'est, en elle-même, susceptible de n'avoir qu'une incidence
indirecte sur l'environnement ; que, par suite, le législateur n'était pas tenu
de soumettre la décision de fixation de ces normes au principe de participation
du public ; que le grief tiré de ce que le paragraphe V de l'article L. 224-1 du
code de l'environnement méconnaîtrait les exigences de l'article 7 de la Charte
de l'environnement doit être écarté ;
- SUR LE GRIEF TIRÉ DE LA MÉCONNAISSANCE DE L'ARTICLE 4 DE LA DÉCLARATION DE
1789 :
8. Considérant que, selon les requérants, en habilitant le pouvoir réglementaire
à fixer les conditions dans lesquelles certaines constructions nouvelles doivent
comporter une quantité minimale de matériaux en bois, sans aucune limitation
notamment quant à la détermination du niveau de la part minimale de bois à
incorporer, le législateur a méconnu la liberté d'entreprendre ;
9. Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la Déclaration de 1789 : « La
liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ; ainsi,
l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui
assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces
bornes ne peuvent être déterminées que par la loi » ; qu'il est loisible au
législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre, qui découle de l'article 4
de la Déclaration de 1789, des limitations liées à des exigences
constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il
n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi
;
10. Considérant qu'en donnant la compétence, de façon générale, au Gouvernement
pour fixer les conditions dans lesquelles « certaines constructions nouvelles
doivent comporter une quantité minimale de matériaux en bois », le paragraphe V
de l'article L. 224-1 du code de l'environnement a porté aux exigences découlant
de l'article 4 de la Déclaration de 1789, notamment à la liberté d'entreprendre,
une atteinte qui n'est pas justifiée par un motif d'intérêt général en lien
direct avec l'objectif poursuivi ; qu'il en résulte que le paragraphe V de
l'article L. 224-1 du code de l'environnement doit être déclaré contraire à la
Constitution ;
11. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la
Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement
de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du
Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le
Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les
effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ;
que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à
l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition
déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances
en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel,
les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le
pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses
effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a
produits avant l'intervention de cette déclaration ;
12. Considérant que la déclaration d'inconstitutionnalité du paragraphe V de
l'article L. 224-1 du code de l'environnement prend effet à compter de la
publication de la présente décision ; qu'elle est applicable à toutes les
affaires non jugées définitivement à cette date,
D É C I D E :
Article 1er.- Le paragraphe V de l'article L. 224-1 du code de l'environnement
est contraire à la Constitution.
Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à
compter de la publication de la présente décision dans les conditions prévues au
considérant 12.
Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 23 mai 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY
MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 20 mars 2013 par la
Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M.
Mohamed T. Cette question était relative à la conformité aux droits et libertés
que la Constitution garantit des articles L. 3123-1, L. 3123-2 et L. 3124-9 du
code des transports.
Ces dispositions régissent l'activité de transport public de particuliers par
des véhicules motorisés à deux ou trois roues. D'une part, les articles L.
3123-1 et L. 3123-2 réglementent cette activité en excluant la circulation et le
stationnement de ces véhicules sur la voie publique en quête de clients. D'autre
part, l'article L. 3124-9 prévoit les sanctions en cas d'infraction à cette
réglementation.
Le Conseil constitutionnel a relevé que le législateur a entendu que l'activité
des véhicules motorisés à deux ou trois roues ne soit soumise ni à autorisation
préalable ni à déclaration, qu'elle ne soit pas contingentée, que son exercice
ne soit pas soumis à un tarif réglementé et ne soit pas davantage soumis à un
examen d'aptitude professionnelle mais soit ouvert à tout chauffeur qualifié. Au
regard de ces règles, le législateur a entendu que les véhicules de transport à
deux ou trois roues ne puissent circuler ou stationner sur la voie publique en
quête de clients en vue de leur transport, cette activité ne pouvant s'effectuer
que dans le cadre réglementé de l'activité de taxi. Le Conseil constitutionnel a
jugé qu'eu égard aux objectifs d'ordre public poursuivis, notamment de police de
la circulation et du stationnement sur la voie publique, les dispositions
contestées apportent à la liberté d'entreprendre des restrictions qui ne sont
pas manifestement disproportionnées. Les articles L. 3123-1 et L. 3123-2 sont
donc conformes à la Constitution.
Le 4° de l'article L. 3124-9 prévoit que la méconnaissance des dispositions de
l'article L. 3123-2 est punie d'une peine complémentaire d'interdiction « pour
une durée de cinq ans au plus, d'entrer et de séjourner dans l'enceinte d'une ou
plusieurs infrastructures aéroportuaires ou portuaires, d'une gare ferroviaire
ou routière, ou de leurs dépendances, sans y avoir été préalablement autorisé
par les autorités de police territorialement compétentes ». Le Conseil
constitutionnel a jugé que ces dispositions, qui soumettent l'entrée dans une
telle enceinte, tant pour des motifs personnels que pour des motifs
professionnels, à une autorisation discrétionnaire de l'autorité de police
compétente, ont instauré une peine manifestement disproportionnée. Il a donc
déclaré contraire à la Constitution le 4° de l'article L. 3124-9 et jugé le
surplus de cet article conforme à la Constitution.
Cette déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la publication
de la présente décision. Elle est applicable à toutes les affaires non jugées
définitivement à cette date. Les peines définitivement prononcées avant cette
date sur le fondement de la disposition déclarée inconstitutionnelle cessent de
recevoir application.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code des transports ;
Vu le code du tourisme ;
Vu l'ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 relative à la partie législative
du code des transports ;
Vu la loi n° 2012-375 du 19 mars 2012 relative à l'organisation du service et à
l'information des passagers dans les entreprises de transport aérien de
passagers et à diverses dispositions dans le domaine des transports, notamment
le paragraphe I de son article 1er ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par Me Rachel Piralian, avocat
au barreau de Paris, enregistrées les 9 et 23 avril 2013 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 11 avril
2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Piralian, pour le requérant et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier
ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 14 mai 2013 ;
Vu la lettre du 23 mai 2013 par laquelle le Conseil constitutionnel a soumis aux
parties un grief susceptible d'être soulevé d'office ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 31 mai
2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3123-1 du code
des transports : « Les entreprises qui mettent à la disposition de leur
clientèle, pour assurer leur transport ainsi que celui de leurs bagages, des
motocyclettes ou des tricycles à moteur conduits par le propriétaire ou son
préposé, suivant des conditions fixées à l'avance entre les parties, doivent
disposer, dans des conditions fixées par voie réglementaire, de chauffeurs
qualifiés et de véhicules adaptés » ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3123-2 du même code : « Les
véhicules affectés à l'activité mentionnée à l'article L. 3123-1 ne peuvent ni
stationner, ni circuler sur la voie publique en quête de clients.
« Ils ne peuvent stationner à l'abord des gares et aérogares, dans le respect
des règles du code de la route ou des règlements édictés par l'autorité
compétente, que si leur conducteur peut justifier d'une réservation préalable »
;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3124-9 du même code : « I. - Le
fait de contrevenir aux dispositions de l'article L. 3123-2 est puni d'un an
d'emprisonnement et d'une amende de 15 000 €.
« II. - Les personnes physiques coupables de l'infraction prévue au présent
article encourent également les peines complémentaires suivantes :
« 1° La suspension, pour une durée de cinq ans au plus, du permis de conduire ;
« 2° L'immobilisation, pour une durée d'un an au plus, du véhicule qui a servi à
commettre l'infraction ;
« 3° La confiscation du véhicule qui a servi à commettre l'infraction ;
«4° L'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d'entrer et de séjourner
dans l'enceinte d'une ou plusieurs infrastructures aéroportuaires ou portuaires,
d'une gare ferroviaire ou routière, ou de leurs dépendances, sans y avoir été
préalablement autorisé par les autorités de police territorialement compétentes»
4. Considérant que, selon le requérant, l'imprécision des termes qui encadrent
l'exercice de l'activité de transport des personnes au moyen de véhicules
motorisés à deux ou trois roues méconnaît l'objectif de valeur constitutionnelle
d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, ainsi que le principe de
légalité des délits et des peines ; qu'en raison de leur caractère excessif, les
restrictions apportées à l'exercice de cette activité par ces dispositions
méconnaîtraient en outre la liberté d'aller et venir et la liberté
d'entreprendre ; qu'il soutient également que les différences entre les règles
applicables à cette activité et celles applicables aux taxis ou aux véhicules de
petite remise méconnaissent le principe d'égalité devant la loi ; qu'enfin
seraient méconnus le droit à un recours juridictionnel effectif et la sécurité
juridique
5. Considérant que le livre Ier de la troisième partie du code des transports
est consacré au transport routier de personnes ; que son titre II, consacré aux
transports publics particuliers, comprend des dispositions relatives aux taxis,
aux voitures de petite remise et aux véhicules motorisés à deux ou à trois roues
;
6. Considérant que la réglementation applicable aux taxis, définie par l'article
L. 3121-1 du même code, repose sur un régime d'autorisation administrative ; que
le propriétaire ou l'exploitant d'un taxi est titulaire, dans sa commune ou son
service commun de rattachement, d'une autorisation administrative de
stationnement sur la voie publique en attente de la clientèle ; que ces
véhicules sont en outre dotés d'équipements spéciaux permettant la mise en
oeuvre d'un tarif réglementé ;
7. Considérant qu'en vertu de l'article L. 3122-1 du même code, les voitures de
petite remise sont des véhicules automobiles mis à la disposition des personnes
qui en font la demande pour assurer leur transport ; que l'exploitation de ces
voitures est soumise à une autorisation administrative ; que le tarif des
transports n'est pas réglementé ; qu'en vertu de l'article L. 3122-3, ces
véhicules ne peuvent « ni stationner, ni circuler sur la voie publique en quête
de clients » ;
8. Considérant, en outre, que les articles L. 231-1 et L. 231-3 du code du
tourisme fixent les règles applicables à l'exploitation de voitures de tourisme
avec chauffeur « suivant des conditions fixées à l'avance entre les parties » ;
que cette activité est soumise à un régime d'immatriculation ; que le tarif des
transports n'est pas réglementé ; que ces voitures ne peuvent ni stationner sur
la voie publique si elles n'ont pas fait l'objet d'une location préalable ni
être louées sur place ;
9. Considérant que les dispositions contestées sont relatives à la
réglementation du transport public de particuliers par des véhicules motorisés à
deux ou trois roues, qui s'est développé récemment ;
10. Considérant, en premier lieu, que l'article 6 de la Déclaration des droits
de l'homme et du citoyen de 1789 dispose que la loi « doit être la même pour
tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité
ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations
différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt
général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui
en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit
11. Considérant que ni le principe d'égalité, ni aucune autre exigence
constitutionnelle n'impose que l'activité de transport public de particuliers au
moyen de véhicules motorisés à deux ou trois roues soit soumise à la même
réglementation que celle qui s'applique à l'activité de transport public de
particuliers au moyen de véhicules automobiles ; que, par suite, le grief tiré
de l'atteinte au principe d'égalité devant la loi doit être écarté ;
12. Considérant, en deuxième lieu, que la liberté d'entreprendre découle de
l'article 4 de la Déclaration de 1789 ; qu'il est loisible au législateur
d'apporter à cette liberté des limitations liées à des exigences
constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il
n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi
; que, d'autre part, la liberté d'aller et de venir est une composante de la
liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789
13. Considérant, d'une part, qu'en prévoyant, à l'article L. 3123-1 du code des
transports, que les véhicules motorisés à deux ou trois roues affectés à
l'activité de transport de personnes doivent « disposer, dans des conditions
fixées par voie réglementaire, de chauffeurs qualifiés et de véhicules adaptés
», le législateur a entendu qu'une réglementation assure en particulier la
sécurité des passagers de ces véhicules ; qu'en elle-même, l'existence d'une
telle réglementation ne porte pas une atteinte disproportionnée à la liberté
d'entreprendre ; qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel d'examiner
les mesures réglementaires prises à cette fin
14. Considérant, d'autre part, que le législateur a entendu que l'activité des
véhicules motorisés à deux ou trois roues ne soit soumise ni à autorisation
préalable ni à déclaration, qu'elle ne soit pas contingentée, que son exercice
ne soit pas soumis à un tarif réglementé et ne soit pas davantage soumis à un
examen d'aptitude professionnelle mais soit ouvert à tout chauffeur qualifié ;
qu'au regard de ces règles, il a entendu que les véhicules de transport à deux
ou trois roues ne puissent circuler ou stationner sur la voie publique en quête
de clients en vue de leur transport, cette dernière activité ne pouvant
s'exercer que dans le cadre réglementé de l'activité de taxi ; qu'eu égard aux
objectifs d'ordre public poursuivis, notamment de police de la circulation et du
stationnement sur la voie publique, les dispositions contestées apportent à la
liberté d'entreprendre des restrictions qui ne sont pas manifestement
disproportionnées ;
15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de la
méconnaissance de la liberté d'entreprendre doivent être écartés ; qu'il en va
de même des griefs tirés de l'atteinte à la liberté d'aller et de venir ;
16. Considérant, en troisième lieu, que le législateur tient de l'article 34 de
la Constitution, ainsi que du principe de légalité des délits et des peines qui
résulte de l'article 8 de la Déclaration de 1789, l'obligation de fixer lui-même
le champ d'application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en
termes suffisamment clairs et précis ;
17. Considérant, que, s'il appartient aux autorités chargées de mettre en oeuvre
les dispositions contestées d'apprécier, sous le contrôle des juridictions
compétentes, les situations de fait répondant à la circulation ou au
stationnement « en quête de clients », aux « abords » des gares et aérogares et
à la justification « d'une réservation préalable », ces notions ne revêtent pas
un caractère équivoque et sont suffisamment précises pour garantir contre le
risque d'arbitraire ; que, dès lors, le grief tiré de la méconnaissance du
principe de légalité des délits et des peines doit être écarté ;
18. Considérant, en quatrième lieu, que l'article 8 de la Déclaration de 1789
dispose : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment
nécessaires » ; qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution : « La loi fixe
les règles concernant... la détermination des crimes et délits ainsi que les
peines qui leur sont applicables » ; que, si la nécessité des peines attachées
aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au
Conseil constitutionnel de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste
entre l'infraction et la peine encourue ;
19. Considérant qu'en punissant la méconnaissance des dispositions de l'article
L. 3123-2 du code des transports d'une peine complémentaire d'interdiction «
pour une durée de cinq ans au plus, d'entrer et de séjourner dans l'enceinte
d'une ou plusieurs infrastructures aéroportuaires ou portuaires, d'une gare
ferroviaire ou routière, ou de leurs dépendances, sans y avoir été préalablement
autorisé par les autorités de police territorialement compétentes », les
dispositions du 4° de l'article L. 3124-9 du code des transports, qui soumettent
l'entrée dans une telle enceinte, tant pour des motifs personnels que pour des
motifs professionnels, à une autorisation discrétionnaire de l'autorité de
police compétente, ont instauré une peine manifestement disproportionnée ; que,
par suite, ce 4° doit être déclaré contraire à la Constitution ;
20. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la
Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement
de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du
Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le
Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les
effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ;
que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à
l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition
déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances
en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel,
les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le
pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses
effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a
produits avant l'intervention de cette déclaration ;
21. Considérant que la déclaration d'inconstitutionnalité du 4° de l'article L.
3124-9 du code des transports prend effet à compter de la publication de la
présente décision ; qu'elle est applicable à toutes les affaires non jugées
définitivement à cette date ; que les peines définitivement prononcées avant
cette date sur le fondement de cette disposition cessent de recevoir application
;
22. Considérant que, pour le surplus, les dispositions contestées, qui ne
méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent
être déclarées conformes à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- Le 4° de l'article L. 3124-9 du code des transports est contraire
à la Constitution.
Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à
compter de la publication de la présente décision dans les conditions prévues au
considérant 21.
Article 3.- Les articles L. 3123-1 et L. 3123-2 du code des transports, ainsi
que le surplus de son article L. 3124-9 sont conformes à la Constitution.
Article 4.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 6 juin 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY
MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de
SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 20 mars 2013 par la
Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M.
Philippe B. Cette question était relative à la conformité aux droits et libertés
que la Constitution garantit du c) de l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881.
L'article 35 de la loi du 29 juillet 1881 définit les cas dans lesquels une
personne poursuivie pour diffamation peut s'exonérer de toute responsabilité en
établissant la preuve du fait diffamatoire. Le c) de cet article interdit de
rapporter la preuve des faits diffamatoires lorsque l'imputation se réfère à un
fait constituant une infraction amnistiée ou prescrite, ou qui a donné lieu à
une condamnation effacée par la réhabilitation ou la révision. Le requérant
soutenait que cette interdiction portait atteinte à la liberté d'expression et
aux droits de la défense.
Le Conseil a jugé que les dispositions concernant l'amnistie, la prescription de
l'action publique, la réhabilitation et la révision n'ont pas, par elles-mêmes,
pour objet d'interdire qu'il soit fait référence à des faits qui ont motivé une
condamnation amnistiée, prescrite ou qui a été suivie d'une réhabilitation ou
d'une révision ou qu'il soit fait référence à des faits constituant une
infraction amnistiée ou prescrite.
La restriction à la liberté d'expression qui résulte du c) de l'article 35 vise
sans distinction, tous les propos ou écrits résultant de travaux historiques ou
scientifiques ainsi que les imputations se référant à des événements dont le
rappel ou le commentaire s'inscrivent dans un débat public d'intérêt général.
Dès lors le Conseil constitutionnel a jugé que, par son caractère général et
absolu, cette interdiction porte à la liberté d'expression une atteinte qui
n'est pas proportionnée au but poursuivi. Elle méconnaît donc l'article 11 de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Cette déclaration
d'inconstitutionnalité est applicable à toutes les imputations diffamatoires non
jugées définitivement au jour de la publication de la présente décision.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, modifiée notamment par
l'ordonnance du 6 mai 1944 relative à la répression des délits de presse ;
Vu le code pénal ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le Conseil national de l'Ordre des
chirurgiens-dentistes par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat au Conseil d'État
et à la Cour de cassation, enregistrées le 11 avril 2013 et le 25 avril 2013 ;
Vu les observations produites pour le requérant par Me Christophe Bigot, avocat
au barreau de Paris, enregistrées le 23 avril 2013 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 11 avril
2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Bigot, pour le requérant, Me Frédéric Thiriez, pour le Conseil national de
l'Ordre des chirurgiens dentistes et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier
ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 21 mai 2013 ;
Vu la note en délibéré produite pour le Conseil national de l'Ordre des
chirurgiens-dentistes, enregistrée le 27 mai 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'en vertu du c) de l'article 35 de la loi du
29 juillet 1881 susvisée, la vérité des faits diffamatoires peut toujours être
prouvée, sauf «lorsque l'imputation se réfère à un fait constituant une
infraction amnistiée ou prescrite, ou qui a donné lieu à une condamnation
effacée par la réhabilitation ou la révision»;
2. Considérant que, selon le requérant, l'impossibilité pour la personne
prévenue de diffamation, de rapporter la preuve de la vérité d'un fait
diffamatoire constituant une infraction amnistiée ou prescrite, ou qui a donné
lieu à une condamnation effacée par la réhabilitation ou la révision, porte
atteinte à la liberté d'expression et aux droits de la défense ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 : « La libre communication des pensées et des
opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc
parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté
dans les cas déterminés par la loi » ; que la liberté d'expression et de
communication est d'autant plus précieuse que son exercice est une condition de
la démocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés ;
que les atteintes portées à l'exercice de cette liberté doivent être
nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif d'intérêt général poursuivi
;
4. Considérant que l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881 susvisée définit
les cas dans lesquels une personne poursuivie pour diffamation peut être
renvoyée des fins de la plainte en établissant la preuve du fait diffamatoire ;
que les alinéas a) et c) de cet article disposent en particulier que la vérité
des faits diffamatoires peut toujours être prouvée sauf lorsque l'imputation
concerne la vie privée de la personne et lorsqu'elle se réfère à un fait
constituant une infraction amnistiée ou prescrite, ou qui a donné lieu à une
condamnation effacée par la réhabilitation ou la révision ;
5. Considérant, en premier lieu, qu'en application de l'article 34 de la
Constitution, il appartient au législateur de fixer les règles concernant la
détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont
applicables, la procédure pénale et l'amnistie ; qu'en vertu de la compétence
que lui confère ce texte, il lui appartient en particulier, d'une part, de fixer
le délai d'extinction de l'action publique et, d'autre part, en matière
d'amnistie, d'enlever pour l'avenir tout caractère délictueux à certains faits
pénalement répréhensibles, en interdisant toute poursuite à leur égard ou en
effaçant les condamnations qui les ont frappés ; qu'il lui est loisible, à cette
fin, d'apprécier quelles sont ces infractions et le cas échéant les personnes
auxquelles doit s'appliquer le bénéfice de ces dispositions ; qu'il peut, en
outre, définir le champ d'application de l'amnistie, en référence avec des
événements déterminés en fixant les dates et lieux de ces événements ; que
l'amnistie et la prescription visent au rétablissement de la paix politique et
sociale ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que les articles 133-12 à 133-17 du code pénal
fixent les conditions de la réhabilitation de plein droit et de la
réhabilitation judiciaire ; que la réhabilitation vise au reclassement du
condamné ;
7. Considérant, en troisième lieu, que les articles 622 et suivants du code de
procédure pénale fixent les conditions dans lesquelles une condamnation pénale
définitive pour un crime ou un délit peut donner lieu à révision ; que la
révision vise au respect des principes du procès équitable et à la poursuite de
l'objectif de bonne administration de la justice par la remise en cause, à
certaines conditions, d'une condamnation revêtue de l'autorité de la chose jugée
;
8. Considérant, d'une part, que les dispositions concernant l'amnistie, la
prescription de l'action publique, la réhabilitation et la révision n'ont pas,
par elles-mêmes, pour objet d'interdire qu'il soit fait référence à des faits
qui ont motivé une condamnation amnistiée, prescrite ou qui a été suivie d'une
réhabilitation ou d'une révision ou à des faits constituant une infraction
amnistiée ou prescrite ;
9. Considérant, d'autre part, que l'interdiction prescrite par la disposition en
cause vise sans distinction, dès lors qu'ils se réfèrent à un fait constituant
une infraction amnistiée ou prescrite, ou qui a donné lieu à une condamnation
effacée par la réhabilitation ou la révision, tous les propos ou écrits
résultant de travaux historiques ou scientifiques ainsi que les imputations se
référant à des événements dont le rappel ou le commentaire s'inscrivent dans un
débat public d'intérêt général ; que, par son caractère général et absolu, cette
interdiction porte à la liberté d'expression une atteinte qui n'est pas
proportionnée au but poursuivi ; qu'ainsi, elle méconnaît l'article 11 de la
Déclaration de 1789 ;
10. Considérant que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre grief,
le c) de l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881 susvisée doit être déclaré
contraire à la Constitution ; que cette déclaration d'inconstitutionnalité est
applicable à toutes les imputations diffamatoires non jugées définitivement au
jour de la publication de la présente décision,
D É C I D E :
Article 1er.- Le c) de l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté
de la presse est déclaré contraire à la Constitution.
Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à
compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées par
son considérant 10.
Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 6 juin 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY
MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
4 DECISIONS DU 14 JUIN 2013
Décision n° 2013-314 QPC du 14 juin 2013
M. Jeremy F. [Absence de recours en cas d'extension des effets du mandat d'arrêt européen]
L'extension du mandat d'arrêt européen à d'autres infractions reprochées, doit faire l'objet d'un recours.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 27 février 2013 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 1087 du 19 février 2013), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Jeremy F., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du quatrième alinéa de l'article 695-46 du code de procédure pénale.
L'article 695-46 du CPP est relatif au mandat d'arrêt européen (MAE). Ce
mandat a été institué par la décision-cadre du Conseil de l'Union européenne du
13 juin 2002. La loi du 9 mars 2004 a inséré dans le code de procédure pénale
les règles relatives à ce mandat. Après la remise d'une personne à un autre État
membre de l'Union européenne en application d'un MAE, l'article 695-46 prévoit
que la chambre de l'instruction, saisie d'une demande aux fins soit d'étendre
les effets de ce mandat à d'autres infractions, soit d'autoriser la remise de la
personne à un État tiers, statue dans un délai de trente jours, « sans recours
».
Par une décision n° 2013-314P QPC du 4 avril 2013, le Conseil constitutionnel a
saisi la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle. Par
un arrêt du 30 mai 2013, cette Cour a précisé l'interprétation de la
décision-cadre du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen. Elle a jugé
que cette décision-cadre ne s'oppose pas à ce que les États membres prévoient un
recours suspendant l'exécution de la décision de l'autorité judiciaire qui
statue, dans un délai de trente jours à compter de la réception de la demande,
afin de donner son consentement soit pour l'extension des effets du mandat à
d'autres infractions, soit pour l'autorisation de la remise de la personne à un
État tiers. La Cour a seulement posé que la décision définitive doit être
adoptée dans les délais visés à l'article 17 de la décision-cadre, c'est-à-dire
au plus tard dans les 90 jours.
Au regard de cette interprétation, le Conseil constitutionnel a pu déduire qu'en
prévoyant que la décision de la chambre de l'instruction est rendue « sans
recours », le quatrième alinéa de l'article 695-46 du CPP ne découle pas
nécessairement des actes pris par les institutions de l'Union européenne
relatifs au mandat d'arrêt européen. Il appartenait ainsi au Conseil
constitutionnel, saisi sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution, de
contrôler la conformité de cette disposition aux droits et libertés que la
Constitution garantit.
Le Conseil a jugé qu'en privant les parties de la possibilité de former un
recours en cassation contre l'arrêt de la chambre de l'instruction statuant sur
la demande mentionnée ci-dessus, les dispositions contestées de l'article 695-46
du CPP apportent une restriction injustifiée au droit à exercer un recours
juridictionnel effectif. Par suite, au quatrième alinéa de l'article 695-46 du
code de procédure pénale, le Conseil a jugé que les mots « sans recours » sont
contraires à la Constitution. Cette déclaration d'inconstitutionnalité prend
effet à compter de la publication de la décision du Conseil. Elle est applicable
à tous les pourvois en cassation en cours à cette date.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le traité sur l'Union européenne ;
Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et notamment son
protocole n° 3 sur le statut de la Cour de justice de l'Union européenne ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux
évolutions de la criminalité, notamment son article 17 ;
Vu la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du
droit et d'allègement des procédures, notamment son article 130 ;
Vu la décision-cadre n° 2002/584/JAI du Conseil du 13 juin 2002 relative au
mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Waquet, Farge, Hazan,
avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 21 et 28
mars 2013 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 21 mars
2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Claire Waquet, pour le requérant et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par
le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 2 avril 2013 ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2013-314P QPC du 4 avril 2013 ;
Vu l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 30 mai 2013, n°
C-168/13 PPU ;
Vu les nouvelles observations produites pour le requérant par la SCP Waquet,
Farge, Hazan, enregistrées le 31 mai 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que la décision-cadre du 13 juin 2002 susvisée
a institué le mandat d'arrêt européen afin de simplifier et d'accélérer
l'arrestation et la remise entre les États membres de l'Union européenne des
personnes recherchées pour l'exercice de poursuites pénales ou pour l'exécution
d'une peine ou d'une mesure de sûreté privatives de liberté ; que l'article 17
de la loi du 9 mars 2004 susvisée a inséré, dans le code de procédure pénale,
les articles 695-11 à 695-51 relatifs au mandat d'arrêt européen ;
2. Considérant que les articles 695-26 à 695-28 du code de procédure pénale
fixent les règles de la procédure d'exécution en France du mandat d'arrêt
européen ; que la décision de remise aux autorités judiciaires de l'État
d'émission est prise par la chambre de l'instruction dans les conditions prévues
par les articles 695-29 à 695-36 dudit code ; que selon le quatrième alinéa de
son article 695-31, si la personne recherchée déclare ne pas consentir à sa
remise, la chambre de l'instruction statue dans un délai de 20 jours à compter
de la date de la comparution, sauf si un complément d'information a été ordonné,
par une décision qui peut faire l'objet d'un pourvoi en cassation ; que
l'article 695-46 du code de procédure pénale fixe les règles de la procédure
concernant les décisions prises par les autorités judiciaires françaises
postérieurement à la remise aux autorités d'un autre État membre de l'Union
européenne d'une personne arrêtée en France en vertu d'un mandat d'arrêt
européen émis par ces autorités ; que, dans leur rédaction résultant de la loi
du 12 mai 2009 susvisée, les deux premiers alinéas de l'article 695-46 confient
à la chambre de l'instruction la compétence pour statuer sur toute demande
émanant des autorités compétentes de l'État membre qui a émis le mandat d'arrêt
européen en vue de consentir soit à des poursuites ou à la mise à exécution
d'une peine ou d'une mesure de sûreté privatives de liberté prononcées pour
d'autres infractions que celles ayant motivé la remise et commises
antérieurement à celles-ci, soit à la remise de la personne recherchée à un
autre État membre en vue de l'exercice de poursuite ou de l'exécution d'une
peine ou d'une mesure de sûreté privatives de liberté pour un fait quelconque
antérieur à la remise et différent de l'infraction qui a motivé cette mesure ;
qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article 695-46 du code de procédure
pénale : « La chambre de l'instruction statue sans recours après s'être assurée
que la demande comporte aussi les renseignements prévus à l'article 695-13 et
avoir, le cas échéant, obtenu des garanties au regard des dispositions de
l'article 695-32, dans le délai de trente jours à compter de la réception de la
demande » ;
3. Considérant que, selon le requérant, en excluant tout recours contre la
décision de la chambre de l'instruction autorisant, après la remise d'une
personne à un État membre de l'Union européenne en application d'un mandat
d'arrêt européen, l'extension des effets de ce mandat à d'autres infractions,
les dispositions du quatrième alinéa de l'article 695-46 précité portent
atteinte au principe d'égalité devant la justice et au droit à un recours
juridictionnel effectif ;
4. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les
mots « sans recours » figurant au quatrième alinéa de l'article 695-46 du code
de procédure pénale ;
5. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration des
droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la
garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée,
n'a point de Constitution » ; qu'il ressort de cette disposition qu'il ne doit
pas être porté d'atteintes substantielles au droit des personnes intéressées
d'exercer un recours effectif devant une juridiction ; qu'aux termes de son
article 6, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit
qu'elle punisse » ; que, si le législateur peut prévoir des règles de procédure
différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles
s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de
distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties
égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense, qui
implique en particulier l'existence d'une procédure juste et équitable
garantissant l'équilibre des droits des parties ;
6. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 88-2 de la Constitution
: « La loi fixe les règles relatives au mandat d'arrêt européen en application
des actes pris par les institutions de l'Union européenne » ; que, par ces
dispositions particulières, le constituant a entendu lever les obstacles
constitutionnels s'opposant à l'adoption des dispositions législatives découlant
nécessairement des actes pris par les institutions de l'Union européenne
relatifs au mandat d'arrêt européen ; qu'en conséquence, il appartient au
Conseil constitutionnel saisi de dispositions législatives relatives au mandat
d'arrêt européen de contrôler la conformité à la Constitution de celles de ces
dispositions législatives qui procèdent de l'exercice, par le législateur, de la
marge d'appréciation que prévoit l'article 34 du Traité sur l'Union européenne,
dans sa rédaction alors applicable ;
7. Considérant que, saisie à titre préjudiciel par la décision du Conseil
constitutionnel du 4 avril 2013 susvisée, la Cour de justice de l'Union
européenne a dit pour droit que : « Les articles 27, paragraphe 4, et 28,
paragraphe 3, sous c), de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin
2002, relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre
États membres, telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil,
du 26 février 2009, doivent être interprétés en ce sens qu'ils ne s'opposent pas
à ce que les États membres prévoient un recours suspendant l'exécution de la
décision de l'autorité judiciaire qui statue, dans un délai de trente jours à
compter de la réception de la demande, afin de donner son consentement soit pour
qu'une personne soit poursuivie, condamnée ou détenue en vue de l'exécution
d'une peine ou d'une mesure de sûreté privatives de liberté, pour une infraction
commise avant sa remise en exécution d'un mandat d'arrêt européen, autre que
celle qui a motivé cette remise, soit pour la remise d'une personne à un Etat
membre autre que l'État membre d'exécution, en vertu d'un mandat d'arrêt
européen émis pour une infraction commise avant ladite remise, pour autant que
la décision définitive est adoptée dans les délais visés à l'article 17 » ;
8. Considérant que, par suite, en prévoyant que la décision de la chambre de
l'instruction est rendue « sans recours », le quatrième alinéa de l'article
695-46 du code de procédure pénale ne découle pas nécessairement des actes pris
par les institutions de l'Union européenne relatifs au mandat d'arrêt européen ;
qu'il appartient au Conseil constitutionnel, saisi sur le fondement de l'article
61-1 de la Constitution, de contrôler la conformité des dispositions contestées
aux droits et libertés que la Constitution garantit ;
9. Considérant qu'après la remise de l'intéressé aux autorités judiciaires de
l'État d'émission d'une personne arrêtée en France en exécution d'un mandat
d'arrêt européen, la chambre de l'instruction, saisie, conformément à l'article
695-46 du code de procédure pénale, d'une demande d'extension des effets dudit
mandat à d'autres infractions, éventuellement plus graves que celles qui ont
motivé la remise, ou pour l'exécution d'une peine ou d'une mesure privative de
liberté, est tenue de procéder aux vérifications formelles et aux appréciations
de droit relatives aux infractions, condamnations et mesures visées ; qu'en
privant les parties de la possibilité de former un pourvoi en cassation contre
l'arrêt de la chambre de l'instruction statuant sur une telle demande, les
dispositions contestées apportent une restriction injustifiée au droit à exercer
un recours juridictionnel effectif ; que, par suite, au quatrième alinéa de
l'article 695-46 du code de procédure pénale, les mots « sans recours » doivent
être déclarés contraires à la Constitution ;
10. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la
Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement
de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du
Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le
Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les
effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ;
que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à
l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition
déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances
en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel,
les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le
pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses
effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a
produits avant l'intervention de cette déclaration ;
11. Considérant que la déclaration d'inconstitutionnalité des mots « sans
recours » figurant au quatrième alinéa de l'article 695-46 du code de procédure
pénale prend effet à compter de la publication de la présente décision ; qu'elle
est applicable à tous les pourvois en cassation en cours à cette date,
D É C I D E :
Article 1er.- Les mots « sans recours » figurant au quatrième alinéa de
l'article 695-46 du code de procédure pénale sont contraires à la Constitution.
Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à
compter de la publication de la présente décision dans les conditions prévues au
considérant 11.
Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 13 juin 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire
BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX
de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
Décision n° 2013-320/321 QPC du 14 juin 2013
LES PERSONNES DETENUES PEUVENT ÊTRE PRIVEES D'UN CONTRAT DE TRAVAIL.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 20 mars 2013 par la
Cour de cassation de deux questions prioritaires de constitutionnalité relatives
à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de la
première phrase du troisième alinéa de l'article 717-3 du code de procédure
pénale (CPP).
La première phrase du troisième alinéa de l'article 717-3 du CPP dispose : « Les
relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l'objet d'un contrat
de travail ». Les requérants soutenaient notamment qu'en excluant que les
relations de travail des personnes incarcérées fassent l'objet d'un contrat de
travail, sans organiser le cadre légal de ce travail, le législateur prive ces
personnes de toutes les garanties légales d'exercice des droits et libertés
reconnus par les cinquième à huitième alinéas du Préambule de la Constitution de
1946.
Le Conseil constitutionnel a écarté ces griefs et jugé les dispositions
contestées conformes à la Constitution.
Le Conseil constitutionnel a relevé que les cinq alinéas de l'article L. 717-3
du CPP fixent diverses règles relatives aux conditions de travail des personnes
détenues. Il en va de même des articles 22 et 33 de la loi du 24 novembre 2009
pénitentiaire. L'article 33 prévoit notamment la signature d'un « acte
d'engagement », signé par le chef d'établissement et la personne détenue Il est
loisible au législateur de modifier les dispositions relatives au travail des
personnes détenues afin de renforcer les droits de ces dernières. Toutefois, les
dispositions contestées de la première phrase du troisième alinéa de l'article
717-3 du CPP se bornent à prévoir que les relations de travail des personnes
incarcérées ne font pas l'objet d'un contrat de travail. Le Conseil a jugé
qu'elles ne portent, en elles-mêmes, aucune atteinte aux principes énoncés par
le Préambule de 1946. Elles ne méconnaissent pas davantage le principe d'égalité
ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations en intervention produites pour l'association « Section
française de l'Observatoire international des prisons (OIP) » par Me Patrice
Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 10
et 25 avril 2013 ;
Vu les observations produites pour les requérants par la SCP Lyon-Caen et
Thiriez, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 11
et 25 avril 2013 ;
Vu les observations produites en défense pour la société Sodexo Justice Services
(SIGES) par la SCP Hélène Didier et François Pinet, avocat au Conseil d'État et
à la Cour de cassation, enregistrées le 11 avril 2013 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 11 avril
2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Thomas Lyon-Caen, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, Me
Xavier Iochum et Me Thomas Hellenbrand, avocats au barreau de Metz, dans
l'intérêt des requérants, Me Pinet dans l'intérêt de la partie en défense, Me
Spinosi dans l'intérêt de l'association intervenante et M. Xavier Pottier,
désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 4
juin 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'il y a lieu de joindre ces deux questions
prioritaires de constitutionnalité pour statuer par une seule décision ;
2. Considérant qu'aux termes de la première phrase du troisième alinéa de
l'article 717-3 du code de procédure pénale : « Les relations de travail des
personnes incarcérées ne font pas l'objet d'un contrat de travail » ;
3. Considérant que, selon les requérants, en excluant que les relations de
travail des personnes incarcérées fassent l'objet d'un contrat de travail, sans
organiser le cadre légal de ce travail, le législateur prive ces personnes de
toutes les garanties légales d'exercice des droits et libertés reconnus par les
cinquième à huitième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 ; qu'en
outre, ces dispositions porteraient une atteinte manifeste au principe d'égalité
et au respect dû à la dignité des personnes ;
4. Considérant qu'aux termes du cinquième alinéa du Préambule de 1946 : « Chacun
a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi. Nul ne peut être
lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions
ou de ses croyances » ; qu'aux termes du sixième alinéa : « Tout homme peut
défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale et adhérer au
syndicat de son choix » ; que le septième alinéa prévoit que « le droit de grève
s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent » ; que le huitième alinéa
dispose que « tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à
la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des
entreprises » ;
5. Considérant que, d'une part, le Préambule de la Constitution de 1946 a
réaffirmé que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de
croyance, possède des droits inaliénables et sacrés ; que la sauvegarde de la
dignité de la personne contre toute forme d'asservissement et de dégradation est
au nombre de ces droits et constitue un principe à valeur constitutionnelle ;
que, d'autre part, l'exécution des peines privatives de liberté en matière
correctionnelle et criminelle a été conçue, non seulement pour protéger la
société et assurer la punition du condamné, mais aussi pour favoriser
l'amendement de celui-ci et préparer son éventuelle réinsertion ; qu'il
appartient, dès lors, au législateur, compétent en application de l'article 34
de la Constitution pour fixer les règles concernant le droit pénal et la
procédure pénale, de déterminer les conditions et les modalités d'exécution des
peines privatives de liberté dans le respect de la dignité de la personne ;
6. Considérant, d'une part, que les principales règles législatives relatives
aux conditions de travail des personnes détenues figurent dans l'article 717-3
du code de procédure pénale ; que le premier alinéa de cet article prévoit que
les activités de travail ainsi que les activités de formation sont prises en
compte pour l'appréciation des gages de réinsertion et de bonne conduite des
condamnés ; qu'en vertu de son deuxième alinéa, au sein des établissements
pénitentiaires, toutes dispositions sont prises pour assurer une activité
professionnelle, une formation professionnelle ou générale aux personnes
incarcérées qui en font la demande ; que le troisième alinéa, outre qu'il
prévoit que les relations de travail ne font pas l'objet d'un contrat de
travail, précise qu'il peut être dérogé à cette règle pour les activités
exercées à l'extérieur des établissements pénitentiaires ; que le quatrième
alinéa prévoit que les règles relatives à la répartition des produits du travail
des détenus sont fixées par décret et que le produit du travail des détenus ne
peut faire l'objet d'aucun prélèvement pour frais d'entretien en établissement
pénitentiaire ; qu'en vertu du dernier alinéa, la rémunération des personnes
détenues ne peut être inférieure à un taux horaire fixé par décret et indexé sur
le salaire minimum de croissance prévu par le code du travail, ce taux pouvant
varier en fonction du régime sous lequel les personnes détenues sont employées ;
7. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 22 de la loi du 24
novembre 2009 susvisée : « L'administration pénitentiaire garantit à toute
personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits. L'exercice de
ceux-ci ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles résultant des
contraintes inhérentes à la détention, du maintien de la sécurité et du bon
ordre des établissements, de la prévention de la récidive et de la protection de
l'intérêt des victimes. Ces restrictions tiennent compte de l'âge, de l'état de
santé, du handicap et de la personnalité de la personne détenue » ;
8. Considérant que l'article 33 de la même loi prévoit, en outre, que la
participation des personnes détenues aux activités professionnelles organisées
dans les établissements pénitentiaires donne lieu à l'établissement par
l'administration pénitentiaire d'un acte d'engagement, signé par le chef
d'établissement et la personne détenue ; que cet acte énonce les droits et
obligations professionnels de celle-ci ainsi que ses conditions de travail et sa
rémunération et précise notamment les modalités selon lesquelles la personne
détenue, « nonobstant l'absence de contrat de travail », bénéficie des
dispositions relatives à l'insertion par l'activité économique prévues aux
articles L. 5132-1 à L. 5132-17 du code du travail ;
9. Considérant qu'il est loisible au législateur de modifier les dispositions
relatives au travail des personnes incarcérées afin de renforcer la protection
de leurs droits ; que, toutefois, les dispositions contestées de la première
phrase du troisième alinéa de l'article 717-3 du code de procédure pénale, qui
se bornent à prévoir que les relations de travail des personnes incarcérées ne
font pas l'objet d'un contrat de travail, ne portent, en elles-mêmes, aucune
atteinte aux principes énoncés par le Préambule de 1946 ; qu'elles ne
méconnaissent pas davantage le principe d'égalité ni aucun autre droit ou
liberté que la Constitution garantit ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions de la
première phrase du troisième alinéa de l'article 717-3 du code de procédure
pénale doivent être déclarées conformes à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er. - La première phrase du troisième alinéa de l'article 717-3 du code
de procédure pénale est conforme à la Constitution.
Article 2. - La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 13 juin 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY
MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de
SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
Décision n° 2013-322 QPC du 14 juin 2013
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 4 avril 2013 par la
Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M.
Philippe W. Cette question était relative à la conformité aux droits et libertés
que la Constitution garantit de l'article 1er de la loi n° 2005-5 du 5 janvier
2005 relative à la situation des maîtres des établissements d'enseignement
privés sous contrat.
Ces dispositions de l'article 1er de la loi du 5 janvier 2005 confirment la
qualité d'agent public des maîtres de l'enseignement privé sous contrat en
prévoyant qu'au titre des fonctions pour lesquelles ils sont employés et
rémunérés par l'État, ils ne sont pas liés par un contrat de travail. Toutefois
elles prévoient que certaines dispositions du code du travail qu'elles désignent
leur sont applicables.
Le requérant soutenait notamment que ces dispositions portent atteinte aux
droits acquis nés de conventions légalement conclues et méconnaissent le
principe de participation des travailleurs à la détermination collective des
conditions de travail. Le Conseil constitutionnel a écarté ces griefs et jugé
les dispositions contestées conformes à la Constitution.
Le Conseil constitutionnel a écarté le grief tiré de l'atteinte aux conventions
légalement conclues. Il a relevé qu'en précisant que, en leur qualité d'agent
public, les maîtres de l'enseignement privé ne sont pas, au titre des fonctions
pour lesquelles ils sont employés et rémunérés par l'État, liés par un contrat
de travail à l'établissement au sein duquel l'enseignement leur est confié, le
législateur a entendu clarifier le statut juridique des maîtres de
l'enseignement privé sous contrat pour mettre fin à une divergence
d'interprétation entre le Conseil d'État et la Cour de cassation. Le Conseil
constitutionnel a jugé qu'eu égard aux incertitudes juridiques nées de cette
divergence, les dispositions contestées ne peuvent être regardées comme portant
atteinte à des droits légalement acquis.
Le Conseil a également écarté le grief tiré de la méconnaissance du principe de
participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de
travail. Il a alors jugé qu'il ne lui appartient de procéder à l'interprétation
du texte qui lui est déféré que dans la mesure où cette interprétation est
nécessaire à l'appréciation de sa constitutionnalité et que tel n'est pas le cas
de la question de la désignation de l'autorité chargée d'assurer le paiement des
heures de délégation syndicale des maîtres des établissements privés sous
contrat prises en dehors de leur temps de travail.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi n° 2005-5 du 5 janvier 2005 relative à la situation des maîtres des
établissements d'enseignement privés sous contrat ;
Vu le code de l'éducation ;
Vu le code du travail ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Lyon-Caen et Thiriez,
avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 23 avril
2013 ;
Vu les observations produites en défense pour l'organisme de gestion de
l'établissement catholique Notre Dame de Bon secours par l'association d'avocats
Bertin et Duplan, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 25 avril et 13
mai 2013 ;
Vu le « mémoire en intervention volontaire » présenté pour l'association «
Conseil national de l'enseignement agricole privé », par la SELARL Quartese
Social, avocat au barreau de Lyon, enregistré le 25 avril 2013 ;
Vu le « mémoire en intervention » présenté pour l'association « Secrétariat
général de l'enseignement catholique » par la SCP Peignot Garreau Bauer-Violas,
avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistré le 26 avril 2013
;
Vu le « mémoire en intervention volontaire » présenté pour les associations
SNCEEL, SYNADEC, SYNADIC et UNETP par la SCP Froment Briens, avocat au barreau
de Paris, enregistré le 29 avril 2013 ;
Vu les observations produites en défense pour la Fédération nationale des
organismes de gestion des établissements de l'enseignement catholique par la SCP
Fromont Briens, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 29 avril et 14 mai
2013 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 29 avril
2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Thomas Lyon-Caen pour le requérant, Me Stéphane Duplan pour l'organisme
défendeur, Me Gilles Briens pour la fédération défenderesse et M. Xavier
Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience
publique du 4 juin 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
- SUR LA RECEVABILITÉ DES INTERVENTIONS :
1. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 6 du règlement du 4
février 2010 susvisé : « Lorsqu'une personne justifiant d'un intérêt spécial
adresse des observations en intervention relatives à une question prioritaire de
constitutionnalité dans un délai de trois semaines suivant la date de sa
transmission au Conseil constitutionnel, mentionnée sur son site internet,
celui-ci décide que l'ensemble des pièces de la procédure lui est adressé et que
ces observations sont transmises aux parties et autorités mentionnées à
l'article 1er. Il leur est imparti un délai pour y répondre. En cas d'urgence,
le président du Conseil constitutionnel ordonne cette transmission » ;
2. Considérant que les associations « Conseil national de l'enseignement
agricole privé », « Secrétariat général de l'enseignement catholique », SNCEEL,
SYNADEC, SYNADIC et UNETP ont produit des « mémoires en intervention » demandant
à intervenir dans la procédure d'examen de la présente question prioritaire de
constitutionnalité et justifient d'un intérêt spécial à cette fin ;
3. Considérant, toutefois, que chacune de ces interventions précise qu'elle
n'entend pas produire d'observations « à ce stade » mais se réserve le droit
d'en établir au vu des mémoires déposés par les parties au litige ; que ces «
mémoires en intervention » ne comprennent pas d'observations sur le bien-fondé
de la question ; qu'ils ne satisfont pas aux exigences posées par l'article 6
précité ; que, par suite, ces interventions ne sont pas admises ;
- SUR LE FOND :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 5 janvier 2005
susvisée : « Le code de l'éducation est ainsi modifié :
« 1° Le deuxième alinéa de l'article L. 442-5 est complété par une phrase ainsi
rédigée :
« "Ces derniers, en leur qualité d'agent public, ne sont pas, au titre des
fonctions pour lesquelles ils sont employés et rémunérés par l'État, liés par un
contrat de travail à l'établissement au sein duquel l'enseignement leur est
confié, dans le cadre de l'organisation arrêtée par le chef d'établissement,
dans le respect du caractère propre de l'établissement et de la liberté de
conscience des maîtres."
« 2° Après le deuxième alinéa du même article, il est inséré un alinéa ainsi
rédigé :
« "Nonobstant l'absence de contrat de travail avec l'établissement, les
personnels enseignants mentionnés à l'alinéa précédent sont, pour l'application
des articles L. 236-1, L. 412-5, L. 421-2 et L. 431-2 du code du travail, pris
en compte dans le calcul des effectifs de l'établissement, tel que prévu à
l'article L. 620-10 du même code. Ils sont électeurs et éligibles pour les
élections des délégués du personnel et les élections au comité d'hygiène, de
sécurité et des conditions de travail et au comité d'entreprise. Ils bénéficient
de ces institutions dans les conditions prévues par le code du travail. Les
rémunérations versées par l'État à ces personnels sont prises en compte pour le
calcul de la masse salariale brute, tel que prévu à l'article L. 434-8 du même
code, et la détermination du rapport entre la contribution aux institutions
sociales et le montant global des salaires, mentionné à l'article L. 432-9 du
même code."
« 3° L'article L. 914-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« "Les maîtres titulaires d'un contrat définitif dont le service est supprimé ou
réduit, les maîtres titulaires d'un contrat provisoire préalable à l'obtention
d'un contrat définitif ainsi que les lauréats de concours bénéficient d'une
priorité d'accès aux services vacants d'enseignement ou de documentation des
classes sous contrat d'association dans des conditions déterminées par décret en
Conseil d'État" » ;
5. Considérant que, selon le requérant, ces dispositions portent atteinte aux
droits acquis nés de conventions légalement conclues et méconnaissent le
principe de participation des travailleurs à la détermination collective des
conditions de travail ainsi que le principe d'égalité ;
. En ce qui concerne le grief tiré de l'atteinte aux conventions légalement
conclues :
6. Considérant que, selon le requérant, en modifiant le statut des maîtres de
l'enseignement privé, qui étaient antérieurement liés par un contrat de travail
aux établissements dans lesquels ils étaient affectés, et en les privant ainsi
des droits dont ils bénéficiaient en qualité de salarié, l'article 1er de la loi
du 5 janvier 2005 a porté une atteinte inconstitutionnelle aux conventions
légalement conclues ;
7. Considérant qu'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le
domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci
en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions ; que, ce faisant, il
ne saurait toutefois priver de garanties légales des exigences
constitutionnelles ; qu'en particulier, il méconnaîtrait la garantie des droits
proclamée par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen
de 1789 s'il portait aux situations légalement acquises une atteinte qui ne soit
justifiée par un motif d'intérêt général suffisant ; que, de même, il ne
respecterait pas les exigences résultant des articles 4 et 16 de la Déclaration
de 1789 s'il portait aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit
justifiée par un tel motif ;
8. Considérant qu'en précisant que, en leur qualité d'agent public, les maîtres
de l'enseignement privé ne sont pas, au titre des fonctions pour lesquelles ils
sont employés et rémunérés par l'État, liés par un contrat de travail à
l'établissement au sein duquel l'enseignement leur est confié, le législateur a
entendu clarifier le statut juridique des maîtres de l'enseignement privé sous
contrat pour mettre fin à une divergence d'interprétation entre le Conseil
d'État et la Cour de cassation ; qu'eu égard aux incertitudes juridiques nées de
cette divergence, les dispositions contestées ne peuvent être regardées comme
portant atteinte à des droits légalement acquis ; que, par suite, le grief tiré
de la méconnaissance des exigences constitutionnelles précitées doit être écarté
;
. En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance du principe de
participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de
travail :
9. Considérant que, selon le requérant, en prévoyant que les maîtres des
établissements d'enseignement privés ne sont pas liés à l'établissement par un
contrat de travail et en ne précisant pas le régime des heures de délégation
syndicale prises en dehors de leur temps de travail, le législateur aurait
méconnu le principe de participation des travailleurs à la détermination
collective de leurs conditions de travail ; qu'en particulier, il soutient que
ces maîtres se sont vu priver de la protection attachée à l'exercice de
fonctions représentatives ;
10. Considérant qu'aux termes du huitième alinéa du Préambule de la Constitution
du 27 octobre 1946 : « tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses
délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la
gestion des entreprises » ; qu'il appartient au législateur, compétent en
application de l'article 34 de la Constitution pour déterminer les principes
fondamentaux du droit du travail et du droit syndical, de fixer les conditions
de mise en oeuvre du droit des travailleurs de participer par l'intermédiaire de
leurs délégués à la détermination des conditions de travail ainsi qu'à la
gestion des entreprises ;
11. Considérant, d'une part, qu'en vertu du 2° de l'article 1er de la loi du 5
janvier 2005 susvisée, les maîtres des établissements d'enseignement privés sont
pris en compte dans les effectifs requis par le code du travail pour constituer
les comités d'entreprise et comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de
travail ; qu'ils sont également électeurs et éligibles pour les élections à ces
comités et pour celles des délégués du personnel ; que le législateur a entendu
garantir aux maîtres des établissements d'enseignement privés sous contrat la
possibilité de participer aux élections aux institutions représentatives dans
les mêmes conditions que les autres salariés de ces établissements ;
12. Considérant, d'autre part, qu'en adoptant les dispositions contestées, le
législateur a entendu confirmer la qualité d'agent public des maîtres de
l'enseignement privé sous contrat en prévoyant qu'au titre des fonctions pour
lesquelles ils sont employés et rémunérés par l'État, ils ne sont pas liés par
un contrat de travail ; qu'il a toutefois prévu que certaines dispositions du
code du travail qu'il désigne leur sont applicables ; qu'en vertu du premier
alinéa de l'article 61-1 de la Constitution, le Conseil constitutionnel a
compétence pour se prononcer sur la conformité aux droits et libertés que la
Constitution garantit d'une disposition législative dont il est saisi sur renvoi
du Conseil d'État ou de la Cour de cassation ; qu'il ne lui appartient de
procéder à l'interprétation du texte qui lui est déféré que dans la mesure où
cette interprétation est nécessaire à l'appréciation de sa constitutionnalité ;
que tel n'est pas le cas de la question de la désignation de l'autorité chargée
d'assurer le paiement des heures de délégation syndicale des maîtres des
établissements privés sous contrat prises en dehors de leur temps de travail ;
13. Considérant que, par suite, le grief tiré de la méconnaissance du principe
de participation des travailleurs aux conditions de travail énoncé par le
huitième alinéa du Préambule de 1946 doit être écarté ;
. En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité :
14. Considérant que, selon le requérant, en précisant que les maîtres des
établissements d'enseignement privés sous contrat ne sont pas liés aux
établissements dans lesquels ils sont affectés par un contrat de travail, ces
dispositions privent les maîtres de l'enseignement privé du droit, reconnu à
tous les autres travailleurs, de faire constater l'existence d'un contrat de
travail de droit privé les liant à un employeur privé ; que, par suite, elles
méconnaîtraient le principe d'égalité ;
15. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789 : « La
loi. . . doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse
» ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de
façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité
pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la
différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de
la loi qui l'établit ;
16. Considérant que les maîtres des établissements d'enseignement privés sous
contrat ne sont pas dans une situation identique à celle des autres personnels
privés employés par ces établissements au regard de leur relation avec l'État et
l'accomplissement de la mission de service public de l'enseignement ; que, par
suite, le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit être écarté
;
17. Considérant que les dispositions de l'article 1er de la loi du 5 janvier
2005 susvisée ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution
garantit ; qu'elles doivent être déclarées conformes à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- Les interventions des associations « Conseil national de
l'enseignement agricole privé », « Secrétariat général de l'enseignement
catholique », SNCEEL, SYNADEC, SYNADIC et UNETP ne sont pas admises.
Article 2.- L'article 1er de la loi n° 2005-5 du 5 janvier 2005 relative à la
situation des maîtres des établissements d'enseignement privés sous contrat est
conforme à la Constitution.
Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 13 juin 2006, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY
MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC et Mme Nicole MAESTRACCI.
Décision n° 2013-323 QPC du 14 juin 2013
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 5 avril 2013 par le
Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la
communauté de communes Monts d'Or Azergues. Cette question était relative à la
conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des troisième à
cinquième alinéas du IV du 1.1 du 1 et du IV du 2.1 du 2 de l'article 78 de la
loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 dans leur rédaction
antérieure à la loi du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011.
Ces dispositions s'inscrivent dans la réforme de la taxe professionnelle à
laquelle a procédé la loi du 30 décembre 2009. Cette loi a institué une dotation
de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) et un Fonds
national de garantie individuelle des ressources communales et intercommunales (FNGIR)
au profit de chaque catégorie de collectivités territoriales. Les dispositions
contestées, relatives aux règles de répartition des montants perçus au titre de
la DCRTP et des montants prélevés ou reversés au titre du FNGIR des communes et
établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), s'appliquent en cas
de modification d'un périmètre, fusion, scission ou dissolution d'un ou
plusieurs établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) intervenu
en 2011. La communauté de communes requérante critiquait, dans ces cas, le fait
que la répartition de la dotation de compensation et du prélèvement ou du
reversement au titre du Fonds de garantie soit fondée sur le seul critère de
population des communes membres des EPCI à fiscalité propre..
D'une part, le Conseil constitutionnel a jugé que ces dispositions ne
méconnaissaient pas la libre administration des collectivités territoriales et
que l'utilisation du critère de la population n'entraînait pas, en elle-même, de
rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.
D'autre part, le Conseil a relevé que ce dispositif n'est applicable qu'aux EPCI
dont le périmètre a été modifié au cours de l'année 2011. Pour ceux dont le
périmètre a été modifié postérieurement, la loi de finances rectificative pour
2011 du 28 décembre 2011 a instauré une nouvelle règle de répartition des
montants perçus au titre de la dotation de compensation et des montants prélevés
ou reversés au titre du Fonds de garantie en cas de modification de périmètre
des EPCI. Le législateur a prévu que cette répartition serait fondée sur les
pertes fiscales effectivement constatées dans chacune des communes concernées
par la modification de périmètre.
Le Conseil constitutionnel a jugé que s'il était loisible au législateur de
procéder, dès 2012, à la substitution de nouveaux critères à ceux qu'il avait
précédemment retenus, il ne pouvait, compte tenu de l'objet de cette dotation et
de ce Fonds, laisser subsister une telle différence de façon pérenne, sans
porter une atteinte caractérisée à l'égalité devant les charges publiques entre
les communes et entre les établissements publics de coopération intercommunale.
Le Conseil constitutionnel a jugé qu'une déclaration d'inconstitutionnalité qui
aurait pour effet d'imposer la révision de la répartition des montants déjà
perçus, prélevés ou reversés, aurait des conséquences manifestement excessives.
Il a donc reporté au 1er janvier 2014 la date de l'abrogation des dispositions
contestées. Cette abrogation n'est applicable qu'à la détermination des montants
versés ou prélevés au titre de la dotation de compensation et du Fonds de
garantie pour l'année 2014 et pour les années ultérieures.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 ;
Vu la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 ;
Vu la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la communauté de communes Monts d'Or Azergues,
requérante, par la SELAS FIDAL, avocat au barreau de Lyon, enregistrées le 19
avril 2013 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 29 avril
2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Nicolas Gautier, avocat au barreau de Lyon, et M. Xavier Pottier, désigné par
le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 4 juin 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que le 1.1 du 1 de l'article 78 de la loi de
finances pour 2010 susvisée instaure à compter de 2011 une « dotation de
compensation de la réforme de la taxe professionnelle au profit des communes et
établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre » ;
qu'aux termes des troisième à cinquième alinéas du paragraphe IV de ce 1.1 dans
leur rédaction résultant de la loi de finances pour 2011 susvisée : « En cas de
modification de périmètre, fusion, scission ou dissolution d'un ou plusieurs
établissements publics de coopération intercommunale, le montant de la dotation
de compensation de chaque établissement résultant de cette opération s'obtient :
« 1° En calculant, pour chacun des établissements préexistants concernés par
cette opération, la part de la dotation de compensation de l'établissement
afférente à chaque commune par répartition du montant calculé conformément aux
II, III et présent IV pour cet établissement au prorata de la population ;
« 2° Puis en additionnant, pour chacun des établissements résultant de cette
opération, les parts de dotations de compensation de l'établissement, calculées
conformément au 1°, afférentes aux communes que cet établissement regroupe » ;
2. Considérant que le 2.1 du 2 de l'article 78 de la loi de finances pour 2010
susvisée instaure à compter de 2011 un « Fonds national de garantie individuelle
des ressources communales et intercommunales » ; qu'aux termes des troisième à
cinquième alinéas du paragraphe IV de ce 2.1 dans leur rédaction résultant de la
loi de finances pour 2010 : « En cas de modification de périmètre, fusion,
scission ou dissolution d'un ou plusieurs établissements publics de coopération
intercommunale, le montant du prélèvement sur les ressources ou du reversement
de chaque établissement résultant de cette opération s'obtient :
« 1° En calculant, pour chacun des établissements préexistants concernés par
cette opération, la part du prélèvement ou du reversement intercommunal
afférente à chaque commune par répartition du montant calculé conformément aux
II, III et au présent IV pour cet établissement au prorata de la population ;
« 2° Puis en additionnant, pour chacun des établissements résultant de cette
opération, les parts de prélèvement ou de reversement intercommunal, calculées
conformément au 1°, afférentes aux communes que cet établissement regroupe » ;
3. Considérant que, selon la communauté de communes requérante, en instaurant un
mécanisme de répartition de la dotation de compensation de la réforme de la taxe
professionnelle et du prélèvement ou du reversement au titre du Fonds national
de garantie individuelle des ressources fondé sur le seul critère de population
des communes membres des établissements publics de coopération intercommunale à
fiscalité propre lorsque le périmètre de ces établissements est modifié, les
dispositions contestées méconnaissent le principe de la libre administration des
collectivités territoriales énoncé à l'article 72 de la Constitution ; que le
choix d'un tel critère, qui serait sans rapport avec l'objectif poursuivi par le
législateur de compenser les pertes de recettes de taxe professionnelle,
porterait également atteinte à l'égalité devant les charges publiques ; qu'en
maintenant ce critère pour les établissements publics de coopération
intercommunale dont le périmètre est modifié au cours de l'année 2011 alors que
la loi de finances rectificative pour 2011 du 28 décembre 2011 a instauré pour
les établissements publics de coopération intercommunale dont le périmètre est
modifié ultérieurement une répartition fondée sur d'autres critères, les
dispositions contestées méconnaîtraient également à ce titre le principe
d'égalité devant les charges publiques ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour
les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle
doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs
facultés » ; qu'en particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité,
le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et
rationnels en fonction des buts qu'il se propose ; que cette appréciation ne
doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les
charges publiques ;
5. Considérant que l'article 34 de la Constitution réserve au législateur la
détermination des principes fondamentaux de la libre administration des
collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources ; qu'en
vertu du troisième alinéa de l'article 72 de la Constitution, les collectivités
territoriales « s'administrent librement par des conseils élus » dans les
conditions prévues par la loi ;
6. Considérant, en premier lieu, que, lorsque les établissements publics de
coopération intercommunale à fiscalité propre sont soumis au régime de la
contribution économique territoriale unique, une attribution de compensation est
versée aux communes membres de l'établissement en application du paragraphe V de
l'article 1609 nonies C du code général des impôts ; que, par suite, les règles
relatives à la répartition de la dotation de compensation de la réforme de la
taxe professionnelle et du prélèvement ou du reversement du Fonds national de
garantie individuelle des ressources entre des établissements publics de
coopération intercommunale à fiscalité propre dont le périmètre est modifié
affectent la libre administration des communes faisant partie de ces
établissements publics de coopération intercommunale ;
7. Considérant que, par les dispositions contestées, le législateur a introduit
un dispositif permettant de corriger la répartition des montants versés au titre
de la dotation et des prélèvements ou reversements au titre du Fonds de garantie
en cas d'évolution de la carte intercommunale ; qu'en prévoyant une modalité de
calcul de cette nouvelle répartition fondée exclusivement sur la population des
communes membres des établissements publics de coopération intercommunale, le
législateur a retenu un critère qui n'a ni pour objet ni pour effet de
restreindre les ressources de certaines communes concernées par la modification
de périmètre des établissements publics de coopération intercommunale au point
de dénaturer le principe de libre administration des collectivités territoriales
; que le grief tiré de la méconnaissance de la libre administration des
collectivités territoriales doit être écarté ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que, pour déterminer le montant à répartir au
titre de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle et
des prélèvements ou reversements au titre du Fonds national de garantie
individuelle des ressources, il est procédé à une comparaison entre un « panier
de recettes » antérieur à la réforme de la taxe professionnelle et un « panier
de recettes » résultant de cette réforme ; que les communes et établissements
publics de coopération intercommunale ne sont éligibles à la dotation que
lorsque la différence entre les deux termes de la comparaison excède 50 000
euros ; que, pour garantir l'équilibre global du dispositif, le reversement au
titre du Fonds de garantie est multiplié par un coefficient d'équilibrage ; que
cette dotation et ce Fonds de garantie ne font l'objet d'aucune indexation ;
qu'il résulte de ce qui précède qu'en instaurant, en faveur des communes et de
leurs établissements publics de coopération intercommunale, les dispositifs de
la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle et du Fonds
national de garantie individuelle des ressources, le législateur a entendu
assurer aux communes un niveau de ressources voisin de celui précédant la
réforme de la taxe professionnelle par la loi de finances pour 2010, sans pour
autant garantir à chaque commune une compensation intégrale ; qu'en prévoyant
des règles de répartition de la part de la dotation et du montant du prélèvement
ou du reversement au titre du Fonds de garantie en cas de modification de
périmètre, fusion, scission ou dissolution d'un ou plusieurs établissements
publics de coopération intercommunale, le législateur a également entendu
prendre en compte la situation particulière résultant des modifications de la
carte de l'intercommunalité ; que le critère de répartition « au prorata de la
population » est un critère objectif et rationnel pour effectuer la répartition
de montants perçus au titre d'une dotation et de montants prélevés ou reversés
au titre d'un fonds de répartition des ressources ; que ce critère est en lien
avec les objectifs poursuivis par le législateur ; que l'utilisation de ce
critère n'entraîne pas en elle-même de rupture caractérisée de l'égalité devant
les charges publiques ;
9. Considérant, en troisième lieu, que, par la nouvelle rédaction des
dispositions contestées introduite par le paragraphe V de l'article 44 de la loi
de finances rectificative pour 2011 du 28 décembre 2011 susvisée, le législateur
a établi une nouvelle règle de répartition des montants perçus au titre de la
dotation et des montants prélevés ou reversés au titre du Fonds de garantie en
cas de modification de périmètre des établissements publics de coopération
intercommunale ; qu'il a prévu que cette répartition serait fondée sur les
pertes fiscales effectivement constatées dans chacune des communes concernées
par la modification de périmètre ; qu'il a toutefois réservé l'application de
cette nouvelle règle aux établissements publics de coopération intercommunale
dont le périmètre est modifié à compter du 1er janvier 2012 ; que, pour les
établissements publics de coopération intercommunale dont le périmètre a été
modifié au cours de l'année 2011, les bases de calcul de la dotation et des
prélèvements ou reversements au titre du Fonds de garantie n'ont pas été
modifiées ; que, pour ces établissements, le législateur n'a pas prévu une
révision de la répartition arrêtée en application des dispositions contestées, y
compris pour les dotations et prélèvements ou reversements au Fonds de garantie
pour les années postérieures ;
10. Considérant, toutefois, que le législateur a réservé le nouveau régime
juridique prévu par la loi du 28 décembre 2011 susvisée aux modifications de
périmètre des établissements publics de coopération intercommunale intervenant à
compter du 1er janvier 2012 ; qu'en conséquence, à compter de l'année 2012, la
différence de traitement entre les établissements publics de coopération
intercommunale repose uniquement sur la date à laquelle la modification de leur
périmètre est intervenue et n'est pas limitée dans le temps ; que, s'il était
loisible au législateur de procéder, dès 2012, à la substitution de nouveaux
critères aux précédents critères qu'il avait retenus pour la répartition des
montants de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle
et des prélèvements ou reversements au titre du Fonds national de garantie
individuelle des ressources en cas de modification de périmètre, fusion,
scission ou dissolution d'un ou plusieurs établissements publics de coopération
intercommunale et de laisser subsister à titre transitoire une différence de
régime selon la date de cette modification, il ne pouvait, compte tenu de
l'objet de cette dotation et de ce Fonds, laisser subsister une telle différence
de façon pérenne, sans porter une atteinte caractérisée à l'égalité devant les
charges publiques entre les communes et entre les établissements publics de
coopération intercommunale ; que, par suite, les troisième à cinquième alinéas
du paragraphe IV du 1.1 du 1 de l'article 78 de la loi de finances pour 2010,
dans leur rédaction résultant de la loi de finances pour 2011 et les troisième à
cinquième alinéas du paragraphe IV du 2.1 du 2 de l'article 78 de la loi de
finances pour 2010 précitée doivent être déclarés contraires à la Constitution ;
11. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la
Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement
de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du
Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le
Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les
effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ;
que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à
l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition
déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances
en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel,
les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le
pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses
effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a
produits avant l'intervention de cette déclaration ;
12. Considérant qu'une déclaration d'inconstitutionnalité qui aurait pour effet
d'imposer la révision de la répartition des montants perçus au titre de la
dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle et des
montants prélevés ou reversés au titre du Fonds national de garantie
individuelle des ressources en raison de la modification de périmètre, de la
fusion, de la scission ou de la dissolution d'un ou plusieurs établissements
publics de coopération intercommunale au cours de l'année 2011 à compter de
l'année 2012 aurait des conséquences manifestement excessives ; qu'il y a lieu
de reporter au 1er janvier 2014 la date de cette abrogation ; qu'elle n'est
applicable qu'à la détermination des montants versés ou prélevés au titre de la
dotation et du Fonds de garantie pour l'année 2014 et pour les années
ultérieures,
D É C I D E :
Article 1er.- Sont contraires à la Constitution :
- les troisième à cinquième alinéas du paragraphe IV du 1.1 du 1 de l'article 78
de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, dans leur
rédaction résultant de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour
2011 ;
- les troisième à cinquième alinéas du paragraphe IV du 2.1 du 2 de l'article 78
de la loi de finances pour 2010 précitée, dans leur rédaction résultant de cette
loi.
Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à
compter du 1er janvier 2014 dans les conditions prévues au considérant 12.
Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 13 juin 2013, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
3 DECISIONS DU 21 JUIN 2013
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 8 avril 2013 par le
Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme
Micheline L. Cette question était relative à la conformité aux droits et
libertés que la Constitution garantit de l'article L. 43 du code des pensions
militaires d'invalidité et des victimes de la guerre (CPMIVG).
L'article L. 43 du CPMIVG fixe les conditions dans lesquelles, en cas de décès
d'un militaire, le conjoint survivant peut bénéficier d'une pension militaire
d'invalidité. Le conjoint divorcé au moment du décès est exclu du bénéfice de la
pension.
La requérante soutenait, qu'en réservant au conjoint survivant le bénéfice de la
pension militaire d'invalidité, à l'exclusion du conjoint divorcé, alors que les
articles L. 44 du code des pensions civiles et miliaires de retraite et L. 353-3
du code de la sécurité sociale n'excluent pas les conjoints divorcés du bénéfice
des pensions de réversion prévues par ces codes, les dispositions contestées
méconnaissaient le principe d'égalité.
Le Conseil constitutionnel a écarté ce grief et jugé l'article L. 43 du CPMIVG
conforme à la Constitution. Il a relevé que les pensions militaires d'invalidité
et des victimes de la guerre n'ont pas le même objet que les pensions de
retraite prévues tant par le code des pensions civiles et militaires de retraite
que par le code de la sécurité sociale. En effet, les premières ont
principalement pour objet d'assurer un droit à réparation et les secondes un
revenu de substitution ou d'assistance. Dès lors, en elles-mêmes, les
différences entre les régimes d'attribution et de réversion de ces pensions,
s'agissant notamment de la désignation de leurs bénéficiaires, ne méconnaissent
pas le principe d'égalité. Par ailleurs, le Conseil a jugé que le conjoint
survivant et le conjoint divorcé se trouvent dans des situations différentes. Ni
le principe d'égalité, ni aucune autre exigence constitutionnelle n'imposent
d'octroyer au conjoint divorcé le bénéfice d'une pension accordée au conjoint
survivant.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 30 avril
2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Julie Moulin, avocate au barreau de Montpellier, pour la requérante et M.
Xavier Pottier désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience
publique du 11 juin 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 43 du code des
pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : « Ont droit à
pension :
« 1° Les conjoints survivants des militaires et marins dont la mort a été causée
par des blessures ou suites de blessures reçues au cours d'événements de guerre
ou par des accidents ou suites d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion
du service ;
« 2° Les conjoints survivants des militaires et marins dont la mort a été causée
par des maladies contractées ou aggravées par suite de fatigues, dangers ou
accidents survenus par le fait ou à l'occasion du service, ainsi que les
conjoints survivants de militaires et marins morts en jouissance d'une pension
définitive ou temporaire correspondant à une invalidité égale ou supérieure à 85
% ou en possession de droits à cette pension ;
« 3° Les conjoints survivants des militaires et marins morts en jouissance d'une
pension définitive ou temporaire correspondant à une invalidité égale ou
supérieure à 60 % ou en possession de droits à cette pension.
« Dans les trois cas, il y a droit à pension si le mariage est antérieur soit à
l'origine, soit à l'aggravation de la blessure ou de la maladie, à moins qu'il
ne soit établi qu'au moment du mariage l'état du conjoint pouvait laisser
prévoir une issue fatale à brève échéance.
« La condition d'antériorité du mariage ne sera pas exigée du conjoint survivant
lorsqu'il aura eu un ou plusieurs enfants légitimes ou légitimés ou naturels
reconnus dans les conditions prévues à l'article L. 64, ainsi que du conjoint
survivant sans enfant qui pourrait prouver qu'il a eu une vie commune de trois
ans avec le conjoint mutilé, quelle que soit la date du mariage.
« En outre, les conjoints survivants d'une personne mutilée de guerre ou
d'expéditions déclarées campagnes de guerre, atteinte d'une invalidité égale ou
supérieure à 80 %, ont droit, au cas où ils ne pourraient se réclamer des
dispositions de l'alinéa qui précède, à une pension de réversion si le mariage a
été contracté dans les deux ans de la réforme de leur conjoint mutilé ou de la
cessation des hostilités, et si ce mariage a duré une année ou a été rompu par
la mort accidentelle du conjoint mutilé.
« Peuvent également prétendre à une pension du taux de réversion les conjoints
survivants visés aux alinéas 1° et 2° ci-dessus, si le mariage contracté
postérieurement, soit à la blessure, soit à l'origine de la maladie, soit à
l'aggravation, soit à la cessation de l'activité, a duré deux ans.
« Le défaut d'autorisation militaire en ce qui concerne le mariage contracté par
les militaires ou marins en activité de service, n'entraîne pas pour les ayants
cause, perte du droit à pension » ;
2. Considérant que, selon la requérante, en réservant au conjoint survivant le
bénéfice de la pension militaire d'invalidité, à l'exclusion du conjoint
divorcé, alors que les articles L. 44 du code des pensions civiles et militaires
de retraite et L. 353-3 du code de la sécurité sociale n'excluent pas ce dernier
du bénéfice des pensions de réversion prévues par ces codes, les dispositions
contestées méconnaissent le principe d'égalité ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit
qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose
ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes, ni
à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que,
dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en
rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
4. Considérant que les dispositions contestées fixent les conditions dans
lesquelles, en cas de décès d'un militaire, le conjoint survivant peut
bénéficier d'une pension militaire d'invalidité ; qu'en application de l'article
L. 1 ter du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la
guerre, est désigné comme conjoint survivant « l'époux ou l'épouse uni par les
liens du mariage à un ayant droit au moment de son décès » ; qu'ainsi, le
conjoint divorcé au moment du décès est exclu du bénéfice de ces pensions ;
5. Considérant que, d'une part, les pensions militaires d'invalidité et des
victimes de la guerre et les pensions de retraite prévues tant par le code des
pensions civiles et miliaires de retraite que par le code de la sécurité sociale
ont principalement pour objet d'assurer, pour les premières, un droit à
réparation et, pour les secondes, un revenu de substitution ou d'assistance ;
qu'ainsi, elles n'ont pas le même objet ; que, dès lors, en elles-mêmes, les
différences entre les régimes d'attribution et de réversion de ces pensions,
s'agissant notamment de la désignation de leurs bénéficiaires, ne méconnaissent
pas le principe d'égalité ; que, d'autre part, le conjoint survivant et le
conjoint divorcé se trouvent dans des situations différentes ; que ni le
principe d'égalité, ni aucune autre exigence constitutionnelle n'imposent
d'octroyer au conjoint divorcé le bénéfice d'une pension accordée au conjoint
survivant ;
6. Considérant que l'article L. 43 du code des pensions militaires d'invalidité
et des victimes de la guerre n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que
la Constitution garantit ; qu'il doit être déclaré conforme à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- L'article L. 43 du code des pensions militaires d'invalidité et
des victimes de la guerre est conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance 20 juin 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY
MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert
HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
Décision n° 2013-325 QPC du 21 juin 2013
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 11 avril 2013 par
la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par
M. Jean-Sébastien C. Cette question était relative à la conformité aux droits et
libertés que la Constitution garantit de l'article L. 123-9 du code de
l'urbanisme dans sa rédaction issue de l'article 16 de la loi n° 76-1285 du 31
décembre 1976 portant réforme de l'urbanisme.
L'article L. 123-9 du code de l'urbanisme contesté permet au propriétaire d'un
terrain inscrit en emplacement réservé par un plan d'urbanisme, notamment pour
un ouvrage public ou une voie publique, d'exiger de la collectivité ou du
service public au bénéfice duquel a été réservé le terrain de procéder à
l'acquisition de celui-ci dans un délai de deux ans. À défaut d'accord amiable,
le juge de l'expropriation prononce le transfert de propriété et fixe
l'indemnité comme en matière d'expropriation.
Le requérant soutenait que ces dispositions portent atteinte au droit de
propriété, notamment en ne prévoyant pas un droit de rétrocession analogue à
celui qui existe en matière d'expropriation. Il soutenait également que le
législateur avait méconnu sa propre compétence. Le Conseil constitutionnel a
écarté ces griefs et jugé les dispositions contestées conformes à la
Constitution.
Le Conseil constitutionnel a relevé que l'exercice du droit de délaissement
institué au profit des propriétaires de terrains, constitue une réquisition
d'achat à l'initiative de ces propriétaires. En conséquence, il a jugé que le
transfert de propriété résultant de l'exercice de ce droit n'entre pas dans le
champ d'application de l'article 17 de la Déclaration de 1789. Par ailleurs, il
a jugé qu'en accordant aux propriétaires de terrains grevés d'un emplacement
réservé, le droit d'imposer à la collectivité publique, soit d'acquérir le
terrain réservé, soit de renoncer à ce qu'il soit réservé, le législateur n'a
porté aucune atteinte à leur droit de propriété. Ainsi, les exigences de
l'article 2 de la Déclaration de 1789 ne sont pas davantage méconnues. Le
Conseil a également jugé que le législateur n'avait pas en l'espèce méconnu sa
compétence.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu la loi n° 76-1285 du 31 décembre 1976 portant réforme de l'urbanisme ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par Me Patrick Chabrun, avocat
au barreau de Paris, enregistrées les 2 et 21 mai 2013 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 6 mai
2013 ;
Vu les observations produites en défense pour la commune de Rosny-sous-Bois, par
la SELARL Huglo Lepage et Associés Conseil, avocat au barreau de Paris,
enregistrées les 6 et 21 mai 2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Chabrun pour le requérant, Me Valérie Saintaman, avocat au barreau de Paris,
pour la commune en défense et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier
ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 11 juin 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 123-9 du code de
l'urbanisme dans sa rédaction issue de l'article 16 de la loi du 31 décembre
1976 susvisée : « Le propriétaire d'un terrain bâti ou non bâti réservé par un
plan d'occupation des sols pour un ouvrage public, une voie publique, une
installation d'intérêt général ou un espace vert peut, à compter du jour où le
plan est rendu public, même si à cette date une décision de sursis lui ayant été
opposée est en cours de validité, exiger de la collectivité ou du service public
au bénéfice duquel le terrain a été réservé qu'il soit procédé à son acquisition
dans un délai de deux ans à compter du jour de la demande. Ce délai peut être
prorogé une fois pour une durée d'un an, sauf dans les cas où il y a eu sursis à
statuer en application des articles L. 123-5 et L. 123-7. Lorsqu'il s'agit d'un
terrain agricole effectivement exploité, cette prorogation devra être justifiée
selon une procédure dont les modalités seront fixées par les décrets prévus à
l'article L. 125-1 ;
« Au cas où le terrain viendrait à faire l'objet d'une transmission pour cause
de décès, les ayants-droit du propriétaire décédé peuvent, sur justification que
l'immeuble en cause représente au moins la moitié de l'actif successoral et sous
réserve de présenter la demande d'acquisition dans le délai de six mois à
compter de l'ouverture de la succession si celle-ci n'a pas été formulée par le
propriétaire décédé, exiger qu'il soit sursis à concurrence du montant du prix
du terrain au recouvrement des droits de mutation afférents à la succession tant
que ce prix n'aura pas été payé ;
« À défaut d'accord amiable à l'expiration du délai mentionné à l'alinéa 1er
ci-dessus, le juge de l'expropriation, saisi soit par le propriétaire, soit par
la collectivité ou le service public bénéficiaire de la réserve, prononce le
transfert de propriété et fixe le prix du terrain. Ce prix, y compris
l'indemnité de réemploi, est fixé et payé comme en matière d'expropriation, le
terrain étant considéré comme ayant cessé d'être compris dans un emplacement
réservé. Toutefois, la date de référence prévue au II de l'article 21 de
l'ordonnance du 23 octobre 1958 est un an avant la publication de l'acte
décidant de rendre public le plan d'occupation des sols ;
« Si trois mois après l'expiration du délai mentionné à l'alinéa 1er ci-dessus,
le juge de l'expropriation n'a pas été saisi, la réserve n'est plus opposable au
propriétaire comme au tiers, un mois après la mise en demeure de procéder à sa
levée, adressée à l'autorité administrative par le propriétaire ;
« L'acte ou la décision portant transfert de propriété éteint par lui-même et à
sa date tous droits réels ou personnels existant sur les immeubles cédés, même
en l'absence de déclaration d'utilité publique antérieure. Les droits des
créanciers inscrits sont reportés sur le prix dans les conditions prévues à
l'article 8 de l'ordonnance n° 58-997 du 23 octobre 1958 relative à
l'expropriation » ;
2. Considérant que, selon le requérant, en ne prévoyant pas de droit de
rétrocession analogue à celui qui existe en matière d'expropriation pour cause
d'utilité publique, les dispositions contestées portent atteinte au droit de
propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 ; que le législateur aurait, en outre, méconnu
l'étendue de sa compétence
3. Considérant, en premier lieu, que la propriété figure au nombre des droits de
l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ; qu'aux
termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré,
nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement
constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable
indemnité » ; qu'en l'absence de privation du droit de propriété au sens de cet
article, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les
atteintes portées à ce droit doivent être justifiées par un motif d'intérêt
général et proportionnées à l'objectif poursuivi
4. Considérant que les dispositions contestées de l'article L. 123-9 du code de
l'urbanisme, dans sa rédaction issue de l'article 16 de la loi du 31 décembre
1976 susvisée, permettent au propriétaire d'un terrain bâti ou non bâti réservé
par un plan d'urbanisme pour un ouvrage public, une voie publique, une
installation d'intérêt général ou un espace vert d'exiger de la collectivité ou
du service public au bénéfice duquel a été réservé le terrain de procéder à
l'acquisition de celui-ci dans un délai de deux ans qui peut être prorogé pour
une durée d'un an ; qu'à défaut d'accord amiable dans le délai fixé par les
dispositions contestées, le juge de l'expropriation, saisi par le propriétaire
du terrain, la collectivité ou le service public bénéficiaire de la réserve,
prononce le transfert de propriété et fixe l'indemnité comme en matière
d'expropriation, le terrain étant considéré comme ayant cessé d'être compris
dans un emplacement réservé ; que si, trois mois après l'expiration du délai de
deux ans à compter de la demande de procéder à l'acquisition du terrain,
éventuellement prorogé d'un an, le juge de l'expropriation n'a pas été saisi, la
réserve n'est plus opposable un mois après la mise en demeure adressée par le
propriétaire à l'autorité administrative ;
5. Considérant que, par ces dispositions, le législateur a institué un droit de
délaissement au profit des propriétaires de terrains, bâtis ou non bâtis,
classés en emplacements réservés par un plan d'urbanisme ; que l'exercice de ce
droit constitue une réquisition d'achat à l'initiative des propriétaires de ces
terrains ; que, par suite, le transfert de propriété résultant de l'exercice de
ce droit n'entre pas dans le champ d'application de l'article 17 de la
Déclaration de 1789 ; qu'en accordant aux propriétaires de terrains grevés d'un
emplacement réservé le droit d'imposer à la collectivité publique, soit
d'acquérir le terrain réservé, soit de renoncer à ce qu'il soit réservé, le
législateur n'a porté aucune atteinte à leur droit de propriété ; que les
exigences de l'article 2 de la Déclaration de 1789 ne sont pas davantage
méconnues ;
6. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution
: « La loi détermine les principes fondamentaux. . . du régime de la propriété »
; qu'en ne prévoyant pas de droit de rétrocession pour les propriétaires dont
les terrains grevés d'un emplacement réservé ont été acquis par le bénéficiaire
de cet emplacement à la suite de l'exercice du droit de délaissement, le
législateur n'a pas méconnu sa compétence ;
7. Considérant que les dispositions contestées ne méconnaissent aucun autre
droit ou liberté que la Constitution garantit ; qu'elles doivent être déclarées
conformes à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- L'article L. 123-9 du code de l'urbanisme dans sa rédaction issue
de l'article 16 de la loi n° 76-1285 du 31 décembre 1976 portant réforme de
l'urbanisme est conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Article 3.- Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 20 juin
2013, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes
Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT
MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 17 avril 2013 par
le Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la
SA Assistance Sécurité et Gardiennage. Cette question était relative à la
conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe II
de l'article 39 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative
pour 2012.
Cet article 39 de la loi du 16 août 2012 est relatif au recouvrement de la taxe
additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Il
pose des règles de recouvrement qui s'appliquent, en vertu de son paragraphe II,
aux impositions dues à compter du 1er janvier 2011, sous réserve des impositions
contestées avant le 11 juillet 2012.
Le Conseil constitutionnel a relevé qu'en adoptant ces dispositions, le
législateur a entendu faire obstacle aux demandes de remboursement des
impositions déjà versées fondées sur l'absence de détermination, avant la loi du
16 août 2012, des modalités de recouvrement de l'imposition en cause. Le
législateur a également entendu éviter que la présentation, le 11 juillet 2012,
de l'amendement à l'origine des dispositions contestées n'entraîne des effets
contraires à l'objectif poursuivi en incitant des contribuables à contester leur
imposition à cette taxe avant la publication de la loi. Le législateur a ainsi
poursuivi un but d'intérêt général suffisant. En outre, il a précisément défini
et limité la portée de la validation sans remettre en cause des décisions
juridictionnelles ayant force de chose jugée. Le Conseil constitutionnel a en
conséquence jugé que les dispositions contestées sont conformes à la
Constitution.
Toutefois, le Conseil a formulé une réserve d'interprétation. En effet, la
validation rétroactive des règles relatives aux modalités de recouvrement de la
taxe additionnelle à la CVAE ne saurait avoir pour effet de permettre que soient
prononcées des sanctions fiscales ayant le caractère d'une punition à l'encontre
des personnes assujetties à cette taxe au titre du recouvrement de celle-ci
avant l'entrée en vigueur de l'article 39 de la loi du 16 août 2012.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code général des impôts ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2012-298 QPC du 28 mars 2013 ;
Vu la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 10 mai
2013 ;
Vu les observations produites pour la société requérante par Ernst et Young,
société d'avocats au barreau des Hauts-de-Seine, enregistrées le 27 mai 2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Charles Ménard, avocat au barreau des Hauts-de-Seine, pour la société
requérante, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été
entendus à l'audience publique du 11 juin 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 39 de la loi du 16
août 2012 susvisée : « I. - Après le 1 du III de l'article 1600 du code général
des impôts, il est inséré un 1 bis ainsi rédigé :
« 1 bis. La taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des
entreprises est recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les
mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que la cotisation sur la
valeur ajoutée des entreprises. Les réclamations sont présentées, instruites et
jugées selon les règles applicables à cette dernière. »
« II. - Le I s'applique aux impositions dues à compter du 1er janvier 2011, sous
réserve des impositions contestées avant le 11 juillet 2012 » ;
2. Considérant que, selon la société requérante, en privant, à compter du 11
juillet 2012 , les redevables de la taxe additionnelle à la cotisation sur la
valeur ajoutée des entreprises de la possibilité de contester l'absence de
définition des modalités de recouvrement de cette taxe et en procédant à la
validation rétroactive des impositions dues à compter du 1er janvier 2011, les
dispositions contestées méconnaissent les exigences découlant de l'article 16 de
la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, et notamment le
droit à un recours effectif ; qu'elles méconnaîtraient également le droit de
propriété proclamé par l'article 2 de la Déclaration de 1789 ainsi que le
principe d'égalité devant la loi ;
3. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le
paragraphe II de l'article 39 de la loi du 16 août 2012 susvisée ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute
société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation
des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ;
5. Considérant, en conséquence, que, si le législateur peut modifier
rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif ou de droit
privé, c'est à la condition de poursuivre un but d'intérêt général suffisant et
de respecter tant les décisions de justice ayant force de chose jugée que le
principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions ; qu'en outre, l'acte
modifié ou validé ne doit méconnaître aucune règle ni aucun principe de valeur
constitutionnelle, sauf à ce que le but d'intérêt général visé soit lui-même de
valeur constitutionnelle ; qu'enfin, la portée de la modification ou de la
validation doit être strictement définie ;
6. Considérant que le paragraphe II de l'article 39 de la loi du 16 août 2012
susvisée prévoit que les dispositions du paragraphe I de ce même article, qui
définissent les modalités de recouvrement de la taxe additionnelle à la
cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, sont applicables de manière
rétroactive à compter du 1er janvier 2011, sous réserve des impositions
contestées avant le 11 juillet 2012 ; qu'en adoptant ces dispositions, le
législateur a entendu faire obstacle aux demandes de remboursement des
impositions déjà versées fondées sur l'absence de détermination, avant la loi du
16 août 2012 susvisée, des modalités de recouvrement de l'imposition en cause ;
qu'il a également entendu éviter que la présentation, le 11 juillet 2012, de
l'amendement à l'origine des dispositions contestées n'entraîne des effets
contraires à l'objectif poursuivi en incitant des contribuables à contester leur
imposition à cette taxe avant la publication de la loi ; que le législateur a
ainsi poursuivi un but d'intérêt général suffisant ;
7. Considérant que, par les dispositions du paragraphe II de l'article 39, le
législateur a précisément défini et limité la portée de la validation, qui ne
s'applique qu'aux modalités de recouvrement de la taxe additionnelle à la
cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises due à compter du 1er janvier
2011 et réserve les droits des contribuables qui ont contesté l'imposition avant
le 11 juillet 2012 ; que ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de
remettre en cause des décisions juridictionnelles ayant force de chose jugée ;
8. Considérant toutefois que les modalités de recouvrement d'une imposition
comprennent notamment les règles régissant les sanctions applicables ; que le
principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions garanti par l'article
8 de la Déclaration de 1789 fait obstacle à l'application rétroactive de
dispositions permettant d'infliger des sanctions ayant le caractère d'une
punition à des contribuables à raison d'agissements antérieurs à l'entrée en
vigueur des dispositions nouvelles ; que, par suite, la validation rétroactive
des règles relatives aux modalités de recouvrement de la taxe additionnelle à la
cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ne saurait avoir pour effet de
permettre que soient prononcées des sanctions fiscales de cette nature à
l'encontre des personnes assujetties à cette taxe au titre du recouvrement de
celle-ci avant l'entrée en vigueur de l'article 39 de la loi du 16 août 2012 ;
que, sous cette réserve, la validation rétroactive ne méconnaît aucune règle ou
principe de valeur constitutionnelle ;
9. Considérant que le paragraphe II de l'article 39 de la loi du 16 août 2012
susvisée, qui n'est contraire ni au droit de propriété, ni au principe d'égalité
devant la loi, ni à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
doit être déclaré conforme à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- Sous la réserve énoncée au considérant 8, le paragraphe II de
l'article 39 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative
pour 2012 est conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Article 3.- Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 20 juin
2013, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes
Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 23 avril 2013
par la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité
posée par l'association Emmaüs Forbach. Cette question était relative à la
conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article
L. 135-1 du code de l'action sociale et des familles (CASF).
L'article L. 135-1 du CASF réprime la perception frauduleuse des prestations
d'aide sociale des peines réprimant l'escroquerie, c'est-à-dire, en vertu du
code pénal, au titre des peines principales, de cinq ans d'emprisonnement et
de 375 000 euros d'amende.
Par ailleurs, le fait de se rendre coupable de fraude ou de fausse
déclaration pour obtenir le revenu de solidarité active, l'aide
personnalisée au logement, l'allocation aux adultes handicapés, ou des
prestations ou des allocations de toute nature liquidées et versées par les
organismes de protection sociale, est puni d'une amende de 5 000 euros
respectivement par les articles L. 262-50 du CASF, L. 351-13 du code de la
construction et de l'habitation, L. 821-5 du code de la sécurité sociale et
L. 114-13 du même code.
Comparant ces dispositions à l'article L. 135-1 du CASF, le Conseil
constitutionnel a relevé que des faits qualifiés par la loi de façon
identique peuvent, selon le texte d'incrimination sur lequel se fondent les
autorités de poursuite, faire encourir à leur auteur une peine de cinq ans
d'emprisonnement et 375 000 euros d'amende, ou une peine de 5 000 euros
d'amende. En outre, la différence entre les peines encourues implique
également des différences relatives à la procédure applicable et aux
conséquences d'une éventuelle condamnation. Le Conseil constitutionnel a
jugé que cette différence de traitement n'est justifiée par aucune
différence de situation en rapport direct avec l'objet de la loi. Eu égard à
l'écart entre les peines encourues, il a jugé que cette différence méconnaît
le principe d'égalité devant la loi pénale et que l'article L. 135-1 du CASF
est contraire à la Constitution.
Cette abrogation de l'article L. 135-1 du CASF prend effet à compter de la
publication de la présente décision. Elle est applicable à toutes les
affaires non jugées définitivement à cette date.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi
organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu le code pénal ;
Vu le code de la construction et de l'habitation ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le
Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de
constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour l'association requérante par Me
Nathalie Jauffret, avocate au barreau de Paris, enregistrées le 13 mai
2013 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 16
mai 2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Vu la lettre du 14 juin 2013 par laquelle le Conseil constitutionnel a
soumis aux parties un grief susceptible d'être soulevé d'office ;
Me Jauffret, pour l'association requérante, et M. Xavier Pottier, désigné
par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 18
juin 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 135-1 du code de l'action
sociale et des familles : « Le fait de percevoir frauduleusement ou de
tenter de percevoir frauduleusement des prestations au titre de l'aide
sociale est puni des peines prévues par les articles 313-1, 313-7 et 313-8
du code pénal » ;
2. Considérant que, selon l'association requérante, la disposition
contestée méconnaît le principe de légalité des délits et des peines ainsi
que les principes de nécessité et de proportionnalité des peines ; qu'en
outre, en application de l'article 7 du règlement du 4 février 2010
susvisé, le Conseil constitutionnel a soulevé d'office le grief tiré de
l'atteinte au principe d'égalité devant la loi pénale ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits
de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous,
soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité
devant la loi pénale ne fait pas obstacle à ce qu'une différenciation soit
opérée par le législateur entre agissements de nature différente ; que,
toutefois, la loi pénale ne saurait, pour une même infraction, instituer
des peines de nature différente, sauf à ce que cette différence soit
justifiée par une différence de situation en rapport direct avec l'objet
de la loi ;
4. Considérant, d'une part, que la disposition contestée punit la
perception frauduleuse des prestations d'aide sociale des peines réprimant
l'escroquerie ; que l'article 313-1 du code pénal punit le délit
d'escroquerie, au titre des peines principales, de cinq ans
d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende ; que les articles 313-7 et
313-8 du même code déterminent les peines complémentaires applicables ;
5. Considérant, d'autre part, que le fait de se rendre coupable de fraude
ou de fausse déclaration pour obtenir le revenu de solidarité active,
l'aide personnalisée au logement ou l'allocation aux adultes handicapés
est puni d'une amende de 5 000 euros par l'article L. 114-13 du code de la
sécurité sociale, auquel renvoient respectivement les articles L. 262-50
du code de l'action sociale et des familles, L. 351-13 du code de la
construction et de l'habitation et L. 821-5 du code de la sécurité sociale
;
6. Considérant qu'ainsi, des faits qualifiés par la loi de façon identique
peuvent, selon le texte d'incrimination sur lequel se fondent les
autorités de poursuite, faire encourir à leur auteur soit une peine de
cinq ans d'emprisonnement et 375 000 euros d'amende, soit une peine de 5
000 euros d'amende ; que la différence entre les peines encourues implique
également des différences relatives à la procédure applicable et aux
conséquences d'une éventuelle condamnation ; que cette différence de
traitement n'est justifiée par aucune différence de situation en rapport
direct avec l'objet de la loi ; qu'eu égard à sa nature et à son
importance, la différence entre les peines encourues méconnaît le principe
d'égalité devant la loi pénale ; que, par suite, sans qu'il soit besoin
d'examiner les autres griefs, l'article L. 135-1 du code de l'action
sociale et des familles doit être déclaré contraire à la Constitution ;
7. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la
Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le
fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la
décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par
cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et
limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont
susceptibles d'être remis en cause » ; que, si, en principe, la
déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la
question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée
contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en
cours à la date de la publication de la décision du Conseil
constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution
réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et
reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des
effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette
déclaration ;
8. Considérant que l'abrogation de l'article L. 135-1 du code de l'action
sociale et des familles prend effet à compter de la publication de la
présente décision ; qu'elle est applicable à toutes les affaires non
jugées définitivement à cette date,
D É C I D E :
Article 1er.- L'article L. 135-1 du code de l'action sociale et des
familles est contraire à la Constitution.
Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité prévue par l'article 1er
prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les
conditions fixées par son considérant 8.
Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article
23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance 27 juin 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes
Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de
SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 29 avril 2013 par
le Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la
société Garage Dupasquier. Cette question était relative à la conformité aux
droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 3452-4 du code
des transports.
L'article L. 3452-4 du code des transports prévoit la publication obligatoire de
certaines sanctions administratives prononcées à l'encontre des entreprises de
transport routier public de personnes ou de marchandises. Le requérant soutenait
que cette publication était une sanction inconstitutionnelle car elle
méconnaissait les principes de nécessité et d'individualisation des peines. Le
Conseil constitutionnel a écarté ce grief et jugé la disposition contestée
conforme à la Constitution.
Le Conseil constitutionnel a relevé qu'en instituant une peine obligatoire de
publication et d'affichage des sanctions de retrait des copies conformes de
licence ou d'immobilisation des véhicules d'une entreprise de transport routier
en cas d'infraction aux réglementations des transports, du travail, de l'hygiène
ou de la sécurité, l'article L. 3452-4 du code des transports vise à renforcer
la répression de ces infractions en assurant à ces sanctions une publicité tant
à l'égard du public qu'à celui du personnel de l'entreprise. Ces dispositions ne
font pas obstacle à ce que la durée de la publication et de l'affichage ainsi
que les autres modalités de cette publicité soient fixées en fonction des
circonstances propres à chaque espèce. Par suite le Conseil constitutionnel a
jugé qu'elles ne méconnaissent pas en elles-mêmes les principes de nécessité et
d'individualisation des peines.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code des transports ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 22 mai
2013 ;
Vu les observations produites pour la société requérante par Me Julien
Schaeffer, avocat au barreau de Strasbourg, enregistrées le 6 juin 2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Schaeffer pour la société requérante et M. Xavier Pottier, désigné par le
Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 18 juin 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3452-4 du code
des transports : « Une publication de la sanction administrative prévue par les
articles L. 3452-1 et L. 3452-2 est effectuée dans les locaux de l'entreprise
sanctionnée et par voie de presse » ;
2. Considérant que, selon la société requérante, en prévoyant la publication
obligatoire des sanctions administratives prononcées à l'encontre des
entreprises de transport public routier de personnes ou de marchandises, le
législateur a institué une peine ayant le caractère d'une punition ; qu'une
telle peine méconnaîtrait les principes de nécessité et d'individualisation des
peines garantis par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen de 1789 ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration de 1789 : « La loi
ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne
peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au
délit, et légalement appliquée » ; que le principe d'individualisation des
peines qui découle de cet article implique que la mesure de publication de la
sanction administrative ne puisse être appliquée que si l'administration, sous
le contrôle du juge, l'a expressément prononcée, en tenant compte des
circonstances propres à chaque espèce ; qu'il ne saurait toutefois interdire au
législateur de fixer des règles assurant une répression effective des
infractions ;
4. Considérant qu'en vertu de l'article L. 3411-1 du code des transports, les
activités de transport public routier de personnes ou de marchandises et de
location de véhicules industriels avec conducteur destinés au transport de
marchandises sont exercées après délivrance d'une licence de transport intérieur
ou une licence communautaire ; que l'article L. 3452-1 prévoit que les copies
conformes de l'une ou l'autre de ces licences peuvent être retirées, à titre
temporaire ou définitif, en cas de constat d'infraction aux réglementations des
transports, du travail, de l'hygiène ou de la sécurité constituant au moins une
contravention de la cinquième classe ou d'infractions répétées constituant au
moins des contraventions de la troisième classe ; qu'en vertu de l'article L.
3452-2, saisie d'un procès-verbal constatant une infraction de nature
délictuelle aux réglementations des transports, du travail, de l'hygiène ou de
la sécurité, l'autorité administrative peut, indépendamment des sanctions
pénales, prononcer l'immobilisation d'un ou plusieurs véhicules d'une entreprise
de transport routier pour une durée de trois mois au plus, aux frais et risques
de celle-ci ; que, selon les dispositions contestées, la sanction administrative
prévue par les articles L. 3452-1 et L. 3452-2 est publiée dans les locaux de
l'entreprise et par voie de presse ; que l'article L. 3452 5-2 renvoie à un
décret le soin de fixer les modalités de la publication de cette sanction ;
5. Considérant qu'en instituant une peine obligatoire de publication et
d'affichage des sanctions de retrait des copies conformes de licence ou
d'immobilisation des véhicules d'une entreprise de transport routier en cas
d'infraction aux réglementations des transports, du travail, de l'hygiène ou de
la sécurité, les dispositions contestées visent à renforcer la répression de ces
infractions en assurant à ces sanctions une publicité tant à l'égard du public
qu'à celui du personnel de l'entreprise ;
6. Considérant qu'en prévoyant que l'autorité administrative qui prononce une
sanction en cas d'infraction aux réglementations des transports, du travail, de
l'hygiène ou de la sécurité sur le fondement des articles L. 3452-1 et L. 3452-2
du code des transports est tenue d'en assurer la publication dans les locaux de
l'entreprise sanctionnée et par voie de presse, les dispositions contestées ne
font pas obstacle à ce que la durée de la publication et de l'affichage ainsi
que les autres modalités de cette publicité soient fixées en fonction des
circonstances propres à chaque espèce ; qu'elles ne méconnaissent pas en
elles-mêmes les principes de nécessité et d'individualisation des peines ; que
les modalités de la publication d'une telle sanction sont fixées, ainsi que le
prévoit l'article L. 3452-5-2 du même code, par décret en Conseil d'État ; que
le pouvoir réglementaire est tenu de respecter les exigences découlant de
l'article 8 de la Déclaration de 1789 ; qu'il n'appartient pas au Conseil
constitutionnel d'apprécier la conformité à ces exigences des dispositions
réglementaires qui prévoient les modalités de cette publication ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions de l'article
L. 3452-4 du code des transports, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou
liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la
Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- L'article L. 3452-4 du code des transports est conforme à la
Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 27 juin 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY
MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de
SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 29 avril 2013 par
le Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme
Nicole B. Cette question était relative à la conformité aux droits et libertés
que la Constitution garantit des dispositions du paragraphe II de l'article 1691
bis du code général des impôts (CGI).
Le CGI institue une solidarité de paiement entre les époux ou les partenaires
d'un pacte civil de solidarité (PACS) pour le paiement de l'impôt sur le revenu,
de la taxe d'habitation et de l'impôt de solidarité sur la fortune. Par
dérogation à ce principe, le paragraphe II de l'article 1691 bis du CGI institue
un droit à décharge des obligations de paiement de ces trois impositions au
profit de l'époux divorcé ou de l'époux ou du partenaire séparé si une
disproportion marquée apparaît entre le montant de la dette fiscale et, à la
date de la demande de décharge, la situation financière et patrimoniale du
demandeur.
La requérante soutenait que l'exclusion des personnes veuves du bénéfice de ce
droit à décharge était contraire au principe d'égalité. Le Conseil
constitutionnel a écarté ces griefs et jugé le paragraphe II de l'article 1691
bis du CGI conforme à la Constitution.
Le Conseil constitutionnel a relevé que le législateur a entendu concilier la
garantie du recouvrement des créances fiscales qui résulte de la solidarité à
laquelle les époux sont tenus avec la prise en compte des difficultés
financières et des conséquences patrimoniales pouvant naître, pour des personnes
divorcées ou séparées, de la solidarité de paiement. Lorsque le mariage est
dissous par le décès, le conjoint survivant est héritier du défunt. Ainsi, en
raison de sa situation financière et patrimoniale ainsi que des modalités selon
lesquelles les créances fiscales du couple peuvent être recouvrées, le conjoint
survivant ne se trouve pas, au regard de l'objet de la loi, dans une situation
identique à celle d'une personne divorcée ou séparée. Le Conseil a jugé que le
respect du principe d'égalité n'imposait pas au législateur d'accorder au
conjoint survivant un droit à décharge équivalant à celui accordé aux personnes
divorcées ou séparées.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code civil ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 22 mai
2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Blaise Capron, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour la
requérante et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été
entendus à l'audience publique du 18 juin 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes du paragraphe II de l'article
1691 bis du code général des impôts : « 1. Les personnes divorcées ou séparées
peuvent demander à être déchargées des obligations de paiement prévues au I
ainsi qu'à l'article 1723 ter-00 B lorsque, à la date de la demande :
« a) Le jugement de divorce ou de séparation de corps a été prononcé ;
« b) La déclaration conjointe de dissolution du pacte civil de solidarité
établie par les partenaires ou la signification de la décision unilatérale de
dissolution du pacte civil de solidarité de l'un des partenaires a été
enregistrée au greffe du tribunal d'instance ;
« c) Les intéressés ont été autorisés à avoir des résidences séparées ;
« d) L'un ou l'autre des époux ou des partenaires liés par un pacte civil de
solidarité a abandonné le domicile conjugal ou la résidence commune.
« 2. La décharge de l'obligation de paiement est accordée en cas de
disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et, à la date de la
demande, la situation financière et patrimoniale, nette de charges, du
demandeur. Elle est alors prononcée selon les modalités suivantes :
« a) Pour l'impôt sur le revenu, la décharge est égale à la différence entre le
montant de la cotisation d'impôt sur le revenu établie pour la période
d'imposition commune et la fraction de cette cotisation correspondant aux
revenus personnels du demandeur et à la moitié des revenus communs du demandeur
et de son conjoint ou de son partenaire de pacte civil de solidarité.
« Pour l'application du présent a, les revenus des enfants mineurs du demandeur
non issus de son mariage avec le conjoint ou de son union avec le partenaire de
pacte civil de solidarité sont ajoutés aux revenus personnels du demandeur ; la
moitié des revenus des enfants mineurs du demandeur et de son conjoint ou de son
partenaire de pacte civil de solidarité est ajoutée à la moitié des revenus
communs.
« Les revenus des enfants majeurs qui ont demandé leur rattachement au foyer
fiscal des époux ou des partenaires liés par un pacte civil de solidarité ainsi
que ceux des enfants infirmes sont pris en compte dans les conditions définies à
l'alinéa précédent.
« La moitié des revenus des personnes mentionnées au 2° de l'article 196 ainsi
qu'à l'article 196 A bis est ajoutée à la moitié des revenus communs du
demandeur et de son conjoint ou de son partenaire de pacte civil de solidarité ;
« b) Pour la taxe d'habitation, la décharge est égale à la moitié de la
cotisation de taxe d'habitation mise à la charge des personnes mentionnées au I
;
« c) Pour l'impôt de solidarité sur la fortune, la décharge est égale à la
différence entre le montant de la cotisation d'impôt de solidarité sur la
fortune dû par les personnes mentionnées à l'article 1723 ter-00 B et la
fraction de cette cotisation correspondant à l'actif net du patrimoine propre du
demandeur et à la moitié de l'actif net du patrimoine commun du demandeur et de
son conjoint ou de son partenaire de pacte civil de solidarité.
« Pour l'application du présent c, le patrimoine des enfants mineurs du
demandeur non issus de son mariage avec le conjoint ou de son union avec le
partenaire de pacte civil de solidarité est ajouté au patrimoine propre du
demandeur ; la moitié du patrimoine des enfants mineurs du demandeur et de son
conjoint ou de son partenaire de pacte civil de solidarité est ajoutée à la
moitié du patrimoine commun ;
« d) Pour les intérêts de retard et les pénalités mentionnées aux articles 1727,
1728, 1729, 1732 et 1758 A consécutifs à la rectification d'un bénéfice ou
revenu propre au conjoint ou au partenaire de pacte civil de solidarité du
demandeur, la décharge de l'obligation de paiement est prononcée en totalité.
Elle est prononcée, dans les autres situations, dans les proportions définies
respectivement au a pour l'impôt sur le revenu, au b pour la taxe d'habitation
et au c pour l'impôt de solidarité sur la fortune.
« 3. Le bénéfice de la décharge de l'obligation de paiement est subordonné au
respect des obligations déclaratives du demandeur prévues par les articles 170
et 885 W à compter de la date de la fin de la période d'imposition commune.
« La décharge de l'obligation de paiement ne peut pas être accordée lorsque le
demandeur et son conjoint ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité
se sont frauduleusement soustraits, ou ont tenté de se soustraire
frauduleusement, au paiement des impositions mentionnées aux 1° et 2° du I ainsi
qu'à l'article 1723 ter-00 B, soit en organisant leur insolvabilité, soit en
faisant obstacle, par d'autres manoeuvres, au paiement de l'impôt » ;
2. Considérant que, selon la requérante, en réservant le droit d'obtenir la
décharge de la solidarité de paiement de certaines impositions aux personnes
séparées et divorcées et en excluant du bénéfice de ce droit à décharge les
personnes veuves, les dispositions du paragraphe II de l'article 1691 bis du
code général des impôts méconnaissent les principes d'égalité devant la loi et
les charges publiques garantis par l'article 1er de la Constitution ainsi que
par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen
de 1789 ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789 : « La
loi. . . doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse
» ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de
façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité
pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la
différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de
la loi qui l'établit ;
4. Considérant que le paragraphe I de l'article 1691 bis du code général des
impôts institue une solidarité entre les époux ou les partenaires d'un pacte
civil de solidarité pour le paiement de l'impôt sur le revenu et de la taxe
d'habitation ; que l'article 1723 ter-00 B du même code institue la même
solidarité pour le paiement de l'impôt de solidarité sur la fortune ; que, par
dérogation à ce principe, les dispositions contestées instituent un droit à
décharge des obligations de paiement de ces trois impositions au profit de l'un
des époux ou partenaires en cas de divorce ou de séparation si une disproportion
marquée apparaît entre le montant de la dette fiscale et, à la date de la
demande de décharge, la situation financière et patrimoniale du demandeur ;
qu'ainsi, le législateur a entendu concilier la garantie du recouvrement des
créances fiscales qui résulte de la solidarité à laquelle les époux ou
partenaires sont tenus avec la prise en compte des difficultés financières et
des conséquences patrimoniales pouvant naître, pour l'un ou l'autre des
conjoints divorcés ou séparés, de cette solidarité de paiement pour la période
antérieure au divorce ou à la séparation ; que, lorsque le mariage est dissous
par le décès, le conjoint survivant est héritier du défunt dans les conditions
prévues par les articles 756 et suivants du code civil ; qu'ainsi, en raison de
sa situation financière et patrimoniale ainsi que des modalités selon lesquelles
les créances fiscales du couple peuvent être recouvrées, le conjoint survivant
ne se trouve pas, au regard de l'objet de la loi, dans une situation identique à
celle d'une personne divorcée ou séparée ; que, dès lors, le respect du principe
d'égalité n'imposait pas au législateur d'accorder au conjoint survivant un
droit à décharge équivalant à celui accordé aux personnes divorcées ou séparées ;
5. Considérant que les dispositions contestées, qui ne méconnaissent ni le
principe d'égalité devant les charges publiques ni aucun autre droit ou liberté
que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- Le paragraphe II de l'article 1691 bis du code général des impôts
est conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 27 juin 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY
MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de
SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code électoral
Vu la loi n° 2000-295 du 5 avril 2000 relative à la limitation du cumul des
mandats électoraux et des fonctions électives et à leurs conditions d'exercice ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par Me Jérôme Maillot, avocat au
barreau de Saint-Pierre, enregistrées les 10 et 27 mai 2013
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 10 mai
2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Kris Moutoussamy, avocat au barreau de Paris et M. Xavier Pottier, désigné
par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 25 juin
2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes du 8° de l'article L. 231 du
code électoral, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2000-295 du 5 avril
2000 susvisée, ne peuvent être élus conseillers municipaux dans les communes
situées dans le ressort où ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis
moins de six mois : « Les directeurs de cabinet du président du conseil général
et du président du conseil régional, les directeurs généraux, les directeurs,
les directeurs adjoints, chefs de service et chefs de bureau de conseil général
et de conseil régional, le directeur de cabinet du président de l'assemblée et
le directeur de cabinet du président du conseil exécutif de Corse, les
directeurs généraux, les directeurs, les directeurs adjoints, chefs de service
et chefs de bureau de la collectivité territoriale de Corse et de ses
établissements publics » ;
2. Considérant que, selon le requérant, l'inéligibilité du directeur de cabinet
du président du conseil régional aux élections municipales revêt un caractère
disproportionné et porte atteinte au droit d'éligibilité dont jouit tout citoyen
en vertu des articles 3 de la Constitution et 6 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 ; que seraient également méconnus le droit de
chacun d'obtenir un emploi garanti par le cinquième alinéa du Préambule de 1946
et le principe de la libre administration des collectivités territoriales
garanti par l'article 72 de la Constitution ; qu'il fait valoir que les
dispositions contestées fixent des règles d'inéligibilité différentes de celles
relatives à l'élection des conseillers généraux, en application du 18° de
l'article L. 195 du code électoral, et aux élections législatives, en vertu du
22° de son article L.O. 132 ; qu'il allègue également qu'une telle inéligibilité
n'est pas prévue par les dispositions contestées pour les directeurs de cabinet
des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ;
qu'il en résulterait une atteinte au principe d'égalité devant la loi;
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration
de 1789 la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle
punisse. Tous les citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à
toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre
distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents » ; que le législateur
est compétent, en vertu de l'article 34 de la Constitution, pour fixer les
règles concernant le régime électoral des assemblées locales et déterminer les
principes fondamentaux de la libre administration des collectivités
territoriales ; qu'il ne saurait priver un citoyen du droit d'éligibilité dont
il jouit en vertu de l'article 6 de la Déclaration de 1789 que dans la mesure
nécessaire au respect du principe d'égalité devant le suffrage et à la
préservation de la liberté de l'électeur ;
4. Considérant que le Conseil constitutionnel ne dispose pas d'un pouvoir
général d'appréciation de même nature que celui du Parlement ; qu'en prévoyant
que n'est pas éligible au conseil municipal, dans les communes situées dans la
région où il exerce ou a exercé ses fonctions depuis moins de six mois, le
directeur du cabinet du président du conseil régional, les dispositions
contestées ont opéré une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée
entre les exigences constitutionnelles précitées ; qu'il en va de même des
autres fonctions prévues par le 8 °de l'article L. 231 du code électoral ;
5. Considérant, en second lieu, que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce
que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce
qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans
l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport
direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
6. Considérant que les mandats de conseiller municipal, de conseiller général ou
de conseiller régional et de parlementaire sont différents ; qu'en elles-mêmes,
les différences entre les règles fixant les conditions d'éligibilité à ces
mandats ne méconnaissent pas le principe d'égalité ; que les fonctions de
directeur de cabinet du président du conseil régional et celles de directeur de
cabinet du président d'un établissement public de coopération intercommunale
sont également différentes ; que le principe d'égalité n'impose pas que ces
fonctions soient soumises à des règles d'inéligibilité identiques à celles qui
s'appliquent à l'élection des conseillers municipaux ; que, par suite, les
griefs tirés de l'atteinte au principe d'égalité doivent être écartés ;
7. Considérant, en troisième lieu, que les mandats électifs ne constituent pas
des emplois au sens du cinquième alinéa du Préambule de 1946 ; que, par suite,
le grief tiré de ce que les règles d'inéligibilité prévues par les dispositions
contestées porteraient atteinte au droit d'obtenir un emploi est inopérant ;
8. Considérant que le 8° de l'article L. 231 du code électoral, qui ne méconnaît
ni le principe de la libre administration des collectivités territoriales ni
aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit être déclaré
conforme à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- Le 8° de l'article L. 231 du code électoral, dans sa rédaction
issue de la loi n° 2000-295 du 5 avril 2000 relative à la limitation du cumul
des mandats électoraux et des fonctions électives et à leurs conditions
d'exercice, est conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 4 juillet 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY
MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de
SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 29 avril 2013 par
le Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par les
sociétés Numéricâble SAS et NC Numéricâble. Cette question était relative à la
conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L.
36-11 du code des postes et des communications électroniques (CPCE).
L'article L. 36-11 du CPCE est relatif au pouvoir de sanction de l'autorité de
régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP). Ses douze
premiers alinéas confient à cette autorité le soin de réprimer les manquements,
par les exploitants de réseaux ou les fournisseurs de services de communications
électroniques, aux dispositions législatives et réglementaires afférentes à leur
activité ou aux décisions prises pour en assurer la mise en oeuvre. Les
requérants soutenaient que ces dispositions ne garantissaient pas la séparation
des pouvoirs de poursuite et d'instruction et des pouvoirs de sanction de l'ARCEP.
Le Conseil constitutionnel a fait droit à ce grief et jugé contraires à la
Constitution les douze premiers alinéas de l'article L. 36-11 du CPCE.
D'une part, le Conseil constitutionnel a relevé, qu'aux termes de l'article L.
36-11 du CPCE, la mise en demeure de l'exploitant ou du fournisseur, qui, sauf
exceptions, précède le prononcé d'une sanction, est confiée au directeur général
de l'Autorité, lequel détermine le délai dans lequel l'exploitant ou le
fournisseur doit se conformer à cette mise en demeure. Ainsi ces dispositions
confient au directeur général l'exercice des poursuites devant cette Autorité.
D'autre part, le Conseil constitutionnel a relevé que le directeur général de
l'Autorité est nommé par le président de cette dernière, qu'il est placé sous
son autorité et qu'il assiste aux délibérations de l'Autorité.
Le Conseil constitutionnel a déduit du rapprochement de ces différentes
dispositions que n'est pas assurée la séparation au sein de l'Autorité entre,
d'une part, les fonctions de poursuite et d'instruction des éventuels
manquements et, d'autre part, les fonctions de jugement des mêmes manquements.
Le principe d'impartialité est méconnu. Cette déclaration d'inconstitutionnalité
prend effet à compter de la publication de la décision du Conseil. Elle est
applicable à toutes les procédures en cours devant l'ARCEP ainsi qu'à toutes les
instances non définitivement jugées à cette date.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code des postes et des communications électroniques ;
Vu la loi n° 96-659 du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications,
ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 96-378 DC du 23 juillet 1996
;
Vu l'ordonnance n° 2001-670 du 25 juillet 2001 portant adaptation au droit
communautaire du code de la propriété intellectuelle et du code des postes et
télécommunications
Vu la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications
électroniques et aux services de communication audiovisuelle ;
Vu la loi n° 2005-516 du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités
postales ;
Vu la loi n° 2007-1774 du 17 décembre 2007 portant diverses dispositions
d'adaptation au droit communautaire dans les domaines économique et financier ;
Vu la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie ;
Vu la loi n° 2009-1572 du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la
fracture numérique ;
Vu l'ordonnance n° 2011-1012 du 24 août 2011 relative aux communications
électroniques ;
Vu la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique
outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2012-280 QPC du 12 octobre 2012 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour les sociétés requérantes par la SCP
Jean-Jacques Gatineau-Carole Fattaccini, avocats au Conseil d'État et à la Cour
de cassation, enregistrées les 22 mai et 5 juin 2013 ;
Vu les observations produites par l'Autorité de régulation des communications
électroniques et des postes (ARCEP), partie en défense, enregistrées les 22 mai
et 6 juin 2013 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 22 mai
2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Jérôme Michel, avocat au barreau de Paris, pour les sociétés requérantes, Me
Laurent-Xavier Simonel, avocat au barreau de Paris, pour la partie en défense et
M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à
l'audience publique du 25 juin 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu
- SUR LES DISPOSITIONS SOUMISES À L'EXAMEN DU CONSEIL
CONSTITUTIONNEL :
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la
Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une
juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux
droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut
être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de
cassation qui se prononce dans un délai déterminé » ; que le Conseil
constitutionnel ne peut être saisi dans les conditions prévues par cet article
que de dispositions de nature législative ;
2. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur
l'article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques dans
sa rédaction en vigueur le 20 décembre 2011, date de la sanction prononcée par
l'Autorité de régulation des postes et des communications électroniques
contestée par les sociétés requérantes devant le Conseil d'État ; qu'à cette
date, l'article L. 36-11 était en vigueur dans une rédaction issue en dernier
lieu de modifications apportées par l'article 18 de l'ordonnance du 24 août 2011
susvisée ; que si l'article L. 36-11 a ensuite été modifié par l'article 14 de
la loi du 20 novembre 2012 susvisée, ni cette loi ni aucune autre disposition
législative n'a procédé à la ratification de cette ordonnance ; que, par suite,
les modifications apportées par cette ordonnance ne sont pas de nature
législative ;
3. Considérant, toutefois, que le Conseil constitutionnel ne saurait statuer que
sur les seules dispositions de nature législative applicables au litige qui lui
sont renvoyées ; que, lorsqu'il est saisi de dispositions législatives
partiellement modifiées par une ordonnance non ratifiée et que ces modifications
ne sont pas séparables des autres dispositions, il revient au Conseil
constitutionnel de se prononcer sur celles de ces dispositions qui revêtent une
nature législative au sens de l'article 61-1 de la Constitution, en prenant en
compte l'ensemble des dispositions qui lui sont renvoyées ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 36-11 dans sa rédaction issue de
l'ordonnance du 24 août 2011 susvisée : « L'Autorité de régulation des
communications électroniques et des postes peut, soit d'office, soit à la
demande du ministre chargé des communications électroniques, d'une organisation
professionnelle, d'une association agréée d'utilisateurs ou d'une personne
physique ou morale concernée, sanctionner les manquements qu'elle constate, de
la part des exploitants de réseaux ou des fournisseurs de services de
communications électroniques, aux dispositions législatives et réglementaires
afférentes à leur activité ou aux décisions prises pour en assurer la mise en
oeuvre. Ce pouvoir de sanction est exercé dans les conditions ci-après :
« 1° En cas d'infraction d'un exploitant de réseau ou d'un fournisseur de
services aux dispositions du présent code et des textes et décisions pris pour
son application ou du règlement (CE) n° 717/2007 du Parlement européen et du
Conseil du 27 juin 2007 concernant l'itinérance sur les réseaux publics de
communications mobiles à l'intérieur de la Communauté, ainsi qu'aux
prescriptions d'une décision d'attribution ou d'assignation de fréquence prise
par l'autorité en application de l'article 26 de la loi n° 86-1067 du 30
septembre 1986 relative à la liberté de communication, l'exploitant ou le
fournisseur est mis en demeure par le directeur général de l'Autorité de
régulation des communications électroniques et des postes de s'y conformer dans
un délai qu'il détermine. Cette mise en demeure peut être assortie d'obligations
de se conformer à des étapes intermédiaires dans le même délai. L'autorité peut
rendre publique cette mise en demeure ;
« 2° Lorsqu'un exploitant de réseau ou un fournisseur de services ne se conforme
pas dans les délais fixés à une décision prise en application de l'article L.
36-8, à la mise en demeure prévue au 1° du présent article ou aux obligations
intermédiaires dont elle est assortie l'Autorité de régulation des
communications électroniques et des postes peut prononcer à son encontre une des
sanctions suivantes :
« a) Soit, en fonction de la gravité du manquement :
« - la suspension totale ou partielle, pour un mois au plus, du droit d'établir
un réseau de communications électroniques ou de fournir un service de
communications électroniques, ou le retrait de ce droit, dans la limite de trois
ans ;
« - la suspension totale ou partielle, pour un mois au plus, la réduction de la
durée, dans la limite d'une année, ou le retrait de la décision d'attribution ou
d'assignation prise en application des articles L. 42-1 ou L. 44. L'autorité
peut notamment retirer les droits d'utilisation sur une partie de la zone
géographique sur laquelle porte la décision, une partie des fréquences ou bandes
de fréquences, préfixes, numéros ou blocs de numéros attribués ou assignés, ou
une partie de la durée restant à courir de la décision.
« b) Soit, si le manquement n'est pas constitutif d'une infraction pénale :
« - une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du
manquement et aux avantages qui en sont tirés, sans pouvoir excéder 3 % du
chiffre d'affaires hors taxes du dernier exercice clos, taux porté à 5 % en cas
de nouvelle violation de la même obligation. À défaut d'activité permettant de
déterminer ce plafond, le montant de la sanction ne peut excéder 150 000 euros,
porté à 375 000 euros en cas de nouvelle violation de la même obligation ;
« - ou, lorsque l'opérateur ne s'est pas conformé à une mise en demeure portant
sur le respect d'obligations de couverture de la population prévues par
l'autorisation d'utilisation de fréquences qui lui a été attribuée, une sanction
pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement apprécié
notamment au regard du nombre d'habitants ou de kilomètres carrés non couverts
ou de sites non ouverts, sans pouvoir excéder un plafond fixé à 65 euros par
habitant non couvert ou 1 500 euros par kilomètre carré non couvert ou 40 000
euros par site non ouvert ;
« - ou, lorsque l'opérateur ne s'est pas conformé à une mise en demeure portant
sur le respect d'obligations imposées en application de l'article L. 38, la
suspension ou l'arrêt de la commercialisation d'un service jusqu'à la mise en
oeuvre effective de ces obligations.
« Les sanctions sont prononcées après que la personne en cause a reçu
notification des griefs et a été mis à même de consulter le dossier et, le cas
échéant, les résultats des enquêtes ou expertises conduites par l'autorité et de
présenter ses observations écrites et verbales.
« Les sanctions pécuniaires sont recouvrées comme les créances de l'État
étrangères à l'impôt et au domaine ;
« 3° En cas d'atteinte grave et immédiate aux règles mentionnées au premier
alinéa du présent article, l'Autorité de régulation des communications
électroniques et des postes peut ordonner, sans mise en demeure préalable, des
mesures conservatoires dont la validité est de trois mois au maximum. Ces
mesures peuvent être prorogées pour une nouvelle durée de trois mois au maximum
si la mise en oeuvre des procédures d'exécution n'est pas terminée, après avoir
donné à la personne concernée la possibilité d'exprimer son point de vue et de
proposer des solutions ;
« 4° L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ne
peut être saisie de faits remontant à plus de trois ans, s'il n'a été fait aucun
acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction ;
« 5° Les décisions sont motivées, notifiées à l'intéressé et publiées au Journal
officiel. Elles peuvent faire l'objet d'un recours de pleine juridiction et
d'une demande de suspension présentée conformément à l'article L. 521-1 du code
de justice administrative, devant le Conseil d'État ;
« 6° Lorsqu'un manquement constaté dans le cadre des dispositions du présent
article est susceptible d'entraîner un préjudice grave pour un opérateur ou pour
l'ensemble du marché, le président de l'Autorité de régulation des
communications électroniques et des postes peut demander au président de la
section du contentieux du Conseil d' État statuant en référé qu'il soit ordonné
à la personne responsable de se conformer aux règles et décisions applicables et
de supprimer les effets du manquement ; le juge peut prendre, même d'office,
toute mesure conservatoire et prononcer une astreinte pour l'exécution de son
ordonnance » ;
5. Considérant que, selon les sociétés requérantes, en ne garantissant pas la
séparation des pouvoirs de poursuite et d'instruction et des pouvoirs de
sanction au sein de l'Autorité de régulation des communications électroniques et
des postes, les dispositions contestées portent atteinte aux principes
d'indépendance et d'impartialité qui découlent de l'article 16 de la Déclaration
des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; que l'exercice successif par la
même formation du pouvoir de régler des différends prévu par l'article L. 36-8
et du pouvoir de sanction prévu par l'article L. 36-11 porterait également
atteinte à ces principes ;
6. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les
douze premiers alinéas de l'article L. 36-11 du code des postes et des
communications électroniques ;
- SUR LA RECEVABILITÉ :
7. Considérant que les dispositions contestées sont issues de l'article 8 de la
loi du 26 juillet 1996 susvisée ; que le Conseil constitutionnel a spécialement
examiné les dispositions de l'article L. 36-11 du code des postes et
télécommunications dans les considérants 13 à 18 de la décision du 23 juillet
1996 susvisée et les a déclarées conformes à la Constitution ;
8. Considérant toutefois, que, d'une part, depuis cette déclaration de
conformité à la Constitution, l'article L. 36-11 a été modifié à plusieurs
reprises ; qu'en particulier, la loi du 9 juillet 2004 susvisée a confié au
directeur des services de l'Autorité le soin de mettre en demeure l'exploitant
ou le fournisseur de services méconnaissant l'une de ses obligations, a modifié
le régime des sanctions de suspension pouvant être prononcées par l'Autorité, a
prévu les conditions dans lesquelles la personne en cause est mise à même de
consulter les résultats des enquêtes ou expertises conduites par l'Autorité ;
que la loi du 4 août 2008 susvisée a introduit la possibilité d'assortir une
mise en demeure d'obligations de se conformer à des étapes intermédiaires,
l'absence de respect de ces étapes pouvant également conduire au prononcé d'une
sanction pécuniaire ou de suspension ; que, d'autre part, dans la décision du 12
octobre 2012 susvisée, le Conseil constitutionnel a jugé que, lorsqu'elles
prononcent des sanctions ayant le caractère d'une punition, les autorités
administratives indépendantes doivent respecter notamment le principe
d'impartialité découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789 ; que chacune
de ces modifications constitue un changement des circonstances de droit
justifiant, en l'espèce, le réexamen des dispositions de l'article L. 36-11 du
code des postes et des communications électroniques ;
- SUR LE FOND :
9. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute
société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation
des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ;
10. Considérant que le principe de la séparation des pouvoirs, non plus qu'aucun
autre principe ou règle de valeur constitutionnelle, ne fait obstacle à ce
qu'une autorité administrative indépendante, agissant dans le cadre de
prérogatives de puissance publique, puisse exercer un pouvoir de sanction dans
la mesure nécessaire à l'accomplissement de sa mission, dès lors que l'exercice
de ce pouvoir est assorti par la loi de mesures destinées à assurer la
protection des droits et libertés constitutionnellement garantis ; qu'en
particulier, doivent être respectés le principe de la légalité des délits et des
peines ainsi que les droits de la défense, principes applicables à toute
sanction ayant le caractère d'une punition, même si le législateur a laissé le
soin de la prononcer à une autorité de nature non juridictionnelle ; que doivent
également être respectés les principes d'indépendance et d'impartialité
découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789 ;
11. Considérant que les dispositions contestées confient à l'Autorité de
régulation des communications électroniques et des postes le soin de réprimer
les manquements, par les exploitants de réseaux ou les fournisseurs de services
de communications électroniques, aux dispositions législatives et réglementaires
afférentes à leur activité ou aux décisions prises pour en assurer la mise en
oeuvre ; que cette compétence est exercée « soit d'office, soit à la demande du
ministre chargé des communications électroniques, d'une organisation
professionnelle, d'une association agréée d'utilisateurs ou d'une personne
physique ou morale concernée » ; que la mise en demeure de l'exploitant ou du
fournisseur, par laquelle s'ouvre la procédure de sanction prévue au 2° de
l'article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques sauf
lorsque celle-ci est fondée sur l'absence de respect des délais fixés par une
décision prise en application de l'article L. 36-8, est confiée au directeur
général de l'Autorité, lequel détermine le délai dans lequel l'exploitant ou le
fournisseur doit se conformer à cette mise en demeure ; qu'ainsi ces
dispositions confient au directeur général l'exercice des poursuites devant
cette Autorité ;
12. Considérant que, selon le premier alinéa de l'article L. 132 du code des
postes et des communications électroniques, les services de l'Autorité de
régulation des communications électroniques et des postes sont placés sous
l'autorité du président de l'Autorité ; que, selon l'article D. 292 du même
code, le directeur général est nommé par le président de l'Autorité, est placé
sous son autorité et assiste aux délibérations de l'Autorité ; que, par suite et
alors même que la décision de mise en demeure relève du directeur général, les
dispositions des douze premiers alinéas de l'article L. 36-11 du code des postes
et des communications électroniques, qui n'assurent pas la séparation au sein de
l'Autorité entre, d'une part, les fonctions de poursuite et d'instruction des
éventuels manquements et, d'autre part, les fonctions de jugement des mêmes
manquements, méconnaissent le principe d'impartialité ; que celles de ces
dispositions qui sont de nature législative doivent être déclarées contraires à
la Constitution ;
- SUR LA DÉCLARATION D'INCONSTITUTIONNALITÉ :
13. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la
Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement
de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du
Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le
Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les
effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ;
que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à
l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition
déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances
en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel,
les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le
pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses
effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a
produits avant l'intervention de cette déclaration ; que la présente déclaration
d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la publication de la présente
décision ; qu'elle est applicable à toutes les procédures en cours devant
l'Autorité de régulation des postes et des communications électroniques ainsi
qu'à toutes les instances non définitivement jugées à cette date,
D É C I D E :
Article 1er.- Les douze premiers alinéas de l'article L. 36-11 du code des
postes et communications électroniques, dans leur rédaction modifiée en dernier
lieu par l'ordonnance n° 2011-1012 du 24 août 2011 relative aux communications
électroniques, à l'exception des mots et phrases insérés dans l'article par
ladite ordonnance, sont contraires à la Constitution.
Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet
dans les conditions prévues au considérant 13.
Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 4 juillet 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY
MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de
SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 21 mai 2013 par le Conseil d'État
d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Agnès B. Cette
question était relative à la conformité aux droits et libertés que la
Constitution garantit du premier alinéa du paragraphe I de l'article L. 313-13
du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction résultant de la
loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte
contre l'exclusion, ainsi que du troisième alinéa du c) du paragraphe II de ce
même article et de son paragraphe III.
Ces dispositions sont relatives à certaines irrégularités commises par un
organisme collecteur de fonds collectés au titre du « 1 % logement » (la
participation des employeurs à l'effort de construction) ainsi qu'à leur
sanction. Le Conseil constitutionnel les a jugées conformes à la Constitution.
Parmi les mesures pouvant être prises figurent la suspension du conseil
d'administration de l'organisme collecteur prononcée par le ministre du logement
et l'adoption de mesures conservatoires. Le Conseil a jugé que ces dispositions
n'ayant pas de finalité répressive, les griefs tirés de la méconnaissance de
l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789
étaient inopérants.
Par ailleurs, les dispositions contestées désignent les manquements qui peuvent
donner lieu à diverses sanctions ayant le caractère d'une punition. Ces
sanctions peuvent être prononcées en cas « d'irrégularité grave dans l'emploi
des fonds, de faute grave dans la gestion, de carence dans la réalisation de
l'objet social ou de non-respect des conditions d'agrément ». Le Conseil a jugé
que la définition des manquements contestés ne méconnaît pas le principe de
légalité des délits et des peines énoncé à l'article 8 de la Déclaration de
1789.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de la construction et de l'habitation ;
Vu la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la
lutte contre l'exclusion ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la requérante par la SCP Delaporte, Briard et
Trichet, enregistrées les 12 et 19 juin 2013 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 12 juin
2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Floriane Beauthier, avocate au barreau de Paris, pour la partie requérante,
et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à
l'audience publique du 2 juillet 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa du paragraphe
I de l'article L. 313-13 du code de la construction et de l'habitation, dans sa
rédaction résultant de la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 susvisée : « En cas
d'irrégularité grave dans l'emploi des fonds, de faute grave dans la gestion, de
carence dans la réalisation de l'objet social ou de non-respect des conditions
d'agrément, l'agence met l'organisme contrôlé en demeure de prendre, dans un
délai déterminé, toute mesure de redressement utile » ;
2. Considérant que le c) du paragraphe II de ce même article prévoit qu'en cas
de carence d'un organisme contrôlé à l'expiration du délai fixé par la mise en
demeure, l'agence nationale pour la participation des employeurs à l'effort de
construction peut proposer au ministre chargé du logement de prononcer les
sanctions qu'il énumère, en fonction de la nature de l'organisme ; que son
troisième alinéa permet ainsi au ministre chargé du logement de prononcer : «
s'il s'agit d'un organisme collecteur agréé mentionné au deuxième alinéa de
l'article L. 313-18, la suspension du conseil d'administration. S'il prononce
cette suspension, le ministre chargé du logement peut charger l'agence de
prendre les mesures conservatoires qui s'imposent » ;
3. Considérant qu'aux termes du paragraphe III de ce même article : « En cas
d'urgence, le ministre chargé du logement peut, après avis de l'agence rendu
dans un délai qui ne peut excéder huit jours, prononcer ou proposer les
sanctions mentionnées aux deuxième à quatrième alinéas du c du II » ;
4. Considérant que, selon la requérante, en ne précisant pas la nature exacte
des irrégularités justifiant les sanctions qui peuvent être prononcées en
application de cet article, le premier alinéa du paragraphe I de l'article L.
313-13 du code de la construction et de l'habitation est contraire au principe
de légalité des délits et des peines énoncé à l'article 8 de la Déclaration des
droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'en instituant une sanction qui
n'est ni individualisée ni proportionnée à la gravité du manquement reproché, le
troisième alinéa du c) du paragraphe II de l'article L. 313-13 susvisé ainsi que
son paragraphe III seraient contraires au principe de nécessité des peines
énoncé à l'article 8 de la Déclaration de 1789 ;
5. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration de
1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment
nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et
promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée » ; que les
principes ainsi énoncés ne concernent pas seulement les peines prononcées par
les juridictions pénales mais s'étendent à toute sanction ayant le caractère
d'une punition ;
6. Considérant qu'en permettant, dans certains cas, au ministre du logement de
prononcer la suspension du conseil d'administration d'un organisme agréé pour la
collecte de la participation des employeurs à l'effort de construction et
d'habiliter ce ministre à charger l'Agence nationale pour la participation des
employeurs à l'effort de construction de prendre les mesures conservatoires qui
s'imposent, les dispositions du c) ont pour objet de permettre qu'il soit mis
fin, dans le cadre d'un pouvoir de substitution, aux manquements, par un tel
organisme, à ses obligations légales ou réglementaires ; que ces dispositions
n'ont pas de finalité répressive; que, par suite, les griefs tirés de ce que les
dispositions du troisième alinéa du c) du paragraphe II de l'article L. 313-13
du code de la construction de l'habitation et celles du paragraphe III de ce
même article seraient contraires aux exigences de l'article 8 de la Déclaration
de 1789 sont inopérants ;
7. Considérant, d'autre part, en premier lieu, que les dispositions du premier
alinéa du paragraphe I de l'article L. 313-13 du code de la construction et de
l'habitation désignent les manquements qui peuvent donner lieu non seulement aux
sanctions prévues par le c) du paragraphe II, dont le troisième alinéa est
contesté par la requérante, mais également aux sanctions prévues par les a) et
b) du même paragraphe II ; que ces a) et b), qui permettent de réprimer ces
manquements d'une sanction pécuniaire et d'une interdiction d'exercer l'activité
en cause pour une durée de dix ans, instituent des sanctions ayant le caractère
d'une punition ; que, par suite, le grief tiré de ce que le premier alinéa du
paragraphe I méconnaîtrait le principe de légalité des délits et des peines est
opérant ;
8. Considérant, en second lieu, qu'appliquée en dehors du droit pénal,
l'exigence d'une définition des infractions sanctionnées se trouve satisfaite,
en matière administrative, dès lors que les textes applicables font référence
aux obligations auxquelles les intéressés sont soumis en raison de l'activité
qu'ils exercent, de la profession à laquelle ils appartiennent, de l'institution
dont ils relèvent ou de la qualité qu'ils revêtent ;
9. Considérant que le premier alinéa du paragraphe I de l'article L. 313-13
prévoit que des sanctions peuvent être prononcées contre les organismes agréés
pour la collecte de la participation des employeurs à l'effort de construction
après que l'organisme contrôlé a été mis en demeure de prendre, dans un délai
déterminé, toute mesure de redressement utile en cas « d'irrégularité grave dans
l'emploi des fonds, de faute grave dans la gestion, de carence dans la
réalisation de l'objet social ou de non-respect des conditions d'agrément » ;
que la définition de ces manquements ne méconnaît pas le principe de légalité
des délits et des peines énoncé à l'article 8 de la Déclaration de 1789 ;
10. Considérant que les dispositions contestées, qui ne sont contraires à aucun
autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées
conformes à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- Sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes de
l'article L. 313-13 du code de la construction et de l'habitation, dans sa
rédaction résultant de la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour
le logement et la lutte contre l'exclusion :
- le premier alinéa du paragraphe I ;
- le troisième alinéa du c) du paragraphe II ;
- le paragraphe III.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 11 juillet 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY
MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de
SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
2 DECISIONS DU 26 JUILLET 2013
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 30 mai 2013 par la
Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M.
Philippe M., M. Olivier D. et le syndicat SDMY-CFTC. Cette question était
relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des
articles L. 225-27 et L. 225-28 du code de commerce, dans leur rédaction
résultant de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles
régulations économiques.
Ces deux articles du code de commerce permettent aux sociétés anonymes qui le
souhaitent de prévoir dans leurs statuts la présence de représentants élus des
salariés au sein de leur conseil d'administration. Ils fixent les modalités de
ces élections et, notamment, la composition du corps électoral, qui comprend
seulement les salariés de la société et éventuellement de ses filiales
françaises.
Les requérants soutenaient qu'en excluant du corps électoral pour l'élection des
représentants des salariés au conseil d'administration les salariés mis à
disposition, les deux articles contestés portaient atteinte au huitième alinéa
du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.
Le Conseil constitutionnel a écarté ces griefs et jugé les articles L. 225-27 et
L. 225-28 du code de commerce conformes à la Constitution.
Le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 dispose en son huitième
alinéa que : «Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à
la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des
entreprises». En conséquence, il incombe au législateur de déterminer les
modalités selon lesquelles la représentation des travailleurs est assurée dans
l'entreprise. En revanche, ces exigences constitutionnelles n'imposent pas la
présence de représentants des salariés au sein des organes de direction de
l'entreprise.
Le Conseil constitutionnel a jugé que, si le législateur a entendu, par les
dispositions contestées, permettre que la participation des travailleurs à la
gestion des entreprises soit renforcée, il ne résulte pas du huitième alinéa du
Préambule de 1946 que cette participation doit être mise en œuvre dans les mêmes
conditions selon qu'elle s'applique aux organes dirigeants de l'entreprise ou
aux institutions représentatives du personnel. Eu égard aux attributions du
conseil d'administration, le législateur pouvait, sans méconnaître les exigences
constitutionnelles précitées, limiter le corps électoral pour l'élection des
salariés à ce conseil aux seuls salariés de la société et, éventuellement, de
ses filiales françaises.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de commerce ;
Vu la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations
économiques ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour les sociétés Renault SAS et Renault SA,
parties en défense, par la SCP Célice - Blancpain - Soltner, avocats au Conseil
d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 21 juin 2013 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 21 juin
2013 ;
Vu les observations produites par le syndicat requérant, enregistrées le 8
juillet 2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Damien Célice pour les parties en défense, et M. Xavier Pottier, désigné par
le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 16 juillet 2013
;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 225-27 du code
de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 15 mai 2001 susvisée : « Il
peut être stipulé dans les statuts que le conseil d'administration comprend,
outre les administrateurs dont le nombre et le mode de désignation sont prévus
aux articles L. 225-17 et L. 225-18, des administrateurs élus soit par le
personnel de la société, soit par le personnel de la société et celui de ses
filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire
français. Le nombre de ces administrateurs ne peut être supérieur à quatre ou,
dans les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché
réglementé, cinq, ni excéder le tiers du nombre des autres administrateurs.
Lorsque le nombre des administrateurs élus par les salariés est égal ou
supérieur à deux, les ingénieurs, cadres et assimilés ont un siège au moins.
« Les administrateurs élus par les salariés ne sont pas pris en compte pour la
détermination du nombre minimal et du nombre maximal d'administrateurs prévus à
l'article L. 225-17 » ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 225-28 du même code, dans sa
rédaction issue de la loi du 15 mai 2001 susvisée : « Les administrateurs élus
par les salariés doivent être titulaires d'un contrat de travail avec la société
ou l'une de ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé
sur le territoire français antérieur de deux années au moins à leur nomination
et correspondant à un emploi effectif. Toutefois, la condition d'ancienneté
n'est pas requise lorsque au jour de la nomination la société est constituée
depuis moins de deux ans.
« Tous les salariés de la société et le cas échéant de ses filiales directes ou
indirectes, dont le siège social est fixé sur le territoire français dont le
contrat de travail est antérieur de trois mois à la date de l'élection sont
électeurs. Le vote est secret.
« Lorsqu'un siège au moins est réservé aux ingénieurs, cadres et assimilés, les
salariés sont divisés en deux collèges votant séparément. Le premier collège
comprend les ingénieurs, cadres et assimilés, le second les autres salariés. Les
statuts fixent la répartition des sièges par collège en fonction de la structure
du personnel.
« Les candidats ou listes de candidats peuvent être présentés soit par une ou
plusieurs organisations syndicales représentatives au sens de l'article L. 423-2
du code du travail, soit par le vingtième des électeurs ou, si le nombre de
ceux-ci est supérieur à deux mille, par cent d'entre eux.
« Lorsqu'il y a un seul siège à pourvoir pour l'ensemble du corps électoral,
l'élection a lieu au scrutin majoritaire à deux tours. Lorsqu'il y a un seul
siège à pourvoir dans un collège électoral, l'élection a lieu au scrutin
majoritaire à deux tours dans ce collège. Chaque candidature doit comporter,
outre le nom du candidat, celui de son remplaçant éventuel. Est déclaré élu le
candidat ayant obtenu au premier tour la majorité absolue des suffrages
exprimés, au second tour la majorité relative.
« Dans les autres cas, l'élection a lieu au scrutin de liste à la représentation
proportionnelle au plus fort reste et sans panachage. Chaque liste doit
comporter un nombre de candidats double de celui des sièges à pourvoir.
« En cas d'égalité des voix, les candidats dont le contrat de travail est le
plus ancien sont déclarés élus.
« Les autres modalités du scrutin sont fixées par les statuts.
« Les contestations relatives à l'électorat, à l'éligibilité et à la régularité
des opérations électorales sont portées devant le juge d'instance qui statue en
dernier ressort dans les conditions prévues par le premier alinéa de l'article
L. 433-11 du code du travail » ;
3. Considérant que, selon les requérants, en excluant du corps électoral pour
l'élection des représentants des salariés au conseil d'administration les
salariés mis à disposition, alors même qu'ils seraient intégrés à la communauté
de travail de l'entreprise, les dispositions contestées portent atteinte au
principe de participation des travailleurs à la détermination des conditions de
travail et à la gestion de l'entreprise ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution, la loi
détermine les principes fondamentaux du droit du travail ;
5. Considérant que le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 dispose en
son huitième alinéa que : « Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de
ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à
la gestion des entreprises » ; qu'il ressort notamment de ces dispositions qu'il
incombe au législateur de déterminer, dans le respect de ce principe et de la
liberté syndicale, garantie par le sixième alinéa, les conditions et garanties
de sa mise en œuvre et, en particulier, les modalités selon lesquelles la
représentation des travailleurs est assurée dans l'entreprise ; qu'à cette fin,
le droit de participer « par l'intermédiaire de leurs délégués » à « la
détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des
entreprises » a pour bénéficiaires, sinon la totalité des travailleurs employés
à un moment donné dans une entreprise, du moins tous ceux qui sont intégrés de
façon étroite et permanente à la communauté de travail qu'elle constitue, même
s'ils n'en sont pas les salariés ; que, toutefois, le huitième alinéa du
Préambule de 1946 n'impose pas la présence de représentants des salariés au sein
des organes de direction de l'entreprise ;
6. Considérant que les dispositions contestées permettent aux sociétés anonymes
qui le souhaitent de prévoir dans leurs statuts la présence de représentants
élus des salariés au sein de leur conseil d'administration ; qu'elles fixent les
modalités de ces élections, et notamment la composition du corps électoral, qui
comprend seulement les salariés de la société et éventuellement de ses filiales
françaises ; qu'il en résulte que les salariés mis à disposition de la société
sont exclus de ce corps électoral ;
7. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 225-35 du code de
commerce : « Le conseil d'administration détermine les orientations de
l'activité de la société et veille à leur mise en œuvre. Sous réserve des
pouvoirs expressément attribués aux assemblées d'actionnaires et dans la limite
de l'objet social, il se saisit de toute question intéressant la bonne marche de
la société et règle par ses délibérations les affaires qui la concernent » ;
que, si le législateur a entendu, par les dispositions contestées, permettre que
la participation des travailleurs à la gestion des entreprises soit renforcée,
il ne résulte pas du huitième alinéa du Préambule de 1946 que cette
participation doit être mise en œuvre dans les mêmes conditions selon qu'elle
s'applique aux organes dirigeants de l'entreprise ou aux institutions
représentatives du personnel ; qu'eu égard aux attributions du conseil
d'administration, le législateur pouvait, sans méconnaître les exigences
constitutionnelles précitées, limiter le corps électoral pour l'élection des
salariés à ce conseil aux seuls salariés de la société et, éventuellement, de
ses filiales françaises ;
8. Considérant que les dispositions contestées, qui ne sont contraires à aucun
autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées
conformes à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- Les articles L. 225-27 et L. 225-28 du code de commerce, dans leur
rédaction issue de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles
régulations économiques, sont conformes à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance 25 juillet 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY
MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de
SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 4 juin 2013 par la
Cour de cassation de deux questions prioritaires de constitutionnalité posées
respectivement par la société SOMAF et par la société de distribution
martiniquaise. Ces questions étaient relatives à la conformité aux droits et
libertés que la Constitution garantit de la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004
relative à l'octroi de mer.
Le Conseil constitutionnel a rappelé les termes de l'article 61 de la
Constitution et des articles de l'ordonnance du 7 novembre 1958 applicables à la
question prioritaire de constitutionnalité. Ces dispositions n'interdisent pas
qu'une même question prioritaire de constitutionnalité porte sur plusieurs
dispositions législatives dès lors que chacune de ces dispositions est
applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des
poursuites. Elles n'interdisent pas davantage au requérant d'invoquer à l'appui
d'une même question prioritaire de constitutionnalité l'atteinte à plusieurs
droits et libertés que la Constitution garantit. Toutefois, tout justiciable
doit, devant la juridiction saisie du litige auquel il est partie, spécialement
désigner, d'une part, celles des dispositions législatives qu'il estime
applicables au litige et dont il soulève l'inconstitutionnalité et, d'autre
part, ceux des droits ou libertés que la Constitution garantit auxquels ces
dispositions porteraient atteinte.
En l'espèce, la loi du 2 juillet 2004 fixe les règles relatives à l'assiette, au
taux et aux modalités de recouvrement de l'octroi de mer et de l'octroi de mer
régional. Elle comporte cinquante-quatre articles désignant les redevables de
ces impositions, fixent le champ d'application de l'octroi de mer ainsi que son
assiette, déterminent le fait générateur et établissent les règles d'exigibilité
de cet impôt ainsi que celles de sa liquidation, en désignent les redevables,
prévoient les obligations des assujettis, précisent les règles particulières de
l'octroi de mer régional et les dispositions relatives au marché unique
antillais, prévoient les règles de contrôle, de sanction ainsi que de
recouvrement et, enfin, indiquent les modalités d'affectation annuelle du
produit de l'impôt entre les communes des régions concernées et, en Guyane,
entre le département et les communes.
Les questions prioritaires de constitutionnalité renvoyées au Conseil
constitutionnel portaient sur la totalité de la loi en alléguant la violation de
nombreux principes constitutionnels. Le Conseil constitutionnel a jugé que ces
questions prioritaires de constitutionnalité ne satisfont pas aux exigences
posées par la Constitution et l'ordonnance organique du 7 novembre 1958. Il a
jugé qu'il n'était donc pas valablement saisi et qu'il n'y avait pas lieu pour
lui de statuer sur ces questions prioritaires de constitutionnalité.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l'octroi de mer ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu la lettre du 2 juillet 2013 par laquelle le Conseil constitutionnel a soumis
aux parties un grief susceptible d'être soulevé d'office ;
Vu les observations en intervention produites pour les sociétés DISTRIVIT,
IMPORT EXPORT COMPAGNIE, IMPEC MARTINIQUE, LONG HORN INTERNATIONAL, PHP TRADING,
SADIPRO, SCGTA, SODIMAG, SOPROCA, SOREC AUTOS, WEST INDIES MARINE et SODIPAM par
Me Jean-Philippe Carpentier, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 25 et
26 juin et 9 juillet 2013 ;
Vu les observations produites pour la société SOMAF par Me Carpentier,
enregistrées les 25 et 26 juin et 9 juillet 2013 ;
Vu les observations produites pour la société de distribution martiniquaise par
Me Carpentier, enregistrées les 25 et 26 juin et 9 juillet 2013 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées les 26 juin
et 10 juillet 2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Carpentier, pour les sociétés requérantes et intervenantes, et M. Xavier
Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience
publique du 16 juillet 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'il y a lieu de joindre ces questions
prioritaires de constitutionnalité pour statuer par une seule décision ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à
l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une
disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la
Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette
question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce
dans un délai déterminé » ; que le constituant a ainsi reconnu à tout
justiciable le droit de soutenir, à l'appui de sa demande, qu'une disposition
législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit ;
qu'il a imparti au Conseil d'État et à la Cour de cassation de se prononcer sur
le renvoi de cette question au Conseil constitutionnel ; qu'enfin, l'article
61-1 de la Constitution et le deuxième alinéa de l'article 62 ont réservé au
Conseil constitutionnel le pouvoir de déclarer inconstitutionnelle une
disposition législative contestée ;
3. Considérant que, pour l'application de ces dispositions, l'article 23-1 de
l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée dispose : « Devant les juridictions
relevant du Conseil d'État ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce
qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis
par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit
distinct et motivé » ; que, selon son article 23-2, « la juridiction statue sans
délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de
constitutionnalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. Il est procédé à
cette transmission si les conditions suivantes sont remplies :
« 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou
constitue le fondement des poursuites ;
« 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs
et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des
circonstances ;
« 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux » ;
4. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 23-4 de cette même ordonnance
: « Dans un délai de trois mois à compter de la réception de la transmission
prévue à l'article 23-2 ou au dernier alinéa de l'article 23-1, le Conseil
d'État ou la Cour de cassation se prononce sur le renvoi de la question
prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. Il est procédé à
ce renvoi dès lors que les conditions prévues aux 1° et 2° de l'article 23-2
sont remplies et que la question est nouvelle ou présente un caractère sérieux »
;
5. Considérant que les règles constitutionnelles et organiques précitées ne
s'opposent pas à ce qu'à l'occasion d'une même instance soit soulevée une
question prioritaire de constitutionnalité portant sur plusieurs dispositions
législatives dès lors que chacune de ces dispositions est applicable au litige
ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; qu'elles
n'interdisent pas davantage au requérant d'invoquer à l'appui d'une même
question prioritaire de constitutionnalité l'atteinte à plusieurs droits et
libertés que la Constitution garantit ; que, toutefois, pour exercer le droit
qui lui est reconnu par l'article 61-1 de la Constitution, toute partie à une
instance doit, devant la juridiction saisie, spécialement désigner, dans un
écrit distinct et motivé, d'une part, soit les dispositions pénales qui
constituent le fondement des poursuites, soit les dispositions législatives
qu'elle estime applicables au litige ou à la procédure et dont elle soulève
l'inconstitutionnalité et, d'autre part, ceux des droits ou libertés que la
Constitution garantit auxquels ces dispositions porteraient atteinte ; qu'il
appartient aux juridictions saisies d'une question prioritaire de
constitutionnalité de s'assurer du respect de ces exigences ; qu'il revient en
particulier au Conseil d'État ou à la Cour de cassation, lorsque de telles
questions leur sont transmises ou sont posées devant eux, de vérifier que
chacune des dispositions législatives visées par la question est applicable au
litige puis, au regard de chaque disposition législative retenue comme
applicable au litige, que la question est nouvelle ou présente un caractère
sérieux ;
6. Considérant que la loi du 2 juillet 2004 susvisée fixe, dans les régions de
Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de la Réunion, les règles relatives à
l'assiette, aux taux et aux modalités de recouvrement de l'octroi de mer et de
l'octroi de mer régional ainsi que celles affectant le produit de cet impôt et
des dispositions finales ; qu'à cet effet, les cinquante-quatre articles de
cette loi fixent le champ d'application de l'octroi de mer ainsi que son
assiette, déterminent le fait générateur et établissent les règles d'exigibilité
de cet impôt ainsi que celles de sa liquidation, en désignent les redevables,
prévoient les obligations des assujettis, précisent les règles particulières de
l'octroi de mer régional et les dispositions relatives au marché unique
antillais, prévoient les règles de contrôle, de sanctions ainsi que de
recouvrement et, enfin, indiquent les modalités d'affectation annuelle du
produit de l'impôt entre les communes des régions concernées et, en Guyane,
entre le département et les communes ;
7. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité posée par la
société SOMAF devant le tribunal d'instance de Basse-Terre à l'occasion d'une
instance par elle introduite aux fins de remboursement des sommes payées au
titre de l'octroi de mer depuis 2009, est ainsi rédigée : « La loi 2004-639 du 2
juillet 2004, en ce qu'elle n'est pas signée par les ministres responsables,
est-elle conforme aux dispositions des articles 13 et 19 de la Constitution et
doit-elle, de ce fait, être annulée ?
« Par ailleurs, la loi 2004-639 du 2 juillet 2004 est-elle conforme à la
Constitution et aux textes à valeur constitutionnelle suivants :
« - À la constitution,
« - Au préambule de la Constitution de 1958,
« - Au préambule de la Constitution de 1946,
« - À la Constitution elle-même, notamment aux articles 1, 34, 72, 72-1, 72-2,
72-3, 72-4, 73, 74 et 74-1,
« - Aux principes généraux d'égalité et de non discrimination, notamment celui
d'égalité devant l'impôt,
« - Au principe constitutionnellement garanti de sécurité juridique,
« - À la liberté fondamentale de commerce et d'entreprise,
« - À la liberté d'aller et de venir,
« - À la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et notamment
aux articles 1, 2, 4, 6, 7, 13, 14 ? » ;
8. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité posée par la
société de distribution martiniquaise devant le tribunal d'instance de
Fort-de-France, dans une instance introduite aux mêmes fins, est rédigée en
termes identiques ; que sont invoqués également les articles « 16 et 19 » de la
Déclaration de 1789 ;
9. Considérant que, dans ses décisions précitées, la Cour de cassation a retenu
que les dispositions contestées, « qui ont trait à l'octroi de mer et à l'octroi
de mer régional, sont applicables au litige, lequel concerne le remboursement de
sommes versées à ces titres par une société commerciale exerçant son activité
dans le département » de la Guadeloupe pour la société SOMAF, dans celui de la
Martinique pour la société de distribution martiniquaise , « qu'elles n'ont pas
déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif
d'une décision du Conseil constitutionnel » et que les questions posées
présentent « un caractère sérieux au regard des exigences qui s'attachent aux
principes constitutionnels d'égalité devant la loi et devant les charges
publiques dès lors qu'il résulte des dispositions critiquées que l'octroi de mer
et l'octroi de mer régional, acquittés à l'occasion de l'introduction de
marchandises dans les départements d'outre-mer, entraînent une disparité de
traitement entre les métropolitains et les ultra-marins ainsi qu'entre les
ultra-marins eux-mêmes, en ce que sont exonérés les services, certaines
entreprises à raison de leur taille et certaines des marchandises importées » ;
qu'en conséquence, elle a dit irrecevables les griefs tirés des atteintes à
l'article 14 de la Déclaration de 1789 et aux articles 13 et 19 de la
Constitution et a renvoyé au Conseil constitutionnel, pour le surplus, les
questions prioritaires de constitutionnalité ;
10. Considérant qu'ainsi renvoyées au Conseil constitutionnel, les questions
prioritaires de constitutionnalité ne satisfont pas aux exigences
constitutionnelles et organiques précitées ; qu'il n'en est donc pas valablement
saisi ; que, par suite, il n'y a pas lieu pour lui de statuer sur ces questions,
D É C I D E :
Article 1er.- Il n'y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de statuer sur
les questions prioritaires de constitutionnalité renvoyées par la Cour de
cassation et portant sur la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à
l'octroi de mer.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 25 juillet 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY
MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de
SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 10 juin 2013 par le
Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la
Société Natixis Asset Management. Cette question était relative à la conformité
aux droits et libertés que la Constitution garantit du premier alinéa de
l'article 15 de l'ordonnance n° 86-1134 du 21 octobre 1986 et du premier alinéa
de l'article L. 442-9 du code du travail dans sa rédaction en vigueur jusqu'au
31 décembre 2004.
L'ordonnance du 21 octobre 1986 prévoit, pour les entreprises de plus de 100
salariés (seuil ensuite abaissé à 50 salariés), que les salariés bénéficient
d'un intéressement et d'une participation aux résultats de l'entreprise. Les
dispositions contestées de l'article 15 de cette ordonnance renvoient à un
décret le soin, d'une part, de déterminer les entreprises publiques et les
sociétés nationales soumises à ce dispositif d'intéressement et de participation
des salariés et, d'autre part, de fixer les conditions dans lesquelles ces
dispositions leur sont applicables. Cet article 15 de l'ordonnance du 21 octobre
1946 a été repris au premier alinéa de l'article L. 442-9 du code du travail.
La Cour de cassation a jugé qu'une personne de droit privé, ayant pour objet une
activité purement commerciale qui n'est ni une entreprise publique ni une
société nationale peu important l'origine du capital, n'entre pas dans le champ
d'application du décret auquel renvoie l'article 15 de l'ordonnance et doit être
soumise aux dispositions relatives à l'intéressement et à la participation des
salariés.
La société requérante soutenait que les dispositions contestées, telles
qu'interprétées par la Cour de cassation, portaient atteinte à la garantie des
situations légalement acquises et étaient contraires aux principes d'égalité
devant la loi et les charges publiques.
Le Conseil constitutionnel a écarté ces griefs. Il a notamment jugé que
l'interprétation que la Cour de cassation a retenue de la notion « d'entreprises
publiques » figurant à l'article 15 de l'ordonnance du 21 octobre 1986 n'a pas
porté atteinte à une situation légalement acquise.
Le Conseil constitutionnel a soulevé d'office le grief tiré de la méconnaissance
par le législateur de l'étendue de sa compétence. Il a relevé qu'en adoptant les
dispositions contestées, le législateur a soustrait les « entreprises publiques
» à l'obligation d'instituer un dispositif de participation des salariés aux
résultats de l'entreprise. Dans le même temps, le législateur s'est borné à
renvoyer au décret le soin de désigner celles des entreprises publiques qui y
seraient néanmoins soumises. Il s'est ainsi abstenu de définir le critère en
fonction duquel les entreprises publiques sont soumises à cette obligation en ne
se référant pas, par exemple, à un critère fondé sur l'origine du capital ou la
nature de l'activité. Il n'a pas encadré le renvoi au décret et a conféré au
pouvoir réglementaire la compétence pour modifier le champ d'application de la
loi. Le Conseil constitutionnel a, dès lors, jugé qu'en reportant ainsi sur des
autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont
la détermination n'a été confiée par la Constitution qu'à la loi, le législateur
a méconnu l'étendue de sa compétence.
Cette méconnaissance par le législateur de l'étendue de sa compétence dans la
détermination du champ d'application de l'obligation faite aux entreprises
d'instituer un dispositif de participation des salariés à leurs résultats
affecte par elle-même l'exercice de la liberté d'entreprendre. Le Conseil a donc
déclaré contraire à la Constitution le premier alinéa de l'article 15 de
l'ordonnance du 21 octobre 1986, devenu le premier alinéa de l'article L. 442-9
du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi du 30 décembre 2004
susvisée.
Cette déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la publication
de la décision du Conseil. Les salariés des entreprises dont le capital est
majoritairement détenu par des personnes publiques ne peuvent, en application du
chapitre II de l'ordonnance du 21 octobre 1986 susvisée ultérieurement
introduite dans le code du travail, demander, y compris dans les instances en
cours, qu'un dispositif de participation leur soit applicable au titre de la
période pendant laquelle les dispositions déclarées inconstitutionnelles étaient
en vigueur. Cette déclaration d'inconstitutionnalité ne peut conduire à ce que
les sommes versées au titre de la participation sur le fondement de ces
dispositions donnent lieu à répétition.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu l'ordonnance n° 86-1134 du 21 octobre 1986 relative à l'intéressement et à la
participation des salariés aux résultats de l'entreprise et à l'actionnariat des
salariés;
Vu la loi n° 90-1002 du 7 novembre 1990 modifiant l'ordonnance no 86-1134 du 21
octobre 1986 relative à l'intéressement et à la participation des salariés aux
résultats de l'entreprise et à l'actionnariat des salariés ;
Vu la loi n° 94-640 du 25 juillet 1994 relative à l'amélioration de la
participation des salariés dans l'entreprise ;
Vu la loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005 ;
Vu le code du travail ;
Vu les arrêts de la Cour de cassation (chambre sociale) n° 98-20304 du 6 juin
2000, n° 09-72281 du 29 juin 2011 et n° 09-67786 du 8 novembre 2011 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la requérante par la SCP UGGC Avocats et la
SCP Delaporte, Briard et Trichet, enregistrées les 1er et 15 juillet 2013 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 2 juillet
2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Vu la lettre du 19 juillet 2013 par laquelle le Conseil constitutionnel a soumis
aux parties un grief susceptible d'être soulevé d'office ;
Me Thierry Dal Farra, avocat au barreau de Paris, pour la requérante, et M.
Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience
publique du 23 juillet 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article
15 de l'ordonnance du 21 octobre 1986 susvisée relative à l'intéressement et à
la participation des salariés aux résultats de l'entreprise et à l'actionnariat
des salariés : « Un décret en Conseil d'État détermine les entreprises publiques
et les sociétés nationales qui sont soumises aux dispositions du présent
chapitre. Il fixe les conditions dans lesquelles ces dispositions leur sont
applicables » ;
2. Considérant qu'en vertu du a) du paragraphe II de l'article 33 de la loi du
25 juillet 1994 susvisée, le premier alinéa de l'article 15 de l'ordonnance du
21 octobre 1986 est devenu le premier alinéa de l'article L. 442-9 du code du
travail ; que l'article 85 de la loi du 30 décembre 2004 susvisée a modifié la
rédaction de ce premier alinéa ; que le Conseil constitutionnel en est saisi
dans sa rédaction antérieure à cette loi ;
3. Considérant que, selon la société requérante, l'interprétation que la chambre
sociale de la Cour de cassation a retenue de la notion « d'entreprise publique »
dans son arrêt du 6 juin 2000 susvisé porte atteinte à la garantie des
situations légalement acquises reconnue par l'article 16 de la Déclaration des
droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; que, compte tenu de cette
interprétation, ces dispositions seraient également contraires aux principes
d'égalité devant la loi et les charges publiques énoncés aux articles 6 et 13 de
la Déclaration de 1789 ;
4. Considérant qu'en application de l'article 7 du règlement du 4 février 2010
susvisé, le Conseil constitutionnel a soulevé d'office le grief tiré de ce qu'en
ne définissant pas la notion d'entreprise publique, les dispositions contestées
méconnaîtraient l'étendue de la compétence du législateur dans des conditions
qui affectent la liberté d'entreprendre et le droit de propriété ;
- SUR LES DISPOSITIONS SOUMISES À L'EXAMEN DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL :
5. Considérant qu'en posant une question prioritaire de constitutionnalité sur
une disposition législative, tout justiciable a le droit de contester la
constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation
jurisprudentielle constante confère à cette disposition ;
6. Considérant que, par l'arrêt du 6 juin 2000, la Cour de cassation a jugé que
« l'article 7 de l'ordonnance du 21 octobre 1986 énonce un principe
d'assujettissement général à la participation obligatoire aux résultats de
l'entreprise ; que les dispositions du décret du 26 novembre 1987 ne posent de
conditions particulières à l'assujettissement obligatoire, que pour les
entreprises publiques et les sociétés nationales, et distinguent celles qui
figurent sur la liste de l'article 4 ou dont plus de la moitié du capital est
détenu par l'une de celles-ci, et celles qui ne remplissent pas ces conditions,
les premières étant assujetties de plein droit, les dernières pouvant l'être sur
autorisation ministérielle ; qu'il en résulte qu'une personne de droit privé,
ayant pour objet une activité purement commerciale qui n'est ni une entreprise
publique ni une société nationale peu important l'origine du capital, n'entre
pas dans le champ d'application du décret et doit être soumise aux dispositions
de l'article 7 de l'ordonnance du 21 octobre 1986 » ; que cette interprétation a
été confirmée par les arrêts du 29 juin et du 8 novembre 2011 susvisés ;
7. Considérant qu'ainsi, selon la portée que leur confère la jurisprudence
constante de la Cour de cassation, les dispositions soumises à l'examen du
Conseil constitutionnel impliquent que les sociétés de droit privé ayant une
activité « purement commerciale » sont soumises de plein droit à l'obligation
d'instituer un dispositif de participation de leurs salariés aux résultats de
l'entreprise, même si leur capital est majoritairement détenu par une ou
plusieurs personnes publiques ;
- SUR LA CONSTITUTIONNALITÉ DES DISPOSITIONS CONTESTÉES :
. En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance de l'article 16 de la
Déclaration de 1789 :
8. Considérant que la société requérante soutient qu'il résulte de la
jurisprudence tant du Conseil constitutionnel que du Conseil d'État et de la
Cour de cassation que toute entreprise dont le capital est majoritairement
détenu par une personne publique constitue une entreprise publique ; qu'en
jugeant, le 6 juin 2000, que certaines entreprises dont le capital est
majoritairement détenu par une ou plusieurs personnes publiques ne sont pas des
entreprises publiques, la chambre sociale de la Cour de cassation aurait adopté,
de façon rétroactive, une interprétation de ces dispositions qui est contraire à
celle qui pouvait légitimement en être attendue ; que cette interprétation
imprévisible et tardive aurait empêché les entreprises intéressées de respecter
l'obligation qui en résulte d'instaurer un dispositif de participation des
salariés à leurs résultats et aurait ainsi porté atteinte au droit au respect
des situations légalement acquises garanti par l'article 16 de la Déclaration de
1789 ;
9. Considérant que le législateur méconnaîtrait la garantie des droits proclamée
par l'article 16 de la Déclaration de 1789 s'il portait aux situations
légalement acquises une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt
général suffisant ;
10. Considérant que l'interprétation que la Cour de cassation a retenue de la
notion « d'entreprise publique » figurant à l'article 15 de l'ordonnance du 21
octobre 1986 n'a pas porté atteinte à une situation légalement acquise ; que,
par suite, le grief doit être écarté ;
. En ce qui concerne les griefs tirés de la méconnaissance des principes
d'égalité devant la loi et les charges publiques :
11. Considérant que, selon la société requérante, les dispositions contestées
ont pour effet de traiter différemment les entreprises dont le capital est
majoritairement détenu par une ou plusieurs personnes publiques dépassant le
seuil de salariés à partir duquel la participation est obligatoire qui figurent
sur la liste établie par décret, et celles qui, bien que ne figurant pas sur
cette liste, sont également soumises aux mêmes obligations au regard du droit
des salariés à la participation ; que cette différence de traitement ne serait
justifiée par aucun motif d'intérêt général ; qu'il en résulterait également une
atteinte à l'égalité devant les charges publiques, en raison des implications du
versement rétroactif de la participation aux salariés sur l'acquittement du
forfait social par les entreprises dont le capital est majoritairement détenu
par une ou plusieurs personnes publiques ;
12. Considérant que l'article 6 de la Déclaration de 1789 dispose que la loi «
doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que
le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon
différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des
raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence
de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui
l'établit ; que si, en règle générale, ce principe impose de traiter de la même
façon des personnes qui se trouvent dans la même situation, il n'en résulte pas
pour autant qu'il oblige à traiter différemment des personnes se trouvant dans
des situations différentes ;
13. Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour
l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une
contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre
tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ;
14. Considérant, d'une part, que les dispositions contestées, telles
qu'interprétées par la Cour de cassation, ont pour effet de soumettre aux
obligations en matière de participation tant les entreprises publiques dont la
liste est fixée par le décret prévu au premier alinéa de l'article 15 de
l'ordonnance du 21 octobre 1986 que les entreprises dont le capital est
majoritairement détenu par une ou plusieurs personnes publiques mais qui ont une
activité purement commerciale ; qu'en soumettant à une même obligation des
entreprises placées dans des situations différentes, ces dispositions ne sont
pas contraires au principe d'égalité devant la loi ;
15. Considérant, d'autre part, que les obligations auxquelles les entreprises
sont soumises au titre de la participation des salariés à leurs résultats ne
sont pas des charges publiques ; que, par suite, le grief tiré de la
méconnaissance de l'article 13 de la Déclaration de 1789 est inopérant ;
. En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance par le législateur de
l'étendue de sa compétence :
16. Considérant que la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence
peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité
dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une
liberté que la Constitution garantit ;
17. Considérant qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution, la loi détermine
les principes fondamentaux des obligations civiles et commerciales ; qu'il
incombe au législateur d'exercer pleinement la compétence que lui confie la
Constitution et, en particulier, son article 34 ; que le plein exercice de cette
compétence ainsi que l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et
d'intelligibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, lui imposent d'adopter
des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques ; qu'il
doit en effet prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à
la Constitution ou contre le risque d'arbitraire, sans reporter sur des
autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont
la détermination n'a été confiée par la Constitution qu'à la loi ;
18. Considérant qu'en adoptant les dispositions contestées, le législateur a
soustrait les « entreprises publiques » à l'obligation d'instituer un dispositif
de participation des salariés aux résultats de l'entreprise ; qu'il n'a pas fixé
la liste des « entreprises publiques » auxquelles, par dérogation à cette règle,
cette obligation s'applique ; qu'il s'est borné à renvoyer au décret le soin de
désigner celles des entreprises publiques qui y seraient néanmoins soumises ;
que le législateur s'est ainsi abstenu de définir le critère en fonction duquel
les entreprises publiques sont soumises à cette obligation en ne se référant
pas, par exemple, à un critère fondé sur l'origine du capital ou la nature de
l'activité ; qu'il n'a pas encadré le renvoi au décret et a conféré au pouvoir
réglementaire la compétence pour modifier le champ d'application de la loi ;
qu'en reportant ainsi sur des autorités administratives ou juridictionnelles le
soin de fixer des règles dont la détermination n'a été confiée par la
Constitution qu'à la loi, il a méconnu l'étendue de sa compétence ;
19. Considérant que la liberté d'entreprendre résulte de l'article 4 de la
Déclaration de 1789 ; que la méconnaissance par le législateur de l'étendue de
sa compétence dans la détermination du champ d'application de l'obligation faite
aux entreprises d'instituer un dispositif de participation des salariés à leurs
résultats affecte par elle-même l'exercice de la liberté d'entreprendre ;
20. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le premier alinéa de
l'article 15 de l'ordonnance du 21 octobre 1986, devenu le premier alinéa de
l'article L. 442-9 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi du
30 décembre 2004 susvisée, doit être déclaré contraire à la Constitution ;
- SUR LES EFFETS DE LA DÉCLARATION D'INCONSTITUTION-NALITÉ :
21. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la
Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement
de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du
Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le
Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les
effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ;
que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à
l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition
déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances
en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel,
les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le
pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses
effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a
produits avant l'intervention de cette déclaration ;
22. Considérant que la déclaration d'inconstitutionnalité du premier alinéa de
l'article 15 de l'ordonnance du 21 octobre 1986, devenu le premier alinéa de
l'article L. 442-9 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi du
30 décembre 2004, prend effet à compter de la publication de la présente
décision ; que les salariés des entreprises dont le capital est majoritairement
détenu par des personnes publiques ne peuvent, en application du chapitre II de
l'ordonnance du 21 octobre 1986 susvisée ultérieurement introduite dans le code
du travail, demander, y compris dans les instances en cours, qu'un dispositif de
participation leur soit applicable au titre de la période pendant laquelle les
dispositions déclarées inconstitutionnelles étaient en vigueur ; que cette
déclaration d'inconstitutionnalité ne peut conduire à ce que les sommes versées
au titre de la participation sur le fondement de ces dispositions donnent lieu à
répétition,
D É C I D E :
Article 1er.- Le premier alinéa de l'article 15 de l'ordonnance n° 86-1134 du 21
octobre 1986 relative à l'intéressement et à la participation des salariés aux
résultats de l'entreprise et à l'actionnariat des salariés, devenu le premier
alinéa de l'article L. 442-9 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à
la loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005, est contraire à
la Constitution.
Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à
compter de la publication de la présente décision dans les conditions prévues au
considérant 22.
Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 1er août 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY
MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de
SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 12 juin 2013 par la
Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M.
Didier M. Cette question était relative à la conformité aux droits et libertés
que la Constitution garantit de l'article 918 du code civil, dans sa rédaction
antérieure à la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions
et des libéralités.
L'article 918 du code civil impose que lorsqu'un héritier successible en ligne
directe a acquis de son auteur un bien soit à charge de rente viagère, soit à
fonds perdu, soit avec réserve d'usufruit, la valeur de ce bien soit imputée sur
la quotité disponible. L'héritier ne peut écarter l'application de cette règle
en apportant la preuve qu'il s'est acquitté du prix ou de la contrepartie de
l'aliénation. Si la valeur du bien aliéné excède la quotité disponible,
l'héritier s'expose à l'action en réduction des libéralités excédant la quotité
disponible.
Le requérant soutenait qu'en présumant de manière irréfragable que les
aliénations désignées par ces dispositions constituent des donations hors part
successorale, alors même que l'acquéreur apporterait la preuve qu'il a
réellement exécuté la contre-prestation, la disposition contestée portait
atteinte au droit de propriété de l'héritier et à la liberté contractuelle du
défunt.
Le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions de l'article 918 du code
civil contesté sont justifiées par un motif d'intérêt général et ne portent pas
une atteinte disproportionnée aux conditions d'exercice du droit de propriété et
à la liberté contractuelle.
D'une part, les dispositions contestées ont pour objet de protéger les droits
des héritiers réservataires. Elles permettent également d'éviter les difficultés
liées à l'administration de la preuve de l'acquittement de la contrepartie de
l'aliénation et de favoriser des accords préalables entre héritiers présomptifs
sur ces aliénations.
D'autre part, les dispositions contestées ne portent pas une atteinte
disproportionnée aux conditions d'exercice du droit de propriété. Leur champ
d'application est précisément défini et est en adéquation avec l'objet de la
loi. La valeur du bien aliéné s'impute sur la quotité disponible, l'héritier
étant seulement tenu, le cas échéant d'indemniser les autres héritiers
réservataires tout en conservant la propriété du bien acquis. Enfin les parties
peuvent écarter l'application des dispositions contestées avec le consentement
des autres héritiers réservataires.
Le Conseil constitutionnel a donc déclaré l'article 918 du code civil contesté
conforme à la Constitution.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code civil ;
Vu la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des
libéralités ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour M. Patrick M., Mme Fabienne M. épouse R., M.
Rémy M., Mme Rachel M., Mme Véronique M. épouse T., Mme Marie-Laure M., Mme
Régine M. et Mme Évelyne M., parties en défense, par la SCP Meier-Bourdeau
Lécuyer, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 4
juillet 2013;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 4 juillet
2013 ;
Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Boré et Salve de
Bruneton, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 18
juillet 2013;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Jean de Salve de Bruneton, avocat au Conseil d'État et à la Cour de
cassation, pour le requérant, Me Alice Meier-Bourdeau, avocate au Conseil d'État
et à la Cour de cassation, pour les parties en défense, et M. Xavier Pottier,
désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 23
juillet 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 918 du code civil,
dans sa rédaction antérieure à la loi du 23 juin 2006 susvisée : « La valeur en
pleine propriété des biens aliénés, soit à charge de rente viagère, soit à fonds
perdu, ou avec réserve d'usufruit à l'un des successibles en ligne directe, sera
imputée sur la portion disponible; et l'excédent, s'il y en a, sera rapporté à
la masse. Cette imputation et ce rapport ne pourront être demandés par ceux des
autres successibles en ligne directe qui auraient consenti à ces aliénations,
ni, dans aucun cas, par les successibles en ligne collatérale » ;
2. Considérant que, selon le requérant, en présumant de manière irréfragable que
les aliénations désignées par ces dispositions constituent des donations hors
part successorale, susceptibles dès lors de réduction si elles excèdent la
quotité disponible, alors même que l'acquéreur apporterait la preuve qu'il a
réellement exécuté la contre-prestation, la disposition contestée porte atteinte
au droit de propriété de l'héritier et à la liberté contractuelle du défunt ;
3. Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés
par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen
de 1789 ; qu'aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit
inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité
publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une
juste et préalable indemnité » ; qu'en l'absence de privation du droit de
propriété au sens de cet article, il résulte néanmoins de l'article 2 de la
Déclaration de 1789 que les atteintes portées à ce droit doivent être justifiées
par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi ;
4. Considérant qu'il est loisible au législateur d'apporter à la liberté
contractuelle, qui découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789, des
limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt
général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au
regard de l'objectif poursuivi ;
5. Considérant que les dispositions contestées imposent que, lorsqu'un héritier
successible en ligne directe a acquis de son auteur un bien soit à charge de
rente viagère, soit à fonds perdu, soit avec réserve d'usufruit, la valeur de ce
bien en pleine propriété soit imputée sur la quotité disponible ; que l'héritier
ne peut écarter l'application de cette règle en apportant la preuve qu'il s'est
acquitté du prix ou de la contrepartie de l'aliénation ; que, si la valeur du
bien aliéné excède la quotité disponible, l'héritier s'expose à l'action en
réduction ; que ces dispositions ont pour objet d'éviter que le recours à ces
contrats, qui présentent un caractère aléatoire dès lors que la valeur de la
contrepartie dépend de la date du décès, ne conduise à avantager certains
héritiers réservataires dans des conditions portant atteinte aux droits
respectifs des héritiers réservataires ;
6. Considérant, en premier lieu, que les atteintes au droit de propriété qui
peuvent résulter de l'application des dispositions contestées n'entraînent pas
de privation de propriété au sens de l'article 17 de la Déclaration de 1789 ;
que, par suite, le grief tiré de la méconnaissance de cet article est inopérant
;
7. Considérant, en second lieu, que, d'une part, les dispositions contestées non
seulement tendent à protéger les droits des héritiers réservataires mais
permettent également, dès lors que l'exécution de la contrepartie de
l'aliénation peut se confondre avec celle d'autres obligations entre ascendants
et descendants, d'éviter les difficultés liées à l'administration de la preuve
de l'acquittement de cette contrepartie ; qu'elles permettent aussi de favoriser
des accords préalables entre les héritiers présomptifs sur ces aliénations ;
8. Considérant que, d'autre part, le champ d'application des dispositions
contestées est précisément défini, tant en ce qui concerne les contrats que
leurs bénéficiaires ; que le champ d'application de ces dispositions est ainsi
en adéquation avec leur objet ; que la valeur du bien aliéné s'impute sur la
quotité disponible; que, lorsqu'il y a lieu à réduction, celle-ci s'opère en
principe en valeur et non en nature ; qu'il en résulte que l'héritier, qui est
seulement tenu d'indemniser les autres héritiers réservataires, conserve la
propriété du bien acquis ; qu'enfin, les parties peuvent écarter l'application
des dispositions contestées en obtenant le consentement des autres héritiers
réservataires ; que ce consentement peut être obtenu lors de l'aliénation ou
postérieurement ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées
sont justifiées par un motif d'intérêt général et ne portent pas une atteinte
disproportionnée aux conditions d'exercice du droit de propriété et à la liberté
contractuelle ; que, par suite, les griefs tirés de ce que ces dispositions
seraient contraires aux articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789 doivent être
écartés ;
10. Considérant que les dispositions contestées, qui ne sont contraires à aucun
autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées
conformes à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- L'article 918 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi
n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités,
est conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance 1er août 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY
MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de
SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations en intervention produites pour M. Élie VENTURE et Mme
Anne-Marie POUJOL épouse VENTURE par la SCP Scheuer, Vernhet et associés, avocat
au barreau de Montpellier, enregistrées le 10 juillet 2013 ;
Vu les observations produites pour la société Eiffage Rail Express, partie en
défense dans la seconde question prioritaire de constitutionnalité, par la SCP
Coutard, Munier-Apaire, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation,
enregistrées le 10 juillet 2013 ;
Vu les observations produites pour la société Invest Hôtels Saint-Dizier Rennes
par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de
cassation, enregistrées le 12 juillet 2013 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 12
juillet 2013 ;
Vu les pièces produites et jointes aux dossiers ;
Me François Molinié, pour la société Invest Hôtels Saint-Dizier Rennes, Me
Frédéric Blancpain avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation pour la
Communauté d'agglomération Rennes Métropole, partie en défense dans la première
question prioritaire de constitutionnalité, Me Madeleine Munier-Apaire, pour la
société Eiffage Rail Express, Me Xavier Hemeury avocat au barreau de Montpellier
pour les intervenants et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre,
ayant été entendus à l'audience publique du 30 juillet 2013;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'il y a lieu de joindre ces questions
prioritaires de constitutionnalité pour statuer par une seule décision ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 15-4 du code de l'expropriation
pour cause d'utilité publique : « En cas d'urgence le juge peut, soit fixer le
montant des indemnités, comme il est dit aux articles L. 13-6 et R. 13-34 soit,
s'il ne s'estime pas suffisamment éclairé, fixer le montant d'indemnités
provisionnelles et autoriser l'expropriant à prendre possession moyennant le
paiement ou, en cas d'obstacles au paiement, la consignation des indemnités
fixées » ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 15-5 du même code : « La décision
fixant le montant des indemnités provisionnelles ne peut être attaquée que par
la voie de recours en cassation.
« Il est procédé, le cas échéant, à la fixation des indemnités définitives selon
la procédure prévue à l'article L. 13-6 » ;
4. Considérant que, selon les sociétés requérantes, les dispositions de
l'article L. 15-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, en
ce qu'elles autorisent la prise de possession par l'expropriant, avant la
fixation définitive de l'indemnité, méconnaissent les dispositions de l'article
17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; que la SCI du
Bois de la Justice soutient qu'en prévoyant que la décision fixant le montant
des indemnités provisionnelles ne peut être attaquée que par la voie du recours
en cassation, l'article L. 15-5 du même code méconnaît en outre l'article 16 de
la Déclaration de 1789 ;
5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 17 de la Déclaration
de 1789 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être
privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige
évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'afin
de se conformer à ces exigences constitutionnelles, la loi ne peut autoriser
l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers que pour la
réalisation d'une opération dont l'utilité publique est légalement constatée ;
que la prise de possession par l'expropriant doit être subordonnée au versement
préalable d'une indemnité ; que, pour être juste, l'indemnisation doit couvrir
l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain, causé par
l'expropriation ; qu'en cas de désaccord sur le montant des indemnités,
l'exproprié doit disposer d'une voie de recours appropriée ;
6. Considérant que les dispositions contestées de l'article L. 15-4 du code de
l'expropriation pour cause d'utilité publique déterminent les règles relatives à
la prise de possession dans le cadre de la procédure d'expropriation pour cause
d'utilité publique lorsque l'urgence à prendre possession des biens expropriés a
été constatée par l'administration ; que le juge de l'expropriation peut soit
fixer le montant des indemnités comme dans le cadre de la procédure de droit
commun soit, s'il ne s'estime pas suffisamment éclairé, fixer le montant
d'indemnités provisionnelles et autoriser l'expropriant à prendre possession
moyennant le paiement ou, en cas d'obstacles à celui-ci, la consignation des
indemnités fixées ;
7. Considérant que, si l'autorité administrative est seule compétente pour
déclarer l'urgence à prendre possession de biens expropriés, la fixation des
indemnités relève de la seule compétence du juge de l'expropriation ; que le
propriétaire dont les biens ont été expropriés dispose, à l'encontre des actes
administratifs déclarant l'utilité publique et constatant l'urgence à prendre
possession de ces biens, des recours de droit commun devant le juge
administratif ; que le juge de l'expropriation ne peut prononcer des indemnités
provisionnelles que lorsqu'il n'a pu fixer les indemnités définitives ; qu'en
tout état de cause, l'indemnisation doit couvrir l'intégralité du préjudice
direct, matériel et certain, causé par l'expropriation ; qu'en cas de désaccord
sur le montant des indemnités définitives ou provisionnelles, le propriétaire
dispose de voies de recours appropriées ; que, par suite, les dispositions de
l'article L. 15-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ne
méconnaissent pas les exigences découlant de l'article 17 de la Déclaration de
1789 ;
8. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration
de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas
assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ;
que sont garantis par cette disposition le droit des personnes intéressées à
exercer un recours juridictionnel effectif, le droit à un procès équitable,
ainsi que le principe du contradictoire ; que le principe du double degré de
juridiction n'a pas, en lui-même, valeur constitutionnelle ; que les
dispositions de l'article L. 15-5 du code de l'expropriation pour cause
d'utilité publique, en ce qu'elles prévoient que la décision fixant le montant
des indemnités provisionnelles ne peut être attaquée que par la voie de recours
en cassation, ne méconnaissent pas l'article 16 de la Déclaration de 1789 ;
9. Considérant que les dispositions des articles L. 15-4 et L. 15 5 du code de
l'expropriation pour cause d'utilité publique ne sont contraires à aucun autre
droit ou liberté que la Constitution garantit ; qu'elles doivent être déclarées
conformes à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- Les articles L. 15-4 et L. 15-5 du code de l'expropriation pour
cause d'utilité publique sont conformes à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 septembre 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY
MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de
SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 24 juin 2013 par le
Conseil d'État, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M.
Alain G. Cette question était relative à la conformité aux droits et libertés
que la Constitution garantit du 1. de l'article 80 duodecies du code général des
impôts (CGI) dans sa rédaction issue de l'article 1er de la loi du 30 décembre
2000 de finances rectificative pour 2000.
Le 1. de l'article 80 duodecies du CGI, dans sa rédaction issue de l'article 1er
de la loi de finances rectificative pour 2000, pose le principe de l'imposition
à l'impôt sur le revenu de toute indemnité versée à l'occasion de la rupture
d'un contrat de travail. La même disposition énumère les exceptions à ce
principe. Parmi ces exceptions figurent les indemnités versées par l'employeur
dans le cadre d'un licenciement ainsi que les indemnités de licenciement
mentionnées par l'article L. 122-14-4 du code du travail lorsqu'elles sont
allouées par le juge.
Le requérant soutenait qu'en excluant du bénéfice de ces exonérations les
indemnités versées en application d'un protocole d'accord transactionnel faisant
suite à une « prise d'acte », par le salarié, de son licenciement, les
dispositions contestées, telles qu'interprétées par le Conseil d'État,
méconnaissent le principe d'égalité devant l'impôt et les charges publiques.
Le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions contestées ne sauraient,
sans instituer une différence de traitement sans rapport avec l'objet de la loi,
conduire à ce que le bénéfice de ces exonérations varie selon que l'indemnité a
été allouée en vertu d'un jugement, d'une sentence arbitrale ou d'une
transaction. En particulier, en cas de transaction, il appartient à
l'administration et, lorsqu'il est saisi, au juge de l'impôt, de rechercher la
qualification à donner aux sommes objet de la transaction. Sous cette réserve de
constitutionnalité, qui répond au grief du requérant, le Conseil a jugé que le
1. de l'article 80 duodecies du CGI dans sa rédaction résultant de la loi du 30
décembre 2000 de finances rectificative pour 2000, est conforme à la
Constitution.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 de finances pour 2000, ensemble la
décision du Conseil constitutionnel n° 99-424 DC du 29 décembre 1999 ;
Vu la loi n° 2000-1353 du 30 décembre 2000 de finances rectificative pour 2000 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Nicolaÿ-de
Lanouvelle-Hannotin, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation,
enregistrées le 16 juillet 2013 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 16
juillet 2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendu à
l'audience publique du 12 septembre 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes du 1. de l'article 80 duodecies
du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi du 30 décembre
2000 de finances rectificative pour 2000 : « Sous réserve de l'exonération
prévue au 22° de l'article 81, constitue une rémunération imposable toute
indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail, à l'exception
des indemnités de licenciement ou de départ volontaire versées dans le cadre
d'un plan social au sens des articles L. 321-4 et L. 321-4-1 du code du travail,
des indemnités mentionnées à l'article L. 122 -4-4 du même code ainsi que de la
fraction des indemnités de licenciement ou de mise à la retraite qui n'excède
pas le montant prévu par la convention collective de branche, par l'accord
professionnel et interprofessionnel ou, à défaut, par la loi. » ;
« La fraction des indemnités de licenciement ou de mise à la retraite exonérée
en application du premier alinéa ne peut être inférieure ni à 50 % de leur
montant ni à deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par
le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de
travail, dans la limite de la moitié ou, pour les indemnités de mise à la
retraite, du quart de la première tranche du tarif de l'impôt de solidarité sur
la fortune fixé à l'article 885 U » ;
2. Considérant que, selon le requérant, en réservant le bénéfice des
exonérations partielles ou totales d'impôt sur le revenu aux indemnités versées
par l'employeur dans le cadre d'un licenciement ainsi qu'aux indemnités de
licenciement mentionnées par l'article L. 122-14-4 du code du travail
lorsqu'elles sont allouées par le juge, et en excluant ainsi du bénéfice de ces
exonérations les indemnités versées en application d'un protocole d'accord
transactionnel faisant suite à une « prise d'acte », par le salarié, de son
licenciement, les dispositions contestées, telles qu'interprétées par le Conseil
d'État, méconnaissent le principe d'égalité devant l'impôt et les charges
publiques ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour
les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle
doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs
facultés » ; qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au
législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et
compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles
doivent être appréciées les facultés contributives ; qu'en particulier, pour
assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur
des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose ; que
cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de
l'égalité devant les charges publiques ;
4. Considérant qu'en adoptant les dispositions contestées, le législateur a posé
le principe selon lequel constitue une rémunération imposable toute indemnité
versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail et a fixé la liste des
exceptions à cette règle ; qu'il a ainsi exonéré de l'impôt sur le revenu une
fraction des indemnités de licenciement ou de départ volontaire ainsi que la
totalité des indemnités de licenciement ou de départ volontaire lorsqu'elles
sont versées dans le cadre d'un plan social au sens des articles L. 321-4 et L.
321-4-1 du code du travail ainsi que des indemnités mentionnées à l'article L.
122-14-4 du même code ; que ces dernières indemnités sont l'indemnité due
lorsque la procédure de licenciement n'a pas été respectée, l'indemnité pour
licenciement sans cause réelle et sérieuse et l'indemnité allouée en cas de
non-respect de la procédure prévue à l'article L. 321-1 du code du travail lors
d'un licenciement collectif pour motif économique ;
5. Considérant qu'il ressort de la jurisprudence constante du Conseil d'État,
rappelée dans la décision du 24 juin 2013 de renvoi de la présente question
prioritaire de constitutionnalité, que l'article 80 duodecies définit
limitativement les exceptions au principe d'imposition qu'il fixe et que les
exonérations d'impôt prévues par les dispositions contestées ne sont pas
applicables aux « indemnités perçues par un salarié en exécution d'une
transaction conclue avec son employeur à la suite d'une "prise d'acte" de la
rupture de son contrat de travail, qui ne peuvent bénéficier, en aucune
circonstance et quelle que soit la nature du préjudice qu'elles visent à
réparer, d'une exonération d'impôt sur le revenu » ;
6. Considérant que les dispositions contestées définissent les indemnités de
licenciement ou de départ volontaire qui, en raison de leur nature, font l'objet
d'une exonération totale ou partielle d'impôt sur le revenu ; que ces
dispositions ne sauraient, sans instituer une différence de traitement sans
rapport avec l'objet de la loi, conduire à ce que le bénéfice de ces
exonérations varie selon que l'indemnité a été allouée en vertu d'un jugement,
d'une sentence arbitrale ou d'une transaction ; qu'en particulier, en cas de
transaction, il appartient à l'administration et, lorsqu'il est saisi, au juge
de l'impôt de rechercher la qualification à donner aux sommes objet de la
transaction ;
7. Considérant que, pour le surplus, comme le Conseil constitutionnel l'a jugé
aux considérants 17 à 22 de sa décision du 29 décembre 1999 susvisée, les
critères de l'exonération retenus par l'article 80 duodecies n'instituent ni des
différences de traitement injustifiées ni une rupture caractérisée de l'égalité
devant les charges publiques ; qu'en modifiant l'article 80 duodecies, l'article
1er de la loi susvisée du 30 décembre 2000 a prévu, pour son application aux
indemnités de mise à la retraite des salariés, un plafonnement légal applicable
à défaut de plafonnement conventionnel ; que, toutefois, une telle modification
de ces dispositions n'est pas de nature à modifier l'appréciation de leur
conformité à la Constitution ;
8. Considérant que les dispositions contestées ne méconnaissent aucun autre
droit ou liberté que la Constitution garantit ; que, sous la réserve énoncée au
considérant 6, elles doivent être déclarées conformes à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- Sous la réserve énoncée au considérant 6, le 1. de l'article 80
duodecies du code général des impôts dans sa rédaction résultant de la loi du 30
décembre 2000 de finances rectificative pour 2000 est conforme à la
Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Article 3.- Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19
septembre 2013, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mmes Claire BAZY
MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de
SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 4 juillet 2013 par
la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par
la SCI de la Perrière Neuve et la SCI du Traineau d'Or. Cette question était
relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du
premier alinéa de l'article L. 12-2 du code de l'expropriation pour cause
d'utilité publique (C. expr.).
Le premier alinéa de l'article L. 12-2 du C. expr. prévoit que l'ordonnance
d'expropriation a pour effet d'éteindre tous les droits réels ou personnels
existant sur les immeubles expropriés. Les sociétés requérantes soutenaient
notamment que ces dispositions permettent à l'autorité expropriante qui n'aurait
pas été informée de l'existence de titulaires de droits réels, de ne pas
indemniser ceux-ci et sont dès lors contraires à l'article 17 de la Déclaration
de 1789. Le Conseil constitutionnel a écarté ce grief, de même que celui tiré de
l'atteinte à l'article 16 de la Déclaration de 1789, et jugé le premier alinéa
de l'article L. 12-2 du C. expr. conforme à la Constitution.
Le Conseil constitutionnel a relevé que les dispositions du premier alinéa de
l'article L. 12-2 du C. expr. se bornent à définir la portée de l'ordonnance
d'expropriation sur les droits réels ou personnels existant sur les biens
expropriés. L'extinction des droits réels ou personnels existant sur ces biens,
qui découle de cette ordonnance, est la conséquence de l'expropriation et ne
méconnaît pas, par elle-même, les exigences précitées de l'article 17 de la
Déclaration de 1789. Les griefs soulevés par les sociétés requérantes à
l'encontre des dispositions du premier alinéa de l'article L. 12-2 du C. expr.
Sont relatifs à d'autres articles du même code, et particulièrement à ses
articles L. 12-5 et L. 13-2 dont le Conseil constitutionnel n'était pas saisi.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la commune de Chambéry, partie en défense,
par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat au Conseil d'État et à la
Cour de cassation, enregistrées le 22 juillet 2013 ;
Vu les observations produites pour les requérantes par la SCP Waquet, Farge,
Hazan, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 26
juillet 2013;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 26
juillet 2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Claire Waquet pour les sociétés requérantes, Me Gilles Thouvenin pour la
partie en défense, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant
été entendus à l'audience publique du 12 septembre 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article
L. 12-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : «
L'ordonnance d'expropriation éteint, par elle-même et à sa date, tous droits
réels ou personnels existant sur les immeubles expropriés » ;
2. Considérant que, selon les sociétés requérantes, ces dispositions, en ce
qu'elles privent les titulaires de droit réels de leurs droits sur le bien
exproprié, sans qu'ils soient appelés à la procédure d'expropriation et sans
qu'ils puissent exercer un recours contre l'ordonnance d'expropriation, sont
contraires à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen
de 1789 garantissant le droit au recours juridictionnel effectif, le droit à un
procès équitable et le principe du contradictoire ; que les dispositions
contestées en ce qu'elles permettent à l'autorité expropriante qui n'aurait pas
été informée de l'existence des titulaires de droits réels, en particulier de
l'emphytéote, de ne pas indemniser ceux-ci, seraient également contraires à
l'article 17 de la Déclaration de 1789 ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute
société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation
des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que sont garantis par
cette disposition le droit des personnes intéressées à exercer un recours
juridictionnel effectif, le droit à un procès équitable ainsi que le principe du
contradictoire ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 17 de la Déclaration de 1789 : « La
propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce
n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment,
et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'afin de se
conformer à ces exigences constitutionnelles, la loi ne peut autoriser
l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers que pour la
réalisation d'une opération dont l'utilité publique est légalement constatée ;
que la prise de possession par l'expropriant doit être subordonnée au versement
préalable d'une indemnité ; que, pour être juste, l'indemnité doit couvrir
l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain, causé par
l'expropriation ; qu'en cas de désaccord sur le montant des indemnités,
l'exproprié doit disposer d'une voie de recours appropriée ;
5. Considérant que les dispositions du premier alinéa de l'article L. 12-2 du
code de l'expropriation pour cause d'utilité publique se bornent à définir la
portée de l'ordonnance d'expropriation sur les droits réels ou personnels
existant sur les biens expropriés ; que l'extinction des droits réels ou
personnels existant sur ces biens, qui découle de cette ordonnance, est la
conséquence de l'expropriation et ne méconnaît pas, par elle-même, les exigences
précitées de l'article 17 de la Déclaration de 1789 ; que les griefs soulevés
par les sociétés requérantes, à l'encontre des dispositions du premier alinéa de
l'article L. 12-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique sont
relatifs à d'autres articles du même code, et particulièrement à ses articles L.
12-5 et L. 13-2 dont le Conseil constitutionnel n'est pas saisi ; que, par
suite, les griefs dirigés contre le premier alinéa de l'article L. 12-2 du même
code sont inopérants ;
6. Considérant que les dispositions contestées, qui ne sont contraires à aucun
droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes
à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- Le premier alinéa de l'article L. 12-2 du code de l'expropriation
pour cause d'utilité publique est conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Article 3.- Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19
septembre 2013, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mmes Claire BAZY
MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de
SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 4 juillet 2013 par
le Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M.
Smaïn Q. et Mme Carolina L.. Cette question était relative à la conformité aux
droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 2125-8 du code
général de la propriété des personnes publiques (CGPPP).
L'article L. 2125-8 du CGPPP est relatif à la répression du stationnement sans
autorisation d'un bateau ou engin flottant sur le domaine public fluvial. Sans
préjudice de la répression au titre des contraventions de grande voirie, il
punit le stationnement irrégulier d'une indemnité d'occupation égale à la
redevance, majorée de 100 %, qui aurait été due pour un stationnement régulier à
l'emplacement considéré ou à un emplacement similaire, sans application
d'éventuels abattements.
Les requérants soutenaient notamment que cette majoration de 100 % était
disproportionnée. Le Conseil constitutionnel a écarté ce grief. D'une part, il a
jugé qu'en édictant cette majoration proportionnelle, égale au montant de la
redevance due, l'article L. 2125-8 institue une sanction qui ne revêt pas, en
elle-même, un caractère manifestement disproportionné. D'autre part, si cette
sanction peut se cumuler avec une contravention de grande voirie, le Conseil
constitutionnel a rappelé, par une réserve d'interprétation, que le principe de
proportionnalité implique qu'en tout état de cause, le montant global des
sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de
l'une des sanctions encourues.
Le Conseil constitutionnel a également écarté le grief tiré de la violation des
droits de la défense. En effet, la décision de l'autorité gestionnaire du
domaine public fluvial qui prononce la majoration peut être contestée devant la
juridiction administrative.
Le Conseil constitutionnel a déclaré l'article L. 2125-8 du CGPPP conforme à la
Constitution.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour les requérants par Me Yannick Normand, avocat
au barreau de Paris, enregistrées les 26 juillet et 30 août 2013 ;
Vu les observations produites pour l'établissement public Voies navigables de
France, partie en défense, par Me Jean-Christophe Balat, avocat au Conseil
d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 24 juillet 2013 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 26
juillet 2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Normand, pour les requérants, Me Balat, pour la partie en défense et M.
Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience
publique du 12 septembre 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2125-8 du code
général de la propriété des personnes publiques : « Sans préjudice de la
répression au titre des contraventions de grande voirie, le stationnement sans
autorisation d'un bateau, navire, engin flottant ou établissement flottant sur
le domaine public fluvial donne lieu au paiement d'une indemnité d'occupation
égale à la redevance, majorée de 100 %, qui aurait été due pour un stationnement
régulier à l'emplacement considéré ou à un emplacement similaire, sans
application d'éventuels abattements » ;
2. Considérant que, selon les requérants, ces dispositions portent atteinte au
principe de nécessité des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration des
droits de l'homme et du citoyen de 1789 ainsi qu'aux droits de la défense ;
- SUR LE GRIEF TIRÉ DE LA VIOLATION DU PRINCIPE DE NÉCESSITÉ DES PEINES :
3. Considérant que les requérants font valoir que la majoration de 100 %
instituée par les dispositions contestées, qui s'ajoute à la sanction que le
juge administratif peut prononcer dans le cadre de la procédure de contravention
de grande voirie, revêt un caractère manifestement disproportionné et méconnaît
le principe de nécessité des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration de
1789 ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration de 1789 : « La loi
ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne
peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au
délit, et légalement appliquée » ; que les principes énoncés par cet article
s'appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions
répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d'une punition ;
5. Considérant que l'article L. 2125-8 du code général de la propriété des
personnes publiques prévoit que le stationnement sans autorisation d'un bateau,
navire, engin flottant ou établissement flottant sur le domaine public fluvial
donne lieu au paiement d'une indemnité d'occupation égale à la redevance,
majorée de 100 %, qui aurait été due pour un stationnement régulier à
l'emplacement considéré ou à un emplacement similaire, sans application
d'éventuels abattements ; qu'en instituant cette majoration, le législateur a
entendu dissuader toute personne d'occuper sans autorisation le domaine public
fluvial et réprimer les éventuels manquements à cette interdiction ; que, par
suite, une telle majoration constitue une sanction ayant le caractère d'une
punition au sens de l'article 8 de la Déclaration de 1789 ;
6. Considérant, d'une part, que l'article 61-1 de la Constitution ne confère pas
au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de
même nature que celui du Parlement, mais lui donne seulement compétence pour se
prononcer sur la conformité des dispositions législatives soumises à son examen
aux droits et libertés que la Constitution garantit ; que, si la nécessité des
peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du
législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s'assurer de l'absence de
disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue ;
7. Considérant que l'article L. 2125-8 fixe la majoration de la redevance
applicable à 100 % du montant de la redevance due pour un stationnement régulier
à l'emplacement considéré ou à un emplacement similaire, sans application
d'éventuels abattements ; qu'en édictant cette majoration proportionnelle, égale
au montant de la redevance due, l'article L. 2125-8 institue une sanction qui ne
revêt pas, en elle-même, un caractère manifestement disproportionné ;
8. Considérant, d'autre part, que la majoration de la redevance prévue par
l'article L. 2125-8 du code général de la propriété des personnes publiques
s'applique « sans préjudice de la répression au titre des contraventions de
grande voirie » ; qu'en particulier, outre le paiement de la majoration de 100 %
de la redevance due pour un stationnement régulier, l'occupant sans droit ni
titre du domaine public fluvial s'expose aux sanctions prévues par l'article L.
2132-9 du même code ; que le principe d'un tel cumul de sanctions n'est pas, en
lui-même, contraire au principe de proportionnalité des peines garanti par
l'article 8 de la Déclaration de 1789 ; que, toutefois, lorsque deux sanctions
prononcées pour un même fait sont susceptibles de se cumuler, le principe de
proportionnalité implique qu'en tout état de cause, le montant global des
sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de
l'une des sanctions encourues ; qu'il appartient donc aux autorités
administratives compétentes de veiller au respect de cette exigence ; que, sous
cette réserve, le grief tiré de la violation du principe de nécessité des peines
doit être écarté ;
- SUR LE GRIEF TIRÉ DE LA VIOLATION DES DROITS DE LA DÉFENSE :
9. Considérant que, selon les requérants, en prévoyant que le gestionnaire du
domaine public fluvial décide seul de l'application de la majoration de 100 % de
la redevance, les dispositions contestées méconnaissent les droits de la défense
; qu'en outre, ils font grief aux dispositions contestées de s'appliquer
automatiquement sans aucune décision juridictionnelle préalable ;
10. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : «
Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la
séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que le
principe de la séparation des pouvoirs, non plus qu'aucun autre principe ou
règle de valeur constitutionnelle, ne fait obstacle à ce qu'une autorité
administrative, agissant dans le cadre de prérogatives de puissance publique,
puisse exercer un pouvoir de sanction dans la mesure nécessaire à
l'accomplissement de sa mission, dès lors que l'exercice de ce pouvoir est
assorti par la loi de mesures destinées à assurer la protection des droits et
libertés constitutionnellement garantis ; qu'en particulier, doivent être
respectés le principe de la légalité des délits et des peines ainsi que les
droits de la défense, principes applicables à toute sanction ayant le caractère
d'une punition, même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à une
autorité de nature non juridictionnelle ;
11. Considérant que la décision prononçant la majoration de 100 % prévue par
l'article L. 2125-8 du code général de la propriété des personnes publiques peut
être contestée devant la juridiction administrative ; qu'à ce titre, la
juridiction saisie d'une demande à cette fin peut suspendre l'exécution du titre
exécutoire pris sur le fondement des dispositions contestées ou en prononcer
l'annulation ; qu'en confiant à l'autorité administrative gestionnaire du
domaine public fluvial le pouvoir de prononcer cette majoration, les
dispositions contestées ne méconnaissent pas les exigences constitutionnelles
précitées ; que, par suite, le grief tiré de la violation des droits de la
défense doit être écarté ;
12. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre
droit ou liberté que la Constitution garantit ; que, sous la réserve énoncée au
considérant 8, elles doivent être déclarées conformes à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- Sous la réserve énoncée au considérant 8, l'article L. 2125-8 du
code général de la propriété des personnes publiques est conforme à la
Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 26 septembre 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY
MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de
SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 9 juillet 2013 par
la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par
les époux L. Cette question était relative à la conformité aux droits et
libertés que la Constitution garantit des dispositions du deuxième alinéa de
l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime.
L'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime, applicable en matière
de baux ruraux, punit notamment tout bailleur, tout preneur sortant ou tout
intermédiaire qui aura, directement ou indirectement, à l'occasion d'un
changement d'exploitant, soit obtenu une remise d'argent ou de valeurs non
justifiée, soit imposé la reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant
pas à la valeur vénale de ceux-ci. Aux termes du deuxième alinéa de cet article
: « Les sommes indûment perçues sont sujettes à répétition. Elles sont majorées
d'un intérêt calculé à compter de leur versement et égal au taux pratiqué par la
Caisse régionale de crédit agricole pour les prêts à moyen terme ».
La contestation ne portait que sur le taux de la majoration. Le Conseil
constitutionnel a déclaré inconstitutionnelles les dispositions qui y font
référence, le législateur ayant méconnu l'étendue de sa compétence, affectant
par là même le droit de propriété.
Le Conseil constitutionnel a relevé qu'en adoptant les dispositions contestées,
le législateur s'est borné à prévoir que la créance de restitution des sommes
indûment versées à l'occasion de la conclusion d'un bail rural produisait
intérêt « au taux pratiqué par la Caisse régionale de crédit agricole pour les
prêts à moyen terme ». Or, les taux d'intérêt pratiqués par les différentes
caisses régionales peuvent varier selon qu'il s'agit de prêts aux entreprises ou
aux particuliers, de prêts à taux normal ou à taux bonifié. Ils peuvent
également varier selon la durée du prêt, selon les montants en cause et selon
que le prêt est conclu à taux fixe ou à taux variable. Dès lors, le Conseil
constitutionnel a jugé qu'en s'abstenant de fixer les modalités selon lesquelles
le taux prévu par les dispositions contestées est déterminé et rendu public, le
législateur a méconnu l'étendue de la compétence qu'il tient de l'article 34 de
la Constitution.
Cette absence de détermination des modalités de calcul du taux d'intérêt
applicable à une créance affecte par elle-même le montant des sommes allouées
et, par suite, le droit de propriété tant du créancier que du débiteur. En
conséquence, le Conseil constitutionnel a jugé les mots « et égal au taux
pratiqué par la Caisse régionale de crédit agricole pour les prêts à moyen terme
» figurant au deuxième alinéa de l'article L. 411-74 du code rural et de la
pêche maritime contraires à la Constitution.
Afin de permettre au législateur de tirer les conséquences de cette déclaration
d'inconstitutionnalité, le Conseil constitutionnel a reporté au 1er janvier 2014
la date de leur abrogation. Pour préserver l'effet utile de sa décision à la
solution des instances actuellement en cours, il appartient, d'une part, aux
juridictions de surseoir à statuer jusqu'à l'entrée en vigueur de la nouvelle
loi ou, au plus tard, jusqu'au 1er janvier 2014 dans les instances dont l'issue
dépend de l'application des dispositions déclarées inconstitutionnelles et,
d'autre part, au législateur de prévoir une application des nouvelles
dispositions à ces instances en cours à la date de la présente décision.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code rural et de la pêche maritime ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour MM. François et Benoît G., parties en
défense, par Me Pierre Dupeux, avocat au barreau de Compiègne, enregistrées le
22 juillet 2013 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 31
juillet 2013 ;
Vu les observations produites pour les requérants par Me Thierry Courant, avocat
au barreau du Val-de-Marne, enregistrées le 15 août 2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Vu la lettre du 12 septembre 2013 par laquelle le Conseil constitutionnel a
soumis aux parties un grief susceptible d'être soulevé d'office ;
Me Thierry Courant pour les requérants, Me Pierre Dupeux pour les parties en
défense, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été
entendus à l'audience publique du 17 septembre 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que le premier alinéa de l'article L. 411-74
du code rural et de la pêche maritime, applicable en matière de baux ruraux,
punit notamment tout bailleur, tout preneur sortant ou tout intermédiaire qui
aura, directement ou indirectement, à l'occasion d'un changement d'exploitant,
soit obtenu une remise d'argent ou de valeurs non justifiée, soit imposé la
reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de
ceux-ci ; qu'aux termes du deuxième alinéa de cet article : « Les sommes
indûment perçues sont sujettes à répétition. Elles sont majorées d'un intérêt
calculé à compter de leur versement et égal au taux pratiqué par la Caisse
régionale de crédit agricole pour les prêts à moyen terme » ;
2. Considérant que, selon les requérants, en se référant au taux d'intérêt fixé
par un établissement bancaire déterminé, susceptible de varier selon la
situation géographique des parties, les dispositions précitées portent atteinte
au principe d'égalité ; qu'en outre, en application de l'article 7 du règlement
du 4 février 2010 susvisé, le Conseil constitutionnel a soulevé d'office le
grief tiré de ce que, en s'abstenant de fixer ou d'habiliter le pouvoir
réglementaire à fixer les modalités selon lesquelles le taux prévu par les
dispositions contestées est déterminé et rendu public, le législateur aurait
méconnu l'étendue de sa compétence dans des conditions qui affectent le droit de
propriété ;
3. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les
mots « et égal au taux pratiqué par la Caisse régionale de crédit agricole pour
les prêts à moyen terme », figurant à la deuxième phrase du deuxième alinéa de
l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime ;
4. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la
Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une
juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux
droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut
être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de
cassation qui se prononce dans un délai déterminé » ; que la méconnaissance par
le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une
question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette
méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution
garantit ;
5. Considérant qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution, la loi détermine
les principes fondamentaux des obligations civiles et commerciales ;
6. Considérant qu'en adoptant les dispositions contestées, le législateur s'est
borné à prévoir que la créance de restitution des sommes indûment versées à
l'occasion de la conclusion d'un bail rural produisait intérêt « au taux
pratiqué par la Caisse régionale de crédit agricole pour les prêts à moyen terme
» ; qu'indépendamment des différences de taux pratiqués par les différentes
caisses régionales, les taux d'intérêt pratiqués par ces établissements peuvent
varier selon qu'il s'agit de prêts aux entreprises ou aux particuliers, de prêts
à taux normal ou à taux bonifié ; qu'ils peuvent également varier selon la durée
du prêt, selon les montants en cause et selon que le prêt est conclu à taux fixe
ou à taux variable ; qu'en s'abstenant de fixer ou d'habiliter le pouvoir
réglementaire à fixer les modalités selon lesquelles le taux prévu par les
dispositions contestées est déterminé et rendu public, le législateur a méconnu
l'étendue de la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution ;
7. Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés
par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen
de 1789 ; que l'absence de détermination des modalités de calcul du taux
d'intérêt applicable à une créance affecte par elle-même le montant des sommes
allouées et, par suite, le droit de propriété tant du créancier que du débiteur
; qu'en conséquence, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre grief, les mots «
et égal au taux pratiqué par la Caisse régionale de crédit agricole pour les
prêts à moyen terme » figurant à la deuxième phrase du deuxième alinéa de
l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime doivent être déclarés
contraires à la Constitution ;
8. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la
Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement
de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du
Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le
Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les
effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ;
que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à
l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition
déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances
en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel,
les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le
pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses
effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a
produits avant l'in
ervention de cette déclaration ;
9. Considérant qu'afin de permettre au législateur de tirer les conséquences de
la déclaration d'inconstitutionnalité des dispositions contestées, il y a lieu
de reporter au 1er janvier 2014 la date de leur abrogation ; qu'afin de
préserver l'effet utile de la présente décision à la solution des instances
actuellement en cours, il appartient, d'une part, aux juridictions de surseoir à
statuer jusqu'à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi ou, au plus tard,
jusqu'au 1er janvier 2014 dans les instances dont l'issue dépend de
l'application des dispositions déclarées inconstitutionnelles et, d'autre part,
au législateur de prévoir une application des nouvelles dispositions à ces
instances en cours à la date de la présente décision,
D É C I D E :
Article 1er.- Les mots « et égal au taux pratiqué par la Caisse régionale de
crédit agricole pour les prêts à moyen terme » figurant à la deuxième phrase du
deuxième alinéa de l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime
sont contraires à la Constitution.
Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet
le 1er janvier 2014 dans les conditions prévues au considérant 9.
Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 26 septembre 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY
MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de
SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 11 juillet 2013 par
le Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la
société SCOR SE. Cette question était relative à la conformité aux droits et
libertés que la Constitution garantit de l'article L. 431-9 du code des
assurances.
La loi du 13 juillet 1982 a mis en place un régime d'indemnisation des victimes
de catastrophes naturelles qui prévoit l'obligation d'insérer dans tous les
contrats d'assurance de dommages aux biens et pertes d'exploitation une garantie
contre les dommages résultant des effets des catastrophes naturelles. Afin de se
garantir contre de tels dommages, les assurés acquittent une prime ou cotisation
additionnelle dont le taux unique, appliqué au montant de la prime ou de la
cotisation principale ou au montant des capitaux assurés, est définie par arrêté
pour chaque catégorie de contrat. La couverture dont bénéficient les assurés ne
comporte pas de plafond de garantie.
L'article L. 431-9 du code des assurances contesté prévoit que la caisse
centrale de réassurance (CCR) bénéficie de la garantie de l'État pour les
opérations de réassurance des risques résultant de catastrophes naturelles.
La SCOR SE soutenait qu'en accordant la garantie de l'État à la CCR, l'article
L. 431-9 du code des assurances portait atteinte au principe d'égalité devant la
loi, ainsi qu'à la liberté d'entreprendre et à la liberté du commerce et de
l'industrie.
Le Conseil constitutionnel a jugé qu'eu égard à la nature particulière des
risques assurés et à l'absence de tout plafond de garantie de la couverture dont
bénéficient les assurés, en choisissant d'accorder la garantie de l'État à la
seule CCR, tenue de réassurer tous les assureurs qui le demandent dès lors
qu'ils remplissent les conditions légales et réglementaires, le législateur n'a
méconnu ni le principe d'égalité ni la liberté d'entreprendre.
L'article L. 431-9 du code des assurances a donc été déclaré conforme à la
Constitution.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances ;
Vu la loi n° 82-600 du 13 juillet 1982 relative à l'indemnisation des victimes
de catastrophes naturelles ;
Vu le code des assurances ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la société requérante par Me Nicolas Baverez
et Me Maïwenn Béas, avocats au barreau de Paris, enregistrées les 1er et 30 août
2013 ;
Vu les observations produites pour la caisse centrale de réassurance, partie en
défense, par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de
cassation, enregistrées les 1er et 29 août 2013 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 2 août
2013 ;
Vu les observations en intervention produites par le Groupement des Entreprises
Mutuelles d'Assurance (GEMA), enregistrées le 24 juillet 2013, pour la
Fédération française des sociétés d'assurance mutuelles par Me François Sureau,
avocat au barreau de Paris, enregistrées le 31 juillet 2013, par la société
SOGESSUR, enregistrées le 1er août 2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Baverez pour la société requérante, Me Emmanuel Piwnica pour la caisse
centrale de réassurance, Me Sureau pour la Fédération française des sociétés
d'assurance mutuelles et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier
ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 17 septembre 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 431-9 du code
des assurances : « La caisse centrale de réassurance est habilitée à pratiquer
les opérations de réassurance des risques résultant de catastrophes naturelles,
avec la garantie de l'État, dans des conditions fixées par décret en Conseil
d'État » ;
2. Considérant que, selon la société requérante, en ce qu'elles accordent la
garantie de l'État à la seule caisse centrale de réassurance, les dispositions
contestées portent atteinte au principe d'égalité devant la loi ainsi qu'à la
liberté d'entreprendre et à la liberté du commerce et de l'industrie ; qu'en
outre, l'absence de plafonnement en loi de finances de cette garantie
méconnaîtrait le 5° du paragraphe II de l'article 34 de la loi organique du 1er
août 2001 susvisée ;
3. Considérant qu'aux termes du douzième alinéa du Préambule de la Constitution
de 1946 : « La Nation proclame la solidarité et l'égalité de tous les Français
devant les charges qui résultent des calamités nationales » ; que, pour assurer
la mise en oeuvre de ces dispositions, il est loisible au législateur, statuant
dans le domaine qui lui est réservé par la Constitution, d'adopter des modalités
dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité, dès lors que, dans l'exercice
de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère
constitutionnel ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce
qui ne nuit pas à autrui ; ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme
n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la
jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par
la loi » ; qu'il est loisible au législateur d'apporter à la liberté
d'entreprendre, qui découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789, des
limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt
général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au
regard de l'objectif poursuivi ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi «
doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que
le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon
différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des
raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence
de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui
l'établit ;
6. Considérant, en premier lieu, que, par la loi susvisée du 13 juillet 1982, le
législateur a mis en place un régime d'indemnisation des victimes de
catastrophes naturelles qui prévoit l'obligation d'insérer dans tous les
contrats d'assurance de dommages aux biens et pertes d'exploitation une garantie
contre les dommages résultant des effets des catastrophes naturelles ; qu'afin
de se garantir contre de tels dommages, les assurés acquittent une prime ou
cotisation additionnelle dont le taux unique, appliqué au montant de la prime ou
de la cotisation principale ou au montant des capitaux assurés, est défini par
arrêté pour chaque catégorie de contrat ; que la couverture dont bénéficient les
assurés ne comporte pas de plafond de garantie ;
7. Considérant que sont regardés comme les effets des catastrophes naturelles,
aux termes du troisième alinéa de l'article L. 125-1 du code des assurances, «
les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante
l'intensité anormale d'un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à
prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu
être prises » ; que le quatrième alinéa du même article prévoit en particulier
que l'état de catastrophe naturelle est constaté par arrêté interministériel qui
détermine les zones et les périodes où s'est située la catastrophe ainsi que la
nature des dommages résultant de celle-ci couverts par la garantie visée au
premier alinéa ;
8. Considérant que la caisse centrale de réassurance est, en vertu des
dispositions contestées, habilitée à pratiquer les opérations de réassurance des
risques résultant de catastrophes naturelles dans des conditions fixées par
décret en Conseil d'État ; qu'eu égard à la nature particulière des risques
assurés et à l'absence de tout plafond de garantie de la couverture dont
bénéficient les assurés, en choisissant d'accorder la garantie de l'État à la
seule caisse centrale de réassurance, tenue de réassurer tous les assureurs qui
le demandent dès lors qu'ils remplissent les conditions légales et
réglementaires, le législateur n'a méconnu ni le principe d'égalité ni la
liberté d'entreprendre ;
9. Considérant, en second lieu, qu'en vertu du 5° du paragraphe II de l'article
34 de la loi organique du 1er août 2001 susvisée, la loi de finances de l'année,
dans la seconde partie, « autorise l'octroi des garanties de l'État et fixe leur
régime » ; que ces dispositions n'instituent pas un droit ou une liberté que la
Constitution garantit ; que leur méconnaissance ne peut donc être invoquée à
l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de
l'article 61-1 de la Constitution ;
10. Considérant que les dispositions contestées, qui ne sont contraires à aucun
autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées
conformes à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- Les dispositions de l'article L. 431-9 du code des assurances sont
conformes à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 26 septembre 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY
MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de
SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 11 juillet 2013 par
la Cour de cassation (chambre sociale, arrêt n° 1553 du 11 juillet 2013), dans
les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question
prioritaire de constitutionnalité posée par le Syndicat national Groupe Air
France CFTC, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution
garantit de l'article L. 2142-6 du code du travail.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code du travail ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la société Air France, partie en défense par
Me Didier Le Prado, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation,
enregistrées le 2 août 2013 ;
Vu les observations produites pour le syndicat requérant par Me François Pinatel,
avocat au barreau de Paris, enregistrées le 5 août 2013 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 5 août
2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Éric Slupowski, avocat au barreau de Paris, pour le demandeur, Me Didier Le
Prado, pour la partie en défense et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier
ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 17 septembre 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2142-6 du code
du travail : « Un accord d'entreprise peut autoriser la mise à disposition des
publications et tracts de nature syndicale, soit sur un site syndical mis en
place sur l'intranet de l'entreprise, soit par diffusion sur la messagerie
électronique de l'entreprise. Dans ce dernier cas, cette diffusion doit être
compatible avec les exigences de bon fonctionnement du réseau informatique de
l'entreprise et ne doit pas entraver l'accomplissement du travail » ;
« L'accord d'entreprise définit les modalités de cette mise à disposition ou de
ce mode de diffusion, en précisant notamment les conditions d'accès des
organisations syndicales et les règles techniques visant à préserver la liberté
de choix des salariés d'accepter ou de refuser un message » ;
2. Considérant que, selon le syndicat requérant, en soumettant à l'accord de
l'employeur le droit des syndicats à communiquer avec les salariés soit sur un
site syndical mis en place sur l'intranet de l'entreprise, soit par diffusion
sur la messagerie électronique de l'entreprise, ces dispositions portent une
atteinte inconstitutionnelle à la liberté d'expression des syndicats ;
3. Considérant qu'aux termes du sixième alinéa du Préambule de la Constitution
de 1946 : « Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l'action
syndicale et adhérer au syndicat de son choix » ; que le huitième alinéa de ce
Préambule dispose : « Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses
délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la
gestion des entreprises » ; qu'aux termes de l'article 4 de la Déclaration des
droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La liberté consiste à pouvoir faire
tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de
chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la
société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être
déterminées que par la loi » ; qu'il est à tout moment loisible au législateur,
statuant dans le domaine qui lui est réservé par la Constitution, d'adopter,
pour la réalisation ou la conciliation d'objectifs de nature constitutionnelle,
des modalités dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité, dès lors que,
dans l'exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des
exigences de caractère constitutionnel ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'en renvoyant à un accord d'entreprise la
définition des conditions dans lesquelles des publications et tracts de nature
syndicale peuvent être mis à disposition soit sur un site syndical mis en place
sur l'intranet de l'entreprise, soit par diffusion sur la messagerie
électronique de l'entreprise, le législateur a entendu, dans le cadre de la mise
en oeuvre du principe de participation énoncé au huitième alinéa du Préambule de
1946, permettre que les modalités de la communication syndicale par la voie
électronique puissent être adaptées à chaque entreprise et, en particulier, à
l'organisation du travail et à l'état du développement de ses moyens de
communication ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'en prévoyant, d'une part, que la diffusion
de l'information syndicale par la voie électronique doit être compatible avec
les exigences de bon fonctionnement du réseau informatique de l'entreprise et ne
doit pas entraver l'accomplissement du travail et, d'autre part, que les
modalités de cette diffusion doivent préserver la liberté de choix des salariés
d'accepter ou de refuser un message, le législateur a adopté des mesures pour
assurer le respect des libertés tant de l'employeur que des salariés ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'en l'absence d'accord d'entreprise relatif
à l'utilisation de l'intranet ou de la messagerie électronique de l'entreprise,
les syndicats peuvent, outre l'application des dispositions du premier alinéa de
l'article L. 2142-3 du code du travail et de son article L. 2142-4, librement
diffuser des publications et tracts sur les réseaux de communication au public
en ligne ; que les salariés peuvent également librement y accéder sur ces
réseaux ; qu'ils peuvent s'inscrire sur des listes de diffusion afin de recevoir
par voie électronique les publications et tracts syndicaux ; que, dans ces
conditions, la liberté de communication des syndicats n'est pas méconnue;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, par les dispositions
contestées, le législateur n'a pas opéré une conciliation manifestement
déséquilibrée entre, d'une part, la liberté de communication des syndicats et,
d'autre part, la liberté tant de l'employeur que des salariés ; que les
dispositions de l'article L. 2142-6 du code du travail, qui ne méconnaissent ni
la liberté d'expression garantie par l'article 11 de la Déclaration des droits
de l'homme et du citoyen de 1789 ni aucun autre droit ou liberté que la
Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- L'article L. 2142-6 du code du travail est conforme à la
Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 26 septembre 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY
MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de
SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
Le Conseil constitutionnel a été
saisi le 12 juillet 2013 par le Conseil d'État d'une question prioritaire de
constitutionnalité posée par la société Schuepbach Energy LLC. Cette question
était relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution
garantit des articles 1er et 3 de la loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011 visant à
interdire l'exploration et l'exploitation des mines d'hydrocarbures liquides ou
gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de
recherches comportant des projets ayant recours à cette technique.
La société requérante critiquait ces dispositions comme contraires à l'égalité
devant la loi ainsi qu'à la liberté d'entreprendre, comme portant atteinte à la
garantie des droits et au droit de propriété et comme méconnaissant les
principes consacrés par les articles 5 et 6 de la Charte de l'environnement.
Le Conseil constitutionnel a écarté ces quatre séries de griefs et jugé les
dispositions contestées de la loi du 13 juillet 2011 conformes à la Constitution
:
- Le Conseil constitutionnel a relevé qu'en interdisant tout recours à la
fracturation hydraulique de la roche pour rechercher ou exploiter des
hydrocarbures sur le territoire national, le législateur a entendu prévenir les
risques que ce procédé de recherche et d'exploitation des hydrocarbures est
susceptible de faire courir à l'environnement. Le législateur a considéré que la
fracturation hydraulique de la roche à laquelle il est recouru pour stimuler la
circulation de l'eau dans les réservoirs géothermiques ne présente pas les mêmes
risques pour l'environnement et il a entendu ne pas faire obstacle au
développement de l'exploitation de la ressource géothermique. Le Conseil
constitutionnel a jugé que la différence de traitement entre les deux procédés
de fracturation hydraulique de la roche (pour les hydrocarbures d'une part et la
géothermie d'autre part) est en rapport direct avec l'objet de la loi qui
l'établit. Il a ainsi écarté le grief tiré de la méconnaissance du principe
d'égalité.
- Le Conseil constitutionnel a également écarté le grief tiré de la
méconnaissance de la liberté d'entreprendre. Il a jugé qu'en interdisant le
recours à des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche pour
l'ensemble des recherches et exploitations d'hydrocarbures, lesquelles sont
soumises à un régime d'autorisation administrative, le législateur a poursuivi
un but d'intérêt général de protection de l'environnement. Le Conseil a conclu
que la restriction apportée tant à la recherche qu'à l'exploitation des
hydrocarbures ne revêt pas, en l'état des connaissances et des techniques, un
caractère disproportionné au regard de l'objectif poursuivi.
- Le Conseil constitutionnel a écarté les griefs relatifs à la méconnaissance de
la garantie des droits et du droit de propriété. Il a jugé qu'en prévoyant
l'abrogation des permis de recherches lorsque leurs titulaires n'ont pas
satisfait aux obligations déclaratives ou ont mentionné recourir ou envisagé de
recourir à des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche, le
législateur a tiré les conséquences des nouvelles interdictions relatives aux
procédés techniques de recherche et n'a donc pas porté atteinte à une situation
légalement acquise. Le Conseil a enfin relevé que les autorisations de
recherches minières accordées dans des périmètres définis et pour une durée
limitée par l'autorité administrative ne sauraient être assimilées à des biens,
objets pour leurs titulaires d'un droit de propriété. En conséquence, les
dispositions contestées n'entraînent pas de privation de propriété dans des
conditions contraires à la Constitution.
- Le Conseil constitutionnel avait déjà eu l'occasion de juger que l'article 6
de la Charte de l'environnement n'institue pas un droit ou une liberté que la
Constitution garantit et qu'il ne peut, par conséquent, être invoqué dans le
cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité. Il a par ailleurs jugé
en tout état de cause inopérant le grief tiré de la méconnaissance de l'article
5 de la Charte à l'encontre d'une disposition édictant une interdiction pérenne,
et a donc écarté les griefs fondés sur ces dispositions de la Charte de
l'environnement.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011 visant à interdire l'exploration et
l'exploitation des mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation
hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des
projets ayant recours à cette technique ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu la demande en intervention produite pour la région Rhône-Alpes par la SELARL
Antelis Coïc Romi associés, avocat au barreau de Lyon, enregistrée le 25 juillet
2013, ensemble la décision du Conseil constitutionnel de non-admission de cette
demande du 2 août 2013, la demande en intervention produite pour la région
Île-de-France et le département de Seine-et-Marne par la SELARL Huglo Lepage et
associés Conseil, avocat au barreau de Paris, enregistrée le 30 juillet 2013,
ensemble la décision du Conseil constitutionnel de non-admission de cette
demande du 2 août 2013, la demande en intervention produite pour l'association «
de défense de l'environnement et du patrimoine à Doué et aux communes
environnantes », le « mouvement national de lutte pour l'environnement » et M.
Jean-François DIRRINGER par la SELARL Huglo Lepage et associés Conseil,
enregistrée le 30 juillet 2013, ensemble la décision du Conseil constitutionnel
de non-admission de cette demande du 2 août 2013, la demande en intervention
produite pour M. José BOVÉ par la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat au Conseil
d'État et à la Cour de cassation, enregistrée le 31 juillet 2013, ensemble la
décision du Conseil constitutionnel de non-admission de cette demande du 2 août
2013, la demande en intervention produite pour Mmes Sylviane BAUDOIS, Martine
DAURES, Marie CHIORRI et Sonia TORREGROSSA et MM. Nicolas DAURES, Cyril DARNIS,
François FAVRE, Christophe MIGNON et Stéphane LINOU par la SELARL Christophe
Lèguevaques avocat, avocat au barreau de Paris, enregistrée le 31 juillet 2013,
ensemble la décision du Conseil constitutionnel de non-admission de cette
demande du 2 août 2013, la demande en intervention produite pour Mmes Sylviane
BAUDOIS, Martine DAURES, Isabelle LEVY et Sonia TORREGROSSA et MM. André BORG,
Nicolas DAURES, François FAVRE, Christophe MIGNON et Stéphane LINOU et
l'association « Bien vivre dans le Gers » par la SELARL Christophe Lèguevaques
avocat, enregistrée le 5 août 2013, ensemble la décision du Conseil
constitutionnel de non-admission de cette demande du 7 août 2013 et la demande
en intervention produite pour le département de l'Ardèche par Helios avocats,
avocat au barreau de Lyon, enregistrée le 2 septembre 2013 ;
Vu les observations en intervention produites par l'association « France Nature
Environnement », enregistrées les 5 et 29 août 2013 ;
Vu les observations en intervention produites pour l'association « Greenpeace
France », par la SCP Faro et Gozlan, avocat au barreau de Paris, enregistrées le
5 août 2013 ;
Vu les observations produites pour la société requérante par Me Marc Fornacciari,
avocat au barreau de Paris, enregistrées le 6 août 2013 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 6 août
2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Fornacciari, pour la société requérante, Me Stéphane Le Briero, avocat au
barreau de Paris, pour l'association « France Nature Environnement », Me
Alexandre Faro, avocat au barreau de Paris, pour l'association « Greenpeace
France » et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant
été entendus à l'audience publique du 24 septembre 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
- SUR L'ADMISSION DES INTERVENTIONS :
1. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 6 du règlement du 4
février 2010 susvisé : « Lorsqu'une personne justifiant d'un intérêt spécial
adresse des observations en intervention relatives à une question prioritaire de
constitutionnalité dans un délai de trois semaines suivant la date de sa
transmission au Conseil constitutionnel, mentionnée sur son site internet,
celui-ci décide que l'ensemble des pièces de la procédure lui est adressé et que
ces observations sont transmises aux parties et autorités mentionnées à
l'article 1er. Il leur est imparti un délai pour y répondre. En cas d'urgence,
le président du Conseil constitutionnel ordonne cette transmission » ;
2. Considérant que les associations « France Nature Environnement » et «
Greenpeace France » justifient d'un intérêt spécial à intervenir dans la
procédure d'examen de la présente question prioritaire de constitutionnalité ;
que ces interventions sont admises par le Conseil constitutionnel ;
- SUR LE FOND :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 13 juillet 2011
susvisée : « En application de la Charte de l'environnement de 2004 et du
principe d'action préventive et de correction prévu à l'article L. 110-1 du code
de l'environnement, l'exploration et l'exploitation des mines d'hydrocarbures
liquides ou gazeux par des forages suivis de fracturation hydraulique de la
roche sont interdites sur le territoire national » ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 13 juillet 2011
susvisée : « I. - Dans un délai de deux mois à compter de la promulgation de la
présente loi, les titulaires de permis exclusifs de recherches de mines
d'hydrocarbures liquides ou gazeux remettent à l'autorité administrative qui a
délivré les permis un rapport précisant les techniques employées ou envisagées
dans le cadre de leurs activités de recherches. L'autorité administrative rend
ce rapport public.
« II. - Si les titulaires des permis n'ont pas remis le rapport prescrit au I ou
si le rapport mentionne le recours, effectif ou éventuel, à des forages suivis
de fracturation hydraulique de la roche, les permis exclusifs de recherches
concernés sont abrogés.
« III. - Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente
loi, l'autorité administrative publie au Journal officiel la liste des permis
exclusifs de recherches abrogés.
« IV. - Le fait de procéder à un forage suivi de fracturation hydraulique de la
roche sans l'avoir déclaré à l'autorité administrative dans le rapport prévu au
I est puni d'un an d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende » ;
5. Considérant que, selon la société requérante, les dispositions de l'article
1er de la loi du 13 juillet 2011 portent atteinte à l'égalité devant la loi
ainsi qu'à la liberté d'entreprendre et méconnaissent le principe de précaution
consacré par l'article 5 de la Charte de l'environnement ; que les dispositions
de l'article 3 de la loi du 13 juillet 2011 porteraient atteinte à la garantie
des droits et au droit de propriété ; qu'enfin l'ensemble des dispositions
contestées méconnaîtraient le principe de conciliation des politiques publiques
avec la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement
économique et le progrès social consacré par l'article 6 de la Charte de
l'environnement ;
. En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité
devant la loi :
6. Considérant que, selon la société requérante, en interdisant le recours à
tout procédé de fracturation hydraulique de la roche pour l'exploration et
l'exploitation des mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux, alors que ce
procédé de fracturation hydraulique de la roche demeure autorisé pour la
géothermie, l'article 1er de la loi du 13 juillet 2011 méconnaît le principe
d'égalité devant la loi ;
7. Considérant que l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen de 1789 dispose que la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle
protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce
que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce
qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans
l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport
direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
8. Considérant qu'en l'état des techniques, les procédés de forage suivi de
fracturation hydraulique de la roche appliqués pour la recherche et
l'exploitation d'hydrocarbures diffèrent de ceux appliqués pour stimuler la
circulation de l'eau dans les réservoirs géothermiques tant par le nombre de
forages nécessaires que par la nature des roches soumises à la fracturation
hydraulique, ainsi que par les caractéristiques et les conditions d'utilisation
des produits ajoutés à l'eau sous pression pour la fracturation ; que, par
suite, en limitant le champ de l'interdiction aux seuls forages suivis de
fracturation hydraulique de la roche pour l'exploration et l'exploitation des
mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux, le législateur a traité différemment
des procédés distincts de recherche et d'exploitation de ressources minières ;
9. Considérant qu'en interdisant tout recours à la fracturation hydraulique de
la roche pour rechercher ou exploiter des hydrocarbures sur le territoire
national, le législateur a entendu prévenir les risques que ce procédé de
recherche et d'exploitation des hydrocarbures est susceptible de faire courir à
l'environnement ; qu'il ressort également des travaux préparatoires que le
législateur a considéré que la fracturation hydraulique de la roche à laquelle
il est recouru pour stimuler la circulation de l'eau dans les réservoirs
géothermiques ne présente pas les mêmes risques pour l'environnement et qu'il a
entendu ne pas faire obstacle au développement de l'exploitation de la ressource
géothermique ; qu'ainsi la différence de traitement entre les deux procédés de
fracturation hydraulique de la roche qui résulte de l'article 1er est en rapport
direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
. En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance de la liberté
d'entreprendre :
10. Considérant que la société requérante conteste l'atteinte à la liberté
d'entreprendre résultant de l'interdiction de recourir à des forages suivis de
la fracturation hydraulique de la roche ;
11. Considérant qu'il est loisible au législateur d'apporter à la liberté
d'entreprendre, qui découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789, des
limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt
général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au
regard de l'objectif poursuivi ;
12. Considérant que l'interdiction de recourir à des forages suivis de la
fracturation hydraulique de la roche pour rechercher ou exploiter des
hydrocarbures sur le territoire national est générale et absolue ; qu'elle a
pour effet de faire obstacle non seulement au développement de la recherche
d'hydrocarbures « non conventionnels » mais également à la poursuite de
l'exploitation d'hydrocarbures « conventionnels » au moyen de ce procédé ; qu'en
interdisant le recours à des forages suivis de fracturation hydraulique de la
roche pour l'ensemble des recherches et exploitations d'hydrocarbures,
lesquelles sont soumises à un régime d'autorisation administrative, le
législateur a poursuivi un but d'intérêt général de protection de
l'environnement ; que la restriction ainsi apportée tant à la recherche qu'à
l'exploitation des hydrocarbures, qui résulte de l'article 1er de la loi du 13
juillet 2011, ne revêt pas, en l'état des connaissances et des techniques, un
caractère disproportionné au regard de l'objectif poursuivi ;
. En ce qui concerne les griefs tirés de la méconnaissance des articles 2, 16 et
17 de la Déclaration de 1789 :
13. Considérant que, selon la société requérante, en prévoyant l'abrogation de
permis exclusifs de recherches d'hydrocarbures qui avaient été légalement
délivrés à leurs titulaires, l'article 3 de la loi du 13 juillet 2011 porte
atteinte au droit au respect des situations légalement acquises garanti par
l'article 16 de la Déclaration de 1789 ainsi qu'au droit de propriété de ces
titulaires de permis exclusifs de recherches ;
14. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : «
Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la
séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que le
législateur méconnaîtrait la garantie des droits s'il portait aux situations
légalement acquises une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt
général suffisant ;
15. Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l'homme
consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ; qu'aux termes de
son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut
en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée,
l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ;
qu'en l'absence de privation du droit de propriété au sens de cet article, il
résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les atteintes
portées à ce droit doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et
proportionnées à l'objectif poursuivi ;
16. Considérant, en premier lieu, que le paragraphe I de l'article 3 impose de
nouvelles obligations déclaratives aux titulaires de permis exclusifs de
recherches d'hydrocarbures dans un délai de deux mois à compter de la
promulgation de la loi du 13 juillet 2011 ; qu'en outre, l'article 1er de cette
même loi interdit à compter de l'entrée en vigueur de la loi tout recours à la
fracturation hydraulique de la roche pour l'exploration des hydrocarbures
liquides ou gazeux ; qu'en prévoyant que les permis exclusifs de recherches
d'hydrocarbures sont abrogés lorsque leurs titulaires n'ont pas satisfait aux
nouvelles obligations déclaratives ou ont mentionné recourir ou envisagé de
recourir à des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche, le
paragraphe II de l'article 3 tire les conséquences des nouvelles règles
introduites par le législateur pour l'exploration et l'exploitation des
hydrocarbures liquides ou gazeux ; que, ce faisant, le paragraphe II de
l'article 3 ne porte pas atteinte à une situation légalement acquise ;
17. Considérant, en second lieu, que les autorisations de recherche minière
accordées dans des périmètres définis et pour une durée limitée par l'autorité
administrative ne sauraient être assimilées à des biens objets pour leurs
titulaires d'un droit de propriété ; que, par suite, les dispositions contestées
n'entraînent ni une privation de propriété au sens de l'article 17 de la
Déclaration de 1789 ni une atteinte contraire à l'article 2 de la Déclaration de
1789 ;
. En ce qui concerne les griefs tirés de la méconnaissance des articles 5 et 6
de la Charte de l'environnement :
18. Considérant que, selon la société requérante, l'interdiction du recours à
tout procédé de fracturation hydraulique de la roche pour l'exploration et
l'exploitation des mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux par l'article 1er de
la loi du 13 juillet 2011 méconnaît le principe de précaution consacré par
l'article 5 de la Charte de l'environnement ; que tant cette interdiction que
l'abrogation des permis exclusifs de recherche de mines d'hydrocarbures liquides
ou gazeux prévue par l'article 3 de la loi du 13 juillet 2011 méconnaîtraient
également l'article 6 de la Charte de l'environnement, qui impose la
conciliation des politiques publiques avec la protection et la mise en valeur de
l'environnement, le développement économique et le progrès social ;
19. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 6 de la Charte de
l'environnement : « Les politiques publiques doivent promouvoir un développement
durable. À cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de
l'environnement, le développement économique et le progrès social » ; que cette
disposition n'institue pas un droit ou une liberté que la Constitution garantit
; que sa méconnaissance ne peut, en elle-même, être invoquée à l'appui d'une
question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de
la Constitution ;
20. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 5 de la Charte de
l'environnement : « Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en
l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et
irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application
du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en
oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures
provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage » ;
qu'est en tout état de cause inopérant le grief tiré de ce que l'interdiction
pérenne du recours à tout procédé de fracturation hydraulique de la roche pour
l'exploration et l'exploitation des mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux
méconnaîtrait le principe de précaution ;
21. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les dispositions des
articles 1er et 3 de la loi du 13 juillet 2011, qui ne méconnaissent aucun autre
droit ou liberté garanti par la Constitution, doivent être déclarées conformes à
la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- Les articles 1er et 3 de la loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011
visant à interdire l'exploration et l'exploitation des mines d'hydrocarbures
liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis
exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique
sont conformes à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 10 octobre 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY
MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de
SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 17 juillet 2013 par
le Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M.
Karamoko F. Cette question était relative à la conformité aux droits et libertés
que la Constitution garantit du troisième alinéa de l'article L. 264-2 du code
de l'action sociale et des familles (CASF).
L'article L. 264-1 du CASF prévoit que pour prétendre au service des prestations
sociales légales, réglementaires et conventionnelles, les personnes sans
domicile stable doivent, sauf exception, élire domicile soit auprès d'un centre
communal ou intercommunal d'action sociale, soit auprès d'un organisme agréé à
cet effet. Le troisième alinéa de l'article L. 264-2 du CASF dispose que «
l'attestation d'élection de domicile ne peut être délivrée à la personne non
ressortissante d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à
l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, qui
n'est pas en possession d'un des titres de séjour prévus au titre Ier du livre
III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ».
Le requérant soutenait que ce troisième alinéa de l'article L. 264-2 du CASF
empêche, dans des conditions inconstitutionnelles, les personnes sans domicile
stable et dépourvues de titre de séjour de former valablement une demande d'aide
juridictionnelle.
Le Conseil constitutionnel a relevé que l'article L. 264-2 du CASF, qui
constitue une disposition générale, n'a ni pour objet ni pour effet de déroger
aux dispositions législatives spécifiques. Or la loi du 10 juillet 1991 sur
l'aide juridique fixe la procédure selon laquelle une personne sans domicile
stable peut déposer un dossier de demande d'aide juridictionnelle au bureau
d'aide juridictionnelle. L'article 3 de cette loi prévoit les cas et conditions
dans lesquels un étranger en situation irrégulière dépourvu d'un domicile stable
peut bénéficier de l'aide juridictionnelle.
De ce rapprochement de la loi du 10 juillet 1991 et du troisième alinéa de
l'article L. 264-2 du CASF, le Conseil constitutionnel a déduit que le grief
tiré de ce que les dispositions du troisième alinéa de cet article priveraient
certains étrangers en situation irrégulière du droit de déposer une demande
tendant à obtenir l'aide juridictionnelle doit être écarté. Il a conclu que ces
dispositions sont conformes à la Constitution.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 7 août
2013;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendu à
l'audience publique du 24 septembre 2013 ;
Vu la lettre du 27 septembre 2013 par laquelle le Conseil constitutionnel a
soumis aux parties un grief susceptible d'être soulevé d'office ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 4 octobre
2013 ;
Vu les nouvelles observations produites par le requérant, enregistrées les 4 et
8 octobre 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que l'article L. 264-1 du code de l'action
sociale et des familles prévoit que pour prétendre au service des prestations
sociales légales, réglementaires et conventionnelles, à l'exception de l'aide
médicale de l'État mentionnée à l'article L. 251-1, ainsi qu'à la délivrance
d'un titre national d'identité, à l'inscription sur les listes électorales ou à
l'aide juridique, les personnes sans domicile stable doivent élire domicile soit
auprès d'un centre communal ou intercommunal d'action sociale, soit auprès d'un
organisme agréé à cet effet ; qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L.
264-2 du code de l'action sociale et des familles : « L'attestation d'élection
de domicile ne peut être délivrée à la personne non ressortissante d'un État
membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace
économique européen ou de la Confédération suisse, qui n'est pas en possession
d'un des titres de séjour prévus au titre Ier du livre III du code de l'entrée
et du séjour des étrangers et du droit d'asile » ;
2. Considérant que, selon le requérant, le troisième alinéa de l'article L.
264-2 du code de l'action sociale et des familles porte atteinte au droit au
recours juridictionnel effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration des
droits de l'homme et du citoyen de 1789, en ce qu'il empêche les personnes sans
domicile stable et dépourvues de titre de séjour de former valablement une
demande d'aide juridictionnelle ; qu'il porterait également atteinte à la
liberté individuelle et au droit au respect de la vie privée, protégés par les
articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789, en ce qu'il interdirait aux personnes
sans domicile stable et dépourvues de titre de séjour d'entretenir une
correspondance avec des tiers et des administrations ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration
de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée
ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; qu'il
résulte de cette disposition qu'il ne doit pas être porté d'atteintes
substantielles au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif
devant une juridiction ;
4. Considérant que l'article L. 264-2 du code de l'action sociale et des
familles institue une procédure de domiciliation applicable aux personnes qui ne
bénéficient pas d'un domicile stable, afin de leur permettre de demander,
notamment, le bénéfice de certaines prestations sociales et de l'aide
juridictionnelle ; qu'en vertu du deuxième alinéa de l'article L. 264-2 du même
code, la domiciliation se traduit par la remise d'une attestation d'élection de
domicile par le centre d'action sociale ou un organisme agréé ; que le troisième
alinéa prévoit que cette attestation d'élection de domicile ne peut être
délivrée à un étranger qui n'est ni citoyen européen, ni ressortissant d'un État
de l'Espace économique européen ou de la Suisse que s'il est en possession d'un
des titres de séjour prévus aux articles L. 311-1 et suivants du code de
l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
5. Considérant que l'article L. 264-2 du code de l'action sociale et des
familles, qui constitue une disposition générale, n'a ni pour objet ni pour
effet de déroger aux dispositions législatives spécifiques ; qu'en particulier,
d'une part, le septième alinéa de l'article 13 de la loi du 10 juillet 1991
susvisée prévoit la procédure selon laquelle une personne sans domicile stable
peut déposer un dossier de demande d'aide juridictionnelle au bureau d'aide
juridictionnelle ; que, d'autre part, les quatre derniers alinéas de l'article 3
de la même loi disposent : « Les personnes de nationalité étrangère résidant
habituellement et régulièrement en France sont également admises au bénéfice de
l'aide juridictionnelle.
« Toutefois, l'aide juridictionnelle peut être accordée à titre exceptionnel aux
personnes ne remplissant pas les conditions fixées à l'alinéa précédent, lorsque
leur situation apparaît particulièrement digne d'intérêt au regard de l'objet du
litige ou des charges prévisibles du procès.
« L'aide juridictionnelle est accordée sans condition de résidence aux étrangers
lorsqu'ils sont mineurs, témoins assistés, inculpés, prévenus, accusés,
condamnés ou parties civiles, lorsqu'ils bénéficient d'une ordonnance de
protection en vertu de l'article 515-9 du code civil ou lorsqu'ils font l'objet
de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité,
ainsi qu'aux personnes faisant l'objet de l'une des procédures prévues aux
articles L. 222-1 à L. 222-6, L. 312-2, L. 511-1, L. 511-3-1, L. 512-1 à L.
512-4, L. 522-1, L. 522-2 et L. 552-1 à L. 552-10 du code de l'entrée et du
séjour des étrangers et du droit d'asile, ou lorsqu'il est fait appel des
décisions mentionnées aux articles L. 512-1 à L. 512-4 du même code.
« Devant la commission des recours des réfugiés, elle est accordée aux étrangers
qui résident habituellement en France » ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'article L. 264-2 du code de
l'action sociale et des familles n'a ni pour objet ni pour effet de déroger aux
dispositions précitées de l'article 3 de la loi du 10 juillet 1991 ; que, par
suite, le grief tiré de ce que le troisième alinéa de l'article L. 264-2 du code
de l'action sociale et des familles priverait certains étrangers en situation
irrégulière du droit de déposer une demande tendant à obtenir l'aide
juridictionnelle doit être écarté ;
7. Considérant, en second lieu, que le droit au respect de la vie privée résulte
de l'article 2 de la Déclaration de 1789 ; que, toutefois, les dispositions
contestées n'ont ni pour objet ni pour effet d'interdire aux personnes de
nationalité étrangère sans domicile stable et en situation irrégulière sur le
territoire français d'établir la domiciliation de leur correspondance ; qu'elles
ne portent aucune atteinte au droit d'entretenir une correspondance ; que le
grief tiré de l'atteinte au droit au respect de la vie privée doit être écarté ;
8. Considérant que les dispositions contestées, qui ne portent atteinte à aucun
autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées
conformes à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- Le troisième alinéa de l'article L. 264-2 du code de l'action
sociale et des familles est conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 10 octobre 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY
MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de
SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 17 juillet 2013 par
le Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme
Henriette B. Cette question était relative à la conformité aux droits et
libertés que la Constitution garantit de l'article L. 43 du code des pensions
civiles et militaires de retraite (CPCMR) dans sa rédaction issue de la loi du
28 décembre 2011 de finances pour 2012.
La pension de réversion correspond à 50 % de la pension de retraite du
fonctionnaire au jour de son décès. Les ayants cause sont le ou les conjoints
survivants ou divorcés et les enfants. L'article L. 43 du CPCMR contesté prévoit
les règles de répartition de la pension de réversion lorsque plusieurs lits sont
représentés.
La requérante soutenait que l'article L. 43 du CPCMR a pour effet de fixer
définitivement le partage entre les ayants cause de la pension de réversion au
jour du décès du fonctionnaire. Selon elle, il en résulterait des différences de
traitement, notamment entre conjoints survivants ou divorcés selon qu'ils sont
ou non en concours avec des orphelins âgés de moins de vingt-et-un ans, qui
méconnaîtraient le principe d'égalité.
Le Conseil constitutionnel a rappelé que les pensions de retraite prévues par le
CPCMR ont pour objet d'assurer un revenu de substitution ou d'assistance. Aucun
principe, ni aucune règle de valeur constitutionnelle n'impose que, lorsque la
pension de réversion a donné lieu à un partage entre plusieurs lits, la part de
la pension revenant à un lit qui cesse d'être représenté accroisse celle des
autres lits. En conséquence le Conseil constitutionnel a écarté le grief tiré de
l'atteinte au principe d'égalité et jugé l'article L. 43 du CPCMR conforme à la
Constitution.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la requérante par Me Jacques Morin, avocat au
barreau de Lorient, enregistrées le 25 juillet 2013 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 7 août
2013;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Morin pour la requérante et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier
ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 24 septembre 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 43 du code des
pensions civiles et militaires de retraite dans sa rédaction issue de la loi du
28 décembre 2011 de finances pour 2012 : « La pension définie à l'article L. 38
est répartie comme suit :
« a) À la date du décès du fonctionnaire, les conjoints survivants ou divorcés
ayant droit à pension se partagent la part de la pension de réversion
correspondant au rapport entre le nombre de conjoints survivants ou divorcés et
le nombre total de lits représentés. Cette part est répartie entre les conjoints
au prorata de la durée respective de chaque mariage.
« Un lit est représenté soit par le conjoint survivant ou divorcé, soit par les
orphelins de fonctionnaires dont l'autre parent n'a pas ou plus droit à pension
;
« b) La différence entre la fraction de la pension prévue à l'article L. 38 et
les pensions versées aux conjoints survivants ou divorcés du fonctionnaire en
application du a est répartie également entre les orphelins ayant droit à la
pension prévue à l'article L. 40 qui représentent un lit » ;
2. Considérant que la requérante soutient qu'en ne reprenant pas, dans la
nouvelle rédaction de l'article L. 43 du code des pensions civiles et militaires
de retraite, les dispositions de la version précédente de cet article aux termes
desquelles « si un lit cesse d'être représenté, sa part accroît celle du ou des
autres lits », la loi susvisée de finances pour 2012 a pour effet de fixer
définitivement le partage entre ayants cause de la pension de réversion au jour
du décès du fonctionnaire ; qu'il en résulterait des différences de traitement,
notamment entre conjoints survivants ou divorcés selon qu'ils sont ou non en
concours avec des orphelins âgés de moins de vingt-et-un ans, qui
méconnaîtraient le principe d'égalité ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi... doit être la même pour tous, soit
qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose
ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes,
ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que,
dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en
rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
4. Considérant que l'article L. 38 du code des pensions civiles et militaires de
retraite dispose que le conjoint d'un fonctionnaire a droit à une pension de
réversion égale à 50 % de la pension obtenue par le fonctionnaire ou qu'il
aurait pu obtenir le jour de son décès ; que l'article L. 43 définit les règles
de répartition de la pension de réversion, calculée en application de l'article
L. 38, entre des ayants cause de lits différents représentés soit par le
conjoint survivant ou divorcé, soit par les orphelins de fonctionnaires âgés de
moins de vingt-et-un ans dont l'autre parent n'a pas ou plus droit à pension ;
qu'il prévoit qu'à la date du décès du fonctionnaire, la part de la pension de
réversion revenant aux conjoints survivants ou divorcés ayant droit à pension
est calculée sur la base du rapport entre le nombre de conjoints survivants ou
divorcés et le nombre total de lits représentés ; que cette part est répartie
entre les conjoints au prorata de la durée respective de chaque mariage ;
qu'après déduction de la pension versée aux conjoints survivants ou divorcés, le
solde de la pension de réversion est alors réparti à parts égales entre les
orphelins âgés de moins de vingt-et-un ans ayant droit à la pension ;
5. Considérant que les pensions de retraite prévues par le code des pensions
civiles et militaires de retraite ont pour objet d'assurer un revenu de
substitution ou d'assistance ; qu'aucun principe, ni aucune règle de valeur
constitutionnelle n'impose que, lorsque la pension de réversion a donné lieu à
un partage entre plusieurs lits, la part de la pension revenant à un lit qui
cesse d'être représenté accroisse celle des autres lits ; que, par suite, le
grief tiré de l'atteinte au principe d'égalité doit être écarté ;
6. Considérant que les dispositions contestées, qui ne sont contraires à aucun
autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées
conformes à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- L'article L. 43 du code des pensions civiles et militaires de
retraite dans sa rédaction issue de la loi du 28 décembre 2011 de finances pour
2012 est conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 10 octobre 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY
MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de
SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 25 juillet 2013 par
le Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par les
sociétés Allianz IARD et Allianz Vie. Cette question portait sur la conformité
aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 912-1 du
code de la sécurité sociale (CSS) dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°
2006-344 du 23 mars 2006.
Le Conseil constitutionnel a jugé qu'il n'y avait pas lieu qu'il se prononce sur
cette question prioritaire de constitutionnalité. Par sa décision n° 2013-672 DC
du 13 juin 2013, il a en effet déjà déclaré l'article L. 912-1 du CSS, dans
cette rédaction, contraire à la Constitution. D'une part, le Conseil a alors
décidé que cette déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la
publication de sa décision. Il suit de là qu'à compter de cette date de
publication, soit le 16 juin 2013, l'article L. 912-1 du CSS ne peut plus être
appliqué. D'autre part, le Conseil constitutionnel a décidé que cette
déclaration d'inconstitutionnalité n'est toutefois pas applicable aux contrats
pris sur le fondement de l'article L. 912-1 du CSS, en cours à la date de cette
publication, et liant les entreprises à celles qui sont régies par le code des
assurances, aux institutions relevant du titre III du livre 9 du CSS et aux
mutuelles relevant du code de la mutualité. Ainsi, lesdits contrats ne sont pas
privés de fondement légal.
L'autorité qui s'attache aux décisions du Conseil constitutionnel fait obstacle
à ce qu'il soit de nouveau saisi afin d'examiner la conformité à la Constitution
des dispositions de l'article L. 912-1 du CSS dans leur rédaction déjà déclarée
contraire à la Constitution.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2013-672 DC du 13 juin 2013 ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu l'ordonnance n° 2006-344 du 23 mars 2006 relative aux retraites
professionnelles supplémentaires ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations pour l'Institution de prévoyance du groupe Mornay, partie en
défense, par la SCP Gatineau-Fattaccini, avocat au Conseil d'État et à la Cour
de cassation, enregistrées les 28 août et 13 septembre 2013 ;
Vu les observations produites pour les syndicats Fédération nationale du
personnel d'encadrement des industries chimiques et connexes (CFE-CGC),
Fédération nationale de la pharmacie (Force Ouvrière), Fédération nationale des
syndicats chrétiens des services de santé et sociaux (CFTC) et Union des
syndicats de pharmacie d'officine, parties en défense, par la SCP Delaporte,
Briard, Trichet, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, en
registrées les 28 août et 13 septembre 2013 ;
Vu les observations produites pour les sociétés requérantes par Me Nicolas
Baverez et Me Nicolas Autet, avocats au Barreau de Paris, enregistrées les 29
août et 13 septembre 2013 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 29 août
2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Baverez, pour les sociétés requérantes, Me Frédéric Blancpain, avocat au
Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour les syndicats parties en défense,
Me Jean-Jacques Gatineau pour l'institution de prévoyance partie en défense, et
M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à
l'audience publique du 8 octobre 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article
62 de la Constitution : « Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont
susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes
les autorités administratives et juridictionnelles » ;
2. Considérant qu'est renvoyée au Conseil constitutionnel la question de la
conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L.
912-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°
2006-344 du 23 mars 2006 susvisée ; que, par sa décision susvisée du 13 juin
2013, le Conseil constitutionnel a déclaré cette même disposition contraire à la
Constitution ; qu'il a, d'une part, décidé que cette déclaration
d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la publication de sa décision ;
qu'il suit de là qu'à compter de la date de cette publication, soit le 16 juin
2013, l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale ne peut plus être
appliqué ; que, d'autre part, déterminant les conditions et limites dans
lesquelles les effets que la disposition censurée a produits sont susceptibles
d'être remis en cause, le Conseil constitutionnel a décidé que cette déclaration
d'inconstitutionnalité n'est toutefois pas applicable aux contrats pris sur le
fondement de l'article L. 912-1 dudit code, en cours à la date de cette
publication, et liant les entreprises à celles qui sont régies par le code des
assurances, aux institutions relevant du titre III du livre 9 du code de la
sécurité sociale et aux mutuelles relevant du code de la mutualité ; qu'ainsi
lesdits contrats ne sont pas privés de fondement légal ;
3. Considérant que l'autorité qui s'attache aux décisions du Conseil
constitutionnel fait obstacle à ce qu'il soit de nouveau saisi afin d'examiner
la conformité à la Constitution des dispositions de l'article L. 912-1 du code
de la sécurité sociale dans leur rédaction déclarée contraire à la Constitution
; que, par suite, il n'y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de se
prononcer sur la question prioritaire de constitutionnalité relative à cet
article,
D É C I D E :
Article 1er.- Il n'y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de statuer sur
la question prioritaire de constitutionnalité renvoyée par le Conseil d'État et
portant sur l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction
résultant de l'ordonnance n° 2006-344 du 23 mars 2006 relative aux retraites
professionnelles supplémentaires.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 17 octobre 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY
MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de
SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
Décision n° 2013-353 QPC du 18 octobre 2013
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 18 septembre 2013
par le Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par
M. Franck M. et six autres maires. Cette question était relative à la conformité
aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 34-1, 74 et 165
du code civil ainsi que de l'article L. 2122-18 du code général des
collectivités territoriales.
Indépendamment des parties à la QPC, le Conseil constitutionnel a été saisi de
demandes d'intervention émanant de maires de sept communes. Le seul fait que les
intéressés soient appelés en cette qualité à appliquer les dispositions
contestées et qu'ils soutiennent l'argumentation des requérants ne rendait pas
recevables leurs demandes d'intervention, qui n'ont donc pas été admises.
Les requérants soutenaient qu'en omettant de prévoir une « clause de conscience
» permettant aux maires et aux adjoints, officiers de l'état civil, de
s'abstenir de célébrer un mariage entre personnes de même sexe, les dispositions
contestées portaient notamment atteinte à leur liberté de conscience.
Le Conseil constitutionnel a relevé qu'en ne permettant pas aux officiers de
l'état civil de se prévaloir de leur désaccord avec les dispositions de la loi
du 17 mai 2013 pour se soustraire à l'accomplissement des attributions qui leur
sont confiées par la loi pour la célébration du mariage, le législateur a
entendu assurer l'application de la loi par ses agents et garantir ainsi le bon
fonctionnement et la neutralité du service public de l'état civil. Le Conseil a
jugé qu'eu égard aux fonctions de l'officier de l'état civil dans la célébration
du mariage, le législateur n'a pas porté atteinte à leur liberté de conscience.
Il a jugé les dispositions contestées conformes à la Constitution.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code civil ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes
de même sexe, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2013-669 DC du
17 mai 2013 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 30
septembre 2013 ;
Vu les observations produites pour les requérants par Me Geoffroy de Vries,
avocat au barreau de Paris, enregistrées les 30 septembre et 4 octobre 2013 ;
Vu la demande en intervention présentée pour M. Claude J. par Me Santiago Muzio
De Place, avocat au barreau de Lyon, enregistrée le 7 octobre 2013, la demande
en intervention présentée pour MM. Hubert L. et Yves D. par Me Thomas Rivière,
avocat au barreau de Bordeaux, enregistrée le 7 octobre 2013, la demande en
intervention présentée pour M. Benoît D. par Me Cyrille Dutheil de la Rochère,
avocat au barreau de Versailles, enregistrée le 8 octobre 2013, la demande en
intervention présentée pour M. Jean-Pierre M. par Me Bertrand Lionel-Marie,
avocat au barreau de Paris, enregistrée le 8 octobre 2013, la demande en
intervention présentée pour M. Bernard P. par Me Jean Paillot, avocat au barreau
de Strasbourg, enregistrée le 8 octobre 2013 et la demande en intervention
présentée par Mme Marie-Claude B. par Me Sylvain Pelletreau, avocat au barreau
de Reims, enregistrée le 8 octobre 2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me de Vries pour les requérants et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le
Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 8 octobre 2013 ;
Vu la note en délibéré produite pour les requérants, enregistrée le 8 octobre
2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
- SUR LES DEMANDES D'INTERVENTION :
1. Considérant qu'en vertu de l'article 6 de la décision du 4 février 2010
modifiée par les décisions des 24 juin 2010 et 21 juin 2011 portant règlement
intérieur sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel « Lorsqu'une
personne justifiant d'un intérêt spécial adresse des observations en
intervention relatives à une question prioritaire de constitutionnalité dans un
délai de trois semaines suivant la date de sa transmission au Conseil
constitutionnel, mentionnée sur son site internet, celui-ci décide que
l'ensemble des pièces de la procédure lui est adressé et que ces observations
sont transmises aux parties et autorités mentionnées à l'article 1er » ; que les
demandes d'intervention susvisées émanent de maires de différentes communes ;
que le seul fait qu'ils sont appelés en leur qualité à appliquer les
dispositions contestées ne justifie pas que chacun d'eux soit admis à intervenir
;
- SUR LE FOND :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 34-1 du code civil : « Les actes de
l'état civil sont établis par les officiers de l'état civil. Ces derniers
exercent leurs fonctions sous le contrôle du procureur de la République » ;
3. Considérant qu'aux termes de son article 74 : « Le mariage sera célébré, au
choix des époux, dans la commune où l'un d'eux, ou l'un de leurs parents, aura
son domicile ou sa résidence établie par un mois au moins d'habitation continue
à la date de la publication prévue par la loi » ;
4. Considérant qu'aux termes de son article 165 : « Le mariage sera célébré
publiquement lors d'une cérémonie républicaine par l'officier de l'état civil de
la commune dans laquelle l'un des époux, ou l'un de leurs parents, aura son
domicile ou sa résidence à la date de la publication prévue par l'article 63,
et, en cas de dispense de publication, à la date de la dispense prévue à
l'article 169 ci-après » ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2122-18 du code général des
collectivités territoriales : « Le maire est seul chargé de l'administration,
mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une
partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et, en l'absence ou en
cas d'empêchement des adjoints ou dès lors que ceux-ci sont tous titulaires
d'une délégation à des membres du conseil municipal.
« Le membre du conseil municipal ayant démissionné de la fonction de maire en
application des articles L.O. 141 du code électoral, L. 3122-3 ou L. 4133-3 du
présent code ne peut recevoir de délégation jusqu'au terme de son mandat de
conseiller municipal ou jusqu'à la cessation du mandat ou de la fonction l'ayant
placé en situation d'incompatibilité.
« Lorsque le maire a retiré les délégations qu'il avait données à un adjoint, le
conseil municipal doit se prononcer sur le maintien de celui-ci dans ses
fonctions » ;
6. Considérant que, selon les requérants, l'ouverture du mariage aux couples de
personnes de même sexe heurte les convictions personnelles de nombreux maires et
adjoints ; qu'en omettant de prévoir une « clause de conscience » permettant aux
maires et aux adjoints, officiers de l'état civil, de s'abstenir de célébrer un
mariage entre personnes de même sexe, ces dispositions porteraient atteinte tout
à la fois à l'article 34 de la Constitution et à la liberté de conscience ; que
seraient également méconnus le droit de ne pas être lésé dans son travail ou son
emploi en raison de ses opinions ou de ses croyances, le principe de pluralisme
des courants d'idées et d'opinions et le principe de la libre administration des
collectivités territoriales ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article 10 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions,
même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public
établi par la loi » ; que le cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de
1946 rappelle: « Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en
raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances » ; que la liberté
de conscience, qui résulte de ces dispositions, est au nombre des droits et
libertés que la Constitution garantit ;
8. Considérant, d'une part, que l'article 165 du code civil prévoit notamment
que le mariage est célébré publiquement lors d'une cérémonie républicaine par
l'officier de l'état civil de la commune ; qu'en vertu de l'article L. 2122-32
du code général des collectivités territoriales, le maire et les adjoints sont
officiers de l'état civil dans la commune ; qu'en cette qualité, ils exercent
leurs attributions au nom de l'État ; que, dans le cadre de ces attributions,
selon l'article L. 2122-27 dudit code, le maire est chargé de l'exécution des
lois et règlements ;
9. Considérant, d'autre part, que le code civil définit les conditions de fond
du mariage et les formalités relatives à sa célébration ; qu'en particulier,
l'article 75 dispose : « Le jour désigné par les parties, après le délai de
publication, l'officier de l'état civil, à la mairie, en présence d'au moins
deux témoins, ou de quatre au plus, parents ou non des parties, fera lecture aux
futurs époux des articles 212 et 213, du premier alinéa des articles 214 et 215,
et de l'article 371-1 du présent code. « L'officier de l'état civil interpellera
les futurs époux, et, s'ils sont mineurs, leurs ascendants présents à la
célébration et autorisant le mariage, d'avoir à déclarer s'il a été fait un
contrat de mariage et, dans le cas de l'affirmative, la date de ce contrat,
ainsi que les nom et lieu de résidence du notaire qui l'aura reçu.
« Si les pièces produites par l'un des futurs époux ne concordent point entre
elles quant aux prénoms ou quant à l'orthographe des noms, il interpellera celui
qu'elles concernent, et s'il est mineur, ses plus proches ascendants présents à
la célébration, d'avoir à déclarer que le défaut de concordance résulte d'une
omission ou d'une erreur.
« Il recevra de chaque partie, l'une après l'autre, la déclaration qu'elles
veulent se prendre pour époux : il prononcera, au nom de la loi, qu'elles sont
unies par le mariage, et il en dressera acte sur-le-champ » ;
10. Considérant qu'en ne permettant pas aux officiers de l'état civil de se
prévaloir de leur désaccord avec les dispositions de la loi du 17 mai 2013 pour
se soustraire à l'accomplissement des attributions qui leur sont confiées par la
loi pour la célébration du mariage, le législateur a entendu assurer
l'application de la loi relative au mariage et garantir ainsi le bon
fonctionnement et la neutralité du service public de l'état civil ; qu'eu égard
aux fonctions de l'officier de l'état civil dans la célébration du mariage, il
n'a pas porté atteinte à la liberté de conscience ;
11. Considérant que les dispositions contestées, qui ne méconnaissent ni le
principe de pluralisme des courants d'idées et d'opinions, ni le principe de la
libre administration des collectivités territoriales, ni aucun autre droit ou
liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la
Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- Les interventions de MM. Claude J., Hubert L., Yves D., Benoît D.,
M. Jean-Pierre M., Bernard P. et Mme Marie-Claude B. ne sont pas admises.
Article 2.- Les articles 34-1, 74 et 165 du code civil ainsi que de l'article L.
2122-18 du code général des collectivités territoriales sont conformes à la
Constitution.
Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 17 octobre 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY
MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de
SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
2 DECISIONS QPC DU 25 OCTOBRE 2013
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 26 août 2013 par la Cour de cassation
d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la commune du
Pré-Saint-Gervais. Cette question était relative à la conformité aux droits et
libertés que la Constitution garantit de l'article 47 et des premier et dernier
alinéas de l'article 48 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la
presse.
L'article 47 de la loi du 29 juillet 1881 prévoit qu'en matière d'infractions de
presse, seul le ministère public peut mettre en mouvement et exercer l'action
publique. Le dernier alinéa de l'article 48 prévoit les cas dans lesquels, par
dérogation à ce principe, la victime peut mettre en mouvement l'action publique
elle-même. Ne figurent pas parmi ces exceptions les corps constitués, notamment
les autorités publiques dotées de la personnalité morale et, en particulier, les
collectivités territoriales. Ainsi, lorsqu'elles sont victimes d'un délit ou
d'une contravention commis par voie de presse, ces collectivités territoriales
ne peuvent pas mettre en mouvement l'action publique.
La commune requérante soutenait que ces dispositions méconnaissent le principe
du droit à un recours effectif, le principe d'égalité et le principe de la libre
administration des collectivités territoriales. Le Conseil constitutionnel a
fait droit à leur argumentation.
Le Conseil constitutionnel a relevé que, lorsqu'elles sont victimes d'une
diffamation, les autorités publiques dotées de la personnalité morale autres que
l'État ne peuvent obtenir la réparation de leur préjudice que lorsque l'action
publique a été engagée par le ministère public, en se constituant partie civile
à titre incident devant la juridiction pénale. Elles ne peuvent ni engager
l'action publique devant les juridictions pénales aux fins de se constituer
partie civile ni agir devant les juridictions civiles pour demander la
réparation de leur préjudice. Le Conseil constitutionnel a jugé que la
restriction ainsi apportée à leur droit d'exercer un recours devant une
juridiction méconnaît les exigences de l'article 16 de la Déclaration de 1789.
Il l'a déclarée contraire à la Constitution. Cette déclaration
d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la décision du Conseil et est
applicable à toutes les affaires non définitivement jugées à cette date.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour M. Franz-Olivier GIESBERT et la SA SEBDO Le
Point « Société d'exploitation de l'hebdomadaire Le Point », parties en défense,
par la SCP Normand et Associés, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 13
septembre 2013 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 17
septembre 2013 ;
Vu les observations produites pour la commune requérante par Me Patrick Tosoni,
avocat au barreau de Paris, enregistrées le 1er octobre 2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Tosoni pour la commune requérante, Me Renaud Le Gunehec, avocat au barreau de
Paris, pour les parties en défense, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier
ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 15 octobre 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 47 de la loi du 29
juillet 1881 susvisée : « La poursuite des délits et contraventions de police
commis par la voie de la presse ou par tout autre moyen de publication aura lieu
d'office et à la requête du ministère public sous les modifications ci-après » ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 48 de la loi du 29 juillet 1881 : « 1°
Dans le cas d'injure ou de diffamation envers les cours, tribunaux et autres
corps indiqués en l'article 30, la poursuite n'aura lieu que sur une
délibération prise par eux en assemblée générale et requérant les poursuites,
ou, si le corps n'a pas d'assemblée générale, sur la plainte du chef du corps ou
du ministre duquel ce corps relève ;
« 2° Dans le cas d'injure ou de diffamation envers le Président de la
République, un membre du Gouvernement ou un membre du Parlement, la poursuite
n'aura lieu que sur la plainte de la personne ou des personnes intéressées ;
« 3° Dans le cas d'injure ou de diffamation envers les fonctionnaires publics,
les dépositaires ou agents de l'autorité publique autres que les ministres et
envers les citoyens chargés d'un service ou d'un mandat public, la poursuite
aura lieu, soit sur leur plainte, soit d'office sur la plainte du ministre dont
ils relèvent ;
« 4° Dans le cas de diffamation envers un juré ou un témoin, délit prévu par
l'article 31, la poursuite n'aura lieu que sur la plainte du juré ou du témoin
qui se prétendra diffamé ;
« 5° Dans le cas d'outrage envers les agents diplomatiques étrangers, la
poursuite aura lieu sur leur demande adressée au ministre des affaires
étrangères et par celui-ci au ministre de la justice ;
« 6° Dans le cas de diffamation envers les particuliers prévu par l'article 32
et dans le cas d'injure prévu par l'article 33, paragraphe 2, la poursuite
n'aura lieu que sur la plainte de la personne diffamée ou injuriée. Toutefois,
la poursuite, pourra être exercée d'office par le ministère public lorsque la
diffamation ou l'injure aura été commise envers une personne ou un groupe de
personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur
non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.
La poursuite pourra également être exercée d'office par le ministère public
lorsque la diffamation ou l'injure aura été commise envers un groupe de
personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur
handicap ; il en sera de même lorsque ces diffamations ou injures auront été
commises envers des personnes considérées individuellement, à la condition que
celles-ci aient donné leur accord ;
« 7° Dans le cas de diffusion de l'image d'une personne menottée ou entravée
prévue par l'article 35 ter, la poursuite n'aura lieu que sur la plainte de la
personne intéressée ;
« 8° Dans le cas d'atteinte à la dignité de la victime prévue par l'article 35
quater, la poursuite n'aura lieu que sur la plainte de la victime.
« En outre, dans les cas prévus par les 2°, 3°, 4°, 5°, 6°, 7° et 8° ci-dessus,
ainsi que dans les cas prévus aux articles 13 et 39 quinquies de la présente
loi, la poursuite pourra être exercée à la requête de la partie lésée » ;
3. Considérant que, selon la commune requérante, en privant les collectivités
territoriales victimes d'injure ou de diffamation du droit de mettre en
mouvement l'action publique, les dispositions de l'article 47 et des premier et
dernier alinéas de l'article 48 de la loi du 29 juillet 1881 méconnaissent le
principe du droit à un recours effectif, le principe d'égalité et le principe de
la libre administration des collectivités territoriales ;
4. Considérant, en premier lieu qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration
des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la
garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée,
n'a point de Constitution » ; qu'il ressort de cette disposition qu'il ne doit
pas être porté d'atteintes substantielles au droit des personnes intéressées
d'exercer un recours effectif devant une juridiction ;
5. Considérant, d'une part, que l'article 47 de la loi du 29 juillet 1881
prévoit qu'en matière d'infractions de presse, seul le ministère public peut
mettre en mouvement et exercer l'action publique ; que le dernier alinéa de
l'article 48 prévoit les cas dans lesquels, par dérogation à ce principe, la
victime peut mettre en mouvement l'action publique elle-même ; que ce dernier
alinéa vise les alinéas précédents de ce même article 48 à l'exception de son 1°
; que ce 1° est relatif à la poursuite en cas « d'injure ou de diffamation
envers les cours, tribunaux et autres corps indiqués en l'article 30 » ; que cet
article 30 désigne « les cours, les tribunaux, les armées de terre, de mer ou de
l'air, les corps constitués et les administrations publiques » ; que, parmi les
corps constitués, figurent notamment des autorités publiques dotées de la
personnalité morale et, en particulier, les collectivités territoriales ; que,
par suite, lorsqu'elles sont victimes d'un délit ou d'une contravention commis
par voie de presse, ces personnes ne peuvent pas mettre en mouvement l'action
publique ;
6. Considérant, d'autre part, que l'article 46 de la loi du 29 juillet 1881
susvisée dispose que : « L'action civile résultant des délits de diffamation
prévus et punis par les articles 30 et 31 ne pourra, sauf dans les cas de décès
de l'auteur du fait incriminé ou d'amnistie, être poursuivie séparément de
l'action publique » ;
7. Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées que,
lorsqu'elles sont victimes d'une diffamation, les autorités publiques dotées de
la personnalité morale autres que l'État ne peuvent obtenir la réparation de
leur préjudice que lorsque l'action publique a été engagée par le ministère
public, en se constituant partie civile à titre incident devant la juridiction
pénale ; qu'elles ne peuvent ni engager l'action publique devant les
juridictions pénales aux fins de se constituer partie civile ni agir devant les
juridictions civiles pour demander la réparation de leur préjudice ; que la
restriction ainsi apportée à leur droit d'exercer un recours devant une
juridiction méconnaît les exigences de l'article 16 de la Déclaration de 1789 et
doit être déclarée contraire à la Constitution ; que, par suite, les mots « par
les 2°, 3°, 4°, 5°, 6°, 7° et 8° » figurant au dernier alinéa de l'article 48 de
la loi du 29 juillet 1881, qui ont pour effet d'exclure les personnes visées au
1° de cet article du droit de mettre en mouvement l'action publique, doivent
être déclarés contraires à la Constitution ;
8. Considérant, en second lieu, que les dispositions de l'article 47 et du
surplus du dernier alinéa de l'article 48 de la loi du 29 juillet 1881, relatifs
aux pouvoirs respectifs du ministère public et de la victime en matière de mise
en oeuvre de l'action publique, ainsi que les dispositions du 1° de ce même
article 48, qui subordonnent la mise en oeuvre de l'action publique par le
ministère public à une délibération prise en assemblée générale ou, pour les
corps n'ayant pas d'assemblée générale, à une plainte « du chef du corps ou du
ministre duquel ce corps relève », ne méconnaissent ni le principe d'égalité, ni
le principe de la libre administration des collectivités territoriales, ni aucun
autre droit ou liberté que la Constitution garantit ; qu'elles doivent être
déclarées conformes à la Constitution ;
9. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la
Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement
de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du
Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le
Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les
effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ;
que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à
l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition
déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances
en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel,
les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le
pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses
effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a
produits avant l'intervention de cette déclaration ;
10. Considérant que la déclaration d'inconstitutionnalité des mots « par les 2°,
3°, 4°, 5°, 6°, 7° et 8° » figurant au dernier alinéa de l'article 48 de la loi
du 29 juillet 1881 prend effet à compter de la publication de la présente
décision ; qu'elle est applicable à toutes les affaires non jugées
définitivement à cette date,
D É C I D E :
Article 1er.- Les mots « par les 2°, 3°, 4°, 5°, 6°, 7° et 8° » figurant au
dernier alinéa de l'article 48 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la
presse sont contraires à la Constitution.
Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité prévue par l'article 1er prend
effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions
fixées par son considérant 10.
Article 3.- L'article 47, le premier alinéa et le surplus du dernier alinéa de
l'article 48 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse sont
conformes à la Constitution.
Article 4.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance 24 octobre 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY
MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de
SAINT MARC et Mme Nicole MAESTRACCI.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 3 septembre 2013
par la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité posée
par la société Boulanger. Cette question était relative à la conformité aux
droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 2333-6 à L.
2333-14 ainsi que des paragraphes A et D de l'article L. 2333-16 du code général
des collectivités territoriales, dans leur rédaction issue de l'article 171 de
la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.
Ces dispositions sont relatives à la taxe locale sur la publicité extérieure. Le
Conseil constitutionnel a fait droit à l'un des griefs des requérants et jugé
qu'en omettant de déterminer les modalités de recouvrement de la taxe locale sur
la publicité extérieure, le législateur a méconnu l'étendue de la compétence
qu'il tient de l'article 34 de la Constitution. En conséquence il a déclaré
contraires à la Constitution les dispositions des articles L. 2333-6 à L.
2333-14 ainsi que celles des paragraphes A et D de l'article L. 2333-16 du code
général des collectivités territoriales, dans leur rédaction issue de l'article
171 de la loi du 4 août 2008.Cette déclaration d'inconstitutionnalité prend
effet à compter de la publication de la présente décision. Elle ne peut être
invoquée qu'à l'encontre des impositions contestées avant cette date.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie ;
Vu la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations en intervention produites pour la commune de Beynost par la
SCP Jakubowicz, Mallet-Guy et associés, avocat au barreau de Lyon, enregistrées
les 17 et 24 septembre 2013 ;
Vu les observations en intervention produites pour les sociétés La Halle SA,
Galeries Lafayette Haussmann SAS et Aubert France SA par le CMS Bureau Francis
Lefebvre, avocat au barreau des Hauts-de-Seine, enregistrées le 23 septembre
2013 ;
Vu les observations produites pour la commune d'Orgeval, partie en défense, par
la SCP FEDARC, avocat au barreau du Val d'Oise, enregistrées le 24 septembre
2013 ;
Vu les observations produites pour la société requérante par la SCP Piwnica et
Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, et la SELARL Cornet
Vincent Segurel, avocat au barreau de Lille, enregistrées les 25 septembre et 10
octobre 2013 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées les 25
septembre et 10 octobre 2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Emmanuel Piwnica, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, et Me
Thomas Deschryver, avocat au barreau de Lille, pour la société requérante, Me
Éric Azoulay, avocat au barreau du Val d'Oise, pour la commune d'Orgeval, partie
en défense, Me Luc-Marie Augagneur, avocat au barreau de Lyon, pour la commune
de Beynost, partie intervenante, Me Stéphane Austry, avocat au barreau des
Hauts-de-Seine, pour les sociétés La Halle SA, Galeries Lafayette Haussmann SAS
et Aubert France SA, parties intervenantes, et M. Xavier Pottier, désigné par le
Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 15 octobre 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2333-6 du code
général des collectivités territoriales dans sa rédaction issue de l'article 171
de la loi du 4 août 2008 susvisée : « Les communes peuvent, par délibération de
leur conseil municipal, prise avant le 1er juillet de l'année précédant celle de
l'imposition, instaurer une taxe locale sur la publicité extérieure frappant les
dispositifs publicitaires dans les limites de leur territoire, dans les
conditions déterminées par la présente section.
« Une commune membre d'un établissement public de coopération intercommunale à
fiscalité propre compétent en matière de voirie ou comptant sur son territoire
une ou plusieurs zones d'aménagement concerté d'intérêt communautaire ou zones
d'activités économiques d'intérêt communautaire peut décider de transférer le
produit de la taxe à cet établissement public de coopération intercommunale. Ce
transfert se fait par délibérations concordantes de son conseil municipal et de
l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale,
avant le 1er juillet de l'année précédant celle de l'imposition. L'établissement
public de coopération intercommunale se substitue alors à la commune membre pour
l'ensemble des délibérations prévues par la présente section sur le périmètre de
la voirie d'intérêt communautaire et des zones concernées.
« La commune ou l'établissement public de coopération intercommunale percevant
la taxe sur un dispositif publicitaire ou une préenseigne ne peut également
percevoir, au titre de ce dispositif, un droit de voirie.
« Les modalités de mise en oeuvre de la présente section sont précisées, en tant
que de besoin, par un décret en Conseil d'État » ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2333-7 du même code dans sa
rédaction issue de l'article 171 de la loi du 4 août 2008 susvisée : « Cette
taxe frappe les dispositifs fixes suivants, visibles de toute voie ouverte à la
circulation publique, au sens du chapitre Ier du titre VIII du livre V du code
de l'environnement :
« - les dispositifs publicitaires ;
« - les enseignes ;
« - les préenseignes, y compris celles visées par les deuxième et troisième
alinéas de l'article L. 581-19 du code de l'environnement.
« Elle est assise sur la superficie exploitée, hors encadrement, du dispositif.
« Sont exonérés :
« - les dispositifs exclusivement dédiés à l'affichage de publicités à visée non
commerciale ou concernant des spectacles ;
« - sauf délibération contraire de l'organe délibérant de la commune ou de
l'établissement public de coopération intercommunale, les enseignes, si la somme
de leurs superficies est égale au plus à 7 mètres carrés » ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2333-8 du même code dans sa
rédaction issue de l'article 171 de la loi du 4 août 2008 susvisée : « Les
communes et les établissements publics de coopération intercommunale peuvent,
par délibération prise avant le 1er juillet de l'année précédant celle de
l'imposition et portant sur une ou plusieurs de ces catégories, exonérer ou
faire bénéficier d'une réfaction de 50 % :
« - les enseignes, autres que celles scellées au sol, si la somme de leurs
superficies est égale au plus à 12 mètres carrés ;
« - les préenseignes de plus de 1,5 mètre carré ;
« - les préenseignes de moins de 1,5 mètre carré ;
« - les dispositifs dépendant des concessions municipales d'affichage ;
« - les dispositifs apposés sur des éléments de mobilier urbain.
« Les enseignes dont la somme des superficies est supérieure à 12 mètres carrés
et égale au plus à 20 mètres carrés peuvent faire l'objet d'une réfaction de 50
%.
« Dans le cas des dispositifs apposés sur des éléments de mobilier urbain ou
dépendant des concessions municipales d'affichage, l'instauration ou la
suppression de l'exonération ou de la réfaction s'applique aux seuls contrats ou
conventions dont l'appel d'offres ou la mise en concurrence a été lancé
postérieurement à la délibération relative à cette instauration ou à cette
suppression » ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2333-9 du même code dans sa
rédaction issue de l'article 171 de la loi du 4 août 2008 susvisée : « A. - Sous
réserve des dispositions de l'article L. 2333-10, les tarifs maximaux visés au B
sont applicables.
« B. - Sous réserve des dispositions des articles L. 2333-12 et L. 2333-16, ces
tarifs maximaux sont, à compter du 1er janvier 2009, par mètre carré et par an :
« 1° Pour les dispositifs publicitaires et les préenseignes dont l'affichage se
fait au moyen d'un procédé non numérique, de 15 € dans les communes de moins de
50 000 habitants, 20 € dans les communes dont la population est comprise entre
50 000 habitants et moins de 200 000 habitants et 30 € dans les communes de 200
000 habitants et plus ;
« 2° Pour les dispositifs publicitaires et les préenseignes dont l'affichage se
fait au moyen d'un procédé numérique, de trois fois le tarif prévu au 1°, le cas
échéant majoré ou minoré selon les articles L. 2333-10 et L. 2333-16.
« Pour les établissements publics de coopération intercommunale percevant la
taxe en application du deuxième alinéa de l'article L. 2333-6, le tarif prévu au
1° est de 15 € dans ceux de moins de 50 000 habitants, 20 € dans ceux dont la
population est comprise entre 50 000 habitants et moins de 200 000 habitants et
30 € dans ceux de 200 000 habitants et plus.
« Ces tarifs maximaux sont doublés pour la superficie des supports excédant 50
mètres carrés.
« Pour les enseignes, le tarif maximal est égal à celui prévu pour les
dispositifs publicitaires et les préenseignes dont l'affichage se fait au moyen
d'un procédé non numérique, le cas échéant majoré selon l'article L. 2333-10,
lorsque la superficie est égale au plus à 12 mètres carrés. Ce tarif maximal est
multiplié par deux lorsque la superficie est comprise entre 12 et 50 mètres
carrés, et par quatre lorsque la superficie excède 50 mètres carrés. Pour
l'application du présent alinéa, la superficie prise en compte est la somme des
superficies des enseignes.
« C. - La taxation se fait par face.
« Lorsqu'un dispositif dont l'affichage se fait au moyen d'un procédé non
numérique est susceptible de montrer plusieurs affiches de façon successive, ces
tarifs sont multipliés par le nombre d'affiches effectivement contenues dans le
dispositif » ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2333-10 du même code dans sa
rédaction issue de l'article 171 de la loi du 4 août 2008 susvisée : « La
commune ou l'établissement public de coopération intercommunale peut, par une
délibération prise avant le 1er juillet de l'année précédant celle de
l'imposition :
« - fixer tout ou partie des tarifs prévus par l'article L. 2333-9 à des niveaux
inférieurs aux tarifs maximaux ;
« - dans le cas des communes de moins de 50 000 habitants appartenant à un
établissement public de coopération intercommunale de 50 000 habitants et plus,
fixer le tarif prévu par le 1° du B de l'article L. 2333-9 à un niveau inférieur
ou égal à 20 € par mètre carré ;
« - dans le cas des communes de 50 000 habitants et plus appartenant à un
établissement public de coopération intercommunale de 200 000 habitants et plus,
fixer le tarif prévu par le 1° du B de l'article L. 2333-9 à un niveau inférieur
ou égal à 30 € par mètre carré » ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2333-11 du même code dans sa
rédaction issue de l'article 171 de la loi du 4 août 2008 susvisée : « À
l'expiration de la période transitoire prévue par le C de l'article L. 2333-16,
l'augmentation de la tarification par mètre carré d'un dispositif est limitée à
5 € par rapport à l'année précédente » ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2333-12 du même code dans sa
rédaction issue de l'article 171 de la loi du 4 août 2008 susvisée : « À
l'expiration de la période transitoire prévue par le C de l'article L. 2333-16,
les tarifs maximaux et les tarifs appliqués sont relevés, chaque année, dans une
proportion égale au taux de croissance de l'indice des prix à la consommation
hors tabac de la pénultième année. Toutefois, lorsque les tarifs ainsi obtenus
sont des nombres avec deux chiffres après la virgule, ils sont arrondis pour le
recouvrement au dixième d'euro, les fractions d'euro inférieures à 0,05 € étant
négligées et celles égales ou supérieures à 0, 05 € étant comptées pour 0,1 € »
;
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2333-13 du même code dans sa
rédaction issue de l'article 171 de la loi du 4 août 2008 susvisée : « La taxe
est acquittée par l'exploitant du dispositif ou, à défaut, par le propriétaire
ou, à défaut, par celui dans l'intérêt duquel le dispositif a été réalisé.
« Lorsque le dispositif est créé après le 1er janvier, la taxe est due à compter
du premier jour du mois suivant celui de la création du dispositif. Lorsque le
dispositif est supprimé en cours d'année, la taxe n'est pas due pour les mois
restant à courir à compter de la suppression du dispositif » ;
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2333-14 du même code dans sa
rédaction issue de l'article 171 de la loi du 4 août 2008 susvisée : « La taxe
est payable sur la base d'une déclaration annuelle à la commune ou à
l'établissement public de coopération intercommunale, effectuée avant le 1er
mars de l'année d'imposition pour les dispositifs existant au 1er janvier, et
dans les deux mois à compter de leur installation ou de leur suppression.
« Le recouvrement de la taxe est opéré par les soins de l'administration de la
commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale percevant la
taxe, à compter du 1er septembre de l'année d'imposition.
« Le recouvrement peut être poursuivi solidairement contre les personnes visées
au premier alinéa de l'article L. 2333-13 » ;
10. Considérant qu'aux termes du paragraphe A de l'article L. 2333-16 du même
code dans sa rédaction issue de l'article 171 de la loi du 4 août 2008 susvisée
: « Pour les communes percevant en 2008 la taxe prévue par l'article L. 2333-6
ou celle prévue par l'article L. 2333-21, dans leur rédaction antérieure au 1er
janvier 2009, cette taxe est remplacée, à compter du 1er janvier 2009, par celle
prévue par l'article L. 2333-6 » ;
11. Considérant qu'aux termes du paragraphe D du même article : « Les
dispositifs publicitaires apposés sur des éléments de mobilier urbain et mis à
la disposition d'une collectivité territoriale avant le 1er janvier 2009, ou
dans le cadre d'un appel d'offres lancé avant le 1er octobre 2008, ainsi que les
dispositifs dépendant, au 1er janvier 2009, d'une concession municipale
d'affichage, sont soumis aux dispositions suivantes :
« - les dispositifs soumis en 2008 à la taxe sur la publicité extérieure
frappant les affiches, réclames et enseignes lumineuses, prévue par l'article L.
2333-6 dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2009, sont imposés au même
tarif que celui appliqué en 2008 et, le cas échéant, aux mêmes droits de voirie,
jusqu'à l'échéance du contrat ou de la convention ;
« - les autres dispositifs ne sont pas imposés, jusqu'à l'échéance du contrat ou
de la convention » ;
12. Considérant que, selon la société requérante, en ne précisant pas les
modalités de recouvrement de la taxe locale sur la publicité extérieure, les
dispositions contestées portent atteinte à l'article 34 de la Constitution et à
l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
qu'en outre, elle soutient que ces dispositions méconnaissent le principe
d'égalité devant les charges publiques, la liberté d'entreprendre, la liberté de
communication ainsi que l'objectif d'accessibilité et d'intelligibilité de la
loi ;
13. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la
Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une
juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux
droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut
être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de
cassation qui se prononce dans un délai déterminé » ; que la méconnaissance par
le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une
question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette
méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution
garantit ;
14. Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution : « La loi fixe
les règles concernant... l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement
des impositions de toutes natures... » ; qu'il s'ensuit que, lorsqu'il définit
une imposition, le législateur doit déterminer ses modalités de recouvrement,
lesquelles comprennent les règles régissant le contrôle, le recouvrement, le
contentieux, les garanties et les sanctions applicables à cette imposition ; que
s'il peut, lorsqu'il s'agit d'une imposition perçue au profit d'une collectivité
territoriale, confier à cette dernière la tâche d'assurer ce recouvrement, il
doit avec une précision suffisante déterminer les règles relatives à ce
recouvrement ;
15. Considérant que l'absence de détermination des modalités de recouvrement
d'une imposition affecte le droit à un recours effectif garanti par l'article 16
de la Déclaration de 1789 ;
16. Considérant que, selon l'article L. 2333-14 du code général des
collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de l'article 171 de la loi
du 4 août 2008 susvisée, la taxe locale sur la publicité extérieure est payable
sur la base d'une déclaration annuelle à la commune ou à l'établissement public
de coopération intercommunale, effectuée avant le 1er mars de l'année
d'imposition pour les dispositifs existant au 1er janvier, ou dans les deux mois
à compter de leur installation ou de leur suppression ; que le deuxième alinéa
de cet article se borne à prévoir que « le recouvrement de la taxe est opéré par
les soins de l'administration de la commune ou de l'établissement public de
coopération intercommunale percevant la taxe, à compter du 1er septembre de
l'année d'imposition » ; qu'en omettant de déterminer les modalités de
recouvrement de la taxe locale sur la publicité extérieure, le législateur a
méconnu l'étendue de la compétence qu'il tient de l'article 34 de la
Constitution ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres
griefs, les dispositions des articles L. 2333-6 à L. 2333-14 ainsi que celles
des paragraphes A et D de l'article L. 2333-16 du code général des collectivités
territoriales, dans leur rédaction issue de l'article 171 de la loi du 4 août
2008 susvisée, doivent être déclarées contraires à la Constitution ;
17. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la
Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement
de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du
Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le
Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les
effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ;
que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à
l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition
déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances
en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel,
les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le
pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses
effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a
produits avant l'intervention de cette déclaration ;
18. Considérant que les dispositions déclarées contraires à la Constitution le
sont dans leur rédaction antérieure à leur modification par l'article 75 de la
loi du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 susvisée ; que la
déclaration d'inconstitutionnalité, qui prend effet à compter de la publication
de la présente décision, ne peut être invoquée qu'à l'encontre des impositions
contestées avant cette date,
D É C I D E :
Article 1er.- Les articles L. 2333-6 à L. 2333-14 ainsi que les paragraphes A et
D de l'article L. 2333-16 du code général des collectivités territoriales, dans
leur rédaction issue de l'article 171 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de
modernisation de l'économie, sont contraires à la Constitution.
Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à
compter de la publication de la présente décision dans les conditions prévues au
considérant 18.
Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 24 octobre 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY
MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de
SAINT MARC et Mme Nicole MAESTRACCI.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 18 septembre 2013
par la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité posée
par la société Mara Télécom et un autre requérant. Cette question était relative
à des dispositions des articles L. 621-2 et L. 622-1 du code de commerce dans
leur rédaction applicable à la Polynésie française.
Le droit des procédures collectives applicable à la Polynésie française résulte
des dispositions législatives du livre VI du code de commerce, telles
qu'adaptées par les dispositions législatives du livre IX du même code, dans
leur version en vigueur à la date de la publication de la loi organique n°
2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie
française. Les dispositions contestées portaient sur la saisine d'office du
tribunal de commerce que les articles L. 621-2 et L. 622-1 du code de commerce
rendent possible pour l'ouverture tant d'une procédure de redressement
judiciaire que d'une procédure de liquidation judiciaire.
Le Conseil constitutionnel avait déjà eu l'occasion de juger que l'article L.
631-5 du code de commerce, applicable en métropole, et qui permet la saisine
d'office du tribunal de commerce pour l'ouverture d'une procédure de
redressement judiciaire, était contraire à la Constitution (n° 2012-286 QPC du 7
décembre 2012). Le Conseil constitutionnel a appliqué cette jurisprudence dans
la QPC 352.
Le Conseil constitutionnel a relevé que ni les dispositions contestées ni aucune
autre disposition ne fixent les garanties légales ayant pour objet d'assurer
qu'en se saisissant d'office, le tribunal ne préjuge pas sa position lorsque, à
l'issue de la procédure contradictoire, il sera appelé à statuer sur le fond du
dossier au vu de l'ensemble des éléments versés au débat par les parties. Par
suite, le Conseil a jugé que les dispositions contestées confiant au tribunal la
faculté de se saisir d'office aux fins d'ouverture de la procédure de
redressement judiciaire ou de la procédure de liquidation judiciaire
méconnaissent les exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789.
Il a déclaré contraires à la Constitution les mots « se saisir d'office ou »
figurant au deuxième alinéa de l'article L. 621-2 du code de commerce dans sa
version applicable à la Polynésie française. Cette déclaration
d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la date de la publication de la
décision du Conseil. Elle est applicable à tous les jugements d'ouverture d'une
procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire rendus
postérieurement à cette date.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de
la Polynésie française ;
Vu le code de commerce, notamment ses livres VI et IX ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour les requérants par la SELARL Latournerie
Wolfrom et associés, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 11 octobre 2013
;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 11
octobre 2013;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Julien de Michele, avocat au barreau de Paris, pour les parties requérantes,
et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à
l'audience publique du 5 novembre 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'en vertu de la loi organique du 27 février
2004 susvisée, le droit des procédures collectives applicables à la Polynésie
française résulte des dispositions législatives du livre VI du code de commerce
dans sa version en vigueur à la date de la publication de cette loi organique le
2 mars 2004 ;
2. Considérant que l'article L. 621-2 du code de commerce, dans sa version
applicable à la Polynésie française, est relatif à la procédure de redressement
judiciaire ; qu'aux termes de cet article : « La procédure peut également être
ouverte sur l'assignation d'un créancier, quelle que soit la nature de sa
créance. Toutefois, sous réserve des articles L. 621-14 et L. 621-15, la
procédure ne peut être ouverte à l'encontre d'une exploitation agricole qui
n'est pas constituée sous la forme d'une société commerciale que si le président
du tribunal de première instance a été préalablement saisi d'une demande tendant
à la désignation d'un conciliateur présentée en application de l'article L.
351-2 du code rural.
« En outre, le tribunal peut se saisir d'office ou être saisi par le procureur
de la République.
« Le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel peuvent
communiquer au président du tribunal ou au procureur de la République tout fait
révélant la cessation des paiements de l'entreprise » ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 622-1 du code de commerce, dans sa
version applicable à la Polynésie française : « La procédure de liquidation
judiciaire est ouverte sans période d'observation à l'égard de toute entreprise
mentionnée au premier alinéa de l'article L. 620-2 en état de cessation des
paiements, dont l'activité a cessé ou dont le redressement est manifestement
impossible.
« Elle est engagée selon les modalités prévues au second alinéa de l'article L.
621-1 et aux articles L. 621-2 à L. 621-5 ainsi que L. 621-14 et L. 621-15.
« La date de cessation des paiements est fixée conformément à l'article L. 621-7
» ;
4. Considérant que, selon les requérants, les dispositions contestées, en ce
qu'elles prévoient la saisine d'office du tribunal de commerce dans la procédure
de liquidation judiciaire, sont contraires au principe d'impartialité découlant
de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
5. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les
mots « se saisir d'office ou » figurant au deuxième alinéa de l'article L. 621-2
du code de commerce, dans sa version applicable à la Polynésie française ; que
ces dispositions ont pour effet d'autoriser le tribunal à se saisir d'office
pour l'ouverture tant d'une procédure de redressement judiciaire que d'une
procédure de liquidation judiciaire ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute
société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation
des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que le principe
d'impartialité est indissociable de l'exercice de fonctions juridictionnelles ;
qu'il en résulte qu'en principe une juridiction ne saurait disposer de la
faculté d'introduire spontanément une instance au terme de laquelle elle
prononce une décision revêtue de l'autorité de chose jugée ; que, si la
Constitution ne confère pas à cette interdiction un caractère général et absolu,
la saisine d'office d'une juridiction ne peut trouver de justification, lorsque
la procédure n'a pas pour objet le prononcé de sanctions ayant le caractère
d'une punition, qu'à la condition qu'elle soit fondée sur un motif d'intérêt
général et que soient instituées par la loi des garanties propres à assurer le
respect du principe d'impartialité ;
7. Considérant, d'une part, que la procédure de redressement judiciaire est
ouverte à toute personne exerçant une activité commerciale ou artisanale, à tout
agriculteur, à toute autre personne physique exerçant une activité
professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un
statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, ainsi qu'à
toute personne morale de droit privé, qui, dans l'impossibilité de faire face au
passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements ; que
cette procédure est destinée à permettre la poursuite de l'activité du débiteur,
le maintien de l'emploi dans l'entreprise et l'apurement du passif ;
8. Considérant, d'autre part, que la procédure de liquidation judiciaire est
ouverte à tout débiteur qui, ne pouvant faire face au passif exigible avec son
actif disponible, est en cessation des paiements et dont le redressement est
manifestement impossible ; que cette procédure est destinée à mettre fin à
l'activité de l'entreprise ou à réaliser le patrimoine du débiteur par une
cession de ses droits et biens ;
9. Considérant que les dispositions contestées confient au tribunal la faculté
de se saisir d'office aux fins d'ouverture tant de la procédure de redressement
judiciaire que de la procédure de liquidation judiciaire ; que ces dispositions
permettent que, lorsque les conditions de son ouverture paraissent réunies, une
procédure de redressement judiciaire ou une procédure de liquidation judiciaire
ne soit pas retardée afin de tenir compte de la situation des salariés, des
créanciers et des tiers ; que, par suite, le législateur a poursuivi un motif
d'intérêt général ;
10. Considérant, toutefois, que ni les dispositions contestées ni aucune autre
disposition ne fixent les garanties légales ayant pour objet d'assurer qu'en se
saisissant d'office le tribunal ne préjuge pas sa position lorsque, à l'issue de
la procédure contradictoire, il sera appelé à statuer sur le fond du dossier au
vu de l'ensemble des éléments versés au débat par les parties ; que, par suite,
les dispositions contestées confiant au tribunal la faculté de se saisir
d'office aux fins d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de
la procédure de liquidation judiciaire méconnaissent les exigences découlant de
l'article 16 de la Déclaration de 1789 ; que, dès lors, les mots « se saisir
d'office ou » figurant au deuxième alinéa de l'article L. 621-2 du code de
commerce dans sa version applicable à la Polynésie française doivent être
déclarés contraires à la Constitution ;
11. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la
Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement
de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du
Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le
Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les
effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ;
que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à
l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition
déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances
en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel,
les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le
pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses
effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a
produits avant l'intervention de cette déclaration ;
12. Considérant que la déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter
de la date de la publication de la présente décision ; qu'elle est applicable à
tous les jugements d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou
d'une procédure de liquidation judiciaire rendus postérieurement à cette date,
D É C I D E :
Article 1er.- Au deuxième alinéa de l'article L. 621-2 du code de commerce, dans
sa version applicable à la Polynésie française, les mots : « se saisir d'office
ou » sont contraires à la Constitution.
Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à
compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées par
son considérant 12.
Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 14 novembre 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY
MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de
SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
2 DECISIONS DU 22 NOVEMBRE 2013
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 25 septembre 2013
par la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité posée
par Mme Charly K. Cette question était relative à la conformité aux droits et
libertés que la Constitution garantit de la première phrase du second alinéa de
l'article 29-3 du code civil.
Les dispositions contestées sont relatives à l'action en négation de
nationalité. Elles prévoient que cette action est engagée par le ministère
public, sans qu'elle soit soumise à aucune règle de prescription. Le Conseil
constitutionnel a jugé ces dispositions conformes à la Constitution.
Le Conseil constitutionnel a notamment écarté les griefs fondés sur la
méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration de 1789. Le Conseil a relevé
que, si le premier alinéa de l'article 30 du code civil fait peser la charge de
la preuve de la nationalité sur celui dont la nationalité est en cause, les
articles 31 et suivants permettent toutefois à toute personne de demander la
délivrance d'un certificat de nationalité française, lequel a pour effet, selon
le deuxième alinéa de l'article 30, de renverser la charge de la preuve. Les
personnes intéressées sont ainsi en mesure de ne plus avoir à prouver, leur vie
durant, les éléments leur ayant permis d'acquérir la nationalité française. Il a
jugé qu'aucun principe, ni aucune règle de valeur constitutionnelle n'impose que
l'action en négation de nationalité soit soumise à une règle de prescription
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code civil ;
Vu les arrêts de la Cour de cassation (première chambre civile) n° 01-02242 du
1er juillet 2003, n° 02-10105 du 22 juin 2004 et n° 09-15792 du 6 octobre 2010 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la requérante par Me Bruno Poulain, avocat au
barreau de Paris, et Me Roxane Regaud, avocat au barreau de Bordeaux,
enregistrées le 7 octobre 2013 ;
Vu les observations en intervention produites pour l'association SOS Soutien ô
sans papiers par Me Henri Braun, avocat au barreau de Paris, et Me Nawel Gafsia,
avocat au barreau du Val-de-Marne, enregistrées le 10 octobre 2013 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 17
octobre 2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Poulain pour la requérante, Me Braun pour l'association intervenante, et M.
Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience
publique du 12 novembre 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 29-3 du code civil
: « Toute personne a le droit d'agir pour faire décider qu'elle a ou qu'elle n'a
point la qualité de Français.
« Le procureur de la République a le même droit à l'égard de toute personne. Il
est défendeur nécessaire à toute action déclaratoire de nationalité. Il doit
être mis en cause toutes les fois qu'une question de nationalité est posée à
titre incident devant un tribunal habile à en connaître » ;
2. Considérant que, selon la requérante, en ne soumettant l'action en négation
de nationalité du ministère public à aucune prescription, les dispositions
contestées méconnaissent le droit à un procès équitable et le droit au respect
de la vie privée ; que serait également méconnu le principe d'égalité, dès lors
que l'action en contestation de la déclaration de nationalité et la déchéance de
nationalité sont quant à elles soumises à des règles de prescription ; qu'en
outre, l'association intervenante soutient que l'absence de délai de
prescription porte atteinte au principe de sécurité juridique ;
3. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur la
première phrase du second alinéa de l'article 29-3 du code civil ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration
des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la
garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée,
n'a point de Constitution » ; que, d'une part, est garanti par ces dispositions
le principe du respect des droits de la défense qui implique, en particulier,
l'existence d'une procédure juste et équitable ; que, d'autre part, le
législateur méconnaîtrait la garantie des droits s'il portait aux situations
légalement acquises une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt
général suffisant ;
5. Considérant que les dispositions contestées permettent au ministère public
d'assigner une personne devant les juridictions judiciaires afin de faire juger
qu'elle a ou n'a pas la nationalité française ; qu'il s'agit d'une action
objective relative à des règles qui ont un caractère d'ordre public ; qu'il
résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation que cette action
est imprescriptible ;
6. Considérant que si le premier alinéa de l'article 30 du code civil fait peser
la charge de la preuve de la nationalité sur celui dont la nationalité est en
cause, les articles 31 et suivants permettent toutefois à toute personne de
demander la délivrance d'un certificat de nationalité française, lequel a pour
effet, selon le deuxième alinéa de l'article 30, de renverser la charge de la
preuve ; que, par suite, manque en fait le grief tiré de ce que l'absence de
prescription de l'action du ministère public pour contester la nationalité
française aurait pour effet d'imposer aux personnes intéressées d'être en mesure
de prouver, leur vie durant, les éléments leur ayant permis d'acquérir la
nationalité française ; qu'aucun principe, ni aucune règle de valeur
constitutionnelle n'impose que l'action en négation de nationalité soit soumise
à une règle de prescription ; qu'il résulte de ce qui précède que les griefs
tirés de la méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration de 1789 doivent
être écartés ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration
de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit
qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que
législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il
déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et
l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct
avec l'objet de la loi qui l'établit ;
8. Considérant que l'article 26-4 du code civil prévoit que l'action en
contestation de la déclaration de nationalité ne peut être intentée par le
ministère public que dans un délai de deux ans à compter de la date de
l'enregistrement de la déclaration ou, en cas de mensonge ou de fraude, de la
date de leur découverte ; que l'article 25-1 du même code prévoit que la
déchéance de nationalité n'est encourue que pour des faits qui « se sont
produits antérieurement à l'acquisition de la nationalité française ou dans le
délai de dix ans à compter de la date de cette acquisition » et qu'elle « ne
peut être prononcée que dans le délai de dix ans à compter de la perpétration
desdits faits » ;
9. Considérant que l'action en négation de nationalité a pour objet de faire
reconnaître qu'une personne n'a pas la qualité de Français ; qu'elle a donc un
objet différent tant de l'action en contestation de la déclaration de
nationalité, qui vise à contester l'acte ayant conféré à une personne la
nationalité française, que de la déchéance de nationalité, qui vise à priver une
personne, en raison des faits qu'elle a commis, de la nationalité française
qu'elle avait régulièrement acquise ; qu'en instaurant des règles de
prescription différentes pour des actions ayant un objet différent, le
législateur n'a pas méconnu le principe d'égalité ;
10. Considérant, en troisième lieu, que la contestation de la nationalité d'une
personne ne met pas en cause son droit au respect de la vie privée ; que, par
suite, le grief tiré de l'atteinte au respect de la vie privée est inopérant ;
11. Considérant que la première phrase du second alinéa de l'article 29-3 du
code civil, qui ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution
garantit, doit être déclarée conforme à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- La première phrase du second alinéa de l'article 29-3 du code
civil est conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance 21 novembre 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY
MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de
SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 25 septembre 2013
par le Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par
la communauté de communes du Val de Sèvre. Cette question était relative à la
conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe
1.2.4.2 et du b) du 2° du paragraphe 1.2.4.3 de l'article 77 de la loi n°
2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010.
Ces dispositions portent sur la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM). Le
produit de cette taxe a été transféré du budget de l'État à celui des communes
et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre (EPCI).
Dans le même temps, pour l'année 2011, a été institué un mécanisme de
compensation des pertes de recettes fiscales de l'État. Pour 2011, le montant de
la dotation globale de fonctionnement de ces collectivités ou EPCI est, en
application des dispositions contestées, minoré du montant de la taxe perçue par
l'État en 2010 sur leur territoire. L'éventuel solde est prélevé sur d'autres
ressources propres de ces collectivités.
La communauté de communes requérante soutenait que ces dispositions
méconnaissent les principes de la libre administration et de l'autonomie
financière des collectivités territoriales garantis par les articles 72 et 72-2
de la Constitution. Le Conseil constitutionnel a écarté ces griefs et jugé les
dispositions contestées conformes à la Constitution.
Le Conseil constitutionnel a relevé qu'en modifiant l'affectation de la TASCOM,
dont l'assiette est locale, le législateur a entendu renforcer l'autonomie
financière des communes. Il a jugé que les dispositions contestées, qui
déterminent une règle de compensation financière de ce transfert d'une ressource
fiscale, ne portent, en elles-mêmes, aucune atteinte à la libre administration
des communes. Cette règle de compensation, qui peut dans certains cas conduire à
une diminution des ressources pour les budgets des communes ou de leurs
groupements et dans d'autres cas à une augmentation de ces ressources, en
fonction de l'évolution de l'assiette locale de la taxe transférée, n'a pas pour
effet de réduire les ressources propres de certaines communes dans des
proportions telles que serait méconnue leur autonomie financière.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi n° 98-1266 du 30 décembre 1998 de finances pour 1999 ;
Vu la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004 ;
Vu la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la communauté de communes requérante par le
CMS Bureau Francis Lefebvre, avocat au barreau des Hauts-de-Seine, enregistrées
les 16 et 30 octobre 2013 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 17
octobre 2013;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Stéphane Austry, avocat au barreau des Hauts-de-Seine, pour la communauté de
communes requérante, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre,
ayant été entendus à l'audience publique du 12 novembre 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes du paragraphe 1.2.4.2 de
l'article 77 de la loi du 30 décembre 2009 susvisée : « Le montant de la
compensation prévue au D de l'article 44 de la loi de finances pour 1999 (n°
98-1266 du 30 décembre 1998) ou de la dotation de compensation prévue à
l'article L. 5211-28-1 du code général des collectivités territoriales est
diminué en 2011 d'un montant égal, pour chaque collectivité territoriale ou
établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, au
produit de la taxe sur les surfaces commerciales perçu par l'État en 2010 sur le
territoire de la collectivité territoriale ou de l'établissement public de
coopération intercommunale » ;
2. Considérant qu'aux termes du b) du 2° du paragraphe 1.2.4.3 de l'article 77
de la même loi, l'article L. 2334-7 du code général des collectivités
territoriales est ainsi modifié : « Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« "Pour les communes et établissements publics de coopération intercommunale à
fiscalité propre, lorsque le montant de la compensation prévue au D de l'article
44 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998) ou de la
dotation de compensation prévue à l'article L. 5211-28-1 du présent code est, en
2011, inférieur au montant de la diminution à opérer en application du 1.2.4.2
de l'article 77 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour
2010, le solde est prélevé au profit du budget général de l'État,
prioritairement sur le montant correspondant aux montants antérieurement perçus
au titre du 2° bis du II de l'article 1648 B du code général des impôts dans sa
rédaction antérieure à la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour
2004 et enfin sur le produit de la taxe foncière sur les propriétés bâties, de
la taxe foncière sur les propriétés non bâties, de la taxe d'habitation et de la
contribution économique territoriale perçu au profit de ces communes et
établissements" » ;
3. Considérant que, selon la communauté de communes requérante, en instituant
pour l'année 2011, en contrepartie de l'affectation de la taxe sur les surfaces
commerciales aux communes ou aux établissements publics de coopération
intercommunale à fiscalité propre, un prélèvement portant sur certaines de leurs
dotations ainsi que, le cas échéant, sur certaines de leurs ressources fiscales
à due concurrence du produit de la taxe sur les surfaces commerciales perçu par
l'État en 2010 sur leur territoire, les dispositions contestées méconnaissent
les principes de la libre administration et de l'autonomie financière des
collectivités territoriales garantis par les articles 72 et 72-2 de la
Constitution ;
4. Considérant que l'article 34 de la Constitution réserve au législateur la
détermination des principes fondamentaux de la libre administration des
collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources ; que,
si, en vertu des articles 72 et 72-2 de la Constitution, les collectivités
territoriales « s'administrent librement par des conseils élus » et «
bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement », chacune
d'elles le fait « dans les conditions prévues par la loi » ;
5. Considérant qu'en contrepartie du transfert du produit de la taxe sur les
surfaces commerciales du budget de l'État aux budgets des communes ou des
établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, les
dispositions du paragraphe 1.2.4.2 de l'article 77 de la loi du 30 décembre 2009
susvisée instituent pour l'année 2011 un mécanisme de compensation des pertes de
recettes fiscales de l'État portant sur la compensation prévue au D de l'article
44 de la loi de finances pour 1999 susvisée ou sur la dotation de compensation
prévue à l'article L. 5211-28-1 du code général des collectivités territoriales
; que le montant de ces dotations est diminué d'un montant égal, pour chaque
commune ou établissement public de coopération intercommunale à fiscalité
propre, au produit de la taxe sur les surfaces commerciales perçu par l'État en
2010 sur leur territoire ; qu'en outre, les dispositions du b) du 2° du
paragraphe 1.2.4.3 de l'article 77 de la loi du 30 décembre 2009 prévoient que
l'éventuel solde au profit du budget général de l'État est prélevé sur d'autres
ressources propres de ces collectivités, prioritairement, sur le montant
correspondant aux montants antérieurement perçus au titre du 2° bis du II de
l'article 1648 B du code général des impôts dans sa rédaction antérieure à la
loi de finances pour 2004 susvisée et, ensuite, sur le produit de la taxe
foncière sur les propriétés bâties, de la taxe foncière sur les propriétés non
bâties, de la taxe d'habitation et de la contribution économique territoriale
perçu au profit de ces communes et établissements ;
6. Considérant qu'en modifiant l'affectation de la taxe sur les surfaces
commerciales, dont l'assiette est locale, le législateur a entendu renforcer
l'autonomie financière des communes ; que, dans le même temps, le législateur a
également confié aux communes ou aux établissements publics de coopération
intercommunale à fiscalité propre le pouvoir de moduler les tarifs de cette
taxe, à compter de 2012, dans des limites définies par les cinquième et sixième
alinéas du paragraphe 1.2.4.1 de l'article 77 de la loi du 30 décembre 2009 ;
que les dispositions contestées, qui déterminent une règle de compensation
financière de ce transfert d'une ressource fiscale, ne portent, en elles-mêmes,
aucune atteinte à la libre administration des communes ; que cette règle de
compensation, qui peut dans certains cas conduire à une diminution des
ressources pour les budgets des communes ou de leurs groupements, et dans
d'autres cas à une augmentation de ces ressources, en fonction de l'évolution de
l'assiette locale de la taxe transférée, n'a pas pour effet de réduire les
ressources propres de certaines communes dans des proportions telles que serait
méconnue leur autonomie financière ; que, par suite, le grief tiré de la
méconnaissance des principes constitutionnels de la libre administration et de
l'autonomie financière des collectivités territoriales doit être écarté ;
7. Considérant que les dispositions contestées, qui ne sont contraires à aucun
autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées
conformes à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- Le paragraphe 1.2.4.2 et le b) du 2° du paragraphe 1.2.4.3 de
l'article 77 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010
sont conformes à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 novembre 2013, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
3 DECISIONS DU 29 NOVEMBRE 2013
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 30 septembre 2013
par la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité posée
par M. Christophe D. Cette question était relative à la conformité aux droits et
libertés que la Constitution garantit de la dernière phrase de l'avant-dernier
alinéa de l'article 9 et de la deuxième phrase du premier alinéa de l'article 20
de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante.
Ces deux dispositions prévoient que les mineurs âgés de moins de seize ans
peuvent être renvoyés devant la cour d'assises des mineurs, par le juge
d'instruction, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, s'ils
sont également accusés d'un crime commis après seize ans qui forme avec les
faits commis avant seize ans un ensemble connexe ou indivisible. Ainsi, la cour
d'assises des mineurs peut également connaître des crimes et délits commis par
le mineur avant d'avoir atteint l'âge de seize ans révolus lorsqu'ils forment
avec le crime principalement poursuivi un ensemble connexe ou indivisible.
Le requérant soutenait notamment que ces dispositions étaient contraires au
principe d'égalité devant la justice.
Le Conseil constitutionnel a écarté ces griefs et jugé les dispositions
contestées conformes à la Constitution.
Le Conseil constitutionnel a relevé qu'en adoptant ces dispositions, le
législateur a entendu éviter que, dans le cas où un ensemble de faits connexes
ou indivisibles reprochés à un mineur ont été commis avant et après l'âge de
seize ans, ils donnent lieu à deux procès successifs, d'une part, devant le
tribunal pour enfants et, d'autre part, devant la cour d'assises des mineurs. Il
a ainsi visé un objectif de bonne administration de la justice.
Le Conseil constitutionnel a jugé les dispositions contestées conformes au
principe d'égalité devant la justice. D'une part, le choix par le juge
d'instruction de procéder ou non au renvoi du mineur devant la cour d'assises
des mineurs pour les faits qu'il lui est reproché d'avoir commis avant l'âge de
seize ans en même temps que pour les faits commis après cet âge dépend de
considérations objectives propres à chaque espèce qui caractérisent un lien
d'indivisibilité ou de connexité : nature des faits, nombre, date de leur
commission, circonstances, nombre et situation des victimes, existence et âge
des co-accusés. . . Ces éléments permettent d'apprécier l'intérêt d'une bonne
administration de la justice. D'autre part, l'ordonnance de renvoi du juge, qui
doit être motivée, est susceptible d'appel avant un éventuel pourvoi en
cassation.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par Me Patrice Spinosi, avocat
au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 21 octobre et 6
novembre 2013 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 22
octobre 2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Spinosi pour le requérant, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier
ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 19 novembre 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que la dernière phrase de l'avant dernier
aliéna de l'article 9 de l'ordonnance du 2 février 1945 sur l'enfance
délinquante est relative aux mineurs accusés de crime ; qu'elle dispose : « les
mineurs âgés de moins de seize ans seront renvoyés devant le tribunal pour
enfants, sauf s'ils sont également accusés d'un crime commis après seize ans
formant avec les faits commis avant seize ans un ensemble connexe ou indivisible
et que le juge d'instruction décide, dans l'intérêt d'une bonne administration
de la justice, de les renvoyer devant la cour d'assises des mineurs » ;
2. Considérant que l'article 20 de cette même ordonnance prévoit que le mineur
âgé de seize ans au moins, accusé de crime sera jugé par la cour d'assises des
mineurs ; qu'aux termes de la seconde phrase du premier alinéa de cet article :
« La cour d'assises des mineurs peut également connaître des crimes et délits
commis par le mineur avant d'avoir atteint l'âge de seize ans révolus lorsqu'ils
forment avec le crime principalement poursuivi un ensemble connexe ou
indivisible »
3. Considérant que, selon le requérant, en conférant au juge d'instruction le
pouvoir discrétionnaire de renvoyer le mineur mis en examen pour des faits
constituant un ensemble connexe ou indivisible commis avant et après l'âge de
seize ans, soit devant le tribunal pour enfants pour les faits commis avant
l'âge de seize ans et devant la cour d'assises des mineurs pour les crimes
commis à partir de cet âge, soit uniquement devant cette juridiction pour
l'ensemble des infractions, ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité
devant la justice, l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne
administration de la justice, le droit à un procès équitable, le principe
fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice pénale
des mineurs et la présomption d'innocence ;
- SUR LES GRIEFS TIRÉS DE L'ATTEINTE AU PRINCIPE D'ÉGALITÉ DEVANT LA JUSTICE ET
DE LA MÉCONNAISSANCE DE L'OBJECTIF DE VALEUR CONSTITUTIONNELLE DE BONNE
ADMINISTRATION DE LA JUSTICE :
4. Considérant que, d'une part, aux termes de l'article 6 de la Déclaration des
droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « est la même pour tous, soit
qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que son article 16 dispose : « Toute
société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation
des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que, si le législateur
peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations
et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces
différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées
aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe
des droits de la défense, qui implique en particulier l'existence d'une
procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties ;
5. Considérant que, d'autre part, la bonne administration de la justice
constitue un objectif de valeur constitutionnelle qui résulte des articles 12,
15 et 16 de la Déclaration de 1789 ;
6. Considérant que, lorsqu'un mineur est accusé d'avoir commis des faits
constituant un crime commis après seize ans et formant un ensemble connexe ou
indivisible avec d'autres faits commis avant cet âge constituant un crime ou un
délit, les dispositions contestées permettent au juge d'instruction de décider,
dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, de renvoyer les crimes
et délits que ce mineur est accusé d'avoir commis avant l'âge de seize ans soit
devant la cour d'assises des mineurs en même temps que les crimes qu'il est
accusé d'avoir commis à partir de cet âge, soit, distinctement, devant le
tribunal pour enfants ;
7. Considérant qu'en adoptant ces dispositions le législateur a entendu éviter
que dans le cas où un ensemble de faits connexes ou indivisibles reprochés à un
mineur ont été commis avant et après l'âge de seize ans, ils donnent lieu à deux
procès successifs d'une part, devant le tribunal pour enfants, d'autre part,
devant la cour d'assises des mineurs ; qu'il a ainsi visé un objectif de bonne
administration de la justice ;
8. Considérant que selon la Cour de cassation, l'indivisibilité suppose que les
faits soient rattachés entre eux par un lien tel que l'existence des uns ne se
comprendrait pas sans l'existence des autres ; que la connexité est définie par
l'article 203 du code de procédure pénale aux termes duquel : « Les infractions
sont connexes soit lorsqu'elles ont été commises en même temps par plusieurs
personnes réunies, soit lorsqu'elles ont été commises par différentes personnes,
même en différents temps et en divers lieux, mais par suite d'un concert formé à
l'avance entre elles, soit lorsque les coupables ont commis les unes pour se
procurer les moyens de commettre les autres, pour en faciliter, pour en
consommer l'exécution ou pour en assurer l'impunité, soit lorsque des choses
enlevées, détournées ou obtenues à l'aide d'un crime ou d'un délit ont été, en
tout ou partie, recelées » ; que selon la jurisprudence constante de la Cour de
cassation, la connexité est également reconnue lorsqu'il existe entre les
diverses infractions des rapports étroits analogues à ceux que la loi a
spécialement prévus ;
9. Considérant en premier lieu, que le choix par le juge d'instruction de
procéder ou non au renvoi du mineur devant la cour d'assises des mineurs pour
les faits qu'il lui est reproché d'avoir commis avant l'âge de seize ans en même
temps que pour les faits commis après cet âge dépend de considérations
objectives propres à chaque espèce et notamment de la nature des faits, de leur
nombre, de la date de leur commission, de leurs circonstances, du nombre et de
la situation des victimes, de l'existence et de l'âge de co-accusés qui
caractérisent un lien d'indivisibilité ou de connexité et permettent d'apprécier
l'intérêt d'une bonne administration de la justice ;
10. Considérant, en deuxième lieu, que l'ordonnance de règlement par laquelle le
juge d'instruction renvoie le mineur devant la cour d'assises des mineurs ou le
tribunal pour enfants est prise après réquisitions du ministère public et
observations des parties selon les modalités prévues par l'article 175 du code
de procédure pénale ; que l'article 184 du même code impose que cette ordonnance
soit motivée ; que l'ordonnance de renvoi devant la cour d'assises est
susceptible d'appel ; que la chambre de l'instruction se prononce tant sur le
caractère connexe ou indivisible des infractions reprochées au mineur constaté
par le juge d'instruction, que sur l'intérêt d'une bonne administration de la
justice apprécié par ce juge ; que l'arrêt de la chambre de l'instruction
statuant sur ces ordonnances de règlement et notamment sur la prorogation de
compétence de la cour d'assises des mineurs peut être frappé de pourvoi en
cassation ;
11. Considérant, en troisième lieu, que les dispositions contestées sont sans
effet sur l'obligation, pour les juridictions de jugement saisies, de respecter
les droits de la défense et sur les peines, les mesures de surveillance et les
mesures éducatives qui peuvent être prononcées ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées
sont conformes aux articles 6 et 16 de la Déclaration de 1789 ; que la
méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration
de la justice ne peut, en elle-même, être invoquée à l'appui d'une question
prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la
Constitution ;
- SUR LES AUTRES GRIEFS :
13. Considérant, d'une part, que l'atténuation de la responsabilité pénale des
mineurs en fonction de l'âge, comme la nécessité de rechercher le relèvement
éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et
à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des
procédures appropriées, ont été constamment reconnues par les lois de la
République depuis le début du vingtième siècle ; que ces principes trouvent
notamment leur expression dans la loi du 12 avril 1906 sur la majorité pénale
des mineurs, la loi du 22 juillet 1912 sur les tribunaux pour enfants et
l'ordonnance du 2 février 1945 sur l'enfance délinquante ; que, toutefois, la
législation républicaine antérieure à l'entrée en vigueur de la Constitution de
1946 ne consacre pas de règle selon laquelle les mesures contraignantes ou les
sanctions devraient toujours être évitées au profit de mesures purement
éducatives ; qu'en particulier, les dispositions originelles de l'ordonnance du
2 février 1945 n'écartaient pas la responsabilité pénale des mineurs et
n'excluaient pas, en cas de nécessité, que fussent prononcées à leur égard des
mesures telles que le placement, la surveillance, la retenue ou, pour les
mineurs de plus de treize ans, la détention ; que telle est la portée du
principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice
des mineurs ;
14. Considérant que les dispositions contestées fixent des règles relatives à la
répartition des poursuites entre le tribunal pour enfants et la cour d'assises
des mineurs à l'issue de la procédure d'instruction ; que ces dispositions ne
peuvent conduire à ce qu'un mineur soit jugé par une juridiction autre que
celles qui sont spécialement instituées pour connaître de la délinquance des
mineurs ; que les dérogations qu'elles prévoient à la compétence du tribunal
pour enfants et à la cour d'assises des mineurs sont limitées et justifiées par
l'intérêt d'une bonne administration de la justice ; que, par suite, le grief
tiré d'une atteinte au principe fondamental reconnu par les lois de la
République en matière de justice pénale des mineurs doit être écarté ;
15. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'article 9 de la Déclaration de
1789 que le principe de la présomption d'innocence doit être respecté à l'égard
des mineurs comme des majeurs ; que, toutefois, la possibilité que des faits
connexes ou indivisibles soient jugés successivement par des juridictions
différentes n'a pas pour effet d'entraîner un renversement de la charge de la
preuve des faits soumis à l'examen de la juridiction appelée à statuer après que
la première juridiction s'est prononcée ; que, par suite, les dispositions
contestées ne méconnaissent pas la présomption d'innocence ;
16. Considérant que les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun
autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées
conformes à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- La dernière phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article 9 et la
deuxième phrase du premier alinéa de l'article 20 de l'ordonnance n° 45-174 du 2
février 1945 sur l'enfance délinquante sont conformes à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance 28 novembre 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole
BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 1er octobre 2013
par la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité posée
par la Société Wesgate Charters Ltd. Cette question était relative à la
conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 62
et 63 du code des douanes.
Les articles 62 et 63 du code des douanes permettent aux agents de
l'administration des douanes de visiter les navires dans la zone maritime du
rayon des douanes.
Le Conseil constitutionnel a relevé que la lutte contre la fraude en matière
douanière justifie que les agents des douanes soient habilités à visiter les
navires y compris dans leurs parties affectées à un usage privé ou de domicile.
L'autorisation du juge à cet effet n'est pas constitutionnellement nécessaire,
compte tenu de la mobilité des navires et des difficultés de procéder à leur
contrôle en mer. Mais la loi doit prévoir des garanties de nature à assurer le
respect des exigences constitutionnelles de protection de la vie privée.
Les articles 62 et 63 du code des douanes permettent la visite par les agents
des douanes de tout navire, en toutes circonstances, qu'il se trouve en mer,
dans un port ou en rade ou le long des rivières et canaux. Indépendamment du
contrôle exercé par la juridiction saisie, le cas échéant, dans le cadre des
poursuites pénales ou douanières, des voies de recours appropriées ne sont pas
prévues afin que soit contrôlée la mise en oeuvre, dans les conditions et selon
les modalités prévues par la loi, de ces mesures. Par suite, le Conseil
constitutionnel a jugé que les dispositions contestées privent de garanties
légales les exigences qui résultent de l'article 2 de la Déclaration de 1789.
Le Conseil constitutionnel a ainsi jugé contraires à la Constitution les
articles 62 et 63 du code des douanes. Il a reporté au 1er janvier 2015 la date
de cette abrogation, afin de permettre au législateur de remédier à cette
inconstitutionnalité. Les mesures prises avant cette date en application des
dispositions déclarées contraires à la Constitution ne peuvent être contestées
sur le fondement de cette inconstitutionnalité.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le décret n° 48-1985 du 8 décembre 1948 portant refonte du code des douanes,
annexé à la loi n° 48-1973 du 31 décembre 1948 de finances pour 1949 ;
Vu le code des douanes ;
Vu les arrêts de la Cour de cassation du 11 janvier 2006 (chambre criminelle n°
05-85779) et du 19 mars 2013 (chambre commerciale, n° 11-19076) ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la société requérante par Me Didier Le Prado,
avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 23 octobre
2013 et le 7 novembre 2013 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 23
octobre 2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Didier Le Prado pour la société requérante, et M. Xavier Pottier, désigné par
le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 19 novembre 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 62 du code des
douanes : « Les agents des douanes peuvent visiter tout navire se trouvant dans
la zone maritime du rayon des douanes et dans la zone définie à l'article 44 bis
dans les conditions prévues à cet article » ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 63 du code des douanes : « 1. Les
agents des douanes peuvent aller à bord de tous les bâtiments, y compris les
navires de guerre, qui se trouvent dans les ports ou rades ou qui montent ou
descendent les rivières et canaux. Ils peuvent y demeurer jusqu'à leur
déchargement ou sortie.
« 2. Les capitaines et commandants doivent recevoir les agents des douanes, les
accompagner et, s'ils le demandent, faire ouvrir les écoutilles, les chambres et
armoires de leur bâtiment, ainsi que les colis désignés pour la visite. En cas
de refus, les agents peuvent demander l'assistance d'un juge (ou, s'il n'y en a
pas sur le lieu, d'un officier municipal dudit lieu ou d'un officier de police
judiciaire), qui est tenu de faire ouvrir les écoutilles, chambres, armoires et
colis ; il est dressé procès-verbal de cette ouverture et des constatations,
faites aux frais des capitaines ou commandants.
« 3. Les agents chargés de la vérification des bâtiments et cargaisons peuvent,
au coucher du soleil, fermer les écoutilles, qui ne pourront être ouvertes qu'en
leur présence.
« 4. Sur les navires de guerre, les visites ne peuvent être faites après le
coucher du soleil » ;
3. Considérant que, selon la société requérante, en permettant aux agents de
l'administration des douanes de visiter tous les navires, et notamment leurs
parties à usage de domicile, les articles 62 et 63 du code des douanes portent
atteinte à la protection constitutionnelle de la liberté individuelle et de
l'inviolabilité du domicile ; qu'elles porteraient également atteinte aux droits
de la défense et au droit au recours juridictionnel effectif, en ce qu'elles ne
prévoient pas l'assistance d'un avocat ni les voies de recours à l'encontre des
opérations de visites douanières ; qu'enfin, en créant un droit de visite
particulier pour les navires, elles porteraient atteinte au principe d'égalité ;
4. Considérant que les articles 62 et 63 du code des douanes autorisent les
agents des douanes à visiter tous les navires situés dans la zone maritime du
rayon des douanes et dans la zone définie à l'article 44 bis du même code ; que,
selon cet article, la mise en oeuvre de ce pouvoir est destinée à leur permettre
d'exercer les contrôles nécessaires en vue de « prévenir les infractions aux
lois et règlements que l'administration des douanes est chargée d'appliquer sur
le territoire douanier » et de « poursuivre les infractions à ces mêmes lois et
règlements commises sur le territoire douanier » ; qu'il résulte de la
jurisprudence constante de la Cour de cassation que les opérations de visite de
navire en application de ces dispositions peuvent, sans être autorisées par le
juge des libertés et de la détention, porter sur les parties des navires à usage
privé et, le cas échéant, celles qui sont affectées à l'usage de domicile ou
d'habitation ;
5. Considérant, en premier lieu, que l'article 34 de la Constitution dispose que
la loi fixe les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux
citoyens pour l'exercice des libertés publiques ainsi que la procédure pénale ;
qu'il incombe au législateur, dans le cadre de sa compétence, d'assurer la
conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et
la recherche des auteurs d'infractions, toutes deux nécessaires à la sauvegarde
de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre part, le
respect des autres droits et libertés constitutionnellement protégés ; que, dans
l'exercice de son pouvoir, le législateur ne saurait priver de garanties légales
des exigences constitutionnelles ;
6. Considérant, en second lieu, que la liberté proclamée par l'article 2 de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 implique le droit au
respect de la vie privée et, en particulier, de l'inviolabilité du domicile ;
7. Considérant que la lutte contre la fraude en matière douanière justifie que
les agents des douanes soient habilités à visiter les navires y compris dans
leurs parties affectées à un usage privé ou de domicile ; qu'en permettant que
de telles visites puissent avoir lieu sans avoir été préalablement autorisées
par un juge, les dispositions contestées prennent en compte, pour la poursuite
de cet objectif, la mobilité des navires et les difficultés de procéder au
contrôle des navires en mer ;
8. Considérant, toutefois, que les dispositions contestées permettent, en toutes
circonstances, la visite par les agents des douanes de tout navire qu'il se
trouve en mer, dans un port ou en rade ou le long des rivières et canaux ; que
ces visites sont permises y compris la nuit ; qu'indépendamment du contrôle
exercé par la juridiction saisie, le cas échéant, dans le cadre des poursuites
pénales ou douanières, des voies de recours appropriées ne sont pas prévues afin
que soit contrôlée la mise en oeuvre, dans les conditions et selon les modalités
prévues par la loi, de ces mesures ; que la seule référence à l'intervention
d'un juge en cas de refus du capitaine ou du commandant du navire, prévue par le
2. de l'article 63 du code des douanes en des termes qui ne permettent pas
d'apprécier le sens et la portée de cette intervention, ne peut constituer une
garantie suffisante ; que, dans ces conditions, les dispositions contestées
privent de garanties légales les exigences qui résultent de l'article 2 de la
Déclaration de 1789 ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les
autres griefs, les dispositions contestées doivent être déclarées contraires à
la Constitution ;
9. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la
Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement
de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du
Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le
Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les
effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ;
que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à
l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition
déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances
en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel,
les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le
pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses
effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a
produits avant l'intervention de cette déclaration ;
10. Considérant que l'abrogation immédiate des dispositions contestées
méconnaîtrait les objectifs de prévention des atteintes à l'ordre public et de
recherche des auteurs d'infractions et entraînerait des conséquences
manifestement excessives ; qu'il y a lieu, dès lors, de reporter au 1er janvier
2015 la date de cette abrogation afin de permettre au législateur de remédier à
cette inconstitutionnalité ; que les mesures prises avant cette date en
application des dispositions déclarées contraires à la Constitution ne peuvent
être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité,
D É C I D E :
Article 1er.- Les articles 62 et 63 du code des douanes sont contraires à la Constitution.
Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à
compter de la publication de la présente décision dans les conditions prévues au
considérant 10.
Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 novembre 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole
BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 4 octobre 2013 par le Conseil
d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Azdine A.
Cette question était relative à la conformité aux droits et libertés que la
Constitution garantit du deuxième alinéa de l'article L. 313-12 du code de
l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA).
Le deuxième alinéa de l'article L. 313-12 du CESEDA porte sur le renouvellement
de la carte de séjour temporaire de l'étranger marié à un ressortissant
français. Ce renouvellement est subordonné au fait que la communauté de vie n'a
pas cessé. Toutefois, lorsque cette communauté de vie a été rompue en raison de
violences que le ressortissant étranger a subies de la part de son conjoint, le
préfet peut accorder le renouvellement du titre de séjour. Le requérant
soutenait qu'en n'appliquant pas les mêmes règles à un étranger lié avec un
ressortissant français par un pacte civil de solidarité (PACS) ou vivant en
concubinage avec lui, le deuxième alinéa de l'article L. 313-12 porte atteinte
au principe d'égalité.
Le Conseil constitutionnel n'a pu que constater que ce grief était inopérant. Le
deuxième alinéa de l'article L. 313-12 n'est pas relatif à la situation des
personnes liées par un PACS ou à celle des concubins que le requérant entend
contester. L'attribution d'une carte de séjour mention « vie privée et familiale
» aux personnes ayant conclu un PACS est régie par les dispositions de l'article
12 de la loi du 15 novembre 1999 relative au PACS, par le 7° de l'article L.
313-11 du CESEDA et par l'article L. 313-1 du même code qui prévoit la
possibilité d'un renouvellement du titre de séjour. Ces dispositions n'étaient
pas soumises au Conseil constitutionnel.
Par ailleurs le Conseil constitutionnel a jugé que le deuxième alinéa de
l'article L. 313-12 du CESEDA, qui concerne les personnes mariées, est conforme
à la Constitution.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée
et de séjour des étrangers en France ;
Vu la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations en intervention produites pour l'association « SOS Soutien ô
sans papiers » par Me Henri Braun, avocat au barreau de Paris et Me Nawel Gafsia,
avocat au barreau du Val-de-Marne et pour l'association « la Cimade » par Me
Patrice Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation,
enregistrées le 25 octobre 2013 ;
Vu les observations produites pour le requérant par Me Saïd Hassane Saïd
Mohamed, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 28 octobre 2013 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 28
octobre 2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Saïd Mohamed pour le requérant, Me Gafsia et Me Spinosi pour les associations
intervenantes et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été
entendus à l'audience publique du 19 novembre 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article
L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : «
Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L.
313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, sauf si
elle résulte du décès du conjoint français. Toutefois, lorsque la communauté de
vie a été rompue en raison de violences conjugales qu'il a subies de la part de
son conjoint, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de
séjour de l'étranger et peut en accorder le renouvellement. En cas de violence
commise après l'arrivée en France du conjoint étranger mais avant la première
délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit
délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une
carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" » ;
2. Considérant que, selon le requérant, en réservant le bénéfice de ces
dispositions au renouvellement de la carte de séjour de l'étranger marié avec un
ressortissant français sans les étendre au renouvellement de la carte de séjour
de l'étranger lié par un pacte civil de solidarité avec un ressortissant
français ou vivant en concubinage avec lui, le deuxième alinéa de l'article L.
313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile porte
atteinte au principe d'égalité devant la loi ;
3. Considérant que les dispositions contestées portent sur le renouvellement de
la carte de séjour temporaire délivrée sur le fondement du 4° de l'article L.
313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que
les dispositions de ce 4° prévoient la délivrance de plein droit d'une carte de
séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale », sous réserve
que sa présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public, « à l'étranger
ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité
française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le
mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le
mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur
les registres de l'état civil français » ; que le renouvellement de cette carte
est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé ; que,
toutefois, le préfet peut accorder le renouvellement du titre de séjour lorsque
la cessation de la communauté de vie est due aux violences conjugales subies de
la part du conjoint ;
4. Considérant que, par ailleurs, aux termes de l'article 12 de la loi du 15
novembre 1999 susvisée, « la conclusion d'un pacte civil de solidarité constitue
l'un des éléments d'appréciation des liens personnels en France, au sens du 7°
de l'article 12 bis de l'ordonnance n° 45 2658 du 2 novembre 1945 relative aux
conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, pour l'obtention d'un
titre de séjour » ; que cet article 12 bis a été codifié dans l'article L.
313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
qu'en vertu du 7° de ce dernier article, sauf si sa présence constitue une
menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention «
vie privée et familiale » est délivrée de plein droit « à l'étranger ne vivant
pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou
dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens
personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur
intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence
de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la
nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que
le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie
privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus,
sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée » ; qu'en vertu de
l'article L. 313-1 du même code, l'étranger doit quitter la France à
l'expiration de la durée de validité de sa carte à moins qu'il n'en obtienne le
renouvellement ou qu'il ne lui soit délivré une carte de résident ; qu'il
ressort de ces dispositions que les conditions de renouvellement de la carte de
séjour d'un étranger lié par un pacte civil de solidarité avec un ressortissant
français ou vivant en concubinage avec lui sont fixées par les dispositions du
7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du
droit d'asile ;
5. Considérant que la question de la conformité aux droits et libertés que la
Constitution garantit des dispositions de l'article 12 de la loi du 15 novembre
1999 susvisée n'a pas été renvoyée au Conseil constitutionnel par le Conseil
d'État ; que n'ont pas davantage été renvoyées celle des dispositions du 7° de
l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit
d'asile ni celle des dispositions de l'article L. 313-1 du même code ; que le
grief fondé sur la situation particulière des personnes liées par un pacte civil
de solidarité, ou vivant en concubinage, dirigé contre le deuxième alinéa de
l'article L. 313 12 du même code est, par suite, inopérant ;
6. Considérant que les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 313-12 du
code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui, en
particulier, permettent au préfet d'accorder à un étranger marié avec un
ressortissant français le renouvellement d'une carte de séjour mention « vie
privée et familiale », nonobstant la cessation de la communauté de vie, lorsque
cette cessation est due aux violences conjugales subies de la part du conjoint,
ne méconnaissent aucun droit ou liberté que la Constitution garantit ; qu'elles
doivent être déclarées conformes à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- Les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 313-12 du code
de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont conformes à la
Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23 11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 novembre 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole
BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 7 octobre 2013 par
le Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par les
Sociétés Sud Radio Services et Sud Radio Plus. Cette question était relative à
la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article
42 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de
communication.
Cet article 42 est relatif aux mises en demeure que le Conseil supérieur de
l'audiovisuel (CSA) peut adresser aux éditeurs et distributeurs de service de
communication audiovisuelle et aux opérateurs de réseaux satellitaires afin
qu'ils respectent leurs obligations légales et règlementaires. Il prévoit que
ces mises en demeure sont rendues publiques par le CSA et que ce dernier peut
soit se saisir lui-même soit être saisi par certains organismes et associations
à cette fin.
D'une part, le Conseil constitutionnel a jugé que cette QPC était recevable dès
lors qu'il n'avait pas eu à connaître de l'article 42 de la loi du 30 septembre
1986 dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-469 du 9 juillet 2010.
D'autre part, le Conseil constitutionnel a jugé cette disposition conforme à la
Constitution. Il a notamment relevé que la mise en demeure ne peut être
regardée, en l'espèce, comme l'ouverture de la procédure de sanction prévue à
l'article 42-1 de la loi du 30 septembre 1986 mais comme son préalable. Dès
lors, la mise en demeure par le CSA ne constitue pas une sanction ayant le
caractère d'une punition. Le Conseil constitutionnel a donc écarté comme
inopérants les griefs tirés de la méconnaissance des exigences de l'article 16
de la Déclaration de 1789.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication
;
Vu la loi n° 89-25 du 17 janvier 1989 modifiant la loi n° 86-1067 du 30
septembre 1986 relative à la liberté de communication, ensemble la décision du
Conseil constitutionnel n° 88-248 DC du 17 janvier 1989 ;
Vu la loi n° 94-88 du 1er février 1994 modifiant la loi n° 86-1067 du 30
septembre 1986 relative à la liberté de communication ;
Vu la loi n° 2000-719 du 1er août 2000 modifiant la loi n° 86-1067 du 30
septembre 1986 relative à la liberté de communication ;
Vu la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications
électroniques et aux services de communication audiovisuelle ;
Vu la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle
et au nouveau service public de la télévision ;
Vu la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites
spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences
de ces dernières sur les enfants ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, partie
en défense, enregistrées le 30 octobre 2013 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 30
octobre 2013 ;
Vu les observations produites pour les sociétés requérantes par Me Patrice
Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 14
novembre 2013 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Spinosi, pour les sociétés requérantes, et M. Xavier Pottier, désigné par le
Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 26 novembre 2013 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 42 de la loi du 30
septembre 1986 susvisée dans sa rédaction issue de la loi du 9 juillet 2010
susvisée : « Les éditeurs et distributeurs de services de communication
audiovisuelle et les opérateurs de réseaux satellitaires peuvent être mis en
demeure de respecter les obligations qui leur sont imposées par les textes
législatifs et réglementaires et par les principes définis aux articles 1er et
3-1. »
« Le Conseil supérieur de l'audiovisuel rend publiques ces mises en demeure. »
« Les organisations professionnelles et syndicales représentatives du secteur de
la communication audiovisuelle, le Conseil national des langues et cultures
régionales, les associations familiales et les associations de défense des
droits des femmes ainsi que les associations ayant dans leur objet social la
défense des intérêts des téléspectateurs peuvent demander au Conseil supérieur
de l'audiovisuel d'engager la procédure de mise en demeure prévue au premier
alinéa du présent article » ;
2. Considérant que, selon les sociétés requérantes, en ne garantissant pas la
séparation des pouvoirs de poursuite et d'instruction et des pouvoirs de
sanction au sein du Conseil supérieur de l'audiovisuel, les dispositions
contestées portent atteinte aux principes d'indépendance et d'impartialité ainsi
qu'aux droits de la défense qui découlent de l'article 16 de la Déclaration des
droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute
société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation
des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que le principe de la
séparation des pouvoirs, non plus qu'aucun autre principe ou règle de valeur
constitutionnelle, ne fait obstacle à ce qu'une autorité administrative
indépendante, agissant dans le cadre de prérogatives de puissance publique,
puisse exercer un pouvoir de sanction dans la mesure nécessaire à
l'accomplissement de sa mission, dès lors que l'exercice de ce pouvoir est
assorti par la loi de mesures destinées à assurer la protection des droits et
libertés constitutionnellement garantis ; qu'en particulier, doivent être
respectés le principe de la légalité des délits et des peines ainsi que les
droits de la défense, principes applicables à toute sanction ayant le caractère
d'une punition, même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à une
autorité de nature non juridictionnelle ; que doivent également être respectés
les principes d'indépendance et d'impartialité découlant de l'article 16 de la
Déclaration de 1789 ;
4. Considérant que les dispositions contestées ont pour origine l'article 19 de
la loi du 17 janvier 1989 susvisée ; que le Conseil constitutionnel a
spécialement examiné l'ensemble des dispositions de cet article dans les
considérants 20 à 42 de la décision du 17 janvier 1989 susvisée et les a
déclarées conformes à la Constitution ; que, postérieurement à cette déclaration
de conformité à la Constitution, l'ensemble des modifications introduites dans
l'article 42 de la loi du 30 septembre 1986 par l'article 5 de la loi du 1er
février 1994 susvisée, par l'article 71 de la loi du 1er août 2000 susvisée, par
les articles 37 et 78 de la loi du 9 juillet 2004 susvisée, par l'article 57 de
la loi du 5 mars 2009 susvisée et par l'article 27 de la loi du 9 juillet 2010,
ont eu pour objet d'étendre le champ tant des personnes soumises à la procédure
de mise en demeure par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, que de celles qui
peuvent le saisir d'une demande d'engager la procédure de mise en demeure et de
modifier la référence aux principes législatifs dont le respect s'impose ; que
la question prioritaire de constitutionnalité est donc recevable ;
5. Considérant que les dispositions contestées se bornent à confier au Conseil
supérieur de l'audiovisuel le pouvoir de mettre en demeure les éditeurs et
distributeurs de services de communication audiovisuelle et les opérateurs de
réseaux satellitaires de respecter les obligations qui leur sont imposées par
les textes législatifs et réglementaires et par les principes définis aux
articles 1er et 3-1 de la loi du 30 septembre 1986 ; que cette compétence est
exercée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, soit à son initiative, soit à
la demande des organisations et associations énumérées par les dispositions
contestées ;
6. Considérant que l'éditeur, le distributeur ou l'opérateur qui ne se conforme
pas à une mise en demeure prononcée en application de l'article 42 peut faire
l'objet de l'une des sanctions prononcées par le Conseil supérieur de
l'audiovisuel en vertu de l'article 42-1 de la loi du 30 septembre 1986, qui
n'est pas renvoyé au Conseil constitutionnel ; que ces sanctions sont la
suspension de l'édition, de la diffusion ou de la distribution du ou des
services d'une catégorie de programme, d'une partie du programme ou d'une ou
plusieurs séquences publicitaires pour un mois au plus, la réduction de la durée
de l'autorisation ou de la convention dans la limite d'une année, une sanction
pécuniaire assortie éventuellement d'une suspension de l'édition ou de la
distribution du ou des services ou d'une partie du programme, le retrait de
l'autorisation ou la résiliation unilatérale de la convention ; qu'ainsi qu'il
résulte de la décision du Conseil constitutionnel du 17 janvier 1989, « les
pouvoirs de sanction dévolus au Conseil supérieur de l'audiovisuel ne sont
susceptibles de s'exercer. . . qu'après mise en demeure des titulaires
d'autorisation » ; que la mise en demeure ne peut être regardée, dans ces
conditions, comme l'ouverture de la procédure de sanction prévue à l'article
42-1 mais comme son préalable ; que, dès lors, la mise en demeure par le Conseil
supérieur de l'audiovisuel ne constitue pas une sanction ayant le caractère
d'une punition ; que, par suite, les griefs tirés de la méconnaissance des
exigences de l'article 16 de la Déclaration de 1789 sont inopérants ; que les
dispositions contestées, qui ne sont contraires à aucun droit ou liberté que la
Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- L'article 42 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à
la liberté de communication est conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 décembre 2013, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY
MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
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