JURISPRUDENCE QPC 2011

Publié par Frédéric Fabre docteur en droit.

La jurisprudence du Conseil Constitutionnel en matière de Question Prioritaire de Constitutionnalité, dans l'ordre chronologique.

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4 DECISIONS DU 13 JANVIER 2011

Décision n° 2010-621 DC du 13 janvier 2011

RÉSOLUTION TENDANT À ADAPTER LE CHAPITRE XI BIS DU RÈGLEMENT DU SÉNAT AUX STIPULATIONS DU TRAITÉ DE LISBONNE CONCERNANT LES PARLEMENTS NATIONAUX
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 21 décembre 2010, par le président du Sénat, conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article 61 de la Constitution, d'une résolution en date du 20 décembre 2010 « tendant à adapter le chapitre XI bis du règlement du Sénat aux stipulations du traité de Lisbonne concernant les parlements nationaux ».
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'
ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel
Vu l'
ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 modifiée relative au fonctionnement des assemblées parlementaires
Le rapporteur ayant été entendu,
1. Considérant que les modifications apportées au règlement du Sénat par la résolution soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ont pour objet de l'adapter aux articles 88-6 et 88-7 de la Constitution ;
Sur les normes de référence :
2. Considérant qu'aux termes des deuxième et troisième alinéas de l'article 48 de la Constitution : « Deux semaines de séance sur quatre sont réservées par priorité, et dans l'ordre que le Gouvernement a fixé, à l'examen des textes et aux débats dont il demande l'inscription à l'ordre du jour. En outre, l'examen des projets de loi de finances, des projets de loi de financement de la sécurité sociale et, sous réserve des dispositions de l'alinéa suivant, des textes transmis par l'autre assemblée depuis six semaines au moins, des projets relatifs aux états de crise et des demandes d'autorisation visées à l'article 35 est, à la demande du Gouvernement, inscrit à l'ordre du jour par priorité
3. Considérant qu'aux termes de son article 88-6 : L'Assemblée nationale ou le Sénat peuvent émettre un avis motivé sur la conformité d'un projet d'acte législatif européen au principe de subsidiarité. L'avis est adressé par le président de l'assemblée concernée aux présidents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission européenne. Le Gouvernement en est informé.
Chaque assemblée peut former un recours devant la Cour de justice de l'Union européenne contre un acte législatif européen pour violation du principe de subsidiarité. Ce recours est transmis à la Cour de justice de l'Union européenne par le Gouvernement.
A cette fin, des résolutions peuvent être adoptées, le cas échéant, en dehors des sessions, selon des modalités d'initiative et de discussion fixées par le règlement de chaque assemblée. A la demande de soixante députés et de soixante sénateurs, le recours est de droit.
4. Considérant qu'aux termes de son article 88-7 : «Par le vote d'une motion adoptée en termes identiques par l'Assemblée nationale et le Sénat, le Parlement peut s'opposer à une modification des règles d'adoption d'actes de l'Union européenne dans les cas prévus, au titre de la révision simplifiée des traités ou de la coopération judiciaire civile, par le traité sur l'Union européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tels qu'ils résultent du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007»

Sur l'article unique de la résolution :
5. Considérant que l'article unique de la résolution complète le chapitre XI bis du règlement par trois articles ; que, pour mettre en œuvre les dispositions de l'article 88-6 de la Constitution, le premier article définit une procédure identique pour l'adoption, dans un délai maximal de huit semaines, sous forme d'une résolution, des avis motivés et des décisions de former un recours devant la Cour de justice de l'Union européenne au regard du principe de subsidiarité ; que le deuxième article inscrit dans le règlement le droit ouvert à soixante sénateurs, par le dernier alinéa de l'article 88-6 de la Constitution, de former un recours contre un acte législatif européen pour violation du principe de subsidiarité ; que le troisième article définit les conditions d'adoption d'une motion tendant à s'opposer à une modification des règles d'adoption des actes de l'Union européenne dans les deux hypothèses de révision simplifiée des traités de l'Union européenne et de coopération judiciaire civile dans l'Union européenne prévues par l'article 88-7 de la Constitution ; que ces dispositions ne sont contraires ni à l'article 48, ni aux articles 88-6 et 88-7, ni à aucune autre disposition de la Constitution.

Décide :

ARTICLE 1

La résolution adoptée par le Sénat le 20 décembre 2010 est conforme à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 13 janvier 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT et M. Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-83 QPC du 13 janvier 2011

M. CLAUDE G.

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 13 octobre 2010 par le Conseil d'Etat (décision n° 338828 du 13 octobre 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité, posée par M. Claude G., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de la première phrase du cinquième alinéa de l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'
ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour M. Claude G. par Me Pierre Ricard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées les 3 et 12 novembre 2010
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 4 novembre 2010
Vu les pièces produites et jointes au dossier
Me Ricard pour le requérant et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 14 décembre 2010
Le rapporteur ayant été entendu
1. Considérant qu'en application du premier alinéa de l'article L. 28 du code susvisé, le fonctionnaire civil radié, parce qu'il se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison « d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées », notamment en service, a droit à une rente viagère d'invalidité cumulable avec la pension rémunérant les services ; qu'aux termes de la première phrase du cinquième alinéa de cet article L. 28 : «La rente d'invalidité ajoutée à la pension ne peut faire bénéficier le titulaire d'émoluments totaux supérieurs aux émoluments de base visés à l'article L. 15»
2. Considérant que, selon le requérant, ces dispositions sont entachées d'une incompétence négative qui affecte les droits ou libertés que la Constitution garantit ; qu'elles créeraient une rupture d'égalité inconstitutionnelle tant entre fonctionnaires qu'entre ces derniers et les autres assurés sociaux ; qu'elles porteraient atteinte au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789
3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789 : «La loi... doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; qu'il n'en résulte pas pour autant que le principe d'égalité oblige à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes
4. Considérant, d'une part, qu'en prévoyant, à l'article L. 28 du code susvisé, l'attribution d'une rente viagère d'invalidité au fonctionnaire civil radié pour une incapacité permanente contractée en service, le législateur a entendu réparer l'atteinte que le fonctionnaire a subie dans son intégrité physique ; qu'en plafonnant le cumul entre une pension rémunérant les services et une rente d'invalidité au niveau du traitement de base fixé à l'article L. 15, le législateur a voulu éviter d'accorder aux fonctionnaires bénéficiaires d'une rente viagère d'invalidité des émoluments de base supérieurs à ceux qu'ils percevaient en période d'activité
5. Considérant, d'autre part, qu'en vertu de l'article L. 18 du même code, une majoration de pension est accordée au fonctionnaire titulaire ayant élevé au moins trois enfants, sans que, toutefois, le montant de la pension majorée ne dépasse le traitement de base du fonctionnaire fixé à l'article L. 15 ; qu'ainsi, l'intention du législateur a été de prendre en compte, dans le calcul de la pension, les charges liées à une famille nombreuse dans la limite de la rémunération d'activité du fonctionnaire
6. Considérant que le législateur a pu, sans méconnaître le principe d'égalité, soumettre à plafonnement le cumul d'une pension de retraite et d'une rente viagère d'invalidité ; qu'il a pu également, sans méconnaître ce principe, soumettre à un plafonnement identique le cumul d'une pension de retraite et d'une majoration de pension pour charges de famille ; qu'en revanche, l'application combinée de ces deux plafonnements a pour effet de créer une différence de traitement au regard de l'objet de la majoration de pension pour charges de famille entre les fonctionnaires pensionnés invalides ayant élevé au moins trois enfants et les fonctionnaires pensionnés qui ne sont pas invalides et ont élevé au moins trois enfants ; que la différence de traitement ainsi créée n'est pas justifiée par l'objet de la loi ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, la disposition contestée doit être déclarée contraire au principe d'égalité
7. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ; qu'afin de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité constatée, l'abrogation des dispositions précitées prendra effet à compter du 1er janvier 2012 ; qu'afin de préserver l'effet utile de la présente décision à la solution des instances actuellement en cours, il appartient, d'une part, aux juridictions de surseoir à statuer jusqu'à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi ou, au plus tard, jusqu'au 1er janvier 2012 dans les instances dont l'issue dépend de l'application des dispositions déclarées inconstitutionnelles et, d'autre part, au législateur de prévoir une application des nouvelles dispositions à ces instances en cours à la date de la présente décision,
Décide :

ARTICLE 1

La première phrase du cinquième alinéa de l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite est contraire à la Constitution.

ARTICLE 2

La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter du 1er janvier 2012 dans les conditions fixées au considérant 7 de la présente décision.

ARTICLE 3

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 13 janvier 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-84 QPC du 13 janvier 2011

SNC EIFFAGE CONSTRUCTION VAL DE SEINE ET AUTRE

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 14 octobre 2010 par le Conseil d'Etat (décision n° 341536-341830 du 13 octobre 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité, posée par la SNC Eiffage Construction Val de Seine et par la société Forclum Infra Nord, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions du 1 de l'article 235 bis du code général des impôts.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'
ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel
Vu le code de la construction et de l'habitation
Vu le
code général des impôts
Vu le
livre des procédures fiscales
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 5 novembre 2010 ;
Vu les observations produites pour les sociétés requérantes par la SELAS Bontoux et associés, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 15 novembre 2010 ;
Vu les observations en intervention produites pour l'Union d'économie sociale et du logement (UESL) par Me Guillaume Goulard, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 25 novembre 2010 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Goulard pour l'UESL et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus lors de l'audience publique du 14 décembre 2010 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux
termes du 1 de l'article 235 bis du code général des impôts : « Conformément aux articles L. 313-1, L. 313-4 et L. 313-5 du code de la construction et de l'habitation, les employeurs qui, au 31 décembre de l'année suivant celle du paiement des rémunérations, n'ont pas procédé, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat aux investissements prévus à l'article L. 313-1 du code de la construction et de l'habitation sont, dans la mesure où ils n'ont pas procédé à ces investissements, assujettis à une cotisation de 2 % calculée sur le montant des rémunérations versées par eux au cours de l'année écoulée, évalué selon les règles prévues aux chapitres Ier et II du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale ou au titre IV du livre VII du code rural et de la pêche maritime pour les employeurs de salariés visés à l'article L. 722-20 dudit code.
« Conformément à l'article L. 313-6 du code de la construction et de l'habitation, les agents des impôts peuvent exiger de ces employeurs et, le cas échéant, des organismes bénéficiaires des investissements, la justification qu'il a été satisfait aux obligations qui leur sont imposées » ;
2. Considérant que, selon les sociétés requérantes, ces dispositions méconnaissent le principe de nécessité des peines et de proportionnalité des sanctions ainsi que le respect des droits de la défense ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée » ; qu'il s'ensuit que ces principes ne s'appliquent qu'aux peines et aux sanctions ayant le caractère d'une punition ;
4. Considérant que, pour développer l'effort de construction, les employeurs qui n'ont pas procédé ou insuffisamment procédé aux investissements prévus par l'article L. 313-1 du code de la construction et de l'habitation sont assujettis à une cotisation de 2 % des rémunérations versées par eux ; que le fait générateur de cette cotisation se situe à la date à laquelle expire le délai imparti pour procéder aux investissements prévus par la loi ; que celle-ci doit être acquittée, en application de l'article L. 313-4 du même code, de façon spontanée, en même temps que le dépôt de la déclaration relative à la participation à l'effort de construction, par les entreprises dans la mesure de l'insuffisance constatée ; qu'en application du même article, l'absence de paiement de cette cotisation est passible des sanctions applicables aux taxes sur le chiffre d'affaires ; qu'eu égard à ces caractéristiques, ladite cotisation ne constitue pas une sanction ayant le caractère d'une punition au sens de l'article 8 de la Déclaration de 1789 ; qu'il s'ensuit que les griefs tirés de la violation de cette disposition sont inopérants ;
5. Considérant que la disposition contestée ne méconnaît ni l'égalité devant les charges publiques ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

Le 1 de l'article 235 bis du code général des impôts est conforme à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 13 janvier 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

  Décision n° 2011-85 QPC du 13 janvier 2011

ÉTABLISSEMENTS DARTY ET FILS

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 15 octobre 2010 par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 1137 du 15 octobre 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité, posée par la société Etablissements DARTY et Fils, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions du 2° du paragraphe I de l'article L. 442-6 du code de commerce.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'
ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs ;
Vu le
code de commerce ;
Vu le
code de la consommation ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la société anonyme coopérative Groupements d'achats des Centres Leclerc dite GALEC par Me Laurent Parléani, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 4 et 19 novembre 2010 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées les 5 novembre 2010 et 1er décembre 2010 ;
Vu les observations produites pour la société Etablissements DARTY et Fils par Me Jean-Daniel Bretzner, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 8 et 23 novembre 2010 ;
Vu les observations produites pour la société Système U Centrale nationale par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées les 8 et 23 novembre 2010 ;
Vu les observations produites en intervention pour les sociétés Carrefour France SAS, Carrefour Hypermarchés SAS, CSF SAS, Prodim SAS et Interdis SNC par Me Emmanuel Daoud et Me Diego de Lammerville, avocats au barreau de Paris, enregistrées le 8 novembre 2010 ;
Vu les observations produites en intervention pour la société EMC Distribution par Viguié Schmidt Peltier Juvigny AARPI, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 8 novembre 2010 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Bretzner pour la société requérante, Me Richard Renaudier, avocat au barreau de Paris, pour la société Système U Centrale nationale, Me Parléani pour la société GALEC, Me Olivier de Juvigny pour la société EMC Distribution, Me Daoud pour les sociétés Carrefour France SAS, Carrefour Hypermarchés SAS, CSF SAS, Prodim SAS et Interdis SNC et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 14 décembre 2010 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes du 2° du paragraphe I de l'
article L. 442-6 du code de commerce, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers « de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties » ; que le paragraphe III du même article prévoit que l'action est introduite devant la juridiction civile ou commerciale compétente par toute personne justifiant d'un intérêt, par le ministère public, par le ministre chargé de l'économie ou par le président de l'Autorité de la concurrence ; qu'il dispose que le ministre chargé de l'économie et le ministère public peuvent demander à la juridiction saisie d'ordonner la cessation des pratiques mentionnées à l'article et peuvent aussi demander le prononcé d'une amende civile dont le montant ne peut être supérieur à 2 millions d'euros, amende qui peut être portée au triple du montant des sommes indûment versées ;
2. Considérant que, selon la société requérante, les dispositions du 2° du paragraphe I de l'article L. 442-6 portent atteinte au principe de légalité des délits et des peines consacré par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
3. Considérant que, conformément à l'article 34 de la Constitution, le législateur détermine les principes fondamentaux des obligations civiles et commerciales ; que, compte tenu des objectifs qu'il s'assigne en matière d'ordre public dans l'équilibre des rapports entre partenaires commerciaux, il lui est loisible d'assortir la violation de certaines obligations d'une amende civile à la condition de respecter les exigences des articles 8 et 9 de la Déclaration de 1789 au rang desquelles figure le principe de légalité des délits et des peines qui lui impose d'énoncer en des termes suffisamment clairs et précis la prescription dont il sanctionne le manquement ;
4. Considérant que, pour déterminer l'objet de l'interdiction des pratiques commerciales abusives dans les contrats conclus entre un fournisseur et un distributeur, le législateur s'est référé à la notion juridique de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties qui figure à l'
article L. 132-1 du code de la consommation reprenant les termes de l'article 3 de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 susvisée ; qu'en référence à cette notion, dont le contenu est déjà précisé par la jurisprudence, l'infraction est définie dans des conditions qui permettent au juge de se prononcer sans que son interprétation puisse encourir la critique d'arbitraire ; qu'en outre, la juridiction saisie peut, conformément au sixième alinéa du paragraphe III de l'article L. 442-6 du code de commerce, consulter la commission d'examen des pratiques commerciales composée des représentants des secteurs économiques intéressés ; qu'eu égard à la nature pécuniaire de la sanction et à la complexité des pratiques que le législateur a souhaité prévenir et réprimer, l'incrimination est définie en des termes suffisamment clairs et précis pour ne pas méconnaître le principe de légalité des délits ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

Le 2° du paragraphe I de l'article L. 442-6 du code de commerce est conforme à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 13 janvier 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

DECISIONS DU 20 et 21 JANVIER 2011

Décision n° 2010-624 DC du 20 janvier 2011

LOI PORTANT RÉFORME DE LA REPRÉSENTATION DEVANT LES COURS D'APPEL

Le Conseil Constitutionnel sanctionne les conditions trop avantageuses des indemnisations des avoués près des Cour d'Appel qui perdent leurs privilèges.

Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi portant réforme de la représentation devant les cours d'appel, le 23 décembre 2010, par M. Jean-Pierre BEL, Mmes Jacqueline ALQUIER, Michèle ANDRÉ, MM. Serge ANDRÉONI, Alain ANZIANI, David ASSOULINE, Claude BÉRIT-DÉBAT, Mmes Marie-Christine BLANDIN, Maryvonne BLONDIN, M. Yannick BODIN, Mme Nicole BONNEFOY, MM. Yannick BOTREL, Didier BOULAUD, Mme Alima BOUMEDIENE-THIERY, M. Martial BOURQUIN, Mme Bernadette BOURZAI, M. Michel BOUTANT, Mme Nicole BRICQ, MM. Jean-Pierre CAFFET, Jean-Louis CARRÈRE, Mme Françoise CARTRON, MM. Bernard CAZEAU, Yves CHASTAN, Pierre-Yves COLLOMBAT, Roland COURTEAU, Yves DAUDIGNY, Marc DAUNIS, Jean-Pierre DEMERLIAT, Mmes Christiane DEMONTÈS, Josette DURRIEU, MM. Jean-Luc FICHET, Bernard FRIMAT, Charles GAUTIER, Serge GODARD, Didier GUILLAUME, Claude HAUT, Edmond HERVÉ, Mmes Odette HERVIAUX, Annie JARRAUD-VERGNOLLE, MM. Claude JEANNEROT, Ronan KERDRAON, Mme Bariza KHIARI, MM. Yves KRATTINGER, Serge LAGAUCHE, Mme Raymonde LE TEXIER, M. Alain LE VERN, Mme Claudine LEPAGE, MM. Jean-Jacques LOZACH, Roger MADEC, Philippe MADRELLE, Jacques MAHÉAS, François MARC, Jean-Pierre MASSERET, Marc MASSION, Rachel MAZUIR, Jean-Pierre MICHEL, Gérard MIQUEL, Jean-Jacques MIRASSOU, Robert NAVARRO, Mme Renée NICOUX, MM. Jean-Marc PASTOR, François PATRIAT, Bernard PIRAS, Roland POVINELLI, Mme Gisèle PRINTZ, MM. Marcel RAINAUD, Daniel RAOUL, François REBSAMEN, Thierry REPENTIN, René-Pierre SIGNÉ, Jean-Pierre SUEUR, Simon SUTOUR, Mme Catherine TASCA, MM. Michel TESTON, René TEULADE, Jean-Marc TODESCHINI et Richard YUNG, sénateurs.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu la loi du 28 avril 1816 sur les finances, notamment son article 91 ;
Vu la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ;
Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 12 janvier 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que les sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi portant réforme de la représentation devant les cours d'appel ; qu'ils contestent son article 13 ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la loi déférée :
« Les avoués près les cours d'appel en exercice à la date de la publication de la présente loi ont droit à une indemnité au titre du préjudice correspondant à la perte du droit de présentation, du préjudice de carrière, du préjudice économique et des préjudices accessoires toutes causes confondues, fixée par le juge de l'expropriation dans les conditions définies par les articles L. 13-1 à L. 13-25 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.
« Le juge détermine l'indemnité allouée aux avoués exerçant au sein d'une société dont ils détiennent des parts en industrie afin d'assurer, en tenant compte de leur âge, la réparation du préjudice qu'ils subissent du fait de la présente loi.
« L'indemnité est versée par le fonds d'indemnisation prévu à l'article 19.
« Par dérogation aux règles de compétence territoriale, le juge de l'expropriation compétent est celui du tribunal de grande instance de Paris.
« Dans un délai de trois mois suivant la cessation de l'activité d'avoué près les cours d'appel et au plus tard le 31 mars 2012, la commission prévue à l'article 16 notifie à l'avoué le montant de son offre d'indemnisation. En cas d'acceptation de l'offre par l'avoué, l'indemnité correspondante est versée à l'avoué dans un délai d'un mois à compter de cette acceptation » ;
Sur la procédure d'adoption :
3. Considérant que les requérants soutiennent que le dernier alinéa de l'article 13 a été adopté selon une procédure contraire à la Constitution ;
4. Considérant, en premier lieu, que, selon les requérants, deux amendements complétant l'article 13 auraient été retirés par leurs auteurs en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, sur le fondement d'une argumentation « inexacte » du Gouvernement et du rapporteur de la commission saisie au fond, en méconnaissance des principes de clarté et de sincérité des débats ;
5. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 44 de la Constitution : « Les membres du Parlement et le Gouvernement ont le droit d'amendement. Ce droit s'exerce en séance ou en commission selon les conditions fixées par les règlements des assemblées, dans le cadre déterminé par une loi organique » ;
6. Considérant qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de contrôler les motifs pour lesquels l'auteur d'un amendement décide de le retirer ; que, dès lors, le grief tiré de l'inconstitutionnalité de la procédure suivie en deuxième lecture devant l'Assemblée nationale doit être rejeté ;
7. Considérant, en second lieu, que, selon les requérants, deux amendements donnant une nouvelle rédaction de cet alinéa auraient, en deuxième lecture au Sénat, été rejetés en méconnaissance de l'article 27 de la Constitution dans la mesure où le résultat du scrutin n'aurait pas tenu compte de l'opinion réelle de certains votants ;
8. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 27 de la Constitution : « Le droit de vote des membres du Parlement est personnel » ; qu'aux termes du troisième alinéa du même article : « La loi organique peut autoriser exceptionnellement la délégation de vote. Dans ce cas, nul ne peut recevoir délégation de plus d'un mandat » ;
9. Considérant que, pour l'application de ces dispositions, la circonstance que, dans le cadre d'un scrutin public, le nombre de suffrages favorables à l'adoption d'un texte soit supérieur au nombre de sénateurs effectivement présents au point de donner à penser que les délégations de vote utilisées, tant par leur nombre que par les justifications apportées, excèdent les limites prévues par l'article 27 précité, ne saurait entacher de nullité la procédure d'adoption de ce texte que s'il est établi, d'une part, qu'un ou des sénateurs ont été portés comme ayant émis un vote contraire à leur opinion et, d'autre part, que, sans la prise en compte de ce ou ces votes, la majorité requise n'aurait pu être atteinte ;
10. Considérant qu'en l'espèce, le résultat du scrutin public portant sur les deux amendements dont le rejet est contesté, tel qu'il a été publié au Journal officiel des débats du Sénat, confirme le résultat proclamé par le président du Sénat en séance publique ; qu'en conséquence, le grief tiré de l'inconstitutionnalité de la procédure suivie en deuxième lecture devant le Sénat manque en fait ;
11. Considérant qu'il suit de là que l'article 13 a été adopté selon une procédure conforme à la Constitution ;
Sur le fond :
12. Considérant que les requérants contestent tant les modalités de l'indemnisation que son régime fiscal ;
En ce qui concerne l'indemnisation des avoués :
13. Considérant que les requérants font valoir que la suppression de la profession d'avoué conduit à la disparition non seulement du monopole de postulation des avoués devant les cours d'appel, mais également de l'activité de ces derniers ; qu'en procédant à la suppression d'un outil de travail par voie d'expropriation, elle constituerait une privation du droit de propriété au sens de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'ils font valoir, dès lors, qu'en n'assurant pas le caractère préalable de l'indemnisation, les dispositions de l'article 13 de la loi déférée méconnaîtraient les exigences constitutionnelles applicables à toute privation du droit de propriété ;
14. Considérant qu'aux termes de l'article 17 de la Déclaration de 1789 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ;
15. Considérant que l'article 1er de la loi déférée procède à l'intégration des avoués près les cours d'appel dans la profession d'avocat ; que les articles 32 et 33 de la loi déférée suppriment le statut d'avoué et, par voie de conséquence, retirent à ces derniers la qualité d'officier ministériel et le droit de présenter leur successeur en application de l'article 91 de la loi du 28 avril 1816 susvisée ;
16. Considérant que la suppression du privilège professionnel dont jouissent les avoués ne constitue pas une privation de propriété au sens de l'article 17 précité de la Déclaration de 1789 ; que, par suite, doivent être rejetés comme inopérants les griefs tirés de la violation de cet article, notamment le grief critiquant le caractère non préalable de l'indemnisation ;
17. Considérant que l'article 13 de la Déclaration de 1789 dispose : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; que le bon usage des deniers publics constitue une exigence constitutionnelle ; que, si l'article 13 de la Déclaration de 1789 n'interdit pas de faire supporter, pour un motif d'intérêt général, à certaines catégories de personnes des charges particulières, il ne doit pas en résulter de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ; que le respect de ce principe ainsi que l'exigence de bon emploi des deniers publics ne seraient pas davantage assurés si était allouée à des personnes privées une indemnisation excédant le montant de leur préjudice ;
18. Considérant que la loi déférée supprime le monopole de représentation des avoués devant les cours d'appel ; que le législateur a ainsi entendu simplifier et moderniser les règles de représentation devant ces juridictions en permettant aux justiciables d'être représentés par un seul auxiliaire de justice tant en première instance qu'en appel ; qu'il a également entendu limiter les frais de procédure devant ces juridictions ; qu'il a poursuivi ainsi un but d'intérêt général ;
19. Considérant que le législateur a confié au juge de l'expropriation, dans les conditions fixées par le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, le soin de fixer le montant de l'indemnisation du préjudice subi par les avoués du fait de la loi ; qu'il a également entendu, comme il lui était loisible de le faire, permettre que la fixation de cette indemnisation puisse être calculée au plus tard le 31 mars 2012 ; que, toutefois, cette indemnisation ne saurait, sans méconnaître les exigences constitutionnelles précitées, permettre l'allocation d'indemnités ne correspondant pas au préjudice subi du fait de la loi ou excédant la réparation de celui-ci ;
20. Considérant, en premier lieu, qu'en prévoyant la réparation du « préjudice correspondant à la perte du droit de présentation », le législateur a entendu que le préjudice patrimonial subi du fait de la perte du droit de présentation soit intégralement réparé ; que, pour assurer la réparation intégrale de ce préjudice, il appartiendra à la commission prévue à l'article 16 de la loi déférée et, le cas échéant, au juge de l'expropriation, de fixer cette indemnité dans la limite de la valeur des offices ; que ces dispositions ne méconnaissent pas les exigences résultant de l'article 13 de la Déclaration de 1789 ;
21. Considérant, en deuxième lieu, qu'en prévoyant la réparation du préjudice « de carrière », les dispositions critiquées permettent l'allocation d'une indemnité sans lien avec la nature des fonctions d'officier ministériel supprimées ; que, par suite, l'allocation d'une telle indemnité doit être déclarée contraire à la Constitution;
22. Considérant, en troisième lieu, que la loi confère le titre d'avocat aux anciens avoués ; que, sauf renonciation, les anciens avoués sont inscrits, à compter du 1er janvier 2012, au barreau établi près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel est situé leur office ; qu'ils peuvent continuer à exercer des missions de représentation devant la cour d'appel ; qu'il leur est d'ailleurs reconnu, de plein droit, une spécialisation en procédure d'appel ; que, dès lors, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la loi ne supprime pas l'activité correspondant à la profession d'avoué ;
23. Considérant, en outre, que les anciens avoués peuvent exercer l'ensemble des attributions réservées aux avocats et bénéficier notamment, à ce titre, du monopole de la représentation devant le tribunal de grande instance dans le ressort duquel ils ont établi leur résidence professionnelle ;
24. Considérant que, par suite, le « préjudice économique » et les « préjudices accessoires toutes causes confondues » sont purement éventuels ; qu'en prévoyant l'allocation d'indemnités correspondant à ces préjudices, les dispositions de l'article 13 de la loi déférée ont méconnu l'exigence de bon emploi des deniers publics et créé une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;
25. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les mots : « du préjudice de carrière, du préjudice économique et des préjudices accessoires toutes causes confondues, » doivent être déclarés contraires à la Constitution ; qu'il en va de même, par voie de conséquence, au deuxième alinéa du même article 13, des mots : « , en tenant compte de leur âge, » ;
En ce qui concerne le régime fiscal applicable à l'indemnisation des avoués :
26. Considérant que les requérants font valoir que le législateur, par son silence, a porté atteinte au principe d'égalité devant la loi entre les avoués ; qu'ils précisent que des avoués ayant prêté serment la même année, ayant investi la même somme et ayant subi le même préjudice ne pourront prétendre à une même indemnisation nette d'impôt au titre du droit de présentation selon qu'ils exercent en nom propre ou en société, qu'ils sont à l'origine de la création de la société civile professionnelle ou l'ont intégrée, qu'ils sont associés d'une société civile professionnelle ayant ou non opté pour l'impôt sur les sociétés ou qu'ils ont ou non la possibilité de faire valoir leurs droits à la retraite ;
27. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; qu'il n'en résulte pas pour autant que le principe d'égalité oblige à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes ; qu'il s'ensuit que le législateur, qui n'a pas écarté les règles de droit commun de taxation des plus-values, n'a pas méconnu le principe d'égalité en ne prenant pas en compte les conséquences de l'assujettissement à l'impôt de l'indemnité accordée ;
28. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune autre question de conformité à la Constitution,
Décide :

ARTICLE 1

Sont déclarées contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi portant réforme de la représentation devant les cours d'appel :
― au premier alinéa de l'article 13, les mots : « du préjudice de carrière, du préjudice économique et des préjudices accessoires toutes causes confondues, » ;
― au deuxième alinéa de ce même article, les mots : « , en tenant compte de leur âge, ».

ARTICLE 2

Le surplus de l'article 13 de la même loi est conforme à la Constitution.

ARTICLE 3

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 20 janvier 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

LOI n° 2011-94 du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les cours d'appel http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000023474278&dateTexte=&categorieLien=id

Décision n° 2011-87 QPC du 21 janvier 2011

En matière d'expropriation, la loi prévoit le caractère intégral de la réparation matérielle implique que l'indemnisation prenne en compte non seulement la valeur vénale du bien exproprié mais aussi les conséquences matérielles dommageables qui sont en relation directe avec l'expropriation. L'expropriation est conforme à la constitution.

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 21 octobre 2010 par la Cour de cassation (troisième chambre civile, arrêt n° 1348 du 21 octobre 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Jacques S., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 13-13 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 19 novembre 2010
Vu les observations produites pour le requérant par Me André Maubleu, avocat au barreau de Grenoble, enregistrées le 26 novembre 2010
Vu les pièces produites et jointes au dossier
M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendu à l'audience publique du 6 janvier 2011
Le rapporteur ayant été entendu
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 13-13 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique les indemnités allouées à raison d'une expropriation pour cause d'utilité publique «doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain, causé par l'expropriation»
2. Considérant que, selon le requérant, en excluant la réparation du préjudice moral résultant de l'expropriation, cette disposition méconnaît l'exigence d'une juste indemnisation du bien exproprié ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : «La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité» qu'afin de se conformer à ces exigences constitutionnelles la loi ne peut autoriser l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers que pour la réalisation d'une opération dont l'utilité publique a été légalement constatée ; que la prise de possession par l'expropriant doit être subordonnée au versement préalable d'une indemnité; que, pour être juste, l'indemnisation doit couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain, causé par l'expropriation; qu'en cas de désaccord sur la fixation du montant de l'indemnité l'exproprié doit disposer d'une voie de recours appropriée
4. Considérant que l'article L. 13-13 précité met en œuvre le droit à la réparation intégrale du préjudice matériel subi du fait de l'expropriation; qu'à ce titre le caractère intégral de la réparation matérielle implique que l'indemnisation prenne en compte non seulement la valeur vénale du bien exproprié mais aussi les conséquences matérielles dommageables qui sont en relation directe avec l'expropriation
5. Considérant qu'aucune exigence constitutionnelle n'impose que la collectivité expropriante, poursuivant un but d'utilité publique, soit tenue de réparer la douleur morale éprouvée par le propriétaire à raison de la perte des biens expropriés ; que, par suite, l'exclusion de la réparation du préjudice moral ne méconnaît pas la règle du caractère juste de l'indemnisation de l'expropriation pour cause d'utilité publique
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la disposition contestée n'est pas contraire à l'article 17 de la Déclaration de 1789 ; qu'elle n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

Article 1

L'article L. 13-13 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique est conforme à la Constitution.

Article 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 20 janvier 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-88 QPC du 21 janvier 2011

En cas de taxation sur son train de vie le contribuable doit être en mesure de pouvoir prouver le paiement de son train de vie. La majoration de 50 pour cent est inconstitutionnelle car dépasse la charge contributive du contribuable.

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 22 octobre 2010 par le Conseil d'Etat (décision n° 342565 du 22 octobre 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Danièle B. et relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 168 du code général des impôts.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité
Vu les observations produites pour la requérante par Me Alain Frenkel, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 16 novembre 2010
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 16 novembre 2010
Vu les pièces produites et jointes au dossier
Me Frenkel pour la requérante et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 6 janvier 2011
Le rapporteur ayant été entendu
1. Considérant qu'aux termes de l'article 168 du code général des impôts :
« 1. En cas de disproportion marquée entre le train de vie d'un contribuable et ses revenus, la base d'imposition à l'impôt sur le revenu est portée à une somme forfaitaire déterminée en appliquant à certains éléments de ce train de vie le barème ci-après, compte tenu, le cas échéant, de la majoration prévue au 2, lorsque cette somme est supérieure ou égale à 40 000 euros ; cette limite est relevée chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu :
« Eléments du train de vie : base :
« 1. Valeur locative cadastrale de la résidence principale, déduction faite de celle s'appliquant aux locaux ayant un caractère professionnel : cinq fois la valeur locative cadastrale.
« 2. Valeur locative cadastrale des résidences secondaires, déduction faite de celle s'appliquant aux locaux ayant un caractère professionnel : cinq fois la valeur locative cadastrale.
« 3. Employés de maison, précepteurs, préceptrices, gouvernantes :
« ― pour la première personne âgée de moins de 60 ans : 4 600 euros ;
« ― pour chacune des autres personnes : 5 700 euros.
« La base ainsi déterminée est réduite de moitié en ce qui concerne les personnes employées principalement pour l'exercice d'une profession.
« Il n'est pas tenu compte du premier employé de maison.
« Il est fait abstraction du second employé de maison lorsque le nombre des personnes âgées de 65 ans ou infirmes vivant sous le même toit est de quatre au moins.
« 4. Voitures automobiles destinées au transport des personnes : la valeur de la voiture neuve avec abattement de 50 % après trois ans d'usage.
« Toutefois, la base ainsi déterminée est réduite de moitié en ce qui concerne les voitures appartenant aux pensionnés de guerre bénéficiaires du statut des grands invalides, ainsi qu'aux aveugles et grands infirmes civils titulaires de la carte d'invalidité prévue à l'article L. 241-3 du code de l'action sociale et des familles.
« Elle est également réduite de moitié pour les voitures qui sont affectées principalement à un usage professionnel. Cette réduction est limitée à un seul véhicule.
« 5. Motocyclettes de plus de 450 centimètres cubes : la valeur de la motocyclette neuve avec abattement de 50 % après trois ans d'usage.
« 6. Yachts ou bateaux de plaisance à voiles avec ou sans moteur auxiliaire jaugeant au moins 3 tonneaux de jauge internationale :
« ― pour les trois premiers tonneaux : 1 140 euros
« ― pour chaque tonneau supplémentaire :
« ― de 4 à 10 tonneaux : 340 euros
« ― de 10 à 25 tonneaux : 460 euros
« ― au-dessus de 25 tonneaux : 910 euros.
« Ce barème est quintuplé pour les bateaux de plaisance battant pavillon d'un pays ou territoire qui n'a pas conclu avec la France de convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales.
« Le nombre de tonneaux à prendre en considération est égal au nombre de tonneaux correspondant à la jauge brute sous déduction, le cas échéant, d'un abattement pour vétusté égal à 25 %, 50 % ou 75 % suivant que la construction du yacht ou du bateau de plaisance a été achevée depuis plus de cinq ans, plus de quinze ans ou plus de vingt-cinq ans. Le tonnage ainsi obtenu est arrondi, s'il y a lieu, à l'unité immédiatement inférieure.
« 7. Bateaux de plaisance à moteur fixe ou hors-bord d'une puissance réelle d'au moins 20 CV :
« ― pour les vingt premiers chevaux : 910 euros
« ― par cheval-vapeur supplémentaire : 69 euros.
« Toutefois, la puissance n'est comptée que pour 75 %, 50 % ou 25 %, en ce qui concerne les bateaux construits respectivement depuis plus de cinq ans, quinze ans et vingt-cinq ans.
« Ce barème est quintuplé pour les bateaux de plaisance battant pavillon d'un pays ou territoire qui n'a pas conclu avec la France de convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales.
« 8. Avions de tourisme : par cheval-vapeur de la puissance réelle de chaque avion : 69 euros.
« 9. Chevaux de course âgés au moins de deux ans au sens de la réglementation concernant les courses :
« ― par cheval de pur sang : 4 600 euros ;
« ― par cheval autre que de pur sang et par trotteur : 2 700 euros.
« 10. Chevaux de selle : par cheval âgé au moins de deux ans à compter du second cheval : 1 370 euros.
« 11. Location de droits de chasse et participation dans les sociétés de chasse : deux fois le montant des loyers payés ou des participations versées lorsqu'il dépasse 4 600 euros.
« 12. Clubs de golf : participation dans les clubs de golf et abonnements payés en vue de disposer de leurs installations : deux fois le montant des sommes versées lorsqu'il dépasse 4 600 euros.
« Les éléments dont il est fait état pour la détermination de la base d'imposition sont ceux dont ont disposé, pendant l'année de l'imposition, les membres du foyer fiscal désignés aux 1 et 3 de l'article 6.
« Pour les éléments dont disposent conjointement plusieurs personnes, la base est fixée proportionnellement aux droits de chacune d'entre elles.
« Les revenus visés au présent article sont ceux qui résultent de la déclaration du contribuable et, en cas d'absence de déclaration, ils sont comptés pour zéro.
« 2. La somme forfaitaire déterminée en application du barème est majorée de 50 % lorsqu'elle est supérieure ou égale à deux fois la limite mentionnée au 1 et lorsque le contribuable a disposé de plus de six éléments du train de vie figurant au barème.
« 2 bis. La disproportion marquée entre le train de vie d'un contribuable et ses revenus est établie lorsque la somme forfaitaire qui résulte de l'application du barème et de la majoration prévus aux 1 et 2 excède d'au moins un tiers, pour l'année de l'imposition, le montant du revenu net global déclaré y compris les revenus exonérés ou taxés selon un taux proportionnel ou libérés de l'impôt par l'application d'un prélèvement.
« 3. Le contribuable peut apporter la preuve que ses revenus ou l'utilisation de son capital ou les emprunts qu'il a contractés lui ont permis d'assurer son train de vie»;
2. Considérant que, selon la requérante, l'article 168 du code général des impôts méconnaît les principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
Sur le principe d'égalité devant la loi :
3. Considérant que l'article 6 de la Déclaration de 1789 dispose que la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
4. Considérant que le législateur a donné à l'administration, en cas de disproportion marquée entre le train de vie et les revenus déclarés d'un contribuable, la possibilité de porter la base d'imposition à l'impôt sur le revenu de ce dernier à un montant forfaitaire en appliquant un barème à certains éléments révélateurs de son train de vie ; qu'une telle disproportion est établie « lorsque la somme forfaitaire qui résulte de l'application du barème et de la majoration prévus aux 1 et 2 de l'article 168 excède d'au moins un tiers, pour l'année de l'imposition, le montant du revenu net global déclaré y compris les revenus exonérés ou taxés selon un taux proportionnel ou libérés de l'impôt par l'application d'un prélèvement » ; qu'ainsi le législateur a entendu mettre en œuvre l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale ; qu'il a institué, entre les contribuables ayant un train de vie disproportionné par rapport à leurs revenus déclarés et les autres contribuables, une différence de traitement en rapport direct avec l'objet de la loi ; que le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi doit être rejeté ;
Sur le principe d'égalité devant les charges publiques :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; que cette exigence ne serait pas respectée si l'impôt revêtait un caractère confiscatoire ou faisait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives ; qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives ; qu'en particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;
6. Considérant, en premier lieu, qu'en retenant chacun des éléments du train de vie, visés au 1 de l'article 168, susceptibles d'être pris en compte pour déterminer la base d'imposition et en attribuant à chacun de ces éléments une valeur forfaitaire, le législateur a entendu lutter contre la fraude fiscale dans les seuls cas où une disproportion marquée entre le train de vie et les revenus déclarés est établie ; qu'ainsi, il s'est fondé sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il s'est assignés
7. Considérant, en deuxième lieu, que le 2 du même article dispose : « La somme forfaitaire déterminée en application du barème est majorée de 50 % lorsqu'elle est supérieure ou égale à deux fois la limite mentionnée au 1 et lorsque le contribuable a disposé de plus de six éléments du train de vie figurant au barème » ; qu'en ne se fondant plus sur le barème fixé au 1 pour évaluer la base d'imposition dès lors qu'un certain nombre des éléments de train de vie utilisés pour définir l'assiette est dépassé, le législateur a retenu un critère qui n'est ni objectif ni rationnel et fait peser, le cas échéant, sur certains contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives ; que, dès lors, le 2 de l'article 168 du code général des impôts doit être déclaré contraire au principe d'égalité devant les charges publiques
8. Considérant, en troisième lieu, que le contribuable est autorisé, en application du 3 du même article, à « apporter la preuve que ses revenus ou l'utilisation de son capital ou les emprunts qu'il a contractés lui ont permis d'assurer son train de vie » ; qu'il peut ainsi contester l'évaluation forfaitaire faite par l'administration en apportant la preuve de la manière dont il a pu financer le train de vie ainsi évalué, sans qu'il soit nécessaire pour lui de prouver la manière dont il a financé chacun des éléments retenus pour cette évaluation ; que ces dispositions du 3 de l'article 168 ne sauraient toutefois, sans porter une atteinte disproportionnée au principe d'égalité devant les charges publiques, faire obstacle à ce que le contribuable soumis à la procédure de l'article 168 puisse être mis à même de prouver que le financement des éléments de patrimoine qu'il détient n'implique pas la possession des revenus définis forfaitairement
9. Considérant que les autres dispositions contestées ne sont contraires ni au principe d'égalité devant la loi, ni au principe d'égalité devant les charges publiques, ni à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

Article 1

Les dispositions du 2 de l'article 168 du code général des impôts sont contraires à la Constitution.

Article 2

Sous la réserve énoncée au considérant 8, les dispositions des 1, 2 bis et 3 du même article 168 sont conformes à la Constitution.

Article 3

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 20 janvier 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ

Décision n° 2011-89 QPC du 21 janvier 2011 (SOCIÉTÉ CHAUD COLATINE)

La possibilité donné au préfet d'imposer un jour de repos hebdomadaire n'est pas contraire à la liberté d'entreprendre.

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 26 octobre 2010 par la Cour de cassation (chambre sociale, arrêt n° 2225 du 26 octobre 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la société CHAUD COLATINE relative à la conformité de l'article L. 3132-29 du code du travail aux droits et libertés que la Constitution garantit.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel
Vu le code du travail
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Celice-Blancpain-Soltner, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 16 novembre 2010
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 17 novembre 2010
Vu les pièces produites et jointes au dossier
Me Frédéric Blancpain pour le requérant, Me Jean-Claude Jacoupy pour la Fédération de la boulangerie du Morbihan, défendeur, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 6 janvier 2011
Le rapporteur ayant été entendu
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3132-29 du code du travail : «Lorsqu'un accord est intervenu entre les organisations syndicales de salariés et les organisations d'employeurs d'une profession et d'une zone géographique déterminées sur les conditions dans lesquelles le repos hebdomadaire est donné aux salariés, le préfet peut, par arrêté, sur la demande des syndicats intéressés, ordonner la fermeture au public des établissements de la profession ou de la zone géographique concernée pendant toute la durée de ce repos. Ces dispositions ne s'appliquent pas aux activités dont les modalités de fonctionnement et de paiement sont automatisées»
2. Considérant que le requérant fait grief à cette disposition de porter atteinte à la liberté d'entreprendre
3. Considérant que la liberté d'entreprendre découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'il est toutefois loisible au législateur d'apporter à cette liberté des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi
4. Considérant, en premier lieu, qu'en permettant au préfet d'imposer un jour de fermeture hebdomadaire à tous les établissements exerçant une même profession dans une même zone géographique l'article L. 3132-29 du code du travail vise à assurer l'égalité entre les établissements d'une même profession, quelle que soit leur taille, au regard du repos hebdomadaire ; que, dès lors, il répond à un motif d'intérêt général
5. Considérant, en second lieu, que l'arrêté préfectoral de fermeture ne peut être pris qu'en cas d'accord émanant de la majorité des organisations syndicales de salariés et des organisations d'employeurs sur les conditions dans lesquelles le repos hebdomadaire est donné aux salariés ; que cet arrêté ne peut concerner que les établissements qui exercent une même profession au sein d'une zone géographique déterminée ; qu'il appartient à l'autorité administrative compétente d'apprécier à tout moment si elle doit maintenir cette réglementation ; qu'elle est tenue d'abroger cet arrêté si la majorité des intéressés le réclame ; que, dans ces conditions, l'atteinte portée à la liberté d'entreprendre par l'article L. 3132-29 du code du travail n'est pas disproportionnée à l'objectif poursuivi
6. Considérant que la disposition contestée n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

L'article L. 3132-29 du code du travail est conforme à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 20 janvier 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-90 QPC du 21 janvier 2011

La Solidarité du dirigeant avec la société pour payer les amendes au sens de l'article 1754 du Code Général des Impôts est conforme à la Constitution.

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 27 octobre 2010 par le Conseil d'Etat (décision n° 342925 du 27 octobre 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Jean-Claude C., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du 3 du paragraphe V de l'article 1754 du code général des impôts.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code civil ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 19 novembre 2010 ;
Vu les observations produites pour le requérant par la SELARL MBA et associés, avocat au barreau de Montpellier, enregistrées les 19 novembre et 6 décembre 2010 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Fabien Orbillot et Me Emmanuel Garcia pour le requérant et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 6 décembre 2010
Le rapporteur ayant été entendu
1. Considérant qu'aux termes du 3 du paragraphe V de l'article 1754 du code général des impôts : « Les dirigeants sociaux mentionnés à l'article 62 et aux 1°, 2° et 3° du b de l'article 80 ter ainsi que les dirigeants de fait gestionnaires de la société à la date du versement ou, à défaut de connaissance de cette date, à la date de déclaration des résultats de l'exercice au cours duquel les versements ont eu lieu, sont solidairement responsables du paiement de l'amende prévue à l'article 1759»
2. Considérant, en premier lieu, que, selon le requérant, ces dispositions institueraient à l'égard des personnes qu'elles visent une peine en violation des principes constitutionnels des droits de la défense et de la responsabilité personnelle en matière pénale ;
3. Considérant que les principes résultant des articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ne s'appliquent qu'aux peines et aux sanctions ayant le caractère d'une punition ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 117 du code général des impôts : « Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution.
« En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 »
5. Considérant qu'aux termes de l'article 1759 du même code : « Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. Lorsque l'entreprise a spontanément fait figurer dans sa déclaration de résultat le montant des sommes en cause, le taux de l'amende est ramené à 75 % » ;
6. Considérant qu'il ressort des termes mêmes de l'article 117 précité du code général des impôts que la pénalité instituée par l'article 1759 du même code frappe, à l'exclusion de ses dirigeants de droit ou de fait, la personne morale qui s'est refusée à répondre à la demande de renseignements que lui a adressée l'administration; que le 3 du paragraphe V de l'article 1754 du même code a pour objet de déclarer ces dirigeants solidairement tenus au paiement de la pénalité; que la solidarité est fondée sur les fonctions exercées par les dirigeants au moment du fait générateur de la sanction; qu'elle n'est pas subordonnée à la preuve d'une faute des dirigeants; qu'elle constitue une garantie pour le recouvrement de la créance du Trésor public; que, conformément aux règles de droit commun en matière de solidarité, le dirigeant qui s'est acquitté du paiement de la pénalité dispose d'une action récursoire contre le débiteur principal et, le cas échéant, contre les codébiteurs solidaires ; qu'ainsi cette solidarité ne revêt pas le caractère d'une punition au sens des articles 8 et 9 de la Déclaration de 1789; qu'il s'ensuit que les griefs invoqués par le requérant sont inopérants ;
7. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; qu'est notamment garanti par cette disposition le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif ;
8. Considérant, par suite, que les dirigeants de droit ou de fait solidairement tenus au paiement de la pénalité infligée à la société doivent pouvoir contester tant leur qualité de débiteur solidaire que le bien-fondé et l'exigibilité de la pénalité et s'opposer aux poursuites ; qu'il ressort des dispositions applicables du livre des procédures fiscales, telles qu'elles sont appliquées par les juridictions compétentes, que ces voies de recours leur sont offertes ; que, dans ces conditions, la disposition contestée ne porte pas atteinte à la garantie des droits requise par l'article 16 de la Déclaration de 1789 ;
9. Considérant que le 3 du paragraphe V de l'article 1754 du code général des impôts n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

Le 3 du paragraphe V de l'article 1754 du code général des impôts est conforme à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 20 janvier 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

DECISIONS DU 28 JANVIER 2011

Décision n° 2011-91 QPC du 28 janvier 2011

(FÉDÉRATION NATIONALE CGT DES PERSONNELS DES ORGANISMES SOCIAUX)

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 10 novembre 2010 par le Conseil d'Etat (décision n° 340106 du 10 novembre 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la Fédération nationale CGT des personnels des organismes sociaux, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 1432-11 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'article 118 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
Vu la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la Fédération nationale CGT des personnels des organismes sociaux par la SCP Didier, Pinet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 2 décembre 2010 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 2 décembre 2010 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me François Pinet pour la requérante et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 18 janvier 2011
Le rapporteur ayant été entendu
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1432-11 du code de la santé publique : « Il est institué dans chaque agence régionale de santé un comité d'agence et un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, compétents pour l'ensemble du personnel de l'agence.
« Le comité d'agence est institué dans les conditions prévues à l'article 15 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat. Toutefois, les modalités de consultation des personnels prévues au second alinéa du même article peuvent faire l'objet d'adaptations pour permettre la représentation des personnels de droit privé de l'agence. Le comité d'agence exerce en outre les compétences prévues aux articles L. 2323-1 à L. 2323-87 du code du travail, sous réserve des adaptations prévues par décret en Conseil d'Etat en application de l'article L. 2321-1 du même code. Il est doté de la personnalité civile et gère son patrimoine.
« Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est institué dans les conditions prévues à l'article 16 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée. Il exerce en outre les compétences prévues aux articles L. 4612-1 à L. 4612-18 du code du travail, sous réserve des adaptations prévues par décret en Conseil d'Etat en application de l'article L. 4111-2 du même code.
« Les dispositions du chapitre III du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du même code sont applicables à l'ensemble des personnels de l'agence régionale de santé. Les délégués syndicaux sont désignés par chaque syndicat représentatif qui constitue une section syndicale dans l'agence régionale de santé pour le représenter auprès de l'employeur.
« Chaque syndicat qui constitue, conformément à l'article L. 2142-1 du même code, une section syndicale au sein de l'agence peut, s'il n'est pas représentatif dans l'agence, désigner un représentant de la section pour le représenter au sein de l'agence.
« Les membres des instances visées aux alinéas précédents, les délégués du personnel, délégués syndicaux et les représentants des sections syndicales bénéficient de la protection prévue par leurs statuts respectifs et, pour ce qui concerne les salariés placés sous le régime des conventions collectives, du livre IV de la deuxième partie du même code » ;
2. Considérant que, selon la requérante, l'article L. 1432-11 précité méconnaît le principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail, faute de prévoir, d'une part, l'élection des représentants des personnels de droit public et de droit privé par des collèges électoraux différents et, d'autre part, la consultation distincte de ces personnels sur les questions qui les concernent directement ;
3. Considérant que, si le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 dispose, en son huitième alinéa, que « tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail », l'article 34 de la Constitution range dans le domaine de la loi la fixation des garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils de l'Etat ainsi que la détermination des principes fondamentaux du droit du travail ; qu'ainsi, c'est au législateur qu'il revient de déterminer, dans le respect du principe énoncé au huitième alinéa du Préambule, les conditions et garanties de sa mise en œuvre ;
4. Considérant, en premier lieu, que l'article L. 1432-11 précité assure une représentation effective de l'ensemble des personnels au sein des comités d'agence ; que le principe de participation à la détermination des conditions de travail n'imposait pas au législateur de prévoir l'existence de collèges électoraux distincts pour la désignation des représentants des personnels des agences régionales de santé ;
5. Considérant, en second lieu, qu'il était loisible au législateur de prévoir que les représentants des salariés de droit public et de droit privé des agences régionales de santé ne soient pas consultés de manière séparée lorsque les questions posées les concernent de manière exclusive ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance du principe énoncé au huitième alinéa du Préambule de 1946 doit être écarté ;
7. Considérant que la disposition contestée n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide:

ARTICLE 1

L'article L. 1432-11 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009, est conforme à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 27 janvier 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-92 QPC du 28 janvier 2011 (MMES CORINNE C. ET SOPHIE H.)

L'interdiction du mariage des homosexuels n'est pas anticonstitutionnel

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 16 novembre 2010 par la Cour de cassation (première chambre civile, arrêt n° 1088 du 16 novembre 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mmes Corinne C. et Sophie H., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 75 et 144 du code civil.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code civil ;
Vu l'arrêt n° 05-16627 de la Cour de cassation (première chambre civile) du 13 mars 2007 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 8 décembre 2010 ;
Vu les observations produites pour les requérantes par Me Emmanuel Ludot, avocat au barreau de Reims, enregistrées le 14 décembre 2010 ;
Vu les observations en interventions produites pour l'association SOS Homophobie et l'Association des parents et futurs parents gays et lesbiens par Me Caroline Mécary, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 14 décembre 2010 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Ludot pour les requérantes, Me Mécary pour les associations intervenantes et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 18 janvier 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 75 du code civil : « Le jour désigné par les parties, après le délai de publication, l'officier de l'état civil, à la mairie, en présence d'au moins deux témoins, ou de quatre au plus, parents ou non des parties, fera lecture aux futurs époux des articles 212, 213 (alinéas 1er et 2), 214 (alinéa 1er) et 215 (alinéa 1er) du présent code. Il sera également fait lecture de l'article 371-1.
« Toutefois, en cas d'empêchement grave, le procureur de la République du lieu du mariage pourra requérir l'officier de l'état civil de se transporter au domicile ou à la résidence de l'une des parties pour célébrer le mariage. En cas de péril imminent de mort de l'un des futurs époux, l'officier de l'état civil pourra s'y transporter avant toute réquisition ou autorisation du procureur de la République, auquel il devra ensuite, dans le plus bref délai, faire part de la nécessité de cette célébration hors de la maison commune.
« Mention en sera faite dans l'acte de mariage.
« L'officier de l'état civil interpellera les futurs époux, et, s'ils sont mineurs, leurs ascendants présents à la célébration et autorisant le mariage, d'avoir à déclarer s'il a été fait un contrat de mariage et, dans le cas de l'affirmative, la date de ce contrat, ainsi que les nom et lieu de résidence du notaire qui l'aura reçu.
« Si les pièces produites par l'un des futurs époux ne concordent point entre elles quant aux prénoms ou quant à l'orthographe des noms, il interpellera celui qu'elles concernent, et s'il est mineur, ses plus proches ascendants présents à la célébration, d'avoir à déclarer que le défaut de concordance résulte d'une omission ou d'une erreur.
« Il recevra de chaque partie, l'une après l'autre, la déclaration qu'elles veulent se prendre pour mari et femme ; il prononcera, au nom de la loi, qu'elles sont unies par le mariage, et il en dressera acte sur-le-champ » ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 144 du même code :
« L'homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans révolus » ;
3. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le dernier alinéa de l'article 75 du code civil et sur son article 144 ; que ces dispositions doivent être regardées comme figurant au nombre des dispositions législatives dont il résulte, comme la Cour de cassation l'a rappelé dans l'arrêt du 13 mars 2007 susvisé, « que, selon la loi française, le mariage est l'union d'un homme et d'une femme » ;
4. Considérant que, selon les requérantes, l'interdiction du mariage entre personnes du même sexe et l'absence de toute faculté de dérogation judiciaire portent atteinte à l'article 66 de la Constitution et à la liberté du mariage ; que les associations intervenantes soutiennent, en outre, que sont méconnus le droit de mener une vie familiale normale et l'égalité devant la loi ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant « l'état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions et libéralités » ; qu'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d'adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité et de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions, dès lors que, dans l'exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ; que l'article 61-1 de la Constitution, à l'instar de l'article 61, ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ; que cet article lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité d'une disposition législative aux droits et libertés que la Constitution garantit ;
6. Considérant, en premier lieu, que l'article 66 de la Constitution prohibe la détention arbitraire et confie à l'autorité judiciaire, dans les conditions prévues par la loi, la protection de la liberté individuelle ; que la liberté du mariage, composante de la liberté personnelle, résulte des articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; que les dispositions contestées n'affectent pas la liberté individuelle ; que, dès lors, le grief tiré de la violation de l'article 66 de la Constitution est inopérant ;
7. Considérant, en second lieu, que la liberté du mariage ne restreint pas la compétence que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution pour fixer les conditions du mariage dès lors que, dans l'exercice de cette compétence, il ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ;
8. Considérant, d'une part, que le droit de mener une vie familiale normale résulte du dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 qui dispose : « La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » ; que le dernier alinéa de l'article 75 et l'article 144 du code civil ne font pas obstacle à la liberté des couples de même sexe de vivre en concubinage dans les conditions définies par l'article 515-8 de ce code ou de bénéficier du cadre juridique du pacte civil de solidarité régi par ses articles 515-1 et suivants ; que le droit de mener une vie familiale normale n'implique pas le droit de se marier pour les couples de même sexe ; que, par suite, les dispositions critiquées ne portent pas atteinte au droit de mener une vie familiale normale ;
9. Considérant, d'autre part, que l'article 6 de la Déclaration de 1789 dispose que la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; qu'en maintenant le principe selon lequel le mariage est l'union d'un homme et d'une femme, le législateur a, dans l'exercice de la compétence que lui attribue l'article 34 de la Constitution, estimé que la différence de situation entre les couples de même sexe et les couples composés d'un homme et d'une femme peut justifier une différence de traitement quant aux règles du droit de la famille ; qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son appréciation à celle du législateur sur la prise en compte, en cette matière, de cette différence de situation ; que, par suite, le grief tiré de la violation de l'article 6 de la Déclaration de 1789 doit être écarté ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le grief tiré de l'atteinte à la liberté du mariage doit être écarté ;
11. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

Le dernier alinéa de l'article 75 et l'article 144 du code civil sont conformes à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 27 janvier 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-94 QPC du 28 janvier 2011 (M. ROBERT C.)

Le Gouvernement peut choisir les directeurs administratifs des services publics sans porter atteinte à l'égalité des citoyens dans l'accès aux emplois publics.

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 25 novembre 2010 par le Conseil d'Etat (décision n° 343398 du 24 novembre 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Robert C., portant sur la conformité de l'article 25 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat aux droits et libertés que la Constitution garantit.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le requérant, enregistrées le 29 novembre 2010 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 20 décembre 2010 ;
Vu les nouvelles observations produites par le requérant, enregistrées le 22 décembre 2010 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendu à l'audience publique du 18 janvier 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 25 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : «Un décret en Conseil d'Etat détermine, pour chaque administration et service, les emplois supérieurs pour lesquels les nominations sont laissées à la décision du Gouvernement.
« L'accès de non-fonctionnaires à ces emplois n'entraîne pas leur titularisation dans un corps de l'administration ou du service.
« Les nominations aux emplois mentionnés à l'alinéa premier du présent article sont essentiellement révocables, qu'elles concernent des fonctionnaires ou des non-fonctionnaires » ;
2. Considérant que le requérant fait valoir que cette disposition n'organise pas de procédure de sélection des candidats aux postes de directeur d'administration centrale et ne définit pas les conditions de nomination à ces emplois ; qu'ainsi elle porterait atteinte au principe d'égalité d'accès aux emplois publics prévu à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
3. Considérant qu'en vertu de l'article 6 de la Déclaration de 1789, tous les citoyens « sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents » ;
4. Considérant que, si la disposition contestée réserve au Gouvernement un large pouvoir d'appréciation pour la nomination aux emplois supérieurs dans la fonction publique, dont les titulaires sont étroitement associés à la mise en œuvre de sa politique, elle ne lui permet pas de procéder à ces nominations en méconnaissant les dispositions de l'article 6 de la Déclaration de 1789, en vertu desquelles son choix doit être fait en prenant en considération les capacités requises pour l'exercice des attributions afférentes à l'emploi ; que, dans ces conditions, le grief tiré de la violation de l'article 6 de la Déclaration de 1789 ne saurait être retenu ;
5. Considérant que la disposition contestée n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1er

L'article 25 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat est conforme à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 27 janvier 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-95 QPC du 28 janvier 2011

(SARL DU PARC D'ACTIVITÉS DE BLOTZHEIM ET AUTRE)

La loi sur les cartes communales d'occupation des sols peut renvoyer pour sa mise en œuvre des principes aux décrets en Conseil d'Etat sans méconnaitre la séparation des pouvoirs entre le législatifs et l'exécutif.

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 26 novembre 2010 par le Conseil d'Etat (décision n° 340213 du 26 novembre 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la SARL du Parc d'activités de Blotzheim et la SCI Haselaecker, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 121-9 du code de l'urbanisme.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour les requérantes par la SCP Defrénois et Levis, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 14 décembre 2010 ;
Vu les observations produites pour l'aéroport de Bâle-Mulhouse par la SCP Odent et Poulet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 14 décembre 2010 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 20 décembre 2010 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Jean-Marie Defrénois pour les requérantes, Me Bruno Odent pour l'aéroport et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 18 janvier 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-9 du code du l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 : « Des décrets en Conseil d'Etat déterminent, en tant que de besoin, les conditions d'application du présent chapitre. Ces décrets précisent notamment la nature des projets d'intérêt général, qui doivent présenter un caractère d'utilité publique, et arrêtent la liste des opérations d'intérêt national mentionnées à l'article L. 121-2 » ;
2. Considérant que les sociétés requérantes font grief à cette disposition de renvoyer à un décret en Conseil d'Etat le soin de définir la nature des projets d'intérêt général ; que le législateur aurait méconnu la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution ; que cette incompétence négative affecterait le principe de la libre administration des collectivités territoriales garanti par l'article 72 de la Constitution ainsi que le droit de propriété protégé par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé » ; que la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où est affecté un droit ou une liberté que la Constitution garantit;
4. Considérant que, s'il appartient au législateur, en vertu de l'article 34 de la Constitution, de déterminer les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales et de leurs compétences ainsi que ceux du régime de la propriété, la fixation des modalités de mise en œuvre de ces principes a le caractère réglementaire en application de l'article 37 de la Constitution ; qu'il revient, en conséquence, au seul législateur de répartir les compétences en matière d'aménagement du territoire et d'urbanisme entre l'Etat et les collectivités territoriales ainsi que d'imposer à ces dernières de tenir compte des projets d'intérêt général dans l'élaboration de leurs documents locaux d'urbanisme;
5. Considérant que l'article L. 121-9 du code de l'urbanisme se borne à renvoyer à des décrets en Conseil d'Etat le soin de déterminer les conditions d'application du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de l'urbanisme, relatif aux dispositions générales communes aux schémas de cohérence territoriale, aux plans locaux d'urbanisme et aux cartes communales ; qu'il ne met pas en cause les principes fondamentaux susmentionnés ; que la définition de la nature des projets d'intérêt général ne met pas davantage en cause ces principes ; qu'il s'ensuit qu'en tout état de cause, le grief tiré de l'incompétence négative du législateur doit être écarté ;
6. Considérant que l'article L. 121-9 du code de l'urbanisme n'est contraire à aucun droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1er

L'article L. 121-9 du code de l'urbanisme est conforme à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 27 janvier 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT et M. Pierre STEINMETZ.

DECISIONS DU 4 FEVRIER 2011

Décision n° 2011-93 QPC du 4 février 2011 (COMITÉ HARKIS ET VÉRITÉ)

Les harkis sont financièrement reconnus 49 ans après l'indépendance de l'Algérie

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 25 novembre 2010 par le Conseil d'Etat (décision n° 342957 du 24 novembre 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par le comité Harkis et Vérité, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions :
― de l'article 9 de la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987 relative au règlement de l'indemnisation des rapatriés ;
― de l'article 2 de la loi n° 94-488 du 11 juin 1994 relative aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie ;
― de l'article 47 de la loi n° 99-1173 du 30 décembre 1999 de finances rectificative pour 1999 ;
― de l'article 67 de la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002 ;
― des articles 6, 7 et 9 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987 relative au règlement de l'indemnisation des rapatriés ;
Vu la loi n° 94-488 du 11 juin 1994 relative aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie ;
Vu la loi n° 99-1173 du 30 décembre 1999 de finances rectificative pour 1999 ;
Vu la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002 ;
Vu la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le comité Harkis et Vérité, enregistrées les 20 décembre 2010, 4 janvier 2011 et 1er février 2011 ;
Vu les observations rectifiées produites par le Premier ministre, enregistrées le 20 décembre 2010 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Jean-Emmanuel Nunes, avocat au barreau de Paris, pour le requérant et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 25 janvier 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 9 de la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987 susvisée : « Une allocation de 60 000 F est versée, à raison de 25 000 F en 1989 et 1990, et de 10 000 F en 1991, aux anciens harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives ayant servi en Algérie, qui ont conservé la nationalité française en application de l'article 2 de l'ordonnance n° 62-825 du 21 juillet 1962 relative à certaines dispositions concernant la nationalité française, prises en application de la loi n° 62-421 du 13 avril 1962 et qui ont fixé leur domicile en France.
« En cas de décès de l'intéressé, l'allocation est versée sous les mêmes conditions au conjoint survivant.
« A défaut de conjoint survivant, l'allocation est versée à parts égales aux enfants lorsqu'ils ont la nationalité française et qu'ils ont fixé leur domicile en France.
« La date limite pour demander l'allocation prévue au présent article est fixée au 31 décembre 1997 » ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi n° 94-488 du 11 juin 1994 susvisée : « Une allocation forfaitaire complémentaire de 110 000 F est versée à chacun des bénéficiaires des dispositions du premier alinéa de l'article 9 de la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987 relative au règlement de l'indemnisation des rapatriés s'il répond, à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, aux conditions posées par cet alinéa.
« En cas de décès de l'intéressé, l'allocation forfaitaire complémentaire est versée au conjoint survivant remplissant les conditions de nationalité et de domicile prévues au premier alinéa de l'article 9 de la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987 précitée à la date d'entrée en vigueur de la présente loi. Lorsque l'intéressé a contracté plusieurs mariages, l'allocation forfaitaire complémentaire est répartie à parts égales entre le conjoint survivant et le ou les précédents conjoints qui répondent aux conditions susmentionnées sauf s'ils sont divorcés remariés.
« Si l'un des conjoints ou ex-conjoints est décédé ou ne répond pas à ces conditions, l'allocation à laquelle il aurait pu prétendre est répartie en parts égales entre les enfants nés de son union avec l'intéressé, s'ils possèdent la nationalité française et ont fixé leur domicile sur le territoire d'un Etat membre de l'Union européenne à la date d'entrée en vigueur de la présente loi » ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 47 de la loi n° 99-1173 du 30 décembre 1999 susvisée : « I. ― Une allocation de reconnaissance indexée sur le taux d'évolution en moyenne annuelle des prix à la consommation de tous les ménages (hors tabac) non réversible, sous conditions d'âge, est instituée, à compter du 1er janvier 1999, en faveur des personnes désignées par le premier alinéa de l'article 2 de la loi n° 94-488 du 11 juin 1994 relative aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie.
« Les conditions d'attribution et le montant de cette rente sont définis par décret.
« I bis. ― Une allocation de reconnaissance indexée sur le taux d'évolution en moyenne annuelle des prix à la consommation de tous les ménages (hors tabac) est versée, sous conditions d'âge, aux conjoints ou ex-conjoints survivants non remariés des personnes désignées au premier alinéa de l'article 2 de la loi n° 94-488 du 11 juin 1994 précitée et remplissant les conditions de nationalité telles que définies à l'article 9 de la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987 relative au règlement de l'indemnisation des rapatriés. Cette disposition entre en vigueur à compter du 1er janvier 2001. Les conditions d'attribution et le montant de cette rente sont définis par décret » ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 67 de la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 susvisée : « I. ― Aux I et I bis de l'article 47 de la loi de finances rectificative pour 1999 (n° 99-1173 du 30 décembre 1999), les mots : "rente viagère” sont remplacés par les mots : "allocation de reconnaissance indexée sur le taux d'évolution en moyenne annuelle des prix à la consommation de tous les ménages (hors tabac)” et les mots : "sous conditions d'âge et de ressources” sont remplacés par les mots : "sous condition d'âge”.
« II. ― Le 4° de l'article 81 du code général des impôts est ainsi modifié :
« 1° Ses dispositions constituent un a ;
« 2° Il est complété par un b ainsi rédigé :
« b) L'allocation de reconnaissance prévue aux I et I bis de l'article 47 de la loi de finances rectificative pour 1999 (n° 99-1173 du 30 décembre 1999) en faveur respectivement des personnes désignées au premier alinéa de l'article 2 de la loi n° 94-488 du 11 juin 1994 relative aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie et de leurs conjoints ou ex-conjoints survivants non remariés.
« III. ― Les dispositions du I entrent en vigueur le 1er janvier 2003. Les dispositions du II sont applicables pour l'imposition des revenus perçus à compter du 1er janvier 2003 » ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 susvisée : « I. ― Les bénéficiaires de l'allocation de reconnaissance mentionnée à l'article 67 de la loi de finances rectificative pour 2002 (n° 2002-1576 du 30 décembre 2002) peuvent opter, au choix :
« ― pour le maintien de l'allocation de reconnaissance dont le taux annuel est porté à 2 800 euros à compter du 1er janvier 2005 ;
« ― pour le maintien de l'allocation de reconnaissance au taux en vigueur au 1er janvier 2004 et le versement d'un capital de 20 000 euros ;
« ― pour le versement, en lieu et place de l'allocation de reconnaissance, d'un capital de 30 000 euros.
« En cas d'option pour le versement du capital, l'allocation de reconnaissance est servie au taux en vigueur au 1er janvier 2004 jusqu'au paiement de ce capital. A titre conservatoire, dans l'attente de l'exercice du droit d'option, l'allocation de reconnaissance est versée à ce même taux.
« En cas de décès, à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, de l'ancien supplétif ou assimilé et de ses conjoints ou ex-conjoints survivants lorsqu'ils remplissaient les conditions fixées par l'article 2 de la loi n° 94-488 du 11 juin 1994 relative aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie, une allocation de 20 000 euros est répartie en parts égales entre les enfants issus de leur union s'ils possèdent la nationalité française et ont fixé leur domicile en France ou dans un Etat de la Communauté européenne au 1er janvier 2004.
« Les personnes reconnues pupilles de la Nation, orphelines de père et de mère, de nationalité française et ayant fixé leur domicile en France ou dans un Etat de la Communauté européenne au 1er janvier 2004, dont l'un des parents a servi en qualité de harki ou membre d'une formation supplétive, non visées à l'alinéa précédent, bénéficient d'une allocation de 20 000 euros, répartie en parts égales entre les enfants issus d'une même union.
« Les modalités d'application du présent article, et notamment le délai imparti pour exercer l'option ainsi que l'échéancier des versements prenant en compte l'âge des bénéficiaires, sont fixés par décret en Conseil d'Etat.
« II. ― Les indemnités en capital versées en application du I sont insaisissables et ne présentent pas le caractère de revenus pour l'assiette des impôts et taxes recouvrés au profit de l'Etat ou des collectivités publiques » ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la loi du 23 février 2005 susvisée qui modifie les conditions d'attribution aux rapatriés des aides spécifiques au logement : « I. ― Aux articles 7, 8 et 9 de la loi n° 94-488 du 11 juin 1994 relative aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie, la date : "31 décembre 2004” est remplacée par la date : "31 décembre 2009”.
« II. ― Le deuxième alinéa de l'article 7 de la même loi est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Cette aide est attribuée aux personnes précitées destinées à devenir propriétaires en nom personnel ou en indivision avec leurs enfants à condition qu'elles cohabitent avec ces derniers dans le bien ainsi acquis.
« Elle est cumulable avec toute autre forme d'aide prévue par le code de la construction et de l'habitation.
« III. ― Au premier alinéa de l'article 9 de la même loi, les mots : "réalisée avant le 1er janvier 1994” sont remplacés par les mots : "réalisée antérieurement au 1er janvier 2005” ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article 9 de la même loi du 23 février 2005 : « Par dérogation aux conditions fixées pour bénéficier de l'allocation de reconnaissance et des aides spécifiques au logement mentionnées aux articles 6 et 7, le ministre chargé des rapatriés accorde le bénéfice de ces aides aux anciens harkis et membres des formations supplétives ayant servi en Algérie ou à leurs veuves, rapatriés, âgés de soixante ans et plus, qui peuvent justifier d'un domicile continu en France ou dans un autre Etat membre de la Communauté européenne depuis le 10 janvier 1973 et qui ont acquis la nationalité française avant le 1er janvier 1995.
« Cette demande de dérogation est présentée dans le délai d'un an suivant la publication du décret d'application du présent article » ;
8. Considérant que, selon le requérant, ces dispositions, qui subordonnent l'attribution des allocations et rentes de reconnaissance et aides spécifiques au logement précitées à des conditions de résidence et de nationalité, portent atteinte au principe d'égalité garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
9. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
10. Considérant qu'en instituant les allocations et rentes de reconnaissance et aides spécifiques au logement précitées en faveur des anciens harkis et membres des formations supplétives ayant servi en Algérie et qui ont fixé leur domicile en France ou dans un autre Etat de l'Union européenne, le législateur a décidé de tenir compte des charges entraînées par leur départ d'Algérie et leur réinstallation dans un Etat de l'Union européenne ; que, pour ce faire, il a pu, sans méconnaître le principe d'égalité, instituer un critère de résidence en lien direct avec l'objet de la loi ; qu'en revanche, il ne pouvait, sans méconnaître ce même principe, établir, au regard de l'objet de la loi, de différence selon la nationalité ; qu'en conséquence, doivent être déclarés contraires aux droits et libertés que la Constitution garantit :
― dans le premier alinéa de l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987 susvisée, les mots : « qui ont conservé la nationalité française en application de l'article 2 de l'ordonnance n° 62-825 du 21 juillet 1962 relative à certaines dispositions concernant la nationalité française, prises en application de la loi n° 62-421 du 13 avril 1962 et » ;
― dans l'avant-dernier alinéa du même article, les mots : « ont la nationalité française et qu'ils » ;
― dans le dernier alinéa de l'article 2 de la loi du 11 juin 1994 susvisée, les mots : « possèdent la nationalité française et » ;
― dans le paragraphe I bis de l'article 47 de la loi du 30 décembre 1999 susvisée, les mots : « et remplissant les conditions de nationalité telles que définies à l'article 9 de la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987 relative au règlement de l'indemnisation des rapatriés » ;
― dans le sixième alinéa de l'article 6 de la loi du 23 février 2005 susvisée, les mots : « possèdent la nationalité française et » ;
― dans le septième alinéa du même article, les mots : « de nationalité française et » ;
― dans l'article 9 de la même loi, les mots : « et qui ont acquis la nationalité française avant le 1er janvier 1995 » ;
11. Considérant que les autres dispositions contestées ne sont contraires ni au principe d'égalité ni à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ;
12. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ; que la présente déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la publication de la présente décision ; qu'elle peut être invoquée dans les instances en cours à cette date et dont l'issue dépend de l'application des dispositions déclarées inconstitutionnelles,
Décide :

ARTICLE 1

Sont déclarées contraires à la Constitution les dispositions suivantes :
― dans le premier alinéa de l'article 9 de la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987 relative au règlement de l'indemnisation des rapatriés, les mots : « qui ont conservé la nationalité française en application de l'article 2 de l'ordonnance n° 62-825 du 21 juillet 1962 relative à certaines dispositions concernant la nationalité française, prises en application de la loi n° 62-421 du 13 avril 1962 et » ;
― dans l'avant-dernier alinéa du même article, les mots : « ont la nationalité française et qu'ils » ;
― dans le dernier alinéa de l'article 2 de la loi n° 94-488 du 11 juin 1994 relative aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie, les mots : « possèdent la nationalité française et » ;
― dans le paragraphe I bis de l'article 47 de la loi n° 99-1173 du 30 décembre 1999 de finances rectificative pour 1999, les mots : « et remplissant les conditions de nationalité telles que définies à l'article 9 de la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987 relative au règlement de l'indemnisation des rapatriés » ;
― dans le sixième alinéa de l'article 6 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, les mots : « possèdent la nationalité française et » ;
― dans le septième alinéa du même article, les mots : « de nationalité française et » ;
― et, dans l'article 9 de la même loi, les mots : «et qui ont acquis la nationalité française avant le 1er janvier 1995».

ARTICLE 2

Cette déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées par son considérant 12.

ARTICLE 3

Sont déclarées conformes à la Constitution les dispositions suivantes :
― les autres dispositions de l'article 9 de la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987 relative au règlement de l'indemnisation des rapatriés ;
― les autres dispositions de l'article 2 de la loi n° 94-488 du 11 juin 1994 relative aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie ;
― les autres dispositions de l'article 47 de la loi n° 99-1173 du 30 décembre 1999 de finances rectificative pour 1999 ;
― l'article 67 de la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002 ;
― les autres dispositions des articles 6, 7 et 9 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés.

ARTICLE 4

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 3 février 2011, où siégeaient M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-96 QPC du 4 février 2011

Le droit de propriété en Guadeloupe tient de la reconnaissance de l'Etat

Le Conseil constitutionnel a été saisi par la Cour de cassation le 30 novembre 2010 (décision n° 1522 du 30 novembre 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Jean-Louis de L., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 5112-3 du code général de la propriété des personnes publiques.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;
Vu l'édit de Saint-Germain-en-Laye de décembre 1674 ;
Vu le décret des 22 novembre et 1er décembre 1790 relatif aux domaines nationaux, aux échanges et concessions et aux apanages ;
Vu l'ordonnance du 9 février 1827 concernant les gouvernements de la Martinique, de la Guadeloupe et de ses dépendances, notamment le paragraphe 5 de son article 34 ;
Vu le décret du 21 mars 1882 supprimant l'inaliénabilité des 50 pas géométriques à la Guadeloupe, rendu applicable à la Martinique par le décret du 4 juin 1887 ;
Vu le décret du 23 avril 1946 modifiant, à la Martinique, la législation domaniale en ce qui concerne la réserve dite des 50 pas géométriques ;
Vu le décret n° 55-885 du 30 juin 1955 relatif à l'introduction dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane française, de la Martinique et de la Réunion de la législation et de la réglementation métropolitaines concernant le domaine public maritime et l'exécution des travaux mixtes, et modifiant le statut de la zone dite « des cinquante pas géométriques » existant dans ces départements ;
Vu la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral ;
Vu la loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas géométriques dans les départements d'outre-mer ;
Vu les arrêts de la Cour de cassation n° 60-11713 et n° 62-12731 du 2 février 1965 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 21 décembre 2010 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 22 décembre 2010 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Jean-Pierre Chevallier pour le requérant et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 25 janvier 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 5112-3 du code général de la propriété des personnes publiques : « Les droits des tiers détenteurs de titres qui n'ont pas été examinés par la commission prévue par les dispositions de l'article 10 du décret n° 55-885 du 30 juin 1955 sont appréciés dans les conditions particulières suivantes.
« La commission départementale de vérification des titres, créée dans chacun des départements de la Guadeloupe et de la Martinique par le I de l'article 1er de la loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996, apprécie la validité de tous les titres antérieurs à l'entrée en vigueur de ce décret, établissant les droits de propriété, réels ou de jouissance sur les terrains précédemment situés sur le domaine de la zone des cinquante pas géométriques dont la détention par la personne privée requérante n'était contrariée par aucun fait de possession d'un tiers à la date du 1er janvier 1995.
« Sous peine de forclusion, seuls les titres présentés dans un délai de deux ans à compter de la constitution de la commission départementale de vérification des titres sont examinés.
« Les personnes privées qui ont présenté un titre ne peuvent déposer une demande de cession à titre onéreux pour les mêmes terrains, dans les conditions fixées aux articles L. 5112-5 et L. 5112-6 tant que la commission n'a pas statué sur la validation de ce titre.
« Les personnes privées qui ont déposé un dossier de demande de cession à titre onéreux dans les conditions fixées aux articles L. 5112-5 et L. 5112-6 ne peuvent saisir la commission en vue de la validation d'un titre portant sur les mêmes terrains tant que la demande de cession n'a pas fait l'objet d'une décision de l'Etat » ;
2. Considérant que le requérant fait valoir que, compte tenu de la jurisprudence de la Cour de cassation, la commission départementale de vérification des titres ne peut valider que les titres de propriété délivrés à l'origine par l'Etat ; qu'il soutient que la disposition ainsi interprétée est contraire au droit de propriété, au principe d'égalité et à la sécurité juridique ;
3. Considérant qu'il ressort des arrêts de la Cour de cassation du 2 février 1965, confirmés depuis lors, que la validité d'un titre de propriété portant sur un terrain situé dans la zone des cinquante pas géométriques est subordonnée à la condition que ce titre ait été délivré par l'Etat, qui seul a pu procéder à la cession à un tiers d'un terrain en faisant partie ;
4. Considérant qu'en posant une question prioritaire de constitutionnalité tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation jurisprudentielle constante confère à cette disposition ;
5. Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; que son article 17 proclame : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ;
6. Considérant qu'il ressort de l'édit de Saint-Germain-en-Laye de décembre 1674, du décret des 22 novembre et 1er décembre 1790, de l'ordonnance du 9 février 1827, ainsi que des décrets du 21 mars 1882 et du 4 juin 1887, susvisés, qu'à l'exception de « ventes particulières » faites antérieurement à l'édit de 1674 qui les a validées, les terrains situés dans la zone des cinquante pas géométriques en Guadeloupe et en Martinique n'ont pu être aliénés que par l'Etat ; qu'en conséquence, sous réserve des droits résultant d'une telle cession ou validation par l'Etat, aucun droit de propriété sur ces terrains n'a pu être valablement constitué au profit de tiers ; qu'il s'ensuit que doit être écarté le grief tiré de ce que la disposition contestée, en vertu de laquelle les seuls titres opposables à l'Etat antérieurs à l'entrée en vigueur du décret du 30 juin 1955 sont ceux délivrés ou validés par lui, serait contraire au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ; qu'il en est de même des griefs tirés de la violation de la garantie des droits proclamée par son article 16 et du principe d'égalité devant la loi ;
7. Considérant que l'article L. 5112-3 du code général de la propriété des personnes publiques n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

L'article L. 5112-3 du code général de la propriété des personnes publiques est conforme à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 3 février 2011, où siégeaient : M. Jacques BARROT, exerçant les fonctions de président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-97 QPC du 4 février 2011 (SOCIÉTÉ LAVAL DISTRIBUTION)

L'inégalité des entreprises devant les taxes sur l'électricité est inconstitutionnel

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 7 décembre 2010 par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 1259 du 7 décembre 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la société LAVAL DISTRIBUTION relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 2333-5 du code général des collectivités territoriales.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l'électricité ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la société LAVAL DISTRIBUTION par Me Robert Alberti, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 28 décembre 2010 et 17 janvier 2011 ;
Vu les observations produites pour le syndicat départemental de l'électricité et du gaz de la Mayenne par Me Karine Cochard, avocat au barreau de Laval, le 17 janvier 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 29 décembre 2010 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Robert Alberti pour la société requérante et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 25 janvier 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2333-5 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction antérieure à la loi du 7 décembre 2010 susvisée : « Par dérogation aux dispositions des articles L. 2333-2, L. 2333-3 et L. 2333-4, dans les communes où des conventions ont été passées, avant le 5 décembre 1984, avec des entreprises fournies en courant à moyenne ou haute tension, ces conventions restent en vigueur dès lors que la fourniture de courant est faite sous une puissance souscrite supérieure à 250 kVA » ;
2. Considérant que, selon la société requérante, ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité devant les charges publiques ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; qu'en particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;
4. Considérant que l'article L. 2333-3 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction antérieure à la loi du 7 décembre 2010 susvisée, exonère du paiement de la taxe sur les fournitures d'électricité sous faible ou moyenne tension les consommateurs finaux ayant souscrit une puissance supérieure à 250 kVA ; qu'ainsi le législateur a entendu favoriser le développement des usages industriels de l'électricité et mettre un terme aux difficultés suscitées par la détermination conventionnelle et forfaitaire des consommations taxables des abonnés alimentés en haute et moyenne tension ; que, toutefois, selon les dispositions contestées, les entreprises qui disposent d'une puissance souscrite supérieure à 250 kVA ne peuvent bénéficier de cette exonération lorsqu'elles ont conclu avec une commune une convention de fourniture d'électricité avant le 5 décembre 1984 ; que la différence de traitement instituée entre les entreprises fournies en courant sous une puissance supérieure à 250 kVA selon qu'elles sont ou ne sont pas signataires d'une telle convention ne repose pas sur des critères objectifs et rationnels définis en fonction des buts que le législateur s'est assignés ; que cette différence est constitutive d'une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ; qu'il s'ensuit que l'article L. 2333-5 du code susvisé doit être déclaré contraire à la Constitution ;
5. Considérant que la déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la publication de la présente décision ; qu'elle peut être invoquée dans les instances en cours à cette date et dont l'issue dépend de l'application des dispositions déclarées inconstitutionnelles,
Décide :

ARTICLE 1

L'article L. 2333-5 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l'électricité, est déclaré contraire à la Constitution.

ARTICLE 2

Cette déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées par son considérant 5.

ARTICLE 3

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 3 février 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-98 QPC du 4 février 2011

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 14 décembre 2010 par la Cour de cassation (chambre sociale, arrêt n° 2559 du 14 décembre 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Jacques N., relative à la conformité du premier alinéa de l'article L. 1237-5 du code du travail aux droits et libertés que la Constitution garantit.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Lefrais-Renard-Dardy-Le Blanc, avocat au barreau de Saint-Brieuc, enregistrées les 5 et 18 janvier 2011 ;
Vu les observations produites pour la clinique La Ceriseraie SAS par la SCP Arcole Nail-Chas et associés, avocat au barreau de Tours, enregistrées les 5 et 18 janvier 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 5 janvier 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Jean-Marc Lefrais pour le requérant, Me Caroline Chalopin et Me Antoine Brillatz pour la clinique La Cerisaie et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 25 janvier 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 1237-5 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 décembre 2008 susvisée : « La mise à la retraite s'entend de la possibilité donnée à l'employeur de rompre le contrat de travail d'un salarié ayant atteint l'âge mentionné au 1° de l'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale » ;
2. Considérant que, selon le requérant, la possibilité de mettre d'office à la retraite un salarié ayant atteint l'âge de soixante-cinq ans porte atteinte au droit d'obtenir un emploi et constitue une discrimination en fonction de l'âge qui méconnaît le principe d'égalité devant la loi ;
3. Considérant, d'une part, qu'aux termes du cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi. Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances » ; qu'il incombe au législateur, compétent en vertu de l'article 34 de la Constitution pour déterminer les principes fondamentaux du droit du travail, de poser des règles propres à assurer, conformément aux dispositions du Préambule de 1946, le droit pour chacun d'obtenir un emploi tout en permettant l'exercice de ce droit par le plus grand nombre ;
4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi... doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
5. Considérant qu'en fixant une règle générale selon laquelle, en principe, l'employeur peut mettre à la retraite tout salarié ayant atteint l'âge ouvrant droit au bénéfice d'une pension de retraite à taux plein, le législateur n'a fait qu'exercer la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution pour mettre en œuvre le droit pour chacun d'obtenir un emploi tout en permettant l'exercice de ce droit par le plus grand nombre ; qu'il s'est fondé sur des critères objectifs et rationnels en lien direct avec l'objet de la loi ; que, dès lors, il n'a méconnu ni le cinquième alinéa du Préambule de 1946 ni le principe d'égalité devant la loi ;
6. Considérant que la disposition contestée n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

Le premier alinéa de l'article L. 1237-5 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 décembre 2008 susvisée, est conforme à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 3 février 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

DECISIONS DU 11 FEVRIER 2011

Décision n° 2011-99 QPC du 11 février 2011

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 14 décembre 2010 par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 1323 du 14 décembre 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Laurence N., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 885 V bis du code général des impôts.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 5 janvier 2011 ;
Vu les observations produites pour la requérante par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 19 janvier 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Cédric Uzan-Sarano pour la requérante et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 1er février 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 885 V bis du code général des impôts : « L'impôt de solidarité sur la fortune du redevable ayant son domicile fiscal en France est réduit de la différence entre, d'une part, le total de cet impôt et des impôts dus en France et à l'étranger au titre des revenus et produits de l'année précédente, calculés avant imputation des crédits d'impôt et des retenues non libératoires, et, d'autre part, 85 % du total des revenus nets de frais professionnels de l'année précédente après déduction des seuls déficits catégoriels dont l'imputation est autorisée par l'article 156, ainsi que des revenus exonérés d'impôt sur le revenu réalisés au cours de la même année en France ou hors de France et des produits soumis à un prélèvement libératoire. Cette réduction ne peut excéder une somme égale à 50 % du montant de cotisation résultant de l'application de l'article 885 V ou, s'il est supérieur, le montant de l'impôt correspondant à un patrimoine taxable égal à la limite supérieure de la troisième tranche du tarif fixé à l'article 885 U.
« Les plus-values sont déterminées sans considération des seuils, réductions et abattements prévus par le présent code.
« Pour l'application du premier alinéa, lorsque l'impôt sur le revenu a frappé des revenus de personnes dont les biens n'entrent pas dans l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune du redevable, il est réduit suivant le pourcentage du revenu de ces personnes par rapport au revenu total » ;
2. Considérant que, selon la requérante, les dispositions de cet article qui limitent la réduction de l'impôt de solidarité sur la fortune résultant de l'application du plafonnement à 85 % du total des revenus nets du contribuable méconnaissent le principe d'égalité devant les charges publiques ainsi que le droit de propriété ;
3. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur la dernière phrase du premier alinéa de l'article 885 V bis du code général des impôts ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; que cette exigence ne serait pas respectée si l'impôt revêtait un caractère confiscatoire ou faisait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives ; qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives ; qu'en particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;
5. Considérant que l'impôt de solidarité sur la fortune ne figure pas au nombre des impositions sur le revenu ; qu'en instituant un tel impôt le législateur a entendu frapper la capacité contributive que confère la détention d'un ensemble de biens et de droits ; que la prise en compte de cette capacité contributive n'implique pas que seuls les biens productifs de revenus entrent dans l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune ; qu'en limitant, par la disposition contestée, l'avantage tiré par les détenteurs des patrimoines les plus importants du plafonnement de cet impôt par rapport aux revenus du contribuable, le législateur a entendu faire obstacle à ce que ces contribuables n'aménagent leur situation en privilégiant la détention de biens qui ne procurent aucun revenu imposable ; qu'il a fondé son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les facultés contributives de ces contribuables ; que cette appréciation n'entraîne pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ; que, dès lors, le grief tiré de la méconnaissance de l'article 13 de la Déclaration de 1789 doit être écarté ;
6. Considérant que les dispositions contestées ne portent pas davantage atteinte au droit de propriété ; qu'elles ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

La dernière phrase du premier alinéa de l'article 885 V bis du code général des impôts est conforme à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 10 février 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-100 QPC du 11 février 2011

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 14 décembre 2010 par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 1322 du 14 décembre 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Alban Salim B., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article unique de la loi n° 96-1077 du 11 décembre 1996 relative au contrat de concession du Stade de France à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi n° 96-1077 du 11 décembre 1996 relative au contrat de concession du Stade de France à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par Me Roland Lienhardt, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 5 et 20 janvier 2011 ;
Vu les observations produites pour la SA Consortium Stade de France et la SARL SDF Prod, par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées les 5 et 19 janvier 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées les 5 et 20 janvier 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Lienhardt pour le requérant, Me François-Henri Briard pour les défendeurs et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 1er février 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article unique de la loi du 11 décembre 1996 susvisée : « Sans préjudice des droits éventuels à l'indemnisation des tiers, est validé le contrat de concession conclu le 29 avril 1995, en application de la loi n° 93-1435 du 31 décembre 1993 relative à la réalisation d'un grand stade à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) en vue de la Coupe du monde de football de 1998, entre l'Etat et la société Consortium Grand Stade SA (nouvellement dénommée Consortium Stade de France) pour le financement, la conception, la construction, l'entretien et l'exploitation du grand stade (dénommé Stade de France) à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), équipement sportif d'intérêt national » ;
2. Considérant que le requérant fait grief à cette disposition de porter atteinte aux principes constitutionnels de la séparation des pouvoirs et du droit à un recours effectif ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ;
4. Considérant que, si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif ou de droit privé, c'est à la condition de poursuivre un but d'intérêt général suffisant et de respecter tant les décisions de justice ayant force de chose jugée que le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions ; qu'en outre l'acte modifié ou validé ne doit méconnaître aucune règle ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le but d'intérêt général visé soit lui-même de valeur constitutionnelle ; qu'enfin la portée de la modification ou de la validation doit être strictement définie ;
5. Considérant qu'en s'abstenant d'indiquer le motif précis d'illégalité dont il entendait purger l'acte contesté, le législateur a méconnu le principe de la séparation des pouvoirs et le droit à un recours juridictionnel effectif, qui découlent de l'article 16 de la Déclaration de 1789 ; qu'il y a lieu, par suite, de déclarer l'article unique de la loi du 11 décembre 1996 susvisée contraire à la Constitution ; qu'en application de l'article 62 de la Constitution cette disposition est abrogée à compter de la publication de la présente décision au Journal officiel de la République française,
Décide :

ARTICLE 1

L'article unique de la loi n° 96-1077 du 11 décembre 1996 relative au contrat de concession du Stade de France à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) est contraire à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 10 février 2011, où siégeaient : MM. Jean-Louis DEBRÉ, président, Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-101 QPC du 11 février 2011

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 16 décembre 2010 par la Cour de cassation (deuxième chambre civile, arrêt n° 2339 du 16 décembre 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Monique B., épouse P., et M. Marcel P., agissant en qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de Mme P., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du premier alinéa de l'article L. 243-5 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007, ainsi que de son sixième alinéa, dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;
Vu la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 ;
Vu les arrêts de la Cour de cassation n° 08-13459 et n° 08-10470 du 12 février 2009 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour les requérants par la SCP Gatineau - Fattaccini, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 6 janvier 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 7 janvier 2011 ;
Vu les observations produites pour la Caisse autonome de retraite des médecins de France par Me Dominique Foussard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées les 7 et 24 janvier 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Carole Fattaccini pour les requérants, Me Foussard pour la Caisse autonome de retraite des médecins de France et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 1er février 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 243-5 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l'article 39 de la loi du 21 décembre 2006 susvisée : « Dès lors qu'elles dépassent un montant fixé par décret, les créances privilégiées en application du premier alinéa de l'article L. 243-4, dues par un commerçant, un artisan ou une personne morale de droit privé même non commerçante, doivent être inscrites à un registre public tenu au greffe du tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance dans le délai de six mois suivant leur date limite de paiement ou, le cas échéant, la date de notification de l'avertissement ou de la mise en demeure prévus à l'article L. 244-2, lorsque la créance est constatée lors d'un contrôle organisé en application des dispositions de l'article L. 243-7. Le montant mentionné au présent alinéa est fixé en fonction de la catégorie à laquelle appartient le cotisant et de l'effectif de son entreprise » ;
2. Considérant qu'aux termes du sixième alinéa du même article, dans sa rédaction issue de l'article 165 de la loi du 26 juillet 2005 susvisée : « En cas de procédure de sauvegarde ou de redressement ou de liquidation judiciaires, les pénalités, majorations de retard et frais de poursuites dus par le redevable à la date du jugement d'ouverture sont remis » ;
3. Considérant que les requérants font valoir que ces dispositions n'incluent pas les membres des professions libérales exerçant à titre individuel dans le champ d'application de la remise de plein droit prévue par le sixième alinéa de l'article L. 243-5 précité, alors que les procédures collectives ont été rendues applicables aux professions libérales par la loi du 26 juillet 2005 susvisée ; qu'ainsi ces dispositions porteraient atteinte au principe d'égalité devant la loi garanti par les articles 1er et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789 : « La loi... doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
5. Considérant qu'en étendant l'application des procédures collectives à l'ensemble des membres des professions libérales par la loi du 26 juillet 2005 susvisée le législateur a entendu leur permettre de bénéficier d'un régime de traitement des dettes en cas de difficultés financières ; que, par suite, les dispositions précitées des premier et sixième alinéas de l'article L. 243-5 ne sauraient, sans méconnaître le principe d'égalité devant la loi, être interprétées comme excluant les membres des professions libérales exerçant à titre individuel du bénéfice de la remise de plein droit des pénalités, majorations de retard et frais de poursuites dus aux organismes de sécurité sociale ;
6. Considérant que, sous la réserve énoncée au considérant précédent, les dispositions contestées ne sont contraires ni au principe d'égalité devant la loi ni à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

Sous la réserve énoncée au considérant 5, sont conformes à la Constitution :
― le premier alinéa de l'article L. 243-5 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 ;
― le sixième alinéa du même article, dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 10 février 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-102 QPC du 11 février 2011

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 17 décembre 2010 par le Conseil d'Etat (décision n° 343752 du 17 décembre 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Pierre L., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 1er de la loi n° 2001-43 du 16 janvier 2001 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des transports.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le règlement n° 2913/92/CEE du Conseil du 12 octobre 1992 établissant le code des douanes communautaires ;
Vu la loi n° 2001-43 du 16 janvier 2001 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des transports, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2000-440 DC du 10 janvier 2001 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par Me Patrick de Fontbressin, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 9 et 24 janvier 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 10 janvier 2011 ;
Vu les observations en intervention produites pour la Chambre nationale des courtiers maritimes de France par Me Laurent Pettiti, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 27 janvier 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me de Fontbressin pour le requérant, Me Pettiti pour la Chambre nationale des courtiers maritimes de France et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 1er février 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que le paragraphe I de l'article 1er de la loi du 16 janvier 2001 susvisée a abrogé l'article L. 131-2 du code de commerce, en vertu duquel les courtiers interprètes et conducteurs de navires ont « seuls le droit de traduire, en cas de contestations portées devant les tribunaux, les déclarations, chartes-parties, connaissements, contrats et tous actes de commerce dont la traduction serait nécessaire » et « servent seuls de truchement » dans les affaires contentieuses de commerce et pour le service des douanes, « à tous étrangers, maîtres de navires, marchands, équipages de vaisseau et autres personnes de mer » ; qu'aux termes du paragraphe II de cet article : « Le courtage d'affrètement, la constatation du cours du fret ou du nolis, les formalités liées à la conduite en douane, la traduction des déclarations, des chartes-parties, des connaissements, des contrats et de tous actes de commerce, lorsqu'ils concernent les navires, sont effectués librement par l'armateur ou son représentant qui peut être le capitaine » ;
2. Considérant que, selon le requérant, cette disposition porte atteinte à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ;
4. Considérant qu'il est à tout moment loisible au législateur statuant dans le domaine de sa compétence de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions ; que, ce faisant, il ne saurait toutefois priver de garanties légales des exigences constitutionnelles ; qu'en particulier il méconnaîtrait la garantie des droits proclamés par l'article 16 de la Déclaration de 1789 s'il portait aux situations légalement acquises une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt général suffisant ;
5. Considérant que, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2000-440 DC du 10 janvier 2001 susvisée, la suppression du privilège professionnel dont jouissaient les courtiers interprètes et conducteurs de navire répondait à un but d'intérêt général résultant de la volonté du législateur de mettre le droit national en conformité avec le règlement du Conseil du 12 octobre 1992 susvisé ; que cette suppression tendait également à favoriser la libre concurrence et la liberté d'entreprendre ; que le législateur, quelle que soit la portée de ce règlement, n'a pas affecté une situation légalement acquise dans des conditions contraires à la garantie des droits proclamée par l'article 16 de la Déclaration de 1789 ;
6. Considérant que la disposition contestée n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

L'article 1er de la loi n° 2001-43 du 16 janvier 2001 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des transports est conforme à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 10 février 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

DECISIONS DU 18 MARS 2011

Décision n° 2011-103 QPC du 17 mars 2011

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 17 décembre 2010 par le Conseil d'Etat (décision n° 341014 du 17 décembre 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la société SERAS II relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions du 1 de l'article 1729 du code général des impôts en tant qu'elles instituent une majoration de 40 % si la mauvaise foi du contribuable est établie.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code général des impôts ;
Vu la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 modifiant les procédures fiscales et douanières ;
Vu l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'harmonisation et l'aménagement du régime des pénalités, notamment son article 13 entré en vigueur le 1er janvier 2006 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la société requérante par Me Jean-Alain Blanc, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 7 janvier 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 10 janvier 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Jérôme Rousseau, avocat au barreau de Paris, pour la société requérante et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 8 février 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 1729 du code général des impôts dans sa rédaction en vigueur avant le 1er janvier 2006 : « Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie ou 80 % s'il s'est rendu coupable de manœuvres frauduleuses ou d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales » ;
2. Considérant que, selon la société requérante, cet article en tant qu'il prévoit une majoration du montant des droits de 40 % en cas de mauvaise foi du contribuable porte atteinte aux principes de nécessité, de proportionnalité et d'individualisation des peines, qui découlent de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
3. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte, dans le 1 de l'article 1729 du code général des impôts dans sa rédaction en vigueur avant le 1er janvier 2006, sur les mots : « de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie » ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée » ; que le principe d'individualisation des peines qui découle de cet article implique que la majoration des droits, lorsqu'elle constitue une sanction ayant le caractère d'une punition, ne puisse être appliquée que si l'administration, sous le contrôle du juge, l'a expressément prononcée en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce ; qu'il ne saurait toutefois interdire au législateur de fixer des règles assurant une répression effective des infractions ;
5. Considérant qu'en instituant, dans le recouvrement de l'impôt, une majoration fixe de 40 % du montant des droits en cas de mauvaise foi du contribuable, l'article 1729 du code général des impôts vise, pour assurer l'égalité devant les charges publiques, à améliorer la prévention et à renforcer la répression des insuffisances volontaires de déclaration de base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt ; que le même article prévoit une majoration de 80 % si le contribuable s'est rendu coupable de manœuvres frauduleuses ou d'abus de droit ;
6. Considérant que la disposition contestée institue une sanction financière dont la nature est directement liée à celle de l'infraction ; que la loi a elle-même assuré la modulation des peines en fonction de la gravité des comportements réprimés ; que le juge décide, dans chaque cas, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, soit de maintenir ou d'appliquer la majoration effectivement encourue au taux prévu par la loi, soit de ne laisser à la charge du contribuable que des intérêts de retard s'il estime que l'administration n'établit pas que ce dernier se serait rendu coupable de manœuvres frauduleuses ni qu'il aurait agi de mauvaise foi ; qu'il peut ainsi proportionner les pénalités selon la gravité des agissements commis par le contribuable ; que le taux de 40 % n'est pas manifestement disproportionné ;
7. Considérant, dès lors, que le grief tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la Déclaration de 1789 doit être rejeté ; que la disposition contestée n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide : Article 1

Dans le 1 de l'article 1729 du code général des impôts dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2006, les mots : « de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie » sont conformes à la Constitution.

Article 2


La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 17 mars 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

  Décision n° 2011-104 QPC du 17 mars 2011

(ÉPOUX B.)


Le Conseil constitutionnel a été saisi le 17 décembre 2010 par le Conseil d'Etat (décision n° 331113 du 17 décembre 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. et Mme Yves B. relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du dernier alinéa de l'article 1728 du code général des impôts en tant qu'il prévoit une majoration de 80 % en cas de découverte d'une activité occulte.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code général des impôts ;
Vu la loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 de finances pour 2000, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 99-424 DC du 29 décembre 1999 ;
Vu l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'harmonisation et l'aménagement du régime des pénalités, notamment son article 13 entré en vigueur le 1er janvier 2006 ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2005-520 DC du 22 juillet 2005 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour les requérants par la SCP Ortscheidt, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 5 janvier 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 11 janvier 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendu à l'audience publique du 8 février 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 1728 du code général des impôts dans sa rédaction en vigueur avant le 1er janvier 2006 :
« 1. Lorsqu'une personne physique ou morale ou une association tenue de souscrire une déclaration ou de présenter un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts s'abstient de souscrire cette déclaration ou de présenter cet acte dans les délais, le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 10 %.
« 2. Le décompte de l'intérêt de retard est arrêté soit au dernier jour du mois de la proposition de rectification, soit au dernier jour du mois au cours duquel la déclaration ou l'acte a été déposé.
« 3. La majoration visée au 1 est portée à :
« 40 % lorsque le document n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure notifiée par pli recommandé d'avoir à le produire dans ce délai ;
« 80 % lorsque le document n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une deuxième mise en demeure notifiée dans les mêmes formes que la première ;
« 80 % en cas de découverte d'une activité occulte » ;
2. Considérant que, selon les requérants, le dernier alinéa de l'article 1728 porte atteinte aux principes de nécessité, de proportionnalité et d'individualisation des peines, qui découlent de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
3. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le dernier alinéa de l'article 1728 du code général des impôts dans sa rédaction en vigueur avant le 1er janvier 2006 ;
4. Considérant que la disposition contestée a été introduite par l'article 103 de la loi du 30 décembre 1999 susvisée ; que, comme l'a jugé le Conseil constitutionnel dans les motifs de sa décision du 29 décembre 1999, cette disposition « ne porte atteinte à aucun principe, ni à aucune règle de valeur constitutionnelle » ; que, si le Conseil constitutionnel a précisé, dans sa décision du 22 juillet 2005, que le principe d'individualisation des peines découle de l'article 8 de la Déclaration de 1789, cette précision ne constitue pas un changement des circonstances de nature à imposer le réexamen du grief tiré de la méconnaissance de cet article 8 ; que, dès lors, le dernier alinéa de l'article 1728 du code général des impôts est conforme à la Constitution,
Décide :

Article 1

Le dernier alinéa de l'article 1728 du code général des impôts dans sa rédaction en vigueur avant le 1er janvier 2006 est conforme à la Constitution.

Article 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 17 mars 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

  Décision n° 2011-105/106 QPC du 17 mars 2011

(M. CÉSAR S. ET AUTRE)


Le Conseil constitutionnel a été saisi le 17 décembre 2010 par le Conseil d'Etat (décision n° 344316 du 17 décembre 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. César S. relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 1728 du code général des impôts dans sa rédaction issue de la loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 de finances pour 2000 en tant qu'il prévoit une majoration de 40 %.
Il a également été saisi par le Conseil d'Etat, le même jour (décision n° 336406 du 17 décembre 2010), d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Jacques B., relative à la même disposition dans sa rédaction issue de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 modifiant les procédures fiscales et douanières.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code général des impôts ;
Vu la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 modifiant les procédures fiscales et douanières ;
Vu loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 de finances pour 2000, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 99-424 DC du 29 décembre 1999 ;
Vu l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'harmonisation et l'aménagement du régime des pénalités, notamment son article 13 entré en vigueur le 1er janvier 2006 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour M. S. par Me Stanislas Lhéritier, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 11 et 26 janvier 2011 ;
Vu les observations produites pour M. B. par la SCP Ortscheidt, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 5 janvier 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 11 janvier 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes aux dossiers ;
Me Lhéritier pour M. S. et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 8 février 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'il y a lieu de joindre ces deux questions prioritaires de constitutionnalité pour statuer par une seule décision ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 1728 du code général des impôts dans sa rédaction en vigueur avant le 1er janvier 2006 :
« 1. Lorsqu'une personne physique ou morale ou une association tenue de souscrire une déclaration ou de présenter un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts s'abstient de souscrire cette déclaration ou de présenter cet acte dans les délais, le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 10 %.
« 2. Le décompte de l'intérêt de retard est arrêté soit au dernier jour du mois de la proposition de rectification, soit au dernier jour du mois au cours duquel la déclaration ou l'acte a été déposé.
« 3. La majoration visée au 1 est portée à :
« 40 % lorsque le document n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure notifiée par pli recommandé d'avoir à le produire dans ce délai ;
« 80 % lorsque le document n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une deuxième mise en demeure notifiée dans les mêmes formes que la première ;
« 80 % en cas de découverte d'une activité occulte » ;
3. Considérant que, selon les requérants, cet article en tant qu'il prévoit une majoration du montant des droits de 40 % en cas de retard ou de défaut de dépôt du document requis par une mise en demeure porte atteinte aux principes de nécessité, de proportionnalité et d'individualisation des peines, qui découlent de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
4. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le deuxième alinéa du 3 de l'article 1728 du code général des impôts dans sa rédaction en vigueur avant le 1er janvier 2006 ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée » ; que le principe d'individualisation des peines qui découle de cet article implique que la majoration des droits, lorsqu'elle constitue une sanction ayant le caractère d'une punition, ne puisse être appliquée que si l'administration, sous le contrôle du juge, l'a expressément prononcée en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce ; qu'il ne saurait toutefois interdire au législateur de fixer des règles assurant une répression effective des infractions ;
6. Considérant qu'en instituant, dans le recouvrement de l'impôt, une majoration fixe de 40 % du montant des droits attachée au
comportement du contribuable, le deuxième alinéa du 3 de l'article 1728 du code général des impôts vise, pour assurer l'égalité devant les charges publiques, à améliorer la prévention et à renforcer la répression des défauts ou retards volontaires de déclaration de base d'imposition ou des éléments retenus pour la liquidation de l'impôt ; que le même article prévoit une majoration de 80 % lorsque le document demandé n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une deuxième mise en demeure notifiée dans les mêmes formes que la première ou en cas de découverte d'une activité occulte ;
7. Considérant que la disposition contestée institue une sanction financière dont la nature est directement liée à celle de l'infraction ; que la loi a elle-même assuré la modulation des peines en fonction de la gravité des comportements réprimés ; que le juge décide, dans chaque cas, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, soit de maintenir la majoration effectivement encourue au taux prévu par la loi, soit de lui substituer un autre taux parmi ceux prévus par les autres dispositions de l'article 1728 s'il l'estime légalement justifié, soit de ne laisser à la charge du contribuable que les intérêts de retard, s'il estime que ce dernier ne s'est pas abstenu de souscrire une déclaration ou de déposer un acte dans le délai légal ; qu'il peut ainsi proportionner les pénalités selon la gravité des agissements commis par le contribuable ; que le taux de 40 % n'est pas manifestement disproportionné ;
8. Considérant, dès lors, que le grief tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la Déclaration de 1789 doit être rejeté ; que la disposition contestée n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

Article 1 :

Le deuxième alinéa du 3 de l'article 1728 du code général des impôts dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2006 est conforme à la Constitution.

Article 2 :

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 17 mars 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-107 QPC du 17 mars 2011

(SYNDICAT MIXTE CHARGÉ DE LA GESTION DU CONTRAT URBAIN DE COHÉSION SOCIALE DE L'AGGLOMÉRATION DE PAPEETE)

Le Conseil constitutionnel a été saisi par le Conseil d'Etat le 17 décembre 2010 (décision n° 343800 du 17 décembre 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par le syndicat mixte chargé de la gestion du contrat urbain de cohésion sociale de l'agglomération de Papeete relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions du paragraphe II de l'article 8 de l'ordonnance n° 2007-1434 du 5 octobre 2007 portant extension des première, deuxième et cinquième parties du code général des collectivités territoriales aux communes de la Polynésie française, à leurs groupements et à leurs établissements publics, en tant que ces dispositions sont applicables aux arrêtés du maire par l'effet des trois premiers alinéas du paragraphe IV du même article .

Le Conseil constitutionnel,

Vu la Constitution ;

Vu l'
ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le
code général des collectivités territoriales ;

Vu la
loi n° 82-213 du 2 mars 1982 modifiée relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions ;

Vu l'
ordonnance n° 2007-1434 du 5 octobre 2007 portant extension des première, deuxième et cinquième parties du code général des collectivités territoriales aux communes de la Polynésie française, à leurs groupements et à leurs établissements publics, ensemble le paragraphe IV de l'article 66 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer ;

Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Vu les observations produites pour le syndicat requérant par la SELARL JURISPOL, avocat au barreau de Papeete, enregistrées les 23 décembre 2010 et 21 janvier 2011 ;

Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 11 janvier 2011 ;

Vu les pièces produites et jointes au dossier ;

Me Alain Monod, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour le syndicat requérant et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 8 février 2011 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant qu'aux
termes du paragraphe II de l'article 8 de l'ordonnance du 5 octobre 2007 susvisée, applicable aux délibérations du conseil municipal des communes de la Polynésie française : « Sont nulles de plein droit :

« a) Les délibérations d'un conseil municipal portant sur un objet étranger à ses attributions ou prises hors de sa réunion légale ;

« b) Les délibérations prises en violation d'une loi ou d'un règlement d'administration publique.

« La nullité de droit est déclarée par arrêté motivé du haut-commissaire. Elle peut être prononcée par le haut-commissaire et proposée ou opposée par les parties intéressées, à toute époque » ;

2. Considérant que ces dispositions sont rendues applicables aux arrêtés du maire par l'effet des trois premiers alinéas du paragraphe IV du même article, aux termes desquels : « Les arrêtés pris par le maire sont soumis aux mêmes règles de publicité, de contrôle et d'approbation que celles qui sont applicables aux délibérations des conseils municipaux portant sur les mêmes matières. Ils sont déclarés nuls de droit dans les conditions prévues au II du présent article.

« Ils sont immédiatement adressés à l'autorité supérieure.

« Le haut-commissaire peut les annuler ou en suspendre l'exécution » ;

3. Considérant que le syndicat requérant fait grief à ces dispositions de permettre au haut-commissaire de la République d'annuler à tout moment les actes des communes de la Polynésie française ; qu'il estime que ce pouvoir d'annulation par une autorité administrative est contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales ;

4. Considérant que le troisième alinéa de l'article 72 de la Constitution, relatif aux collectivités territoriales de la République, dispose : « Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus et disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences » ; qu'aux termes de son dernier alinéa : « Dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l'Etat, représentant de chacun des membres du Gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois » ;

5. Considérant que le paragraphe II de l'article 8 de l'ordonnance du 5 octobre 2007 maintient provisoirement, pour les délibérations du conseil municipal des communes de la Polynésie française, le régime de contrôle administratif qui était applicable, avant l'entrée en vigueur de la
loi du 2 mars 1982 susvisée, aux délibérations du conseil municipal ; qu'en vertu du paragraphe III de l'article 7 de la même ordonnance, ce régime n'est maintenu que si les communes n'ont pas demandé à être soumises, par anticipation, au régime de contrôle de légalité institué par la loi du 2 mars 1982 ; qu'il prend fin le 31 décembre 2011 ; que, dans ces conditions, en tant qu'elles sont applicables aux délibérations du conseil municipal des communes de la Polynésie française, les dispositions contestées ne sont pas contraires à la libre administration des collectivités territoriales ; qu'en outre, elles ne portent atteinte à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ;

6. Considérant que les dispositions du paragraphe II, en tant qu'elles sont rendues applicables aux arrêtés du maire par le paragraphe IV, autorisent le haut-commissaire de la République à déclarer, à toute époque, nuls de droit les arrêtés du maire ; que, par la généralité des pouvoirs de contrôle ainsi conférés au représentant de l'Etat sur les actes du maire quelles que soient leur nature et leur portée, ces dispositions privent de garanties suffisantes l'exercice de la libre administration des communes de la Polynésie française ; que, par voie de conséquence, les trois premiers alinéas du paragraphe IV précités doivent être déclarés contraires à la Constitution ;

7. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'
article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ; que la présente déclaration d'inconstitutionnalité a pour conséquence de rendre opposables au représentant de l'Etat les voies et délais de droit commun applicables en matière de contentieux administratif pour les arrêtés du maire autres que ceux pour lesquels un pouvoir de substitution est prévu par la loi ; qu'elle prend effet à compter de la publication de la présente décision au Journal officiel de la République française et s'applique aux instances en cours,

Décide :

Article 1 :

Sont déclarés contraires à la Constitution les trois premiers alinéas du paragraphe IV de l'article 8 de l'ordonnance n° 2007-1434 du 5 octobre 2007 portant extension des première, deuxième et cinquième parties du code général des collectivités territoriales aux communes de la Polynésie française, à leurs groupements et à leurs établissements publics

Article 2 :

Le paragraphe II de l'article 8 de la même ordonnance est conforme à la Constitution.

Article 3 :

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 17 mars 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

DECISIONS DU 25 MARS 2011

Décision n° 2011-108 QPC du 25 mars 2011

 Le Conseil constitutionnel a été saisi le 30 décembre 2010 par le Conseil d'Etat (décision n° 343994 du 30 décembre 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Marie-Christine D. relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 43 du code des pensions civiles et militaires de retraite.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 25 janvier 2011 ;
Vu les observations produites pour la requérante par Me Jacques Morin, avocat au barreau de Lorient, enregistrées le 26 janvier 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendu à l'audience publique du 8 mars 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 43 du code des pensions civiles et militaires de retraite : « Lorsqu'il existe une pluralité d'ayants cause de lits différents, la pension définie à l'article L. 38 est divisée en parts égales entre les lits représentés par le conjoint survivant ou divorcé ayant droit à pension ou par un ou plusieurs orphelins âgés de moins de vingt et un ans. Les enfants naturels sont assimilés à des orphelins légitimes ; ceux nés de la même mère représentent un seul lit. S'il existe des enfants nés du conjoint survivant ou divorcé ayant droit à pension, chacun d'eux a droit à la pension de 10 % dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 40. En cas de pluralité d'orphelins âgés de moins de vingt et un ans d'un même lit non représenté par le conjoint survivant ou divorcé ayant droit à pension, il leur est fait application du deuxième alinéa de l'article L. 40.
« Si un lit cesse d'être représenté, sa part accroît celle du ou des autres lits. » ;
2. Considérant que la requérante fait grief à cette disposition de porter atteinte au principe d'égalité ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi (...) doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
4. Considérant que l'article L. 38 du code des pensions civiles et militaires de retraite dispose que le conjoint d'un fonctionnaire civil a droit à une pension de réversion égale à 50 % de la pension obtenue par le fonctionnaire ou qu'il aurait pu obtenir le jour de son décès ; que l'article L. 40 dispose que chaque orphelin a droit jusqu'à l'âge de vingt et un ans à une pension égale à 10 % ; que l'article L. 43 définit les droits à la pension de réversion en présence d'une pluralité d'ayants cause de lits différents ; qu'il prévoit, dans ce cas, la division de la pension définie à l'article L. 38 à parts égales entre les lits, que ceux-ci soient représentés par le conjoint survivant ou divorcé ayant droit à pension ou par un ou plusieurs orphelins âgés de moins de vingt et un ans ; que, dans le cas où deux lits au moins sont représentés par un ou plusieurs orphelins, la division à parts égales entre les lits quel que soit le nombre d'enfants qui en sont issus conduit à ce que la part de la pension due à chaque enfant soit fixée en fonction du nombre d'enfants issus de chaque lit ; que la différence de traitement qui en résulte entre les enfants de lits différents n'est pas justifiée au regard de l'objet de la loi qui vise à compenser, en cas de décès d'un fonctionnaire, la perte de revenus subie par chacun de ses ayants cause ; que, par suite, l'article L. 43 doit être déclaré contraire à la Constitution ;
5. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ; que si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration ;
6. Considérant que l'abrogation de l'article L. 43 du code des pensions civiles et militaires de retraite aura pour effet, en faisant disparaître l'inconstitutionnalité constatée, de supprimer les droits reconnus aux orphelins par cet article ; que le Conseil constitutionnel ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation de même nature que celui du Parlement ; que, par suite, il y a lieu de reporter au 1er janvier 2012 la date de l'abrogation de cet article afin de permettre au législateur d'apprécier les suites qu'il convient de donner à cette déclaration d'inconstitutionnalité,
Décide :

ARTICLE 1

L'article L. 43 du code des pensions civiles et militaires de retraite est contraire à la Constitution.

ARTICLE 2

La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet le 1er janvier 2012 dans les conditions fixées au considérant 6.

ARTICLE 3

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 24 mars 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-109 QPC du 25 mars 2011

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 30 décembre 2010 par le Conseil d'Etat (décision n° 341612 du 30 décembre 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par le département des Côtes-d'Armor relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 27 de la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat ;
Vu la loi n° 86-17 du 6 janvier 1986 adaptant la législation sanitaire et sociale aux transferts de compétences en matière d'aide sociale et de santé ;
Vu la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées les 25 janvier et 9 février 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 25 janvier 2011 ;
Vu les observations en intervention produites pour le département de la Haute-Garonne par la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 25 janvier 2011 ;
Vu les observations en intervention produites pour le département de Paris par Me Dominique Foussard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 7 février 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Jean Barthélemy pour le requérant, Me Frédéric Thiriez pour le département de la Haute-Garonne et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 8 mars 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 27 de la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 susvisée : « I. ― Il est créé un Fonds national de financement de la protection de l'enfance au sein de la Caisse nationale des allocations familiales. Son objet est de compenser les charges résultant pour les départements de la mise en œuvre de la présente loi selon des critères nationaux et des modalités fixés par décret et de favoriser des actions entrant dans le cadre de la réforme de la protection de l'enfance et définies par voie conventionnelle entre le fonds et ses bénéficiaires.
« II. ― Les ressources du fonds sont constituées par :
« ― un versement de la Caisse nationale des allocations familiales, dont le montant est arrêté en loi de financement de la sécurité sociale ;
« ― un versement annuel de l'Etat, dont le montant est arrêté en loi de finances.
« III. ― Le fonds est administré par un comité de gestion associant des représentants de la Caisse nationale des allocations familiales, des représentants des départements et de l'Etat, selon des modalités fixées par décret. Par une délibération annuelle, il se prononce sur l'opportunité de moduler les critères de répartition du fonds définis au I.
« IV. ― Par exception au II, le versement de la Caisse nationale des allocations familiales pour l'année 2007 est fixé à 30 millions d'euros » ;
2. Considérant que le département des Côtes-d'Armor soutient que cette disposition porte atteinte à la libre administration des collectivités territoriales et à leur autonomie financière en violation de l'article 72 de la Constitution et du quatrième alinéa de son article 72-2 ;
3. Considérant qu'en vertu de l'article 72 de la Constitution, les collectivités territoriales s'administrent librement par des conseils élus « dans les conditions prévues par la loi » ; qu'aux termes du quatrième alinéa de son article 72-2 : « Tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi » ;
4. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 121-1 du code de l'action sociale et des familles : « Le département définit et met en œuvre la politique d'action sociale, en tenant compte des compétences confiées par la loi à l'Etat, aux autres collectivités territoriales ainsi qu'aux organismes de sécurité sociale. Il coordonne les actions menées sur son territoire qui y concourent » ;
5. Considérant qu'en vertu de l'article L. 1423-1 du code de la santé publique, qui reprend les termes de l'article 37 de la loi du 22 juillet 1983 susvisée, le département est responsable de la protection sanitaire de la famille et de l'enfance ; qu'aux termes de l'article L. 147 du code de la santé publique dans sa version issue de l'article 39 de la même loi : « Les centres et consultations de protection maternelle et infantile, les activités de protection maternelle et infantile à domicile, la formation et l'agrément des assistantes maternelles relèvent de la compétence du département qui en assure l'organisation et le financement » ; que ces dispositions ont été reprises à l'article L. 2111-2 du code de la santé publique ;
6. Considérant qu'en adoptant la loi du 5 mars 2007 susvisée, le législateur a modifié les conditions d'exercice des missions des services de protection maternelle et infantile et d'aide sociale à l'enfance exercées par les départements depuis les lois du 22 juillet 1983 et du 6 janvier 1986 susvisées ; qu'il n'a pas élargi le champ de leurs bénéficiaires ; qu'il n'a pas créé une nouvelle prestation sociale ; qu'en particulier, l'établissement d'un bilan de santé pour les enfants âgés de trois à quatre ans, l'entretien psychosocial pour les femmes enceintes au cours de leur quatrième mois de grossesse ainsi que la mise en œuvre d'actions sociales et médico-sociales pour les parents en période postnatale, qui relevaient déjà des attributions de la protection maternelle et infantile, ne sauraient être regardés comme remettant en cause la nature ou l'objet de cette compétence ; qu'ainsi il n'a procédé ni à un transfert aux départements d'une compétence qui relevait de l'Etat ni à une création ou extension de compétences ; que, par suite, il n'a pas méconnu le quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution ; qu'il n'a pas davantage porté atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales ;
7. Considérant que la disposition contestée n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

L'article 27 de la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance est conforme à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 24 mars 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-110 QPC du 25 mars 2011

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 30 décembre 2010 par le Conseil d'Etat (décision n° 343682 du 30 décembre 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Jean-Pierre B. portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 134-6 du code de l'action sociale et des familles.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 25 janvier 2011 ;
Vu les observations produites par le requérant, enregistrées le 30 janvier 2011 ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendu lors de l'audience publique du 8 mars 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 134-6 du code de l'action sociale et des familles : « La commission départementale est présidée par le président du tribunal de grande instance du chef-lieu ou le magistrat désigné par lui pour le remplacer. Elle comprend, en outre :
« ― trois conseillers généraux élus par le conseil général ;
« ― trois fonctionnaires de l'Etat en activité ou à la retraite, désignés par le représentant de l'Etat dans le département.
« En cas d'égal partage des voix, le président a voix prépondérante.
« Un commissaire du Gouvernement désigné par le préfet prononce ses conclusions sur les affaires que lui confie le président. Il n'a pas voix délibérative.
« Les fonctions de rapporteur sont assurées par le secrétaire de la commission. Il peut lui être adjoint un ou plusieurs rapporteurs. Le secrétaire et les rapporteurs sont nommés par le président de la commission parmi les personnes figurant sur une liste établie conjointement par le président du conseil général et le préfet. Ils ont voix délibérative sur les affaires qu'ils rapportent.
« Le secrétaire, les rapporteurs et les commissaires du Gouvernement sont choisis parmi les fonctionnaires ou magistrats en activité ou à la retraite » ;
2. Considérant que, selon le requérant, ces dispositions méconnaissent la séparation des pouvoirs et la garantie des droits des justiciables ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que les principes d'indépendance et d'impartialité sont indissociables de l'exercice de fonctions juridictionnelles ;
4. Considérant que les commissions départementales d'aide sociale sont des juridictions administratives du premier degré, compétentes pour examiner les recours formés, en matière d'aide sociale, contre les décisions du président du conseil général ou du préfet ; que les deuxième et troisième alinéas de l'article L. 134-6 du code de l'action sociale et des familles prévoient que siègent dans cette juridiction trois conseillers généraux élus par le conseil général et trois fonctionnaires de l'Etat en activité ou à la retraite, désignés par le représentant de l'Etat dans le département ;
5. Considérant, d'une part, que ni l'article L. 134-6 ni aucune autre disposition législative applicable à la commission départementale d'aide sociale n'institue les garanties appropriées permettant de satisfaire au principe d'indépendance des fonctionnaires siégeant dans cette juridiction ; que ne sont pas davantage instituées les garanties d'impartialité faisant obstacle à ce que des fonctionnaires puissent siéger lorsque cette juridiction connaît de questions relevant des services à l'activité desquels ils ont participé ;
6. Considérant, d'autre part, que méconnaît également le principe d'impartialité la participation de membres de l'assemblée délibérante du département lorsque ce dernier est partie à l'instance ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les deuxième et troisième alinéas de l'article L. 134-6 du code de l'action sociale et des familles sont contraires à la Constitution ; que, par voie de conséquence, la dernière phrase du premier alinéa doit également être déclarée contraire à la Constitution ;
8. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ; que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration ;
9. Considérant, d'une part, que la déclaration d'inconstitutionnalité des deuxième et troisième alinéas de l'article L. 134-6 du code de l'action sociale et des familles prend effet à compter de la publication de la présente décision ; qu'à compter de cette date et sans préjudice de modifications ultérieures de cet article, les commissions départementales d'aide sociale siégeront dans la composition résultant de la présente déclaration d'inconstitutionnalité ; que, d'autre part, il y a lieu, en l'espèce, de prévoir que les décisions rendues antérieurement par ces commissions ne peuvent être remises en cause sur le fondement de cette inconstitutionnalité que si une partie l'a invoquée à l'encontre d'une décision n'ayant pas acquis un caractère définitif au jour de la publication de la présente décision ;
10. Considérant que le surplus de la disposition contestée n'est contraire à aucun droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

Sont contraires à la Constitution les deuxième et troisième alinéas de l'article L. 134-6 du code de l'action sociale et des familles ainsi que, par voie de conséquence, les mots : « Elle comprend, en outre : » à la fin du premier alinéa de cet article.

ARTICLE 2

La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées par son considérant 9.

ARTICLE 3

Le surplus de l'article L. 134-6 du même code est conforme à la Constitution.

ARTICLE 4

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 24 mars 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-111 QPC du 25 mars 2011

 Le Conseil constitutionnel a été saisi le 5 janvier 2011 par la Cour de cassation (chambre civile, arrêt n° 192 du 5 janvier 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Selamet B. relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 8223-1 du code du travail.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code du travail ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 27 janvier 2011 ;
Vu les observations produites pour la requérante par Me Jean-Claude Broutin, avocat au barreau d'Amiens, enregistrées les 27 janvier et 11 février 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Broutin pour la requérante et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 8 mars 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 8223-1 du code du travail : « En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire » ;
2. Considérant que, selon la requérante, ces dispositions instituent une sanction pécuniaire automatique et forfaitaire contraire au principe d'individualisation des peines ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée » ; qu'il s'ensuit que ces principes ne s'appliquent qu'aux peines et aux sanctions ayant le caractère d'une punition ;
4. Considérant que l'article L. 8223-1 du code du travail prévoit, en cas de licenciement d'un salarié dont le travail a été dissimulé, le versement d'une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire ; que cette indemnité a pour objet d'assurer une réparation minimale du préjudice subi par le salarié du fait de la dissimulation du travail, qui conduit, faute de versement de cotisations sociales, à une perte de droits ; que le caractère forfaitaire de l'indemnité est destiné à compenser la difficulté, pour ce salarié, de prouver le nombre d'heures de travail accompli ; que, dès lors, cette indemnité, qui est distincte des sanctions pénales prévues par les articles L. 8224-1 et suivants du code du travail, ne constitue pas une sanction ayant le caractère d'une punition au sens de l'article 8 de la Déclaration de 1789 ; qu'il s'ensuit que les griefs tirés de la violation de cette disposition sont inopérants ;
5. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

L'article L. 8223-1 du code du travail est conforme à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 24 mars 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

DECISIONS DU 1er AVRIL 2011

Décision n° 2011-112 QPC du 1er avril 2011

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 18 janvier 2011 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 334 du 12 janvier 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Marielle D. relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 618-1 du code de procédure pénale.
Le Conseil Constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la requérante par Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées les 9 et 24 février 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 9 février 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Patrice Spinosi pour la requérante et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 15 mars 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 618-1 du code de procédure pénale : « La cour condamne l'auteur de l'infraction à payer à la partie civile la somme qu'elle détermine, au titre des frais non payés par l'Etat et exposés par celle-ci. La cour tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Elle peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ;
2. Considérant que la requérante fait valoir que ces dispositions réservent à la seule partie civile, à l'exclusion de la personne poursuivie, la possibilité d'obtenir, devant la Cour de cassation, le remboursement des frais exposés à l'occasion d'un pourvoi ; qu'ainsi, elles porteraient atteinte au principe d'égalité devant la loi et la justice ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi est « la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que son article 16 dispose : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que, si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense, qui implique en particulier l'existence d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties ;
4. Considérant qu'aucune exigence constitutionnelle n'impose qu'une partie au procès puisse obtenir du perdant le remboursement des frais qu'elle a exposés en vue de l'instance ; que, toutefois, la faculté d'un tel remboursement affecte l'exercice du droit d'agir en justice ;
5. Considérant, d'une part, que si, selon les dispositions de l'article 800-2 du code de procédure pénale, toute juridiction prononçant un non-lieu, une relaxe ou un acquittement peut ordonner qu'une indemnité qu'elle détermine au titre des frais non payés par l'Etat et exposés par la personne poursuivie soit mise à la charge de la partie civile lorsque l'action a été mise en mouvement par cette dernière, la Cour de cassation a jugé que cette faculté, réservée à une juridiction de jugement ou de l'instruction, n'était pas applicable à la procédure du pourvoi en cassation ;
6. Considérant, d'autre part, que les dispositions contestées, propres à la Cour de cassation, ont pour effet de réserver à la seule partie civile la possibilité d'obtenir le remboursement des frais qu'elle a engagés dans le cas où la personne poursuivie est reconnue auteur de l'infraction ; qu'en revanche, elles privent, en toute circonstance, la personne dont la relaxe ou l'acquittement a acquis un caractère définitif de la faculté d'obtenir de la partie civile le remboursement de tels frais ;
7. Considérant que, dans ces conditions, les dispositions de l'article 618-1 du code de procédure pénale portent atteinte à l'équilibre entre les parties au procès pénal dans l'accès de la voie du recours en cassation ; que, par suite, elles sont contraires à la Constitution ;
8. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ; que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration ;
9. Considérant que l'abrogation de l'article 618-1 du code de procédure pénale aura pour effet, en faisant disparaître l'inconstitutionnalité constatée, de supprimer les droits reconnus à la partie civile par cet article ; que le Conseil constitutionnel ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation de même nature que celui du Parlement ; que, par suite, il y a lieu de reporter au 1er janvier 2012 la date de l'abrogation de cet article afin de permettre au législateur d'apprécier les suites qu'il convient de donner à cette déclaration d'inconstitutionnalité,
Décide :

ARTICLE 1

L'article 618-1 du code de procédure pénale est contraire à la Constitution.

ARTICLE 2

La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter du 1er janvier 2012 dans les conditions fixées au considérant 9 de la présente décision.

ARTICLE 3

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 31 mars 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ

Décision n° 2011-113/115 QPC du 1er avril 2011

 Le Conseil constitutionnel a été saisi le 21 janvier 2011 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 516 du 19 janvier 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Xavier P., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 353 et 357 du code de procédure pénale.
Il a également été saisi par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 515 du 19 janvier 2011), le 25 janvier 2011, dans les mêmes conditions, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Jean-Louis M. et portant sur les articles 349, 350, 353 et 357 du même code.
Le Conseil Constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu l'arrêt de la Cour de cassation, chambre criminelle, du 14 octobre 2009, n° 08-86480 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour Mme Annick B., Mme Nathalie B. agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de sa fille mineure Elisabeth B., Mme Sandrine M. agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentante légale de ses enfants mineurs Mickaël B. et Morgane B., M. Jacques M. et M. David Q., par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 8 février 2011 ;
Vu les observations produites pour M. Jean-Louis M. par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 17 février et le 1er mars 2011 ;
Vu les observations produites pour M. Xavier P. par la SCP Gadio et Chevalier, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 18 février et le 1er mars 2011 ;
Vu les observations produites pour Mme Jeanine W., épouse O., et MM. Roger, Jean-Pierre et Franck O. par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 18 février et le 1er mars 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 18 février 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Jean-Pierre Chevalier pour M. P., Me Claire Waquet pour M. M., Me Françoise Thouin-Palat pour les consorts B., M. et Q., Me Jean-Philippe Duhamel pour les consorts O. et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 15 mars 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que ces questions prioritaires de constitutionnalité portent sur les modes de délibération de la cour d'assises ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 349 du code de procédure pénale :
« Chaque question principale est posée ainsi qu'il suit : "L'accusé est-il coupable d'avoir commis tel fait ?”
« Une question est posée sur chaque fait spécifié dans le dispositif de la décision de mise en accusation.
« Chaque circonstance aggravante fait l'objet d'une question distincte.
« Il en est de même, lorsqu'elle est invoquée, de chaque cause légale d'exemption ou de diminution de la peine » ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 350 du même code : « S'il résulte des débats une ou plusieurs circonstances aggravantes, non mentionnées dans l'arrêt de renvoi, le président pose une ou plusieurs questions spéciales » ;
4. Considérant qu'aux termes de son article 353 : « Avant que la cour d'assises se retire, le président donne lecture de l'instruction suivante, qui est, en outre, affichée en gros caractères, dans le lieu le plus apparent de la chambre des délibérations :
« "La loi ne demande pas compte aux juges des moyens par lesquels ils se sont convaincus, elle ne leur prescrit pas de règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d'une preuve ; elle leur prescrit de s'interroger eux-mêmes dans le silence et le recueillement et de chercher, dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont faite, sur leur raison, les preuves rapportées contre l'accusé, et les moyens de sa défense. La loi ne leur fait que cette seule question, qui renferme toute la mesure de leurs devoirs : Avez-vous une intime conviction ?” »;
5. Considérant qu'aux termes de son article 357 : « Chacun des magistrats et des jurés reçoit, à cet effet, un bulletin ouvert, marqué du timbre de la cour d'assises et portant ces mots : "sur mon honneur et en ma conscience, ma déclaration est...”
« Il écrit à la suite ou fait écrire secrètement le mot "oui” ou le mot "non” sur une table disposée de manière que personne ne puisse voir le vote inscrit sur le bulletin. Il remet le bulletin écrit et fermé au président, qui le dépose dans une urne destinée à cet usage » ;
6. Considérant qu'il ressort de la jurisprudence constante de la Cour de cassation relative à ces articles que les arrêts de la cour d'assises statuant sur l'action publique ne comportent pas d'autres énonciations relatives à la culpabilité que celles qu'en leur intime conviction les magistrats et les jurés composant la cour d'assises ont données aux questions posées conformément au dispositif de la décision de renvoi et à celles soumises à la discussion des parties ;
7. Considérant que, selon les requérants, ces dispositions méconnaîtraient le principe d'égalité entre les personnes poursuivies devant les juridictions pénales, le respect des droits de la défense et l'obligation de motiver les décisions en matière répressive ;
8. Considérant, d'une part, qu'il est loisible au législateur, compétent pour fixer les règles de la procédure pénale en vertu de l'article 34 de la Constitution, de prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, à la condition que ces différences ne procèdent pas de discriminations injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense ;
9. Considérant, en premier lieu, que les personnes accusées de crime devant la cour d'assises sont dans une situation différente de celle des personnes qui sont poursuivies pour un délit ou une contravention devant le tribunal correctionnel ou le tribunal de police ; que, par suite, le législateur a pu, sans méconnaître le principe d'égalité, édicter pour le prononcé des arrêts de la cour d'assises des règles différentes de celles qui s'appliquent devant les autres juridictions pénales ;
10. Considérant, en second lieu, qu'il ressort de l'ensemble des dispositions du titre Ier du livre II du code de procédure pénale, relatives à la cour d'assises, que les droits de la défense de l'accusé sont assurés tout au long de la procédure suivie devant cette juridiction ; que les dispositions contestées ont pour seul objet de déterminer les modalités selon lesquelles la cour d'assises délibère ; qu'elles ne portent, en elles-mêmes, aucune atteinte aux droits de la défense garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
11. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des articles 7, 8 et 9 de la Déclaration de 1789 qu'il appartient au législateur, dans l'exercice de sa compétence, de fixer des règles de droit pénal et de procédure pénale de nature à exclure l'arbitraire dans la recherche des auteurs d'infractions, le jugement des personnes poursuivies ainsi que dans le prononcé et l'exécution des peines ; que l'obligation de motiver les jugements et arrêts de condamnation constitue une garantie légale de cette exigence constitutionnelle ; que, si la Constitution ne confère pas à cette obligation un caractère général et absolu, l'absence de motivation en la forme ne peut trouver de justification qu'à la condition que soient instituées par la loi des garanties propres à exclure l'arbitraire ;
12. Considérant, en premier lieu, que les dispositions particulières prévues par le chapitre VI du titre Ier du livre II du code de procédure pénale soumettent les débats de la cour d'assises aux principes d'oralité et de continuité ; que ces principes imposent que les preuves et les moyens de défense soient produits et discutés oralement au cours des débats ; qu'il ressort des articles 317 et suivants du code de procédure pénale que l'accusé assiste personnellement aux débats et bénéficie de l'assistance d'un défenseur ; que l'article 347 interdit qu'en cours de délibéré, le dossier de la procédure soit consulté par la cour d'assises hors la présence du ministère public et des avocats de l'accusé et de la partie civile ; qu'en outre, les magistrats et les jurés délibèrent ensemble immédiatement après la fin des débats ; qu'ainsi, ces dispositions assurent que les magistrats et les jurés ne forgent leur conviction que sur les seuls éléments de preuve et les arguments contradictoirement débattus ;
13. Considérant, en deuxième lieu, que la cour d'assises doit impérativement statuer sur les questions posées conformément au dispositif de la décision de renvoi dont l'article 327 du code de procédure pénale prescrit la lecture à l'ouverture des débats ; que l'article 348 prévoit qu'après avoir déclaré les débats terminés, le président donne lecture des questions auxquelles la cour et le jury doivent répondre ; que l'article 349 impose que chaque fait spécifié dans la décision de mise en accusation ainsi que chaque circonstance ou chaque cause légale d'exemption ou de diminution de peine invoquée fassent l'objet d'une question ; que des questions spéciales ou subsidiaires peuvent, en outre, être posées à l'initiative du président ou à la demande du ministère public ou d'une partie ; que l'accusé peut ainsi demander que la liste des questions posées soit complétée afin que la cour d'assises se prononce spécialement sur un élément de fait discuté pendant les débats ;
14. Considérant, en troisième lieu, que les modalités de la délibération de la cour d'assises sur l'action publique sont définies de façon précise par le chapitre VII du même titre ; que les dispositions de ce chapitre, parmi lesquelles figurent les articles contestés, fixent l'ordre d'examen des questions posées à la cour d'assises, l'organisation du scrutin et les règles selon lesquelles les réponses doivent être adoptées ;
15. Considérant, en quatrième lieu, qu'il appartient au président de la cour d'assises et à la cour, lorsqu'elle est saisie d'un incident contentieux, de veiller, sous le contrôle de la Cour de cassation, à ce que les questions posées à la cour d'assises soient claires, précises et individualisées ;
16. Considérant, en dernier lieu, que l'article 359 du code de procédure pénale a pour effet d'imposer que toute décision de la cour d'assises défavorable à l'accusé soit adoptée par au moins la majorité absolue des jurés ; qu'en imposant que la décision de la cour d'assises sur la culpabilité de l'accusé soit rendue par la seule lecture des réponses faites aux questions, le législateur a entendu garantir que la décision sur l'action publique exprime directement l'intime conviction des membres de la cour d'assises ;
17. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces garanties relatives aux débats devant la cour d'assises et aux modalités de sa délibération, que le grief tiré de ce que les dispositions critiquées laisseraient à cette juridiction un pouvoir arbitraire pour décider de la culpabilité d'un accusé doit être écarté ;
18. Considérant que les dispositions contestées ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

Les articles 349, 350, 353 et 357 du code de procédure pénale sont conformes à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 31 mars 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-114 QPC du 1er avril 2011

 Le Conseil constitutionnel a été saisi le 21 janvier 2011 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 336 du 18 janvier 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Didier P., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des premier et troisième alinéas de l'article L. 723-2 du code de commerce ainsi que de son article L. 724-7.
Le Conseil Constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de commerce ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 14 février 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendu à l'audience publique du 15 mars 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes des premier et troisième alinéas de l'article L. 723-2 du code de commerce : « Les personnes mentionnées à l'article L. 723-1 ne peuvent faire partie du collège électoral qu'à la condition : ...
« 2° De ne pas avoir été condamnées pénalement pour des agissements contraires à l'honneur, à la probité ou aux bonnes mœurs » ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 724-7 du code de commerce : « Indépendamment des décisions qui pourraient intervenir en application des articles L. 724-3 et L. 724-4, lorsqu'il apparaît, postérieurement à son élection, qu'un juge du tribunal de commerce a encouru, avant ou après son installation, une des condamnations, déchéances ou incapacités mentionnées à l'article L. 723-2, il est déchu de plein droit de ses fonctions » ;
3. Considérant que, selon le requérant, ces dispositions instituent des sanctions attachées de plein droit à des condamnations pénales, sans que la juridiction ait à les prononcer expressément ; que, par suite, elles porteraient atteinte aux principes de nécessité et d'individualisation des peines ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée » ; qu'il s'ensuit que ces principes ne s'appliquent qu'aux peines et aux sanctions ayant le caractère d'une punition ;
5. Considérant qu'en vertu de l'article L. 723-1 du code de commerce, les juges des tribunaux de commerce sont élus par un collège composé, d'une part, des délégués consulaires élus dans le ressort de la juridiction et, d'autre part, des juges du tribunal de commerce ainsi que des anciens juges du tribunal ayant demandé à être inscrits sur la liste électorale ; que l'article L. 723-2 fixe certaines des conditions pour faire partie du collège électoral ; que, notamment, son 2° impose de n'avoir pas été « condamné pénalement pour des agissements contraires à l'honneur, à la probité ou aux bonnes mœurs » ; que l'article L. 724-7 prévoit que, lorsque les incapacités visées par l'article L. 723-2 surviennent ou sont découvertes postérieurement à l'installation d'un juge du tribunal de commerce, il est déchu de plein droit de ses fonctions ; que ces dispositions, sans caractère répressif, ont pour objet d'assurer que les professionnels appelés à exercer les fonctions de juge au tribunal de commerce ou à élire ces juges présentent les garanties d'intégrité et de moralité indispensables à l'exercice de fonctions juridictionnelles ; qu'elles n'instituent pas des sanctions ayant le caractère d'une punition ; que, dès lors, les griefs tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la Déclaration de 1789 sont inopérants ;
6. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

Les premier et troisième alinéas de l'article L. 723-2 du code de commerce et son article L. 724-7 sont conformes à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 31 mars 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-119 QPC du 1er avril 2011

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 2 février 2011 par la Cour de cassation (chambre sociale, arrêt n° 567 du 2 février 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Denise R., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 773-20 du code du travail, devenu article L. 423-8 du code de l'action sociale et des familles.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le code du travail ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la requérante et l'Union locale CGT de Saint-Nazaire par la SCPA Tinière, Limouzin, Le Moigne, Boittin, Loiret, avocat au barreau de Saint-Nazaire, enregistrées le 15 février 2011 ;
Vu les observations produites pour l'association Sauvegarde de l'enfance 44 par la SCP Gatineau-Fattaccini, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 17 février 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 17 février 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Erwan Le Moigne pour la requérante, Me Jean-Jacques Gatineau pour l'association Sauvegarde de l'enfance 44 et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 22 mars 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 773-20 du code du travail, devenu article L. 423-8 du code de l'action sociale et des familles :
« En cas de suspension de l'agrément, l'assistant maternel ou l'assistant familial relevant de la présente section est suspendu de ses fonctions par l'employeur pendant une période qui ne peut excéder quatre mois. Durant cette période, l'assistant maternel ou l'assistant familial bénéficie d'une indemnité compensatrice qui ne peut être inférieure à un montant minimal fixé par décret.
« En cas de retrait d'agrément, l'employeur est tenu de procéder au licenciement par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
« L'assistant maternel ou l'assistant familial suspendu de ses fonctions bénéficie, à sa demande, d'un accompagnement psychologique mis à sa disposition par son employeur pendant le temps de la suspension de ses fonctions » ;
2. Considérant que, selon la requérante, l'article L. 773-20 du code du travail, devenu l'article L. 423-8 du code de l'action sociale et des familles, instaure une sanction automatique portant atteinte à la présomption d'innocence ; qu'il méconnaîtrait également le principe du droit au travail garanti par le Préambule de la Constitution de 1946, le principe d'égalité des citoyens devant la loi ainsi que le droit à un procès équitable ;
3. Considérant, en premier lieu, que les principes résultant des articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ne s'appliquent qu'aux peines et aux sanctions ayant le caractère d'une punition ; qu'en vertu de l'article L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles, un agrément, délivré par le président du conseil général du département où le demandeur réside, est nécessaire pour exercer la profession d'assistant maternel ou d'assistant familial ; que cet agrément est accordé « si les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs et majeurs de moins de vingt et un ans accueillis » ; qu'en vertu de l'article L. 421-6 du même code, il peut être retiré « si les conditions de l'agrément cessent d'être remplies » ; que le licenciement auquel est tenu de procéder l'employeur, en application de la disposition contestée, n'est qu'une conséquence directe du retrait d'agrément ; qu'il ne saurait, dès lors, être regardé comme une sanction ayant le caractère d'une punition ; qu'il s'ensuit que le grief tiré de la méconnaissance du principe de présomption d'innocence est inopérant ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'en prévoyant un agrément pour exercer la profession d'assistant maternel ou d'assistant familial, le législateur a entendu garantir « la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs et majeurs de moins de vingt et un ans » ; que, ce faisant, il a opéré une conciliation entre le droit d'obtenir un emploi et les exigences constitutionnelles des dixième et onzième alinéas du Préambule de 1946 ; qu'il n'a méconnu ni le principe d'égalité devant la loi ni le droit pour chacun d'obtenir un emploi ;
5. Considérant, en dernier lieu, que les décisions de suspension ou de retrait d'agrément des assistants maternels ou familiaux constituent des décisions administratives susceptibles d'être déférées au juge de l'excès de pouvoir et de faire l'objet d'un référé-suspension sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ; que, par suite, le grief tiré de l'atteinte portée au droit au recours doit être écarté ;
6. Considérant que la disposition contestée n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

L'article L. 773-20 du code du travail, devenu l'article L. 423-8 du code de l'action sociale et des familles, est conforme à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 31 mars 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

DECISIONS DU 8 AVRIL 2011

Décision n° 2011-116 QPC du 8 avril 2011

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 27 janvier 2011 par la Cour de cassation (troisième chambre civile, arrêt n° 221 du 27 janvier 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Michel Z. et Mme Catherine J., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 112-16 du code de la construction et de l'habitation.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de la construction et de l'habitation ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 11 février 2011 ;
Vu les observations produites pour les requérants par Me Caroline Lemeland, avocat au barreau de Troyes, enregistrées le 24 février 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Lemeland, pour les requérants, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 22 mars 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 112-16 du code de la construction et de l'habitation : « Les dommages causés aux occupants d'un bâtiment par des nuisances dues à des activités agricoles, industrielles, artisanales, commerciales ou aéronautiques n'entraînent pas droit à réparation lorsque le permis de construire afférent au bâtiment exposé à ces nuisances a été demandé ou l'acte authentique constatant l'aliénation ou la prise de bail établi postérieurement à l'existence des activités les occasionnant dès lors que ces activités s'exercent en conformité avec les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur et qu'elles se sont poursuivies dans les mêmes conditions » ;
2. Considérant que, selon les requérants, cette disposition exonère l'auteur de nuisances dues à une activité agricole, industrielle, artisanale, commerciale ou aéronautique de toute obligation de réparer le dommage causé par ces nuisances aux personnes installées après que l'activité dont il s'agit a commencé à être exercée et méconnaissent, dès lors, les articles 1er à 4 de la Charte de l'environnement ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution : « La loi détermine les principes fondamentaux... du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales » ainsi que « de la préservation de l'environnement » ; qu'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d'adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité et de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions, dès lors que, dans l'exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 4 de la Déclaration de 1789 : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui » ; qu'il résulte de ces dispositions qu'en principe, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; que la faculté d'agir en responsabilité met en œuvre cette exigence constitutionnelle ; que, toutefois, cette dernière ne fait pas obstacle à ce que le législateur aménage, pour un motif d'intérêt général, les conditions dans lesquelles la responsabilité peut être engagée ; qu'il peut ainsi, pour un tel motif, apporter à ce principe des exclusions ou des limitations à condition qu'il n'en résulte une atteinte disproportionnée ni aux droits des victimes d'actes fautifs ni au droit à un recours juridictionnel effectif qui découle de l'article 16 de la Déclaration de 1789 ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que les articles 1er et 2 de la Charte de l'environnement disposent : « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé. ― Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement » ; que le respect des droits et devoirs énoncés en termes généraux par ces articles s'impose non seulement aux pouvoirs publics et aux autorités administratives dans leur domaine de compétence respectif mais également à l'ensemble des personnes ; qu'il résulte de ces dispositions que chacun est tenu à une obligation de vigilance à l'égard des atteintes à l'environnement qui pourraient résulter de son activité ; qu'il est loisible au législateur de définir les conditions dans lesquelles une action en responsabilité peut être engagée sur le fondement de la violation de cette obligation ; que, toutefois, il ne saurait, dans l'exercice de cette compétence, restreindre le droit d'agir en responsabilité dans des conditions qui en dénaturent la portée ;
6. Considérant, en troisième lieu, que les articles 3 et 4 de la Charte de l'environnement disposent : « Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu'elle est susceptible de porter à l'environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences. ― Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement, dans les conditions définies par la loi » ; qu'il incombe au législateur et, dans le cadre défini par la loi, aux autorités administratives de déterminer, dans le respect des principes ainsi énoncés, les modalités de la mise en œuvre de ces dispositions ;
7. Considérant que l'article L. 112-16 du code de la construction et de l'habitation interdit à une personne s'estimant victime d'un trouble anormal de voisinage d'engager, sur ce fondement, la responsabilité de l'auteur des nuisances dues à une activité agricole, industrielle, artisanale, commerciale ou aéronautique lorsque cette activité, antérieure à sa propre installation, a été créée et se poursuit dans le respect des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur et, en particulier, de celles qui tendent à la préservation et à la protection de l'environnement ; que cette même disposition ne fait pas obstacle à une action en responsabilité fondée sur la faute ; que, dans ces conditions, l'article L. 112-16 du code de la construction et de l'habitation ne méconnaît ni le principe de responsabilité ni les droits et obligations qui résultent des articles 1er à 4 de la Charte de l'environnement ;
8. Considérant que la disposition contestée n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

L'article L. 112-16 du code de la construction et de l'habitation est conforme à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 7 avril 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-117 QPC du 8 avril 2011

 Le Conseil constitutionnel a été saisi le 28 janvier 2011 par le Conseil d'Etat (décision n° 338199 du 28 janvier 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Jean-Paul H., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 52-11-1, L. 52-12, L. 52-15, L. 118-3 et L. 341-1 du code électoral.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code électoral ;
Vu la loi n° 90-55 du 15 janvier 1990 relative à la limitation des dépenses électorales et à la clarification du financement des activités politiques, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 89-271 DC du 11 janvier 1990 ;
Vu la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 92-316 DC du 20 janvier 1993 ;
Vu la loi n° 95-65 du 19 janvier 1995 relative au financement de la vie politique, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 95-363 DC du 11 janvier 1995 ;
Vu la loi n° 96-300 du 10 avril 1996 tendant à préciser la portée de l'incompatibilité entre la situation de candidat et la fonction de membre d'une association de financement électorale ou de mandataire financier ;
Vu l'ordonnance n° 2003-1165 du 8 décembre 2003 portant simplifications administratives en matière électorale ;
Vu la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 14 février 2011 ;
Vu les observations produites pour M. Paul Midy par la SCP Carbonnier, Lamaze, Rasle et associés, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 16 février 2011 ;
Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées les 17 février et 1er mars 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Frédéric Thiriez pour le requérant, Mes Philippe Blanchetier et Jérôme Grand d'Esnon, avocats au barreau de Paris, pour M. Midy et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 29 mars 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 52-11-1 du code électoral : « Les dépenses électorales des candidats aux élections auxquelles l'article L. 52-4 est applicable font l'objet d'un remboursement forfaitaire de la part de l'Etat égal à 50 % de leur plafond de dépenses. Ce remboursement ne peut excéder le montant des dépenses réglées sur l'apport personnel des candidats et retracées dans leur compte de campagne.
« Le remboursement forfaitaire n'est pas versé aux candidats qui ont obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés au premier tour de scrutin ni à ceux qui ne se sont pas conformés aux prescriptions des articles L. 52-11 et L. 52-12 ou dont le compte de campagne a été rejeté ou qui n'ont pas déposé leur déclaration de situation patrimoniale, s'ils sont astreints à cette obligation » ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 52-12 du même code : « Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, hors celles de la campagne officielle par lui-même ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à l'article L. 52-4. Sont réputées faites pour son compte les dépenses exposées directement au profit du candidat et avec l'accord de celui-ci, par les personnes physiques qui lui apportent leur soutien, ainsi que par les partis et groupements politiques qui ont été créés en vue de lui apporter leur soutien ou qui lui apportent leur soutien. Le candidat estime et inclut, en recettes et en dépenses, les avantages directs ou indirects, les prestations de services et dons en nature dont il a bénéficié. Le compte de campagne doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit.
« Au plus tard avant 18 heures le neuvième vendredi suivant le tour de scrutin où l'élection a été acquise, chaque candidat ou candidat tête de liste présent au premier tour dépose à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques son compte de campagne et ses annexes, présentés par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés et accompagné des justificatifs de ses recettes ainsi que des factures, devis et autres documents de nature à établir le montant des dépenses payées ou engagées par le candidat ou pour son compte. Cette présentation n'est pas nécessaire lorsque aucune dépense ou recette ne figure au compte de campagne. Dans ce cas, le mandataire établit une attestation d'absence de dépense et de recette.
« Sous réserve du règlement de dépenses engagées avant le premier tour de scrutin, le compte de campagne des candidats présents au seul premier tour ne peut retracer de dépenses postérieures à la date de celui-ci. La valeur vénale résiduelle des immobilisations éventuellement constituées au cours de la période mentionnée à l'article L. 52-4 doit être déduite des charges retracées dans le compte de campagne.
« La commission assure la publication des comptes de campagne dans une forme simplifiée.
« Pour l'application de l'article L. 52-11, les frais de transport aérien, maritime et fluvial dûment justifiés, exposés par les candidats aux élections législatives et aux élections régionales à l'intérieur de chacun des départements d'outre-mer, ne sont pas inclus dans le plafond des dépenses.
« Par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique et à La Réunion, le compte de campagne peut également être déposé à la préfecture ou la sous-préfecture » ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 52-15 du même code : « La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne. Elle arrête le montant du remboursement forfaitaire prévu à l'article L. 52-11-1.
« Hors le cas prévu à l'article L. 118-2, elle se prononce dans les six mois du dépôt des comptes. Passé ce délai, les comptes sont réputés approuvés.
« Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté ou si, le cas échéant après réformation, il fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales, la commission saisit le juge de l'élection.
« Dans le cas où la commission a relevé des irrégularités de nature à contrevenir aux dispositions des articles L. 52-4 à L. 52-13 et L. 52-16, elle transmet le dossier au parquet.
« Le remboursement total ou partiel des dépenses retracées dans le compte de campagne, quand la loi le prévoit, n'est possible qu'après l'approbation du compte de campagne par la commission.
« Dans tous les cas où un dépassement du plafond des dépenses électorales a été constaté par une décision définitive, la commission fixe alors une somme égale au montant du dépassement que le candidat est tenu de verser au Trésor public. Cette somme est recouvrée comme les créances de l'Etat étrangères à l'impôt et au domaine » ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 118-3 du même code : « Saisi par la commission instituée par l'article L. 52-14, le juge de l'élection peut déclarer inéligible pendant un an le candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales.
« Dans les autres cas, le juge de l'élection peut ne pas prononcer l'inéligibilité du candidat dont la bonne foi est établie, ou relever le candidat de cette inéligibilité.
« Si le juge de l'élection a déclaré inéligible un candidat proclamé élu, il annule son élection ou, si l'élection n'a pas été contestée, le déclare démissionnaire d'office » ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 341-1 du même code : « Peut être déclaré inéligible pendant un an celui qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits par l'article L. 52-12 et celui dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit » ;
6. Considérant que, selon le requérant, ces dispositions méconnaissent les principes de nécessité, d'individualisation et de proportionnalité des peines garantis par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'elles méconnaîtraient également le principe de présomption d'innocence et la garantie des droits protégés respectivement par les articles 9 et 16 de la même Déclaration ;
Sur les articles L. 52-12, L. 52-15 et L. 118-3 du code électoral :
7. Considérant que les articles L. 52-12 et L. 52-15 ont été insérés dans le code électoral par l'article 1er de la loi du 15 janvier 1990 susvisée ; que, dans les considérants 2 et 3 de sa décision du 11 janvier 1990 susvisée, le Conseil constitutionnel a spécialement examiné cet article 1er ; que l'article 2 du dispositif de cette décision a déclaré cet article 1er conforme à la Constitution ; que, depuis lors, les articles L. 52-12 et L. 52-15 ont été modifiés par les articles 9 de la loi du 29 janvier 1993, 7 de la loi du 19 janvier 1995, 6 et 8 de l'ordonnance du 8 décembre 2003 et 27 de la loi du 27 février 2004 ; que ces modifications se sont bornées, d'une part, à tenir compte par coordination de l'interdiction, définie à l'article L. 52-8, faite à toutes les personnes morales autres que les partis et groupements politiques de financer les dépenses électorales et, d'autre part, à préciser les règles existantes en matière de compte de campagne ; qu'elles ne sont pas contraires à la Constitution ; que, par suite, elles n'ont pas pour effet de remettre en cause la déclaration de conformité des articles L. 52-12 et L. 52-15 prononcée dans la décision du 11 janvier 1990 ;
8. Considérant que l'article L. 118-3 du code électoral a été inséré par l'article 6 de la loi du 15 janvier 1990 ; que, dans les considérants 4 à 8 de sa décision du 11 janvier 1990, le Conseil constitutionnel a spécialement examiné cet article 6 ; que l'article 2 du dispositif de cette décision a déclaré cet article 6 conforme à la Constitution ; que l'article 6 de la loi du 10 avril 1996 a donné une nouvelle rédaction de l'article L. 118-3 ; que cette modification donne au juge la faculté de ne pas prononcer l'inéligibilité du candidat, notamment lorsque ce dernier est de bonne foi ; qu'elle n'est pas contraire à la Constitution ; que, par suite, elle n'a pas pour effet de remettre en cause la déclaration de conformité de l'article L. 118-3 prononcée dans la décision du 11 janvier 1990 ;
Sur les articles L. 52-11-1 et L. 341-1 du code électoral :
9. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée » ;
10. Considérant que l'article L. 52-11-1 a été inséré dans le code électoral par l'article 6 de la loi du 19 janvier 1995 susvisée ; qu'il prévoit que le remboursement forfaitaire partiel des dépenses électorales n'est versé ni aux candidats qui n'ont pas respecté les règles de financement des campagnes électorales prévues par les articles L. 52-11 et L. 52-12 ni à ceux qui ont obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés au premier tour de scrutin ; que cette disposition n'institue pas une sanction ayant le caractère d'une punition ; que les griefs tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la Déclaration de 1789 sont donc inopérants ; que, comme l'a jugé le Conseil constitutionnel au considérant 2 de sa décision du 11 janvier 1995 susvisée, l'article L. 52-11-1 n'est contraire à aucune règle ni à aucun principe à valeur constitutionnelle dès lors qu'il ne conduit pas à l'enrichissement d'une personne physique ou d'une personne morale ;
11. Considérant qu'en ouvrant au juge la possibilité de déclarer inéligible pendant un an le candidat à l'élection des conseillers régionaux « qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits par l'article L. 52-12 et celui dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit », l'article L. 341-1 du code électoral lui permet de tenir compte, dans le prononcé de cette inéligibilité, des circonstances de chaque espèce ; qu'en tout état de cause cette disposition ne méconnaît pas les principes de proportionnalité et d'individualisation des peines ;
12. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

Les articles L. 52-11-1, L. 52-12, L. 52-15, L. 118-3 et L. 341-1 du code électoral sont conformes à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 7 avril 2011, où siégeaient : M. Jacques BARROT, exerçant les fonctions de Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-118 QPC du 8 avril 2011

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 28 janvier 2011 par le Conseil d'Etat (décision n° 330481 du 28 janvier 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Lucien M., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 2411-12-1 du code général des collectivités territoriales.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 14 février 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 14 février 2011 ;
Vu les observations produites pour la commune de Saint-Martin-d'Arrossa par la SCP Hélène Masse-Dessen et Gilles Thouvenin, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 25 février 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendu à l'audience publique du 22 mars 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2411-12-1 du code général des collectivités territoriales : « Le transfert à la commune des biens, droits et obligations d'une section de communes est prononcé par le représentant de l'Etat dans le département sur demande du conseil municipal dans l'un des trois cas suivants :
« ― lorsque depuis plus de cinq années consécutives, les impôts ont été payés sur le budget communal ou admis en non-valeur ;
« ― lorsque les électeurs n'ont pas demandé la création d'une commission syndicale alors que les conditions pour une telle création, telles qu'elles sont définies aux articles L. 2411-3 et L. 2411-5, sont réunies ;
« ― lorsque moins d'un tiers des électeurs a voté lors d'une consultation » ;
Sur le droit de propriété :
2. Considérant que le requérant fait valoir que ces dispositions ne prévoient aucune indemnisation des membres de la section de commune en cas de transfert de propriété de ses biens ou droits à la commune ; qu'ainsi elles porteraient atteinte au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
3. Considérant, en premier lieu, que la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ; qu'aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'en l'absence de privation du droit de propriété il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les limites apportées à son exercice doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi ;
4. Considérant que, selon l'article L. 2411-1 du code général des collectivités territoriales, une section de commune est une personne morale de droit public possédant à titre permanent et exclusif des biens ou des droits distincts de ceux de la commune ; qu'en vertu de l'article L. 2411-10 du même code les membres de la section ont, dans les conditions résultant soit des décisions des autorités municipales, soit des usages locaux, la jouissance de ceux des biens de la section dont les fruits sont perçus en nature ; qu'ainsi ils ne sont pas titulaires d'un droit de propriété sur ces biens ou droits ; que, par suite, doit être rejeté comme inopérant le grief tiré de ce que le transfert des biens d'une section de commune porterait atteinte au droit de propriété de ses membres ;
5. Considérant, en second lieu, que le principe d'égalité devant la loi et les charges publiques ainsi que la protection du droit de propriété, qui ne concerne pas seulement la propriété privée des particuliers mais aussi la propriété de l'Etat et des autres personnes publiques, résultent, d'une part, des articles 6 et 13 de la Déclaration de 1789 et, d'autre part, de ses articles 2 et 17 ; que le droit au respect des biens garanti par ces dispositions ne s'oppose pas à ce que le législateur, poursuivant un objectif d'intérêt général, autorise le transfert gratuit de biens entre personnes publiques ;
6. Considérant que les dispositions contestées ont pour objet de permettre le transfert des biens ou droits de la section à la commune afin de mettre un terme soit au blocage de ce transfert en raison de l'abstention d'au moins deux tiers des électeurs, soit au dysfonctionnement administratif ou financier de la section ; que, dès lors, elles ne méconnaissent pas les exigences constitutionnelles en matière de propriété des personnes publiques ;
Sur la garantie des droits :
7. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; qu'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions ; que, ce faisant, il ne saurait toutefois priver de garanties légales des exigences constitutionnelles ; qu'en particulier il méconnaîtrait la garantie des droits proclamée par cet article s'il portait aux situations légalement acquises une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt général suffisant ;
8. Considérant que les dispositions contestées n'autorisent le transfert à titre gratuit des biens ou droits de la section que pour des motifs imputables aux membres de la section ou à leurs représentants ; qu'au demeurant le législateur n'a pas exclu toute indemnisation dans le cas exceptionnel où le transfert de propriété entraînerait pour les membres de la section une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi ; que, dans ces conditions, ces dispositions n'affectent pas une situation légalement acquise dans des conditions contraires à la garantie des droits proclamée par l'article 16 de la Déclaration de 1789 ;
9. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

L'article L. 2411-12-1 du code général des collectivités territoriales est conforme à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 7 avril 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-120 QPC du 8 avril 2011

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 9 février 2011 par la Cour de cassation (première chambre civile, arrêt n° 188 du 9 février 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Ismaël A., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des
articles L. 551-1, L. 552-1, L. 741-4 et L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 93-1027 du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 93-325 DC du 13 août 1993 ;
Vu la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003 ;
Vu la loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003 modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2003-485 DC du 4 décembre 2003 ;
Vu la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration ;
Vu la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par Me Gaëlle Le Strat, avocat au barreau de Rennes, enregistrées le 24 février 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 24 février 2011 ;
Vu les observations produites en intervention par l'association La Cimade, enregistrées le 8 mars 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Le Strat pour le requérant, Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour La Cimade et M. Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 22 mars 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Le placement en rétention d'un étranger dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire peut être ordonné lorsque cet étranger :
« 1° Soit, devant être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 et L. 531-2, ne peut quitter immédiatement le territoire français ;
« 2° Soit, faisant l'objet d'un arrêté d'expulsion, ne peut quitter immédiatement le territoire français ;
« 3° Soit, faisant l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière pris en application des articles L. 511-1 à L. 511-3 et édicté moins d'un an auparavant, ou devant être reconduit à la frontière en exécution d'une interdiction du territoire prévue au deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal, ne peut quitter immédiatement le territoire français ;
« 4° Soit, faisant l'objet d'un signalement ou d'une décision d'éloignement mentionnés à l'article L. 531-3, ne peut quitter immédiatement le territoire français ;
« 5° Soit, ayant fait l'objet d'une décision de placement au titre de l'un des cas précédents, n'a pas déféré à la mesure d'éloignement dont il est l'objet dans un délai de sept jours suivant le terme du précédent placement ou, y ayant déféré, est revenu en France alors que cette mesure est toujours exécutoire ;
« 6° Soit, faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise en application du I de l'article L. 511-1 moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai d'un mois pour quitter volontairement le territoire est expiré, ne peut quitter immédiatement ce territoire » ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 552-1 du même code : « Quand un délai de quarante-huit heures s'est écoulé depuis la décision de placement en rétention, le juge des libertés et de la détention est saisi aux fins de prolongation de la rétention. Il statue par ordonnance au siège du tribunal de grande instance dans le ressort duquel se situe le lieu de placement en rétention de l'étranger, sauf exception prévue par voie réglementaire, après audition du représentant de l'administration, si celui-ci, dûment convoqué, est présent, et de l'intéressé ou de son conseil, s'il en a un. L'étranger peut demander au juge des libertés et de la détention qu'il lui soit désigné un conseil d'office. Toutefois, si une salle d'audience attribuée au ministère de la justice lui permettant de statuer publiquement a été spécialement aménagée à proximité immédiate de ce lieu de rétention, il statue dans cette salle » ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 741-4 du même code : « Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si :
« 1° L'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, ou d'engagements identiques à ceux prévus par ledit règlement avec d'autres Etats ;
« 2° L'étranger qui demande à bénéficier de l'asile a la nationalité d'un pays pour lequel ont été mises en œuvre les stipulations du 5 du C de l'article 1er de la convention de Genève susmentionnée ou d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr. Un pays est considéré comme tel s'il veille au respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l'état de droit ainsi que des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La prise en compte du caractère sûr du pays d'origine ne peut faire obstacle à l'examen individuel de chaque demande ;
« 3° La présence en France de l'étranger constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat ;
« 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. Constitue, en particulier, un recours abusif aux procédures d'asile la présentation frauduleuse de plusieurs demandes d'admission au séjour au titre de l'asile sous des identités différentes. Constitue également un recours abusif aux procédures d'asile la demande d'asile présentée dans une collectivité d'outre-mer s'il apparaît qu'une même demande est en cours d'instruction dans un autre Etat membre de l'Union européenne.
« Les dispositions du présent article ne font pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne qui se trouverait néanmoins dans l'un des cas mentionnés aux 1° à 4° » ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 742-6 du même code : « L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office.
« En cas de reconnaissance de la qualité de réfugié ou d'octroi de la protection subsidiaire, l'autorité administrative abroge l'arrêté de reconduite à la frontière qui a, le cas échéant, été pris. Il délivre sans délai au réfugié la carte de résident prévue au 8° de l'article L. 314-11 et au bénéficiaire de la protection subsidiaire la carte de séjour temporaire prévue à l'article L. 313-13 » ;
5. Considérant que le requérant fait valoir que le droit au séjour n'est garanti à l'étranger dont la demande d'asile a été traitée dans le cadre de la procédure prioritaire que jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; que, par suite, le recours devant la cour nationale du droit d'asile n'est pas suspensif d'une reconduite à la frontière ; que, lorsque la Cour nationale du droit d'asile est saisie d'un recours présenté contre cette décision, elle prononce un « non-lieu à statuer en l'état » au motif que « le retour involontaire dans son pays d'origine d'un requérant, qui n'a pas entendu renoncer à sa demande de protection, a pour conséquence d'interrompre provisoirement l'instruction de son affaire dès lors que le recours est, dans ces conditions, temporairement sans objet » et précise « qu'il appartiendra à son auteur, en cas de retour en France, de s'adresser à la cour afin qu'il y soit statué » ; qu'ainsi, selon le requérant, les dispositions combinées des articles L. 551-1, L. 552-1, L. 741-4 et L. 742-6 méconnaissent, en raison de cette jurisprudence, le droit au recours qui est garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
6. Considérant, en premier lieu, que les dispositions précitées des articles L. 551-1 et L. 552-1 sont issues de l'article 49 de la loi du 26 novembre 2003 ; que, dans les considérants 47 à 83 de sa décision du 20 novembre 2003 susvisée, le Conseil constitutionnel a spécialement examiné cet article 49 ; que l'article 2 du dispositif de cette décision a déclaré cet article 49 conforme à la Constitution ; que, depuis lors, les articles L. 551-1 et L. 552-1 ont été modifiés par les articles 71 de la loi du 24 juillet 2006 et 48 de la loi du 20 novembre 2007 ; que ces modifications ont eu pour objet, d'une part, d'ajouter aux cas dans lesquels un étranger peut être placé en rétention l'interdiction du territoire et le refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français lorsque l'étranger ne peut le quitter immédiatement ; qu'elles ont eu pour objet, d'autre part, de permettre à l'étranger d'être représenté par son conseil devant le juge des libertés et de la détention ou, en l'absence d'un tel conseil, à demander qu'il lui en soit désigné un d'office ; qu'elles ne sont pas contraires à la Constitution ; que, par suite, elles n'ont pas pour effet de remettre en cause la déclaration de conformité des articles L. 551-1 et L. 552-1 prononcée dans la décision du 20 novembre 2003 ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions précitées de l'article L. 741-4 sont issues de l'article 5 de la loi du 10 décembre 2003 susvisée ; que, dans les considérants 28 à 48 de sa décision du 4 décembre 2003 susvisée, le Conseil constitutionnel a spécialement examiné cet article 5 ; que l'article 1er du dispositif de cette décision a déclaré cet article 5 conforme à la Constitution ;
8. Considérant, en troisième lieu, que les dispositions précitées de l'article L. 742-6 sont issues de l'article 24 de la loi du 24 août 1993 ; que, dans les considérants 82 à 88 de sa décision du 13 août 1993 susvisée, le Conseil constitutionnel a spécialement examiné cet article 24 ; que des modifications ont été apportées à ces dispositions par l'article 7 de la loi du 10 décembre 2003 ; qu'elles ont eu pour objet de prévoir la délivrance d'une carte de séjour temporaire en cas d'octroi de la protection subsidiaire ; qu'elles ne sont pas contraires à la Constitution ; que, par suite, il en va de même de l'article L. 742-6 ;
9. Considérant, en dernier lieu, que, si, en posant une question prioritaire de constitutionnalité, tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation jurisprudentielle constante confère à cette disposition, la jurisprudence dégagée par la Cour nationale du droit d'asile n'a pas été soumise au Conseil d'Etat ; qu'il appartient à ce dernier, placé au sommet de l'ordre juridictionnel administratif, de s'assurer que cette jurisprudence garantit le droit au recours rappelé au considérant 87 de la décision du Conseil constitutionnel du 13 août 1993 ; que, dans ces conditions, cette jurisprudence ne peut être regardée comme un changement de circonstances de nature à remettre en cause la constitutionnalité des dispositions contestées ;
10. Considérant, par suite, qu'il résulte de tout ce qui précède que les dispositions contestées sont conformes à la Constitution,
Décide :

ARTICLE 1

Les articles L. 551-1, L. 552-1, L. 741-4 et L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont conformes à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 7 avril 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

DECISIONS DU 29 AVRIL 2011

Décision n° 2011-121 QPC du 29 avril 2011

(SOCIÉTÉ UNILEVER FRANCE)

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 14 février 2011 par le Conseil d'Etat (décision n° 344966 du 14 février 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la société Unilever France, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions du c du 2° de l'article 278 bis du code général des impôts.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité
Vu les observations produites pour la société requérante par la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées les 1er et 15 mars 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 1er mars 2011 ;
Vu les observations produites en intervention pour le Centre national interprofessionnel de l'économie laitière par la SCP Baker et McKenzie, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 18 mars 2011 ;
Vu les observations produites en réponse pour la société requérante par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 28 mars 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Frédéric Thiriez pour la société requérante, Me Eric Meier pour le Centre national interprofessionnel de l'économie laitière et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 29 mars 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que, selon le c du 2 de l'article 278 bis du code général des impôts dans sa rédaction en vigueur avant le 1er janvier 2011, la taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,5 % en ce qui concerne les opérations d'achat, d'importation, d'acquisition intracommunautaire, de vente, de livraison, de commission, de courtage ou de façon portant sur les produits destinés à l'alimentation humaine à l'exception « des margarines et graisses végétales » ;
2. Considérant que, selon la société requérante, cette disposition institue une différence de taxation injustifiée entre les opérations portant sur les margarines et celles portant sur les autres corps gras alimentaires qui ont le même usage et méconnaît ainsi le principe d'égalité ;
3. Considérant qu'en vertu de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 la contribution commune aux charges de la nation « doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; qu'il appartient au législateur, lorsqu'il établit une imposition, d'en déterminer librement l'assiette et le taux, sous réserve du respect des principes et des règles de valeur constitutionnelle et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt ; que le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce que, pour des motifs d'intérêt général, le législateur édicte, par l'octroi d'avantages fiscaux, des mesures d'incitation au développement d'activités économiques en appliquant des critères objectifs et rationnels en fonction des buts recherchés ;
4. Considérant qu'en adoptant la disposition contestée le législateur a exclu les opérations portant sur les margarines et graisses végétales de l'application du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'en appliquant aux produits d'origine laitière, entrant dans la composition des corps gras non végétaux, un avantage fiscal ayant pour objet de modérer leur prix de vente au public, le législateur a entendu favoriser leur production et leur vente ; qu'en distinguant à cette fin les opérations portant sur les margarines et graisses végétales, taxées au taux de 19,6 %, de celles portant sur les corps gras alimentaires d'origine laitière taxées au taux de 5,5 %, il s'est fondé sur un critère objectif et rationnel ; que, dès lors, le grief tiré de la méconnaissance de l'article 13 de la Déclaration de 1789 doit être rejeté ; que la disposition contestée n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

Article 1

Le c du 2 de l'article 278 bis du code général des impôts, dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2011, est conforme à la Constitution.

Article 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 avril 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-122 QPC du 29 avril 2011

(SYNDICAT CGT ET AUTRE)

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 16 février 2011 par la Cour de cassation (chambre sociale, arrêt n° 618 du 16 février 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par l'Union locale des syndicats CGT des quartiers nord de Marseille et par M. Hichem L., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 1111-3 du code du travail.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code du travail ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité;
Vu les observations produites pour les requérants par Me Jérôme Ferraro, avocat au barreau de Marseille, enregistrées les 25 février et 18 mars 2011 ;
Vu les observations produites pour l'Association de médiation sociale par Me Jean-Emmanuel Franzis, avocat au barreau de Marseille, enregistrées le 2 mars 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 3 mars 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Ferraro, pour les requérants, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 5 avril 2011
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1111-3 du code du travail : « Ne sont pas pris en compte dans le calcul des effectifs de l'entreprise:
« 1° Les apprentis
« 2° Les titulaires d'un contrat initiative-emploi, pendant la durée de la convention prévue à l'article L. 5134-66 ;
« 4° Les titulaires d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi pendant la durée de la convention mentionnée à l'article L. 5134-19-1 ;
« 6° Les titulaires d'un contrat de professionnalisation jusqu'au terme prévu par le contrat lorsque celui-ci est à durée déterminée ou jusqu'à la fin de l'action de professionnalisation lorsque le contrat est à durée indéterminée.
« Toutefois, ces salariés sont pris en compte pour l'application des dispositions légales relatives à la tarification des risques d'accidents du travail et de maladies professionnelles » ;
2. Considérant que, selon les requérants, cette disposition porterait atteinte au principe d'égalité devant la loi, au principe de la liberté syndicale et au principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi... doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
4. Considérant que le contrat d'apprentissage a pour objet, en vertu de l'article L. 6211-1 du code du travail, de donner à de jeunes travailleurs une formation professionnelle dont une partie est dispensée en entreprise ; que les contrats initiative-emploi et les contrats d'accompagnement dans l'emploi ont pour but, en application des articles L. 5134-65 et L. 5134-20 du même code, de favoriser l'insertion professionnelle des personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles d'accès à l'emploi ; que le contrat de professionnalisation a pour objet, en vertu de l'article L. 6325-1, l'insertion ou le retour à l'emploi de jeunes ou d'adultes par l'acquisition d'une qualification professionnelle ; que la non-prise en compte de ces salariés dans le calcul des effectifs a une durée limitée ;
5. Considérant qu'aucun principe non plus qu'aucune règle de valeur constitutionnelle n'interdit au législateur de prendre des mesures destinées à venir en aide à des catégories de personnes défavorisées ; que le législateur pouvait donc, en vue d'améliorer l'emploi des jeunes et des personnes en difficulté et leur faire acquérir une qualification professionnelle, autoriser des mesures propres à ces catégories de travailleurs ; que les différences de traitement qui peuvent en résulter entre catégories de travailleurs ou catégories d'entreprises répondent à ces fins d'intérêt général et ne sont pas, dès lors, contraires au principe d'égalité ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises » ; que ce droit a pour bénéficiaires, sinon la totalité des travailleurs employés à un moment donné dans une entreprise, du moins tous ceux qui sont intégrés de façon étroite et permanente à la communauté de travail qu'elle constitue, même s'ils n'en sont pas les salariés ;
7. Considérant que l'article L. 1111-3 du code du travail exclut certaines catégories de salariés du décompte des effectifs de l'entreprise sauf pour l'application des dispositions légales relatives à la tarification des risques d'accidents du travail et de maladies professionnelles ; que cette exclusion s'applique notamment au calcul des effectifs au regard des divers seuils fixés par le code du travail en vue d'assurer la représentation du personnel dans l'entreprise ; qu'en l'adoptant, le législateur a entendu alléger les contraintes susceptibles de peser sur les entreprises afin de favoriser l'insertion ou le retour de ces personnes sur le marché du travail ; que la différence de traitement qui en résulte est en rapport direct avec l'objet de la loi ;
8. Considérant que l'article L. 1111-3 du code du travail n'a pas de conséquences sur les droits et obligations des salariés en cause ; qu'il ne leur interdit pas, en particulier, d'être électeur ou éligible au sein des instances représentatives du personnel de l'entreprise dans laquelle ils travaillent ; que, par suite, il ne porte pas atteinte, en lui-même, au principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises ;
9. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes du sixième alinéa du Préambule de 1946 : « Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale et adhérer au syndicat de son choix » ; que la disposition contestée ne fait pas obstacle au droit des salariés mentionnés à l'article L. 1111-3 du code du travail de constituer librement une organisation syndicale ou d'adhérer librement à celle de leur choix ;
10. Considérant que la disposition contestée n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

Article 1

L'article L. 1111-3 du code du travail est conforme à la Constitution.

Article 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 avril 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-123 QPC du 29 avril 2011

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 17 février 2011 par la Cour de cassation (deuxième chambre civile, arrêt n° 588 du 17 février 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Mohamed T., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du 2° de l'article L. 821-2 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de l'article 131 de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité;
Vu les observations produites pour le requérant par la SCP de Chaisemartin-Courjon, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrée le 3 mars 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 4 mars 2011 ;
Vu les observations produites pour la caisse d'allocations familiales de Montpellier par la SCP Waquet-Farge-Hazan, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 21 mars 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Arnaud de Chaisemartin pour le requérant et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 5 avril 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'en vertu du 2° de l'article L. 821-2 du code de la sécurité sociale l'allocation aux adultes handicapés est versée à toute personne qui remplit notamment la condition suivante : « Elle n'a pas occupé d'emploi depuis une durée fixée par décret » ;
2. Considérant que, selon le requérant, ces dispositions privent certaines personnes handicapées de moyens convenables d'existence en méconnaissance du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ;
3. Considérant qu'aux termes du onzième alinéa du Préambule de 1946 : « La Nation garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence » ; que les exigences constitutionnelles résultant de ces dispositions impliquent la mise en œuvre d'une politique de solidarité nationale en faveur des personnes défavorisées ; qu'il appartient au législateur, pour satisfaire à cette exigence, de choisir les modalités concrètes qui lui paraissent appropriées ; qu'en particulier il lui est à tout moment loisible, statuant dans le domaine qui lui est réservé par l'article 34 de la Constitution, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions ; qu'il ne lui est pas moins loisible d'adopter, pour la réalisation ou la conciliation d'objectifs de nature constitutionnelle, des modalités nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité et qui peuvent comporter la modification ou la suppression de dispositions qu'il estime excessives ou inutiles ; que, cependant, l'exercice de ce pouvoir ne saurait aboutir à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ;
4. Considérant que, dans sa rédaction soumise au Conseil constitutionnel, l'article L. 821-2 du code de la sécurité sociale définit les conditions pour le versement de l'allocation aux adultes handicapés aux personnes atteintes d'une incapacité permanente inférieure à un taux fixé par décret à 80 % ; qu'il prévoit ce versement aux personnes dont l'incapacité est supérieure ou égale à un pourcentage, fixé par décret à 50 %, et qui connaissent, du fait de ce handicap, une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi reconnue par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées ; que le 2° de l'article L. 821-2 tend à définir un critère objectif caractérisant la difficulté d'accéder au marché du travail qui résulte du handicap ; qu'en excluant du bénéfice de cette allocation les personnes ayant occupé un emploi depuis une durée définie par décret le législateur a fixé un critère qui n'est pas manifestement inapproprié au but poursuivi ;
5. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

Article 1

Le 2° de l'article L. 821-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de l'article 131 de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007, est conforme à la Constitution.

Article 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 avril 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-124 QPC du 29 avril 2011

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 24 février 2011 par le Conseil d'Etat (décision n° 344610 du 24 février 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Catherine B., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 1730 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'harmonisation et l'aménagement du régime des pénalités.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code général des impôts ;
Vu l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'harmonisation et l'aménagement du régime des pénalités ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la requérante par Me Stanislas Lhéritier, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 11 et 25 mars 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 11 mars 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Lhéritier pour la requérante et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 5 avril 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 1730 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 susvisée :
« 1. Tout retard dans le paiement de tout ou partie des impositions qui doivent être versées aux comptables du Trésor donne lieu à l'application d'une majoration de 10 %.
« 2. La majoration prévue au 1 s'applique :
« a) Aux sommes comprises dans un rôle qui n'ont pas été acquittées dans les quarante-cinq jours suivant la date de mise en recouvrement du rôle, sans que cette majoration puisse être appliquée avant le 15 septembre pour les impôts établis au titre de l'année en cours ;
« b) Aux acomptes qui n'ont pas été versés le 15 du mois suivant celui au cours duquel ils sont devenus exigibles, ou le 15 décembre de l'année d'imposition pour l'acompte mentionné à l'article 1679 septies, ainsi qu'au solde du supplément d'imposition prévu au troisième alinéa de ce même article ;
« Les dispositions du a ne s'appliquent pas aux sommes déjà majorées en application du b.
« 3 a) Si la date de la majoration coïncide avec celle du versement d'un des acomptes provisionnels prévus à l'article 1664, elle peut être reportée d'un mois par arrêté du ministre chargé du budget.
« b) Pour les cotisations de taxe professionnelle mises en recouvrement durant la première quinzaine de novembre, la majoration prévue au 1 s'applique aux sommes non versées le 30 décembre au plus tard.
« 4. La majoration prévue au 1 s'applique au contribuable qui s'est dispensé du second acompte dans les conditions prévues au 4° de l'article 1664 ou du paiement de la totalité de l'acompte dans les conditions prévues au quatrième alinéa de l'article 1679 quinquies lorsqu'à la suite de la mise en recouvrement du rôle les versements effectués sont inexacts de plus du dixième.
« Toutefois, aucune majoration n'est appliquée lorsque la différence constatée résulte d'une loi intervenue postérieurement à la date du dépôt de la déclaration visée ci-dessus.
« 5. Pour les personnes physiques qui acquittent par télérèglement les acomptes ou les soldes d'imposition dont elles sont redevables, les dates des majorations mentionnées aux a et b du 2 peuvent être reportées dans la limite de quinze jours. La durée et les conditions de cette prorogation sont fixées par arrêté du ministre chargé du budget » ;
2. Considérant que, selon la requérante, cet article instaure une sanction automatique qui porte atteinte aux principes de nécessité, de proportionnalité et d'individualisation des peines qui découlent de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
3. Considérant que les dispositions contestées instaurent une majoration de 10 % en cas de retard de paiement des impositions versées aux comptables du Trésor ; qu'elles figurent au nombre des règles relatives à l'assiette, au taux et au recouvrement des impositions de toutes natures ; que la majoration ainsi instituée, qui ne revêt pas le caractère d'une punition, a pour objet la compensation du préjudice subi par l'Etat du fait du paiement tardif des impôts directs ; que, dès lors, les griefs tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la Déclaration de 1789 sont inopérants ;
4. Considérant que l'article 1730 du code général des impôts n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

Article 1

L'article 1730 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'harmonisation et l'aménagement du régime des pénalités, est conforme à la Constitution.

Article 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 avril 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

DECISIONS DU 6 MAI 2011

Décision n° 2011-125 QPC du 6 mai 2011

(M. ABDERRAHMANE L.)

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 4 mars 2011 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 1388 du 1er mars 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Abderrahmane L., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 393 et 803-2 du code de procédure pénale.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu la loi n° 75-701 DC du 6 août 1975 modifiant et complétant certaines dispositions de procédure pénale, notamment son article 7 ;
Vu la loi n° 81-82 du 2 février 1981 renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes, notamment ses articles 47 et 51, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 80-127 DC du 20 janvier 1981 ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010 ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-80 QPC du 17 décembre 2010 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant, par Me Eric Plouvier, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 21 et 23 mars 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 22 mars et le 6 avril 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Plouvier pour le requérant, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 27 avril 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 393 du code de procédure pénale : « En matière correctionnelle, après avoir constaté l'identité de la personne qui lui est déférée, lui avoir fait connaître les faits qui lui sont reprochés et avoir recueilli ses déclarations si elle en fait la demande, le procureur de la République peut, s'il estime qu'une information n'est pas nécessaire, procéder comme il est dit aux articles 394 à 396.
« Le procureur de la République informe alors la personne déférée devant lui qu'elle a le droit à l'assistance d'un avocat de son choix ou commis d'office. L'avocat choisi ou, dans le cas d'une demande de commission d'office, le bâtonnier de l'Ordre des avocats, en est avisé sans délai.
« L'avocat peut consulter sur-le-champ le dossier et communiquer librement avec le prévenu.
« Mention de ces formalités est faite au procès-verbal à peine de nullité de la procédure » ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 803-2 du même code : « Toute personne ayant fait l'objet d'un défèrement à l'issue de sa garde à vue à la demande du procureur de la République comparaît le jour même devant ce magistrat ou, en cas d'ouverture d'une information, devant le juge d'instruction saisi de la procédure. Il en est de même si la personne est déférée devant le juge d'instruction à l'issue d'une garde à vue au cours d'une commission rogatoire, ou si la personne est conduite devant un magistrat en exécution d'un mandat d'amener ou d'arrêt » ;
3. Considérant que, selon le requérant, l'article 803-2, applicable à tout défèrement à l'issue d'une garde à vue, et l'article 393, propre à la convocation par procès-verbal et à la procédure de comparution immédiate, ont pour effet de permettre que la personne suspectée d'avoir commis une infraction soit présentée, à l'issue de sa garde à vue, devant un magistrat du parquet qui peut recueillir ses déclarations et en faire usage dans la suite de la procédure pénale sans que cette personne ait eu accès au dossier de la procédure et soit assistée d'un avocat ; que, par suite, ces dispositions porteraient atteinte aux droits de la défense et au principe de séparation des pouvoirs ;
4. Considérant qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant la procédure pénale ; qu'aux termes de son article 66 : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi » ;
5. Considérant que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution l'obligation de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale ; que, s'agissant de la procédure pénale, cette exigence s'impose notamment pour éviter une rigueur non nécessaire lors de la recherche des auteurs d'infractions ;
6. Considérant, en outre, qu'il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la poursuite des auteurs d'infractions, toutes deux nécessaires à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties ; qu'au nombre de celles-ci figurent le respect des droits de la défense, qui découle de l'article 16 de la Déclaration de 1789, et la liberté individuelle que l'article 66 de la Constitution place sous la protection de l'autorité judiciaire ;
Sur l'article 803-2 :
7. Considérant que le défèrement de la personne à l'issue de la garde à vue en application des articles 63, troisième alinéa, et 77, troisième alinéa, du code de procédure pénale et selon les modalités prévues par son article 803-2 est une mesure de contrainte nécessaire à l'exercice des poursuites et à la comparution des personnes poursuivies devant les juridictions de jugement ; que, toutefois, elle doit être accompagnée de garanties appropriées ;
8. Considérant que l'autorité judiciaire comprend à la fois les magistrats du siège et du parquet ; qu'à l'expiration de la période de garde à vue, le procureur de la République peut demander que la personne soit déférée afin de comparaître le jour même ; que la période comprise entre la fin de la garde à vue et le moment où la personne comparaît devant lui est placée sous son contrôle ; que ce magistrat peut décider du moment de sa comparution et de sa remise en liberté ; qu'en cas de mise en œuvre de la procédure de comparution immédiate selon les modalités prévues par les articles 395 et suivants du code de procédure pénale, la personne est aussitôt placée sous le contrôle de la juridiction qui dispose des mêmes pouvoirs ; que, dans sa décision du 17 décembre 2010 susvisée relative à l'article 803-3 du code de procédure pénale, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution la privation de liberté nécessaire à la présentation de la personne devant un magistrat à l'issue de sa garde à vue et, le cas échéant, le lendemain de celle-ci ; qu'il résulte de ce qui précède qu'en permettant qu'une personne déférée à l'issue de sa garde à vue soit présentée le jour même à un magistrat du parquet, l'article 803-2 du code de procédure pénale ne méconnaît pas les exigences constitutionnelles précitées ;
Sur l'article 393 :
9. Considérant que les articles 47 et 51 de la loi du 2 février 1981 susvisée ont, pour le premier, abrogé les articles 71 à 71-3 du code de procédure pénale qui permettaient au procureur de la République d'interroger la personne déférée et de la placer sous mandat de dépôt jusqu'à sa comparution devant le tribunal et, pour le second, donné une nouvelle rédaction de l'article 393 du même code ; qu'ils ont, ce faisant, supprimé le droit, reconnu par la loi du 6 août 1975 susvisée à la personne présentée devant le procureur de la République en vue d'être traduite devant le tribunal correctionnel, de demander à bénéficier de l'assistance d'un avocat ;
10. Considérant qu'au considérant 34 de sa décision du 20 janvier 1981 susvisée, le Conseil constitutionnel a spécialement examiné ces dispositions ; qu'à l'article 2 du dispositif de cette même décision, il les a déclarées conformes à la Constitution ;
11. Considérant, toutefois, que, par sa décision du 30 juillet 2010 susvisée, le Conseil constitutionnel a déclaré les articles 62, 63, 63-1, 63-4, alinéas 1 à 6, et 77 du code de procédure pénale contraires à la Constitution, notamment en ce qu'ils permettent que la personne gardée à vue soit interrogée sans bénéficier de l'assistance effective d'un avocat ; que cette décision constitue un changement des circonstances de droit justifiant le réexamen de la disposition contestée ;
12. Considérant, d'une part, que les articles 40 et suivants du code de procédure pénale confèrent au procureur de la République le pouvoir soit de mettre en œuvre l'action publique et, dans ce cas, de décider du mode de poursuite qui lui paraît le plus adapté à la nature de l'affaire, soit de mettre en œuvre et de choisir une procédure alternative aux poursuites, soit de classer sans suite ; que le défèrement de la personne poursuivie devant le procureur de la République en application de l'article 393 a pour seul objet de permettre à l'autorité de poursuite de notifier à la personne poursuivie la décision prise sur la mise en œuvre de l'action publique et de l'informer ainsi sur la suite de la procédure ; que le respect des droits de la défense n'impose pas que la personne poursuivie ait accès au dossier avant de recevoir cette notification et qu'elle soit, à ce stade de la procédure, assistée d'un avocat ;
13. Considérant, d'autre part, que l'article 393 impartit au procureur de la République de constater l'identité de la personne qui lui est déférée, de lui faire connaître les faits qui lui sont reprochés, de recueillir ses déclarations si elle en fait la demande et, en cas de comparution immédiate ou de comparution sur procès-verbal, de l'informer de son droit à l'assistance d'un avocat pour la suite de la procédure ; que cette disposition, qui ne permet pas au procureur de la République d'interroger l'intéressé, ne saurait, sans méconnaître les droits de la défense, l'autoriser à consigner les déclarations de celui-ci sur les faits qui font l'objet de la poursuite dans le procès-verbal mentionnant les formalités de la comparution ;
14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sous la réserve énoncée au considérant précédent, l'article 393 du code de procédure pénale n'est pas contraire aux droits de la défense ;
15. Considérant que les articles 393 et 803-2 du code de procédure pénale ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

Sous la réserve énoncée au considérant 13, l'article 393 du code de procédure pénale est conforme à la Constitution.

ARTICLE 2

L'article 803-2 du même code est conforme à la Constitution.

ARTICLE 3

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 5 mai 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-127 QPC du 6 mai 2011

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 11 mars 2011 par la Cour de cassation (deuxième chambre civile, arrêt n° 737 du 10 mars 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Nathalie V., veuve C., agissant en son nom personnel et en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs Adrien C., Justin C., Margot C. et Léonie C., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du 8° de l'article L. 412-8 et du
2° de l'article L. 413-12 du code de la sécurité sociale, Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de la sécurité sociale, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010 ;
Vu l'arrêt de la Cour de cassation (deuxième chambre civile) du 23 mars 2004, n° 02-14142 ;
Vu le décret-loi du 17 juin 1938 relatif à la réorganisation et à l'unification du régime d'assurance des marins ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour les requérants par Me Emmanuel Lebar, avocat au barreau de Coutances, enregistrées les 26 mars et 11 avril 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 28 mars 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Lebar, pour les requérants, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 27 avril 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que, selon le 8° de l'article L. 412-8 du code de la sécurité sociale, outre les personnes mentionnées à l'article L. 412-2, bénéficient également des dispositions du livre IV du même code, sous réserve des prescriptions spéciales d'un décret en Conseil d'Etat : « Les personnes mentionnées à l'article 2 du décret-loi du 17 juin 1938 relatif à la réorganisation et à l'unification du régime d'assurance des marins pour les accidents du travail et les maladies professionnelles survenus en dehors de l'exécution du contrat d'engagement maritime » ;
2. Considérant que, selon le 2° de l'article L. 413-12 du code de la sécurité sociale, il n'est pas dérogé aux dispositions législatives et réglementaires concernant les pensions : « des personnes mentionnées à l'article 2 du décret du 17 juin 1938 relatif à la réorganisation et à l'unification du régime d'assurance des marins » ;
3. Considérant que les requérants font valoir que ces dispositions ne prévoient pas la possibilité d'une indemnisation complémentaire du marin victime d'un accident du travail dû à la faute inexcusable de son employeur ; que, par suite, elles porteraient atteinte au principe d'égalité devant la loi et au principe de responsabilité ;
4. Considérant qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation sur ces dispositions que sont seules applicables à tous les bénéficiaires des prestations du régime social des gens de mer les dispositions de leur régime spécial, lequel ne prévoit aucun recours contre l'armateur en raison de sa faute inexcusable ;
5. Considérant qu'en posant une question prioritaire de constitutionnalité, tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation jurisprudentielle constante confère à la disposition législative contestée ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi (...) doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la Déclaration de 1789 : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui » ; qu'il résulte de ces dispositions qu'en principe tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; que la faculté d'agir en responsabilité met en œuvre cette exigence constitutionnelle ; que, toutefois, cette dernière ne fait pas obstacle à ce que le législateur aménage, pour un motif d'intérêt général, les conditions dans lesquelles la responsabilité peut être engagée ; qu'il peut ainsi, pour un tel motif, apporter à ce principe des exclusions ou des limitations à condition qu'il n'en résulte une atteinte disproportionnée ni aux droits des victimes d'actes fautifs ni au droit à un recours juridictionnel effectif qui découle de l'article 16 de la Déclaration de 1789 ;
8. Considérant que les dispositions législatives contestées délimitent le champ d'application de certaines dispositions du régime général de la sécurité sociale, en matière d'accident du travail subi par les marins, au regard de celles du régime spécial défini par le décret-loi du 17 juin 1938 susvisé auquel ces salariés se trouvent soumis ; qu'eu égard aux conditions particulières dans lesquelles les marins exercent leurs fonctions et aux risques auxquels ils sont exposés, il était loisible au législateur de prévoir que l'indemnisation des marins victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles serait soumise à des dispositions particulières dérogeant aux dispositions de droit commun prévues, en cette matière, par le code de la sécurité sociale ; que, par suite, en elle-même, une telle dérogation ne méconnaît pas le principe d'égalité devant la loi ;
9. Considérant, toutefois, que ces dispositions ne sauraient, sans porter une atteinte disproportionnée au droit des victimes d'actes fautifs, être interprétées comme faisant, par elles-mêmes, obstacle à ce qu'un marin victime, au cours de l'exécution de son contrat d'engagement maritime, d'un accident du travail imputable à une faute inexcusable de son employeur puisse demander, devant les juridictions de la sécurité sociale, une indemnisation complémentaire dans les conditions prévues par le chapitre 2 du titre V du livre IV du code de la sécurité sociale ; que, sous cette réserve, ces dispositions ne méconnaissent pas le principe de responsabilité ;
10. Considérant que le 8° de l'article L. 412-8 et le 2° de l'article L. 413-12 du code de la sécurité sociale ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

Sous la réserve énoncée au considérant 9, le 8° de l'article L. 412-8 et le 2° de l'article L. 413-12 du code de la sécurité sociale sont conformes à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 5 mai 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-128 QPC du 6 mai 2011

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 16 mars 2011 par la Cour de cassation (chambre sociale, arrêt n° 825 du 16 mars 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par le syndicat SUD AFP, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des sixième et septième alinéas de l'article 7 de la loi n° 57-32 du 10 janvier 1957 portant statut de l'Agence France-Presse ;
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi n° 57-32 du 10 janvier 1957 portant statut de l'Agence France-Presse ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour l'Agence France-Presse par la SCP August et Debouzy, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 31 mars 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 31 mars et le 15 avril 2011 ;
Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat à la Cour de cassation et au Conseil d'Etat, et Me Pascal Telle, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 15 avril 2011 ;
Vu les nouvelles observations produites pour l'Agence France-Presse par la SCP Baudelot, Cohen-Richelet, Poitvin, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 15 avril 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Pascal Telle pour le requérant, Me Yves Baudelot pour l'Agence France-Presse et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 27 avril 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la loi n° 57-32 du 10 janvier 1957 portant statut de l'Agence France-Presse : « Le conseil d'administration comprend en plus du président :
« 1° Huit représentants des directeurs d'entreprises françaises de publication de journaux quotidiens désignés par les organisations professionnelles les plus représentatives ; la valeur représentative desdites organisations est appréciée dans les conditions fixées par la loi n° 53-287 du 7 avril 1953 et par les textes pris pour son application ;
« 2° Deux représentants de la radiodiffusion-télévision française désignés dans les conditions fixées par le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article 17 de la présente loi ;
« 3° Trois représentants des services publics usagers de l'agence désignés dans les mêmes conditions et respectivement par le président du conseil, le ministre des affaires étrangères et le ministre des finances et des affaires économiques ;
« 4° Deux représentants du personnel de l'agence, soit :
« Un journaliste professionnel élu par l'assemblée des journalistes professionnels de nationalité française appartenant au personnel de rédaction de l'agence ;
« Et un agent, appartenant aux autres catégories de personnel, élu par l'ensemble des agents de nationalité française de ces catégories.
« Le conseil élit, à la majorité des voix, un vice-président, choisi parmi ceux de ses membres qui représentent les directeurs d'entreprises de publication. Le président-directeur général ne prend pas part au vote.
« La durée du mandat des membres du conseil d'administration est de trois ans. Leur mandat est renouvelable. Toutefois, il peut être mis fin, à tout moment, au mandat des représentants des services publics par le président du conseil ou le ministre dont ils relèvent.
« Il est mis fin de plein droit au mandat de tout membre qui perd la qualité en raison de laquelle il a été désigné.
« En cas de cessation de fonction d'un membre pour quelque cause que ce soit, la durée du mandat de son successeur prend fin en même temps que celle des autres membres du conseil.
« Les dispositions des articles 6 et 8 du décret du 8 août 1935 portant application aux gérants et administrateurs de sociétés de la législation de la faillite et de la banqueroute et instituant l'interdiction et la déchéance du droit de gérer et d'administrer une société sont applicables aux membres du conseil d'administration » ;
2. Considérant que, selon le requérant, le fait de réserver aux journalistes et aux agents des autres catégories de personnel de nationalité française le droit d'élire leurs représentants au conseil d'administration de l'Agence France-Presse méconnaît le principe d'égalité et le principe de participation à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises garanti par le huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ;
3. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots : « de nationalité française » figurant aux sixième et septième alinéas de l'article 7 de la loi du 10 janvier 1957 ;
4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi (...) doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; que, d'autre part, aux termes du huitième alinéa du Préambule de 1946 : « Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises » ;
5. Considérant que les élections prévues pour la désignation de représentants du personnel au conseil d'administration de l'Agence France-Presse ont pour objet de mettre en œuvre le principe de participation à la détermination des conditions de travail et à la gestion des entreprises posé par le huitième alinéa du Préambule de 1946 ; qu'eu égard à l'objet de ce scrutin, le législateur ne pouvait, sans méconnaître le principe d'égalité, instituer une différence de traitement entre les personnels de l'agence selon qu'ils sont ou non de nationalité française ; qu'en conséquence, les mots : « de nationalité française » figurant dans les sixième et septième alinéas de l'article 7 de la loi du 10 janvier 1957 susvisée doivent être déclarés contraires à la Constitution ;
6. Considérant que, d'une part, cette déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la publication de la présente décision ; qu'elle peut être invoquée dans les instances en cours à cette date et dont l'issue dépend des dispositions déclarées inconstitutionnelles ; que, d'autre part, cette déclaration d'inconstitutionnalité est sans effet sur les décisions rendues antérieurement par le conseil d'administration de l'Agence France-Presse qui auraient acquis un caractère définitif au jour de la publication de la présente décision,
Décide :

ARTICLE 1

Dans les sixième et septième alinéas de l'article 7 de la loi n° 57-32 du 10 janvier 1957 portant statut de l'Agence France-Presse, les mots : « de nationalité française » sont déclarés contraires à la Constitution.

ARTICLE 2

La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées par son considérant 6.

ARTICLE 3

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 5 mai 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

DECISIONS DU 13 MAI 2011

Décision n° 2011-126 QPC du 13 mai 2011

(SOCIÉTÉ SYSTÈME U CENTRALE NATIONALE ET AUTRE)

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 8 mars 2011 par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 338), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la société Système U Centrale Nationale et la société Carrefour France SAS, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions du second alinéa du paragraphe III de l'article L. 442-6 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de commerce ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la société Système U Centrale nationale par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées les 23 mars, 7 et 29 avril 2011 ;
Vu les observations produites pour la société Carrefour France SAS par la SCP B. Odent et L. Poulet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 22 mars 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 23 mars et le 19 avril 2011 ;
Vu les observations produites en intervention pour la société anonyme coopérative Groupements d'achats des Centres Leclerc dite GALEC par Me Laurent Parléani, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 18 mars et 18 avril 2011 ;
Vu les observations produites en intervention pour l'Union fédérale des consommateurs-Que choisir par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 18 avril 2011 ;
Vu la lettre du 11 avril 2011 par laquelle le Conseil constitutionnel a soumis aux parties un grief susceptible d'être soulevé par lui ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Richard Renaudier pour la société Système U Centrale nationale, Me Julien Cheval pour la société Carrefour France SAS, Me Parléani pour la société GALEC, Me Louis Boré pour l'Union fédérale des consommateurs-Que choisir, M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 3 mai 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que l'article L. 442-6 du code de commerce prévoit qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de se livrer à certaines pratiques restrictives de concurrence ; qu'aux termes du second alinéa du paragraphe III de cet article, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 précitée : « Le ministre chargé de l'économie et le ministère public peuvent demander à la juridiction saisie d'ordonner la cessation des pratiques mentionnées au présent article. Ils peuvent aussi, pour toutes ces pratiques, faire constater la nullité des clauses ou contrats illicites, demander la répétition de l'indu et le prononcé d'une amende civile dont le montant ne peut excéder 2 millions d'euros. La réparation des préjudices subis peut également être demandée. Dans tous les cas, il appartient au prestataire de services, au producteur, au commerçant, à l'industriel ou à la personne immatriculée au répertoire des métiers qui se prétend libéré de justifier du fait qui a produit l'extinction de son obligation » ;
2. Considérant que, selon les requérants, ces dispositions portent atteinte à la liberté d'entreprendre, au principe du contradictoire et au droit au recours, ainsi qu'au droit de propriété ;
Sur la liberté d'entreprendre :
3. Considérant que les requérants soutiennent que les dispositions contestées prévoient des mesures dépourvues d'utilité et disproportionnées au but poursuivi de protection des intérêts particuliers d'opérateurs économiques placés dans une situation d'infériorité par rapport à leurs partenaires ; qu'ainsi ces dispositions méconnaîtraient la liberté d'entreprendre ;
4. Considérant qu'il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre, qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi ;
5. Considérant qu'en adoptant les dispositions contestées le législateur a attribué à l'autorité publique un pouvoir d'agir pour faire cesser des pratiques restrictives de concurrence mentionnées au même article, constater la nullité de clauses ou contrats illicites, ordonner le remboursement des paiements indus faits en application des clauses annulées, réparer les dommages qui en ont résulté et prononcer une amende civile contre l'auteur desdites pratiques ; qu'ainsi il a entendu réprimer ces pratiques, rétablir un équilibre des rapports entre partenaires commerciaux et prévenir la réitération de ces pratiques ; qu'eu égard aux objectifs de préservation de l'ordre public économique qu'il s'est assignés le législateur a opéré une conciliation entre le principe de la liberté d'entreprendre et l'intérêt général tiré de la nécessité de maintenir un équilibre dans les relations commerciales ; que l'atteinte portée à la liberté d'entreprendre par les dispositions contestées n'est pas disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi ;
Sur le principe du contradictoire et le droit au recours :
6. Considérant que, selon les requérants, les dispositions contestées permettent à l'autorité publique d'agir en justice en vue d'obtenir l'annulation de clauses ou contrats illicites et la répétition de l'indu du fait d'une pratique restrictive de concurrence, sans que le partenaire lésé par cette pratique soit nécessairement appelé en cause ; qu'en conséquence elles porteraient atteinte aux droits de la défense et au principe du contradictoire ; qu'en ne prévoyant pas que le partenaire lésé soit mis à même de donner son assentiment et puisse conserver la liberté de conduire personnellement la défense de ses intérêts et mettre un terme à cette action les dispositions contestées porteraient également atteinte au droit au recours ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que sont garantis par cette disposition le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif, le droit à un procès équitable ainsi que le principe du contradictoire ;
8. Considérant, en premier lieu, que les dispositions contestées n'interdisent ni au partenaire lésé par la pratique restrictive de concurrence d'engager lui-même une action en justice pour faire annuler les clauses ou contrats illicites, obtenir la répétition de l'indu et le paiement de dommages et intérêts ou encore de se joindre à celle de l'autorité publique par voie d'intervention volontaire, ni à l'entreprise poursuivie d'appeler en cause son cocontractant, de le faire entendre ou d'obtenir de lui la production de documents nécessaires à sa défense ; que, par conséquent, elles ne sont pas contraires au principe du contradictoire ;
9. Considérant, en second lieu, qu'il est loisible au législateur de reconnaître à une autorité publique le pouvoir d'introduire, pour la défense d'un intérêt général, une action en justice visant à faire cesser une pratique contractuelle contraire à l'ordre public ; que ni la liberté contractuelle ni le droit à un recours juridictionnel effectif ne s'opposent à ce que, dans l'exercice de ce pouvoir, cette autorité publique poursuive la nullité des conventions illicites, la restitution des sommes indûment perçues et la réparation des préjudices que ces pratiques ont causés, dès lors que les parties au contrat ont été informées de l'introduction d'une telle action ; que, sous cette réserve, les dispositions contestées ne portent pas atteinte aux exigences constitutionnelles susvisées ;
Sur le droit de propriété :
10. Considérant que les requérants font valoir que les dispositions contestées ne permettent pas aux partenaires commerciaux d'obtenir de la part de l'autorité publique la restitution des sommes indûment versées ; qu'ainsi ces dispositions méconnaîtraient tant le droit de propriété de l'entreprise condamnée à répéter l'indu que celui de l'entreprise ayant indûment payé ces sommes ;
11. Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ; qu'aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'en l'absence de privation du droit de propriété, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les limites apportées à son exercice doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi ;
12. Considérant, d'une part, que les condamnations à restitution et, le cas échéant, à paiement de dommages et intérêts sont prononcées par jugement en conséquence de l'annulation des clauses illicites ; que, par suite, doit être rejeté comme inopérant le grief tiré de l'atteinte au droit de propriété de la personne condamnée ;
13. Considérant, d'autre part, qu'en application des dispositions contestées les sommes indûment perçues et les indemnités sont versées au partenaire lésé ou tenues à sa disposition ; que, dès lors, il n'est porté aucune atteinte au droit de propriété de ce dernier ;
14. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

Sous la réserve énoncée au considérant 9, le second alinéa du paragraphe III de l'article L. 442-6 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, est conforme à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 mai 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRE, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ

Décision n° 2011-129 QPC du 13 mai 2011

(SYNDICAT DES FONCTIONNAIRES DU SÉNAT)

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 21 mars 2011 par le Conseil d'Etat (décision n° 345216 du 21 mars 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par le Syndicat des fonctionnaires du Sénat, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 8 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 12 avril 2011 ;
Vu les observations produites pour le Syndicat des fonctionnaires du Sénat par la SCP Boutet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées les 12 et 26 avril 2011 ;
Vu les observations produites pour le Sénat par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées les 12 et 26 avril 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me François Boutet pour le syndicat requérant, Me Frédéric Thiriez pour le Sénat et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 3 mai 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires : « L'Etat est responsable des dommages de toute nature causés par les services des assemblées parlementaires.
« Les actions en responsabilité sont portées devant les juridictions compétentes pour en connaître.
« Les agents titulaires des services des assemblées parlementaires sont des fonctionnaires de l'Etat dont le statut et le régime de retraite sont déterminés par le bureau de l'assemblée intéressée, après avis des organisations syndicales représentatives du personnel. Ils sont recrutés par concours selon des modalités déterminées par les organes compétents des assemblées. La juridiction administrative est appelée à connaître de tous litiges d'ordre individuel concernant ces agents, et se prononce au regard des principes généraux du droit et des garanties fondamentales reconnues à l'ensemble des fonctionnaires civils et militaires de l'Etat visées à l'article 34 de la Constitution. La juridiction administrative est également compétente pour se prononcer sur les litiges individuels en matière de marchés publics.
« Dans les instances ci-dessus visées, qui sont les seules susceptibles d'être engagées contre une assemblée parlementaire, l'Etat est représenté par le président de l'assemblée intéressée, qui peut déléguer cette compétence aux questeurs.
« La décision d'engager une procédure contentieuse est prise par le président de l'assemblée concernée, qui la représente dans ces instances. Le président peut déléguer cette compétence aux questeurs de l'assemblée qu'il préside. S'agissant du recouvrement des créances de toute nature, des modalités spécifiques peuvent être arrêtées par le bureau de chaque assemblée » ;
2. Considérant que, selon le syndicat requérant, les dispositions de l'article 8 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 susvisée restreignent la possibilité pour les agents des assemblées parlementaires et leurs organisations syndicales de contester les décisions prises par les instances de ces assemblées autres que celles que cet article énumère limitativement ; qu'en particulier elles n'ouvriraient pas de voie d'action directe à l'encontre des actes statutaires pris par ces instances ; qu'ainsi elles méconnaîtraient le droit à un recours juridictionnel effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que sont garantis par cette disposition tant le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif que la séparation des pouvoirs ;
4. Considérant que les dispositions de l'article 8 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 susvisée permettent à tout agent des assemblées parlementaires de contester, devant la juridiction administrative, une décision individuelle prise par les instances des assemblées parlementaires qui lui fait grief ; qu'à cette occasion l'agent intéressé peut à la fois contester, par la voie de l'exception, la légalité des actes statutaires sur le fondement desquels a été prise la décision lui faisant grief et engager une action en responsabilité contre l'Etat ; qu'à cette même occasion une organisation syndicale a la possibilité d'intervenir devant la juridiction saisie ; que, par suite, en ne permettant pas à une telle organisation de saisir directement la juridiction administrative d'un recours contre un acte statutaire pris par les instances d'une assemblée parlementaire, le législateur a assuré une conciliation qui n'est pas disproportionnée entre le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif et le principe de séparation des pouvoirs garantis par l'article 16 de la Déclaration de 1789 ;
5. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

L'article 8 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires est conforme à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 mai 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

DECISIONS DU 20 MAI 2011

Décision n° 2011-130 QPC du 20 mai 2011

(MME CÉCILE L. ET AUTRES)


Le Conseil constitutionnel a été saisi le 21 mars 2011 par le Conseil d'Etat (décision n° 345193 du 21 mars 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Cécile L., Mme Cécile C., l'Association pour le bilinguisme franco-allemand en Moselle, l'association Culture et bilinguisme de Lorraine - Zweisprachig, unsere Zukunft et l'association Comité fédéral des associations pour la langue et la culture régionales d'Alsace « Fer unsri Zukunft », relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions de l'article L. 312-10 du code de l'éducation.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de l'éducation ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour les requérantes par Me Pierre-Etienne Rosenstiehl, avocat au barreau de Strasbourg, enregistrées les 11 et 27 avril 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 12 avril 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Rosenstiehl pour les requérantes et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 10 mai 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 312-10 du code de l'éducation : « Un enseignement de langues et cultures régionales peut être dispensé tout au long de la scolarité selon des modalités définies par voie de convention entre l'Etat et les collectivités territoriales où ces langues sont en usage.
« Le Conseil supérieur de l'éducation est consulté, conformément aux attributions qui lui sont conférées par l'article L. 231-1, sur les moyens de favoriser l'étude des langues et cultures régionales dans les régions où ces langues sont en usage » ;
2. Considérant que, selon les requérantes, ces dispositions ne garantissent pas une protection efficace et effective de l'enseignement des langues régionales ; qu'ainsi, elles méconnaîtraient l'article 75-1 de la Constitution ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 75-1 de la Constitution : « Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France » ; que cet article n'institue pas un droit ou une liberté que la Constitution garantit ; que sa méconnaissance ne peut donc être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution ; que, dès lors, le grief est inopérant ;
4. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

L'article L. 312-10 du code de l'éducation est conforme à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 mai 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

 Décision n° 2011-131 QPC du 20 mai 2011

(MME TÉRÉSA C. ET AUTRE)


Le Conseil constitutionnel a été saisi le 21 mars 2011 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 1707 du 15 mars 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Térésa C. et M. Maurice D., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du cinquième alinéa de l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, modifiée notamment par l'ordonnance du 6 mai 1944 relative à la répression des délits de presse ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité
Vu les observations produites pour les requérants par la SCP Normand et associés, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 15 avril 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 15 avril 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Christophe Bigot, avocat au barreau de Paris, pour Mme C., Me Renaud Le Gunehec pour M. D. et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 10 mai 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'en vertu du cinquième alinéa de l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881 susvisée, la vérité des faits diffamatoires peut toujours être prouvée, sauf « lorsque l'imputation se réfère à des faits qui remontent à plus de dix ans » ;
2. Considérant que, selon le requérant, l'impossibilité pour la personne prévenue de diffamation de rapporter la preuve de la vérité des faits diffamatoires de plus de dix ans porte atteinte à la liberté d'expression et aux droits de la défense ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi » ; que la liberté d'expression et de communication est d'autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés ; que les atteintes portées à l'exercice de cette liberté doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif poursuivi ;
4. Considérant que l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881 susvisée définit les cas dans lesquels une personne poursuivie pour diffamation peut s'exonérer de toute responsabilité en établissant la preuve du fait diffamatoire ; que les alinéas 3 à 6 de cet article disposent en particulier que la vérité des faits diffamatoires peut toujours être prouvée sauf lorsque l'imputation concerne la vie privée de la personne et lorsqu'elle se réfère à des faits qui remontent à plus de dix années ou à un fait constituant une infraction amnistiée ou prescrite, ou qui a donné lieu à une condamnation effacée par la réhabilitation ou la révision ;
5. Considérant qu'en interdisant de rapporter la preuve des faits diffamatoires lorsque l'imputation se réfère à des faits qui remontent à plus de dix ans, le cinquième alinéa de l'article 35 a pour objet d'éviter que la liberté d'expression ne conduise à rappeler des faits anciens portant atteinte à l'honneur et à la considération des personnes qu'elles visent ; que la restriction à la liberté d'expression qui en résulte poursuit un objectif d'intérêt général de recherche de la paix sociale ;
6. Considérant, toutefois, que cette interdiction vise sans distinction, dès lors qu'ils se réfèrent à des faits qui remontent à plus de dix ans, tous les propos ou écrits résultant de travaux historiques ou scientifiques ainsi que les imputations se référant à des événements dont le rappel ou le commentaire s'inscrivent dans un débat public d'intérêt général ; que, par son caractère général et absolu, cette interdiction porte à la liberté d'expression une atteinte qui n'est pas proportionnée au but poursuivi ; qu'ainsi, elle méconnaît l'article 11 de la Déclaration de 1789 ;
7. Considérant que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre grief, le cinquième alinéa de l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881 susvisée doit être déclaré contraire à la Constitution ; que cette déclaration d'inconstitutionnalité est applicable à toutes les imputations diffamatoires non jugées définitivement au jour de la publication de la présente décision,
Décide :

ARTICLE 1

Le cinquième alinéa de l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est déclaré contraire à la Constitution.

ARTICLE 2

La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées par son considérant 7.

ARTICLE 3

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 mai 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

 Décision n° 2011-132 QPC du 20 mai 2011

(M. ION C.)

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 24 mars 2011 par la Cour de cassation (troisième chambre civile, arrêt n° 490 du 24 mars 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Ion C., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 3336-2 et L. 3336-3 du code de la santé publique.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 15 avril 2011 ;
Vu les observations produites pour M. Jacques P. par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 15 avril 2011 ;
Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 29 avril 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Louis Boré, pour le requérant, Me François Molinié pour M. P. et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendu à l'audience publique du 10 mai 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3336-2 du code de la santé publique : « Ne peuvent exploiter des débits de boissons à consommer sur place :
« 1° Les personnes condamnées pour crime de droit commun ou l'un des délits prévus aux articles 225-5, 225-6, 225-7 et 225-10 du code pénal
« 2° Ceux qui ont été condamnés à un mois au moins d'emprisonnement pour vol, escroquerie, abus de confiance, recel, filouterie, recel de malfaiteurs, outrage public à la pudeur, tenue d'une maison de jeux, prise de paris clandestins sur les courses de chevaux, vente de marchandises falsifiées ou nuisibles à la santé, infraction aux dispositions législatives ou réglementaires en matière de stupéfiants ou pour récidive de coups et blessures et d'ivresse publique.
« L'incapacité est perpétuelle à l'égard de toutes les personnes mentionnées au 1°. Elle cesse cinq ans après leur condamnation à l'égard de ceux mentionnés au 2°, si pendant ces cinq années elles n'ont encouru aucune condamnation correctionnelle à l'emprisonnement. L'incapacité cesse en cas de réhabilitation.
« L'incapacité prévue au présent article peut être prononcée contre les personnes condamnées pour le délit prévu à l'article 227-22 du code pénal » ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3336-3 du même code : « Les mêmes condamnations, lorsqu'elles sont prononcées contre un débitant de boissons à consommer sur place, entraînent de plein droit contre lui et pendant le même délai l'interdiction d'exploiter un débit, à partir du jour où lesdites condamnations sont devenues définitives. Ce débitant ne peut être employé, à quelque titre que ce soit, dans l'établissement qu'il exploitait, comme au service de celui auquel il a vendu ou loué, ou par qui il fait gérer ledit établissement, ni dans l'établissement qui est exploité par son conjoint même séparé » ;
3. Considérant que, selon le requérant, ces dispositions instituent des sanctions attachées de plein droit à des condamnations pénales, sans que la juridiction ait à les prononcer expressément ; que, par suite, elles porteraient atteinte aux principes de nécessité et d'individualisation des peines ; qu'elles méconnaîtraient également la liberté d'entreprendre ;
4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée » ; qu'il s'ensuit que ces principes ne s'appliquent qu'aux peines et aux sanctions ayant le caractère d'une punition ;
5. Considérant, d'autre part, qu'il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre, qui découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi ;
6. Considérant que, parmi les conditions exigées pour l'exploitation d'un débit de boissons, les articles L. 3336-2 et L. 3336-3 du code de la santé publique instituent une incapacité et une interdiction professionnelles ; que cette interdiction et cette incapacité sont applicables à toute personne condamnée pour un crime ou pour le délit de proxénétisme ou un délit assimilé, ainsi qu'à toute personne condamnée à une peine d'au moins un mois d'emprisonnement pour certains délits ; que ces dispositions ont pour objet d'empêcher que l'exploitation d'un débit de boissons soit confiée à des personnes qui ne présentent pas les garanties de moralité suffisantes requises pour exercer cette profession ; qu'elles n'instituent pas des sanctions ayant le caractère d'une punition ;
7. Considérant, par suite, que, d'une part, les griefs tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la Déclaration de 1789 sont inopérants ; que, d'autre part, eu égard aux objectifs qu'il s'est assignés, le législateur a adopté des mesures propres à assurer une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre le principe de la liberté d'entreprendre et l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public ;
8. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

Les articles L. 3336-2 et L. 3336-3 du code de la santé publique sont conformes à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 mai 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-224 L du 26 mai 2011

NATURE JURIDIQUE DE L'ARTICLE 1er DE LA LOI N° 2008-582 DU 20 JUIN 2008 RENFORÇANT LES MESURES DE PRÉVENTION ET DE PROTECTION DES PERSONNES CONTRE LES CHIENS DANGEREUX
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 12 mai 2011 par le Premier ministre, dans les conditions prévues par le second alinéa de l'article 37 de la Constitution, d'une demande tendant à ce qu'il se prononce sur la nature juridique de l'article 1er de la loi n° 2008-582 du 20 juin 2008 renforçant les mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution, notamment ses articles 34 et 37 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 24, 25 et 26 ;
Vu la loi n° 2008-582 du 20 juin 2008 renforçant les mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Considérant que l'institution, par l'article 1er de la loi du 20 juin 2008 susvisée, d'un Observatoire national du comportement canin auprès du ministre de l'intérieur et des ministres chargés de l'agriculture et de la santé ne met en cause aucun des principes ou règles placés par la Constitution dans le domaine de la loi ; que, dès lors, cette disposition a le caractère réglementaire,
Décide :

ARTICLE 1

L'article 1er de la loi n° 2008-582 du 20 juin 2008 renforçant les mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux a le caractère réglementaire.

ARTICLE 2

La présente décision sera notifiée au Premier ministre et publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 26 mai 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-630 DC du 26 mai 2011

LOI RELATIVE À L'ORGANISATION DU CHAMPIONNAT D'EUROPE DE FOOTBALL DE L'UEFA EN 2016

La LOI n° 2011-617 du 1er juin 2011 est relative à l'organisation du championnat d'Europe de football de l'UEFA en 2016

Cette loi d'exception est couverte par une procédure "anti-avocat". 60 députés ont saisi le Conseil Constitutionnel sans moyen uniquement pour que le Conseil Constitutionnel examine le texte et empêche tout QPC à venir, puisque la première condition d'une QPC est que le Conseil Constitutionnel ne doit pas avoir examiné auparavant la loi critiquée.

VIVE LE FOOT !

La Saisine du Conseil constitutionnel en date du 4 mai 2011 présentée par au moins soixante députés, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision n° 2011-630 DC

LOI RELATIVE À L'ORGANISATION DU CHAMPIONNAT D'EUROPE DE FOOTBALL DE L'UEFA EN 2016

Monsieur le président,
Nous avons l'honneur de déférer, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, l'ensemble du projet de loi relatif à l'organisation du championnat d'Europe de football de l'UEFA en 2016.
A cet effet, vous voudrez bien trouver, ci-joint, la liste des signataires de ce recours.
Nous vous prions de croire, Monsieur le président du Conseil constitutionnel, à l'expression de notre haute considération.

Observations du Gouvernement sur le recours dirigé contre la loi relative à l'organisation du championnat d'Europe de football de l'UEFA en 2016

Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés, d'un recours dirigé contre la loi relative à l'organisation du championnat d'Europe de football de l'UEFA en 2016.
Le Gouvernement observe que cette saisine ne soulève aucun grief tiré d'une absence de conformité de la loi à la Constitution.
Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter le recours dont il est saisi.

Décision n° 2011-630 DC du 26 mai 2011

LOI RELATIVE À L'ORGANISATION DU CHAMPIONNAT D'EUROPE DE FOOTBALL DE L'UEFA EN 2016

Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi relative à l'organisation du championnat d'Europe de football de l'UEFA en 2016, le 4 mai 2011, par M. Jean-Marc Ayrault, Mme Sylvie Andrieux, MM. Jean-Paul Bacquet, Gérard Bapt, Mmes Delphine Batho, Marie-Noëlle Battistel, MM. Serge Blisko, Patrick Bloche, Jean-Michel Boucheron, Mme Monique Boulestin, M. Pierre Bourguignon, Mme Danielle Bousquet, MM. François Brottes, Alain Cacheux, Guy Chambefort, Jean-Paul Chanteguet, Gérard Charasse, Alain Claeys, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Mme Pascale Crozon, M. Frédéric Cuvillier, Mme Claude Darciaux, MM. Pascal Deguilhem, Guy Delcourt, Bernard Derosier, René Dosière, Julien Dray, Tony Dreyfus, Jean-Pierre Dufau, William Dumas, Mme Laurence Dumont, MM. Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Olivier Dussopt, Albert Facon, Hervé Féron, Mmes Aurélie Filippetti, Valérie Fourneyron, Geneviève Gaillard, MM. Guillaume Garot, Jean Gaubert, Jean-Patrick Gille, Joël Giraud, Jean Glavany, Daniel Goldberg, Marc Goua, Jean Grellier, Mme Elisabeth Guigou, M. David Habib, Mme Danièle Hoffman-Rispal, MM. Serge Janquin, Régis Juanico, Mmes Marietta Karamanli, Conchita Lacuey, MM. Jérôme Lambert, Jack Lang, Mme Colette Langlade, MM. Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Jean-Marie Le Guen, Mme Annick Le Loch, M. Bruno Le Roux, Mme Marylise Lebranchu, MM. Michel Lefait, Bernard Lesterlin, Albert Likuvalu, Jean Mallot, Jean-René Marsac, Philippe Martin, Mme Frédérique Massat, M. Didier Mathus, Mme Sandrine Mazetier, MM. Michel Ménard, Pierre-Alain Muet, Henri Nayrou, Alain Néri, Mme George Pau-Langevin, MM. Germinal Peiro, Jean-Luc Pérat, Jean-Claude Perez, Philippe Plisson, Dominique Raimbourg, Marcel Rogemont, René Rouquet, Michel Sapin, Christophe Sirugue, Jean-Louis Touraine, Jean-Jacques Urvoas, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vauzelle, Alain Vidalies et Philippe Vuilque, députés.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que les députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative à l'organisation du championnat d'Europe de football de l'UEFA en 2016
2. Considérant, d'une part, que cette loi a été adoptée selon une procédure conforme à la Constitution ;
3. Considérant, d'autre part, que les requérants n'invoquent aucun grief à l'encontre de ce texte ; qu'au demeurant, aucun motif particulier d'inconstitutionnalité ne ressort des travaux parlementaires ; qu'il n'y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, d'examiner spécialement ces dispositions d'office,
Décide :

ARTICLE 1

La loi relative à l'organisation du championnat d'Europe de football de l'UEFA en 2016 est conforme à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 26 mai 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis Debré, président, M. Jacques Barrot, Mme Claire Bazy Malaurie, MM. Guy Canivet, Michel Charasse, Renaud Denoix de Saint Marc, Mme Jacqueline de Guillenchmidt, MM. Hubert Haenel et Pierre Steinmetz.

Décision n° 2011-135/140 QPC du 9 juin 2011

LE JUGE DOIT EXAMINER LA LEGALITE D'UN INTERNEMENT DANS LES PLUS COURTS DELAIS

(M. ABDELLATIF B. ET AUTRE)

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 7 avril 2011 par le Conseil d'Etat (décision n° 346207 du 6 avril 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Abdellatif B., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions des articles L. 3213-1 et L. 3213-4 du code de la santé publique.
Il a également été saisi le 8 avril 2011 par la Cour de cassation (première chambre civile, arrêt n° 481 du 8 avril 2011), dans les mêmes conditions, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Jean-Louis C. relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 3213-4 du code de la santé publique.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la décision n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour M. B. par la SELARL Mayet et Perrault, avocat au barreau de Versailles, enregistrées le 27 avril 2011 ;
Vu les observations produites pour M. C. par Me Pierre Ricard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 29 avril 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 29 avril 2011 ;
Vu les observations en intervention produites pour l'association « Groupe information asiles » par Me Corinne Vaillant, avocate au barreau de Paris, enregistrées le 13 mai 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Raphaël Mayet pour M. B., Me Ricard pour M. C., Me Vaillant pour l'association « Groupe information asiles » et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 24 mai 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'il y a lieu de joindre ces deux questions prioritaires de constitutionnalité pour statuer par une seule décision ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique : « A Paris, le préfet de police et, dans les départements, les représentants de l'Etat prononcent par arrêté, au vu d'un certificat médical circonstancié, l'hospitalisation d'office dans un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public. Le certificat médical circonstancié ne peut émaner d'un psychiatre exerçant dans l'établissement accueillant le malade. Les arrêtés préfectoraux sont motivés et énoncent avec précision les circonstances qui ont rendu l'hospitalisation nécessaire.
« Dans les vingt-quatre heures suivant l'admission, le directeur de l'établissement d'accueil transmet au représentant de l'Etat dans le département et à la commission mentionnée à l'article L. 3222-5 un certificat médical établi par un psychiatre de l'établissement.
« Ces arrêtés ainsi que ceux qui sont pris en application des articles L. 3213-2, L. 3213-4 à L. 3213-7 et les sorties effectuées en application de l'article L. 3211-11 sont inscrits sur un registre semblable à celui qui est prescrit par l'article L. 3212-11, dont toutes les dispositions sont applicables aux personnes hospitalisées d'office » ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3213-4 du même code : « Dans les trois jours précédant l'expiration du premier mois d'hospitalisation, le représentant de l'Etat dans le département peut prononcer, après avis motivé d'un psychiatre, le maintien de l'hospitalisation d'office pour une nouvelle durée de trois mois. Au-delà de cette durée, l'hospitalisation peut être maintenue par le représentant de l'Etat dans le département pour des périodes de six mois maximum renouvelables selon les mêmes modalités.
« Faute de décision du représentant de l'Etat à l'issue de chacun des délais prévus à l'alinéa précédent, la mainlevée de l'hospitalisation est acquise.
« Sans préjudice des dispositions qui précèdent le représentant de l'Etat dans le département peut à tout moment mettre fin à l'hospitalisation après avis d'un psychiatre ou sur proposition de la commission mentionnée à l'article L. 3222-5 » ;
4. Considérant que, selon les requérants, la procédure d'hospitalisation d'office méconnaît le respect de la liberté individuelle garantie par l'article 66 de la Constitution ;
5. Considérant que l'article 66 de la Constitution dispose : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. ― L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi » ; que, dans l'exercice de sa compétence, le législateur peut fixer des modalités d'intervention de l'autorité judiciaire différentes selon la nature et la portée des mesures affectant la liberté individuelle qu'il entend édicter ;
6. Considérant qu'en vertu du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, la nation garantit à tous le droit à la protection de la santé ; que l'article 34 de la Constitution dispose que la loi fixe les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ; qu'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d'adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité et de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions, dès lors que, dans l'exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences constitutionnelles ;
7. Considérant que l'hospitalisation sans son consentement d'une personne atteinte de troubles mentaux doit respecter le principe, résultant de l'article 66 de la Constitution, selon lequel la liberté individuelle ne saurait être entravée par une rigueur qui ne soit nécessaire ; qu'il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la protection de la santé des personnes souffrant de troubles mentaux ainsi que la prévention des atteintes à l'ordre public nécessaire à la sauvegarde de droits et principes de valeur constitutionnelle et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties ; qu'au nombre de celles-ci figurent la liberté d'aller et venir et le respect de la vie privée, protégés par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ainsi que la liberté individuelle dont l'article 66 de la Constitution confie la protection à l'autorité judiciaire ; que les atteintes portées à l'exercice de ces libertés doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées aux objectifs poursuivis ;
Sur les conditions de l'hospitalisation d'office :
8. Considérant, en premier lieu, que l'article L. 3213-1 du code de la santé publique prévoit qu'une personne atteinte de troubles mentaux ne peut être hospitalisée d'office que si ses troubles nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public ; que de tels motifs peuvent justifier la mise en œuvre d'une mesure privative de liberté au regard des exigences constitutionnelles précitées ;
9. Considérant, en deuxième lieu, que ce même article prévoit, en son premier alinéa, que la décision d'hospitalisation d'office est prononcée par le préfet ou, à Paris, le préfet de police, au vu d'un certificat médical circonstancié qui ne peut émaner d'un psychiatre exerçant dans l'établissement accueillant le malade, et que l'arrêté est motivé et énonce avec précision les circonstances qui ont rendu l'hospitalisation nécessaire ; que, si l'article 66 de la Constitution exige que toute privation de liberté soit placée sous le contrôle de l'autorité judiciaire, il n'impose pas que cette dernière soit saisie préalablement à toute mesure de privation de liberté ; que, dès lors, la compétence du préfet pour ordonner l'hospitalisation d'office ne méconnaît pas les exigences tirées de l'article 66 de la Constitution ;
10. Considérant, en troisième lieu, que l'article L. 3213-1 prévoit, en son deuxième alinéa, que, dans les vingt-quatre heures suivant l'admission, un certificat médical établi par un psychiatre de l'établissement est transmis au représentant de l'Etat dans le département et à la commission départementale des hospitalisations psychiatriques ; que, dans l'hypothèse où ce certificat médical ne confirme pas que l'intéressé doit faire l'objet de soins en hospitalisation, les dispositions contestées conduisent, à défaut de levée de l'hospitalisation d'office par l'autorité administrative compétente, à la poursuite de cette mesure sans prévoir un réexamen à bref délai de la situation de la personne hospitalisée permettant d'assurer que son hospitalisation est nécessaire ; qu'un tel réexamen est seul de nature à permettre le maintien de la mesure ; qu'en l'absence d'une telle garantie les dispositions contestées n'assurent pas que l'hospitalisation d'office est réservée aux cas dans lesquels elle est adaptée, nécessaire et proportionnée à l'état du malade ainsi qu'à la sûreté des personnes ou à la préservation de l'ordre public ; que, par suite, le deuxième alinéa de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique méconnaît les exigences constitutionnelles précitées ;
11. Considérant qu'il s'ensuit que l'article L. 3213-1 du code de la santé publique, dont les dispositions sont inséparables, doit être déclaré contraire à la Constitution ;
Sur le maintien de l'hospitalisation d'office :
12. Considérant que l'article L. 3213-4 du code de la santé publique prévoit qu'à l'expiration d'un délai d'un mois l'hospitalisation peut être maintenue, pour une durée maximale de trois mois, après avis motivé d'un psychiatre ; qu'au-delà de cette durée l'hospitalisation peut être maintenue pour des périodes successives de six mois selon les mêmes modalités ;
13. Considérant que la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible ; que les motifs médicaux et les finalités thérapeutiques qui justifient la privation de liberté des personnes atteintes de troubles mentaux hospitalisées sans leur consentement peuvent être pris en compte pour la fixation de ce délai ; que, pour les mêmes motifs que ceux retenus dans la décision du 26 novembre 2010 susvisée, les dispositions de l'article L. 3213-4, qui permettent que l'hospitalisation d'office soit maintenue au-delà de quinze jours sans intervention d'une juridiction de l'ordre judiciaire, méconnaissent les exigences de l'article 66 de la Constitution ;
14. Considérant qu'il s'ensuit que l'article L. 3213-4 du code de la santé publique doit être déclaré contraire à la Constitution ;
Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité :
15. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ; que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration ;
16. Considérant que l'abrogation immédiate des articles L. 3213-1 et L. 3213-4 du code de la santé publique méconnaîtrait les exigences de la protection de la santé et la prévention des atteintes à l'ordre public et entraînerait des conséquences manifestement excessives ; que, par suite, afin de permettre au législateur de remédier à cette inconstitutionnalité, il y a lieu de reporter au 1er août 2011 la date de cette abrogation ; que les mesures d'hospitalisation prises avant cette date en application des dispositions déclarées contraires à la Constitution ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité,
Décide :

Article 1

Les articles L. 3213-1 et L. 3213-4 du code de la santé publique sont contraires à la Constitution.

Article 2

La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet le 1er août 2011 dans les conditions fixées au considérant 16.

Article 3

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 9 juin 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis Debré, président, M. Jacques Barrot, Mme Claire Bazy Malaurie, MM. Guy Canivet, Michel Charasse, Renaud Denoix de Saint Marc, Mme Jacqueline de Guillenchmidt, MM. Hubert Haenel et Pierre Steinmetz.

DECISIONS DU 17JUIN 2011

Décision n° 2011-134 QPC du 17 juin 2011

UNION GÉNÉRALE DES FÉDÉRATIONS DE FONCTIONNAIRES-CGT ET AUTRES

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 4 avril 2011 par le Conseil d'Etat (décision n° 345767, 345768, 345810 du 4 avril 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par l'Union générale des fédérations de fonctionnaires-CGT (UGFF-CGT), la Fédération syndicale unitaire (FSU) et M. Denis R., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions des articles 36, 44 bis à 44 quinquies, 51 et 60 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat dans leur rédaction issue de la loi n° 2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, modifiée en particulier par la loi n° 2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par M. Denis R., enregistrées le 15 avril 2011 ;
Vu les observations produites par l'UGFF-CGT, enregistrées le 20 avril 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 27 avril 2011 ;
Vu les observations produites pour la FSU, par la SCP Gatineau, Fattacini, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 13 mai 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendu à l'audience publique du 24 mai 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 44 bis de la loi du 11 janvier 1984 modifiée : « En cas de restructuration d'une administration de l'Etat ou de l'un de ses établissements publics administratifs, le fonctionnaire peut être placé en situation de réorientation professionnelle dès lors que son emploi est susceptible d'être supprimé » ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 44 ter de la même loi : « L'administration établit, après consultation du fonctionnaire placé en situation de réorientation professionnelle, un projet personnalisé d'évolution professionnelle qui a pour objet de faciliter son affectation dans un emploi correspondant à son grade, situé dans son service ou dans une autre administration, ou de lui permettre d'accéder à un autre corps ou cadre d'emplois de niveau au moins équivalent. Le projet peut également avoir pour objet de l'aider à accéder à un emploi dans le secteur privé ou à créer ou reprendre une entreprise.
« Pendant la réorientation, le fonctionnaire est tenu de suivre les actions d'orientation, de formation, d'évaluation et de validation des acquis de l'expérience professionnelle destinées à favoriser sa réorientation et pour lesquelles il est prioritaire. Il bénéficie également d'une priorité pour la période de professionnalisation.
« L'administration lui garantit un suivi individualisé et régulier ainsi qu'un appui dans ses démarches de réorientation. Elle fait diligence pour l'affecter, sous réserve des dispositions du quatrième alinéa de l'article 60, dans les emplois créés ou vacants correspondant à son grade et à son projet personnalisé d'évolution professionnelle.
« Le fonctionnaire peut être appelé à accomplir des missions temporaires pour le compte de son administration ou d'une autre administration. Les missions qui lui sont alors confiées doivent s'insérer dans le projet personnalisé » ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 44 quater : « La réorientation professionnelle prend fin lorsque le fonctionnaire accède à un nouvel emploi.
« Elle peut également prendre fin, à l'initiative de l'administration, lorsque le fonctionnaire a refusé successivement trois offres d'emploi public fermes et précises correspondant à son grade et à son projet personnalisé d'évolution professionnelle, et tenant compte de sa situation de famille et de son lieu de résidence habituel. Dans ce cas, il peut être placé en disponibilité d'office ou, le cas échéant, admis à la retraite » ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 44 quinquies : « Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions de mise en œuvre de la présente sous-section » ;
5. Considérant, en outre, qu'aux termes de l'article 36 de la même loi : « Pour l'application du quatrième alinéa de l'article 12 du titre Ier du statut général et sans préjudice du placement en situation de réorientation professionnelle prévue à la sous-section 3 de la présente section, en cas de suppression d'emploi, le fonctionnaire est affecté dans un emploi de son corps d'origine au besoin en surnombre provisoire » ;
6. Considérant qu'aux termes de son article 51 : « La disponibilité est la position du fonctionnaire qui, placé hors de son administration ou service d'origine, cesse de bénéficier, dans cette position, de ses droits à l'avancement et à la retraite.
« La disponibilité est prononcée, soit à la demande de l'intéressé, soit d'office à l'expiration des congés prévus aux 2°, 3° et 4° de l'article 34 ci-dessus ou dans le cas prévu au second alinéa de l'article 44 quater. Le fonctionnaire mis en disponibilité qui refuse successivement trois postes qui lui sont proposés en vue de sa réintégration peut être licencié après avis de la commission administrative paritaire » ;
7. Considérant qu'aux termes de son article 60 : « L'autorité compétente procède aux mouvements des fonctionnaires après avis des commissions administratives paritaires.
« Dans les administrations ou services où sont dressés des tableaux périodiques de mutations, l'avis des commissions est donné au moment de l'établissement de ces tableaux.
« Toutefois, lorsqu'il n'existe pas de tableaux de mutation, seules les mutations comportant changement de résidence ou modification de la situation de l'intéressé sont soumises à l'avis des commissions.
« Dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service, les affectations prononcées doivent tenir compte des demandes formulées par les intéressés et de leur situation de famille. Priorité est donnée aux fonctionnaires séparés de leur conjoint pour des raisons professionnelles, aux fonctionnaires séparés pour des raisons professionnelles du partenaire avec lequel ils sont liés par un pacte civil de solidarité lorsqu'ils produisent la preuve qu'ils se soumettent à l'obligation d'imposition commune prévue par le code général des impôts, aux fonctionnaires handicapés relevant de l'une des catégories mentionnées aux 1°, 2°, 3°, 4°, 9°, 10° et 11° de l'article L. 323-3 du code du travail et aux fonctionnaires qui exercent leurs fonctions, pendant une durée et selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat, dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles. Priorité est également donnée aux fonctionnaires placés en situation de réorientation professionnelle pour les emplois correspondant à leur projet personnalisé d'évolution professionnelle.
« Dans le cas où il s'agit de remplir une vacance d'emploi compromettant le fonctionnement du service et à laquelle il n'est pas possible de pourvoir par un autre moyen, même provisoirement, la mutation peut être prononcée sous réserve d'examen ultérieur par la commission compétente » ;
8. Considérant que, selon les requérants, en adoptant les dispositions relatives au régime de réorientation professionnelle des fonctionnaires par la loi du 3 août 2009 susvisée, le législateur a méconnu l'étendue de sa propre compétence ainsi que l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi ; qu'ils soutiennent, en outre, qu'en remettant en cause le principe de la carrière dans la fonction publique de l'Etat, ces dispositions portent atteinte au principe de continuité de l'Etat et du service public ; qu'ils font valoir que ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité devant la loi et les emplois publics dès lors qu'elles instituent des différences de traitement entre fonctionnaires et salariés du secteur privé, s'agissant des protections dont bénéficient les représentants du personnel, entre fonctionnaires selon qu'ils sont ou non placés en situation de réorientation professionnelle et, enfin, entre fonctionnaires placés en situation de réorientation professionnelle ; qu'ils invoquent également la violation de la liberté syndicale et du principe de participation des travailleurs à la détermination des conditions de travail ;
9. Considérant que M. R. soutient, en outre, que ces dispositions méconnaissent le principe constitutionnel d'indépendance des enseignants-chercheurs ;
Sur l'incompétence négative :
10. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé » ; que la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où est affecté un droit ou une liberté que la Constitution garantit ;
11. Considérant qu'il appartient au législateur, en vertu de l'article 34 de la Constitution, de fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l'Etat ;
12. Considérant que les dispositions contestées sont relatives à la situation de réorientation professionnelle dans laquelle est placé un fonctionnaire en cas de restructuration d'une administration de l'Etat ou de l'un de ses établissements publics administratifs dès lors que son emploi est susceptible d'être supprimé ; qu'elles définissent également les droits et les devoirs du fonctionnaire intéressé ; que ces dispositions n'ont pas pour effet de confier au pouvoir réglementaire la définition de règles ou de principes que la Constitution a placés dans le domaine de la loi ;
Sur le principe de continuité de l'Etat et du service public :
13. Considérant que les dispositions contestées n'ont ni pour objet ni pour effet de porter atteinte au principe de continuité de l'Etat ou du service public ; qu'en tout état de cause, elles n'ont pas non plus pour objet ou pour effet de remettre en cause la règle selon laquelle la fonction publique est organisée selon le régime de la carrière ; que, dès lors, le grief manque en fait ;
Sur la liberté syndicale et le principe de participation :
14. Considérant qu'aux termes du sixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale et adhérer au syndicat de son choix » ; que son huitième alinéa dispose : « Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises » ;
15. Considérant, en premier lieu, que les fonctionnaires bénéficient, dans leur ensemble, d'une protection statutaire ; que celle-ci bénéficie, notamment, à ceux qui sont investis de fonctions représentatives ou syndicales ;
16. Considérant, en deuxième lieu, qu'en vertu de l'article 15 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, dans toutes les administrations de l'Etat et dans tous ses établissements publics ne présentant pas un caractère industriel ou commercial, il est institué un ou plusieurs comités techniques ; que ces comités, qui comprennent des représentants de l'administration et des représentants du personnel, connaissent en principe des questions relatives à l'organisation et au fonctionnement des services ; que les modifications apportées par la loi du 3 août 2009 susvisée à la loi du 11 janvier 1984 n'ont pas eu pour effet d'exclure la compétence de ces comités sur les questions relatives à la restructuration de l'administration ou de l'établissement public dans lequel ils sont institués ; que, dans ces conditions, le grief tiré de la méconnaissance du principe posé par le huitième alinéa du Préambule de 1946 manque en fait ;
17. Considérant, en troisième lieu, que la loi du 3 août 2009, dont sont issues les dispositions contestées, ne modifie pas l'article 14 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée qui confie aux commissions administratives paritaires une compétence consultative sur les décisions individuelles intéressant les membres du ou des corps qui en relèvent ; que le décret d'application de cet article 14 fixe la liste des décisions individuelles ressortissant à la compétence de ces commissions ; qu'il revient au juge du décret de vérifier si la mesure de placement en situation de réorientation professionnelle d'un fonctionnaire investi ou non de fonctions représentatives ou syndicales doit, eu égard à sa portée, figurer dans ce décret au titre des mesures pour lesquelles ces commissions doivent être consultées ;
18. Considérant, en quatrième lieu, que les décisions administratives adoptées en application des dispositions contestées sont placées sous le contrôle de la juridiction administrative à qui il appartiendra, le cas échéant, de s'assurer que les mesures de réorientation professionnelle qui pourraient toucher ces fonctionnaires ainsi que les mesures de mise en disponibilité ou les admissions à la retraite qui pourraient s'ensuivre ne sont pas prises en raison de leurs fonctions représentatives ou syndicales ;
19. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de la méconnaissance du Préambule de 1946 doivent être écartés ;
Sur le principe d'égalité :
20. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi... doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
21. Considérant, en premier lieu, que les fonctionnaires sont dans une situation différente de celle des salariés du secteur privé ; que, par suite, en ne prévoyant pas, pour les fonctionnaires investis de fonctions représentatives, les garanties qui existent pour les salariés investis de telles fonctions dans le secteur privé, le législateur n'a pas méconnu le principe d'égalité devant la loi ;
22. Considérant, en deuxième lieu, que le principe d'égalité de traitement dans le déroulement de la carrière des fonctionnaires n'est susceptible de s'appliquer qu'entre les agents appartenant à un même corps ;
23. Considérant, en troisième lieu, que les dispositions contestées, qui permettent à l'administration de placer en situation de réorientation professionnelle un fonctionnaire dont l'emploi est susceptible d'être supprimé, peuvent aboutir à des distinctions entre agents appartenant à un même corps selon que leur administration connaît ou non une restructuration assortie de suppressions d'emplois ; que, toutefois, les différences de traitement qui peuvent en résulter répondent à une fin d'intérêt général qu'il appartenait au législateur d'apprécier et ne sont, dès lors, pas contraires à la Constitution ;
24. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit être écarté ;
Sur le principe d'indépendance des enseignants-chercheurs :
25. Considérant que la garantie de l'indépendance des enseignants-chercheurs résulte d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République ; que les dispositions critiquées n'ont pas pour objet de déroger aux règles particulières relatives au recrutement et à la nomination des enseignants-chercheurs ; qu'en outre, l'application de l'article 44 ter ne saurait, s'agissant de ces personnels, conduire à un changement de corps ; que, sous cette réserve, les dispositions contestées ne portent pas atteinte à l'indépendance des enseignants-chercheurs ;
Sur l'objectif d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi :
26. Considérant que, si l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789, impose au législateur d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques, sa méconnaissance ne peut, en elle-même, être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution ;
27. Considérant que les dispositions contestées ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

Sous la réserve énoncée au considérant 25, les dispositions des articles 36, 44 bis à 44 quinquies, 51 et 60 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat dans leur rédaction résultant de l'article 7 de la loi n° 2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique sont conformes à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 16 juin 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

 Décision n° 2011-136 QPC du 17 juin 2011

FÉDÉRATION NATIONALE DES ASSOCIATIONS TUTÉLAIRES ET AUTRES

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 7 avril 2011 par le Conseil d'Etat (décision n° 345838 du 6 avril 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la Fédération nationale des associations tutélaires, l'Union nationale des associations familiales et l'Union nationale des associations de parents de personnes handicapées mentales et de leurs amis, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 471-5 du code de l'action sociale et des familles et de l'article 419 du code civil.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu le code civil ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour les associations requérantes par la SCP Jean-Alain Blanc et Jérôme Rousseau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 28 avril 2011 ;
Vu les observations produites pour l'association « Chambre nationale des mandataires judiciaires à la protection des majeurs », par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 29 avril 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 29 avril 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Jérôme Rousseau, pour les associations requérantes, Me François Molinié pour l'association « Chambre nationale des mandataires judiciaires à la protection des majeurs » et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 26 mai 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 419 du code civil : « Les personnes autres que le mandataire judiciaire à la protection des majeurs exercent à titre gratuit les mesures judiciaires de protection. Toutefois, le juge des tutelles ou le conseil de famille s'il a été constitué peut autoriser, selon l'importance des biens gérés ou la difficulté d'exercer la mesure, le versement d'une indemnité à la personne chargée de la protection. Il en fixe le montant. Cette indemnité est à la charge de la personne protégée.
« Si la mesure judiciaire de protection est exercée par un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, son financement est à la charge totale ou partielle de la personne protégée en fonction de ses ressources et selon les modalités prévues par le code de l'action sociale et des familles.
« Lorsque le financement de la mesure ne peut être intégralement assuré par la personne protégée, il est pris en charge par la collectivité publique, selon des modalités de calcul communes à tous les mandataires judiciaires à la protection des majeurs et tenant compte des conditions de mise en œuvre de la mesure, quelles que soient les sources de financement. Ces modalités sont fixées par décret.
« A titre exceptionnel, le juge ou le conseil de famille s'il a été constitué peut, après avoir recueilli l'avis du procureur de la République, allouer au mandataire judiciaire à la protection des majeurs, pour l'accomplissement d'un acte ou d'une série d'actes requis par la mesure de protection et impliquant des diligences particulièrement longues ou complexes, une indemnité en complément des sommes perçues au titre des deux alinéas précédents lorsqu'elles s'avèrent manifestement insuffisantes. Cette indemnité est à la charge de la personne protégée.
« Le mandat de protection future s'exerce à titre gratuit sauf stipulations contraires » ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 471-5 du code de l'action sociale et des familles : « Le coût des mesures exercées par les mandataires judiciaires à la protection des majeurs et ordonnées par l'autorité judiciaire au titre du mandat spécial auquel il peut être recouru dans le cadre de la sauvegarde de justice ou au titre de la curatelle, de la tutelle ou de la mesure d'accompagnement judiciaire est à la charge totale ou partielle de la personne protégée en fonction de ses ressources. Lorsqu'il n'est pas intégralement supporté par la personne protégée, il est pris en charge dans les conditions fixées par les articles L. 361-1, L. 472-3 et L. 472-9.
« A titre exceptionnel, le juge peut, après avoir recueilli l'avis du procureur de la République, allouer au mandataire judiciaire à la protection des majeurs, pour l'accomplissement d'un acte ou d'une série d'actes requis par l'exercice de la mesure de protection et impliquant des diligences particulièrement longues ou complexes, une indemnité en complément des sommes perçues au titre du premier alinéa lorsqu'elles s'avèrent manifestement insuffisantes. Cette indemnité est à la charge de la personne et est fixée par le juge en application d'un barème national établi par décret » ;
3. Considérant que, selon les associations requérantes, le bénéfice de l'accomplissement d'actes impliquant des diligences exceptionnelles est réservé aux personnes protégées disposant de ressources suffisantes pour prendre en charge l'indemnité complémentaire que le juge peut allouer à cette fin au mandataire judiciaire à la protection des majeurs ; que, faute de prévoir un financement public subsidiaire pour la prise en charge de cette indemnité complémentaire lorsque les ressources du majeur protégé sont insuffisantes, ces dispositions porteraient atteinte au principe d'égalité ; que, pour les mêmes motifs, les requérantes soutiennent qu'un tel financement public est seul à même de permettre d'assurer la protection des intérêts patrimoniaux des personnes protégées, de leur vie familiale ou de leurs droits dans une procédure juridictionnelle ; qu'en omettant d'instaurer un tel financement public, les dispositions contestées porteraient atteinte, respectivement, au droit de propriété, au droit de mener une vie familiale normale et au droit à un recours juridictionnel effectif ;
4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi... doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, la nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence » ; que les exigences constitutionnelles résultant de ces dispositions impliquent la mise en œuvre d'une politique de solidarité nationale en faveur des personnes défavorisées ; qu'il appartient au législateur, pour satisfaire à cette exigence, de choisir les modalités concrètes qui lui paraissent appropriées ; qu'en particulier, il lui est à tout moment loisible, statuant dans le domaine qui lui est réservé par l'article 34 de la Constitution, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions ; qu'il ne lui est pas moins loisible d'adopter, pour la réalisation ou la conciliation d'objectifs de nature constitutionnelle, des modalités nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité et qui peuvent comporter la modification ou la suppression de dispositions qu'il estime excessives ou inutiles ; que, cependant, l'exercice de ce pouvoir ne saurait aboutir à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ;
6. Considérant que l'article 419 du code civil fixe les modalités de financement des mesures judiciaires de protection des majeurs ; que les alinéas 2 à 4 de cet article ainsi que l'article L. 471-5 du code de l'action sociale et des familles définissent en particulier les règles du financement des mesures de protection confiées à un mandataire judiciaire à la protection des majeurs ; qu'il résulte de ces dernières dispositions que la personne protégée assume le coût de sa protection en fonction de ses ressources ; que, si ces dernières sont insuffisantes, ce coût est pris en charge par la collectivité publique ;
7. Considérant que les mesures judiciaires de protection des majeurs sont constituées, d'une part, des mesures de protection juridique prévues par les articles 433 à 476 du code civil et, d'autre part, de la mesure d'accompagnement judiciaire prévue par ses articles 495 à 495-9 ; que les diligences accomplies par le mandataire judiciaire dans le cadre de la mesure d'accompagnement judiciaire sont précisément définies par l'article 495-7 ; que, dès lors, seule une mesure de protection juridique est de nature à justifier, si le juge le décide, l'octroi d'une indemnité complémentaire au mandataire judiciaire à la protection des majeurs à la charge de la personne protégée lorsque cette protection requiert des diligences particulièrement longues ou complexes ;
8. Considérant, d'une part, que, pour permettre à toute personne de bénéficier d'une mesure de protection juridique lorsqu'elle se trouve dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération de ses facultés, les articles 419 du code civil et L. 471-5 du code de l'action sociale et des familles ont prévu un financement public des mesures de protection lorsque la personne ne dispose pas des ressources pour en assumer le coût ; que, si l'existence d'un tel financement public met en œuvre le onzième alinéa du Préambule de 1946, cette exigence constitutionnelle n'impose pas que la collectivité publique prenne en charge, quel que soit leur coût, toutes les diligences susceptibles d'être accomplies au titre d'une mesure de protection juridique ;
9. Considérant, d'autre part, que, si, en règle générale, le principe d'égalité impose de traiter de la même façon des personnes qui se trouvent dans la même situation, il n'en résulte pas pour autant qu'il oblige à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes ; que les dispositions contestées, qui laissent à la charge de la personne protégée, dans tous les cas, le coût de l'indemnité en complément susceptible d'être allouée au mandataire judiciaire à la protection des majeurs, ne méconnaissent pas le principe d'égalité ;
10. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

L'article L. 471-5 du code de l'action sociale et des familles et l'article 419 du code civil sont conformes à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 16 juin 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-137 QPC du 17 juin 2011

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 7 avril 2011 par le Conseil d'Etat (décision n° 345634 du 6 avril 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Zeljko S., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 262-4 du code de l'action sociale et des familles.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Guillaume et Antoine Delvolvé, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 28 avril 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 29 avril 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Guillaume Delvolvé pour le requérant et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 26 mai 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 262-4 du code de l'action sociale et des familles : « Le bénéfice du revenu de solidarité active est subordonné au respect, par le bénéficiaire, des conditions suivantes :
« 1° Etre âgé de plus de vingt-cinq ans ou assumer la charge d'un ou plusieurs enfants nés ou à naître ;
« 2° Etre français ou titulaire, depuis au moins cinq ans, d'un titre de séjour autorisant à travailler. Cette condition n'est pas applicable :
« a) Aux réfugiés, aux bénéficiaires de la protection subsidiaire, aux apatrides et aux étrangers titulaires de la carte de résident ou d'un titre de séjour prévu par les traités et accords internationaux et conférant des droits équivalents ;
« b) Aux personnes ayant droit à la majoration prévue à l'article L. 262-9, qui doivent remplir les conditions de régularité du séjour mentionnées à l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale ;
« 3° Ne pas être élève, étudiant ou stagiaire au sens de l'article 9 de la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances. Cette condition n'est pas applicable aux personnes ayant droit à la majoration mentionnée à l'article L. 262-9 du présent code ;
« 4° Ne pas être en congé parental, sabbatique, sans solde ou en disponibilité. Cette condition n'est pas applicable aux personnes ayant droit à la majoration mentionnée à l'article L. 262-9 » ;
2. Considérant que, selon le requérant, ces dispositions, en imposant aux demandeurs étrangers d'être titulaires depuis au moins cinq ans d'un titre de séjour autorisant à travailler, sont contraires tant au principe d'égalité qu'au onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ;
3. Considérant, d'une part, que l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dispose que la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du onzième alinéa du Préambule de 1946, la Nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence » ; que les exigences constitutionnelles résultant de ces dispositions impliquent la mise en œuvre d'une politique de solidarité nationale en faveur des personnes défavorisées ; qu'il appartient au législateur, pour satisfaire à cette exigence, de choisir les modalités concrètes qui lui paraissent appropriées ; qu'en particulier, il lui est à tout moment loisible, statuant dans le domaine qui lui est réservé par l'article 34 de la Constitution, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions ; qu'il ne lui est pas moins loisible d'adopter, pour la réalisation ou la conciliation d'objectifs de nature constitutionnelle, des modalités nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité et qui peuvent comporter la modification ou la suppression de dispositions qu'il estime excessives ou inutiles ; que, cependant, l'exercice de ce pouvoir ne saurait aboutir à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 262-1 du code susvisé : « Le revenu de solidarité active a pour objet d'assurer à ses bénéficiaires des moyens convenables d'existence, d'inciter à l'exercice d'une activité professionnelle et de lutter contre la pauvreté de certains travailleurs, qu'ils soient salariés ou non salariés » ; que cette prestation a pour principal objet d'inciter à l'exercice ou à la reprise d'une activité professionnelle ; que le législateur a pu estimer que la stabilité de la présence sur le territoire national était une des conditions essentielles à l'insertion professionnelle ; qu'en réservant le bénéfice du revenu de solidarité active à ceux qui, parmi les étrangers, sont titulaires depuis au moins cinq ans d'un titre de séjour les autorisant à travailler, le législateur a institué entre les Français et les étrangers, d'une part, et entre les étrangers, d'autre part, selon qu'ils ont ou non une résidence stable en France, une différence de traitement en rapport direct avec l'objet de la loi ; qu'il a fixé un critère qui n'est pas manifestement inapproprié au but poursuivi ; que, de même, les ressortissants de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse sont, au regard de l'objet de la loi, dans une situation différente de celle des autres étrangers ; qu'en conséquence, les griefs tirés de la violation du principe d'égalité et du onzième alinéa du Préambule de 1946 doivent être écartés ;
6. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

L'article L. 262-4 du code de l'action sociale et des familles est conforme à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 16 juin 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

 Décision n° 2011-138 QPC du 17 juin 2011

 ASSOCIATION VIVRAVIRY

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 7 avril 2011 par le Conseil d'Etat (décision n° 345980 du 6 avril 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par l'association Vivraviry, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 29 avril 2011 ;
Vu les observations produites pour la commune de Viry et la société Ciri-Viry par la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 6 mai 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Serge Deygas et Me Emilie Brun, avocats au barreau de Lyon, pour l'association requérante, Me Damien Célice pour la commune de Viry et la société Ciri-Viry et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 26 mai 2011;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme : «Une association n'est recevable à agir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l'association en préfecture est intervenu antérieurement à l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire»;
2. Considérant que, selon l'association requérante, ces dispositions méconnaissent le droit à un recours juridictionnel effectif et portent atteinte à la liberté d'association ainsi qu'au principe d'égalité devant la justice qui découle du principe d'égalité devant la loi ;
3. Considérant, en premier lieu, que la liberté d'association est au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et solennellement réaffirmés par le Préambule de la Constitution ; qu'en vertu de ce principe, les associations se constituent librement et peuvent être rendues publiques sous la seule réserve du dépôt d'une déclaration préalable ; qu'ainsi, à l'exception des mesures susceptibles d'être prises à l'égard de catégories particulières d'associations, la constitution d'associations, alors même qu'elles paraîtraient entachées de nullité ou auraient un objet illicite, ne peut être soumise pour sa validité à l'intervention préalable de l'autorité administrative ou même de l'autorité judiciaire ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; qu'est garanti par cette disposition le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi «doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse»; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit;
6. Considérant qu'en adoptant l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme, le législateur a souhaité empêcher les associations, qui se créent aux seules fins de s'opposer aux décisions individuelles relatives à l'occupation ou à l'utilisation des sols, de contester celles-ci; qu'ainsi, il a entendu limiter le risque d'insécurité juridique;
7. Considérant que la disposition contestée n'a ni pour objet ni pour effet d'interdire la constitution d'une association ou de soumettre sa création à l'intervention préalable de l'autorité administrative ou même de l'autorité judiciaire ; qu'elle prive les seules associations, dont les statuts sont déposés après l'affichage en mairie d'une demande d'autorisation d'occuper ou d'utiliser les sols, de la possibilité d'exercer un recours contre la décision prise à la suite de cette demande ; que la restriction ainsi apportée au droit au recours est limitée aux décisions individuelles relatives à l'occupation ou à l'utilisation des sols ; que, par suite, l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme ne porte pas d'atteinte substantielle au droit des associations d'exercer des recours ; qu'il ne porte aucune atteinte au droit au recours de leurs membres ; qu'il ne méconnaît pas davantage la liberté d'association ;
8. Considérant qu'au regard de l'objet de la loi, les associations qui se créent postérieurement à une demande d'occupation ou d'utilisation des sols ne sont pas dans une situation identique à celle des associations antérieurement créées ; que, dès lors, le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit être écarté ;
9. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

L'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme est conforme à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 16 juin 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

DECISIONS DU 24 JUIN 2011

Décision n° 2011-133 QPC du 24 juin 2011

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 1er avril 2011 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 2041 du 29 mars 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Kiril Z. relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 130 et 130-1 du code de procédure pénale ainsi que du quatrième alinéa de son article 133.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue ;
Vu les observations produites pour le requérant par Me Loïc Auffret, avocat au barreau de Lyon, enregistrées les 22 avril et 6 mai 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 26 avril 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Auffret, pour le requérant, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 7 juin 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que les articles 130 et 130-1 du code de procédure pénale sont relatifs aux modalités d'exécution du mandat d'amener ; qu'aux termes de l'article 130: « Lorsqu'il y a lieu à transfèrement dans les conditions prévues par les articles 128 et 129, la personne doit être conduite devant le juge d'instruction qui a délivré le mandat dans les quatre jours de la notification du mandat.
« Toutefois, ce délai est porté à six jours en cas de transfèrement d'un département d'outre-mer vers un autre département ou de la France métropolitaine vers un département d'outre-mer » ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 130-1 du même code : « En cas de non-respect des délais fixés par les articles 127 et 130, la personne est libérée, sur ordre du juge d'instruction saisi de l'affaire, à moins que sa conduite ait été retardée par des circonstances insurmontables » ;
3. Considérant que l'article 133 est relatif aux modalités d'exécution d'un mandat d'arrêt ; qu'aux termes de son quatrième alinéa : « Lorsqu'il y a lieu à transfèrement, la personne doit être conduite à la maison d'arrêt indiquée sur le mandat dans les délais prévus à l'article 130. Les dispositions de l'article 130-1 sont applicables » ;
4. Considérant que, selon le requérant, ces dispositions permettent de priver de liberté la personne arrêtée ou détenue en vertu d'un mandat d'arrêt ou d'amener pendant quatre jours sans intervention d'un magistrat du siège devant lequel l'intéressé serait à même de présenter ses moyens de défense ; qu'elles méconnaîtraient tant l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en vertu duquel la sûreté est un droit naturel et imprescriptible de l'homme, que l'article 66 de la Constitution qui dispose que « nul ne peut être arbitrairement détenu. L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi » ; qu'en conséquence, il demande au Conseil constitutionnel de déclarer contraires à la Constitution ces dispositions dans leur rédaction antérieure à la loi du 14 avril 2011 susvisée et, à titre subsidiaire, dans leur rédaction postérieure à cette loi ;
Sur la procédure :
5. Considérant, d'une part, qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité, de remettre en cause la décision par laquelle le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation a jugé, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée, qu'une disposition était ou non applicable au litige ou à la procédure ou constituait ou non le fondement des poursuites ;
6. Considérant, d'autre part, que, si, postérieurement à la saisine du Conseil constitutionnel, les dispositions contestées ont été modifiées par la loi du 14 avril 2011 susvisée, cette modification n'est pas applicable aux procédures antérieures ; qu'elle est sans incidence sur l'examen, par le Conseil constitutionnel, des dispositions renvoyées ;
7. Considérant que, par suite, il n'appartient au Conseil constitutionnel de se prononcer que sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions contestées du code de procédure pénale dans leur rédaction antérieure à la loi du 14 avril 2011 susvisée ;
Sur la constitutionnalité des dispositions contestées :
8. Considérant qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution la loi fixe les règles concernant la procédure pénale ; que le législateur tient de cette disposition l'obligation de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale ; que, s'agissant de la procédure pénale, cette exigence s'impose notamment pour éviter une rigueur non nécessaire lors de la recherche des auteurs d'infractions ; qu'il incombe, en outre, au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la poursuite des auteurs d'infractions, toutes deux nécessaires à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties ; qu'au nombre de celles-ci figure la liberté individuelle que l'article 66 place sous la protection de l'autorité judiciaire ;
9. Considérant que, selon l'article 122 du code de procédure pénale, le mandat d'amener est l'ordre donné par le juge à la force publique de conduire immédiatement devant lui la personne à l'encontre de laquelle il est décerné ; que, selon ce même article, le mandat d'arrêt est l'ordre donné à la force publique de rechercher la personne à l'encontre de laquelle il est décerné et de la conduire devant le juge mandant après l'avoir, le cas échéant, conduite à la maison d'arrêt indiquée dans le mandat où elle sera reçue et détenue ; que ces mandats peuvent être décernés par le juge d'instruction à l'égard d'une personne à l'encontre de laquelle il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elle a participé, comme auteur ou complice, à la commission d'une infraction ; qu'il ressort des articles 126 et 133 que la personne arrêtée en vertu d'un mandat d'amener ou d'arrêt ne peut être retenue pendant plus de vingt-quatre heures et doit être présentée devant le juge d'instruction, ou, à défaut, s'agissant du mandat d'arrêt, le président du tribunal ou le juge désigné par lui pour qu'il soit procédé à son interrogatoire ;
10. Considérant, toutefois, que le deuxième alinéa de l'article 133 prévoit que, lorsque la personne est arrêtée en vertu d'un mandat d'arrêt à plus de deux cents kilomètres du siège du juge d'instruction qui a délivré le mandat, elle est conduite devant le procureur de la République du lieu d'arrestation qui reçoit ses déclarations après l'avoir avertie qu'elle est libre de ne pas en faire ; qu'en vertu de l'article 127 il en va de même de la personne recherchée en vertu d'un mandat d'amener lorsque, en outre, il n'est pas possible de la conduire dans le délai de vingt-quatre heures devant le juge mandant ; qu'il ressort de l'article 130 que, dans les deux cas, la personne arrêtée doit être conduite devant le juge d'instruction qui a délivré le mandat dans les quatre jours de sa notification ; que ce délai est porté à six jours en cas de transfèrement vers ou depuis un département d'outre-mer ;
11. Considérant, d'une part, que la privation de liberté de quatre ou six jours ainsi organisée est permise en cas de circonstances matérielles objectivement et précisément déterminées par la loi et qui rendent impossible la présentation immédiate de la personne arrêtée devant le juge qui a ordonné l'arrestation ; qu'en cas de dépassement des délais la personne est, sauf « circonstances insurmontables », libérée sur ordre du juge d'instruction saisi de l'affaire ; que, par suite, la privation de liberté en cause est rendue nécessaire pour garantir la présentation de la personne arrêtée devant ce juge ; que sa durée est strictement encadrée et proportionnée au but poursuivi ;
12. Considérant, d'autre part, que le procureur de la République du lieu d'arrestation informe « sans délai » le juge d'instruction de l'arrestation, veille à l'exécution du mandat et réfère au juge mandant de ses diligences ; qu'ainsi le mandat est ordonné par le juge d'instruction et exécuté sous son contrôle ; qu'il peut à tout moment ordonner la remise en liberté de cette personne notamment au vu des déclarations qu'elle a faites devant le procureur de la République ; que, par suite, le juge d'instruction qui a décerné un mandat d'amener ou un mandat d'arrêt conserve la maîtrise de son exécution pendant tout le temps nécessaire à la présentation devant lui de la personne arrêtée ; que, dès lors, le grief tiré de ce que la privation de liberté nécessaire à l'exécution du mandat échapperait à l'intervention d'un magistrat du siège doit être écarté ;
13. Considérant toutefois que, si l'article 131 prévoit que le mandat d'arrêt ne peut être décerné qu'à l'encontre d'une personne en fuite ou résidant hors du territoire de la République, à raison de faits réprimés par une peine d'emprisonnement correctionnelle ou une peine plus grave, les dispositions relatives au mandat d'amener ne prévoient pas une telle condition ; que la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties ne pourrait être regardée comme équilibrée si la privation de liberté de quatre ou six jours prévue par l'article 130 pouvait être mise en œuvre, dans le cadre d'un mandat d'amener, à l'encontre d'une personne qui n'encourt pas une peine d'emprisonnement correctionnelle ou une peine plus grave ;
14. Considérant qu'il suit de là que, sous la réserve énoncée au considérant précédent, les dispositions contestées ne méconnaissent ni l'article 66 de la Constitution ni l'article 2 de la Déclaration de 1789 ;
15. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

Article 1

Sous la réserve énoncée au considérant 13, les articles 130 et 130-1 du code de procédure pénale et le quatrième alinéa de son article 133 sont conformes à la Constitution.

Article 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 23 juin 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-139 QPC du 24 juin 2011

(ASSOCIATION POUR LE DROIT À L'INITIATIVE ÉCONOMIQUE)

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 8 avril 2011 par le Conseil d'Etat (décision n° 345637 du 8 avril 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par l'Association pour le droit à l'initiative économique, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 16 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 modifiée relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour l'association requérante par la SCP Piwnica Molinié, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, par Me Paul Lignières et par Me Frédéric Dupuis-Toubol, avocats au barreau de Paris, enregistrées les 2 et 17 mai 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 2 mai 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me François Molinié et Me Paul Lignières, pour l'association requérante, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 7 juin 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la loi du 5 juillet 1996 susvisée : « I. Quels que soient le statut juridique et les caractéristiques de l'entreprise, ne peuvent être exercées que par une personne qualifiée professionnellement ou sous le contrôle effectif et permanent de celle-ci les activités suivantes :
« ― l'entretien et la réparation des véhicules et des machines ;
« ― la construction, l'entretien et la réparation des bâtiments ;
« ― la mise en place, l'entretien et la réparation des réseaux et des équipements utilisant les fluides, ainsi que des matériels et équipements destinés à l'alimentation en gaz, au chauffage des immeubles et aux installations électriques ;
« ― le ramonage ;
« ― les soins esthétiques à la personne autres que médicaux et paramédicaux et les modelages esthétiques de confort sans finalité médicale. On entend par modelage toute manœuvre superficielle externe réalisée sur la peau du visage et du corps humain dans un but exclusivement esthétique et de confort, à l'exclusion de toute finalité médicale et thérapeutique. Cette manoeuvre peut être soit manuelle, éventuellement pour assurer la pénétration d'un produit cosmétique, soit facilitée par un appareil à visée esthétique ;
« ― la réalisation de prothèses dentaires ;
« ― la préparation ou la fabrication de produits frais de boulangerie, pâtisserie, boucherie, charcuterie et poissonnerie, ainsi que la préparation ou la fabrication de glaces alimentaires artisanales ;
« ― l'activité de maréchal-ferrant.
« II. Pour chaque activité visée au I, un décret en Conseil d'Etat pris après avis de l'Autorité de la concurrence, de la Commission de la sécurité des consommateurs, de l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, de l'Assemblée permanente des chambres de métiers et des organisations professionnelles représentatives détermine, en fonction de la complexité de l'activité et des risques qu'elle peut présenter pour la sécurité ou la santé des personnes, les diplômes, les titres homologués ou la durée et les modalités de validation de l'expérience professionnelle qui justifient de la qualification.
« Toutefois, toute personne qui, à la date de publication de la présente loi, exerce effectivement l'activité en cause en qualité de salarié ou pour son propre compte est réputée justifier de la qualification requise.
« Lorsque les conditions d'exercice de l'activité déterminées au I sont remplies uniquement par le chef d'entreprise et que celui-ci cesse l'exploitation de l'entreprise, les dispositions relatives à la qualification professionnelle exigée pour les activités prévues au I ne sont pas applicables, pendant une période de trois ans à compter de la cessation d'exploitation, aux activités exercées par le conjoint de ce chef d'entreprise appelé à assurer la continuité de l'exploitation, sous réserve qu'il relève d'un des statuts mentionnés à l'article L. 121-4 du code de commerce depuis au moins trois années et qu'il s'engage dans une démarche de validation des acquis de son expérience conformément au I de l'article L. 335-5 du code de l'éducation.
« IV. Les dispositions du présent article ne font pas obstacle à l'application des dispositions législatives spécifiques à la profession de coiffeur.
« V. Le dernier alinéa de l'article 35 du code professionnel local est complété par deux phrases ainsi rédigées : "Si l'autorité compétente estime que l'activité déclarée est susceptible d'être interdite en vertu des dispositions ci-dessus, elle transmet cette déclaration au représentant de l'Etat pour décision. L'activité déclarée ne pourra être exercée avant qu'une décision n'ait été prise” » ;
2. Considérant que, selon l'association requérante, ces dispositions, en réservant aux personnes pouvant justifier des qualifications professionnelles requises le droit d'exercer les activités qui y sont énumérées, portent atteinte au droit d'obtenir un emploi, à la liberté d'entreprendre, ainsi qu'à l'article 5 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 aux termes duquel : « La loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société. Tout ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas » ; que l'association requérante fait en outre valoir que le législateur aurait méconnu l'étendue de la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution ;
3. Considérant que la liberté d'entreprendre découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789 ; qu'il est toutefois loisible au législateur d'apporter à cette liberté des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi ;
4. Considérant qu'il incombe au législateur, compétent en vertu de l'article 34 de la Constitution pour déterminer les principes fondamentaux du droit du travail, de poser des règles propres à assurer, conformément aux dispositions du Préambule de la Constitution de 1946, le droit pour chacun d'obtenir un emploi tout en permettant l'exercice de ce droit par le plus grand nombre ;
5. Considérant, en premier lieu, qu'en imposant que certaines activités ne puissent être exercées que par des personnes justifiant d'une qualification professionnelle ou sous le contrôle de ces dernières les dispositions contestées ne portent, en elles-mêmes, aucune atteinte au droit d'obtenir un emploi ;
6. Considérant, en deuxième lieu, d'une part, que les dispositions contestées prévoient que les qualifications professionnelles exigées doivent être déterminées, pour chaque activité, en fonction de leur complexité et des risques qu'elles peuvent présenter pour la sécurité ou la santé des personnes ; que le législateur a ainsi entendu garantir la compétence professionnelle des personnes exerçant des activités économiques pouvant présenter des dangers pour ceux qui les exercent ou pour ceux qui y ont recours ;
7. Considérant, d'autre part, que ces dispositions fixent la liste limitative des activités dont l'exercice est réservé aux personnes qualifiées ; que les activités visées sont susceptibles de présenter des risques pour la santé et la sécurité des personnes ; qu'elles prévoient qu'il est justifié de cette qualification par des diplômes ou des titres homologués ou la validation d'une expérience professionnelle ; que ces activités peuvent également être exercées par des personnes dépourvues de qualification professionnelle dès lors qu'elles se trouvent placées sous le contrôle effectif et permanent de personnes qualifiées au sens des dispositions contestées ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le législateur a adopté des mesures propres à assurer une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre le respect de la liberté d'entreprendre et la protection de la santé, prévue par le onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, ainsi que la prévention des atteintes à l'ordre public, notamment des atteintes à la sécurité des personnes, qui constitue un objectif de valeur constitutionnelle ;
9. Considérant, en troisième lieu, qu'en confiant au décret en Conseil d'Etat le soin de préciser, dans les limites rappelées ci-dessus, les diplômes, les titres homologués ou la durée et les modalités de validation de l'expérience professionnelle qui justifient de la qualification, le législateur n'a pas délégué le pouvoir de fixer des règles ou des principes que la Constitution place dans le domaine de la loi ; que, par suite, le grief tiré de ce que le législateur aurait méconnu l'étendue de sa propre compétence doit être écarté ;
10. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

Article 1

L'article 16 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat est conforme à la Constitution.

Article 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 23 juin 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-141 QPC du 24 juin 2011

(ÉLECTRICITÉ DE FRANCE)

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 15 avril 2011 par le Conseil d'Etat (décision n° 346459 du 15 avril 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la société Electricité de France, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe II de l'article L. 214-4 du code de l'environnement.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code de l'énergie ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 9 mai 2011 ;
Vu les observations produites pour la requérante par la SCP Baker et McKenzie, enregistrées le 20 mai 2011 ;
Vu la lettre du 1er juin 2011 par laquelle le Conseil constitutionnel a soumis aux parties un grief susceptible d'être soulevé d'office ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Me Emmanuel Guillaume pour la requérante et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus lors de l'audience publique du 7 juin 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que, selon l'article L. 214-3 du code de l'environnement, les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque d'inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique sont soumis à une autorisation préalable de l'Etat ; qu'aux termes du paragraphe II de l'article L. 214-4 du code de l'environnement, qui fait l'objet de la question prioritaire de constitutionnalité : « L'autorisation peut être retirée ou modifiée, sans indemnité de la part de l'Etat exerçant ses pouvoirs de police, dans les cas suivants :
« 1° Dans l'intérêt de la salubrité publique, et notamment lorsque ce retrait ou cette modification est nécessaire à l'alimentation en eau potable des populations ;
« 2° Pour prévenir ou faire cesser les inondations ou en cas de menace pour la sécurité publique ;
« 3° En cas de menace majeure pour le milieu aquatique, et notamment lorsque les milieux aquatiques sont soumis à des conditions hydrauliques critiques non compatibles avec leur préservation ;
« 4° Lorsque les ouvrages ou installations sont abandonnés ou ne font plus l'objet d'un entretien régulier. » ;
2. Considérant que, selon la société requérante, cette disposition méconnaîtrait, en tant qu'elle s'applique à une autorisation délivrée à une entreprise concessionnaire de l'Etat pour la fourniture d'énergie électrique, tant la liberté contractuelle et le droit au maintien de l'économie des conventions légalement conclues, garantis par les articles 4 et 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, que le droit de propriété proclamé par les articles 2 et 17 de la même déclaration ;
Sur le droit de propriété :
3. Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ; qu'aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'en l'absence de privation du droit de propriété il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les limites apportées à son exercice doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi ;
4. Considérant que les autorisations délivrées par l'Etat, au titre de la police des eaux, sur le fondement de l'article L. 214-3 du code de l'environnement ne sauraient être assimilées à des biens objets pour leurs titulaires d'un droit de propriété et, comme tels, garantis par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ; que, par suite, le grief invoqué est inopérant ;
Sur la garantie des droits :
5. Considérant qu'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions ; que, ce faisant, il ne saurait toutefois priver de garanties légales des exigences constitutionnelles ; qu'en particulier il méconnaîtrait la garantie des droits proclamée par l'article 16 de la déclaration de 1789 s'il portait aux situations légalement acquises une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt général suffisant ; que, de même, il ne respecterait pas les exigences résultant des articles 4 et 16 de la même Déclaration s'il portait aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un tel motif ;
6. Considérant, en premier lieu, que les modifications ou retraits des autorisations délivrées par l'Etat au titre de la police des eaux, en application de l'article L. 214-4 du code de l'environnement, ne peuvent intervenir sans indemnité que dans les cas que cet article énumère de façon limitative ; qu'ils sont opérés dans des circonstances qui, extérieures à la volonté de l'autorité administrative, relèvent soit de l'exercice des pouvoirs de police de l'administration en cas d'« inondation », de « menace pour la sécurité publique » ou de « menace majeure pour le milieu aquatique », soit du non-respect par le titulaire de l'autorisation ou de la concession de ses obligations en cas « d'abandon » des installations ; que le champ des dispositions contestées est ainsi strictement proportionné aux buts d'intérêt général de la préservation du « milieu aquatique » et de protection de la sécurité et de la salubrité publiques ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que, d'une part, les autorisations, prévues par l'article L. 214-3 du code de l'environnement, sont consenties unilatéralement par l'Etat et ne revêtent donc pas un caractère contractuel ;
8. Considérant que, d'autre part, le législateur n'a pas exclu toute indemnisation dans le cas exceptionnel où la modification ou le retrait de l'autorisation entraînerait pour son bénéficiaire une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi ;
9. Considérant, en troisième lieu, que, s'agissant des concessions d'énergie hydraulique, les règlements d'eau figurant aux cahiers des charges annexés à ces concessions valent autorisation au titre des articles L. 214-1 et suivants du code de l'environnement ; qu'aux termes de l'article L. 214-5 : « Les règlements d'eau des entreprises hydroélectriques sont pris conjointement au titre de l'article 10 de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique et des articles L. 214-1 à L. 214-6.
Ces règlements peuvent faire l'objet de modifications, sans toutefois remettre en cause l'équilibre général de la concession » ; qu'il ressort du rapprochement du paragraphe II de l'article L. 214-4 et de l'article L. 214-5 que le « règlement d'eau » d'une entreprise concessionnaire de la fourniture d'électricité ne peut être retiré au titre de la police des eaux et que les modifications qui peuvent y être apportées, à ce titre, pour garantir la salubrité et la sécurité publiques ou protéger le milieu aquatique d'une menace majeure ne peuvent « remettre en cause l'équilibre général de la concession » ;
10. Considérant que, dans ces conditions, le législateur n'a pas porté aux situations légalement acquises une atteinte qui serait contraire à la garantie des droits proclamée par l'article 16 de la Déclaration de 1789 ; qu'il n'a pas davantage porté atteinte aux contrats légalement conclus ;
11. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

Article 1

Le paragraphe II de l'article L. 214-4 du code de l'environnement est conforme à la Constitution.

Article 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 23 juin 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

DECISIONS DU 30 JUIN 2011

Décision n° 2011-142 QPC du 30 juin 2011

(DÉPARTEMENTS DE LA SEINE-SAINT-DENIS ET AUTRES)

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 20 avril 2011 par le Conseil d'Etat (décision n° 346204-346228 du 20 avril 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par les départements de la Seine-Saint-Denis et de l'Hérault relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit :
― de l'article 4 de la loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité ;
― de l'article 59 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004 ;
― de l'article 2 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005 ;
― de l'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles, issu de l'article 3 de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion ;
― de l'article 7 de la même loi du 1er décembre 2008 ;
― de l'article 51 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le même jour par le Conseil d'Etat (décision n° 346460 du 20 avril 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par le département de la Somme relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des mêmes dispositions et, en outre, de l'article L. 14-10-6 du code de l'action sociale et des familles, dans sa version issue du paragraphe II de l'article 12 de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes handicapées.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu la loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité ;
Vu la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004 ;
Vu la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées ;
Vu la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005 ;
Vu la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion ;
Vu la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2003-487 DC du 18 décembre 2003 ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2003-489 DC du 29 décembre 2003 ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009 ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2011-143 QPC du 30 juin 2011 ;
Vu 1°), en ce qui concerne la question prioritaire de constitutionnalité n° 2011-142, les observations produites pour le département de la Seine-Saint-Denis et pour ceux de l'Aisne, de l'Allier, des Côtes-d'Armor, du Doubs, de l'Essonne, de l'Eure, de la Gironde, de la Haute-Vienne, d'Ille-et-Vilaine, de Meurthe-et-Moselle, du Nord, de l'Oise, du Pas-de-Calais, de Seine-et-Marne et de Vaucluse par la SCP Bernard Peignot et Denis Garreau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, et la SCP Seban et Associés, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 19 mai 2011 ;
Vu les observations produites pour le département de l'Hérault et pour ceux de la Dordogne et des Pyrénées-Orientales par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées les 19, 26 et 27 mai 2011 ;
Vu les observations produites pour le département des Deux-Sèvres par la SELARL Boissonnet Rubi Raffin et Giffo, enregistrées le 18 mai 2011 ;
Vu les observations produites pour le département du Territoire de Belfort par la SELARL Landot et Associés, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 18 mai 2011 ;
Vu les observations produites pour les départements des Alpes-de-Haute-Provence et du Puy-de-Dôme par la SELARL Matharan Pintat Raymundie, avocat au barreau de Paris, et la SCP Coutard Mayer Munier-Apaire, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 19 mai 2011 ;
Vu les observations produites pour le département de Saône-et-Loire par la SCP Jean-François Boutet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 19 mai 2011 ;
Vu les observations produites par le département du Val-de-Marne par Me Marc Richer, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 7 juin 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 19 mai 2011 ;
Vu les observations produites en intervention pour le département de Paris par Me Dominique Foussard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 2 mai 2011 ;
Vu les observations produites en intervention pour les départements du Cher et du Val-d'Oise par la SCP CGCB et Associés, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 13 mai et 7 juin 2011 ;
Vu les observations produites en intervention pour le département de la Seine-Maritime par la SELAS Bruno Kern Avocats, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 16 mai 2011 ;
Vu les observations produites en intervention pour le département de la Haute-Saône et pour ceux de la Loire-Atlantique, du Lot, de Lot-et-Garonne, de la Nièvre et des Pyrénées-Atlantiques par la SCP Bernard Peignot et Denis Garreau et la SCP Seban et Associés, enregistrées les 19 et 27 mai et 7 juin 2011 ;
Vu les observations produites en intervention pour le département de l'Aude et pour ceux des Bouches-du-Rhône, de la Charente, de la Creuse, de la Drôme, du Finistère, du Gard, du Gers, de la Haute-Garonne, de l'Isère, des Landes, de la Meuse, des Hautes-Pyrénées et du Tarn par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, enregistrées les 24, 25, 26, 27 et 30 mai 2011 et les 1er et 6 juin 2011 ;
Vu les observations produites en intervention pour le département de l'Ain par la SELARL Itinéraires Droit public, avocat au barreau de Lyon, enregistrées le 26 mai 2011 ;
Vu les observations produites en intervention pour le département de l'Ariège par la SELARL Molas et Associés, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 30 mai 2011 ;
Vu les nouvelles observations produites pour le département de la Seine-Saint-Denis et pour ceux de l'Aisne, de l'Allier, des Côtes-d'Armor, du Doubs, de l'Essonne, de l'Eure, de la Gironde, d'Ille-et-Vilaine, de la Loire-Atlantique, du Lot, de Lot-et-Garonne, de Meurthe-et-Moselle, de l'Oise, de la Nièvre, du Nord, du Pas-de-Calais, de la Haute-Saône, de Seine-et-Marne, de Vaucluse et de la Haute-Vienne par la SCP Bernard Peignot et Denis Garreau et la SCP Seban et Associés, enregistrées le 7 juin 2011 ;
Vu les nouvelles observations produites pour le département de l'Hérault par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, enregistrées le 7 juin 2011 ;
Vu les nouvelles observations produites pour le département de Saône-et-Loire par la SCP Jean-François Boutet, enregistrées le 7 juin 2011 ;
Vu les nouvelles observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 7 juin 2011 ;
Vu les demandes de récusation présentées pour le département de Saône-et-Loire, enregistrées le 17 mai 2011, réitérées le 9 juin 2011 et examinées par le Conseil constitutionnel le 26 mai 2011 ;
Vu 2°), en ce qui concerne la question prioritaire de constitutionnalité n° 2011-145, les observations produites pour le département de la Somme par la SCP Jean-François Boutet, enregistrées le 19 mai 2011 ;
Vu les observations produites en intervention pour le département de Seine-Maritime par la SELAS Bruno Kern Avocats, enregistrées le 16 mai 2011 ;
Vu les observations produites en intervention par le département de l'Ain par la SELARL Itinéraires Droit public, enregistrées le 26 mai 2011 ;
Vu les observations produites en intervention par le département de l'Ariège par la SELARL Molas et Associés, enregistrées le 30 mai 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 19 mai 2011 ;
Vu les nouvelles observations produites par le département de la Somme, enregistrées le 7 juin 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes aux dossiers ;
Me Jean-François Boutet, Me Frédéric Thiriez, Me Didier Seban, Me Pierre Pintat, Me Bertrand Vendé, avocat au barreau de Nantes, Me Ferdinand de Soto, avocat au barreau de Paris, Me Bruno Kern, Me Marc Richer, Me Dominique Foussard et Me Denis Garreau pour les départements requérants et intervenants, M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 14 juin 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'il y a lieu de joindre ces questions prioritaires de constitutionnalité pour statuer par une seule décision ;
Sur les dispositions législatives contestées :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 18 décembre 2003 susvisée : « Les charges résultant, pour les départements, des transfert et création de compétences réalisés par la présente loi sont compensées par l'attribution de ressources constituées d'une partie du produit d'un impôt perçu par l'Etat dans les conditions fixées par la loi de finances.
« Au titre de l'année 2004, la compensation prévue au premier alinéa est calculée sur la base des dépenses engendrées par le paiement du revenu minimum d'insertion en 2003.
« Au titre des années suivantes, la compensation sera ajustée de manière définitive au vu des comptes administratifs des départements pour 2004 dans la loi de finances suivant l'établissement desdits comptes » ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 59 de la loi du 30 décembre 2003 susvisée : « I. ― Les ressources attribuées au titre des transferts de compétences prévus par la loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité sont équivalentes au montant des dépenses exécutées par l'Etat en 2003 au titre de l'allocation de revenu minimum d'insertion et de l'allocation de revenu de solidarité prévu à l'article L. 522-14 du code de l'action sociale et des familles.
« Ces ressources sont composées d'une part du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers. Cette part est obtenue, pour l'ensemble des départements, par application d'une fraction du tarif de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers aux quantités de carburants vendues sur l'ensemble du territoire national.
« La fraction de tarif mentionnée à l'alinéa précédent est calculée de sorte qu'appliquée aux quantités de carburants vendues sur l'ensemble du territoire en 2003, elle conduise à un produit égal au montant des dépenses exécutées par l'Etat en 2003 au titre de l'allocation de revenu minimum d'insertion et de l'allocation de revenu de solidarité. Jusqu'à la connaissance des montants définitifs des quantités et dépenses susmentionnées, cette fraction est fixée à :
« 12,36 euros par hectolitre s'agissant des supercarburants sans plomb ;
« 13,34 euros par hectolitre s'agissant du supercarburant sans plomb contenant un additif améliorant les caractéristiques antirécession de soupape ou tout autre additif reconnu de qualité équivalente dans un autre Etat membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ;
« 8,21 euros par hectolitre s'agissant du gazole présentant un point d'éclair inférieur à 120 °C.
« Le niveau de cette fraction est modifié par une prochaine loi de finances afférente à l'année 2004. Cette modification tient compte du coût supplémentaire résultant pour les départements, d'une part, de la création d'un revenu minimum d'activité, et, d'autre part, de l'augmentation du nombre d'allocataires du revenu minimum d'insertion résultant de la limitation de la durée de versement de l'allocation de solidarité spécifique.
« Le niveau définitif de cette fraction est arrêté par la plus prochaine loi de finances après la connaissance des montants définitifs de dépenses exécutées par les départements en 2004 au titre de l'allocation de revenu minimum d'insertion et du revenu minimum d'activité. Il tient compte du coût supplémentaire résultant pour les départements, d'une part, de la création d'un revenu minimum d'activité, et, d'autre part, de l'augmentation du nombre d'allocataires du revenu minimum d'insertion résultant de la limitation de la durée de versement de l'allocation de solidarité spécifique.
« Chaque département reçoit un pourcentage de la part du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers mentionnée au deuxième alinéa. Ce pourcentage est égal, pour chaque département, au montant des dépenses exécutées par l'Etat en 2003 au titre de l'allocation de revenu minimum d'insertion et de l'allocation de revenu de solidarité dans ce département, rapporté au montant total de ces dépenses dans l'ensemble des départements. Ces pourcentages sont constatés par un arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé du budget. Jusqu'à la connaissance des montants définitifs de dépenses exécutées par l'Etat en 2003 au titre de l'allocation de revenu minimum d'insertion, ces pourcentages sont fixés provisoirement par un arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé du budget.
« A compter de l'année 2006, le Gouvernement remet tous les trois ans au Parlement, au plus tard le jour du dépôt du projet de loi de finances de l'année, un rapport relatif :
« ― à l'évolution annuelle, pour chaque département, d'un ratio harmonisé rapportant le nombre des allocataires du revenu minimum d'insertion, des allocataires du revenu de solidarité et des bénéficiaires du revenu minimum d'activité au montant de la dépense effectuée au titre de l'exercice des politiques publiques transférées par la loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 précitée ;
« ― au bilan de la gestion administrative et financière de ces politiques publiques par chaque département, sous la forme d'indicateurs annuels de résultats harmonisés et renseignés par des informations transmises par les conseils généraux ;
« ― à l'analyse des variations annuelles selon les départements du nombre des allocataires du revenu minimum d'insertion, des allocataires du revenu de solidarité et des bénéficiaires du revenu minimum d'activité.
« II. ― Après le troisième alinéa de l'article L. 351-10 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« "Après un rapport d'évaluation et suivant des modalités fixées par décret, à l'échéance de la période de versement de l'allocation, le bénéficiaire peut saisir une commission de recours qui pourra prolonger le bénéfice de l'allocation à condition que l'intéressé se soit engagé dans une démarche active et encadrée de recherche d'emploi” » ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 30 décembre 2005 susvisée : « I. ― Le I de l'article 59 de la loi de finances pour 2004 (n° 2003-1311 du 30 décembre 2003) est ainsi modifié :
« 1° Le premier alinéa est complété par les mots : "et au montant des dépenses exécutées par les départements en 2004 au titre de l'allocation de revenu minimum d'activité” ;
« 2° Dans le troisième alinéa, après les mots : "de l'allocation de revenu de solidarité”, sont insérés les mots : "et au montant des dépenses exécutées par les départements en 2004 au titre de l'allocation de revenu minimum d'activité” ;
« 3° Dans la deuxième phrase du huitième alinéa, après les mots : "dans ce département”, sont insérés les mots : "et au montant des dépenses exécutées par ce département en 2004 au titre de l'allocation de revenu minimum d'activité” ;
« 4° Dans le quinzième alinéa, après les mots :"de l'allocation de revenu de solidarité” , sont insérés les mots : "et au montant des dépenses exécutées par les départements en 2004 au titre de l'allocation de revenu minimum d'activité”.
« II. ― A. ― Le niveau définitif de la fraction de tarif mentionné au septième alinéa du I de l'article 59 de la loi de finances pour 2004 (n° 2003-1311 du 30 décembre 2003) est fixé à :
« 12,50 euros par hectolitre s'agissant des supercarburants sans plomb ;
« 13,62 euros par hectolitre s'agissant du supercarburant sans plomb contenant un additif améliorant les caractéristiques antirécession de soupape ou tout autre additif reconnu de qualité équivalente dans un autre Etat membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ;
« 8,31 euros par hectolitre s'agissant du gazole présentant un point d'éclair inférieur à 120 °C.
« B. ― Le tableau figurant au I du même article est ainsi rédigé : (tableau publié dans le Journal officiel n° 304 du 31 décembre 2005, texte n° 2).
« III. ― En 2005, un montant de 456 752 304 euros est attribué aux départements sur le produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers revenant à l'Etat.
« A chaque département est attribué un montant égal à l'écart positif constaté entre la dépense exécutée en 2004 au titre du revenu minimum d'insertion et du revenu minimum d'activité et le droit à compensation de ce département, conformément au tableau suivant : (tableau publié dans le Journal officiel n° 304 du 31 décembre 2005, texte n° 2).
« IV. ― Le Gouvernement présentera au Parlement, avant le 1er juin 2007, un rapport procédant à l'évaluation de la performance de gestion du revenu minimum d'insertion et du revenu minimum d'activité par les départements et définissant les modalités de compensation financière correspondant à la différence entre les dépenses de revenu minimum d'insertion et de revenu minimum d'activité réellement effectuées par les départements et le droit à compensation prévu par la loi » ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles, dans sa version issue de l'article 3 de la loi du 1er décembre 2008 susvisée : « I. ― Le revenu de solidarité active est financé par le fonds national des solidarités actives mentionné au II et les départements.
« La contribution de chaque département est égale à la différence, établie pour chaque foyer relevant de sa compétence en application de l'article L. 262-13, entre le montant forfaitaire mentionné au 2° de l'article L. 262-2 applicable au foyer et les ressources de celui-ci. Par dérogation aux dispositions du chapitre II du titre II du livre Ier, le revenu de solidarité active est à la charge du département dans lequel le demandeur réside ou a élu domicile, dans les conditions prévues au chapitre IV du titre VI du présent livre.
« Par exception au deuxième alinéa, lorsque, au sein du foyer, une personne bénéficiaire du revenu de solidarité active financé par le département a conclu la convention individuelle mentionnée à l'article L. 5134-19-1 du code du travail, l'allocation est, pendant la période mentionnée au 5° de l'article L. 262-3 du présent code, intégralement à la charge du fonds national des solidarités actives.
« Le fonds national des solidarités actives finance la différence entre le total des sommes versées au titre de l'allocation de revenu de solidarité active par les organismes chargés de son service et la somme des contributions de chacun des départements. Il prend également en charge ses frais de fonctionnement ainsi qu'une partie des frais de gestion exposés par les organismes mentionnés à l'article L. 262-16.
« II. ― Le fonds national des solidarités actives est administré par un conseil de gestion dont la composition, les modalités de désignation des membres et les modalités de fonctionnement sont fixées par décret.
« Sa gestion est assurée par la Caisse des dépôts et consignations.
« III. ― Les recettes du fonds national des solidarités actives sont, notamment, constituées par une contribution additionnelle au prélèvement social mentionné à l'article L. 245-14 du code de la sécurité sociale et une contribution additionnelle au prélèvement social mentionné à l'article L. 245-15 du même code. Ces contributions additionnelles sont assises, contrôlées, recouvrées et exigibles dans les mêmes conditions et sont passibles des mêmes sanctions que celles applicables à ces prélèvements sociaux. Leur taux est fixé à 1,1 % et ne peut l'excéder. Ce taux sera diminué, au vu de l'effet du plafonnement institué par la loi de finances pour 2009, du montant cumulé de l'avantage en impôt pouvant être retiré par un contribuable de l'application de dépenses fiscales propres à l'impôt sur le revenu.
« L'Etat assure l'équilibre du fonds national des solidarités actives en dépenses et en recettes.
« IV. ― Le Gouvernement dépose annuellement au Parlement, avant le dépôt du projet de loi de finances afférent à l'exercice suivant, un rapport faisant état de la mise en œuvre du revenu de solidarité active, du produit des contributions définies au premier alinéa du III, du produit du plafonnement du montant cumulé de l'avantage en impôt pouvant être retiré par un contribuable de dépenses fiscales propres à l'impôt sur le revenu, et de l'équilibre du fonds national des solidarités actives pour le dernier exercice clos ainsi que de ses prévisions d'équilibre pour l'exercice en cours et l'exercice suivant. Ce rapport propose, le cas échéant, une diminution du taux des contributions définies au premier alinéa du III en fonction de ces prévisions d'équilibre » ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la même loi du 1er décembre 2008 : « I. ― S'agissant de la contribution des départements au financement du revenu de solidarité active, mentionnée à l'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles dans sa rédaction issue de la présente loi, le maintien de la compétence transférée par la loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 portant décentralisation du revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité demeure compensé dans les conditions fixées à l'article 4 de cette loi.
« A la date d'entrée en vigueur de la présente loi, l'allocation à la charge des départements mentionnée à l'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction issue de la présente loi, est calculée selon les mêmes modalités réglementaires que l'allocation prévue à l'article L. 262-3 du même code dans sa rédaction applicable avant l'entrée en vigueur de la présente loi.
« II. ― En ce qui concerne l'extension de compétences réalisée par la présente loi, les charges supplémentaires qui en résultent pour les départements sont intégralement compensées par l'Etat dans les conditions fixées par la loi de finances.
« A la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le montant forfaitaire majoré mentionné à l'article L. 262-9 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction issue de la présente loi, est calculé selon les mêmes modalités réglementaires que l'allocation prévue à l'article L. 524-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable avant l'entrée en vigueur de la présente loi.
« La compensation financière mentionnée au premier alinéa s'opère, à titre principal, par l'attribution d'impositions de toute nature.
« Si les recettes provenant des impositions attribuées en application de l'alinéa précédent diminuent, l'Etat compense cette perte dans des conditions fixées en loi de finances afin de garantir aux départements un niveau de ressources équivalant au montant du droit à compensation résultant de l'application du premier alinéa du présent II. Ces diminutions de recettes et les mesures de compensation prises au titre du présent alinéa font l'objet d'un rapport de la commission consultative sur l'évaluation des charges mentionnée à l'article L. 1211-4-1 du code général des collectivités territoriales.
« Au titre de l'année 2009, cette compensation est calculée, pour les départements métropolitains, sur la base de la moitié des dépenses exposées par l'Etat en 2008 au titre de l'allocation de parent isolé, nettes des sommes exposées au titre de l'intéressement proportionnel et forfaitaire relevant de l'article L. 524-5 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable avant l'entrée en vigueur de la présente loi, constatées au 31 décembre 2008 par le ministre chargé de l'action sociale, et déduction faite du montant, constaté par le même ministre, de la moitié des dépenses ayant incombé aux départements en 2008 au titre de l'intéressement proportionnel et forfaitaire relevant de l'article L. 262-11 du code de l'action sociale et des familles dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente loi.
« Cette compensation est ajustée au vu des dépenses constatées dans les comptes administratifs des départements pour l'année 2009 en faveur des bénéficiaires du montant forfaitaire majoré mentionné à l'article L. 262-9 du code de l'action sociale et des familles dans sa rédaction issue de la présente loi. Cet ajustement est inscrit dans la loi de finances suivant l'établissement de ces comptes.
« Au titre des années suivantes, la compensation est ajustée de manière définitive au vu des dépenses constatées dans les comptes administratifs des départements pour 2010 en faveur des bénéficiaires du montant forfaitaire majoré mentionné à l'article L. 262-9 du code de l'action sociale et des familles dans sa rédaction issue de la présente loi. Cet ajustement est inscrit dans la loi de finances suivant l'établissement de ces comptes.
« III. ― La commission consultative sur l'évaluation des charges prévue à l'article L. 1211-4-1 du code général des collectivités territoriales est consultée, dans les conditions prévues aux articles L. 1614-3 et L. 1614-3-1 du même code :
« ― en 2009, pour vérifier l'exactitude des calculs concernant les dépenses engagées par l'Etat au titre de l'allocation de parent isolé en 2008, et concernant le coût en 2008 des intéressements proportionnels et forfaitaires relevant des articles L. 262-11 du code de l'action sociale et des familles et L. 524-5 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction antérieure à la promulgation de la présente loi ;
« ― en 2010, sur les modalités d'évaluation des charges résultant de l'extension de compétences visée au II du présent article ;
« ― en 2011, sur les modalités d'évaluation des charges résultant de l'extension de compétences visée au II et sur l'adéquation de la compensation définitive au montant des dépenses engagées par les conseils généraux » ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article 51 de la loi du 27 décembre 2008 susvisée : « I. ― Les ressources attribuées aux départements métropolitains au titre de l'extension de compétence résultant de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion sont composées d'une part du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers. Cette part est obtenue, pour l'ensemble des départements, par application d'une fraction du tarif de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers aux quantités de carburants vendues sur l'ensemble du territoire national.
« La fraction de tarif mentionnée à l'alinéa précédent, calculée de sorte qu'appliquée aux quantités de carburants vendues sur l'ensemble du territoire en 2008 elle conduise à un produit égal au montant prévu par le deuxième alinéa du II de l'article 7 de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 précitée, s'élève à :
« 0,82 euros par hectolitre s'agissant des supercarburants sans plomb ;
« 0,57 euros par hectolitre s'agissant du gazole présentant un point d'éclair inférieur à 120 °C.
« Cette fraction est corrigée au vu des montants définitifs de dépenses exécutées en 2008 au titre de l'allocation de parent isolé, de l'intéressement proportionnel et forfaitaire prévu à l'article L. 524-5 du code de la sécurité sociale et de l'intéressement proportionnel et forfaitaire prévu à l'article L. 262-11 du code de l'action sociale et des familles dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 précitée.
« Chaque département métropolitain reçoit un pourcentage de la part du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers mentionnée au premier alinéa. Ce pourcentage est égal, pour chaque département, au montant des dépenses exécutées en 2008 par l'Etat dans ce département au titre de l'allocation de parent isolé, diminué des sommes exposées au titre de l'intéressement proportionnel et forfaitaire alors prévu à l'article L. 524-5 du code de la sécurité sociale ainsi que des dépenses ayant incombé au département en 2008 au titre de l'intéressement proportionnel et forfaitaire alors prévu à l'article L. 262-11 du code de l'action sociale et des familles, dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 précitée, rapporté au montant total de ces dépenses dans l'ensemble des départements métropolitains, diminué dans les mêmes conditions.
« A compter du 1er juillet 2009, ces pourcentages sont fixés comme suit : (tableau publié dans le Journal officiel n° 302 du 28 décembre 2008, texte n° 1).
« Si le produit affecté globalement aux départements en vertu des fractions de tarif qui leur sont attribuées par la loi de finances représente un montant annuel inférieur au montant du droit à compensation résultant de l'application du deuxième alinéa du II de l'article 7 de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 précitée, la différence fait l'objet d'une attribution d'une part correspondante du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers revenant à l'Etat.
« II. ― A. ― Le II de l'article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 est ainsi modifié :
« 1° Au sixième alinéa, après les mots : "article 59 de la loi de finances pour 2004 (n° 2003-1311 du 30 décembre 2003)”, sont insérés les mots : "et du I de l'article 51 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009” ;
« 2° Au huitième alinéa, les mots : "de l'allocation de revenu minimum d'insertion et de l'allocation de revenu de solidarité” sont remplacés par les mots : "de l'allocation de revenu de solidarité active dans les conditions prévues par la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion”.
« B. ― En 2009, les versements mensuels du compte de concours financiers régi par le II de l'article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 au titre de la part du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers affectée à chaque département en application du I du présent article sont effectués à compter du mois de juillet et à raison d'un sixième du droit à compensation du département au titre de cette année » ;
8. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 14-10-6 du code de l'action sociale et des familles, dans sa version issue de l'article 12 de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 : « II. ― A compter de l'année 2004, le montant du concours visé au premier alinéa du 3° du I est réparti annuellement entre les départements en fonction des critères suivants :
« a) Le nombre de personnes âgées de plus de soixante-quinze ans ;
« b) Le montant des dépenses d'allocation personnalisée d'autonomie ;
« c) Le potentiel fiscal, déterminé selon les modalités définies à l'article L. 3334-6 du code général des collectivités territoriales ;
« d) Le nombre de bénéficiaires du revenu minimum d'insertion.
« En aucun cas, le rapport entre, d'une part, les dépenses réalisées au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie de chaque département après déduction du montant ainsi réparti et, d'autre part, leur potentiel fiscal ne peut être supérieur à un taux fixé par voie réglementaire. Les dépenses correspondant à la fraction de ce rapport qui dépasse ce seuil sont prises en charge en totalité par la caisse.
« L'attribution résultant de l'opération définie au premier alinéa du présent II pour les départements autres que ceux ayant bénéficié d'un complément de dotation au titre de l'alinéa précédent est diminuée de la somme des montants ainsi calculés, au prorata de la répartition effectuée en application dudit alinéa entre ces seuls départements.
« Les opérations décrites aux deux alinéas précédents sont renouvelées jusqu'à ce que les dépenses laissées à la charge de chaque département n'excèdent pas le seuil défini au sixième alinéa du présent II.
« Le concours de la caisse aux départements fait l'objet d'acomptes correspondant au minimum à 90 % des produits disponibles de la section visée au 3° du I, après prise en compte des charges mentionnées au 6° dudit I » ;
9. Considérant que ces dispositions sont relatives :
― à la compensation par l'Etat du transfert aux départements de la gestion et du financement de l'allocation de revenu minimum d'insertion ;
― aux charges résultant pour ces collectivités de la création du revenu minimum d'activité, de la réforme de l'allocation spécifique de solidarité et de la part de l'allocation de revenu de solidarité active correspondant à l'ancienne allocation de revenu minimum d'insertion ;
― à l'intégration des bénéficiaires de l'allocation de parent isolé dans le champ de la prestation de revenu de solidarité active ;
― aux modalités de la répartition du concours de l'Etat destiné à prendre en charge une partie du coût de l'allocation personnalisée d'autonomie ;
10. Considérant que les départements requérants soutiennent que ces dispositions ne permettent de répondre, en l'absence de ressources suffisantes, ni à l'importance ni à l'augmentation des charges précitées ; qu'elles méconnaîtraient le principe de compensation institué par le quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution ; qu'elles entraveraient la libre administration des collectivités territoriales en violation de son article 72 ;
Sur les normes constitutionnelles applicables :
11. Considérant qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution : « Tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi » ;
12. Considérant, d'une part, qu'il résulte de ces dispositions que, lorsqu'il transfère aux collectivités territoriales des compétences auparavant exercées par l'Etat, le législateur est tenu de leur attribuer des ressources correspondant aux charges constatées à la date du transfert ;
13. Considérant, d'autre part, que ces dispositions ne visent, en ce qui concerne les créations et extensions de compétences, que celles qui présentent un caractère obligatoire ; que, dans cette hypothèse, il n'est fait obligation au législateur que d'accompagner ces créations ou extensions de compétences de ressources dont il lui appartient d'apprécier le niveau ;
14. Considérant, toutefois, que les règles fixées par la loi sur le fondement de ces dispositions ne sauraient avoir pour effet de restreindre les ressources des collectivités territoriales au point de dénaturer le principe de libre administration de ces collectivités, tel qu'il est défini par l'article 72 de la Constitution ;
15. Considérant, en outre, qu'il résulte des dispositions combinées du troisième alinéa de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée et du troisième alinéa de son article 23-5 que le Conseil constitutionnel ne peut être saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à une disposition qui a déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une de ses décisions, sauf changement des circonstances ;
Sur le financement du revenu minimum d'insertion et du revenu minimum d'activité :
16. Considérant que, d'une part, le transfert aux départements, à compter du 1er janvier 2004, de la gestion des allocations dues au titre du revenu minimum d'insertion s'analyse, au sens du quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, comme un transfert de compétences entre l'Etat et les départements, lequel doit être accompagné de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice en 2003 ; que, d'autre part, l'institution du revenu minimum d'activité constitue, au sens de la même disposition, une création ou extension de compétences qui, dès lors qu'elle revêt un caractère obligatoire et qu'elle a pour conséquence d'augmenter les dépenses des départements, doit être accompagnée de ressources déterminées par la loi ; que le revenu minimum d'insertion et le revenu minimum d'activité ont été remplacés le 1er juin 2009, en métropole, par le revenu de solidarité active ;
En ce qui concerne l'article 4 de la loi du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité :
17. Considérant que, dans les considérants 10 à 15 de sa décision du 18 décembre 2003, le Conseil constitutionnel a spécialement examiné l'article 4 de la loi du 18 décembre 2003 ; que l'article 1er du dispositif de cette décision a déclaré cet article 4 conforme à la Constitution ; qu'il n'existe aucun changement des circonstances de nature à permettre un nouvel examen de constitutionnalité de cette disposition dès lors que le quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution exige seulement que le transfert de compétences s'accompagne de l'attribution de ressources « équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice » ou que la création ou l'extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales soit « accompagnée de ressources déterminées par la loi » ; qu'en outre, si les charges exposées par les départements au titre des allocations de revenu minimum d'insertion et de revenu minimum d'activité ont augmenté plus que les ressources qui étaient consacrées au revenu minimum d'insertion avant son transfert et que celles déterminées par la loi pour la création du revenu minimum d'activité, il n'en résulte aucun changement des circonstances de nature à permettre au Conseil constitutionnel de procéder à un nouvel examen de cette disposition ;
En ce qui concerne l'article 59 de la loi du 30 décembre 2003 de finances pour 2004 :
18. Considérant que, dans les considérants 19 à 25 de sa décision du 29 décembre 2003, le Conseil constitutionnel a spécialement examiné l'article 59 de la loi du 30 décembre 2003 ; que l'article 2 du dispositif de cette décision a déclaré cet article 59 conforme à la Constitution sous la réserve que « si les recettes départementales provenant de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers venaient à diminuer, il appartiendrait à l'Etat de maintenir un niveau de ressources équivalant à celui qu'il consacrait à l'exercice de cette compétence avant son transfert » ; qu'il est constant que cette réserve a été respectée ; que, par suite, en l'absence de changement des circonstances, il n'y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de procéder à un nouvel examen de cette disposition ;
En ce qui concerne l'article 2 de la loi du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005 :
19. Considérant que le paragraphe I de l'article 2 de la loi du 30 décembre 2005 apporte des précisions sur la prise en charge par l'Etat des coûts liés à l'instauration du revenu minimum d'activité par les départements ; que son paragraphe II ajuste les fractions de tarifs fixées par la loi de finances pour 2004, afin de tenir compte des surcoûts liés à cette prestation ; que son paragraphe III prévoit le versement aux départements d'une somme de 456 752 304 euros correspondant aux dépenses supplémentaires réalisées par eux en 2003 ; que son paragraphe IV prévoit la remise par le Gouvernement d'un rapport « procédant à l'évaluation de la performance de gestion du revenu minimum d'insertion et du revenu minimum d'activité par les départements et définissant les modalités de compensation financière correspondant à la différence entre les dépenses de revenu minimum d'insertion et de revenu minimum d'activité réellement effectuées par les départements et le droit à compensation prévu par la loi » ; que ces dispositions, qui ont pour objet d'accroître les ressources des départements pour faire face aux dépenses qui sont mises à leur charge, ne méconnaissent pas le quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution ; qu'elles n'ont pas eu pour effet, non plus, malgré l'évolution de ces dépenses, d'entraver la libre administration des départements ;
Sur le financement du revenu de solidarité active :
20. Considérant que l'institution du revenu de solidarité active doit être regardée, au sens du quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, d'une part, comme un transfert de compétences en tant qu'il remplace l'allocation de revenu minimum d'insertion et l'allocation de parent isolé et, d'autre part, comme une création ou extension de compétences en tant qu'il remplace le revenu minimum d'activité ;
En ce qui concerne l'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles :
21. Considérant que l'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction issue de l'article 3 de la loi du 1er décembre 2008 susvisée, prévoit que les départements continuent à assumer la charge du financement de la part de l'allocation de revenu de solidarité active correspondant à l'ancienne allocation de revenu minimum d'insertion et prennent en charge la part correspondant à l'ancienne allocation de parent isolé ; que le supplément correspondant à la conservation d'une fraction des revenus de leur travail par les bénéficiaires est à la charge de l'Etat à travers le fonds national des solidarités actives ;
22. Considérant que, par les mêmes motifs que ceux énoncés dans le considérant 106 de sa décision du 29 décembre 2009 relatif à l'extension du revenu de solidarité aux jeunes actifs de moins de vingt-cinq ans, il y a lieu de déclarer cette disposition conforme à l'article 72-2 de la Constitution ; qu'au demeurant, cette disposition n'a pas pour effet de restreindre les ressources des collectivités territoriales ;
En ce qui concerne l'article 7 de la loi du 1er décembre 2008 susvisée :
23. Considérant que le paragraphe I de cet article 7 prévoit que, pour la fraction du revenu de solidarité active qui correspond au revenu minimum d'insertion, la compensation est réalisée dans les mêmes conditions ; qu'il précise, en outre, que les modalités réglementaires de calcul de la nouvelle allocation instituée pour les personnes dépourvues de ressources sont les mêmes que pour le revenu minimum d'insertion ; qu'il s'ensuit que la contribution des départements au financement du revenu de solidarité active n'est pas modifiée par rapport à leur contribution au financement du revenu minimum d'insertion ;
24. Considérant que le paragraphe II du même article 7 prévoit que les charges supplémentaires qui résultent pour les départements de « l'extension de leurs compétences » telle que prévue par la loi seront compensées par l'Etat dans les conditions fixées par la loi de finances ; que, toutefois, comme il a été dit, la prise en charge par les départements de la part du revenu de solidarité active correspondant à l'allocation de parent isolé, dont le coût était antérieurement assumé par l'Etat, ne saurait être interprétée, au sens du quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, que comme un transfert de compétences entre l'Etat et les départements, lequel doit être accompagné de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient antérieurement consacrées à leur exercice ;
25. Considérant que, sous la réserve énoncée au considérant précédent, l'article 7 de la loi du 1er décembre 2008 n'est contraire ni au quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution ni à son article 72 ;
En ce qui concerne l'article 51 de la loi du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 :
26. Considérant que l'article 51 de la loi du 27 décembre 2008 procède à l'affectation aux départements d'une fraction de taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers pour la prise en charge du revenu de solidarité active dû à compter du 1er juin 2009 ; qu'il précise que cette fraction doit permettre d'affecter aux départements un montant égal à celui prévu par l'article 3 de la loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion ; qu'il prévoit que ces fractions seront modifiées une fois définitivement connus les montants de l'allocation de parent isolé, de l'intéressement lié à cette allocation et de l'intéressement lié au revenu minimum d'insertion pour l'année 2008 ; qu'il établit les modalités de répartition, entre les départements, du montant global de la compensation obtenu par application des fractions de taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers ;
27. Considérant que ces dispositions maintiennent le versement aux départements du montant des ressources que l'Etat consacrait au revenu minimum d'insertion avant son transfert à ces collectivités ; qu'elles ont pour effet de prévoir également le versement aux départements d'une somme équivalant aux ressources consacrées par l'Etat à l'exercice des compétences transférées aux départements en matière d'allocation de parent isolé ; qu'ainsi, elles ne méconnaissent pas le quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution ; qu'elles n'ont pas davantage pour effet de dénaturer le principe de libre administration des départements ;
Sur l'allocation personnalisée d'autonomie :
28. Considérant que, par décision n° 2011-143 QPC de ce jour, le Conseil constitutionnel a déclaré l'article L. 14-10-6 du code de l'action sociale et des familles, dans sa version issue du paragraphe II de l'article 12 de la loi du 30 juin 2004 susvisée, conforme à la Constitution sous la réserve énoncée au considérant 13 de cette décision ; que, par suite, il n'y a plus lieu d'examiner cette disposition ;
29. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

Il n'y a pas lieu de statuer sur :
― l'article 4 de la loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité
― l'article 59 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004 ;
― l'article L. 14-10-6 du code de l'action sociale et des familles, dans sa version issue du paragraphe II de l'article 12 de la loi du 30 juin 2004 susvisée.

ARTICLE 2

Sous la réserve énoncée au considérant 24, l'article 7 de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion est conforme à la Constitution.

ARTICLE 3

Sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes :
― l'article 2 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005 ;
― l'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles, issu de l'article 3 de la loi précitée du 1er décembre 2008 ;
― l'article 51 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009.

ARTICLE 4

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 30 juin 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT-MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-143 QPC du 30 juin 2011

(DÉPARTEMENTS DE LA SEINE-SAINT-DENIS ET DE L'HÉRAULT)

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 20 avril 2011 par le Conseil d'Etat (décision n° 346205-346239 du 20 avril 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par les départements de la Seine-Saint-Denis et de l'Hérault, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 11 et 12 de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées et des articles L. 14-10-5 et L. 14-10-6 du code de l'action sociale et des familles dans leur rédaction issue de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2001-447 DC du 18 juillet 2001 ;
Vu la loi n° 2003-289 du 31 mars 2003 portant modification de la loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie ;
Vu la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées ;
Vu la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites en intervention pour les départements du Cher et du Val-d'Oise par la SCP CGCB et Associés, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 13 mai et 7 juin 2011 ;
Vu les observations produites en intervention pour le département de Paris par Me Dominique Foussard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 16 mai 2011 ;
Vu les observations produites en intervention pour le département de la Seine-Maritime par Bruno Kern Avocats SELAS, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 16 mai 2011 ;
Vu les observations produites pour le département des Deux-Sèvres par la SELARL Boissonnet Rubi Raffin Giffo, avocat au barreau de Nantes, enregistrées le 18 mai 2011 ;
Vu les observations produites pour le département du Territoire de Belfort par la SELARL Landot et Associés, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 18 mai 2011 ;
Vu les observations produites pour le département de la Seine-Saint-Denis et pour ceux de l'Aisne, de l'Allier, des Côtes-d'Armor, du Doubs, de l'Eure, de la Gironde, d'Ille-et-Vilaine, de Meurthe-et-Moselle, du Nord, de l'Oise, du Pas-de-Calais, de Seine-et-Marne, de Vaucluse, de la Haute-Vienne et de l'Essonne par la SCP Bernard Peignot et Denis Garreau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, et par la SCP Seban et Associés, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 19 mai 2011 ;
Vu les observations produites pour le département de Saône-et-Loire par la SCP Jean-François Boutet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 19 mai 2011 ;
Vu les observations produites pour le département de l'Hérault par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 19 mai 2011 ;
Vu les observations produites pour les départements des Alpes-de-Haute-Provence et du Puy-de-Dôme par la SCP Coutard Mayer Munier-Apaire, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, et par la SELARL Matharan Pintat Raymundie, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 19 mai 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées les 19 mai et 7 juin 2011 ;
Vu les observations produites en intervention pour les départements de la Loire-Atlantique, du Lot, de Lot-et-Garonne, de la Nièvre, des Pyrénées-Atlantiques et de la Haute-Saône par la SCP Bernard Peignot et Denis Garreau et par la SCP Seban et Associés, enregistrées les 19 mai, 27 mai et 7 juin 2011 ;
Vu les observations produites en intervention pour le département de l'Ardèche par la SCP Jean-François Boutet, enregistrées le 19 mai 2011 ;
Vu les observations produites en intervention pour les départements de l'Aude, des Bouches-du-Rhône, de la Charente, de la Creuse, de la Drôme, du Finistère, de la Haute-Garonne, du Gers, des Landes, de la Meuse, des Hautes-Pyrénées et du Tarn par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, enregistrées les 24, 25, 27 et 31 mai, 1er et 6 juin 2011 ;
Vu les nouvelles observations produites pour les départements de la Dordogne, du Gard, de l'Hérault, de l'Isère et des Pyrénées-Orientales par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, enregistrées les 24, 25, 26 et 27 mai et 7 juin 2011 ;
Vu les observations produites en intervention pour le département de l'Ain par la SELARL Itinéraires droit public, avocat au barreau de Lyon, enregistrées le 26 mai 2011 ;
Vu les observations produites en intervention pour le département de l'Ariège par la SELARL Molas et Associés, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 30 mai 2011 ;
Vu les nouvelles observations produites pour le département de Saône-et-Loire par la SCP Jean-François Boutet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 7 juin 2011 ;
Vu les demandes de récusation présentées pour le département de Saône-et-Loire, enregistrées le 17 mai 2011, réitérées le 9 juin 2011, et examinées par le Conseil constitutionnel le 26 mai 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Jean-François Boutet, Me Frédéric Thiriez, Me Didier Seban, Me Pierre Pintat, Me Bertrand Vendé, avocat au barreau de Nantes, Me Ferdinand de Soto, avocat au barreau de Paris, Me Bruno Kern, Me Marc Richer, avocat au barreau de Paris, Me Dominique Foussard et Me Denis Garreau pour les départements requérants et intervenants, M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 14 juin 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 30 juin 2004 susvisée : « Les produits affectés à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie sont constitués par :
« 1° Une contribution au taux de 0,3 % due par les employeurs privés et publics. Cette contribution a la même assiette que les cotisations patronales d'assurance maladie affectées au financement des régimes de base de l'assurance maladie. Elle est recouvrée dans les mêmes conditions et sous les mêmes garanties que lesdites cotisations ;
« 2° Une contribution additionnelle au prélèvement social mentionné à l'article L. 245-14 du code de la sécurité sociale et une contribution additionnelle au prélèvement social mentionné à l'article L. 245-15 du même code. Ces contributions additionnelles sont assises, contrôlées, recouvrées et exigibles dans les mêmes conditions que celles applicables à ces prélèvements sociaux. Leur taux est fixé à 0,3 % ;
« 3° Une fraction de 0,1 point du produit des contributions sociales mentionnées aux articles L. 136-1, L. 136-6, L. 136-7 et L. 136-7-1 du même code ;
« 4° Une participation des régimes obligatoires de base de l'assurance vieillesse, représentative d'une fraction identique pour tous les régimes, déterminée par voie réglementaire, des sommes consacrées par chacun de ceux-ci en 2000 aux dépenses d'aide ménagère à domicile au bénéfice des personnes âgées dépendantes remplissant la condition de perte d'autonomie mentionnée à l'article L. 232-2 du code de l'action sociale et des familles ; cette fraction ne peut être inférieure à la moitié ni supérieure aux trois quarts des sommes en cause. Le montant de cette participation est revalorisé chaque année, par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, conformément à l'évolution prévisionnelle des prix à la consommation hors tabac prévue dans le rapport économique et financier annexé à la loi de finances pour l'année considérée » ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 12 de la loi du 30 juin 2004 : « I. Les charges de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie sont constituées, pour l'année 2004, par :
« 1° Le remboursement du capital et des intérêts de l'emprunt prévu par l'article 5 de la loi n° 2003-289 du 31 mars 2003 portant modification de la loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie.
« Cette charge est retracée dans une section spécifique abondée, à hauteur des besoins, par les produits des contributions visées aux 1° et 2° de l'article 11 ;
« 2° Une contribution au financement par les régimes obligatoires de base de l'assurance maladie des établissements et services mentionnés au 6° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles pour les personnes âgées et au 2° de l'article L. 6111-2 du code de la santé publique.
« Cette charge est retracée dans une section spécifique abondée par 30 % du solde des produits des contributions mentionnées aux 1° et 2° de l'article 11, disponible après application du 1° du présent I ;
« 3° Un concours versé aux départements, destiné à prendre en charge une partie du coût de l'allocation personnalisée d'autonomie visée à l'article L. 232-1 du code de l'action sociale et des familles.
« Le montant de ce concours est réparti selon les modalités prévues au II du présent article.
« Cette charge est retracée dans une section spécifique abondée par :
« a) Le produit de la contribution sociale généralisée mentionné au 3° de l'article 11, sous réserve des dispositions prévues au 4° du présent I ;
« b) 70 % du solde disponible, après application du 1° du présent I, des produits des contributions visées aux 1° et 2° de l'article 11 ;
« c) Le produit prévu au 4° de l'article 11 ;
« 4° Les dépenses de modernisation des services ou de professionnalisation de tous les métiers qui apportent au domicile des personnes âgées dépendantes une assistance dans les actes quotidiens de la vie afin, notamment, de promouvoir des actions innovantes, de renforcer la professionnalisation et de développer la qualité des services ainsi que les dépenses de formation et de qualification des personnels soignants recrutés dans le cadre des mesures nouvelles de médicalisation des établissements et services mentionnés au 6° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles et au 2° de l'article L. 6111-2 du code de la santé publique.
« Cette charge est retracée dans une section spécifique abondée par une fraction du produit de la contribution sociale généralisée mentionné au 3° de l'article 11. Cette fraction, fixée par arrêté conjoint des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, ne peut être inférieure à 5 % ni supérieure à 12 % des sommes en cause.
« Les projets de modernisation de l'aide à domicile sont agréés par le ministre chargé des personnes âgées et financés par la caisse dans la limite des crédits disponibles ;
« 5° Les dépenses d'animation et de prévention dans les domaines d'action de la caisse en ce qui concerne les personnes âgées.
« Ces charges sont retracées dans une section spécifique abondée par une fraction, fixée par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, des ressources de la section mentionnée au 2° ;
« 6° Les frais de gestion de la caisse.
« La charge de ces frais est retracée dans une section spécifique, équilibrée par un prélèvement sur les ressources encaissées par la caisse réparti entre les sections mentionnées aux 2°, 3°, 4° et 5°, au prorata du montant des ressources qui leur sont affectées.
« La caisse suit l'ensemble de ces opérations dans des comptes spécifiques ouverts au titre desdites sections.
« II. ― A compter de l'année 2004, le montant du concours visé au premier alinéa du 3° du I est réparti annuellement entre les départements en fonction des critères suivants :
« a) Le nombre de personnes âgées de plus de soixante-quinze ans ;
« b) Le montant des dépenses d'allocation personnalisée d'autonomie ;
« c) Le potentiel fiscal, déterminé selon les modalités définies à l'article L. 3334-6 du code général des collectivités territoriales ;
« d) Le nombre de bénéficiaires du revenu minimum d'insertion.
« En aucun cas, le rapport entre, d'une part, les dépenses réalisées au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie de chaque département après déduction du montant ainsi réparti et, d'autre part, leur potentiel fiscal ne peut être supérieur à un taux fixé par voie réglementaire. Les dépenses correspondant à la fraction de ce rapport qui dépasse ce seuil sont prises en charge en totalité par la caisse.
« L'attribution résultant de l'opération définie au premier alinéa du présent II pour les départements autres que ceux ayant bénéficié d'un complément de dotation au titre de l'alinéa précédent est diminuée de la somme des montants ainsi calculés, au prorata de la répartition effectuée en application dudit alinéa entre ces seuls départements.
« Les opérations décrites aux deux alinéas précédents sont renouvelées jusqu'à ce que les dépenses laissées à la charge de chaque département n'excèdent pas le seuil défini au sixième alinéa du présent II.
« Le concours de la caisse aux départements fait l'objet d'acomptes correspondant au minimum à 90 % des produits disponibles de la section visée au 3° du I, après prise en compte des charges mentionnées au 6° dudit I » ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 14-10-5 du code de l'action sociale et des familles dans sa rédaction issue de la loi du 11 février 2005 susvisée : « La Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie retrace ses ressources et ses charges en six sections distinctes selon les modalités suivantes :
« I. Une section consacrée au financement des établissements ou services sociaux et médico-sociaux mentionnés à l'article L. 314-3-1, qui est divisée en deux sous-sections.
« 1. La première sous-section est relative aux établissements et services mentionnés au 1° de l'article L. 314-3-1 et à ceux du 2° du même article qui accueillent principalement des personnes handicapées. Elle retrace :
« a) En ressources, une fraction au moins égale à 10 % et au plus égale à 14 % du produit des contributions visées aux 1° et 2° de l'article L. 14-10-4 ainsi que la part de la contribution des régimes d'assurance maladie, mentionnée au deuxième alinéa du I de l'article L. 314-3, qui est destinée au financement de ces établissements ou services ;
« b) En charges, le remboursement aux régimes d'assurance maladie des charges afférentes à l'accueil de leurs affiliés dans ces établissements ou services.
« 2. La deuxième sous-section est relative aux établissements et services mentionnés au 3° de l'article L. 314-3-1 et à ceux du 2° du même article qui accueillent principalement des personnes âgées. Elle retrace :
« a) En ressources, 40 % du produit des contributions visées aux 1° et 2° de l'article L. 14-10-4 ainsi que la part de la contribution des régimes d'assurance maladie, mentionnée au deuxième alinéa du I de l'article L. 314-3, qui est destinée au financement de ces établissements ou services ;
« b) En charges, le remboursement aux régimes d'assurance maladie des charges afférentes à l'accueil de leurs affiliés dans ces établissements ou services.
« Les opérations comptables relatives aux produits et aux charges de la présente section sont effectuées simultanément à la clôture des comptes de l'exercice.
« II. ― Une section consacrée à la prestation d'allocation personnalisée d'autonomie mentionnée à l'article L. 232-1. Elle retrace :
« a) En ressources, 20 % du produit des contributions visées aux 1° et 2° de l'article L. 14-10-4, le produit mentionné au 4° du même article et le produit de la contribution sociale généralisée mentionné au 3° du même article, diminué du montant mentionné au IV du présent article ;
« b) En charges, un concours versé aux départements dans la limite des ressources mentionnées au a, destiné à couvrir une partie du coût de l'allocation personnalisée d'autonomie. Le montant de ce concours est réparti selon les modalités prévues à l'article L. 14-10-6.
« III. ― Une section consacrée à la prestation de compensation mentionnée à l'article L. 245-1. Elle retrace :
« a) En ressources, une fraction au moins égale à 26 % et au plus égale à 30 % du produit des contributions visées aux 1° et 2° de l'article L. 14-10-4 ;
« b) En charges, un concours versé aux départements dans la limite des ressources mentionnées au a, destiné à couvrir une partie du coût de la prestation de compensation et un concours versé pour l'installation ou le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées. Les montants de ces concours sont répartis selon les modalités prévues à l'article L. 14-10-7.
« Avant imputation des contributions aux sections mentionnées aux V et VI, l'ensemble des ressources destinées aux personnes handicapées, soit au titre des établissements et services financés par la sous-section mentionnée au 1 du I, soit au titre de la présente section, doit totaliser 40 % du produit des contributions visées aux 1° et 2° de l'article L. 14-10-4.
« IV. ― Une section consacrée à la promotion des actions innovantes et au renforcement de la professionnalisation des métiers de services en faveur des personnes âgées. Elle retrace :
« a) En ressources, une fraction du produit visé au 3° de l'article L. 14-10-4, fixée par arrêté conjoint des ministres chargés de l'action sociale, de la sécurité sociale et du budget, qui ne peut être inférieure à 5 % ni supérieure à 12 % de ce produit ;
« b) En charges, le financement de dépenses de modernisation des services ou de professionnalisation des métiers qui apportent au domicile des personnes âgées dépendantes une assistance dans les actes quotidiens de la vie, ainsi que de dépenses de formation et de qualification des personnels soignants recrutés dans le cadre des mesures de médicalisation des établissements et services mentionnés au 3° de l'article L. 314-3-1.
« Les projets financés par cette section doivent être agréés par l'autorité compétente de l'Etat, qui recueille, le cas échéant, dans les cas et conditions fixés par voie réglementaire, l'avis préalable de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.
« V. ― Une section consacrée au financement des autres dépenses en faveur des personnes handicapées et des personnes âgées dépendantes, qui retrace le financement des autres actions qui entrent dans le champ de compétence de la caisse, au titre desquelles, notamment, les dépenses d'animation et de prévention, et les frais d'études dans les domaines d'action de la caisse :
« a) Pour les personnes âgées, ces charges sont retracées dans une sous-section spécifique abondée par une fraction, fixée par arrêté des ministres chargés des personnes âgées et du budget, des ressources prévues au a du 2 du I ;
« b) Pour les personnes handicapées, ces charges sont retracées dans une sous-section spécifique abondée par une fraction, fixée par arrêté des ministres chargés des personnes handicapées et du budget, des ressources prévues au a du III.
« VI. ― Une section consacrée aux frais de gestion de la caisse. Les charges de cette section sont financées par un prélèvement sur les ressources mentionnées aux 1° à 4° de l'article L. 14-10-4, réparti entre les sections précédentes au prorata du montant des ressources qui leur sont affectées.
« Par dérogation au I de l'article L. 14-10-8, les reports de crédits peuvent être affectés, en tout ou partie, à d'autres sections, par arrêté des ministres chargés des personnes âgées, des personnes handicapées et du budget après avis du conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie » ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 14-10-6 du code de l'action sociale et des familles dans sa rédaction issue de la loi du 11 février 2005 susvisée : « Le montant du concours mentionné au II de l'article L. 14-10-5 est réparti annuellement entre les départements en fonction des critères suivants :
« a) Le nombre de personnes âgées de plus de soixante-quinze ans ;
« b) Le montant des dépenses d'allocation personnalisée d'autonomie ;
« c) Le potentiel fiscal, déterminé selon les modalités définies à l'article L. 3334-6 du code général des collectivités territoriales ;
« d) Le nombre de bénéficiaires du revenu minimum d'insertion.
« En aucun cas, le rapport entre, d'une part, les dépenses réalisées au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie de chaque département après déduction du montant ainsi réparti et, d'autre part, leur potentiel fiscal ne peut être supérieur à un taux fixé par voie réglementaire. Les dépenses correspondant à la fraction de ce rapport qui dépasse ce seuil sont prises en charge en totalité par la caisse.
« L'attribution résultant de l'opération définie au premier alinéa du présent II pour les départements autres que ceux ayant bénéficié d'un complément de dotation au titre de l'alinéa précédent est diminuée de la somme des montants ainsi calculés, au prorata de la répartition effectuée en application dudit alinéa entre ces seuls départements.
« Les opérations décrites aux deux alinéas précédents sont renouvelées jusqu'à ce que les dépenses laissées à la charge de chaque département n'excèdent pas le seuil défini au sixième alinéa.
« Le concours de la caisse aux départements fait l'objet d'acomptes correspondant au minimum à 90 % des produits disponibles de la section visée au II de l'article L. 14-10-5, après prise en compte des charges mentionnées au VI du même article » ;
5. Considérant que, selon les départements requérants, ces dispositions, qui fixent les modalités du concours de l'Etat aux départements pour le financement d'une partie des charges exposées par eux au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie, ne permettent de répondre, en l'absence de ressources suffisantes, ni à l'importance ni à l'augmentation de ces charges ; qu'ainsi, elles entraveraient la libre administration des collectivités territoriales en méconnaissance des articles 72 et 72-2 de la Constitution ;
6. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les articles 11 et 12 de la loi du 30 juin 2004 susvisée ainsi que sur le paragraphe II de l'article L. 14-10-5 et l'article L. 14-10-6 du code de l'action sociale et des familles dans leur rédaction issue de la loi du 11 février 2005 susvisée ;
7. Considérant que, si, en vertu de l'article 72 de la Constitution, les collectivités territoriales « s'administrent librement par des conseils élus », chacune d'elles le fait « dans les conditions prévues par la loi » ; que son article 34 réserve au législateur la détermination des principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources ; que, toutefois, les règles fixées par la loi sur le fondement de ces dispositions ne sauraient avoir pour effet de restreindre les ressources des collectivités territoriales au point d'entraver leur libre administration ; qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution : « Tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi » ; qu'aucune exigence constitutionnelle n'impose au législateur d'affecter une ressource particulière au financement d'un transfert, d'une création ou d'une extension de compétences ni de maintenir dans le temps une telle affectation ;
Sur le grief tiré de la violation de l'article 72-2 de la Constitution :
8. Considérant, en premier lieu, que l'allocation personnalisée d'autonomie, créée par la loi du 20 juillet 2001 susvisée, a remplacé, à compter du 1er janvier 2002, la prestation spécifique dépendance et élargi le champ de ses bénéficiaires ; que cette extension de compétences a été accompagnée par la création d'un concours de l'Etat versé aux départements par le « Fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie » et financé par une participation des régimes obligatoires de base d'assurance vieillesse et par une fraction du produit de la contribution sociale généralisée ; que cette extension de compétences a également été accompagnée par un mécanisme de répartition dudit concours entre les bénéficiaires selon des critères démographiques, sociaux et financiers définis par le législateur et par un mécanisme de péréquation garantissant que le niveau de charges nettes assumé par chaque département ne dépasse pas un certain pourcentage, fixé par voie réglementaire, de son potentiel fiscal ; qu'elle a été spécialement examinée et déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans les considérants 12 à 31 et l'article 1er de sa décision du 18 juillet 2001 susvisée ; qu'elle est intervenue avant l'entrée en vigueur de la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République qui a inséré, dans la Constitution, l'article 72-2 ;
9. Considérant, en second lieu, que, par les dispositions contestées de la loi du 30 juin 2004 et du code de l'action sociale et des familles dans leur rédaction issue de la loi du 11 février 2005, le législateur a entendu consolider, pour l'année 2004 et les années suivantes, le financement du concours de l'Etat versé aux départements aux fins de participer au financement des charges exposées par ces derniers au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie ; qu'ainsi, il n'a pas procédé à une création ou une extension de compétences ;
10. Considérant que, par suite, est inopérant le grief tiré de la violation des dispositions précitées de l'article 72-2 de la Constitution ;
Sur le grief tiré de la violation de l'article 72 de la Constitution :
11. Considérant, en premier lieu, que le concours précité de l'Etat aux départements est versé par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie créée en remplacement du fonds de financement précité ; que, pour l'année 2004, selon le paragraphe I de l'article 12 de la loi du 30 juin 2004 susvisée, il est financé, d'abord, par une fraction de la contribution sociale généralisée ; qu'il est financé également par 70 % du solde disponible, après remboursement du capital et des intérêts de l'emprunt prévu par l'article 5 de la loi du 31 mars 2003 susvisée, du produit de la contribution de solidarité pour l'autonomie ; que cette dernière est constituée d'une contribution au taux de 0,3 % due par les employeurs privés et publics sur l'assiette des cotisations patronales d'assurance maladie affectées au financement des régimes de base de l'assurance maladie et d'une contribution additionnelle aux prélèvements sociaux sur les produits du capital et revenus du patrimoine mentionnés aux articles L. 245-14 et L. 245-15 du code de la sécurité sociale ; que le concours de la caisse nationale est financé, enfin, par la participation mentionnée au 4° de l'article 11 de la loi du 30 juin 2004 des régimes obligatoires de base de l'assurance vieillesse ; que, pour les années postérieures à 2004, selon le paragraphe II de l'article L. 14-10-5 du code de l'action sociale et des familles, le concours de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie est financé par 20 % du produit de la contribution de solidarité pour l'autonomie et par une fraction du produit de la contribution sociale généralisée ; qu'il peut, en outre, être financé par une part des produits financiers attribués à ladite caisse nationale sur le fondement du paragraphe II de l'article L. 14-10-8 du même code de l'action sociale et des familles ;
12. Considérant, en second lieu, que le paragraphe II de l'article 12 de la loi du 30 juin 2004 susvisée, pour l'année 2004, et l'article L. 14-10-6 du code précité, pour les années ultérieures, fixent avec précision les critères démographiques, sociaux et financiers qui permettent de répartir entre les départements le concours de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie au financement des charges résultant de l'allocation personnalisée d'autonomie ; que les mêmes articles prévoient que les charges nettes résultant de la différence entre les dépenses exposées au titre de ladite allocation et le concours de la caisse nationale ne peuvent être supérieures à un pourcentage, fixé par voie réglementaire, du potentiel fiscal de chaque département ; que, en cas de dépassement de ce pourcentage, les dépenses correspondant à la fraction de ce rapport qui dépasse ce seuil sont prises en charge en totalité par la caisse nationale ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il appartient au pouvoir réglementaire de fixer ce pourcentage à un niveau qui permette, compte tenu de l'ensemble des ressources des départements, que la libre administration des collectivités territoriales ne soit pas entravée ; qu'en outre, si l'augmentation des charges nettes faisait obstacle à la réalisation de la garantie prévue par l'article L. 14-10-6 du code de l'action sociale et des familles, il appartiendrait aux pouvoirs publics de prendre les mesures correctrices appropriées ;
14. Considérant que, sous les réserves énoncées au considérant précédent, les dispositions contestées ne sont pas contraires à l'article 72 de la Constitution ;
15. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

Sous les réserves énoncées au considérant 13, les articles 11 et 12 de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, le paragraphe II de l'article L. 14-10-5 et l'article L. 14-10-6 du code de l'action sociale et des familles dans leur rédaction issue de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées sont conformes à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 30 juin 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-144 QPC du 30 juin 2011

(DÉPARTEMENTS DE L'HÉRAULT ET DES CÔTES-D'ARMOR)

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 20 avril 2011 par le Conseil d'Etat (décision n° 346227-347269 du 20 avril 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par les départements de l'Hérault et des Côtes-d'Armor, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 14-10-4, L. 14-10-5, L. 14-10-7 et L. 14-10-8 du code de l'action sociale et des familles, dans leur rédaction issue de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites en intervention pour les départements du Cher et du Val-d'Oise par la SCP CGCB et Associés, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 13 mai et 7 juin 2011 ;
Vu les observations produites en intervention pour le département de Seine-Maritime par Bruno Kern Avocats SELAS, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 16 mai 2011 ;
Vu les observations produites pour le département des Deux-Sèvres par la SELARL Boissonnet Rubi Raffin Giffo, avocat au barreau de Nantes, enregistrées le 18 mai 2011 ;
Vu les observations produites pour le département de l'Hérault par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 19 mai 2011 ;
Vu les observations produites pour les départements de l'Allier, de Meurthe-et-Moselle, du Nord, de l'Oise, de Vaucluse et de l'Essonne par la SCP Seban et Associés, enregistrées le 19 mai 2011 ;
Vu les observations produites pour les départements des Côtes-d'Armor et de Seine-et-Marne par la SCP Bernard Peignot et Denis Garreau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, et par la SCP Seban et Associés, enregistrées le 19 mai 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 19 mai 2011 ;
Vu les observations produites en intervention pour les départements de la Gironde, de Loire-Atlantique, du Lot, de Lot-et-Garonne, de la Nièvre, des Pyrénées-Atlantiques et de la Seine-Saint-Denis par la SCP Seban et Associés, enregistrées les 19 et 26 mai et 6 juin 2011 ;
Vu les observations produites en intervention pour les départements de l'Aude, des Bouches-du-Rhône, de la Charente, de la Creuse, de la Drôme, du Finistère, du Gard, de la Haute-Garonne, du Gers, des Landes, de la Meuse, des Hautes-Pyrénées et du Tarn par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, enregistrées les 24, 25, 26, 27 et 30 mai, 1er et 6 juin 2011 ;
Vu les nouvelles observations produites pour les départements de l'Hérault, de la Dordogne, de l'Isère et des Pyrénées-Orientales par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, enregistrées les 24, 25 mai et 7 juin 2011 ;
Vu les observations produites en intervention pour le département de l'Ain par la SELARL Itinéraires Droit Public, avocat au barreau de Lyon, enregistrées le 26 mai 2011 ;
Vu les observations produites en intervention pour le département de l'Ariège par la SELARL Molas et Associés, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 30 mai 2011 ;
Vu les nouvelles observations produites pour les départements de l'Allier, de Meurthe-et-Moselle, du Nord, de l'Oise, de Vaucluse et de l'Essonne par la SCP Seban et Associés, enregistrées le 6 juin 2011 ;
Vu les nouvelles observations produites en intervention pour les départements de la Gironde, de Loire-Atlantique, du Lot, de Lot-et-Garonne, de la Nièvre et de la Seine-Saint-Denis par la SCP Seban et Associés, enregistrées le 6 juin 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Jean-François Boutet, Me Frédéric Thiriez, Me Didier Seban, Me Pierre Pintat, Me Bertrand Vendé, avocat au barreau de Nantes, Me Ferdinand de Soto, avocat au barreau de Paris, Me Bruno Kern, Me Marc Richer, avocat au barreau de Paris, Me Dominique Foussard et Me Denis Garreau pour les départements requérants et intervenants, M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 14 juin 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 14-10-4 du code de l'action sociale et des familles dans sa rédaction issue de la loi du 11 février 2005 susvisée : « Les produits affectés à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie sont constitués par :
« 1° Une contribution au taux de 0,3 % due par les employeurs privés et publics. Cette contribution a la même assiette que les cotisations patronales d'assurance maladie affectées au financement des régimes de base de l'assurance maladie. Elle est recouvrée dans les mêmes conditions et sous les mêmes garanties que lesdites cotisations ;
« 2° Une contribution additionnelle au prélèvement social mentionné à l'article L. 245-14 du code de la sécurité sociale et une contribution additionnelle au prélèvement social mentionné à l'article L. 245-15 du même code. Ces contributions additionnelles sont assises, contrôlées, recouvrées et exigibles dans les mêmes conditions que celles applicables à ces prélèvements sociaux. Leur taux est fixé à 0,3 % ;
« 3° Une fraction de 0,1 point du produit des contributions sociales mentionnées aux articles L. 136-1, L. 136-6, L. 136-7 et L. 136-7-1 du même code ;
« 4° Une participation des régimes obligatoires de base de l'assurance vieillesse, représentative d'une fraction identique pour tous les régimes, déterminée par voie réglementaire, des sommes consacrées par chacun de ceux-ci en 2000 aux dépenses d'aide ménagère à domicile au bénéfice des personnes âgées dépendantes remplissant la condition de perte d'autonomie mentionnée à l'article L. 232-2 du code de l'action sociale et des familles ; cette fraction ne peut être inférieure à la moitié ni supérieure aux trois quarts des sommes en cause. Le montant de cette participation est revalorisé chaque année, par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, conformément à l'évolution prévisionnelle des prix à la consommation hors tabac prévue dans le rapport économique et financier annexé à la loi de finances pour l'année considérée ;
« 5° La contribution des régimes d'assurance maladie mentionnée au deuxième alinéa de l'article L. 314-3. Cette contribution est répartie entre les régimes au prorata des charges qui leur sont imputables au titre du I de l'article L. 14-10-5 » ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 14-10-5 du même code dans sa rédaction issue de la loi du 11 février 2005 susvisée : « La Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie retrace ses ressources et ses charges en six sections distinctes selon les modalités suivantes :
« I. ― Une section consacrée au financement des établissements ou services sociaux et médico-sociaux mentionnés à l'article L. 314-3-1, qui est divisée en deux sous-sections.
« 1. La première sous-section est relative aux établissements et services mentionnés au 1° de l'article L. 314-3-1 et à ceux du 2° du même article qui accueillent principalement des personnes handicapées. Elle retrace :
« a) En ressources, une fraction au moins égale à 10 % et au plus égale à 14 % du produit des contributions visées aux 1° et 2° de l'article L. 14-10-4, ainsi que la part de la contribution des régimes d'assurance maladie, mentionnée au deuxième alinéa du I de l'article L. 314-3, qui est destinée au financement de ces établissements ou services ;
« b) En charges, le remboursement aux régimes d'assurance maladie des charges afférentes à l'accueil de leurs affiliés dans ces établissements ou services.
« 2. La deuxième sous-section est relative aux établissements et services mentionnés au 3° de l'article L. 314-3-1 et à ceux du 2° du même article qui accueillent principalement des personnes âgées. Elle retrace :
« a) En ressources, 40 % du produit des contributions visées aux 1° et 2° de l'article L. 14-10-4, ainsi que la part de la contribution des régimes d'assurance maladie, mentionnée au deuxième alinéa du I de l'article L. 314-3, qui est destinée au financement de ces établissements ou services ;
« b) En charges, le remboursement aux régimes d'assurance maladie des charges afférentes à l'accueil de leurs affiliés dans ces établissements ou services.
« Les opérations comptables relatives aux produits et aux charges de la présente section sont effectuées simultanément à la clôture des comptes de l'exercice.
« II. ― Une section consacrée à la prestation d'allocation personnalisée d'autonomie mentionnée à l'article L. 232-1. Elle retrace :
« a) En ressources, 20 % du produit des contributions visées aux 1° et 2° de l'article L. 14-10-4, le produit mentionné au 4° du même article et le produit de la contribution sociale généralisée mentionné au 3° du même article, diminué du montant mentionné au IV du présent article ;
« b) En charges, un concours versé aux départements dans la limite des ressources mentionnées au a, destiné à couvrir une partie du coût de l'allocation personnalisée d'autonomie. Le montant de ce concours est réparti selon les modalités prévues à l'article L. 14-10-6.
« III. ― Une section consacrée à la prestation de compensation mentionnée à l'article L. 245-1. Elle retrace :
« a) En ressources, une fraction au moins égale à 26 % et au plus égale à 30 % du produit des contributions visées aux 1° et 2° de l'article L. 14-10-4 ;
« b) En charges, un concours versé aux départements dans la limite des ressources mentionnées au a, destiné à couvrir une partie du coût de la prestation de compensation et un concours versé pour l'installation ou le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées. Les montants de ces concours sont répartis selon les modalités prévues à l'article L. 14-10-7.
« Avant imputation des contributions aux sections mentionnées aux V et VI, l'ensemble des ressources destinées aux personnes handicapées, soit au titre des établissements et services financés par la sous-section mentionnée au 1 du I, soit au titre de la présente section, doit totaliser 40 % du produit des contributions visées aux 1° et 2° de l'article L. 14-10-4.
« IV. ― Une section consacrée à la promotion des actions innovantes et au renforcement de la professionnalisation des métiers de service en faveur des personnes âgées. Elle retrace :
« a) En ressources, une fraction du produit visé au 3° de l'article L. 14-10-4, fixée par arrêté conjoint des ministres chargés de l'action sociale, de la sécurité sociale et du budget, qui ne peut être inférieure à 5 % ni supérieure à 12 % de ce produit ;
« b) En charges, le financement de dépenses de modernisation des services ou de professionnalisation des métiers qui apportent au domicile des personnes âgées dépendantes une assistance dans les actes quotidiens de la vie, ainsi que de dépenses de formation et de qualification des personnels soignants recrutés dans le cadre des mesures de médicalisation des établissements et services mentionnés au 3° de l'article L. 314-3-1.
« Les projets financés par cette section doivent être agréés par l'autorité compétente de l'Etat, qui recueille, le cas échéant, dans les cas et conditions fixés par voie réglementaire, l'avis préalable de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.
« V. ― Une section consacrée au financement des autres dépenses en faveur des personnes handicapées et des personnes âgées dépendantes, qui retrace le financement des autres actions qui entrent dans le champ de compétence de la caisse, au titre desquelles notamment les dépenses d'animation et de prévention, et les frais d'études dans les domaines d'action de la caisse :
« a) Pour les personnes âgées, ces charges sont retracées dans une sous-section spécifique abondée par une fraction, fixée par arrêté des ministres chargés des personnes âgées et du budget, des ressources prévues au a du 2 du I ;
« b) Pour les personnes handicapées, ces charges sont retracées dans une sous-section spécifique abondée par une fraction, fixée par arrêté des ministres chargés des personnes handicapées et du budget, des ressources prévues au a du III.
« VI. ― Une section consacrée aux frais de gestion de la caisse. Les charges de cette section sont financées par un prélèvement sur les ressources mentionnées aux 1° à 4° de l'article L. 14-10-4, réparti entre les sections précédentes au prorata du montant des ressources qui leur sont affectées.
« Par dérogation au I de l'article L. 14-10-8, les reports de crédits peuvent être affectés, en tout ou partie, à d'autres sections, par arrêté des ministres chargés des personnes âgées, des personnes handicapées et du budget après avis du conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie » ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 14-10-7 du même code dans sa rédaction issue de la loi du 11 février 2005 susvisée : « I. ― Les concours mentionnés au III de l'article L. 14-10-5 sont répartis entre les départements selon des modalités fixées par décrets en Conseil d'Etat pris après avis de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, en fonction de tout ou partie des critères suivants :
« a) Le nombre de bénéficiaires dans le département, au titre de l'année écoulée, de la prestation de compensation mentionnée à l'article L. 245-1, corrigé, en cas de variation importante, par la valeur de ce nombre sur les années antérieures. Pour les années au cours desquelles cette prestation n'était pas ou pas exclusivement en vigueur, ce nombre est augmenté du nombre de bénéficiaires de l'allocation compensatrice mentionnée à l'article L. 245-1 dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ;
« b) Les caractéristiques des bénéficiaires et des montants individuels de prestation de compensation qui ont été versés au titre de l'année écoulée, et notamment le nombre de bénéficiaires d'allocations de montant élevé ;
« c) Le nombre de bénéficiaires des prestations prévues aux articles L. 341-1, L. 821-1 et L. 821-2 du code de la sécurité sociale ;
« d) Le nombre de bénéficiaires de l'allocation prévue à l'article L. 541-1 du code de la sécurité sociale ;
« e) La population adulte du département dont l'âge est inférieur à la limite fixée en application du I de l'article L. 245-1 du présent code ;
« f) Le potentiel fiscal, déterminé selon les modalités définies à l'article L. 3334-6 du code général des collectivités territoriales.
« Le versement du concours relatif à l'installation et au fonctionnement des maisons départementales s'effectue conformément à une convention entre la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie et le département concerné, visant à définir des objectifs de qualité de service pour la maison départementale des personnes handicapées et à dresser le bilan de réalisation des objectifs antérieurs.
« II. ― Le rapport entre, d'une part, les dépenses réalisées au titre de la prestation de compensation de chaque département après déduction du montant réparti conformément au I et, d'autre part, leur potentiel fiscal ne peut être supérieur à un taux fixé par voie réglementaire. Les dépenses correspondant à la fraction de ce rapport qui dépasse ce seuil sont prises en charge en totalité par la caisse.
« L'attribution résultant de l'opération définie au I pour les départements autres que ceux ayant bénéficié d'un complément de dotation au titre de l'alinéa précédent est diminuée de la somme des montants ainsi calculés, au prorata de la répartition effectuée en application dudit alinéa entre ces seuls départements.
« Les opérations décrites aux deux alinéas précédents sont renouvelées jusqu'à ce que les dépenses laissées à la charge de chaque département n'excèdent plus le seuil défini au premier alinéa du présent II » ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 14-10-8 du même code dans sa rédaction issue de la loi du 11 février 2005 susvisée : « I. ― Les crédits affectés, au titre d'un exercice, aux sections et sous-sections mentionnées à l'article L. 14-10-5, qui n'ont pas été consommés à la clôture de l'exercice donnent lieu à report automatique sur les exercices suivants.
« II. ― Les produits résultant du placement, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat, des disponibilités qui excèdent les besoins de trésorerie de la caisse sont affectés au financement des charges mentionnées aux II et III de l'article L. 14-10-5 » ;
5. Considérant que, selon les départements requérants, ces dispositions, qui fixent les modalités du concours de l'Etat aux départements pour le financement d'une partie des charges exposées par eux au titre de la prestation de compensation du handicap mentionnée à l'article L. 245-1 du code de l'action sociale et des familles, ne permettent de répondre, en l'absence de ressources suffisantes, ni à l'importance ni à la croissance de ces charges ; qu'ainsi, elles entraveraient la libre administration des collectivités territoriales en méconnaissance des articles 72 et 72-2 de la Constitution ;
6. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur l'article L. 14-10-4, le paragraphe III de l'article L. 14-10-5 et sur les articles L. 14-10-7 et L. 14-10-8 du code de l'action sociale et des familles, dans leur rédaction issue de la loi du 11 février 2005 susvisée ;
7. Considérant qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution : « Tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi » ; que ces dispositions ne visent, en ce qui concerne les créations et extensions de compétences, que celles qui présentent un caractère obligatoire ; que, dans ce cas, il n'est fait obligation au législateur que d'accompagner ces créations ou extensions de compétences de ressources dont il lui appartient d'apprécier le niveau, sans toutefois dénaturer le principe de la libre administration des collectivités territoriales énoncé par l'article 72 de la Constitution ; que cette exigence constitutionnelle n'impose pas au législateur d'affecter une ressource particulière au financement d'un transfert, d'une création ou d'une extension de compétences, ni de maintenir dans le temps une telle affectation ;
8. Considérant que la prestation de compensation du handicap a été créée par la loi du 11 février 2005 susvisée ; qu'elle a remplacé, de manière progressive, à compter du 1er janvier 2006, l'allocation compensatrice pour tierce personne financée par les départements, afin d'élargir, d'une part, le champ des charges supportées par les personnes en raison de leur handicap qui sont couvertes par un financement public et, d'autre part, le champ des bénéficiaires ; qu'ainsi, elle constitue, pour les départements, une extension de leurs compétences ;
9. Considérant, en premier lieu, que, selon les dispositions contestées, cette extension de compétences s'est accompagnée de la mise en place d'un concours de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie au financement des charges exposées par les départements au titre de l'allocation de compensation du handicap ; que ce concours est financé par une fraction au moins égale à 26 % et au plus égale à 30 % du produit de la contribution de solidarité pour l'autonomie ; que cette dernière est constituée d'une contribution au taux de 0,3 % due par les employeurs privés et publics sur l'assiette des cotisations patronales d'assurance maladie affectées au financement des régimes de base de l'assurance maladie et d'une contribution additionnelle aux prélèvements sociaux sur les produits du capital et revenus du patrimoine mentionnés aux articles L. 245-14 et L. 245-15 du code de la sécurité sociale ; que le concours de la caisse nationale peut, en outre, être financé par une part des produits financiers attribués à ladite caisse nationale sur le fondement du paragraphe II de l'article L. 14-10-8 du code de l'action sociale et des familles ;
10. Considérant, en second lieu, que l'article L. 14-10-7 du même code, dans son paragraphe I, fixe avec précision les critères démographiques, sociaux et financiers qui permettent de répartir entre les départements le concours de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie au financement des charges résultant de la prestation de compensation du handicap ; que le même article, dans son paragraphe II, prévoit que les charges nettes résultant de la différence entre les dépenses exposées au titre de ladite prestation et le concours de la caisse nationale ne peuvent être supérieures à un pourcentage, fixé par voie réglementaire, du potentiel fiscal de chaque département ; qu'en cas de dépassement de ce pourcentage, les dépenses correspondant à la fraction de ce rapport qui dépasse ce seuil sont prises en charge en totalité par la caisse nationale ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il appartient au pouvoir réglementaire de fixer ce pourcentage à un niveau qui permette, compte tenu de l'ensemble des ressources des départements, que le principe de la libre administration des collectivités territoriales ne soit pas dénaturé ; qu'en outre, si l'augmentation des charges nettes faisait obstacle à la réalisation de la garantie prévue par l'article L. 14-10-7 du code de l'action sociale et des familles, il appartiendrait aux pouvoirs publics de prendre les mesures correctrices appropriées ;
12. Considérant que, sous les réserves énoncées au considérant précédent, les dispositions contestées ne sont pas contraires à l'article 72-2 de la Constitution, ni à son article 72 ;
13. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

Sous les réserves énoncées au considérant 11, l'article L. 14-10-4, le paragraphe III de l'article L. 14-10-5, les articles L. 14-10-7 et L. 14-10-8 du code de l'action sociale et des familles, dans leur rédaction issue de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, sont conformes à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 30 juin 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

DECISIONS DU 8 JUILLET 2011

Décision n° 2011-146 QPC du 8 juillet 2011

(DÉPARTEMENT DES LANDES)

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 29 avril 2011 par le Conseil d'Etat (décision n° 347071 du 29 avril 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par le département des Landes, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 2224-11-5 du code général des collectivités territoriales.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la Fédération professionnelle des entreprises de l'eau (FP2E) par Me Laurent Richer, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 20 mai et 6 juin 2011 ;
Vu les observations produites pour le département requérant par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées les 23 mai et 7 juin 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 23 mai 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Frédéric Thiriez pour le département requérant, Me Laurent Richer pour la FP2E et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 7 juillet 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2224-11-5 du code général des collectivités territoriales : « Les aides publiques aux communes et groupements de collectivités territoriales compétents en matière d'eau potable ou d'assainissement ne peuvent être modulées en fonction du mode de gestion du service » ;
2. Considérant que, selon le département requérant, cette disposition, en ce qu'elle ôte à une collectivité la liberté de décider des modalités selon lesquelles elle accorde ses subventions, porte atteinte au principe de la libre administration des collectivités territoriales ; qu'il soutient également que le législateur, en imposant à celles-ci « d'opérer un traitement identique de l'octroi de leurs deniers publics » à des situations juridiques différentes, a méconnu le principe de l'égalité devant les charges publiques qui est le corollaire du principe d'égalité devant la loi ;
3. Considérant que, si, en vertu des articles 72 et 72-2 de la Constitution, les collectivités territoriales « s'administrent librement par des conseils élus » et « bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement », chacune d'elles le fait « dans les conditions prévues par la loi » ; que l'article 34 réserve au législateur la détermination des principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources ;
4. Considérant que, si le législateur peut, sur le fondement des articles 34 et 72 de la Constitution, assujettir les collectivités territoriales ou leurs groupements à des obligations, ou les soumettre à des interdictions, c'est à la condition, notamment, que les unes et les autres répondent à des fins d'intérêt général ;
5. Considérant que, par la disposition contestée, le législateur a entendu interdire aux collectivités territoriales, et notamment aux départements, de moduler les aides allouées aux communes et groupements de collectivités territoriales compétents en matière d'eau potable ou d'assainissement en fonction du mode de gestion du service en cause ; que cette interdiction de moduler les subventions, selon le mode de gestion du service d'eau potable et d'assainissement, restreint la libre administration des départements au point de méconnaître les articles 72 et 72-2 de la Constitution ;
6. Considérant qu'il s'ensuit que l'article L. 2224-11-5 du code général des collectivités territoriales est contraire à la Constitution ; que la déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la publication de la présente décision ; qu'elle peut être invoquée dans les instances en cours à cette date et dont l'issue dépend de l'application des dispositions déclarées inconstitutionnelles,
Décide :

ARTICLE 1

L'article L. 2224-11-5 du code général des collectivités territoriales est contraire à la Constitution.

ARTICLE 2

Cette déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées par son considérant 6.

ARTICLE 3

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 7 juillet 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-147 QPC du 8 juillet 2011

(M. TAREK J.)

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 4 mai 2011 par la Cour de cassation (arrêt n° 2411 du 27 avril 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Tarek J., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 251-3 et L. 251-4 du code de l'organisation judiciaire.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de l'organisation judiciaire ;
Vu la loi du 12 avril 1906 modifiant les articles 66, 67 du code pénal, 340 du code d'instruction criminelle et fixant la majorité pénale à l'âge de dix-huit ans ;
Vu la loi du 22 juillet 1912 sur les tribunaux pour enfants et adolescents et sur la liberté surveillée ;
Vu l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 26 mai 2011 ;
Vu la lettre du 9 juin 2011 par laquelle le Conseil constitutionnel a soumis aux parties un grief susceptible d'être soulevé d'office ;
Vu les observations produites pour le requérant par Me Jean-Baptiste Gavignet, avocat au barreau de Dijon, enregistrées le 14 juin 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 15 juin 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Gavignet, pour le requérant, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 21 juin 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 251-3 du code de l'organisation judiciaire : « Le tribunal pour enfants est composé d'un juge des enfants, président, et de plusieurs assesseurs » ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 251-4 du même code : « Les assesseurs titulaires et suppléants sont choisis parmi les personnes âgées de plus de trente ans, de nationalité française et qui se sont signalées par l'intérêt qu'elles portent aux questions de l'enfance et par leurs compétences.
« Les assesseurs sont nommés pour quatre ans par le garde des sceaux, ministre de la justice. Leur renouvellement s'opère par moitié.
Toutefois, en cas de création d'un tribunal pour enfants, d'augmentation ou de réduction du nombre des assesseurs dans ces juridictions, ou de remplacement d'un ou de plusieurs de ces assesseurs à une date autre que celle qui est prévue pour leur renouvellement, la désignation des intéressés peut intervenir pour une période inférieure à quatre années dans la limite de la durée requise pour permettre leur renouvellement par moitié » ;
3. Considérant que, selon le requérant, la présidence du tribunal pour enfants par un juge des enfants chargé des poursuites et la présence majoritaire d'assesseurs non magistrats au sein de ce tribunal méconnaissent l'article 66 de la Constitution ; qu'en outre, le Conseil constitutionnel a soulevé d'office le grief tiré de ce que la présidence du tribunal pour enfants par le juge des enfants qui a instruit la procédure porterait atteinte au principe d'impartialité des juridictions ;
Sur les assesseurs du tribunal pour enfants :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 66 de la Constitution :
« Nul ne peut être arbitrairement détenu. ― L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi » ; que, si ces dispositions s'opposent à ce que le pouvoir de prononcer des mesures privatives de liberté soit confié à une juridiction qui ne serait composée que de juges non professionnels, elles n'interdisent pas, par elles-mêmes, que ce pouvoir soit exercé par une juridiction pénale de droit commun au sein de laquelle siègent de tels juges ;
5. Considérant, toutefois, qu'en ce cas doivent être apportées des garanties appropriées permettant de satisfaire au principe d'indépendance, indissociable de l'exercice de fonctions juridictionnelles, ainsi qu'aux exigences de capacité, qui découlent de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; que, s'agissant des formations correctionnelles de droit commun, la proportion des juges non professionnels doit rester minoritaire ;
6. Considérant, d'une part, qu'en vertu de l'article L. 251-1 du code de l'organisation judiciaire le tribunal pour enfants est une juridiction pénale spécialisée qui « connaît, dans les conditions définies par l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, des contraventions et des délits commis par les mineurs et des crimes commis par les mineurs de seize ans » ; que, dès lors, en prévoyant que siègent dans cette juridiction, en nombre majoritaire, des assesseurs non professionnels, les dispositions contestées ne méconnaissent pas les exigences constitutionnelles précitées ;
7. Considérant, d'autre part, que l'article L. 251-4 prévoit que les assesseurs sont nommés pour quatre ans et « choisis parmi les personnes âgées de plus de trente ans, de nationalité française et qui se sont signalées par l'intérêt qu'elles portent aux questions de l'enfance et par leurs compétences » ; que l'article L. 251-5 précise qu'ils prêtent serment avant d'entrer en fonction ; que l'article L. 251-6 dispose que la cour d'appel peut déclarer démissionnaires les assesseurs qui, « sans motif légitime, se sont abstenus de déférer à plusieurs convocations successives » et prononcer leur déchéance « en cas de faute grave entachant l'honneur ou la probité » ; que, dans ces conditions, s'agissant de ces fonctions d'assesseurs, les dispositions contestées ne méconnaissent ni le principe d'indépendance indissociable de l'exercice de fonctions judiciaires, ni les exigences de capacité qui découlent de l'article 6 de la Déclaration de 1789 ; que, par suite, l'article L. 251-4 du code de l'organisation judiciaire, qui ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, est conforme à la Constitution ;
Sur le président du tribunal pour enfants :
8. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que le principe d'impartialité est indissociable de l'exercice de fonctions juridictionnelles ;
9. Considérant, d'autre part, que l'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l'âge comme la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées, ont été constamment reconnues par les lois de la République depuis le début du vingtième siècle ; que ces principes trouvent notamment leur expression dans la loi du 12 avril 1906 sur la majorité pénale des mineurs, la loi du 22 juillet 1912 sur les tribunaux pour enfants et l'ordonnance du 2 février 1945 sur l'enfance délinquante ; que, toutefois, la législation républicaine antérieure à l'entrée en vigueur de la Constitution de 1946 ne consacre pas de règle selon laquelle les mesures contraignantes ou les sanctions devraient toujours être évitées au profit de mesures purement éducatives ; qu'en particulier les dispositions originelles de l'ordonnance du 2 février 1945 n'écartaient pas la responsabilité pénale des mineurs et n'excluaient pas, en cas de nécessité, que fussent prononcées à leur égard des mesures telles que le placement, la surveillance, la retenue ou, pour les mineurs de plus de treize ans, la détention ; que telle est la portée du principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs ;
10. Considérant que l'ordonnance du 2 février 1945 susvisée, dont sont issues les dispositions contestées, a institué un juge des enfants, magistrat spécialisé, et un tribunal des enfants présidé par le juge des enfants ; que le juge des enfants est, selon l'article 7 de cette ordonnance, saisi par le procureur de la République près le tribunal dans le ressort duquel le tribunal des enfants a son siège et qui est seul chargé des poursuites ; qu'en vertu de l'article 8 de cette même ordonnance le juge des enfants se livre à « toutes diligences et investigations utiles pour parvenir à la manifestation de la vérité et à la connaissance de la personnalité du mineur ainsi que des moyens appropriés à sa rééducation » ; que cet article dispose, en outre, qu'il peut « ensuite, par ordonnance, soit déclarer n'y avoir lieu à suivre et procéder comme il est dit à l'article 177 du code de procédure pénale, soit renvoyer le mineur devant le tribunal pour enfants » ; qu'aucune disposition de l'ordonnance du 2 février 1945 ou du code de procédure pénale ne fait obstacle à ce que le juge des enfants participe au jugement des affaires pénales qu'il a instruites ;
11. Considérant que le principe d'impartialité des juridictions ne s'oppose pas à ce que le juge des enfants qui a instruit la procédure puisse, à l'issue de cette instruction, prononcer des mesures d'assistance, de surveillance ou d'éducation ; que, toutefois, en permettant au juge des enfants qui a été chargé d'accomplir les diligences utiles pour parvenir à la manifestation de la vérité et qui a renvoyé le mineur devant le tribunal pour enfants de présider cette juridiction de jugement habilitée à prononcer des peines, les dispositions contestées portent au principe d'impartialité des juridictions une atteinte contraire à la Constitution ; que, par suite, l'article L. 251-3 du code de l'organisation judiciaire est contraire à la Constitution ;
12. Considérant qu'en principe une déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à la partie qui a présenté la question prioritaire de constitutionnalité ; que, toutefois, l'abrogation immédiate de l'article L. 251-3 du code de l'organisation judiciaire méconnaîtrait le principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice pénale des mineurs et entraînerait des conséquences manifestement excessives ; que, par suite, afin de permettre au législateur de mettre fin à cette inconstitutionnalité, il y a lieu de reporter au 1er janvier 2013 la date de cette abrogation,
Décide :

ARTICLE 1

L'article L. 251-3 du code de l'organisation judiciaire est contraire à la Constitution.

ARTICLE 2

L'article L. 251-4 du même code est conforme à la Constitution.

ARTICLE 3

La déclaration d'inconstitutionnalité prévue par l'article 1er prend effet au 1er janvier 2013 dans les conditions fixées au considérant 12 de la présente décision.

ARTICLE 4

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 7 juillet 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

DECISIONS DU 13 JUILLET 2011

Décision n° 2011-149 QPC du 13 juillet 2011

(DÉPARTEMENT DE LA HAUTE-SAVOIE)

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 12 mai 2011 par le Conseil d'Etat (décision n° 346994 du 12 mai 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par le département de la Haute-Savoie, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 313-5 du code de l'éducation.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de l'éducation ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Jean Barthélemy, Olivier Matuchansky et Claire Vexliard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 6 juin 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 6 juin 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Jean Barthélemy, pour le requérant, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 28 juin 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-5 du code de l'éducation : « Les centres publics d'orientation scolaire et professionnelle peuvent être transformés en services d'État. Lorsqu'il est procédé à la transformation de ces centres, les dépenses de fonctionnement et d'investissement de ceux-ci, précédemment à la charge du département ou de la commune à la demande desquels ils ont été constitués, sont prises en charge par l'Etat.
« Cette mesure ne peut entraîner de changement dans l'affectation, au centre transformé, de locaux n'appartenant pas à l'Etat. L'usage de ces locaux par le service nouveau donne lieu à versement d'un loyer » ;
2. Considérant que le département requérant fait valoir que ces dispositions contraignent les collectivités territoriales à financer les dépenses de fonctionnement et d'investissement relatives aux centres d'information et d'orientation qui ont été créés à leur demande, tant que ceux-ci n'ont pas été, soit transformés en service d'Etat, soit supprimés, alors que la création, la gestion et la suppression de ces centres relèvent de la compétence de l'Etat ; qu'ainsi elles méconnaîtraient tant le principe de la libre administration des collectivités territoriales que celui de la libre disposition de leurs ressources ;
3. Considérant que si, en vertu du troisième alinéa de l'article 72 et du premier alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, les collectivités territoriales « s'administrent librement par des conseils élus » et « bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement », chacune d'elles le fait dans les conditions prévues par la loi ; qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution : « La loi détermine les principes fondamentaux... de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources » ;
4. Considérant que si le législateur peut, sur le fondement des articles 34 et 72 de la Constitution, assujettir les collectivités territoriales ou leurs groupements à des obligations, c'est à la condition notamment que celles-ci concourent à une fin d'intérêt général ;
5. Considérant, d'une part, que, selon l'article L. 313-1 du code de l'éducation, « le droit au conseil en orientation et à l'information sur les enseignements, sur l'obtention d'une qualification professionnelle sanctionnée dans les conditions définies à l'article L. 6211-1 du code du travail, sur les professions ainsi que sur les débouchés et les perspectives professionnels fait partie du droit à l'éducation » ; que ce même article prévoit que les collectivités territoriales contribuent à l'élaboration par les élèves de « leur projet d'orientation scolaire et professionnelle avec l'aide des parents, des enseignants, des personnels d'orientation et des autres professionnels compétents » ; qu'ainsi la contribution d'une collectivité territoriale au financement d'un centre public d'information et d'orientation répond à une fin d'intérêt général ;
6. Considérant, d'autre part, que l'article L. 313-4 du code de l'éducation impose l'organisation d'un centre public d'orientation scolaire et professionnelle dans chaque département ; qu'en dehors de cette exigence légale un ou plusieurs centres supplémentaires peuvent être créés par l'Etat à la demande d'une collectivité territoriale ; que, si cette collectivité demande à ne plus assumer la charge correspondant à l'entretien d'un centre supplémentaire dont l'Etat n'a pas décidé la transformation en service d'Etat, l'article L. 313-5 a pour conséquence nécessaire d'obliger la collectivité et l'Etat à organiser sa fermeture ;
7. Considérant qu'il s'ensuit que, sous la réserve énoncée au considérant précédent, les dispositions contestées ne méconnaissent pas les articles 72 et 72-2 de la Constitution ; qu'elles ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

Sous la réserve énoncée au considérant 6, l'article L. 313-5 du code de l'éducation est conforme à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 juillet 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-150 QPC du 13 juillet 2011

(SAS VESTEL FRANCE ET AUTRE)

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 13 mai 2011 par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 583 du 13 mai 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée pour la SAS VESTEL France et M. Onur T., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du 2° du paragraphe IV de l'article 164 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie ;
Vu le code des douanes ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 7 juin 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Hélène Farge, avocate au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, et Me Fabien Foucault, avocat au barreau de Paris, pour le requérant, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 28 juin 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes du 2° du paragraphe IV de l'article 164 de la loi : « Pour les procédures de visite et de saisie prévues au 2 de l'article L. 38 du livre des procédures fiscales et de l'article 64 du code des douanes réalisées durant les trois années qui précèdent la date de publication de la présente loi, un appel contre l'ordonnance mentionnée au 2 des mêmes articles, alors même que cette ordonnance a fait l'objet d'un pourvoi ayant donné lieu à cette date à une décision de rejet du juge de cassation, ou un recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie peut, dans les délais et selon les modalités précisés au 3 du présent IV, être formé devant le premier président de la cour d'appel lorsque la procédure de visite et de saisie est restée sans suite ou a donné lieu à une notification d'infraction pour laquelle une transaction, au sens de l'article L. 247 du livre des procédures fiscales ou de l'article 350 du code des douanes, ou une décision de justice définitive n'est pas encore intervenue à la date d'entrée en vigueur de la présente loi » ;
2. Considérant que, selon les requérants, en réservant le bénéfice des nouvelles procédures d'appel et de recours en matière de visite ou de saisie fiscale ou douanière aux personnes ayant fait l'objet de telles opérations pendant les trois années qui précèdent la date de publication de la loi du 4 août 2008 susvisée, ces dispositions portent atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif des personnes ayant fait l'objet d'une telle procédure antérieurement à cette date et méconnaissent le principe d'égalité devant la loi et la justice ;
3. Considérant qu'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions ; que, ce faisant, il ne saurait toutefois priver de garanties légales des exigences constitutionnelles ;
4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi [...] doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; qu'est garanti par cette disposition le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif ;
6. Considérant que l'article 164 de la loi du 4 août 2008 susvisée a réformé le régime des visites et saisies réalisées par certains agents de l'administration sur autorisation d'un juge ; que les paragraphes II et III de cet article ont modifié respectivement les articles L. 38 du livre des procédures fiscales et 64 du code des douanes applicables aux visites et saisies réalisées en matière de droits indirects et de douane ; qu'ils ont introduit dans la procédure prévue par ces articles des garanties supplémentaires pour les personnes soumises à ces visites en leur ouvrant la faculté de saisir le premier président de la cour d'appel d'un appel de l'ordonnance autorisant la visite des agents de l'administration ainsi que d'un recours contre le déroulement de ces opérations ; que le 2° du paragraphe IV de cet article 164 reconnaît le même droit d'appel ou de recours aux personnes ayant fait l'objet de visites et saisies avant l'entrée en vigueur de cette loi ; qu'il fait ainsi bénéficier rétroactivement ces personnes des nouvelles voies de recours ainsi instituées ; que, toutefois, le bénéfice de ces dispositions n'est ouvert que pour les visites et saisies réalisées durant les trois années qui précèdent la date de publication de la loi, soit à compter du 5 août 2005 ;
7. Considérant, en premier lieu, que la différence de traitement entre les personnes selon la date de réalisation des opérations de visite ou de saisie découle nécessairement de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle ; qu'en elle-même elle ne méconnaît pas le principe d'égalité ;
8. Considérant, en second lieu, que le droit à un recours juridictionnel effectif n'imposait pas au législateur de faire bénéficier rétroactivement de voies de recours les personnes ayant fait l'objet, plus de trois ans avant le 5 août 2008, date de la publication de la loi, d'opérations de visite et de saisie demeurées sans suite ou ayant donné lieu à une notification d'infraction pour laquelle une transaction ou une décision de justice définitive était intervenue avant cette date ; que, dans les autres cas, les dispositions contestées n'ont pas eu pour effet de priver les personnes ayant fait l'objet d'une notification d'infraction à la suite des opérations de visite et de saisie réalisées avant le 5 août 2005 du droit de contester la régularité de ces opérations devant les juridictions appelées à statuer sur les poursuites engagées sur leur fondement ;
9. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

Le 2° du paragraphe IV de l'article 164 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie est conforme à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 juillet 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-151 QPC du 13 juillet 2011

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 17 mai 2011 par la Cour de cassation (première chambre civile, arrêt n° 552 du 17 mai 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Jean-Jacques C., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du 2° de l'article 274 du code civil.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code civil ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 8 juin 2011 ;
Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Jean-Alain Blanc et Jérôme Rousseau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, et par Me Muriel Gestas, avocat au barreau de Draguignan, enregistrées le 23 juin 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Jérôme Rousseau, pour le requérant, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 28 juin 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que l'article 274 du code civil détermine les modalités selon lesquelles le juge aux affaires familiales peut décider que la prestation compensatoire en capital s'exécutera ; que son 2° prévoit une « attribution de biens en propriété ou d'un droit temporaire ou viager d'usage, d'habitation ou d'usufruit, le jugement opérant cession forcée en faveur du créancier. Toutefois, l'accord de l'époux débiteur est exigé pour l'attribution en propriété de biens qu'il a reçus par succession ou donation » ;
2. Considérant que, selon le requérant, ces dispositions portent atteinte à l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 en ce qu'elles permettent au juge d'attribuer de manière forcée un bien, propriété d'un débiteur condamné à payer une prestation compensatoire ;
3. Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ; qu'aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'en l'absence de privation du droit de propriété au sens de cet article il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les limites apportées à son exercice doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi ;
4. Considérant qu'il appartient au législateur, compétent en application de l'article 34 de la Constitution pour déterminer les principes fondamentaux du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales, de définir les modalités selon lesquelles, pour permettre le paiement des obligations civiles et commerciales, les droits patrimoniaux des créanciers et des débiteurs doivent être conciliés ; que l'exécution forcée sur les biens du débiteur est au nombre des mesures qui tendent à assurer cette conciliation ;
5. Considérant, en premier lieu, qu'en vertu du deuxième alinéa de l'article 270 du code civil la prestation compensatoire est « destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives » ; que l'article 271 prévoit que cette prestation est fixée par le juge selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre ; que l'attribution, décidée par le juge du divorce, d'un bien dont un époux est propriétaire a pour objet d'assurer le paiement de la dette dont il est débiteur au profit de son conjoint au titre de la prestation compensatoire ; qu'elle constitue une modalité de paiement d'une obligation judiciairement constatée ; qu'il en résulte que, si l'attribution forcée d'un bien à titre de prestation compensatoire conduit à ce que l'époux débiteur soit privé de la propriété de ce bien, elle n'entre pas dans le champ d'application de l'article 17 de la Déclaration de 1789 ;
6. Considérant, en second lieu, que, d'une part, en permettant l'attribution forcée prévue par le 2° de l'article 274, le législateur a entendu faciliter la constitution d'un capital, afin de régler les effets pécuniaires du divorce au moment de son prononcé ; que le législateur a également entendu assurer le versement de la prestation compensatoire ; que l'objectif poursuivi de garantir la protection du conjoint dont la situation économique est la moins favorisée et de limiter, autant que possible, les difficultés et les contentieux postérieurs au prononcé du divorce constitue un motif d'intérêt général ;
7. Considérant que, d'autre part, l'attribution forcée est ordonnée par le juge qui fixe le montant de la prestation compensatoire ; que les parties ont la possibilité de débattre contradictoirement devant ce juge de la valeur du bien attribué ; qu'en vertu de la seconde phrase du 2° de l'article 274 du code civil l'accord de l'époux débiteur est exigé pour l'attribution en propriété de biens qu'il a reçus par succession ou donation ;
8. Considérant, toutefois, que le 1° de l'article 274 du code civil prévoit également que la prestation compensatoire en capital peut être exécutée sous forme de versement d'une somme d'argent, le prononcé du divorce pouvant être subordonné à la constitution de garanties ; que l'atteinte au droit de propriété qui résulte de l'attribution forcée prévue par le 2° de cet article ne peut être regardée comme une mesure proportionnée au but d'intérêt général poursuivi que si elle constitue une modalité subsidiaire d'exécution de la prestation compensatoire en capital ; que, par conséquent, elle ne saurait être ordonnée par le juge que dans le cas où, au regard des circonstances de l'espèce, les modalités prévues au 1° n'apparaissent pas suffisantes pour garantir le versement de cette prestation ; que, sous cette réserve, l'attribution forcée d'un bien à titre de prestation compensatoire ne méconnaît pas l'article 2 de la Déclaration de 1789 ;
9. Considérant que le 2° de l'article 274 du code civil n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

Sous la réserve énoncée au considérant 8, le 2° de l'article 274 du code civil est conforme à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 juillet 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-153 QPC du 13 juillet 2011

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 24 mai 2011 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 3032 du 18 mai 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Samir A., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 186 du code de procédure pénale.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées les 15 et 30 juin 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées les 15 et 30 juin 2011 ;
Vu la lettre du 22 juin 2011 par laquelle le Conseil constitutionnel a soumis aux parties un grief susceptible d'être soulevé d'office ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Hélène Farge et Me Philippe Dehapiot, avocat au barreau de Paris, pour le requérant, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 5 juillet 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 186 du code de procédure pénale : « Le droit d'appel appartient à la personne mise en examen contre les ordonnances et décisions prévues par les articles 80-1-1, 87, 139, 140, 137-3, 142-6, 142-7, 145-1, 145-2, 148, 167, quatrième alinéa, 179, troisième alinéa, et 181.
« La partie civile peut interjeter appel des ordonnances de non-informer, de non-lieu et des ordonnances faisant grief à ses intérêts civils. Toutefois, son appel ne peut, en aucun cas, porter sur une ordonnance ou sur la disposition d'une ordonnance relative à la détention de la personne mise en examen ou au contrôle judiciaire.
« Les parties peuvent aussi interjeter appel de l'ordonnance par laquelle le juge a, d'office ou sur déclinatoire, statué sur sa compétence.
« L'appel des parties ainsi que la requête prévue par le cinquième alinéa de l'article 99 doivent être formés dans les conditions et selon les modalités prévues par les articles 502 et 503, dans les dix jours qui suivent la notification ou la signification de la décision.
« Le dossier de l'information ou sa copie établie conformément à l'article 81 est transmis, avec l'avis motivé du procureur de la République, au procureur général, qui procède ainsi qu'il est dit aux articles 194 et suivants.
« Si le président de la chambre de l'instruction constate qu'il a été fait appel d'une ordonnance non visée aux alinéas 1 à 3 du présent article, il rend d'office une ordonnance de non-admission de l'appel qui n'est pas susceptible de voies de recours. Il en est de même lorsque l'appel a été formé après l'expiration du délai prévu au quatrième alinéa ou lorsque l'appel est devenu sans objet. Le président de la chambre de l'instruction est également compétent pour constater le désistement de l'appel formé par l'appelant » ;
2. Considérant que, selon le requérant, en ne mentionnant pas l'article 146 du code de procédure pénale dans la liste des ordonnances du juge d'instruction dont la personne mise en examen peut faire appel, le premier alinéa de l'article 186 méconnaît le droit à un recours juridictionnel effectif ; qu'en outre le Conseil constitutionnel a soulevé d'office le grief tiré de ce que l'article 186 du code de procédure pénale porterait atteinte à l'équilibre des droits des parties dans la procédure en ce que seul le droit d'appel de la personne mise en examen est limité et exceptionnel ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que son article 16 dispose : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que, si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense, qui implique en particulier l'existence d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties ;
4. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 185 du code de procédure pénale : « Le procureur de la République a le droit d'interjeter appel devant la chambre de l'instruction de toute ordonnance du juge d'instruction ou du juge des libertés et de la détention » ; que le deuxième alinéa de l'article 186 fixe le principe selon lequel « la partie civile peut interjeter appel des ordonnances de non-informer, de non-lieu et des ordonnances faisant grief à ses intérêts civils » et énonce des exceptions à ce principe ; que, s'agissant de la personne mise en examen, la liste des ordonnances du juge d'instruction dont elle peut interjeter appel est limitativement énumérée par les articles 186, 186-1 et 186-3 du code de procédure pénale ;
5. Considérant que la personne mise en examen n'est pas dans une situation identique à celle de la partie civile ou à celle du ministère public ; que, par suite, les différences de traitement résultant de l'application de règles de procédure propres à chacune des parties privées et du ministère public ne sauraient, en elles-mêmes, méconnaître l'équilibre des droits des parties dans la procédure ; qu'en outre il est loisible au législateur, afin d'éviter, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, les recours dilatoires provoquant l'encombrement des juridictions et l'allongement des délais de jugement des auteurs d'infraction, d'exclure la possibilité d'un appel par la personne mise en examen des ordonnances du juge d'instruction ou du juge des libertés et de la détention qui feraient grief à ses droits lorsque existent d'autres moyens de procédure lui permettant de contester utilement et dans des délais appropriés les dispositions qu'elles contiennent ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 146 du code de procédure pénale : « S'il apparaît, au cours de l'instruction, que la qualification criminelle ne peut être retenue, le juge d'instruction peut, après avoir communiqué le dossier au procureur de la République aux fins de réquisitions, soit saisir par ordonnance motivée le juge des libertés et de la détention aux fins du maintien en détention provisoire de la personne mise en examen, soit prescrire sa mise en liberté assortie ou non du contrôle judiciaire. ― Le juge des libertés et de la détention statue dans le délai de trois jours à compter de la date de sa saisine par le juge d'instruction » ; que la Cour de cassation a jugé, par interprétation du premier alinéa de l'article 186 du code de procédure pénale, que l'appel formé contre l'ordonnance prévue par cet article était irrecevable ; que, quel que soit le régime de la détention à laquelle la personne mise en examen est soumise, celle-ci peut, à tout moment, demander sa mise en liberté en application de l'article 148 du code de procédure pénale et, en cas de refus, faire appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention devant la chambre de l'instruction qui statue dans les plus brefs délais ; que, par suite, en ne mentionnant pas l'ordonnance prévue par l'article 146 du code de procédure pénale au nombre de celles contre lesquelles un droit d'appel appartient à la personne mise en examen, l'article 186 du code de procédure pénale ne méconnaît pas les exigences constitutionnelles précitées ;
7. Considérant que, toutefois, les dispositions de l'article 186 du code de procédure pénale ne sauraient, sans apporter une restriction injustifiée aux droits de la défense, être interprétées comme excluant le droit de la personne mise en examen de former appel d'une ordonnance du juge d'instruction ou du juge des libertés et de la détention faisant grief à ses droits et dont il ne pourrait utilement remettre en cause les dispositions ni dans les formes prévues par les articles 186 à 186-3 du code de procédure pénale ni dans la suite de la procédure, notamment devant la juridiction de jugement ; que, sous cette réserve, l'article 186 du code de procédure pénale ne méconnaît pas les articles 6 et 16 de la Déclaration de 1789 ;
8. Considérant que les dispositions contestées ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

Sous la réserve énoncée au considérant 7, l'article 186 du code de procédure pénale est conforme à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 juillet 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

DECISIONS DU 22 JUILLET 2011

Décision n° 2011-148 QPC du 22 juillet 2011

(M. BRUNO L. ET AUTRES)

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 4 mai 2011 par le Conseil d'Etat (décision n° 346648 du 4 mai 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Bruno L., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit :
― des articles L. 212-16, L. 212-17, L. 212-4-2, L. 212-8, L. 212-9, L. 212-15-3 du code du travail et des articles L. 713-14, L. 713-15 et L. 713-19 du code rural et de la pêche maritime, dans leur rédaction issue respectivement des articles 2 et 3 de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées ;
― des articles 4, 5 et 6 de cette même loi, dans leur rédaction initiale ;
― et des dispositions des articles 2, 3, 4, 5 et 6 de la même loi du 30 juin 2004 dans leur version en vigueur au 10 décembre 2010, s'agissant des dispositions issues de l'article 2, telles qu'elles figurent désormais, aux articles L. 3133-7 à L. 3133-12 et à l'article L. 3123-1 du code du travail, et, s'agissant des dispositions de l'article 6, dans leur rédaction issue de la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique.
Il a également été saisi le 24 mai 2011 par la Cour de cassation (chambre sociale, arrêt n° 1343 du 24 mai 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Thierry J. et le syndicat des services CFDT de Maine-et-Loire, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 2, 3 et 6 de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées.
Le Conseil constitutionnel ;
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code rural et de la pêche maritime ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées ;
Vu l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail ;
Vu la loi n° 2008-351 du 16 avril 2008 relative à la journée de solidarité ;
Vu la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail ;
Vu la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2011-144 QPC du 30 juin 2011 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par M. Bruno L., enregistrées les 27 mai 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées les 27 mai et 15 juin 2011 ;
Vu les observations produites pour la société Logidis Comptoirs Modernes par la SCP D. Célice, F. Blancpain, B. Soltner, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 15 juin 2011 ;
Vu les observations produites en intervention pour l'Union professionnelle artisanale par la SCP Rambaud, Martel, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 26 juin 2011 ;
Vu les observations produites pour M. Thierry J. et le syndicat des services CFDT de Maine-et-Loire par la SCP Hélène Masse-Dessen et Gilles Thouvenin, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, et la SELARL Atlantique Avocats Associés Betrand Salquain et Laure Konrat, avocat au barreau de Nantes, enregistrées le 27 juin 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Hélène Masse-Dessen et Me Bernard Salquain pour M. Thierry J. et le syndicat des services CFDT de Maine-et-Loire, Me Damien Célice pour la société Logidis Comptoirs Modernes, Me Jean-Michel Leprêtre pour l'Union professionnelle artisanale et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 5 juillet 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'il y a lieu de joindre ces deux questions prioritaires de constitutionnalité pour statuer par une seule décision ;
Sur les dispositions soumises à l'examen du Conseil constitutionnel :
En ce qui concerne les dispositions contestées dans leur rédaction issue de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 susvisée :
2. Considérant qu'aux termes du 1° de l'article 2 de la loi du 30 juin 2004 susvisée, qui complète le chapitre II du titre Ier du livre II du code du travail par une section 6 relative à la « Journée de solidarité » :
« Art. L. 212-16. - Une journée de solidarité est instituée en vue d'assurer le financement des actions en faveur de l'autonomie des personnes âgées ou handicapées. Elle prend la forme d'une journée supplémentaire de travail non rémunéré pour les salariés et de la contribution prévue au 1° de l'article 11 de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées pour les employeurs.
« Une convention, un accord de branche ou une convention ou un accord d'entreprise détermine la date de la journée de solidarité. Cet accord peut prévoir soit le travail d'un jour férié précédemment chômé autre que le 1er mai, soit le travail d'un jour de réduction du temps de travail tel que prévu à l'article L. 212-9, soit toute autre modalité permettant le travail d'un jour précédemment non travaillé en application de dispositions conventionnelles ou des modalités d'organisation des entreprises.
« Lorsque l'entreprise travaille en continu ou est ouverte tous les jours de l'année, l'accord collectif ou, à défaut, l'employeur peut fixer, le cas échéant, une journée de solidarité différente pour chaque salarié.
« Par dérogation au deuxième alinéa, en l'absence de convention ou d'accord, la journée de solidarité est le lundi de Pentecôte.
« A défaut de convention ou d'accord de branche ou d'entreprise prévu au deuxième alinéa et lorsque le lundi de Pentecôte était travaillé antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 précitée, les modalités de fixation de la journée de solidarité sont définies par l'employeur, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel s'ils existent. Il en est de même pour les salariés ne travaillant pas ordinairement en vertu de la répartition de leur horaire hebdomadaire de travail sur les différents jours de la semaine le jour de la semaine retenu, sur le fondement du deuxième, du troisième ou du quatrième alinéa, pour la journée de solidarité.
« Le travail accompli, dans la limite de sept heures, durant la journée de solidarité ne donne pas lieu à rémunération lorsque le salarié est rémunéré en application de la loi n° 78-49 du 19 janvier 1978 relative à la mensualisation et à la procédure conventionnelle ainsi que, dans la limite de la valeur d'une journée de travail, pour les salariés dont la rémunération est calculée par référence à un nombre annuel de jours de travail conformément au III de l'article L. 212-15-3.
« Pour les salariés à temps partiel, la limite de sept heures prévue au sixième alinéa est réduite proportionnellement à la durée contractuelle.
« Les heures correspondant à la journée de solidarité, dans la limite de sept heures ou de la durée proportionnelle à la durée contractuelle pour les salariés à temps partiel, ne s'imputent ni sur le contingent annuel d'heures supplémentaires prévu à l'article L. 212-6 ni sur le nombre d'heures complémentaires prévu aux articles L. 212-4-3 et L. 212-4-4. Elles ne donnent pas lieu à repos compensateur.
« Le travail de la journée de solidarité dans les conditions prévues par le présent article ne constitue pas une modification du contrat de travail.
« Les dispositions du présent article s'appliquent aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, par dérogation aux articles 105 a et 105 b du code professionnel local.
« Art. L. 212-17. - Lorsqu'un salarié a déjà accompli, au titre de l'année en cours, une journée de solidarité au sens de l'article L. 212-6, s'il doit s'acquitter d'une nouvelle journée de solidarité en raison d'un changement d'employeur, les heures travaillées ce jour donnent lieu à rémunération supplémentaire et s'imputent sur le contingent annuel d'heures supplémentaires prévu à l'article L. 212-6 ou sur le nombre d'heures complémentaires prévu aux articles L. 212-4-3 et L. 212-4-4. Elles donnent lieu à repos compensateur. Toutefois, le salarié peut aussi refuser d'exécuter cette journée supplémentaire de travail sans que ce refus constitue une faute ou un motif de licenciement » ;
3. Considérant qu'aux termes du 2° de l'article 2 de la loi du 30 juin 2004 : « Dans l'article L. 212-4-2, dans les premier et quatrième alinéas de l'article L. 212-8 et dans l'article L. 212-9, le nombre : "1 600” est remplacé par le nombre : "1 607” ; que ces dispositions augmentent le plafond de la durée légale annuelle travaillée pour rendre effective la journée de solidarité nationale pour les salariés à temps partiel et les salariés effectuant des heures supplémentaires ;
4. Considérant qu'aux termes du 3° de l'article 2 de la loi du 30 juin 2004 : « Au III de l'article L. 212-15-3, les mots : "deux cent dix-sept jours” sont remplacés par les mots : "deux cent dix-huit jours” ; que ces dispositions augmentent le plafond de la durée légale annuelle travaillée pour rendre effective la journée de solidarité pour les salariés ayant la qualité de cadres ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 30 juin 2004 : « Le code rural est ainsi modifié :
« 1° A l'article L. 713-19, les références : "L. 212-9 et L. 212-15-1 à L. 212-15-4” sont remplacées par les références : "L. 212-9, L. 212-15-1 à L. 212-15-4, L. 212-16 et L. 212-17” ;
« 2° Aux articles L. 713-14 et L. 713-15, le nombre : "1 600” est remplacé par le nombre : "1 607” ; que ces dispositions étendent aux salariés agricoles le mécanisme de la journée de solidarité ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 30 juin 2004 : « A défaut de convention ou d'accord conclu sur le fondement du deuxième alinéa de l'article L. 212-16 du code du travail, sont inopposables les stipulations des conventions et accords collectifs prévoyant le chômage du lundi de Pentecôte.
« Sont également inopposables les clauses des conventions et accords collectifs prévoyant le chômage de la journée de solidarité lorsque celle-ci est choisie par accord d'entreprise ou par décision unilatérale de l'employeur en application des deuxième et cinquième alinéas de l'article L. 212-16 du même code » ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 30 juin 2004 : « La durée de travail fixée antérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi par les stipulations des conventions ou accords collectifs et par les clauses des contrats de travail relatives à la durée annuelle en heures en application des articles L. 212-8 et L. 212-9 du code du travail et L. 713-14 du code rural ainsi que celles relatives au forfait en heures sur l'année en application du II de l'article L. 212-15-3 du code du travail est majorée d'une durée de sept heures par an. Le nombre de jours fixés par les clauses relatives au forfait annuel en jours en application du III de l'article L. 212-15-3 du même code est majoré d'un jour par an.
« La durée de travail prévue antérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi par les stipulations des conventions ou accords collectifs et par les clauses des contrats de travail relatives au temps partiel modulé sur l'année en application de l'article L. 212-4-6 du code du travail et au temps partiel annualisé validé dans les conditions prévues par le II de l'article 14 de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail est majorée d'une durée proportionnelle à la durée contractuelle » ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la loi du 30 juin 2004 : « Pour les fonctionnaires et agents non titulaires relevant de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ainsi que pour les médecins, biologistes, odontologistes et pharmaciens mentionnés à l'article L. 6152-1 du code de la santé publique, la journée de solidarité prévue à l'article L. 212-16 du code du travail est fixée dans les conditions suivantes :
« ― dans la fonction publique territoriale, cette journée prend la forme d'une journée fixée par délibération de l'organe exécutif de l'assemblée territoriale compétente, après avis du comité technique paritaire concerné ;
« ― dans la fonction publique hospitalière ainsi que pour les médecins, biologistes, odontologistes et pharmaciens mentionnés à l'article L. 6152-1 du code de la santé publique, cette journée prend la forme d'une journée fixée par les directeurs des établissements, après avis des instances concernées ;
« ― dans la fonction publique d'Etat, cette journée prend la forme d'une journée fixée par arrêté du ministre compétent pris après avis du comité technique paritaire ministériel concerné.
« A défaut de décision intervenue avant le 31 décembre de l'année précédente, la journée de solidarité des personnels cités au premier alinéa est fixée au lundi de Pentecôte » ;
En ce qui concerne les dispositions contestées en vigueur au 10 décembre 2010 :
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3133-7 du code du travail, dans sa version modifiée par la loi du 16 avril 2008 susvisée : « La journée de solidarité instituée en vue d'assurer le financement des actions en faveur de l'autonomie des personnes âgées ou handicapées prend la forme :
« 1° D'une journée supplémentaire de travail non rémunérée pour les salariés ;
« 2° De la contribution prévue au 1° de l'article L. 14-10-4 du code de l'action sociale et des familles pour les employeurs » ;
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3133-8 du code du travail, dans sa version modifiée par la loi du 20 août 2008 susvisée : « Les modalités d'accomplissement de la journée de solidarité sont fixées par accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par accord de branche.
« L'accord peut prévoir :
« 1° Soit le travail d'un jour férié précédemment chômé autre que le 1er mai ;
« 2° Soit le travail d'un jour de repos accordé au titre de l'accord collectif conclu en application de l'article L. 3122-2 ;
« 3° Soit toute autre modalité permettant le travail de sept heures précédemment non travaillées en application de dispositions conventionnelles ou des modalités d'organisation des entreprises.
« A défaut d'accord collectif, les modalités d'accomplissement de la journée de solidarité sont définies par l'employeur, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel s'ils existent.
« Toutefois, dans les départements de la Moselle, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, l'accord ou, à défaut, la décision de l'employeur ne peut déterminer ni le premier et le second jour de Noël ni, indépendamment de la présence d'un temple protestant ou d'une église mixte dans les communes, le Vendredi saint comme la date de la journée de solidarité. » ;
11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3133-10 du code du travail, dans sa version modifiée par la loi du 20 août 2008 : « Le travail accompli, dans la limite de sept heures, durant la journée de solidarité ne donne pas lieu à rémunération :
« 1° Pour les salariés mensualisés dans cette limite de sept heures ;
« 2° Pour les salariés dont la rémunération est calculée par référence à un nombre annuel de jours de travail conformément à l'article L. 3121-41, dans la limite de la valeur d'une journée de travail.
« Pour les salariés à temps partiel, la limite de sept heures prévue au 1° est réduite proportionnellement à la durée contractuelle » ;
12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3133-11 du même code, dans sa version modifiée par la loi du 20 août 2008 :
« Les heures correspondant à la journée de solidarité, dans la limite de sept heures ou de la durée proportionnelle à la durée contractuelle pour les salariés à temps partiel, ne s'imputent ni sur le contingent annuel d'heures supplémentaires ni sur le nombre d'heures complémentaires prévu au contrat de travail du salarié travaillant à temps partiel. Elles ne donnent pas lieu à contrepartie obligatoire en repos » ;
13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3133-12 du code du travail, dans sa version modifiée par la loi du 20 août 2008 : « Lorsqu'un salarié a déjà accompli, au titre de l'année en cours, une journée de solidarité, s'il s'acquitte d'une nouvelle journée de solidarité en raison d'un changement d'employeur, les heures travaillées ce jour donnent lieu à rémunération supplémentaire et s'imputent sur le contingent annuel d'heures supplémentaires ou sur le nombre d'heures complémentaires prévu au contrat de travail du salarié travaillant à temps partiel. Ces heures donnent lieu à contrepartie obligatoire en repos.
« Toutefois, le salarié peut aussi refuser d'exécuter cette journée supplémentaire de travail sans que ce refus constitue une faute ou un motif de licenciement » ;
14. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3123-1 du code du travail, dans sa version issue de l'ordonnance du 12 mars 2007 susvisée : « Est considéré comme salarié à temps partiel le salarié dont la durée du travail est inférieure :
« 1° A la durée légale du travail ou, lorsque cette durée est inférieure à la durée légale, à la durée du travail fixée conventionnellement pour la branche ou l'entreprise ou à la durée du travail applicable dans l'établissement ;
« 2° A la durée mensuelle résultant de l'application, sur cette période, de la durée légale du travail ou, si elle est inférieure, de la durée du travail fixée conventionnellement pour la branche ou l'entreprise ou de la durée du travail applicable dans l'établissement ;
« 3° A la durée de travail annuelle résultant de l'application sur cette période de la durée légale du travail, soit 1 607 heures, ou, si elle est inférieure, de la durée du travail fixée conventionnellement pour la branche ou l'entreprise ou de la durée du travail applicable dans l'établissement » ;
15. Considérant qu'aux termes de l'article L. 713-19 du code rural et de la pêche maritime, dans sa version modifiée par la loi du 20 août 2008 : « Le code du travail s'applique aux salariés agricoles, à l'exception des dispositions pour lesquelles le présent livre a prévu des dispositions particulières. » ;
16. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la loi du 30 juin 2004 dans sa version issue de la loi du 5 juillet 2010 susvisée : « Pour les fonctionnaires et agents non titulaires relevant de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ainsi que pour les praticiens mentionnés à l'article L. 6152-1 du code de la santé publique, la journée de solidarité mentionnée à l'article L. 3133-7 du code du travail est fixée dans les conditions suivantes :
« ― dans la fonction publique territoriale, par une délibération de l'organe exécutif de l'assemblée territoriale compétente, après avis du comité technique concerné
« ― dans la fonction publique hospitalière ainsi que pour les praticiens mentionnés à l'article L. 6152-1 du code de la santé publique, par une décision des directeurs des établissements, après avis des instances concernées ;
« ― dans la fonction publique de l'Etat, par un arrêté du ministre compétent pris après avis du comité technique ministériel concerné.
« Dans le respect des procédures énoncées aux alinéas précédents, la journée de solidarité peut être accomplie selon les modalités suivantes :
« 1° Le travail d'un jour férié précédemment chômé autre que le 1er mai ;
« 2° Le travail d'un jour de réduction du temps de travail tel que prévu par les règles en vigueur ;
« 3° Toute autre modalité permettant le travail de sept heures précédemment non travaillées, à l'exclusion des jours de congé annuel » ;
Sur la constitutionnalité des dispositions contestées :
17. Considérant que, selon les requérants, les dispositions précitées, en limitant le champ d'application du dispositif de la « journée de solidarité » aux salariés, fonctionnaires et agents publics non titulaires, ont pour effet d'exonérer des contraintes qui en résultent la plupart des membres des professions indépendantes et les retraités ; qu'ainsi, elles porteraient atteinte au principe d'égalité devant la loi et au principe d'égalité devant les charges publiques, garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
18. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
19. Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; que, d'une part, le principe ainsi énoncé n'interdit pas au législateur de mettre à la charge d'une ou plusieurs catégories socioprofessionnelles déterminées une certaine aide à une ou à plusieurs autres catégories socioprofessionnelles ; que, d'autre part, en vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives ; qu'en particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose ; que, pour l'application du principe d'égalité devant l'impôt, la situation des redevables s'apprécie au regard de chaque imposition prise isolément ; que, dans chaque cas, le législateur doit, pour se conformer au principe d'égalité devant les charges publiques, fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;
20. Considérant que, pour contribuer au financement des actions en faveur de l'autonomie des personnes âgées ou handicapées, le législateur a, par les dispositions contestées, institué une « journée de solidarité » sous la forme, d'une part, d'une journée de travail supplémentaire non rémunérée des salariés et, d'autre part, d'une imposition, à laquelle les employeurs sont assujettis, ayant la même assiette que les cotisations patronales d'assurance maladie affectées au financement des régimes de base de l'assurance maladie ; que, par la conjonction de ces deux mesures, la loi vise à ménager la neutralité économique de l'ensemble du dispositif en instituant une imposition nouvelle proportionnée au surplus de ressources résultant de l'allongement de la durée légale du travail des salariés, sans majoration du montant total des charges pesant sur les employeurs ;
21. Considérant, en premier lieu, que l'allongement de la durée légale du travail, tendant à la satisfaction de l'objectif social poursuivi par la loi, est destiné à produire un effet équivalent à la suppression d'un jour férié chômé ; qu'il était loisible au législateur, à qui il appartient de fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l'Etat et de déterminer les principes fondamentaux du droit du travail, de faire spécialement appel à l'effort des salariés du secteur privé et du secteur public bénéficiant d'un régime de rémunération assorti d'une limitation de la durée légale du temps de travail ; que la différence de traitement qui en résulte avec les retraités et les personnes exerçant leur activité de façon indépendante est en rapport direct avec l'objet de la loi
22. Considérant, en deuxième lieu, que le Conseil constitutionnel n'a pas un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ; qu'il ne saurait rechercher si les objectifs que s'est assignés le législateur auraient pu être atteints par d'autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l'objectif visé ; qu'eu égard à la neutralité économique recherchée il lui était loisible d'instituer, à la charge des employeurs, un impôt assis sur la masse salariale, sans y assujettir ni les retraités ni les personnes exerçant leur activité de façon indépendante qui n'emploient aucun salarié ; qu'en retenant l'avantage tiré de l'allongement de la durée légale du travail comme critère de la capacité contributive des contribuables le législateur n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation ;
23. Considérant que, par l'effet des mesures en cause, la durée légale annuelle du travail a été portée de 1 600 heures à un maximum de 1 607 heures et la contribution corrélative des employeurs fixée à 0,3 % de la masse salariale ; que, dans ces limites, l'instauration d'une journée de solidarité en vue d'assurer le financement des actions en faveur de l'autonomie des personnes âgées ou handicapées n'est pas constitutive d'une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques
24. Considérant, en outre, que, par sa décision n° 2011-144 QPC du 30 juin 2011, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les dispositions de l'article L. 14-10-4 du code de l'action sociale et des familles qui intègre la contribution en cause dans les produits affectés à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie
25. Considérant, dès lors, que les dispositions contestées ne sont pas contraires aux articles 6 et 13 de la Déclaration de 1789 ; qu'elles ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

Sont conformes à la Constitution :
― les articles 2, 3, 4, 5 et 6 de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées ;
― l'article L. 3133-7 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-351 du 16 avril 2008 relative à la journée de solidarité ;
― les articles L. 3133-8, L. 3133-10, L. 3133-11, L. 3133-12 du même code, dans leur rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail ;
― dans l'article L. 3123-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail, le nombre : «1 607»
― l'article L. 713-19 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue de la loi du 20 août 2008 précitée ;
― l'article 6 de la loi du 30 juin 2004 dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 juillet 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-152 QPC du 22 juillet 2011

(M. CLAUDE C.)

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 20 mai 2011 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 3031 du 18 mai 2011), sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Claude C., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article L. 238 du livre des procédures fiscales.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 48-1974 du 31 décembre 1948 fixant l'évaluation des voies et moyens du budget de l'exercice 1949 et relative à diverses dispositions d'ordre financier ;
Vu l'article 78 de la loi de finances n° 61-1396 du 21 décembre 1961 relatif à la refonte du code général des impôts ;
Vu le décret n° 48-1986 du 9 décembre 1948 portant réforme fiscale ;
Vu le décret n° 50-478 du 6 avril 1950 portant règlement d'administration publique pour la refonte des codes fiscaux et la mise en harmonie de leurs dispositions avec celles du décret du 9 décembre 1948 et des lois subséquentes ;
Vu le décret n° 81-859 du 15 septembre 1981 portant codification des textes législatifs concernant les procédures fiscales (première partie : Législative) ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 14 juin 2011 ;
Vu les observations produites pour le requérant par la SELARL Quentin-Decarme, avocat au barreau de Reims, enregistrées le 28 juin 2011 ;
Vu la lettre du 29 juin 2011 par laquelle le Conseil constitutionnel a soumis aux parties un grief susceptible d'être soulevé d'office ;
Vu les observations produites par le Premier ministre sur le grief soulevé d'office, enregistrées le 29 juin 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendu à l'audience publique du 5 juillet 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé » ;
2. Considérant qu'avant d'être codifié à l'article L. 238 du livre des procédures fiscales par le décret du 15 septembre 1981 susvisé, l'article 1865 du code général des impôts disposait : « Les procès-verbaux des agents des contributions indirectes feront foi jusqu'à preuve contraire.
Si le prévenu demande à faire cette preuve, le tribunal renvoie la cause à quinzaine au moins » ;
3. Considérant qu'en procédant à la codification de ces dispositions à l'article L. 238 du livre des procédures fiscales, le décret du 15 septembre 1981 leur a donné la rédaction suivante : « Les procès-verbaux des agents de l'administration font foi jusqu'à preuve contraire.
La personne qui fait l'objet des poursuites peut demander à apporter la preuve contraire des faits constatés dans le procès-verbal. Lorsque le tribunal accepte la demande, il reporte l'examen de l'affaire en la renvoyant à au moins quinze jours » ;
4. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur la modification par le décret du 15 septembre 1981 de l'article 1865 du code général des impôts ; que cette modification subordonne à l'autorisation du tribunal correctionnel la possibilité pour l'intéressé d'apporter la preuve contraire des faits constatés par l'administration ; qu'elle ne revêt pas le caractère d'une disposition législative au sens de l'article 61-1 de la Constitution ; qu'il n'y a donc pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, d'en connaître,
Décide :

ARTICLE 1

Il n'y a pas lieu de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité portant sur la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article L. 238 du livre des procédures fiscales.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 juillet 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-156 QPC du 22 juillet 2011

(M. STÉPHANE P.)

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 30 mai 2011 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 3035 du 24 mai 2011) dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Stéphane P., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du deuxième alinéa de l'article 43 du code de procédure pénale.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par Me André Chamy, avocat au barreau de Mulhouse, enregistrées le 30 mai et le 27 juin 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 22 juin 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendu à l'audience publique du 19 juillet 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 43 du code de procédure pénale : « Lorsque le procureur de la République est saisi de faits mettant en cause, comme auteur ou comme victime, un magistrat, un avocat, un officier public ou ministériel, un militaire de la gendarmerie nationale, un fonctionnaire de la police nationale, des douanes ou de l'administration pénitentiaire ou toute autre personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public qui est habituellement, de par ses fonctions ou sa mission, en relation avec les magistrats ou fonctionnaires de la juridiction, le procureur général peut, d'office, sur proposition du procureur de la République et à la demande de l'intéressé, transmettre la procédure au procureur de la République auprès du tribunal de grande instance le plus proche du ressort de la cour d'appel. Cette juridiction est alors territorialement compétente pour connaître l'affaire, par dérogation aux dispositions des articles 52, 382 et 522. La décision du procureur général constitue une mesure d'administration judiciaire qui n'est susceptible d'aucun recours»
2. Considérant que, selon le requérant, ces dispositions sont contraires au principe d'égalité devant la loi en ce qu'elle réservent à certaines personnes intéressées par une procédure pénale la possibilité de demander sa transmission au procureur de la République d'une juridiction limitrophe ; qu'elles porteraient également atteinte au droit au procès équitable ainsi qu'aux droits de la défense en tant qu'elles créeraient un privilège de juridiction au bénéfice des seules personnes qu'elles désignent
3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi est « la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que son article 16 dispose : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que, si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense, qui implique en particulier l'existence d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties
4. Considérant que, d'une part, lorsque le procureur de la République est saisi de faits mettant en cause une personne désignée par les dispositions contestées, qui est habituellement en relation avec les magistrats ou les fonctionnaires de sa juridiction, ces dernières prévoient que le procureur général peut d'office transmettre cette procédure au procureur de la République d'une autre juridiction du ressort de la même cour d'appel ; que, d'autre part, cette décision du procureur général est une mesure d'administration judiciaire qui n'est susceptible d'aucun recours ; que les dispositions contestées n'empêchent pas toute personne intéressée de porter à la connaissance du procureur de la République ou du procureur général le motif qui pourrait justifier la transmission de la procédure ; que, dès lors, les griefs tirés de la méconnaissance du principe d'égalité ainsi que de la violation du droit au procès équitable manquent en fait ;
5. Considérant que le deuxième alinéa de l'article 43 du code de procédure pénale n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

Le deuxième alinéa de l'article 43 du code de procédure pénale est conforme à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 juillet 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-155 QPC du 29 juillet 2011

(MME LAURENCE L.)

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 27 mai 2011 par le Conseil d'Etat (décision n° 347734 du 27 mai 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Laurence L., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 39 du code des pensions civiles et militaires de retraite.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Vu le code civil ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la requérante par Me Thomas Haas, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 27 juin 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 20 juin 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Haas pour le requérant et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 12 juillet 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 39 du code des pensions civiles et militaires de retraite : « Le droit à pension de réversion est subordonné à la condition:
« a) Si le fonctionnaire a obtenu ou pouvait obtenir une pension accordée dans le cas prévu à l'article L. 4 (1°), que depuis la date du mariage jusqu'à celle de la cessation de l'activité du fonctionnaire, celui-ci ait accompli deux années au moins de services valables pour la retraite, sauf si un ou plusieurs enfants sont issus du mariage antérieur à ladite cessation ;
« b) Si le fonctionnaire a obtenu ou pouvait obtenir une pension accordée dans le cas prévu à l'article L. 4 (2°), que le mariage soit antérieur à l'événement qui a amené la mise à la retraite ou la mort du fonctionnaire.
« Toutefois, au cas de mise à la retraite d'office par suite de l'abaissement des limites d'âge, il suffit que le mariage soit antérieur à la mise à la retraite et ait été contracté deux ans au moins avant soit la limite d'âge en vigueur au moment où il a été contracté, soit le décès du fonctionnaire si ce décès survient antérieurement à ladite limite d'âge.
« Nonobstant les conditions d'antériorité prévues ci-dessus, le droit à pension de réversion est reconnu :
« 1° Si un ou plusieurs enfants sont issus du mariage ;
« 2° Ou si le mariage, antérieur ou postérieur à la cessation de l'activité, a duré au moins quatre années » ;
2. Considérant que, selon la requérante, en réservant aux conjoints le bénéfice de la pension de réversion, à l'exclusion des personnes vivant au sein d'un couple non marié, ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit
4. Considérant que la pension de réversion a pour objet de compenser la perte de revenus que le conjoint survivant subit du fait du décès de son époux fonctionnaire civil ; qu'à cette fin, l'article L. 38 du code des pensions civiles et militaires de retraite dispose que le conjoint d'un fonctionnaire civil a droit à une pension de réversion égale à 50 % de la pension obtenue par le fonctionnaire ou qu'il aurait pu obtenir le jour de son décès ; que l'article L. 39 du même code précise que l'attribution d'une pension de réversion au conjoint survivant est subordonnée à une condition d'antériorité et de durée du mariage ;
5. Considérant, en premier lieu, que le concubinage est défini par le seul article 515-8 du code civil comme « une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple » ; qu'à la différence des époux, les concubins ne sont légalement tenus à aucune solidarité financière à l'égard des tiers ni à aucune obligation réciproque ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'en vertu de l'article 515-4 du code civil, les partenaires liés par un pacte civil de solidarité « s'engagent à une vie commune, ainsi qu'à une aide matérielle et une assistance réciproques » ; que « si les partenaires n'en disposent autrement, l'aide matérielle est proportionnelle à leurs facultés respectives » ; qu'en outre, ils sont « tenus solidairement à l'égard des tiers des dettes contractées par l'un d'eux pour les besoins de la vie courante »; qu'ainsi, contrairement aux personnes vivant en concubinage, les partenaires sont assujettis à des obligations financières réciproques et à l'égard des tiers ; que, toutefois, les dispositions du code civil ne confèrent aucune compensation pour perte de revenus en cas de cessation du pacte civil de solidarité au profit de l'un des partenaires, ni aucune vocation successorale au survivant en cas de décès d'un partenaire ;
7. Considérant, en troisième lieu, que le régime du mariage a pour objet non seulement d'organiser les obligations personnelles, matérielles et patrimoniales des époux pendant la durée de leur union, mais également d'assurer la protection de la famille ; que ce régime assure aussi une protection en cas de dissolution du mariage ;
8. Considérant, par suite, que le législateur a, dans l'exercice de la compétence que lui reconnaît l'article 34 de la Constitution, défini trois régimes de vie de couple qui soumettent les personnes à des droits et obligations différents ; que la différence de traitement quant au bénéfice de la pension de réversion entre les couples mariés et ceux qui vivent en concubinage ou sont unis par un pacte civil de solidarité ne méconnaît pas le principe d'égalité ;
9. Considérant que l'article L. 39 du code des pensions civiles et militaires de retraite n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

Article 1

L'article L. 39 du code des pensions civiles et militaires de retraite est conforme à la Constitution.

Article 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 juillet 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

DECISIONS DU 5 AOÛT 2011

Décision n° 2011-157 QPC du 5 août 2011


(SOCIÉTÉ SOMODIA)

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 31 mai 2011 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 3036 du 24 mai 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité, posée par la société SOMODIA, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 3134-11 du code du travail.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi du 17 octobre 1919 relative au régime transitoire de l'Alsace et de la Lorraine ;
Vu la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ;
Vu la loi du 1er juin 1924 portant introduction des lois commerciales françaises dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ;
Vu l'ordonnance du 15 septembre 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 22 juin 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Bruno Odent, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour la société requérante, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 19 juillet 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3134-11 du code du travail : « Lorsqu'il est interdit, en application des articles L. 3134-4 à L. 3134-9, d'employer des salariés dans les exploitations commerciales, il est également interdit durant ces jours de procéder à une exploitation industrielle, commerciale ou artisanale dans les lieux de vente au public. Cette disposition s'applique également aux activités commerciales des coopératives de consommation ou associations » ; qu'en vertu de l'article L. 3134-1 du même code, cette disposition n'est applicable que dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ;
2. Considérant que, selon la société requérante, en interdisant de procéder le dimanche à une exploitation industrielle, commerciale ou artisanale dans les lieux de vente au public, cette disposition instituerait, en méconnaissance du principe d'égalité des citoyens devant la loi, une règle locale que ne connaîtrait pas la réglementation de droit commun ; qu'en outre, par son caractère général et absolu, cette interdiction porterait une atteinte disproportionnée au principe constitutionnel de la liberté d'entreprendre ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 17 octobre 1919 relative au régime transitoire de l'Alsace et de la Lorraine, adoptée à la suite du rétablissement de la souveraineté de la France sur ces territoires : « Les territoires d'Alsace et de Lorraine continuent, jusqu'à ce qu'il ait été procédé à l'introduction des lois françaises, à être régies par les dispositions législatives et réglementaires qui y sont actuellement en vigueur » ; que les lois procédant à l'introduction des lois françaises, et notamment les deux lois du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française et portant introduction des lois commerciales françaises dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, ont expressément maintenu en vigueur dans ces départements certaines législations antérieures ou édicté des règles particulières pour une durée limitée qui a été prorogée par des lois successives ; qu'enfin, selon l'article 3 de l'ordonnance du 15 septembre 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle : « La législation en vigueur... à la date du 16 juin 1940 est restée seule applicable et est provisoirement maintenue en vigueur » ;
4. Considérant qu'ainsi la législation républicaine antérieure à l'entrée en vigueur de la Constitution de 1946 a consacré le principe selon lequel, tant qu'elles n'ont pas été remplacées par les dispositions de droit commun ou harmonisées avec elles, des dispositions législatives et réglementaires particulières aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle peuvent demeurer en vigueur ; qu'à défaut de leur abrogation ou de leur harmonisation avec le droit commun, ces dispositions particulières ne peuvent être aménagées que dans la mesure où les différences de traitement qui en résultent ne sont pas accrues et que leur champ d'application n'est pas élargi ; que telle est la portée du principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de dispositions particulières applicables dans les trois départements dont il s'agit ; que ce principe doit aussi être concilié avec les autres exigences constitutionnelles ;
Sur le principe d'égalité :
5. Considérant que la disposition contestée est au nombre des règles particulières antérieures à 1919 et qui ont été maintenues en vigueur par l'effet des lois précitées ; qu'il s'ensuit que le grief tiré de la violation du principe d'égalité entre les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, d'une part, et les autres départements, d'autre part, doit être écarté ;
Sur la liberté d'entreprendre :
6. Considérant que la liberté d'entreprendre découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'il est toutefois loisible au législateur d'apporter à cette liberté des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi ;
7. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 3134-2 du code du travail : « L'emploi de salariés dans les entreprises industrielles, commerciales ou artisanales est interdit les dimanches et jours fériés, sauf dans les cas prévus par le présent chapitre » ; que les dispositions de l'article L. 3134-11 ont, par suite, pour effet d'interdire l'exercice d'une activité industrielle, commerciale ou artisanale les dimanches dans les lieux de vente ouverts au public ; que, par ces dispositions, le législateur vise à éviter que l'exercice du repos hebdomadaire des personnes qui travaillent dans ces établissements ne défavorise les établissements selon leur taille ; qu'il a en particulier pris en compte la situation des établissements de petite taille qui n'emploient pas de salariés ; que ces dispositions ont pour objet d'encadrer les conditions de la concurrence entre les établissements quels que soient leur taille ou le statut juridique des personnes qui y travaillent ; que, dès lors, elles répondent à un motif d'intérêt général ;
8. Considérant, en second lieu, qu'en maintenant, par dérogation à certaines dispositions du titre III du livre Ier de la troisième partie du code du travail, le régime local particulier en vertu duquel le droit au repos hebdomadaire des salariés s'exerce le dimanche, le législateur, compétent en application de l'article 34 de la Constitution pour déterminer les principes fondamentaux du droit du travail, a opéré une conciliation, qui n'est pas manifestement disproportionnée, entre la liberté d'entreprendre et les exigences du dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 qui dispose : « La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » ;
9. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

L'article L. 3134-11 du code du travail est conforme à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 4 août 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT et M. Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-158 QPC du 5 août 2011

(SIVOM DE LA COMMUNAUTÉ DU BRUAYSIS)

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 1er juin 2011 par la Cour de cassation (deuxième chambre civile, arrêt n° 1225 du 1er juin 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité, posée par le syndicat intercommunal à vocation multiple de la Communauté du Bruaysis, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du cinquième alinéa du paragraphe III de l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le syndicat requérant par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées les 23 juin et 8 juillet 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 23 juin 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me François-Henri Briard, pour le syndicat requérant, Me Bruno Odent, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour la Caisse des dépôts et consignations, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 19 juillet 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes du cinquième alinéa du paragraphe III de l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale : « Les rémunérations des aides à domicile ayant la qualité d'agent titulaire relevant du cadre d'emplois des agents sociaux territoriaux en fonctions dans un centre communal ou intercommunal d'action sociale bénéficient d'une exonération de 100 % de la cotisation d'assurance vieillesse due au régime visé au 2° de l'article R. 711-1 du présent code pour la fraction de ces rémunérations remplissant les conditions définies au premier alinéa du présent paragraphe » ;
2. Considérant que le syndicat requérant fait grief à ces dispositions de porter atteinte au principe d'égalité en ce qu'elles ne prévoient d'exonération de la cotisation d'assurance vieillesse due à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales qu'en faveur des agents titulaires exerçant les fonctions d'aide à domicile dans un centre communal ou intercommunal d'action sociale et non pour ceux qui exercent au sein d'un syndicat intercommunal à vocation multiple ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; qu'en particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;
4. Considérant que l'exonération de cotisations patronales prévue par l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale tend à favoriser le maintien chez elles des personnes dépendantes ; que le cinquième alinéa du paragraphe III de cette disposition limite le bénéfice de l'exonération de la cotisation d'assurance vieillesse due par les employeurs publics aux seuls centres communaux ou intercommunaux d'action sociale ; que le législateur a ainsi entendu favoriser, pour le suivi social des personnes dépendantes, la coopération intercommunale spécialisée en matière d'aide sociale ; qu'il s'est fondé sur un critère objectif et rationnel ; que la différence de traitement qui en résulte ne crée pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ; que, dès lors, le grief tiré de la méconnaissance de l'article 13 de la Déclaration de 1789 doit être rejeté ;
5. Considérant que le cinquième alinéa du paragraphe III de l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

Le cinquième alinéa du paragraphe III de l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale est conforme à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 4 août 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-159 QPC du 5 août 2011

(MME ELKE B. ET AUTRES)

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 1er juin 2011 par la Cour de cassation (arrêts n°s 628 et 629 du 1er juin 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée, d'une part, par Mme Elke B., veuve A., et la SCI La Houssaye, et, d'autre part, par Mme Dana K., veuve C., et Mlles Emily, Siena et Arabella C., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 relative à l'abolition du droit d'aubaine et de détraction.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code civil ;
Vu la loi du 14 juillet 1819 relative à l'abolition du droit d'aubaine et de détraction ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour Mme Elke B., veuve A., et la SCI La Houssaye, par Me Agnès Proton, avocat au barreau de Grasse, et Me Jean-Baptiste Racine, avocat au barreau de Nice, enregistrées le 21 juin 2011 et le 4 juillet 2011 ;
Vu les observations produites pour Mme Dana K., veuve C., et Mlles Emily, Siena et Arabella C., par la SCP Gatineau-Fattaccini, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 9 juin 2011 et le 7 juillet 2011 ;
Vu les observations produites pour Mme Agathe C., épouse H., et MM. David et Christian C., par Me Thomas Haas, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 8 juillet 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 23 juin 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Racine pour la SCI La Houssaye, Me Proton pour Mme Elke B., veuve A., Me Budes-Hilaire de La Roche, avocat au barreau de Paris, pour Mme Dana K., veuve C., et Mlles Emily, Siena et Arabella C., Me Haas pour Mme Agathe C., épouse H., et MM. David et Christian C. et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 19 juillet 2011
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 relative à l'abolition du droit d'aubaine et de détraction : « Dans le cas de partage d'une même succession entre des cohéritiers étrangers et français, ceux-ci prélèveront sur les biens situés en France une portion égale à la valeur des biens situés en pays étranger dont ils seraient exclus, à quelque titre que ce soit, en vertu des lois et coutumes locales »
2. Considérant que les requérantes font valoir que cette disposition, qui institue un droit de prélèvement permettant uniquement à un Français de réclamer sur des biens situés en France la part successorale que lui octroierait la loi française et dont il a été exclu par la loi successorale étrangère, méconnaît le principe d'égalité qu'elles soutiennent également que cette disposition, en ce qu'elle priverait un héritier de son droit sur une partie de la succession et restreindrait de façon injustifiée la libre disposition de ses biens par le défunt, porte atteinte au droit de propriété
3. Considérant que l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dispose que la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit
4. Considérant que l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 a pour objet, d'une part, de déterminer des critères conduisant à faire obstacle à l'application de la loi étrangère applicable au règlement d'une succession entre des cohéritiers étrangers et français et, d'autre part, d'instaurer un droit de prélèvement afin de protéger l'héritier français venant à la succession d'après la loi française et exclu de son droit par la loi étrangère
5. Considérant que la disposition contestée institue une règle matérielle dérogeant à la loi étrangère désignée par la règle de conflit de lois française ; que cette règle matérielle de droit français trouve à s'appliquer lorsqu'un cohéritier au moins est français et que la succession comprend des biens situés sur le territoire français ; que les critères ainsi retenus sont en rapport direct avec l'objet de la loi ; qu'ils ne méconnaissent pas, en eux-mêmes, le principe d'égalité
6. Considérant qu'afin de rétablir l'égalité entre les héritiers garantie par la loi française, le législateur pouvait fonder une différence de traitement sur la circonstance que la loi étrangère privilégie l'héritier étranger au détriment de l'héritier français ; que, toutefois, le droit de prélèvement sur la succession est réservé au seul héritier français ; que la disposition contestée établit ainsi une différence de traitement entre les héritiers venant également à la succession d'après la loi française et qui ne sont pas privilégiés par la loi étrangère ; que cette différence de traitement n'est pas en rapport direct avec l'objet de la loi qui tend, notamment, à protéger la réserve héréditaire et l'égalité entre héritiers garanties par la loi française ; que, par suite, elle méconnaît le principe d'égalité devant la loi
7. Considérant que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre grief, l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 relative à l'abolition du droit d'aubaine et de détraction doit être déclaré contraire à la Constitution,
Décide :

ARTICLE 1

L'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 relative à l'abolition du droit d'aubaine et de détraction est contraire à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 4 août 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

DECISIONS DU 9 SEPTEMBRE 2011

Décision n° 2011-160 QPC du 9 septembre 2011

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 15 juin 2011 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 3455 du 7 juin 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Hovanes A., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 175 du code de procédure pénale.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 7 juillet 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendu à l'audience publique du 2 août 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 175 du code de procédure pénale : « Aussitôt que l'information lui paraît terminée, le juge d'instruction communique le dossier au procureur de la République et en avise en même temps les parties et leurs avocats soit verbalement avec émargement au dossier, soit par lettre recommandée. Lorsque la personne est détenue, cet avis peut également être notifié par les soins du chef de l'établissement pénitentiaire, qui adresse sans délai au juge d'instruction l'original ou la copie du récépissé signé par l'intéressé.
« Le procureur de la République dispose alors d'un délai d'un mois si une personne mise en examen est détenue ou de trois mois dans les autres cas pour adresser ses réquisitions motivées au juge d'instruction. Copie de ces réquisitions est adressée dans le même temps aux avocats des parties par lettre recommandée.
« Les parties disposent de ce même délai d'un mois ou de trois mois à compter de l'envoi de l'avis prévu au premier alinéa pour adresser des observations écrites au juge d'instruction, selon les modalités prévues par l'avant-dernier alinéa de l'article 81. Copie de ces observations est adressée en même temps au procureur de la République.
« Dans ce même délai d'un mois ou de trois mois, les parties peuvent formuler des demandes ou présenter des requêtes sur le fondement des articles 81, neuvième alinéa, 82-1, 156, premier alinéa, et 173, troisième alinéa. A l'expiration de ce délai, elles ne sont plus recevables à formuler ou présenter de telles demandes ou requêtes.
« A l'issue du délai d'un mois ou de trois mois, le procureur de la République et les parties disposent d'un délai de dix jours si une personne mise en examen est détenue ou d'un mois dans les autres cas pour adresser au juge d'instruction des réquisitions ou des observations complémentaires au vu des observations ou des réquisitions qui leur ont été communiquées.
« A l'issue du délai de dix jours ou d'un mois prévu à l'alinéa précédent, le juge d'instruction peut rendre son ordonnance de règlement, y compris s'il n'a pas reçu de réquisitions ou d'observations dans le délai prescrit.
« Les premier, troisième et cinquième alinéas et, s'agissant des requêtes en nullité, le quatrième alinéa du présent article sont également applicables au témoin assisté.
« Les parties peuvent déclarer renoncer, en présence de leur avocat ou celui-ci dûment convoqué, à bénéficier des délais prévus par le présent article » ;
2. Considérant que, selon le requérant, en prévoyant que la copie des réquisitions définitives du procureur de la République n'est adressée qu'aux avocats des parties, la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article 175 du code de procédure pénale porte atteinte au droit à un procès équitable et aux droits de la défense des parties non assistées ou représentées par un avocat ;
3. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article 175 du code de procédure pénale ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que son article 16 dispose : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que, si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au principe du contradictoire et au respect des droits de la défense ;
5. Considérant que les articles 80-2, 80-3 et 116 du code de procédure pénale garantissent le droit des personnes mises en examen et des parties civiles de bénéficier, au cours de l'instruction préparatoire, de l'assistance d'un avocat, le cas échéant commis d'office ; que, toutefois, dès lors qu'est reconnue aux parties la liberté de choisir d'être assistées d'un avocat ou de se défendre seules, le respect des principes du contradictoire et des droits de la défense interdit que le juge d'instruction puisse statuer sur le règlement de l'instruction sans que les demandes formées par le ministère public à l'issue de celle-ci aient été portées à la connaissance de toutes les parties ; que, dans la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article 175 du code de procédure pénale, les mots : « avocats des » ont pour effet de réserver la notification des réquisitions définitives du ministère public aux avocats assistant les parties ; que, par suite, ils doivent être déclarés contraires à la Constitution ;
6. Considérant que cette déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la date de publication de la présente décision ; que, d'une part, elle est applicable à toutes les procédures dans lesquelles les réquisitions du procureur de la République ont été adressées postérieurement à la publication de la présente décision ; que, d'autre part, dans les procédures qui n'ont pas été jugées définitivement à cette date, elle ne peut être invoquée que par les parties non représentées par un avocat lors du règlement de l'information dès lors que l'ordonnance de règlement leur a fait grief ;
7. Considérant que, pour le surplus, la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article 175 du code de procédure pénale ne méconnaît aucun droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

Article 1

Dans la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article 175 du code de procédure pénale, les mots : « avocats des » sont contraires à la Constitution.

Article 2

La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées par son considérant 6.

Article 3

Le surplus de la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article 175 du code de procédure pénale est conforme à la Constitution.

Article 4

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 8 septembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-161 QPC du 9 septembre 2011

(MME CATHERINE F., EPOUSE L.)

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 21 juin 2011 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 3573 du 15 juin 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Catherine F., épouse L., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 725-21 du code rural et de la pêche maritime.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code pénal ;
Vu le code rural et de la pêche maritime ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la caisse de mutualité sociale agricole du Languedoc par la SCP Vincent-Ohl, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 8 juillet 2011 ;
Vu les observations produites pour la requérante par la SCP Ditisheim Nogarède Avocats associés, avocat au barreau de Nîmes, enregistrées les 8 et 25 juillet 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 13 juillet 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Guilhem Nogarède pour la requérante et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 2 août 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 725-21 du code rural et de la pêche maritime : « L'employeur qui a retenu par devers lui indûment la cotisation ouvrière précomptée sur le salaire en application de l'article L. 741-20 est passible des peines de l'abus de confiance prévues aux articles 314-1 et 314-10 du code pénal » ; que l'article 314-1 du code pénal punit l'abus de confiance de trois ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende ; que l'article 314-10 du même code édicte diverses peines complémentaires qui peuvent être infligées à l'auteur de l'infraction ;
2. Considérant que, selon la requérante, les dispositions de l'article L. 725-21 méconnaissent le principe d'égalité des citoyens devant la loi ainsi que le principe de nécessité des peines ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité devant la loi pénale ne fait pas obstacle à ce qu'une différenciation soit opérée par le législateur entre agissements de nature différente ; que, toutefois, la loi pénale ne saurait, pour une même infraction, instituer des peines de nature différente, sauf à ce que cette différence soit justifiée par une différence de situation en rapport direct avec l'objet de la loi ;
4. Considérant que l'article L. 725-21 du code rural et de la pêche maritime est issu de l'article unique de la loi du 1er juillet 1934 complétant l'article 64 de la loi du 5 avril 1928 sur les assurances sociales, modifiée par la loi du 30 avril 1930 ; que cette disposition a été insérée, en des termes identiques, à l'article L. 158 du code de la sécurité sociale et à l'article 1034 du code rural ;
5. Considérant que, par l'effet de l'article 21 de l'ordonnance n° 58-1297 du 23 décembre 1958 modifiant certaines peines en vue d'élever la compétence des tribunaux de police et de l'article 23 du décret n° 58-1303 du même jour modifiant diverses dispositions d'ordre pénal en vue d'instituer une cinquième classe de contraventions de police, l'infraction ainsi définie a été, dans le code de la sécurité sociale, transformée en une contravention de cinquième classe, seule la récidive dans un délai de trois ans demeurant, selon l'article L. 244-6 de ce code, passible d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 3 750 euros ou de l'une de ces deux peines seulement ; qu'en revanche, ainsi que cela ressort de l'article L. 725-21 précité, le code rural et de la pêche maritime a maintenu, à l'égard des employeurs de salariés agricoles qui ont indûment retenu par devers eux la cotisation ouvrière précomptée sur le salaire, la peine délictuelle applicable à l'abus de confiance ;
6. Considérant qu'ainsi, pour une même infraction, les employeurs agricoles et les autres employeurs sont soumis à une procédure, à un quantum de peine, à des règles de prescription, à des règles en matière de récidive, à des conséquences pour le casier judiciaire et à des incapacités consécutives à la condamnation différents ; que cette différence de traitement, qui n'est pas justifiée par une différence de situation des employeurs agricoles et des autres employeurs au regard de l'infraction réprimée, n'est pas en rapport direct avec l'objet de la loi ; que, par suite, la loi pénale a institué une différence de traitement injustifiée entre les auteurs d'infractions identiques ;
7. Considérant qu'il suit de là que l'article L. 725-21 du code rural et de la pêche maritime est contraire à la Constitution ; que cette déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la publication de la présente décision ; qu'elle peut être invoquée dans les instances en cours à cette date et dont l'issue dépend des dispositions déclarées inconstitutionnelles,
Décide :

Article 1

L'article L. 725-21 du code rural et de la pêche maritime est contraire à la Constitution.

Article 2

La déclaration d'inconstitutionnalité prévue par l'article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées par son considérant 7.

Article 3

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 8 septembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

DECISIONS DU 16 SEPTEMBRE 2011

Décision n° 2011-162 QPC du 16 septembre 2011

(SOCIÉTÉ LOCAWATT)

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 27 juin 2011 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 4008 du 22 juin 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la société Locawatt, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du deuxième alinéa de l'article 530-1 du code de procédure pénale.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la société requérante par Me Jean-Charles Teissedre, avocat au barreau de Montpellier, enregistrées le 18 juillet 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 19 juillet 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes aux dossiers ;
Me Teissedre pour la société requérante et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 6 septembre 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que l'article 530-1 du code de procédure pénale est relatif aux suites données à une requête ou une protestation formulée en matière d'amende forfaitaire ou une réclamation en matière d'amende forfaitaire majorée ; qu'aux termes du deuxième alinéa de cet article : « En cas de condamnation, l'amende prononcée ne peut être inférieure au montant de l'amende ou de l'indemnité forfaitaire dans les cas prévus par le premier alinéa de l'article 529-2, le premier alinéa de l'article 529-5 ou le premier alinéa du III de l'article 529-6, ni être inférieure au montant de l'amende forfaitaire majorée dans les cas prévus par le second alinéa de l'article 529-2, le second alinéa de l'article 529-5 et le second alinéa du III de l'article 529-6 » ;
2. Considérant que, selon la société requérante, le minimum de peine ainsi institué porte atteinte aux principes de nécessité, de proportionnalité et d'individualisation des peines ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée » ; que le principe d'individualisation des peines qui découle de cet article implique qu'en cas d'opposition valablement formée dans le cadre d'une procédure d'amende forfaitaire la peine d'amende ne puisse être appliquée que si le juge l'a expressément prononcée, et que son montant soit fixé en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce ; qu'il ne saurait toutefois faire obstacle à ce que le législateur fixe des règles assurant une répression effective des infractions ;
4. Considérant, en premier lieu, que la disposition contestée laisse au juge le soin de fixer la peine dans les limites, d'une part, de l'amende forfaitaire ou de l'amende forfaitaire majorée et, d'autre part, du maximum de l'amende encouru ; qu'ainsi, il lui appartient de proportionner le montant de l'amende à la gravité de la contravention commise, à la personnalité de son auteur et à ses ressources ; que, par suite, le grief tiré de la méconnaissance du principe d'individualisation des peines doit être écarté ;
5. Considérant, en second lieu, qu'en imposant, pour les contraventions des quatre premières classes ayant fait l'objet d'une procédure d'amende forfaitaire, que l'amende prononcée par le juge en cas de condamnation ne puisse être inférieure au montant, selon le cas, de l'amende forfaitaire ou de l'amende forfaitaire majorée, le législateur a, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice et pour assurer la répression effective des infractions, retenu un dispositif qui fait obstacle à la multiplication des contestations dilatoires ; que l'instauration d'un minimum de peine d'amende applicable aux contraventions les moins graves ne méconnaît pas, en elle-même, le principe de nécessité des peines ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la Déclaration de 1789 doit être rejeté ; que la disposition contestée n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

Le deuxième alinéa de l'article 530-1 du code de procédure pénale est conforme à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 15 septembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-163 QPC du 16 septembre 2011

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 27 juin 2011 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 4006 du 22 juin 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Claude N., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 222-31-1 du code pénal.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code pénal ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées les 13 juillet et 3 août 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 19 juillet 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Claire Waquet pour le requérant et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 6 septembre 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 222-31-1 du code pénal : « Les viols et les agressions sexuelles sont qualifiés d'incestueux lorsqu'ils sont commis au sein de la famille sur la personne d'un mineur par un ascendant, un frère, une sœur ou par toute autre personne, y compris s'il s'agit d'un concubin d'un membre de la famille, ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait » ;
2. Considérant que, selon le requérant, en ne définissant pas les liens familiaux qui conduisent à ce que des viols et agressions sexuelles soient qualifiés d'incestueux, ces dispositions portent atteinte au principe de légalité des délits et des peines ; qu'elles porteraient également atteinte au principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère ;
3. Considérant que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution, ainsi que du principe de légalité des délits et des peines qui résulte de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, l'obligation de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis ;
4. Considérant que, s'il était loisible au législateur d'instituer une qualification pénale particulière pour désigner les agissements sexuels incestueux, il ne pouvait, sans méconnaître le principe de légalité des délits et des peines, s'abstenir de désigner précisément les personnes qui doivent être regardées, au sens de cette qualification, comme membres de la famille ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre grief, la disposition contestée doit être déclarée contraire à la Constitution ;
5. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ; que si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration ;
6. Considérant que l'abrogation de l'article 222-31-1 du code pénal prend effet à compter de la publication de la présente décision ; qu'à compter de cette date aucune condamnation ne peut retenir la qualification de crime ou de délit « incestueux » prévue par cet article ; que, lorsque l'affaire a été définitivement jugée à cette date, la mention de cette qualification ne peut plus figurer au casier judiciaire,
Décide :

ARTICLE 1

L'article 222-31-1 du code pénal est contraire à la Constitution.

ARTICLE 2

La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées au considérant 6.

ARTICLE 3

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 15 septembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ

Décision n° 2011-164 QPC du 16 septembre 2011

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 27 juin 2011 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 3877 du 21 juin 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Antoine J., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 93-3 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code pénal ;
Vu la loi du 29 juillet 1881 modifiée sur la liberté de la presse ;
Vu la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 modifiée sur la communication audiovisuelle ;
Vu les arrêts de la Cour de cassation, chambre criminelle, du 16 février 2010, n° 09-81064 et n° 08-86301 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 19 juillet 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 19 juillet 2011 ;
Vu les observations produites pour la société Distribution Casino France par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 2 août 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Thomas Lyon-Caen pour le requérant, Me Emmanuel Piwnica pour la société Distribution Casino France et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 6 septembre 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle : « Au cas où l'une des infractions prévues par le chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est commise par un moyen de communication au public par voie électronique, le directeur de la publication ou, dans le cas prévu au deuxième alinéa de l'article 93-2 de la présente loi, le codirecteur de la publication sera poursuivi comme auteur principal, lorsque le message incriminé a fait l'objet d'une fixation préalable à sa communication au public.
« A défaut, l'auteur, et à défaut de l'auteur le producteur, sera poursuivi comme auteur principal.
« Lorsque le directeur ou le codirecteur de la publication sera mis en cause, l'auteur sera poursuivi comme complice.
« Pourra également être poursuivie comme complice toute personne à laquelle l'article 121-7 du code pénal sera applicable.
« Lorsque l'infraction résulte du contenu d'un message adressé par un internaute à un service de communication au public en ligne et mis par ce service à la disposition du public dans un espace de contributions personnelles identifié comme tel, le directeur ou le codirecteur de publication ne peut pas voir sa responsabilité pénale engagée comme auteur principal s'il est établi qu'il n'avait pas effectivement connaissance du message avant sa mise en ligne ou si, dès le moment où il en a eu connaissance, il a agi promptement pour retirer ce message » ;
2. Considérant que, selon le requérant, d'une part, les dispositions combinées des deuxième et dernier alinéas de l'article 93-3 précité ont pour effet de créer à l'encontre du producteur d'un service de communication au public en ligne une présomption de culpabilité en le rendant responsable de plein droit du contenu des messages diffusés dans un espace de contributions personnelles dont il est « l'animateur », même s'il en ignore le contenu ; que, d'autre part, elles méconnaîtraient le principe d'égalité devant la loi pénale en traitant différemment, sans justification, le directeur de la publication et le producteur sur internet ;
3. Considérant qu'en vertu de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 tout homme est présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable ; qu'il en résulte qu'en principe le législateur ne saurait instituer de présomption de culpabilité en matière répressive ; que, toutefois, à titre exceptionnel, de telles présomptions peuvent être établies, notamment en matière contraventionnelle, dès lors qu'elles ne revêtent pas de caractère irréfragable, qu'est assuré le respect des droits de la défense et que les faits induisent raisonnablement la vraisemblance de l'imputabilité ; qu'en outre, s'agissant des crimes et délits, la culpabilité ne saurait résulter de la seule imputabilité matérielle d'actes pénalement sanctionnés ;
4. Considérant que les dispositions contestées désignent les personnes qui sont pénalement responsables des infractions, prévues par le chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 précitée, commises par un moyen de communication au public en ligne ; que le directeur de la publication ou, le cas échéant, le codirecteur de la publication ne peut être poursuivi que lorsque le message incriminé a fait l'objet d'une fixation préalable à sa communication au public en ligne ; que le dernier alinéa de l'article 93-3 précité prévoit, en outre, à certaines conditions, que, lorsque l'infraction résulte du contenu d'un message d'un internaute diffusé par un service de communication au public en ligne, la responsabilité pénale du directeur ou du codirecteur de la publication n'est engagée que s'il avait connaissance du message avant sa mise en ligne ou si, dès qu'il en a eu connaissance, il n'a pas agi promptement pour le retirer ; qu'à défaut, lorsque ni le directeur de la publication ni l'auteur ne sont poursuivis, le producteur est poursuivi comme auteur principal ;
5. Considérant qu'il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de cassation dans ses arrêts du 16 février 2010 susvisés, que la personne qui a pris l'initiative de créer un service de communication au public en ligne en vue d'échanger des opinions sur des thèmes définis à l'avance peut être poursuivie en sa qualité de producteur ; que cette personne ne peut opposer ni le fait que les messages mis en ligne n'ont pas fait l'objet d'une fixation préalable ni l'absence d'identification de l'auteur des messages ;
6. Considérant qu'ainsi il résulte des dispositions déférées que le créateur ou l'animateur d'un tel site de communication au public en ligne peut voir sa responsabilité pénale recherchée, en qualité de producteur, à raison du contenu de messages dont il n'est pas l'auteur et qui n'ont fait l'objet d'aucune fixation préalable ; qu'il ne peut s'exonérer des sanctions pénales qu'il encourt qu'en désignant l'auteur du message ou en démontrant que la responsabilité pénale du directeur de la publication est encourue ; que cette responsabilité expose le producteur à des peines privatives ou restrictives de droits et affecte l'exercice de la liberté d'expression et de communication protégée par l'article 11 de la Déclaration de 1789 ;
7. Considérant, par suite, que, compte tenu, d'une part, du régime de responsabilité spécifique dont bénéficie le directeur de la publication en vertu des premier et dernier alinéas de l'article 93-3 et, d'autre part, des caractéristiques d'internet qui, en l'état des règles et des techniques, permettent à l'auteur d'un message diffusé sur internet de préserver son anonymat, les dispositions contestées ne sauraient, sans instaurer une présomption irréfragable de responsabilité pénale en méconnaissance des exigences constitutionnelles précitées, être interprétées comme permettant que le créateur ou l'animateur d'un site de communication au public en ligne mettant à la disposition du public des messages adressés par des internautes, voie sa responsabilité pénale engagée en qualité de producteur à raison du seul contenu d'un message dont il n'avait pas connaissance avant la mise en ligne ; que, sous cette réserve, les dispositions contestées ne sont pas contraires à l'article 9 de la Déclaration de 1789 ;
8. Considérant que l'article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 susvisée ne méconnait aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

Sous la réserve énoncée au considérant 7, l'article 93-3 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 modifiée sur la communication audiovisuelle est conforme à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 15 septembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-165 QPC du 16 septembre 2011

(SOCIÉTÉ HEATHERBRAE LTD)

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 28 juin 2011 par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 805 du 28 juin 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la société Heatherbrae Ltd, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des 2° et 3° de l'article 990 E du code général des impôts, dans leur rédaction issue du paragraphe II de l'article 29 de la loi n° 92-1376 du 30 décembre 1992 de finances pour 1993.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code général des impôts ;
Vu la loi n° 92-1376 du 30 décembre 1992 de finances pour 1993 ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 89-268 DC du 29 décembre 1989 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la société requérante par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 19 juillet 2011;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées les 20 juillet et 4 août 2011 ;
Vu les nouvelles observations produites pour la société requérante par la SELARL Ribes, avocat au barreau de Toulouse, enregistrées le 1er août 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Arnaud Larralde de Fourcauld pour la société requérante et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 6 septembre 2011;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes des 2° et 3° de l'article 990 E du code général des impôts, la taxe prévue à l'article 990 D n'est pas applicable :
« 2° Aux personnes morales qui, ayant leur siège dans un pays ou territoire ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, déclarent chaque année, au plus tard le 15 mai, au lieu fixé par l'arrêté prévu à l'article 990 F, la situation, la consistance et la valeur des immeubles possédés au 1er janvier, l'identité et l'adresse de leurs associés à la même date ainsi que le nombre des actions ou parts détenues par chacun d'eux;
« 3° Aux personnes morales qui ont leur siège de direction effective en France et aux autres personnes morales qui, en vertu d'un traité, ne doivent pas être soumises à une imposition plus lourde, lorsqu'elles communiquent chaque année, ou prennent et respectent l'engagement de communiquer à l'administration fiscale, sur sa demande, la situation et la consistance des immeubles possédés au 1er janvier, l'identité et l'adresse de leurs actionnaires, associés ou autres membres, le nombre des actions, parts ou autres droits détenus par chacun d'eux et la justification de leur résidence fiscale. L'engagement est pris à la date de l'acquisition par la personne morale du bien ou droit immobilier ou de la participation visés à l'article 990 D ou, pour les biens, droits ou participations déjà possédés au 1er janvier 1993, au plus tard le 15 mai 1993 »;
2. Considérant que la société requérante fait valoir que ces dispositions ont pour effet de réserver l'exemption de la taxe forfaitaire de 3 % sur la valeur vénale des immeubles possédés en France par des personnes morales à celles dont le siège est situé en France ou dans un Etat ou territoire ayant conclu avec la France soit une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, soit un traité leur permettant de bénéficier du traitement fiscal des entités françaises équivalentes, lorsqu'elles communiquent à l'administration fiscale, ou s'engagent à lui communiquer sur sa demande, des renseignements relatifs au patrimoine immobilier détenu et aux personnes détentrices de parts sociales ; que ces dispositions méconnaîtraient ainsi le principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'elles méconnaîtraient également le principe de présomption d'innocence protégé par l'article 9 de la même Déclaration ;
3. Considérant, en premier lieu, que le Conseil constitutionnel a jugé dans les motifs de sa décision du 29 décembre 1989 susvisée que le 2° de l'article 990 E du code général des impôts est conforme à la Constitution ; qu'aucun changement des circonstances depuis cette décision ne justifie le réexamen de cette disposition;
4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; qu'en particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques;
5. Considérant qu'en instituant la taxe forfaitaire de 3 % prévue aux articles 990 D et 990 E, le législateur a entendu dissuader les contribuables assujettis à l'impôt de solidarité sur la fortune d'échapper à une telle imposition en créant, dans des Etats n'ayant pas conclu avec la France une convention fiscale comportant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, des sociétés qui deviennent propriétaires d'immeubles situés en France ; qu'ainsi il a voulu assurer la mise en œuvre de l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales ; que, pour ce faire, il a notamment prévu, dans le 3° de l'article 990 E, d'exempter de la taxe les entreprises qui communiquent annuellement à l'administration fiscale ou prennent et respectent l'engagement de le faire sur sa demande des informations sur la situation et la consistance des immeubles possédés en France, l'identité et l'adresse des actionnaires, associés ou autres membres, le nombre des actions, parts ou autres droits détenus par chacun d'eux et la justification de leur résidence fiscale ; qu'ainsi, au regard des possibilités de contrôle de l'administration, ces entreprises se trouvent dans une situation différente de celles qui, n'étant pas soumises aux mêmes règles de transmission d'informations, ne présentent pas les mêmes garanties ; que le législateur a donc institué une différence de traitement en rapport direct avec l'objet de la loi ; qu'il s'est fondé sur des critères objectifs et rationnels ; qu'en conséquence, le grief tiré de la méconnaissance de l'article 13 de la Déclaration de 1789 par le 3° de l'article 990 E du code général des impôts doit être écarté ; que cette disposition n'instituant pas une sanction ayant le caractère d'une punition, le grief tiré de la méconnaissance de l'article 9 de la Déclaration de 1789 est inopérant;
6. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

Les 2° et 3° de l'article 990 E du code général des impôts, dans leur rédaction issue du paragraphe II de l'article 29 de la loi n° 92-1376 de finances pour 1993, sont conformes à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 16 septembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

DECISIONS DU 23 SEPTEMBRE 2011

Décision n° 2011-166 QPC du 23 septembre 2011

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 29 juin 2011 par le Conseil d'Etat (décision n° 348027 du 29 juin 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Yannick N. relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe III de l'article 31 de la loi n° 96-1182 du 30 décembre 1996 de finances rectificative pour 1996.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 96-1182 du 30 décembre 1996 de finances rectificative pour 1996 ;
Vu la décision du Conseil d'Etat n° 127892 du 10 juillet 1996 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées les 21 juillet et 5 août 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 21 juillet 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Alain Sarrazin, avocat au barreau de Rouen, pour le requérant et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 13 septembre 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes du paragraphe III de l'article 31 de la loi du 30 décembre 1996 susvisée : « Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les contrôles engagés par l'administration des impôts avant l'entrée en vigueur de la loi de finances rectificative pour 1996 (n° 96-1182 du 30 décembre 1996) ainsi que les titres exécutoires émis à la suite de ces contrôles pour établir les impositions sont réputés réguliers en tant qu'ils seraient contestés par le moyen tiré de ce que ces contrôles auraient été effectués au moyen d'une vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble ou d'un examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle de personnes physiques n'ayant pas leur domicile fiscal en France » ;
2. Considérant que, selon le requérant, en privant les contribuables de la possibilité de se prévaloir de la décision du 10 juillet 1996 par laquelle le Conseil d'Etat a jugé que les contribuables regardés comme domiciliés fiscalement hors de France ne peuvent faire légalement l'objet d'une vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble, le paragraphe III de l'article 31 de la loi du 30 décembre 1996 méconnaît le principe de non-rétroactivité de la loi pénale énoncé à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et celui de la garantie des droits proclamé à l'article 16 de cette Déclaration ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ;
4. Considérant que, si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif ou de droit privé, c'est à la condition de poursuivre un but d'intérêt général suffisant et de respecter tant les décisions de justice ayant force de chose jugée que le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions ; qu'en outre, l'acte modifié ou validé ne doit méconnaître aucune règle ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le but d'intérêt général visé soit lui-même de valeur constitutionnelle ; qu'enfin, la portée de la modification ou de la validation doit être strictement définie ;
5. Considérant que le législateur, par la disposition contestée, a précisément défini et limité la portée de la validation ; qu'il a réservé les décisions de justice ayant force de chose jugée ; qu'il n'a institué aucune sanction fiscale ; que les actes validés ne méconnaissent en eux-mêmes aucune règle ni aucun principe de valeur constitutionnelle ; que le législateur a confirmé les moyens d'investigation dont l'administration dispose pour procéder à des contrôles de revenus de source française perçus par des redevables, que leur domicile fiscal soit fixé en France ou à l'étranger, et sans priver ces derniers des garanties procédurales liées à ces contrôles ; qu'ainsi, il a entendu assurer la mise en œuvre de l'objectif constitutionnel de lutte contre l'évasion et la fraude fiscales ; que le grief tiré de la méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration de 1789 doit être écarté ; que le grief tiré de la méconnaissance de son article 8 est inopérant ;
6. Considérant que la disposition contestée n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

Le paragraphe III de l'article 31 de la loi n° 96-1182 du 30 décembre 1996 de finances rectificative pour 1996 est conforme à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 22 septembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-167 QPC du 23 septembre 2011

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 30 juin 2011 par la Cour de cassation (deuxième chambre civile, arrêt n° 1474 du 30 juin 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Djamel B. relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 455-1-1 du code de la sécurité sociale.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010 ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par Me Aymeric Beauchêne, avocat au barreau du Val-de-Marne, enregistrées les 22 juillet et 8 août 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 22 juillet 2011 ;
Vu les observations produites pour la Caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis par la SCP Gatineau-Fattaccini, enregistrées le 22 juillet 2011 ;
Vu les observations produites en intervention pour la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés par Me Dominique Foussard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 22 juillet 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Beauchêne, pour le requérant, Me Bruno Odent, pour la société Axa Corporate Solutions, Me Jean-Jacques Gatineau, pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis, Me Foussard, pour la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 13 septembre 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 455-1-1 du code de la sécurité sociale : « La victime, ou ses ayants droit et la caisse peuvent se prévaloir des dispositions des articles L. 454-1 et L. 455-2 lorsque l'accident défini à l'article L. 411-1 survient sur une voie ouverte à la circulation publique et implique un véhicule terrestre à moteur conduit par l'employeur, un préposé ou une personne appartenant à la même entreprise que la victime.
« La réparation complémentaire prévue au premier alinéa est régie par les dispositions de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation » ;
2. Considérant que le requérant fait grief à ces dispositions de porter atteinte au principe d'égalité devant la loi et au principe de responsabilité en ce qu'elles limitent l'indemnisation complémentaire en application de la loi du 5 juillet 1985 susvisée au seul cas dans lequel l'accident du travail qui constitue en même temps un accident de la circulation survient sur une voie ouverte à la circulation publique ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi... doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la Déclaration de 1789 : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui » ; qu'il résulte de ces dispositions qu'en principe, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; que la faculté d'agir en responsabilité met en œuvre cette exigence constitutionnelle ; que, toutefois, cette dernière ne fait pas obstacle à ce que le législateur aménage, pour un motif d'intérêt général, les conditions dans lesquelles la responsabilité peut être engagée ; qu'il peut ainsi, pour un tel motif, apporter à ce principe des exclusions ou des limitations à condition qu'il n'en résulte une atteinte disproportionnée ni aux droits des victimes d'actes fautifs ni au droit à un recours juridictionnel effectif qui découle de l'article 16 de la Déclaration de 1789 ;
5. Considérant, en premier lieu, que les dispositions contestées limitent l'application de la loi du 5 juillet 1985 susvisée aux seuls cas dans lesquels l'accident du travail constituant un accident de la circulation survient sur une voie ouverte à la circulation publique et imposent, par conséquent, que les accidents du travail impliquant un véhicule terrestre à moteur ne circulant pas sur une telle voie soient soumis aux seules dispositions du code de la sécurité sociale applicables aux accidents du travail ; que le législateur a ainsi entendu établir une distinction entre les risques, selon qu'ils sont essentiellement liés à l'exercice de la profession ou à la circulation automobile ; que la différence de traitement qui découle des modalités d'indemnisation du préjudice de la victime est fondée sur un critère en lien direct avec l'objet de la loi ; que, dès lors, le grief tiré de la méconnaissance de l'article 6 de la Déclaration de 1789 doit être rejeté ;
6. Considérant, en second lieu, que, dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010 susvisée, le Conseil constitutionnel a jugé que, sous la réserve énoncée au considérant 18 de cette décision, les articles L. 451-1 et L. 452-2 à L. 452-5 du code de la sécurité sociale, relatifs au régime d'indemnisation des accidents du travail, ne méconnaissent pas le principe de responsabilité ; que, par suite, en soumettant l'indemnisation du salarié victime d'un accident de la circulation survenu sur une voie non ouverte à la circulation publique au régime des accidents du travail prévu par le code de la sécurité sociale, à l'exclusion des dispositions de la loi du 5 juillet 1985 susvisée, les dispositions contestées ne portent pas davantage atteinte à ce principe ;
7. Considérant que l'article L. 455-1-1 du code de la sécurité sociale n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

L'article L. 455-1-1 du code de la sécurité sociale est conforme à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 22 septembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-170 QPC du 23 septembre 2011

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 30 juin 2011 par la Cour de cassation (deuxième chambre civile, arrêt du 30 juin 2011, n° 1473) d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Odile B., épouse P., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 643-5 du code de la sécurité sociale.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la requérante par la SCP Yves Richard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 20 juillet 2011 ;
Vu les observations produites pour la Caisse autonome de retraite des médecins de France par Me Dominique Foussard, enregistrées le 22 juillet 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 22 juillet 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Richard pour la requérante, Me Foussard en représentation de la Caisse autonome de retraite des médecins de France et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 13 septembre 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 643-5 du code de la sécurité sociale : « L'inaptitude au travail s'apprécie en déterminant si, à la date de la demande ou à une date postérieure, le requérant, compte tenu de son âge, de son état de santé, de ses capacités physiques et mentales, de ses aptitudes ou de sa formation professionnelle, n'est plus en mesure d'exercer ou de participer en qualité de conjoint collaborateur à une activité professionnelle » ;
2. Considérant que, selon la requérante, en conditionnant, pour les membres des professions libérales, l'ouverture des droits à la retraite pour inaptitude au travail au constat d'une inaptitude totale alors que, pour les salariés et assimilés ainsi que les membres des professions artisanales, industrielles et commerciales, ce droit est ouvert dès lors que l'inaptitude atteint un taux fixé par décret, ces dispositions méconnaissent le principe de solidarité et le principe d'égalité devant la loi ;
3. Considérant, d'une part, qu'aux termes du onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, confirmé par celui de la Constitution du 4 octobre 1958, la nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence » ;
4. Considérant que l'exigence constitutionnelle résultant des dispositions précitées implique la mise en œuvre d'une politique de solidarité nationale en faveur des travailleurs retraités ; qu'il appartient au législateur, pour satisfaire à cette exigence, de choisir les modalités concrètes qui lui paraissent appropriées ; qu'en particulier, il lui est à tout moment loisible, statuant dans le domaine qui lui est réservé par l'article 34 de la Constitution, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions ; qu'il ne lui est pas moins loisible d'adopter, pour la réalisation ou la conciliation d'objectifs de nature constitutionnelle, des modalités nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité et qui peuvent comporter la modification ou la suppression de dispositions qu'il estime excessives ou inutiles ; que, cependant, l'exercice de ce pouvoir ne saurait aboutir à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ;
5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
6. Considérant, en premier lieu, qu'en instaurant un régime de retraite anticipée pour les professionnels libéraux reconnus inaptes au travail, le législateur a mis en œuvre, sans les méconnaître, les exigences constitutionnelles précitées du onzième alinéa du Préambule de 1946 ;
7. Considérant, en second lieu, que les professionnels libéraux bénéficient d'un régime autonome de retraite ; que l'article L. 643-5 du code de la sécurité sociale, applicable à ce régime, retient une définition de l'inaptitude au travail analogue à celle figurant à l'article L. 351-7 du même code, applicable au régime général d'assurance vieillesse ; que le fait que, contrairement à cet article L. 351-7, les dispositions contestées ne renvoient pas à un décret en Conseil d'Etat le soin de fixer le taux de l'inaptitude ne crée pas, en lui-même, une différence de traitement contraire au principe d'égalité devant la loi ; que, par suite, le grief tiré de la méconnaissance de l'article 6 de la Déclaration de 1789 doit être écarté ;
8. Considérant que l'article L. 643-5 du code de la sécurité sociale n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,

ARTICLE 1

L'article L. 643-5 du code de la sécurité sociale est conforme à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 22 septembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-172 QPC du 23 septembre 2011

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 1er juillet 2011 par le Conseil d'Etat (décision n° 348413 du 1er juillet 2011), sur le fondement des dispositions de l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. et Mme Raymond L., M. et Mme Henri L. et M. et Mme Christian R. relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 1er, 3 à 6 de la loi du 29 décembre 1892 relative aux dommages causés à la propriété privée par l'exécution de travaux publics ainsi que des trois premiers alinéas de son article 7.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi du 29 décembre 1892 relative aux dommages causés à la propriété privée par l'exécution des travaux publics ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour les requérants par la SCP Joël Dombre, avocat au barreau de Montpellier, enregistrées le 25 juillet et le 8 août 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 25 juillet 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Dombre pour le requérant et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 22 septembre 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 29 décembre 1892 relative aux dommages causés à la propriété privée par l'exécution de travaux publics : « Les agents de l'administration ou les personnes auxquelles elle délègue ses droits ne peuvent pénétrer dans les propriétés privées pour y exécuter les opérations nécessaires à l'étude des projets de travaux publics civils ou militaires, exécutés pour le compte de l'Etat, des collectivités territoriales et de leurs groupements, ainsi que des établissements publics, qu'en vertu d'un arrêté préfectoral indiquant les communes sur le territoire desquelles des études doivent être faites.
« L'arrêté est affiché à la mairie de ces communes au moins dix jours avant, et doit être représenté à toute réquisition.
« L'introduction des agents de l'administration ou des particuliers à qui elle délègue ses droits, ne peut être autorisée à l'intérieur des maisons d'habitation ; dans les autres propriétés closes, elle ne peut avoir lieu que cinq jours après notification au propriétaire, ou, en son absence, au gardien de la propriété.
« A défaut de gardien connu demeurant dans la commune, le délai ne court qu'à partir de la notification de l'arrêté au propriétaire, faite en la mairie ; ce délai expiré, si personne ne se présente pour permettre l'accès, lesdits agents ou particuliers peuvent entrer avec l'assistance du juge du tribunal d'instance.
« Il ne peut être abattu d'arbres fruitiers, d'ornement ou de haute futaie avant qu'un accord amiable ne soit établi sur leur valeur ou qu'à défaut de cet accord il ait été procédé à une constatation contradictoire destinée à fournir les éléments nécessaires pour l'évaluation des dommages.
« A la fin de l'opération, tout dommage causé par les études est réglé entre le propriétaire et l'administration dans les formes indiquées par la loi du 22 juillet 1889 » ;
2. Considérant qu'aux termes de son article 3 : « Lorsqu'il y a lieu d'occuper temporairement un terrain, soit pour en extraire ou ramasser des matériaux, soit pour y fouiller ou y faire des dépôts de terre, soit pour tout autre objet relatif à l'exécution de projets de travaux publics, civils ou militaires, cette occupation est autorisée par un arrêté du préfet, indiquant le nom de la commune où le territoire est situé, les numéros que les parcelles dont il se compose portent sur le plan cadastral et le nom du propriétaire tel qu'il est inscrit sur la matrice des rôles.
« Cet arrêté indique, d'une façon précise, les travaux à raison desquels l'occupation est ordonnée, les surfaces sur lesquelles elle doit porter, la nature et la durée de l'occupation et la voie d'accès.
« Un plan parcellaire désignant par une teinte les terrains à occuper est annexé à l'arrêté, à moins que l'occupation n'ait pour but exclusif le ramassage des matériaux » ;
3. Considérant qu'aux termes de son article 4 : « Le préfet envoie ampliation de son arrêté et du plan annexé au chef de service public compétent et au maire de la commune.
« Si l'administration ne doit pas occuper elle-même le terrain, le chef de service compétent remet une copie certifiée de l'arrêté à la personne à laquelle elle a délégué ses droits.
« Le maire notifie l'arrêté au propriétaire du terrain ou, si celui-ci n'est pas domicilié dans la commune, au fermier, locataire, gardien ou régisseur de la propriété ; il y joint une copie du plan parcellaire et garde l'original de cette notification.
« S'il n'y a dans la commune personne ayant qualité pour recevoir la notification, celle-ci est valablement faite par lettre chargée adressée au dernier domicile connu du propriétaire. L'arrêté et le plan parcellaire restent déposés à la mairie pour être communiqués sans déplacement aux intéressés, sur leur demande » ;
4. Considérant qu'aux termes de son article 5 : « Après l'accomplissement des formalités qui précèdent et à défaut de convention amiable, le chef de service ou la personne à laquelle l'administration a délégué ses droits fait au propriétaire du terrain, préalablement à toute occupation du terrain désigné, une notification par lettre recommandée, indiquant le jour et l'heure où il compte se rendre sur les lieux ou s'y faire représenter.
« Il l'invite à s'y trouver ou à s'y faire représenter lui-même pour procéder contradictoirement à la constatation de l'état des lieux.
« En même temps, il informe par écrit le maire de la commune de la notification par lui faite au propriétaire.
« Si le propriétaire n'est pas domicilié dans la commune, la notification est faite conformément aux stipulations de l'article 4.
« Entre cette notification et la visite des lieux, il doit y avoir un intervalle de dix jours au moins » ;
5. Considérant qu'aux termes de son article 6 : « Lorsque l'occupation temporaire a pour objet exclusif le ramassage des matériaux à la surface du sol, les notifications individuelles prescrites par les articles 4 et 5 de la présente loi sont remplacées par les notifications collectives par voie d'affichage et de publication à son de caisse ou de trompe dans la commune. En ce cas, le délai de dix jours, prescrit à l'article précédent, court du jour de l'affichage » ;
6. Considérant qu'aux termes des trois premiers alinéas de son article 7 : « A défaut par le propriétaire de se faire représenter sur les lieux, le maire lui désigne d'office un représentant pour opérer contradictoirement avec celui de l'administration ou de la personne au profit de laquelle l'occupation a été autorisée.
« Le procès-verbal de l'opération qui doit fournir les éléments nécessaires pour évaluer le dommage est dressé en trois expéditions destinées, l'une, à être déposée à la mairie et les deux autres à être remises aux parties intéressées.
« Si les parties ou les représentants sont d'accord, les travaux autorisés par l'arrêté peuvent être commencés aussitôt » ;
7. Considérant que, selon les requérants, ces dispositions méconnaissent les exigences constitutionnelles en matière de protection du droit de propriété ;
8. Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'en l'absence de privation du droit de propriété, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les limites apportées à son exercice doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi ;
9. Considérant, en premier lieu, que les dispositions contestées ont pour objet de permettre aux agents de l'administration ou aux personnes désignées par elle de pénétrer dans les propriétés privées pour l'exécution d'opérations nécessaires à l'étude des projets de travaux publics ; qu'elles permettent également l'occupation temporaire de terrains pour la réalisation de ces opérations ; que, par suite, ces dispositions n'entraînent pas de privation du droit de propriété au sens de l'article 17 de la Déclaration de 1789 ;
10. Considérant, en second lieu, que, d'une part, les atteintes à l'exercice du droit de propriété résultant de la réalisation des opérations prévues par les dispositions contestées ont pour objet de permettre l'étude des projets de travaux publics, civils ou militaires, exécutés pour le compte de l'Etat, des collectivités territoriales et de leurs groupements ainsi que des établissements publics ; que l'autorisation de pénétrer dans les propriétés privées est donnée par arrêté du préfet du département et publiée dans les communes intéressées ; que cette autorisation ne peut permettre de pénétrer dans les maisons d'habitation ; que l'autorisation de pénétrer dans des propriétés closes doit désigner spécialement les terrains auxquels elle s'applique et être notifiée préalablement à chacun de leur propriétaire ; qu'il en va de même lorsqu'il y a lieu d'occuper temporairement un terrain ;
11. Considérant que, d'autre part, les dispositions contestées prévoient les conditions dans lesquelles les éventuels dommages causés à l'occasion de la pénétration dans les propriétés ou de l'occupation de celles-ci sont contradictoirement constatés ; qu'elles garantissent le droit des propriétaires d'obtenir la réparation « de tout dommage » ; que le respect des prescriptions prévues par les dispositions contestées est soumis au contrôle de la juridiction administrative ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les atteintes apportées par les dispositions contestées à l'exercice du droit de propriété sont justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi ; qu'elles ne méconnaissent pas l'article 2 de la Déclaration de 1789
13. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

Les articles 1er, 3 à 6 de la loi du 29 décembre 1892 relative aux dommages causés à la propriété privée par l'exécution des travaux publics ainsi que les trois premiers alinéas de son article 7 sont conformes à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 22 septembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

DECISIONS DU 29 SEPTEMBRE 2011

Décision n° 2011-171/178 QPC du 29 septembre 2011

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 1er juillet 2011 par la Cour de cassation (deuxième chambre civile, arrêt n° 1547 du 1er juillet 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Michael C. relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du 6° de l'article 53 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.
Il a également été saisi le 12 juillet 2011 par la Cour de cassation (première chambre civile, arrêt n° 906 du 12 juillet 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Marie-Claude A. et relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du 2° de ce même article 53.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris par Me Jean Castelain, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 22 juillet 2011 et le 5 août 2011 ;
Vu les observations produites pour M. C. par la SCP Nicolas Boullez, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées les 25 juillet 2011 et 9 août 2011 ;
Vu les observations produites pour Mme Marie-Christine Ch. par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 25 juillet 2011 ;
Vu les observations produites pour Mme A. par la SCP Jean-Alain Blanc et Jérôme Rousseau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, et Me Jean-Patrick Saint-Adam, enregistrées le 30 août 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées les 25 juillet 2011 et 9 août 2011 ;
Vu les observations produites en intervention pour le Conseil national des barreaux par Me Thierry Wickers, avocat au barreau de Bordeaux, enregistrées les 18 juillet 2011 et 26 juillet 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Boullez pour M. C. Me Rousseau pour Mme A., Me Françoise Thouin-Palat pour Mme Ch., Me Castelain pour le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris, Me Wickers pour le Conseil national des barreaux et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 20 septembre 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'il y a lieu de joindre ces deux questions prioritaires de constitutionnalité pour statuer par une seule décision ;
2. Considérant qu'en vertu du 2° et du 6° de l'article 53 de la loi du 31 décembre 1971 susvisée, des décrets en Conseil d'Etat présentent, pour l'application du titre Ier de cette loi et dans le respect de l'indépendance de l'avocat, de l'autonomie des conseils de l'ordre et du caractère libéral de la profession, « les règles de déontologie ainsi que la procédure et les sanctions disciplinaires » et « la procédure de règlement des contestations concernant le paiement des frais et honoraires des avocats » ;
3. Considérant que, selon les requérants, en confiant au pouvoir réglementaire le soin d'établir les règles de déontologie et les sanctions disciplinaires applicables aux avocats ainsi que la procédure de règlement des contestations concernant le paiement des frais et honoraires d'avocat, le législateur a méconnu l'étendue de la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution ; qu'il aurait ainsi porté atteinte aux principes d'égalité, de légalité et de nécessité des délits et des peines, d'indépendance et d'impartialité des juridictions, du respect des droits de la défense et du droit à un recours juridictionnel effectif ;
4. Considérant que, selon le deuxième alinéa de l'article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ; que son quatrième alinéa prévoit qu'elle fixe les règles concernant la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables et la procédure pénale ; que ce même article dispose que la loi détermine les principes fondamentaux du régime des obligations civiles et commerciales ainsi que du droit du travail ; qu'aux termes de son article 37, alinéa 1er : « Les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire » ; que la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où est affecté un droit ou une liberté que la Constitution garantit ;
Sur le 2° de l'article 53 de la loi du 31 décembre 1971 :
5. Considérant que la détermination des règles de déontologie, de la procédure et des sanctions disciplinaires applicables à une profession ne relève ni du droit pénal ni de la procédure pénale au sens de l'article 34 de la Constitution ; qu'il résulte des articles 34 et 37, alinéa 1er, de la Constitution qu'elle relève de la compétence réglementaire dès lors que ne sont mis en cause aucune des règles ni aucun des principes fondamentaux placés par la Constitution dans le domaine de la loi ;
6. Considérant qu'il résulte de l'article 15 de la loi du 31 décembre 1971 que, pour l'exercice de leur profession, les avocats sont inscrits à un barreau ; que l'article 17 de la même loi prévoit que chaque barreau est administré par un conseil de l'ordre qui veille notamment à « l'observation des devoirs des avocats » et statue sur l'inscription au tableau des avocats ; qu'il résulte des articles 22 et 22-1 de la même loi que le conseil de discipline est composé des représentants des conseils de l'ordre du ressort de la cour d'appel et que le conseil de l'ordre du barreau de Paris siège comme conseil de discipline ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que le législateur a entendu, en l'espèce, que les fautes disciplinaires des avocats puissent faire l'objet de sanctions comprenant, le cas échéant, l'interdiction temporaire ou définitive d'exercer leur activité ; que, dès lors, en renvoyant au décret le soin de fixer les sanctions disciplinaires qui, par leur objet et leur nature, sont en rapport avec l'exercice de cette profession réglementée, le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence ; qu'ainsi, le renvoi au décret opéré par le 2° de l'article 53 de la loi du 31 décembre 1971 susvisée ne méconnaît pas l'article 34 de la Constitution ; qu'il n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ;
Sur le 6° de l'article 53 de la loi du 31 décembre 1971 :
7. Considérant que le 6° de l'article 53 de la loi du 31 décembre 1971 susvisée se borne à confier à un décret en Conseil d'Etat le soin de déterminer la procédure de règlement des contestations concernant le paiement des frais et honoraires des avocats ; qu'il n'a pas pour objet de confier au pouvoir réglementaire l'édiction de règles que la Constitution a placées dans le domaine de la loi ; qu'ainsi, le grief tiré de la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence doit être rejeté qu'en lui-même, le renvoi au décret opéré par le 6° de l'article 53 de la loi du 31 décembre 1971 ne porte atteinte à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

Article 1

Les 2° et 6° de l'article 53 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques sont conformes à la Constitution.

Article 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 29 septembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-179 QPC du 29 septembre 2011

 Le Conseil constitutionnel a été saisi le 12 juillet 2011 par la Cour de cassation (première chambre civile, arrêt n° 905 du 12 juillet 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Marie-Claude A. et relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 22 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris par Me Jean Castelain, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 5 août 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 9 août 2011 ;
Vu les observations produites pour la requérante par la SCP Jean-Alain Blanc et Jérôme Rousseau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, et Me Jean-Patrick Saint-Adam, enregistrées le 30 août 2011 ;
Vu les observations produites en intervention pour le Conseil national des barreaux par Me Thierry Wickers, avocat au barreau de Bordeaux, enregistrées le 29 juillet 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Jean-Patrick Saint-Adam pour la requérante, Me Castelain pour le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris, Me Wickers pour le Conseil national des barreaux et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 20 septembre 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 22 de la loi du 31 décembre 1971 susvisée : « Un conseil de discipline institué dans le ressort de chaque cour d'appel connaît des infractions et fautes commises par les avocats relevant des barreaux qui s'y trouvent établis.
« Toutefois, le conseil de l'ordre du barreau de Paris siégeant comme conseil de discipline connaît des infractions et fautes commises par les avocats qui y sont inscrits.
« L'instance disciplinaire compétente en application des alinéas qui précèdent connaît également des infractions et fautes commises par un ancien avocat, dès lors qu'à l'époque des faits il était inscrit au tableau ou sur la liste des avocats honoraires de l'un des barreaux établis dans le ressort de l'instance disciplinaire » ;
2. Considérant que, selon la requérante, en soumettant les avocats inscrits au barreau de Paris à un organe disciplinaire composé selon des règles différentes de celles applicables aux autres barreaux, ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité devant la justice ; qu'elle fait valoir, en outre, d'une part, que l'indépendance des membres de l'organe disciplinaire du conseil de l'ordre du barreau de Paris à l'égard du bâtonnier, qui préside ledit conseil et officie en tant qu'autorité de poursuite dans la procédure disciplinaire, ne serait pas garantie et, d'autre part, que le règlement intérieur du barreau de Paris adopté par le conseil de l'ordre prévoit que la méconnaissance de ses dispositions peut donner lieu à des poursuites devant la formation disciplinaire du même conseil ; que, par suite, le respect des droits de la défense et les principes d'indépendance et d'impartialité des juridictions seraient également méconnus ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que son article 16 dispose : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense et des principes d'indépendance et d'impartialité des juridictions ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'en instituant un conseil de discipline unique dans le ressort de chaque cour d'appel, le législateur a entendu garantir l'impartialité de l'instance disciplinaire des avocats en remédiant aux risques de proximité entre les membres qui composent cette instance et les avocats qui en sont justiciables ; qu'en maintenant le conseil de l'ordre du barreau de Paris dans ses attributions disciplinaires, il a, d'une part, tenu compte de la situation particulière de ce barreau qui, au regard du nombre d'avocats inscrits, n'est pas exposé au même risque de proximité ; qu'il a, d'autre part, entendu assurer une représentation équilibrée des autres barreaux relevant de la cour d'appel de Paris au sein d'un conseil de discipline commun ; que, dès lors, la différence de traitement établie par le législateur repose sur des critères objectifs et rationnels, poursuit un but d'intérêt général et est en rapport direct avec l'objet de la loi ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des termes de l'article 22-2 de la loi du 31 décembre 1971 susvisée que le bâtonnier de l'ordre du barreau de Paris n'est pas membre de la formation disciplinaire du conseil de l'ordre du barreau de Paris ; que la circonstance que les membres de cette formation sont désignés par le conseil de l'ordre, lequel est présidé par le bâtonnier en exercice, n'a pas pour effet, en elle-même, de porter atteinte aux exigences d'indépendance et d'impartialité de l'organe disciplinaire ;
6. Considérant, en troisième lieu, que les termes du règlement intérieur du barreau de Paris sont sans incidence sur la conformité des dispositions contestées à la Constitution ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de la méconnaissance du principe d'égalité devant la justice ainsi que de l'atteinte aux droits de la défense et aux principes d'indépendance et d'impartialité des juridictions doivent être rejetés ;
8. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

L'article 22 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques est conforme à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 29 septembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

DECISIONS DU 30 SEPTEMBRE 2011

Décision n° 2011-168 QPC du 30 septembre 2011

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 30 juin 2011 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 3790 du 21 juin 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Samir A., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 146 et 186 du code de procédure pénale.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-62 QPC du 17 décembre 2010 ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2011-153 QPC du 13 juillet 2011 ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées les 22 juillet et 4 août 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées 22 juillet 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Philippe Dehapiot et Me Hélène Farge, pour le requérant, ainsi que M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 13 septembre 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 146 du code de procédure pénale : « S'il apparaît, au cours de l'instruction, que la qualification criminelle ne peut être retenue, le juge d'instruction peut, après avoir communiqué le dossier au procureur de la République aux fins de réquisitions, soit saisir par ordonnance motivée le juge des libertés et de la détention aux fins du maintien en détention provisoire de la personne mise en examen, soit prescrire sa mise en liberté assortie ou non du contrôle judiciaire.
Le juge des libertés et de la détention statue dans le délai de trois jours à compter de la date de sa saisine par le juge d'instruction. » ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 186 du même code : « Le droit d'appel appartient à la personne mise en examen contre les ordonnances et décisions prévues par les articles 80-1-1, 87, 137-3, 139, 140, 142-6, 142-7 145-1, 145-2, 148, 167, quatrième alinéa, 179, troisième alinéa, et 181.
« La partie civile peut interjeter appel des ordonnances de non-informer, de non-lieu et des ordonnances faisant grief à ses intérêts civils. Toutefois, son appel ne peut, en aucun cas, porter sur une ordonnance ou sur la disposition d'une ordonnance relative à la détention de la personne mise en examen ou au contrôle judiciaire.
« Les parties peuvent aussi interjeter appel de l'ordonnance par laquelle le juge a, d'office ou sur déclinatoire, statué sur sa compétence.
« L'appel des parties ainsi que la requête prévue par le cinquième alinéa de l'article 99 doivent être formés dans les conditions et selon les modalités prévues par les articles 502 et 503, dans les dix jours qui suivent la notification ou la signification de la décision.
« Le dossier de l'information ou sa copie établie conformément à l'article 81 est transmis, avec l'avis motivé du procureur de la République, au procureur général, qui procède ainsi qu'il est dit aux articles 194 et suivants.
« Si le président de la chambre de l'instruction constate qu'il a été fait appel d'une ordonnance non visée aux alinéas 1 à 3 du présent article, il rend d'office une ordonnance de non-admission de l'appel qui n'est pas susceptible de voies de recours. Il en est de même lorsque l'appel a été formé après l'expiration du délai prévu au quatrième alinéa ou lorsque l'appel est devenu sans objet. Le président de la chambre de l'instruction est également compétent pour constater le désistement de l'appel formé par l'appelant » ;
3. Considérant que, selon le requérant, en permettant au juge des libertés et de la détention de prendre une décision sur la détention provisoire sans débat contradictoire préalable, l'article 146 du code de procédure pénale porte atteinte au caractère contradictoire de la procédure ; qu'en ne mentionnant pas les décisions prévues par cet article 146 dans la liste des décisions et ordonnances du juge d'instruction et du juge des libertés et de la détention dont la personne mise en examen peut faire appel, le premier alinéa de l'article 186 du même code méconnaîtrait le droit à un recours juridictionnel effectif ;
Sur l'article 146 du code de procédure pénale :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que sont garantis par cette disposition le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif, le droit à un procès équitable, ainsi que le principe du contradictoire ; qu'il appartient au législateur, compétent, en application de l'article 34 de la Constitution, pour fixer les règles concernant la procédure pénale, d'assurer la mise en œuvre de l'objectif constitutionnel de bonne administration de la justice sans méconnaître les exigences constitutionnelles précitées ;
5. Considérant que l'article 146 du code de procédure pénale prévoit que le juge d'instruction qui décide d'abandonner en cours d'instruction la qualification criminelle pour une qualification correctionnelle, peut, après avoir communiqué le dossier au procureur de la République aux fins de réquisitions, s'il ne prescrit pas la mise en liberté de la personne mise en examen et placée en détention provisoire en application de l'article 145-2 du code de procédure pénale, saisir par ordonnance motivée le juge des libertés et de la détention aux fins de maintien en détention provisoire selon le régime plus protecteur des droits de l'intéressé prévu par l'article 145-1 du même code ;
6. Considérant que si, en ce cas, le juge des libertés et de la détention statue sans recueillir les observations de la personne détenue sur les réquisitions du procureur de la République et l'ordonnance du juge d'instruction, cette personne peut, à tout moment, demander sa mise en liberté en application de l'article 148 du code de procédure pénale ; que selon ce texte, s'il ne donne pas une suite favorable à la demande, le juge d'instruction doit, dans les cinq jours suivant la communication au procureur de la République, la transmettre avec son avis motivé au juge des libertés et de la détention lequel statue, dans un délai de trois jours ouvrables, par une ordonnance comportant l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de cette décision par référence aux dispositions de l'article 144 du même code ; que, dans sa décision du 17 décembre 2010 susvisée, le Conseil constitutionnel a jugé que, lorsqu'il est saisi sur le fondement de l'article 148 du même code, le juge des libertés et de la détention ne peut rejeter la demande de mise en liberté sans que le demandeur ou son avocat ait pu avoir communication de l'avis du juge d'instruction et des réquisitions du ministère public ; que, dans ces conditions, la procédure prévue par l'article 146 du code de procédure pénale ne méconnaît pas les exigences qui résultent de l'article 16 de la Déclaration de 1789 ;
7. Considérant que l'article 146 du code de procédure pénale ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ;
Sur l'article 186 du code de procédure pénale :
8. Considérant que le Conseil constitutionnel a déclaré l'article 186 du code de procédure pénale conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif de sa décision du 13 juillet 2011 susvisée ; que, par suite, en l'absence de changement des circonstances, il n'y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de procéder à un nouvel examen de cet article,
Décide :

Article 1

L'article 146 du code de procédure pénale est conforme à la Constitution.

Article 2

Il n'y a pas lieu de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article 186 du code de procédure pénale.

Article 3

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 29 septembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

 Décision n° 2011-169 QPC du 30 septembre 2011

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 30 juin 2011 par la Cour de cassation (troisième chambre civile, arrêts n°s 997 et 998 du 30 juin 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée, d'une part, par MM. Pardaillan M., Octavian M. et Mirca C. ainsi que Mmes Mindra S. et Ann Fruzina T. et, d'autre part, par M. Gheorghe M., Mme Claudia G., M. Mihai G., Mme Martha G., M. Istrati G., Mme Lydia G., MM. Viorel G., Elvis M., Bogdan M., Mares G., Lilian M., Dria G. et Lucian G., Mme Iliana G., MM. Paul T. et Jun M., Mme Roxana T., M. Mihai N., Mmes Argentina G. et Magarita G. et M. Gheorghe S., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 544 du code civil.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code civil ;
Vu le code de procédure civile ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour les requérants par la SCP Alain-François Roger et Anne Sevaux, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées les 22 juillet et 5 août 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 22 juillet 2011 ;
Vu les observations produites pour la communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise par Me Pascal Pibault, avocat au barreau du Val-d'Oise ;
Vu les pièces produites et jointes aux dossiers ;
Me Roger pour les requérants, Me Pibault pour la communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 6 septembre 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 544 du code civil : « La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements » ;
2. Considérant que, selon les requérants, le caractère absolu du droit de propriété conduit à ce que toute occupation sans droit ni titre du bien d'autrui soit considérée par les juridictions civiles comme un trouble manifestement illicite permettant au propriétaire d'obtenir en référé, en application de l'article 809 du code de procédure civile, l'expulsion des occupants ; que, par ses conséquences sur la situation des personnes qui vivent dans des résidences mobiles, la définition du droit de propriété porterait atteinte au principe de sauvegarde de la dignité de la personne contre toute forme d'asservissement et de dégradation, au droit de mener une vie familiale normale, ainsi qu'à l'objectif de valeur constitutionnelle que constitue le droit au logement ;
3. Considérant, d'une part, qu'aux termes du dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » ; qu'aux termes du onzième alinéa de ce Préambule, la Nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence » ;
4. Considérant qu'il ressort également du Préambule de 1946 que la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation est un principe à valeur constitutionnelle ;
5. Considérant qu'il résulte de ces principes que la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent est un objectif de valeur constitutionnelle ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression » ; que son article 17 dispose : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ;
7. Considérant, en outre, qu'aux termes du seizième alinéa de l'article 34 de la Constitution, la loi détermine les principes fondamentaux « du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales » ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, s'il appartient au législateur de mettre en œuvre l'objectif de valeur constitutionnelle que constitue la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent, et s'il lui est loisible, à cette fin, d'apporter au droit de propriété les limitations qu'il estime nécessaires, c'est à la condition que celles-ci n'aient pas un caractère de gravité tel que le sens et la portée de ce droit en soient dénaturés ; que doit être aussi sauvegardée la liberté individuelle ;
9. Considérant que l'article 544 du code civil, qui définit le droit de propriété, ne méconnaît par lui-même aucun droit ou liberté que la Constitution garantit ; qu'en tout état de cause, il n'appartient pas au Conseil constitutionnel d'examiner la conformité de l'article 809 du code de procédure civile aux droits et libertés que la Constitution garantit,
Décide :

Article 1

L'article 544 du code civil est conforme à la Constitution.

Article 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 29 septembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-173 QPC du 30 septembre 2011

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 6 juillet 2011 par la Cour de cassation (première chambre civile, arrêt n° 866 du 6 juillet 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Louis C., Mme Jacqueline P. et M. Lucien C., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de la dernière phrase du cinquième alinéa de l'article 16-11 du code civil.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code civil ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour les défendeurs par la SCP Vincent-Ohl, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 25 juillet 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 28 juillet 2011 ;
Vu les observations produites pour les requérants par la SCP Waquet-Farge-Hazan, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 12 août 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Farge, pour les requérants, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 20 septembre 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que l'article 16-11 du code civil énumère les cas dans lesquels l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques peut être recherchée ; que le cinquième alinéa de cet article dispose qu'en matière civile cette identification ne peut être recherchée qu'en exécution d'une mesure d'instruction ordonnée par le juge saisi d'une action tendant soit à l'établissement ou la contestation d'un lien de filiation, soit à l'obtention ou la suppression de subsides ; qu'il précise en outre que le consentement de l'intéressé doit être préalablement et expressément recueilli ; qu'aux termes de la dernière phrase de ce cinquième alinéa : « Sauf accord exprès de la personne manifesté de son vivant, aucune identification par empreintes génétiques ne peut être réalisée après sa mort » ;
2. Considérant que, selon les requérants, l'interdiction de recourir à l'identification par les empreintes génétiques sur une personne décédée, dans une procédure civile en matière de filiation, porte atteinte au respect de la vie privée et au droit de mener une vie familiale normale ; qu'en outre, les dispositions contestées instaureraient entre les hommes et les femmes une différence de traitement contraire au principe d'égalité devant la loi ;
3. Considérant qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant... l'état et la capacité des personnes » ; qu'à ce titre, il appartient au législateur de déterminer les règles de preuve applicables en matière d'établissement et de contestation des liens de filiation, notamment lors de l'exercice d'actions en justice ; qu'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions, dès lors que, ce faisant, il ne prive pas de garanties légales des exigences constitutionnelles ; que l'article 61-1 de la Constitution, à l'instar de l'article 61, ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ; que cet article lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité d'une disposition législative aux droits et libertés que la Constitution garantit ;
4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression » ; que la liberté proclamée par cet article implique le respect de la vie privée ; que, d'autre part, le droit de mener une vie familiale normale résulte du dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 qui dispose : « La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » ; qu'enfin, aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789 : « La loi... doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
5. Considérant que le deuxième alinéa de l'article 310-3 du code civil prévoit que lorsqu'une action relative à la filiation est engagée, « la filiation se prouve et se conteste par tous moyens, sous réserve de la recevabilité de l'action » ; que, toutefois, les dispositions contestées ne permettent, à l'occasion d'une action en justice tendant soit à l'établissement ou la contestation d'un lien de filiation, soit à l'obtention ou à la suppression de subsides, de recourir à l'identification par empreintes génétiques sur une personne décédée, que si celle-ci avait, de son vivant, donné son accord exprès à l'exécution d'une telle mesure d'instruction ; qu'ainsi, en dehors de ce cas, les parties au procès ne peuvent avoir recours à l'expertise génétique sur le corps de la personne décédée avec laquelle un lien biologique est revendiqué ou contesté ;
6. Considérant qu'en disposant que les personnes décédées sont présumées ne pas avoir consenti à une identification par empreintes génétiques le législateur a entendu faire obstacle aux exhumations afin d'assurer le respect dû aux morts ; qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son appréciation à celle du législateur sur la prise en compte, en cette matière, du respect dû au corps humain ; que, par suite, les griefs tirés de la méconnaissance du respect dû à la vie privée et au droit de mener une vie familiale normale doivent être écartés ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article 325 du code civil, la recherche de maternité implique que l'enfant prouve qu'il est celui dont la mère prétendue a accouché ; que, par suite, la circonstance que les dispositions contestées, relatives à la preuve de la filiation par l'identification au moyen des empreintes génétiques, trouvent principalement à s'appliquer lorsque la filiation paternelle est en cause ne saurait être regardée comme une différence de traitement contraire au principe d'égalité devant la loi ;
8. Considérant que la dernière phrase du cinquième alinéa de l'article 16-11 du code civil n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

Article 1

La dernière phrase du cinquième alinéa de l'article 16-11 du code civil est conforme à la Constitution.

Article 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 29 septembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

DECISIONS DU 6 OCTOBRE 2011

Décision n° 2011-174 QPC du 6 octobre 2011

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 6 juillet 2011 par la Cour de cassation (première chambre civile, arrêt n° 864 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Oriette P., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 3213-2 et L. 3213-3 du code de la santé publique.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2011-135/140 QPC du 9 juin 2011 ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 28 juillet 2011 ;
Vu les observations produites pour la requérante par Me Laurent Friouret, avocat au barreau de Castres, enregistrées le 5 août 2011 ;
Vu les observations en intervention présentées pour l'information Groupe information asiles par Me Corinne Vaillant, avocate au barreau de Paris, enregistrées les 26 juillet et 2 août 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Vaillant pour l'association intervenante et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 27 septembre 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3213-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge : « En cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, attesté par un avis médical ou, à défaut, par la notoriété publique, le maire et, à Paris, les commissaires de police arrêtent, à l'égard des personnes dont le comportement révèle des troubles mentaux manifestes, toutes les mesures provisoires nécessaires, à charge d'en référer dans les vingt-quatre heures au représentant de l'Etat dans le département qui statue sans délai et prononce, s'il y a lieu, un arrêté d'hospitalisation d'office dans les formes prévues à l'article L. 3213-1. Faute de décision du représentant de l'Etat, ces mesures provisoires sont caduques au terme d'une durée de quarante-huit heures » ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3213-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à cette même loi du 5 juillet 2011 : « Dans les quinze jours, puis un mois après l'hospitalisation et ensuite au moins tous les mois, le malade est examiné par un psychiatre de l'établissement qui établit un certificat médical circonstancié confirmant ou infirmant, s'il y a lieu, les observations contenues dans le précédent certificat et précisant notamment les caractéristiques de l'évolution ou la disparition des troubles justifiant l'hospitalisation. Chaque certificat est transmis au représentant de l'Etat dans le département et à la commission mentionnée à l'article L. 3222-5 par le directeur de l'établissement » ;
3. Considérant que, selon la requérante, les conditions dans lesquelles l'hospitalisation d'office d'une personne peut être ordonnée en cas de danger imminent sont insuffisamment encadrées et méconnaissent les exigences constitutionnelles qui assurent la protection de la liberté individuelle ; que l'association intervenante fait en outre valoir que la possibilité d'ordonner l'hospitalisation d'une personne atteinte de troubles mentaux sur le fondement de la seule notoriété publique méconnaît ces mêmes exigences ;
4. Considérant que l'article 66 de la Constitution dispose : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. ― L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi » ; que, dans l'exercice de sa compétence, le législateur peut fixer des modalités d'intervention de l'autorité judiciaire différentes selon la nature et la portée des mesures affectant la liberté individuelle qu'il entend édicter ;
5. Considérant qu'en vertu du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, la Nation garantit à tous le droit à la protection de la santé ; que l'article 34 de la Constitution dispose que la loi fixe les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ; qu'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d'adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité et de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions, dès lors que, dans l'exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences constitutionnelles ;
6. Considérant que l'hospitalisation sans son consentement d'une personne atteinte de troubles mentaux doit respecter le principe, résultant de l'article 66 de la Constitution, selon lequel la liberté individuelle ne saurait être entravée par une rigueur qui ne soit nécessaire ; qu'il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la protection de la santé des personnes souffrant de troubles mentaux ainsi que la prévention des atteintes à l'ordre public nécessaire à la sauvegarde de droits et principes de valeur constitutionnelle et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties ; qu'au nombre de celles-ci figurent la liberté d'aller et venir et le respect de la vie privée, protégés par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ainsi que la liberté individuelle dont l'article 66 de la Constitution confie la protection à l'autorité judiciaire ; que les atteintes portées à l'exercice de ces libertés doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées aux objectifs poursuivis ;
Sur l'article L. 3213-2 du code de la santé publique :
7. Considérant, en premier lieu, que, dans sa rédaction antérieure à la loi du 5 juillet 2011 précitée, l'article L. 3213-1 du code de la santé publique prévoit qu'une personne atteinte de troubles mentaux ne peut être hospitalisée d'office que si ses troubles nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public ; que, dans sa décision du 9 juin 2011 susvisée, le Conseil constitutionnel a jugé que de tels motifs peuvent justifier la mise en œuvre d'une mesure privative de liberté au regard des exigences constitutionnelles qui assurent la protection de la liberté individuelle ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que l'autorité administrative qui prend les mesures provisoires est tenue d'en référer dans les vingt-quatre heures au représentant de l'Etat dans le département qui peut prendre un arrêté d'hospitalisation d'office dans les conditions et les formes prévues à l'article L. 3213-1 ; qu'à défaut, ces mesures sont caduques aux termes d'une durée de quarante-huit heures ; que, si l'article 66 de la Constitution exige que toute privation de liberté soit placée sous le contrôle de l'autorité judiciaire, il n'impose pas que cette dernière soit saisie préalablement à toute mesure de privation de liberté ; que, par suite, la compétence du maire de la commune ou, à Paris, du commissaire de police, pour ordonner, en cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, toutes les mesures provisoires, y compris des mesures portant atteinte à la liberté individuelle, ne méconnaît pas les exigences tirées de l'article 66 de la Constitution ;
9. Considérant, en troisième lieu, que l'article L. 3213-2 n'est applicable qu'en cas de danger imminent pour la sûreté des personnes et ne s'applique qu'aux personnes dont le comportement révèle des troubles mentaux manifestes ; que, dans ces conditions, le législateur pouvait, sans méconnaître les exigences constitutionnelles précitées, permettre qu'une mesure de privation de liberté provisoire soit ordonnée après un simple avis médical ;
10. Considérant, toutefois, que la privation de liberté prévue par l'article L. 3213-2 est fondée sur l'existence de troubles mentaux ; qu'en permettant qu'une telle mesure puisse être prononcée sur le fondement de la seule notoriété publique, les dispositions de cet article n'assurent pas qu'une telle mesure est réservée aux cas dans lesquels elle est adaptée, nécessaire et proportionnée à l'état du malade ainsi qu'à la sûreté des personnes ou la préservation de l'ordre public ; que, par suite, les mots : « ou, à défaut, par la notoriété publique » doivent être déclarés contraires à la Constitution ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, pour le surplus, l'article L. 3213-2 du code de la santé publique n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ;
Sur l'article L. 3213-3 du code de la santé publique :
12. Considérant que l'article L. 3213-3 se borne à imposer l'examen du malade dans les quinze jours puis un mois après l'hospitalisation et ensuite au moins tous les mois par un psychiatre de l'établissement qui transmet son certificat médical au représentant de l'Etat dans le département et à la commission départementale des hospitalisations psychiatriques ; qu'en lui-même, cet article n'est contraire à aucun droit ou liberté que la Constitution garantit ; qu'il doit être déclaré conforme à la Constitution ;
Sur l'effet dans le temps de la présente décision :
13. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ; que l'abrogation des mots : « ou, à défaut, par la notoriété publique » prend effet à compter de la publication de la présente décision ; qu'elle est applicable à toutes les instances non jugées définitivement à cette date,
Décide

Article 1

L'article L. 3213-2 du code de la santé publique, les mots : « ou, à défaut, par la notoriété publique » sont contraires à la Constitution.

Article 2

La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées au considérant 13

Article 3

Le surplus de l'article L. 3213-2 et l'article L. 3213-3 du code de la santé publique sont conformes à la Constitution

Article 4

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 6 octobre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ

Décision n° 2011-175 QPC du 6 octobre 2011

SOCIÉTÉ TRAVAUX INDUSTRIELS MARITIMES ET TERRESTRES ET AUTRES

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 7 juillet 2011 par la Cour de cassation (deuxième chambre civile, arrêts n°s 1553, 1554 et 1555 du 7 juillet 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par les sociétés Travaux industriels maritimes et terrestres, Fouré Lagadec et Isotherma relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 47 de la loi n° 2004-1370 du 20 décembre 2004 de financement de la sécurité sociale pour 2005.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999, modifiée ;
Vu la loi n° 2004-1370 du 20 décembre 2004 de financement de la sécurité sociale pour 2005 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail Sud-Est par Me Dominique Foussard avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 8 août 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 8 août 2011 ;
Vu les observations produites pour les sociétés requérantes par la SCP Sagon Lasne Loevenbruck, avocat au barreau du Havre, enregistrées le 29 août 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Bruno Sagon pour les sociétés requérantes, Me Dominique Foussard, pour la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail Sud-Est et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 27 septembre 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 47 de la loi du 20 décembre 2004 susvisée : « I. ― Il est institué, au profit du Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante créé par l'article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 (n° 98-1194 du 23 décembre 1998), une contribution, due pour chaque salarié ou ancien salarié à raison de son admission au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité. Cette contribution est à la charge de l'entreprise qui a supporté ou qui supporte, au titre de ses cotisations pour accidents du travail et maladies professionnelles, la charge des dépenses occasionnées par la maladie professionnelle provoquée par l'amiante dont est atteint le salarié ou ancien salarié. Lorsque le salarié n'est atteint par aucune maladie professionnelle provoquée par l'amiante, cette contribution est à la charge :
« 1° D'une ou plusieurs entreprises dont les établissements sont mentionnés au premier alinéa du I du même article 41 ;
« 2° D'une ou plusieurs entreprises de manutention ou d'un ou plusieurs organismes gestionnaires de port pour, respectivement, les dockers professionnels et les personnels portuaires assurant la manutention dans les ports mentionnés au sixième alinéa du I du même article 41.
« Pour la détermination de l'entreprise ou organisme redevable de la contribution au titre du 1°, les règles suivantes s'appliquent :
« a) Lorsque l'établissement est exploité successivement par plusieurs entreprises, la contribution est due par l'entreprise qui exploite l'établissement à la date d'admission du salarié à l'allocation ;
« b) Lorsqu'un salarié a travaillé au sein de plusieurs entreprises exploitant des établissements distincts, le montant de la contribution est réparti en fonction de la durée du travail effectué par le salarié au sein de ces établissements pendant la période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante.
« Pour l'application du 2°, lorsqu'un salarié a été employé par plusieurs entreprises ou organismes, le montant de la contribution est réparti au prorata de la période travaillée dans ces entreprises ou organismes. Lorsqu'un docker professionnel admis à l'allocation relève ou a relevé de la catégorie des dockers professionnels intermittents au sens du III de l'article L. 511-2 du code des ports maritimes, la contribution correspondant à la période d'intermittence est répartie entre tous les employeurs de main-d'œuvre dans le port, au sens de l'article L. 521-6 du même code, au prorata des rémunérations totales brutes payées aux dockers professionnels intermittents pendant cette période d'intermittence.
« La contribution n'est pas due pour le premier bénéficiaire admis au cours d'une année civile.
« II. ― Le montant de la contribution varie en fonction de l'âge du bénéficiaire au moment de son admission au bénéfice de l'allocation. Il est égal, par bénéficiaire de l'allocation, à 15 % du montant annuel brut de l'allocation majoré de 40 % au titre des cotisations d'assurance vieillesse et de retraite complémentaire à la charge du fonds, multiplié par le nombre d'années comprises entre l'âge mentionné ci-dessus et l'âge de soixante ans.
« Le montant de la contribution, qui ne peut dépasser quatre millions d'euros par année civile pour chaque redevable, est plafonné, pour les entreprises redevables de la contribution au titre du I, à 2,5 % de la masse totale des salaires payés au personnel pour la dernière année connue.
« Les entreprises placées en redressement ou en liquidation judiciaire sont exonérées de la contribution.
« III. ― La contribution est appelée, recouvrée et contrôlée, selon les règles et sous les garanties et sanctions applicables au recouvrement des cotisations du régime général, par les organismes mentionnés à l'article L. 213-1 du code de la sécurité sociale désignés par le directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale.
« Elle est exigible le premier jour du troisième mois de chaque trimestre civil pour les personnes entrant dans le dispositif au cours du trimestre précédent.
« Pour les salariés ou anciens salariés relevant ou ayant relevé du régime de protection sociale des personnes salariées des professions agricoles, la contribution due est appelée, recouvrée et contrôlée par les caisses de mutualité sociale agricole selon les règles et sous les garanties et sanctions applicables au recouvrement des cotisations dues au régime de protection sociale des personnes salariées des professions agricoles. La date limite de paiement de la contribution est fixée au quinzième jour du deuxième mois de chaque trimestre civil pour les personnes entrant dans le dispositif au cours du trimestre précédent.
« IV. ― Un décret fixe les modalités d'application du présent article.
« V. ― Les dispositions du présent article s'appliquent aux admissions au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité prononcées à compter du 5 octobre 2004 » ;
2. Considérant que, selon les sociétés requérantes, ces dispositions imposent à une entreprise n'ayant pas placé ses salariés au contact de l'amiante de contribuer au Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante dès lors qu'elle succède à une entreprise ayant placé ses salariés au contact de l'amiante ; qu'ainsi, elles porteraient atteinte aux principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques ; que les mêmes dispositions méconnaîtraient également la liberté d'entreprendre, le principe de sécurité juridique et celui de la qualité de la loi ;
3. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le a du paragraphe I de l'article 47 de la loi du 20 décembre 2004 susvisée ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi... doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; qu'il n'en résulte pas pour autant que le principe d'égalité oblige à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; que le législateur doit, pour se conformer au principe d'égalité devant les charges publiques, fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de cette égalité ;
6. Considérant qu'en vertu de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 susvisée une allocation de cessation anticipée d'activité peut être versée aux salariés et anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparation navales ; que le même article crée le Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante chargé de financer cette allocation ;
7. Considérant que l'article 47 de la loi du 20 décembre 2004 susvisée a pour objet d'assurer le financement de cette allocation ; qu'à cette fin le législateur a mis la contribution au Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante à la charge des entreprises exploitant des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparation navales ; qu'en retenant que, lorsque l'établissement est exploité successivement par plusieurs entreprises, la contribution est due par l'entreprise qui exploite l'établissement à la date d'admission du salarié à l'allocation de cessation anticipée d'activité, le législateur s'est fondé sur un critère objectif et rationnel en rapport direct avec le but qu'il s'est assigné ;
8. Considérant que le principe d'égalité n'oblige pas le législateur à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes ; qu'en désignant comme redevables de la contribution les entreprises qui ont pris la succession de l'exploitant d'un établissement ayant exposé ses salariés au risque de l'amiante, sans opérer de distinction selon qu'elles ont ou non elles-mêmes exposé leurs salariés à ce risque, le législateur n'a pas méconnu le principe d'égalité ;
9. Considérant que, par les dispositions du a du paragraphe I de l'article 47 de la loi du 20 décembre 2004 susvisée, le législateur n'a pas méconnu la liberté d'entreprendre ; qu'il n'a pas porté aux situations légalement acquises une atteinte qui serait contraire à la garantie des droits proclamée par l'article 16 de la Déclaration de 1789 ; que la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi ne peut, en elle-même, être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution ;
10. Considérant que le a du paragraphe I de l'article 47 de la loi du 20 décembre 2004 susvisée n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide

Article 1

Le a du paragraphe I de l'article 47 de la loi n° 2004-1370 du 20 décembre 2004 de financement de la sécurité sociale pour 2005 est conforme à la Constitution

Article 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 6 octobre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ

Décision n° 2011-176 QPC du 6 octobre 2011

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 8 juillet 2011 par la Cour de cassation (troisième chambre civile, arrêt n° 1050 du 8 juillet 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Simone S. et M. Bruno S., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du 1° du paragraphe I de l'article 72 de la loi n° 67-1253 du 30 décembre 1967 d'orientation foncière.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi n° 67-1253 du 30 décembre 1967 d'orientation foncière ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-33 QPC du 22 septembre 2010 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour les requérants par la SELARL Cabinet Durand, avocat au barreau de Nîmes, enregistrées les 22 juillet et 26 août 2011 ;
Vu les observations produites pour la ville de Nîmes par Me Jean-Marc Maillot, avocat au barreau de Montpellier, enregistrées le 29 juillet 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 8 août 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Elisabeth Durand pour le requérant et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 27 septembre 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que le paragraphe I de l'article 72 de la loi du 30 décembre 1967 d'orientation foncière susvisée prévoit que dans les communes où est instituée la taxe locale d'équipement et dans celles qui ont, dans les conditions prévues au 1° de l'article 62, renoncé à la percevoir, aucune contribution aux dépenses d'équipements publics ne peut être obtenue des constructeurs, notamment sous la forme de participation financière, de fonds de concours ou de réalisation de travaux, à l'exception : « 1° Des cessions gratuites de terrains destinés à être affectés à certains usages collectifs. Un décret précisera les conditions dans lesquelles ces cessions pourront être obtenues des constructeurs » ;
2. Considérant que, selon les requérants, les dispositions du 1° du paragraphe I de l'article 72 de la loi du 30 décembre 1967 susvisée, qui permettent aux communes de s'approprier des terrains par le biais d'une cession forcée et gratuite, méconnaissent l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ainsi que l'article 34 de la Constitution ;
3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé » ; que la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où est affecté un droit ou une liberté que la Constitution garantit;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 17 de la Déclaration de 1789 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution : « La loi détermine les principes fondamentaux... de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources... du régime de la propriété » ;
5. Considérant que le 1° du paragraphe I de l'article 72 de la loi du 30 décembre 1967 susvisée permet aux communes d'imposer aux constructeurs, à l'occasion de la délivrance des autorisations de construire ou de lotir, la cession gratuite d'une partie de leur terrain ; qu'il attribue à la collectivité publique le plus large pouvoir d'appréciation sur l'application de cette disposition et ne définit pas les usages publics auxquels doivent être affectés les terrains ainsi cédés ; qu'aucune autre disposition législative n'institue les garanties permettant qu'il ne soit pas porté atteinte à l'article 17 de la Déclaration de 1789 ; que, par suite, le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence ; qu'il s'ensuit que le 1° du I de l'article 72 de la loi du 30 décembre 1967 doit être déclaré contraire à la Constitution ;
6. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ; que la présente déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la publication de la présente décision ; qu'elle peut être invoquée dans les instances en cours à cette date et dont l'issue dépend de l'application des dispositions déclarées inconstitutionnelles,
Décide

Article 1

Le 1° du paragraphe I de l'article 72 de la loi du 30 décembre 1967 d'orientation foncière est déclaré contraire à la Constitution.

Article 2

La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées par son considérant 6

Article 3

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 6 octobre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ

Décision n° 2011-177 QPC du 6 octobre 2011

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 8 juillet 2011 par le Conseil d'Etat (décision n° 345846 du 8 juillet 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Eric A., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du troisième alinéa de l'article 82 de la loi d'urbanisme n° 324 du 15 juin 1943.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution du 4 octobre 1958 modifiée ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi d'urbanisme n° 324 du 15 juin 1943 ;
Vu l'ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental, notamment ses articles 2 et 7 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la commune d'Annecy-le-Vieux par la SCP Hélène Masse-Dessen et Gilles Thouvenin, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 26 juillet 2011 ;
Vu les observations produites pour le requérant par Me Bernard Georges, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 2 août 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 8 août 2011 ;
Vu la lettre du 15 septembre 2011 par laquelle le Conseil constitutionnel a soumis aux parties un grief susceptible d'être soulevé d'office ;
Vu les observations produites par le Premier ministre et pour la commune d'Annecy-le-Vieux par la SCP Hélène Masse-Dessen et Gilles Thouvenin sur le grief soulevé d'office, enregistrées le 22 septembre 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendu à l'audience publique du 13 septembre 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 82 de la loi du 15 juin 1943 susvisée : « Constituent un lotissement au sens du présent chapitre l'opération et le résultat de l'opération ayant pour objet ou ayant eu pour effet la division volontaire d'une ou plusieurs propriétés foncières par ventes ou locations simultanées ou successives, consenties en vue de l'habitation » ;
2. Considérant que, selon le requérant, ces dispositions, en permettant à un terrain d'être rétroactivement inclus dans un lotissement, portent atteinte au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ainsi qu'au principe de la liberté contractuelle qui découle de son article 4 ;
3. Considérant, en premier lieu, que la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ; qu'aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'en l'absence de privation du droit de propriété au sens de cet article, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les limites apportées à son exercice doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi ;
4. Considérant, d'une part, qu'en permettant d'inclure dans un lotissement une parcelle détachée d'une propriété, les dispositions contestées n'ont ni pour objet ni pour effet d'entraîner la privation du droit de propriété ; que, dès lors, elles n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 17 de la Déclaration de 1789 ;
5. Considérant, d'autre part, que les règles applicables aux lotissements tendent à assurer la maîtrise de l'occupation des sols ; qu'en permettant d'inclure dans un lotissement, à titre rétroactif, une parcelle qui a été antérieurement détachée d'une propriété, les dispositions contestées ont pour objet d'éviter que les divisions successives de parcelles n'échappent à ces règles ; qu'en elle-même l'inclusion d'un terrain dans un lotissement n'apporte pas à l'exercice du droit de propriété des limitations disproportionnées à l'objectif poursuivi ;
6. Considérant, en second lieu, que le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt général suffisant sans méconnaître les exigences résultant des articles 4 et 16 de la Déclaration de 1789 ; qu'en elles-mêmes les dispositions contestées ne portent aucune atteinte aux contrats légalement conclus ; que, dès lors, le grief tiré de l'atteinte à la liberté contractuelle doit être écarté ;
7. Considérant que le troisième alinéa de l'article 82 de la loi d'urbanisme du 15 juin 1943 susvisée n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

Article 1

Le troisième alinéa de l'article 82 de la loi d'urbanisme n° 324 du 15 juin 1943 est conforme à la Constitution

Article 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 6 octobre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ

DECISIONS DES 13 ET 14 OCTOBRE 2011

Décision n° 2011-181 QPC du 13 octobre 2011

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 13 juillet 2011 par le Conseil d'Etat (décision n° 349660 du 13 juillet 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Antoine C., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 63 du code du service national, dans sa rédaction issue de la loi n° 71-424 du 10 juin 1971 portant code du service national.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code du service national ;
Vu la loi n° 71-424 du 10 juin 1971 portant code du service national ;
Vu la loi n° 83-605 du 8 juillet 1983 modifiant le code du service national ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par CJA Public Chavent-Mouseghian, avocat au barreau de Saint-Etienne, enregistrées les 1er, 9 et 29 août 2011 ;
Vu les observations produites en intervention par M. Alain C., enregistrées les 1er août et 12 septembre 2011 ;
Vu les observations produites en intervention pour M. Jean-Pierre A. par la SCP J. Barthélemy, O. Matuchansky, C. Vexliard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 2 août 2011 ;
Vu les observations produites en intervention par M. André C., enregistrées le 5 août 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 10 août 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Yves Chavent pour le requérant et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 4 octobre 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 63 du code du service national, dans sa rédaction issue de la loi du 10 juin 1971 susvisée : « Les hommes ayant satisfait aux obligations du service national actif ainsi que ceux qui sont en position régulière au regard du présent code sont réputés avoir satisfait aux obligations exigées par l'article 16 de l'ordonnance n° 59-244 du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires et par l'article 16 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.
« Le temps de service national actif, accompli dans l'une des formes du titre III, est compté, dans la fonction publique, pour sa durée effective dans le calcul de l'ancienneté de service exigée pour l'avancement et pour la retraite.
« Le temps obligatoirement passé dans le service militaire ou le service de défense en sus du service national actif est pris en compte intégralement pour l'avancement et pour la retraite » ;
2. Considérant que, selon le requérant, ces dispositions, qui excluent les fonctionnaires ayant accompli en qualité d'objecteur de conscience leur service national avant l'entrée en vigueur de la loi du 8 juillet 1983 susvisée, méconnaissent le principe d'égalité devant la loi ;
3. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le deuxième alinéa de l'article L. 63 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 10 juin 1971 susvisée ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
5. Considérant que, d'une part, les dispositions contestées, en réservant la mesure de reprise d'ancienneté aux jeunes gens ayant accompli leur service national dans les conditions prévues au titre III dudit code, excluent du bénéfice de cette mesure les objecteurs de conscience qui relevaient, avant la loi du 8 juillet 1983, du titre II ; qu'aux termes de l'article 41 du code du service national, dans sa rédaction issue de la loi du 10 juin 1971 : « Les jeunes gens qui, avant leur incorporation, se déclarent, en raison de leurs convictions religieuses ou philosophiques, opposés en toutes circonstances à l'usage personnel des armes peuvent être admis à satisfaire aux obligations du service national... soit dans une formation militaire non armée, soit dans une formation civile assurant un travail d'intérêt général » ; que, d'autre part, le législateur, par les dispositions contestées, a entendu assimiler, pour le calcul des droits à la retraite des agents de la fonction publique, cette période à un service accompli dans la fonction publique ; qu'ainsi il a prévu que le temps de service national actif soit compté, dans la fonction publique, pour sa durée effective dans le calcul de l'ancienneté de service exigée pour l'avancement et pour la retraite ; que, par suite, en excluant du bénéfice de cette mesure les objecteurs de conscience, il a institué, au regard de l'objet de la loi, une différence de traitement injustifiée ;
6. Considérant qu'il suit de là que, dans le deuxième alinéa de l'article L. 63 du code du service national, dans sa rédaction issue de la loi du 10 juin 1971 susvisée, les mots : « accompli dans l'une des formes du titre III » doivent être déclarés contraires à la Constitution ; que cette déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la publication de la présente décision ; qu'elle peut être invoquée dans les instances en cours à cette date et dont l'issue dépend des dispositions déclarées inconstitutionnelles ;
7. Considérant que, pour le surplus, le deuxième alinéa de l'article L. 63 du code national, dans sa rédaction issue de la loi du 10 juin 1971, n'est contraire à aucun droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

Article 1

Dans le deuxième alinéa de l'article L. 63 du code du service national, dans sa rédaction issue de la loi n° 71-424 du 10 juin 1971 portant code du service national, les mots : « , accompli dans l'une des formes du titre III, » sont contraires à la Constitution

Article 2

La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées au considérant 6

Article 3

Le surplus du deuxième alinéa de l'article L. 63 du code du service national, dans sa rédaction issue de la même loi, est conforme à la Constitution

Article 4

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 13 octobre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ

Décision n° 2011-180 QPC du 13 octobre 2011

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 13 juillet 2011 par le Conseil d'Etat (décision n° 349383-349401 du 13 juillet 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Jean-Luc O., l'Association de défense des retraites supplémentaires d'entreprise (ADRESE), MM. Jean-Claude A. et Alain V., relative à la conformité du troisième alinéa de l'article L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale aux droits et libertés que la Constitution garantit.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011 ;
Vu la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour M. O. par Me Stéphane Austry, avocat au barreau des Hauts-de-Seine, enregistrées les 9 et 29 août 2011 ;
Vu les observations produites pour l'ADRESE, MM. A. et V. par la SCP David Gaschignard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées les 10 et 31 août 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 10 août 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Austry pour M. O.D., Me Gaschignard pour l'ADRESE, MM. A. et V. et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 4 octobre 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi du 29 décembre 2010 susvisée : « Les rentes versées dans le cadre des régimes mentionnés au I de l'article L. 137-11 sont soumises à une contribution à la charge du bénéficiaire.
« Les rentes versées au titre des retraites liquidées avant le 1er janvier 2011 sont soumises à une contribution sur la part qui excède 500 euros par mois. Le taux de cette contribution est fixé à 7 % pour les rentes dont la valeur mensuelle est comprise entre 500 et 1 000 euros par mois. Pour les rentes dont la valeur mensuelle est supérieure à 1 000 euros par mois, ce taux est fixé à 14 %.
« Les rentes versées au titre des retraites liquidées à compter du 1er janvier 2011 sont soumises à une contribution lorsque leur valeur est supérieure à 400 euros par mois. Le taux de cette contribution est fixé à 14 % pour les rentes dont la valeur est supérieure à 600 euros par mois. Pour les rentes dont la valeur mensuelle est comprise entre 400 et 600 euros par mois, ce taux est fixé à 7 %.
« Ces valeurs sont revalorisées chaque année en fonction de l'évolution du plafond défini à l'article L. 241-3 et arrondies selon les règles définies à l'article L. 130-1. La contribution est précomptée et versée par les organismes débiteurs des rentes et recouvrée et contrôlée dans les mêmes conditions que la contribution mentionnée à l'article L. 136-1 due sur ces rentes » ;
2. Considérant que, selon les requérants, ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité devant l'impôt garanti par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ainsi que la garantie des droits protégée par l'article 16 de la même Déclaration ;
Sur le principe d'égalité devant l'impôt :
3. Considérant que les requérants soutiennent, en premier lieu, que les dispositions contestées ne permettent de tenir compte ni de l'ensemble des facultés contributives du contribuable bénéficiaire d'une telle retraite supplémentaire, ni des facultés contributives de son foyer, ni des personnes qui sont à sa charge ; qu'en deuxième lieu, ils font valoir que ces dispositions ne frappent que les bénéficiaires d'une telle retraite supplémentaire à l'exclusion des bénéficiaires des autres types de retraite supplémentaire ; qu'en troisième lieu, ils estiment que le barème retenu crée des effets de seuil constitutifs d'une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;
4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; qu'il n'en résulte pas pour autant que le principe d'égalité oblige à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes ;
5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; que, pour l'application du principe d'égalité devant l'impôt, la situation des redevables s'apprécie au regard de chaque imposition prise isolément ; que, dans chaque cas, le législateur doit, pour se conformer au principe d'égalité devant l'impôt, fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;
6. Considérant que l'article L. 137-11 s'applique au régime de retraite supplémentaire dans lequel la constitution de droits à prestations est subordonnée à l'achèvement de la carrière du bénéficiaire dans l'entreprise ; qu'en raison de cet aléa, empêchant l'individualisation du financement de la retraite par le salarié, le bénéficiaire ne contribue pas à l'acquisition de ses droits ; que ce régime se distingue de celui des retraites supplémentaires à droits certains dans lequel, l'individualisation par salarié étant possible, le bénéficiaire y contribue ; qu'en instituant un prélèvement sur les rentes versées, l'article L. 137-11-1 vise à faire participer les bénéficiaires qui relèvent de ce texte au financement de l'ensemble des retraites et à réduire la différence de charges supportées par chacune des catégories de titulaires ; que la différence de traitement qui en résulte est en rapport direct avec l'objet de la loi ;
7. Considérant qu'en fondant le prélèvement sur le montant des rentes versées, le législateur a choisi un critère objectif et rationnel en fonction de l'objectif de solidarité qu'il vise ; que, pour tenir compte des facultés contributives du bénéficiaire, il a prévu un mécanisme d'exonération et d'abattement, institué plusieurs tranches et fixé un taux maximal de 14 % ; que, par suite, les dispositions contestées, dont les effets de seuil ne sont pas excessifs, ne créent pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant l'impôt doit être rejeté ;
Sur la garantie des droits :
9. Considérant que, selon les requérants, le législateur, en assujettissant à un nouveau prélèvement les rentes versées dans le cadre du paragraphe I de l'article L. 137-11 du même code au titre des retraites liquidées avant le 1er janvier 2011, remet en cause des situations contractuellement constituées, en méconnaissance de la garantie des droits ;
10. Considérant qu'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions ; que, ce faisant, il ne saurait toutefois priver de garanties légales des exigences constitutionnelles ; qu'en particulier, il méconnaîtrait la garantie des droits proclamés par l'article 16 de la Déclaration de 1789 s'il portait aux situations légalement acquises une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt général suffisant ;
11. Considérant que l'institution, par les dispositions contestées, d'un prélèvement sur les rentes versées ne porte pas, en elle-même, atteinte aux droits à la retraite ; que le grief tiré de la méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration de 1789 doit être écarté ;
12. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

Article 1

L'article L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale est conforme à la Constitution.

Article 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 13 octobre 2011, où siégeaient : M. Jacques BARROT, exerçant les fonctions de président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ

Décision n° 2011-182 QPC du 14 octobre 2011

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 19 juillet 2011 par le Conseil d'Etat (décision n° 349657 du 18 juillet 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Pierre T., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 321-5-1 du code forestier.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code forestier ;
Vu la loi n° 2001-602 du 9 juillet 2001 d'orientation sur la forêt ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 11 août 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 11 août 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Vincent Delaporte pour le requérant et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 4 octobre 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 321-5-1 du code forestier dans sa rédaction issue de la loi n° 2001-602 du 9 juillet 2001 susvisée : « Dans les bois classés en application de l'article L. 321-1 et dans les massifs forestiers mentionnés à l'article L. 321-6, une servitude de passage et d'aménagement est établie par l'Etat à son profit ou au profit d'une autre collectivité publique, d'un groupement de collectivités territoriales ou d'une association syndicale pour assurer exclusivement la continuité des voies de défense contre l'incendie, la pérennité des itinéraires constitués, ainsi que l'établissement des équipements de protection et de surveillance des forêts. L'assiette de cette servitude ne peut excéder la largeur permettant l'établissement d'une bande de roulement de six mètres pour les voies. Si les aménagements nécessitent une servitude d'une largeur supérieure, celle-ci est établie après enquête publique.
« En zone de montagne, une servitude de passage et d'aménagement nécessaire à l'enlèvement des bois bénéficie à tout propriétaire.
« A défaut d'accord amiable, le juge fixe l'indemnité comme en matière d'expropriation.
« Si l'exercice de cette servitude rend impossible l'utilisation normale des terrains grevés, leurs propriétaires peuvent demander l'acquisition de tout ou partie du terrain d'assiette de la servitude et éventuellement du reliquat des parcelles.
« Les voies de défense contre l'incendie ont le statut de voies spécialisées, non ouvertes à la circulation générale » ;
2. Considérant que, selon le requérant, ces dispositions, en instituant une servitude de passage et d'aménagement, n'apportent pas seulement des limites à l'exercice du droit de propriété mais organisent, sans garantie légale, une privation de propriété en violation des articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'elles méconnaîtraient également les articles 16 de la Déclaration de 1789 et 7 de la Charte de l'environnement ;
3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé » ; que la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où est affecté un droit ou une liberté que la Constitution garantit ;
4. Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ; qu'aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'en l'absence de privation du droit de propriété il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les limites apportées à son exercice doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi ;
5. Considérant, en premier lieu, que le droit accordé à l'Etat, par les dispositions contestées, d'établir une servitude de passage et d'aménagement pour assurer la continuité des voies de défense contre l'incendie, la pérennité des itinéraires constitués, ainsi que l'établissement des équipements de protection et de surveillance des forêts n'entraîne pas une privation de propriété au sens de l'article 17 de la Déclaration de 1789 ;
6. Considérant, en second lieu, d'une part, qu'en permettant l'établissement d'une servitude de passage et d'aménagement dans les propriétés privées pour faciliter la lutte contre les incendies de forêts les dispositions contestées poursuivent un but d'intérêt général ;
7. Considérant, d'autre part, que le législateur a délimité la portée et l'objet de la servitude de passage et d'aménagement et prévu que l'assiette de celle-ci ne pouvait excéder la largeur permettant l'établissement d'une bande de roulement de six mètres pour les voies ; qu'il a précisé que si les aménagements nécessitent une servitude d'une largeur supérieure, celle-ci est établie après enquête publique ; qu'il a prévu l'indemnisation des propriétaires des terrains grevés par la servitude en posant la règle qu'à défaut d'accord amiable le juge fixait l'indemnité comme en matière d'expropriation ;
8. Considérant, toutefois, que le législateur s'est en l'espèce borné à prévoir une enquête publique pour les seuls cas où les aménagements nécessitent une servitude d'une largeur supérieure à six mètres ; que, faute d'avoir prévu, dans les autres cas, le principe d'une procédure destinée à permettre aux propriétaires intéressés de faire connaître leurs observations ou tout autre moyen destiné à écarter le risque d'arbitraire dans la détermination des propriétés désignées pour supporter la servitude, les dispositions contestées doivent être déclarées contraires à la Constitution ;
9. Considérant qu'en principe une déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à la partie qui a présenté la question prioritaire de constitutionnalité ; que, toutefois, l'abrogation immédiate de l'article L. 321-5-1 du code forestier aurait des conséquences manifestement excessives ; que, par suite, afin de permettre au législateur de mettre fin à cette inconstitutionnalité, il y a lieu de reporter au 1er janvier 2013 la date de cette abrogation,
Décide :

Article 1

L'article L. 321-5-1 du code forestier est contraire à la Constitution.

Article 2

La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet le 1er janvier 2013 dans les conditions fixées au considérant 9

Article 3

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 13 octobre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ

Décision n° 2011-183/184 QPC du 14 octobre 2011

(ASSOCIATION FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT)

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 19 juillet 2011 par le Conseil d'Etat (décision n° 340539 du 18 juillet 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par l'association France Nature Environnement, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 511-2 du code de l'environnement dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2009-663 du 11 juin 2009 relative à l'enregistrement de certaines installations classées pour la protection de l'environnement. Il a également été saisi, le même jour, par le Conseil d'Etat (décision n° 340551-340553 du 18 juillet 2011), dans les mêmes conditions, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la même association, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe III de l'article L. 512-7 du même code dans sa rédaction issue de la même ordonnance du 11 juin 2009.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu l'ordonnance n° 2009-663 du 11 juin 2009 relative à l'enregistrement de certaines installations classées pour la protection de l'environnement ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par l'association requérante, enregistrées le 11 août et le 1er septembre 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 11 août et le 1er septembre 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Benoît Busson pour l'association requérante et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 4 octobre 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'il y a lieu de joindre ces deux questions prioritaires de constitutionnalité pour statuer par une seule décision ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-2 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 11 juin 2009 susvisée : « Les installations visées à l'article L. 511-1 sont définies dans la nomenclature des installations classées établie par décret en Conseil d'Etat, pris sur le rapport du ministre chargé des installations classées, après avis du Conseil supérieur des installations classées. Ce décret soumet les installations à autorisation, à enregistrement ou à déclaration suivant la gravité des dangers ou des inconvénients que peut présenter leur exploitation. »
« Les projets de décrets de nomenclature concernant les installations enregistrées font l'objet d'une publication, éventuellement par voie électronique, avant transmission pour avis au Conseil supérieur des installations classées » ;
3. Considérant qu'en vertu du paragraphe I de l'article L. 512-7 du code de l'environnement sont soumises à autorisation simplifiée, sous la dénomination d'enregistrement, les installations qui présentent des dangers ou inconvénients graves pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, lorsque ces dangers et inconvénients peuvent, en principe, eu égard aux caractéristiques des installations et de leur impact potentiel, être prévenus par le respect de prescriptions générales édictées par le ministre chargé des installations classées ; qu'aux termes du paragraphe III de cet article, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 11 juin 2009 : « Les projets de prescriptions générales font l'objet d'une publication, éventuellement par voie électronique, avant transmission pour avis au Conseil supérieur des installations classées. Après avis du Conseil supérieur des installations classées et consultation des ministres intéressés, ces prescriptions générales sont fixées par arrêté du ministre chargé des installations classées » ;
4. Considérant que, selon l'association requérante, les dispositions précitées méconnaissent les exigences constitutionnelles posées par les articles 1er et 7 de la Charte de l'environnement ;
5. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé » ; que la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où est affecté un droit ou une liberté que la Constitution garantit ;
6. Considérant que l'article 7 de la Charte de l'environnement dispose : « Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement » ; que ces dispositions figurent au nombre des droits et libertés que la Constitution garantit ; qu'il incombe au législateur et, dans le cadre défini par la loi, aux autorités administratives de déterminer, dans le respect des principes ainsi énoncés, les modalités de la mise en œuvre de ces dispositions ;
7. Considérant que le premier alinéa de l'article L. 511-1 du code de l'environnement définit les installations classées comme « les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique » ; que, par suite, les décrets de nomenclature mentionnés à l'article L. 511-2 du code de l'environnement, qui déterminent le régime applicable aux installations classées, constituent des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement ; qu'il en va de même des projets de prescriptions générales que doivent respecter, en vertu de l'article L. 512-7 du même code, les installations classées pour la protection de l'environnement soumises à enregistrement ;
8. Considérant que les dispositions contestées prévoient que les projets de décrets de nomenclature ainsi que les projets de prescriptions générales applicables aux installations enregistrées font l'objet d'une publication, éventuellement par voie électronique ; que, toutefois, dans sa rédaction soumise au Conseil constitutionnel, le second alinéa de l'article L. 511-2 ne prévoit pas la publication du projet de décret de nomenclature pour les installations autorisées ou déclarées ; qu'en outre, ni les dispositions contestées ni aucune autre disposition législative n'assurent la mise en œuvre du principe de participation du public à l'élaboration des décisions publiques en cause ; que, par suite, en adoptant les dispositions contestées sans prévoir la participation du public, le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le second alinéa de l'article L. 511-2 du code de l'environnement et le paragraphe III de son article L. 512-7 sont contraires à la Constitution ;
10. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ; que si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration ; que l'abrogation immédiate des dispositions déclarées contraires à la Constitution aurait des conséquences manifestement excessives ; que, par suite, il y a lieu de reporter au 1er janvier 2013 la date d'abrogation de ces dispositions
11. Considérant, pour le surplus, que le premier alinéa de l'article L. 511-2 du code de l'environnement n'est contraire à aucun droit ou liberté que la Constitution garantit ; qu'il doit être déclaré conforme à la Constitution,
Décide :

Article 1

Le second alinéa de l'article L. 511-2 du code de l'environnement et le paragraphe III de son article L. 512-7 sont contraires à la Constitution

Article 2

La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet le 1er janvier 2013 dans les conditions fixées au considérant 10

Article 3

Le premier alinéa de l'article L. 511-2 du code de l'environnement est conforme à la Constitution

Article 4

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 13 octobre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ

DECISIONS DU 21 OCTOBRE 2011

Décision n° 2011-185 QPC du 21 octobre 2011

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 26 juillet 2011 par la Cour de cassation (première chambre civile, arrêt n° 937 du 26 juillet 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Jean-Louis C., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 3213-8 du code de la santé publique.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations pour l'association Groupe d'information asiles produites par Me Corinne Vaillant, avocate au barreau de Paris, enregistrées le 4 août 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 18 août 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Raphaël Mayet, avocat au barreau de Versailles, ainsi que Me Pierre Ricard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour le requérant, Me Vaillant pour l'association intervenante et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 12 octobre 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3213-8 du code de la santé publique, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge : « Il ne peut être mis fin aux hospitalisations d'office intervenues en application de l'article L. 3213-7 que sur les décisions conformes de deux psychiatres n'appartenant pas à l'établissement et choisis par le représentant de l'Etat dans le département sur une liste établie par le procureur de la République, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé de la région dans laquelle est situé l'établissement.
« Ces deux décisions résultant de deux examens séparés et concordants doivent établir que l'intéressé n'est plus dangereux ni pour lui-même ni pour autrui » ;
2. Considérant que, selon le requérant, en subordonnant la levée d'une mesure d'hospitalisation d'office à la décision conforme de deux médecins, ces dispositions méconnaissent l'article 66 de la Constitution ;
3. Considérant que l'article 66 de la Constitution dispose : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. ― L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi » ; que son article 64 garantit l'indépendance de l'autorité judiciaire ;
4. Considérant que les dispositions contestées sont applicables à toute personne ayant fait l'objet d'une mesure d'hospitalisation d'office prononcée en application de l'article L. 3213-7 du même code ; qu'en vertu de cet article, dans sa rédaction antérieure à la loi du 5 juillet 2011 précitée, « lorsque les autorités judiciaires estiment que l'état mental d'une personne qui a bénéficié d'un classement sans suite motivé par les dispositions de l'article 122-1 du code pénal, d'une décision d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental ou d'un jugement ou arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental nécessite des soins et compromet la sûreté des personnes ou porte atteinte, de façon grave, à l'ordre public, elles avisent immédiatement le représentant de l'Etat dans le département, qui prend sans délai toute mesure utile » ;
5. Considérant qu'il résulte des dispositions contestées, telles qu'interprétées par la Cour de cassation, que le juge des libertés et de la détention ne peut mettre fin à l'hospitalisation d'office, ordonnée en application de l'article L. 3213-7 du code de la santé publique, que sur les décisions conformes de deux psychiatres résultant d'examens séparés établissant de façon concordante que l'intéressé n'est plus dangereux ni pour lui-même ni pour autrui ;
6. Considérant que en raison de la spécificité de la situation d'une personne ayant commis des infractions pénales en état de trouble mental, le législateur pouvait assortir de garanties particulières les conditions dans lesquelles la mesure d'hospitalisation d'office dont elle fait l'objet peut être levée ; que, toutefois, en subordonnant à l'avis favorable de deux médecins le pouvoir du juge des libertés et de la détention d'ordonner la sortie immédiate de la personne ainsi hospitalisée, il a méconnu les exigences des articles 64 et 66 de la Constitution ; que, par suite, l'article L. 3213-8 du code de la santé publique dans sa rédaction antérieure à la loi du 5 juillet 2011 précitée doit être déclaré contraire à la Constitution ;
7. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ; que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration ; qu'en l'espèce, il y a lieu de déclarer que l'abrogation de l'article L. 3213-8, dans sa rédaction antérieure à la loi du 5 juillet 2011 précitée, est applicable à toutes les instances non définitivement jugées à la date de la publication de la présente décision,
Décide :

Article 1

L'article L. 3213-8 du code de la santé publique, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge, est contraire à la Constitution.

Article 2

La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées au considérant 7.

Article 3

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 20 octobre 2011, où siégeaient : M. Jacques BARROT, exerçant les fonctions de président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-186/187/188/189 QPC du 21 octobre 2011

Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 26 juillet 2011, par la Cour de cassation (première chambre civile, arrêts n°s 932, 933, 934 et 935 du 26 juillet 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mlle Fazia C., Mme Salimah L., épouse C., Mme Ouahiba L., épouse B., et M. Ali Si Mohamed B., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du 6° du paragraphe II de l'article 20 de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code civil ;
Vu la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration, notamment son article 91 ;
Vu l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 18 août 2011 ;
Vu les observations produites pour les requérants par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 23 août 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Hélène Farge pour les requérants et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 12 octobre 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes du 6° du paragraphe II de l'article 20 de l'ordonnance du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation : « Les dispositions de la présente ordonnance n'ont pas d'effet sur la nationalité des personnes majeures à la date de son entrée en vigueur » ;
2. Considérant que, selon les requérants, ces dispositions privent les seuls enfants nés hors mariage qui avaient atteint l'âge de la majorité à la date du 1er juillet 2006, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance du 4 juillet 2005, de la possibilité d'obtenir la nationalité française en rapportant la preuve du lien de filiation qui les rattache à leur mère de nationalité française en se fondant sur la seule mention du nom de leur mère dans leur acte de naissance ; que, par suite, elles méconnaîtraient le principe d'égalité devant la loi ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi... doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
4. Considérant que l'ordonnance du 4 juillet 2005 susvisée a inséré dans le code civil un article 311-25 aux termes duquel : « La filiation est établie, à l'égard de la mère, par la désignation de celle-ci dans l'acte de naissance de l'enfant » ; qu'elle a ainsi étendu à tous les enfants une règle réservée auparavant aux enfants nés dans le mariage ; qu'en vertu du paragraphe I de l'article 20 de la même ordonnance cette règle est en principe applicable aux enfants nés avant comme après le 1er juillet 2006, date de son entrée en vigueur ; que, toutefois, le paragraphe II du même article prévoit une liste d'exceptions parmi lesquelles figurent les dispositions contestées, issues de l'article 91 de la loi du 24 juillet 2006 susvisée ; qu'il en résulte que les enfants nés hors mariage et ayant atteint l'âge de la majorité avant le 2 juillet 2006 ne peuvent se prévaloir de la seule désignation de leur mère, de nationalité française, dans leur acte de naissance, pour obtenir la nationalité française ; qu'ainsi, les dispositions contestées maintiennent, en matière de nationalité, une différence de traitement entre, d'une part, ces enfants et, d'autre part, les enfants nés de parents mariés et ceux nés hors mariage et encore mineurs le 1er juillet 2006 ;
5. Considérant, en premier lieu, que les dispositions contestées limitent les effets sur la nationalité de l'application immédiate de l'article 311-25 du code civil ; que le législateur a entendu éviter un changement de nationalité des personnes majeures à la date d'entrée en vigueur de la nouvelle règle de filiation ; qu'ainsi il a mis les dispositions transitoires de l'ordonnance du 4 juillet 2005 susvisée en cohérence avec celles des articles 17-1 et 20-1 du code civil qui disposent respectivement que « les lois nouvelles relatives à l'attribution de la nationalité d'origine s'appliquent aux personnes encore mineures à la date de leur entrée en vigueur » et que «la filiation de l'enfant n'a d'effet sur la nationalité de celui-ci que si elle est établie durant sa minorité » ; que ces dispositions tendent à assurer la stabilité de la nationalité des personnes à la date de leur majorité ;
6. Considérant, en second lieu, que la différence de traitement qui résulte de la succession de deux régimes juridiques dans le temps n'est pas, en elle-même, contraire au principe d'égalité ; que la différence de traitement qui demeure entre les enfants selon qu'ils sont nés en ou hors mariage ne porte pas sur le lien de filiation mais sur les effets de ce lien sur la nationalité ; qu'elle présente un caractère résiduel ; qu'elle est en lien direct avec l'objectif d'intérêt général de stabilité des situations juridiques que le législateur s'est assigné ; que, dans ces conditions, le respect du principe d'égalité ne lui imposait pas de faire bénéficier les personnes majeures à la date d'entrée en vigueur de la réforme de la filiation des conséquences de cette réforme en matière de nationalité ;
7. Considérant que le 6° du paragraphe II de l'article 20 de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation n'est contraire ni au principe d'égalité devant la loi ni à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide

Article 1

Le 6° du paragraphe II de l'article 20 de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation est conforme à la Constitution.

Article 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 20 octobre 2011, où siégeaient : M. Jacques BARROT, exerçant les fonctions de président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-190 QPC du 21 octobre 2011

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 26 juillet 2011 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 4306 du 20 juillet 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Bruno L. et la société HACHETTE FILIPACCHI ASSOCIÉS, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 475-1 et 800-2 du code de procédure pénale.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour les requérants par Me Christophe Bigot, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 30 août 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 31 août 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Bigot pour le requérant et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 12 octobre 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 475-1 du code de procédure pénale : « Le tribunal condamne l'auteur de l'infraction à payer à la partie civile la somme qu'il détermine, au titre des frais non payés par l'Etat et exposés par celle-ci. Le tribunal tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation.
« Les dispositions du présent article sont également applicables aux organismes tiers payeurs intervenant à l'instance » ;
2. Considérant qu'aux termes de son article 800-2 : « A la demande de l'intéressé, toute juridiction prononçant un non-lieu, une relaxe ou un acquittement peut accorder à la personne poursuivie une indemnité qu'elle détermine au titre des frais non payés par l'Etat et exposés par celle-ci.
« Cette indemnité est à la charge de l'Etat. La juridiction peut toutefois ordonner qu'elle soit mise à la charge de la partie civile lorsque l'action publique a été mise en mouvement par cette dernière.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article » ;
3. Considérant que, selon les requérants, il résulte de ces dispositions que les conditions dans lesquelles la personne poursuivie mais non condamnée peut obtenir le remboursement des frais exposés dans la procédure sont plus restrictives que celles qui permettent à la partie civile d'obtenir de la personne condamnée le remboursement de ces mêmes frais ; que, par suite, ces dispositions méconnaîtraient le droit à une procédure juste et équitable ; que les requérants dénoncent, en particulier, le déséquilibre des droits au profit de la partie civile, d'une part, en cas de nullité de la procédure ou d'irrecevabilité de la constitution de partie civile et, d'autre part, au regard de la situation de la personne civilement responsable ; qu'ils font valoir, en outre, qu'il incomberait au Conseil constitutionnel d'apprécier la constitutionnalité de l'article 800-2 du code de procédure pénale au regard des modalités fixées dans le décret pris pour son application ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 la loi est « la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que son article 16 dispose : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que, si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquels elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense, qui implique en particulier l'existence d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties ;
5. Considérant qu'aucune exigence constitutionnelle n'impose qu'une partie au procès puisse obtenir du perdant le remboursement des frais qu'elle a exposés en vue de l'instance ; que, toutefois, la faculté d'un tel remboursement affecte l'exercice du droit d'agir en justice et les droits de la défense ;
6. Considérant, d'une part, que l'article 475-1 du code de procédure pénale est applicable devant le tribunal correctionnel ainsi que devant la juridiction de proximité, le tribunal de police et la chambre des appels correctionnels ; qu'il se borne à prévoir que la partie civile peut obtenir de l'auteur de l'infraction une indemnité au titre des frais de procédure qu'elle a exposés pour sa défense ; qu'il ne méconnaît aucun droit ou liberté que la Constitution garantit ;
7. Considérant, d'autre part, en premier lieu, que l'article 800-2 du même code a pour objet de permettre à la juridiction d'instruction ou de jugement statuant par une décision mettant fin à l'action publique de faire supporter par l'Etat ou la partie civile une somme au titre des frais non pris en compte au titre des frais de justice que la personne poursuivie mais non condamnée a dû exposer pour sa défense ; qu'en prévoyant que cette somme est à la charge de l'Etat ou peut être mise à celle de la partie civile lorsque l'action publique a été mise en mouvement non par le ministère public mais par cette dernière, le législateur s'est fondé sur un critère objectif et rationnel en lien direct avec l'objet de la loi ;
8. Considérant, en deuxième lieu, qu'en renvoyant à un décret en Conseil d'Etat la détermination des conditions de son application l'article 800-2 du code de procédure pénale ne méconnaît pas, en lui-même, le principe d'égalité ; qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel d'examiner les mesures réglementaires prises pour l'application de cet article ;
9. Considérant, en troisième lieu, que le ministère public n'est pas dans une situation identique à celle de la personne poursuivie ou de la partie civile ; qu'il en va ainsi, notamment, de la mise à la charge de l'Etat des frais de la procédure pénale ; que, par suite, en encadrant les conditions dans lesquelles l'Etat peut être condamné à verser à la personne poursuivie mais non condamnée une indemnité au titre des frais qu'elle a exposés, les dispositions de l'article 800-2 n'ont pas méconnu l'équilibre des droits des parties dans la procédure pénale ;
10. Considérant, en quatrième lieu, que, lorsque l'action publique a été mise en mouvement par la partie civile, les dispositions de l'article 800-2 réservent à la personne poursuivie qui a fait l'objet d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement la possibilité de demander une indemnité au titre des frais exposés pour sa défense ; qu'en revanche, elles privent de la faculté d'obtenir le remboursement de tels frais l'ensemble des parties appelées au procès pénal qui, pour un autre motif, n'ont fait l'objet d'aucune condamnation ; que, dans ces conditions, les dispositions de l'article 800-2 du code de procédure pénale portent atteinte à l'équilibre du droit des parties dans le procès pénal ; que, par suite, elles sont contraires à la Constitution ;
11. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ; que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration ;
12. Considérant que l'abrogation de l'article 800-2 du code de procédure pénale aura pour effet, en faisant disparaître l'inconstitutionnalité constatée, de supprimer les droits reconnus à la personne poursuivie qui a fait l'objet d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement ; que le Conseil constitutionnel ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation de même nature que celui du Parlement ; que, par suite, il y a lieu de reporter au 1er janvier 2013 la date de l'abrogation de cet article afin de permettre au législateur d'apprécier les suites qu'il convient de donner à cette déclaration d'inconstitutionnalité,
Décide :

Article 1

L'article 800-2 du code de procédure pénale est contraire à la Constitution.

Article 2

La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter du 1er janvier 2013 dans les conditions prévues au considérant 12.

Article 3

L'article 475-1 du code de procédure pénale est conforme à la Constitution.

Article 4

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 20 octobre 2011, où siégeaient : M. Jacques BARROT, exerçant les fonctions de président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

DECISIONS DU 10 NOVEMBRE 2011

Décision n° 2011-192 QPC du 10 novembre 2011

(MME EKATERINA B., ÉPOUSE D., ET AUTRES)

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 6 septembre 2011 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 4683 du 31 août 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Ekaterina B., épouse D., MM. Andriy M. et Steven D., Mme Catherine D., Mlle Laurie D., Mmes Magali D. et Morgan D., Mlle Romane D., Mmes Claire-Andrée C., veuve L., et Emilie L., épouse B., M. Guillaume L., Mmes Sandrine L., épouse A., Gisèle L., Julie L., épouse S., et Sandrine L., MM. Alois B. et Martin S., Mme Elodie L., M. Eric L., Mmes Sandrine N., épouse L., et Evelyne L., Mlles Mahona L., Noa R., Pauline L. et Caroline L., M. Guillaume L. et Mme Pascale L., Mlle Sophie S., Mmes Odile S. et Georgette P., MM. Frédéric L., Christophe P., Pierre P., Gilles S., Antoine S., Gilbert E., Matthieu E. et Claude E., Mlle Marine E., Mme Isabelle E., MM. Jérôme E. et Edouard E. et Mme Pierrette E., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 413-9 à 413-12 du code pénal, L. 2311-1 à L. 2312-8 du code de la défense et 56-4 du code de procédure pénale.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de la défense ;
Vu le code pénal ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu la loi n° 98-567 du 8 juillet 1998 instituant une Commission consultative du secret de la défense nationale ;
Vu la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 ;
Vu la loi n° 2009-928 du 29 juillet 2009 relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour Mme Ekaterina B., épouse D., MM. Andriy M. et Steven D., Mme Catherine D., Mlle Laurie D., Mmes Magali D. et Morgan D., Mlle Romane D., Mmes Claire-Andrée C., veuve L., et Emilie L., épouse B., M. Guillaume L., Mmes Sandrine L., épouse A., Gisèle L., Julie L., épouse S., et Sandrine L., MM. Alois B. et Martin S. par Me Olivier Morice, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 23 septembre et 11 octobre 2011 ;
Vu les observations produites pour Mme Elodie L., M. Eric L., Mmes Sandrine N., épouse L., et Evelyne L., Mlles Mahona L., Noa R. et Pauline L., Mlle Caroline L., M. Guillaume L. et Mme Pascale L. par la SCP Boré et Salvé de Bruneton, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées les 23 septembre et 11 octobre 2011 ;
Vu les observations produites pour Mlle Sophie S., Mmes Odile S. et Georgette P., MM. Frédéric L., Christophe P., Pierre P., Gilles S. et Antoine S. par Me Thibault de Montbrial, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 28 septembre et 14 octobre 2011 ;
Vu les observations produites pour MM. Gilbert E., Matthieu E. et Claude E., Mlle Marine E., Mme Isabelle E., MM. Jérôme E. et Edouard E. et Mme Pierrette E. par Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées les 28 septembre et 14 octobre 2011 ;
Vu les observations produites pour la SA DCN International par la SCP Waquet-Farge-Hazan, enregistrées le 29 septembre 2011 ;
Vu les observations produites pour la Fédération des établissements et arsenaux de l'Etat FEAE CFDT par la SCP H. Masse-Dessen et G. Thouvenin, enregistrées le 29 septembre 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 29 septembre 2011 ;
Vu les observations complémentaires produites par le Premier ministre à la demande du Conseil constitutionnel pour les besoins de l'instruction, enregistrées le 14 octobre 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Olivier Morice, Me Louis Boré, Me Spinosi et Me de Montbrial pour les requérants, Me Claire Waquet pour la SA DCN International et Me Hélène Masse-Dessen pour la Fédération des établissements et arsenaux de l'Etat FEAE CFDT et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 19 octobre 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 413-9 du code pénal : « Présentent un caractère de secret de la défense nationale au sens de la présente section les procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques, données informatisées ou fichiers intéressant la défense nationale qui ont fait l'objet de mesures de classification destinées à restreindre leur diffusion ou leur accès.
« Peuvent faire l'objet de telles mesures les procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques, données informatisées ou fichiers dont la divulgation ou auxquels l'accès est de nature à nuire à la défense nationale ou pourrait conduire à la découverte d'un secret de la défense nationale.
« Les niveaux de classification des procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques, données informatisées ou fichiers présentant un caractère de secret de la défense nationale et les autorités chargées de définir les modalités selon lesquelles est organisée leur protection sont déterminés par décret en Conseil d'Etat » ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 413-9-1 du même code : « Seuls peuvent faire l'objet d'une classification au titre du secret de la défense nationale les lieux auxquels il ne peut être accédé sans que, à raison des installations ou des activités qu'ils abritent, cet accès donne par lui-même connaissance d'un secret de la défense nationale.
« La décision de classification est prise pour une durée de cinq ans par arrêté du Premier ministre, publié au Journal officiel, après avis de la Commission consultative du secret de la défense nationale.
« Les conditions d'application du présent article, notamment les conditions de classification des lieux, sont déterminées par décret en Conseil d'Etat » ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 413-10 du même code : « Est puni de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende le fait, par toute personne dépositaire, soit par état ou profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire ou permanente, d'un procédé, objet, document, information, réseau informatique, donnée informatisée ou fichier qui a un caractère de secret de la défense nationale, soit de le détruire, détourner, soustraire ou de le reproduire, soit d'en donner l'accès à une personne non qualifiée ou de le porter à la connaissance du public ou d'une personne non qualifiée.
« Est puni des mêmes peines le fait, par la personne dépositaire, d'avoir laissé accéder à, détruire, détourner, soustraire, reproduire ou divulguer le procédé, objet, document, information, réseau informatique, donnée informatisée ou fichier visé à l'alinéa précédent.
« Lorsque la personne dépositaire a agi par imprudence ou négligence, l'infraction est punie de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende » ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 413-10-1 du même code : « Est puni de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende le fait, par toute personne responsable, soit par état ou profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire ou permanente, d'un lieu classifié au titre du secret de la défense nationale d'en avoir permis l'accès à une personne non qualifiée.
« Est puni des mêmes peines le fait, par toute personne qualifiée, de porter à la connaissance du public ou d'une personne non qualifiée un élément relatif à la nature des installations ou des activités qu'un tel lieu abrite.
« Lorsque la personne responsable a agi par imprudence ou négligence, l'infraction est punie de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende » ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 413-11 du code pénal : « Est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende le fait, par toute personne non visée à l'article 413-10, de :
« 1° S'assurer la possession, accéder à, ou prendre connaissance d'un procédé, objet, document, information, réseau informatique, donnée informatisée ou fichier qui présente le caractère d'un secret de la défense nationale ;
« 2° Détruire, soustraire ou reproduire, de quelque manière que ce soit, un tel procédé, objet, document, information, réseau informatique, donnée informatisée ou fichier ;
« 3° Porter à la connaissance du public ou d'une personne non qualifiée un tel procédé, objet, document, information, réseau informatique, donnée informatisée ou fichier » ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 413-11-1 du même code : « Est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende le fait, par toute personne non qualifiée :
« 1° D'accéder à un lieu classifié au titre du secret de la défense nationale ;
« 2° De porter à la connaissance du public ou d'une personne non qualifiée un élément relatif à la nature des installations ou des activités qu'un tel lieu abrite » ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article 413-12 du même code : « La tentative des délits prévus au premier alinéa de l'article 413-10 et à l'article 413-11 est punie des mêmes peines » ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2311-1 du code de la défense : « Les règles relatives à la définition des informations concernées par les dispositions du présent chapitre sont définies par l'article 413-9 du code pénal » ;
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2312-1 du même code : « La Commission consultative du secret de la défense nationale est une autorité administrative indépendante. Elle est chargée de donner un avis sur la déclassification et la communication d'informations ayant fait l'objet d'une classification en application des dispositions de l'article 413-9 du code pénal, à l'exclusion des informations dont les règles de classification ne relèvent pas des seules autorités françaises.
« L'avis de la Commission consultative du secret de la défense nationale est rendu à la suite de la demande d'une juridiction française.
« Le président de la Commission consultative du secret de la défense nationale, ou son représentant, membre de la commission, est chargé de donner, à la suite d'une demande d'un magistrat, un avis sur la déclassification temporaire aux fins de perquisition de lieux ayant fait l'objet d'une classification » ;
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2312-2 du même code : « La Commission consultative du secret de la défense nationale comprend cinq membres :
« 1° Un président, un vice-président qui le supplée en cas d'absence ou d'empêchement et un membre choisis par le Président de la République sur une liste de six membres du Conseil d'Etat, de la Cour de cassation ou de la Cour des comptes, établie conjointement par le vice-président du Conseil d'Etat, le premier président de la Cour de cassation et le premier président de la Cour des comptes ;
« 2° Un député, désigné pour la durée de la législature par le président de l'Assemblée nationale ;
« 3° Un sénateur, désigné après chaque renouvellement partiel du Sénat par le président du Sénat.
« Le mandat des membres de la commission n'est pas renouvelable.
« Le mandat des membres non parlementaires de la commission est de six ans.
« Sauf démission, il ne peut être mis fin aux fonctions de membre de la commission qu'en cas d'empêchement constaté par celle-ci. Les membres de la commission désignés en remplacement de ceux dont le mandat a pris fin avant son terme normal sont nommés pour la durée restant à courir dudit mandat. Par dérogation au cinquième alinéa, lorsque leur nomination est intervenue moins de deux ans avant l'expiration du mandat de leur prédécesseur, ils peuvent être renouvelés en qualité de membre de la commission » ;
11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2312-3 du même code : « Les crédits nécessaires à la commission pour l'accomplissement de sa mission sont inscrits au programme de la mission "Direction de l'action du Gouvernement” relatif à la protection des droits et des libertés fondamentales.
« Le président est ordonnateur des dépenses de la commission. Il nomme les agents de la commission » ;
12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2312-4 du même code : « Une juridiction française, dans le cadre d'une procédure engagée devant elle, peut demander la déclassification et la communication d'informations, protégées au titre du secret de la défense nationale, à l'autorité administrative en charge de la classification.
« Cette demande est motivée.
« L'autorité administrative saisit sans délai la Commission consultative du secret de la défense nationale.
« Un magistrat, dans le cadre d'une procédure engagée devant lui, peut demander la déclassification temporaire aux fins de perquisition de lieux protégés au titre du secret de la défense nationale au président de la commission. Celui-ci est saisi et fait connaître son avis à l'autorité administrative en charge de la classification dans les conditions prévues par l'article 56-4 du code de procédure pénale » ;
13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2312-5 du même code : « Le président de la commission peut mener toutes investigations utiles.
« Les membres de la commission sont autorisés à connaître de toute information classifiée et d'accéder à tout lieu classifié dans le cadre de leur mission.
« Ils sont astreints au respect du secret de la défense nationale protégé en application des articles 413-9 et suivants du code pénal pour les faits, actes ou renseignements dont ils ont pu avoir connaissance à raison de leurs fonctions.
« Pour l'accomplissement de sa mission, la commission, ou sur délégation de celle-ci son président, est habilitée, nonobstant les dispositions des articles 56 et 97 du code de procédure pénale, à procéder à l'ouverture des scellés des éléments classifiés qui lui sont remis. La commission en fait mention dans son procès-verbal de séance. Les documents sont restitués à l'autorité administrative par la commission lors de la transmission de son avis.
« La commission établit son règlement intérieur » ;
14. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2312-6 du même code : « Les ministres, les autorités publiques, les agents publics ne peuvent s'opposer à l'action de la commission pour quelque motif que ce soit et prennent toutes mesures utiles pour la faciliter » ;
15. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2312-7 du même code : « La commission émet un avis dans un délai de deux mois à compter de sa saisine. Cet avis prend en considération les missions du service public de la justice, le respect de la présomption d'innocence et les droits de la défense, le respect des engagements internationaux de la France ainsi que la nécessité de préserver les capacités de défense et la sécurité des personnels.
« En cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante.
« Le sens de l'avis peut être favorable, favorable à une déclassification partielle ou défavorable.
« L'avis de la commission est transmis à l'autorité administrative ayant procédé à la classification » ;
16. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2312-7-1 du même code : « L'avis du président de la Commission consultative du secret de la défense nationale sur la déclassification d'un lieu aux fins de perquisition, dont le sens peut être favorable, favorable à la déclassification partielle ou défavorable, prend en considération les éléments mentionnés au premier alinéa de l'article L. 2312-7 » ;
17. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2312-8 du même code : « Dans le délai de quinze jours francs à compter de la réception de l'avis de la commission, ou à l'expiration du délai de deux mois mentionné à l'article L. 2312-7, l'autorité administrative notifie sa décision, assortie du sens de l'avis, à la juridiction ayant demandé la déclassification et la communication d'informations classifiées.
« Le sens de l'avis de la commission est publié au Journal officiel de la République française » ;
18. Considérant qu'aux termes de l'article 56-4 du code de procédure pénale : « I. ― Lorsqu'une perquisition est envisagée dans un lieu précisément identifié, abritant des éléments couverts par le secret de la défense nationale, la perquisition ne peut être réalisée que par un magistrat en présence du président de la Commission consultative du secret de la défense nationale. Ce dernier peut être représenté par un membre de la commission ou par des délégués, dûment habilités au secret de la défense nationale, qu'il désigne selon des modalités déterminées par décret en Conseil d'Etat. Le président ou son représentant peut être assisté de toute personne habilitée à cet effet.
« La liste des lieux visés au premier alinéa est établie de façon précise et limitative par arrêté du Premier ministre. Cette liste, régulièrement actualisée, est communiquée à la Commission consultative du secret de la défense nationale ainsi qu'au ministre de la justice, qui la rendent accessible aux magistrats de façon sécurisée. Le magistrat vérifie si le lieu dans lequel il souhaite effectuer une perquisition figure sur cette liste.
« Les conditions de délimitation des lieux abritant des éléments couverts par le secret de la défense nationale sont déterminées par décret en Conseil d'Etat.
« Le fait de dissimuler dans les lieux visés à l'alinéa précédent des procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques, données informatisées ou fichiers non classifiés, en tentant de les faire bénéficier de la protection attachée au secret de la défense nationale, expose son auteur aux sanctions prévues à l'article 434-4 du code pénal.
« La perquisition ne peut être effectuée qu'en vertu d'une décision écrite du magistrat, qui indique au président de la Commission consultative du secret de la défense nationale les informations utiles à l'accomplissement de sa mission. Le président de la commission ou son représentant se transporte sur les lieux sans délai. Au commencement de la perquisition, le magistrat porte à la connaissance du président de la commission ou de son représentant, ainsi qu'à celle du chef d'établissement ou de son délégué, ou du responsable du lieu, la nature de l'infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, les raisons justifiant la perquisition, son objet et les lieux visés par cette perquisition.
« Seul le président de la Commission consultative du secret de la défense nationale, son représentant et, s'il y a lieu, les personnes qui l'assistent peuvent prendre connaissance d'éléments classifiés découverts sur les lieux. Le magistrat ne peut saisir, parmi les éléments classifiés, que ceux relatifs aux infractions sur lesquelles portent les investigations. Si les nécessités de l'enquête justifient que les éléments classifiés soient saisis en original, des copies sont laissées à leur détenteur.
« Chaque élément classifié saisi est, après inventaire par le président de la commission consultative, placé sous scellé. Les scellés sont remis au président de la Commission consultative du secret de la défense nationale, qui en devient gardien. Les opérations relatives aux éléments classifiés saisis ainsi que l'inventaire de ces éléments font l'objet d'un procès-verbal qui n'est pas joint au dossier de la procédure et qui est conservé par le président de la commission consultative.
« La déclassification et la communication des éléments mentionnés dans l'inventaire relèvent de la procédure prévue par les articles L. 2312-4 et suivants du code de la défense.
« II. ― Lorsque à l'occasion d'une perquisition un lieu se révèle abriter des éléments couverts par le secret de la défense nationale, le magistrat présent sur le lieu ou immédiatement avisé par l'officier de police judiciaire en informe le président de la Commission consultative du secret de la défense nationale. Les éléments classifiés sont placés sous scellés, sans en prendre connaissance, par le magistrat ou l'officier de police judiciaire qui les a découverts, puis sont remis ou transmis, par tout moyen en conformité avec la réglementation applicable aux secrets de la défense nationale, au président de la commission afin qu'il en assure la garde. Les opérations relatives aux éléments classifiés font l'objet d'un procès-verbal qui n'est pas joint au dossier de la procédure. La déclassification et la communication des éléments ainsi placés sous scellés relèvent de la procédure prévue par les articles L. 2312-4 et suivants du code de la défense.
« III. ― Lorsqu'une perquisition est envisagée dans un lieu classifié au titre du secret de la défense nationale dans les conditions définies à l'article 413-9-1 du code pénal, elle ne peut être réalisée que par un magistrat en présence du président de la Commission consultative du secret de la défense nationale. Ce dernier peut être représenté par un membre de la commission et être assisté de toute personne habilitée à cet effet.
« Le magistrat vérifie auprès de la Commission consultative du secret de la défense nationale si le lieu dans lequel il souhaite effectuer une perquisition fait l'objet d'une mesure de classification.
« La perquisition ne peut être effectuée qu'en vertu d'une décision écrite et motivée qui indique la nature de l'infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, les raisons justifiant la perquisition et l'objet de celle-ci, ainsi que le lieu visé par la perquisition. Le magistrat transmet cette décision au président de la Commission consultative du secret de la défense nationale. Il la porte, au commencement de la perquisition, à la connaissance du chef d'établissement ou de son délégué, ou du responsable du lieu.
« La perquisition doit être précédée d'une décision de déclassification temporaire du lieu aux fins de perquisition et ne peut être entreprise que dans les limites de la déclassification ainsi décidée. A cette fin, le président de la Commission consultative du secret de la défense nationale, saisi par la décision du magistrat mentionnée à l'alinéa précédent, fait connaître sans délai son avis à l'autorité administrative compétente sur la déclassification temporaire, totale ou partielle, du lieu aux fins de perquisition. L'autorité administrative fait connaître sa décision sans délai. La déclassification prononcée par l'autorité administrative ne vaut que pour le temps des opérations. En cas de déclassification partielle, la perquisition ne peut être réalisée que dans la partie des lieux qui fait l'objet de la décision de déclassification de l'autorité administrative.
« La perquisition se poursuit dans les conditions prévues aux sixième alinéa et suivants du I.
« IV. ― Les dispositions du présent article sont édictées à peine de nullité » ;
19. Considérant que, selon les requérants, ces dispositions, qui sont relatives tant aux informations qu'aux lieux classifiés au titre du secret de la défense nationale, méconnaissent le droit à un procès équitable et le principe de la séparation des pouvoirs figurant à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
Sur les normes constitutionnelles applicables :
20. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; qu'en vertu de l'article 5 de la Constitution, le Président de la République est le garant de l'indépendance nationale et de l'intégrité du territoire ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 20 : « Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation » ; que le principe de la séparation des pouvoirs s'applique à l'égard du Président de la République et du Gouvernement ; que le secret de la défense nationale participe de la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, réaffirmés par la Charte de l'environnement, au nombre desquels figurent l'indépendance de la Nation et l'intégrité du territoire ;
21. Considérant, d'autre part, que l'article 16 de la Déclaration de 1789 implique le respect du caractère spécifique des fonctions juridictionnelles, sur lesquelles ne peuvent empiéter ni le législateur ni le Gouvernement, ainsi que le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif et le droit à un procès équitable ; qu'en outre, la recherche des auteurs d'infractions constitue un objectif de valeur constitutionnelle nécessaire à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle ;
22. Considérant qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution, le législateur est compétent pour fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques, les sujétions imposées par la défense nationale aux citoyens en leur personne et en leurs biens, la détermination des crimes et délits, ainsi que les peines qui leur sont applicables et la procédure pénale ; que tant le principe de la séparation des pouvoirs que l'existence d'autres exigences constitutionnelles lui imposent d'assurer une conciliation qui ne soit pas déséquilibrée entre le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif, le droit à un procès équitable ainsi que la recherche des auteurs d'infractions et les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation ;
Sur les informations classifiées au titre du secret de la défense nationale :
23. Considérant que l'article 413-9 du code pénal définit les informations qui peuvent être classifiées au titre du secret de la défense nationale ; que les articles 413-10, 413-11 et 413-12 du même code répriment la violation de ce secret ; que les articles L. 2311-1, L. 2312-1, alinéas 1 et 2, L. 2312-2, L. 2312-3, L. 2312-4, alinéas 1 à 3, L. 2312-5, L. 2312-6, L. 2312-7 et L. 2312-8 du code de la défense déterminent le rôle de la Commission consultative du secret de la défense nationale dans la procédure de déclassification et de communication des informations classifiées ; que les paragraphes I et II de l'article 56-4 du code de procédure pénale fixent les conditions d'accès aux informations classifiées à l'occasion des perquisitions dans les lieux précisément identifiés comme abritant des éléments couverts par le secret de la défense nationale et dans les lieux se révélant abriter des éléments couverts par ce secret ;
24. Considérant que, selon les requérants, en privant le juge du pouvoir et des moyens d'apprécier l'intégralité des éléments déterminants pour l'issue du procès et en ne prévoyant pas de recours juridictionnel permettant à un juge de porter une appréciation sur la nature des informations classifiées, le législateur a méconnu l'article 16 de la Déclaration de 1789 ;
En ce qui concerne la procédure de déclassification et de communication des informations classifiées :
25. Considérant qu'en vertu de l'article 413-9 du code pénal, peuvent faire l'objet d'une mesure de classification les procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques, données informatisées ou fichiers dont la divulgation ou auxquels l'accès est de nature à nuire à la défense nationale ou pourrait conduire à la découverte d'un secret de la défense nationale ; que les niveaux de classification et les autorités chargées de définir les modalités selon lesquelles est organisée la protection desdites informations sont déterminés par décret en Conseil d'Etat ; qu'en outre, les articles 413-10, 413-11 et 413-12 du même code répriment la violation du secret de la défense nationale ;
26. Considérant, en premier lieu, que, lorsqu'une juridiction présente une demande motivée tendant à la déclassification et à la communication d'informations protégées à l'autorité administrative en charge de la classification, cette dernière saisit sans délai la Commission consultative du secret de la défense nationale ; que cette commission émet un avis dans les deux mois à compter de sa saisine en prenant en considération les missions du service public de la justice, le respect de la présomption d'innocence et les droits de la défense, le respect des engagements internationaux de la France, ainsi que la nécessité de préserver les capacités de défense et la sécurité des personnels ; qu'à cette fin, le président de la commission peut mener toutes investigations utiles et les membres de cette même commission peuvent accéder à l'ensemble des informations classifiées ; que l'avis dont le sens peut être favorable, favorable à une déclassification partielle ou défavorable est adressé à l'autorité administrative ; que, dans un délai de quinze jours à compter de la réception de l'avis ou à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la saisine de la commission, l'autorité administrative notifie sa décision, assortie du sens de l'avis, à la juridiction intéressée ; qu'en outre, le sens de cet avis est publié au Journal officiel de la République française ;
27. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 2312-1 du code de la défense, la Commission consultative du secret de la défense nationale est une « autorité administrative indépendante » ; qu'elle est composée de cinq membres, dont un président, un vice-président et un membre, tous trois choisis par le Président de la République sur une liste de six membres du Conseil d'Etat, de la Cour de cassation ou de la Cour des comptes, établie conjointement par le vice-président du Conseil d'Etat, le premier président de la Cour de cassation et le premier président de la Cour des comptes, un député désigné par le président de l'Assemblée nationale pour la durée de la législature et un sénateur désigné par le président du Sénat après chaque renouvellement partiel de cette assemblée ; que la durée du mandat des membres non parlementaires est fixée à six ans ; que leur mandat n'est pas renouvelable ; qu'il ne peut être mis fin à leurs fonctions qu'en cas d'empêchement constaté par la commission ; qu'est garantie son autonomie de gestion administrative et financière ; que les ministres, autorités publiques et agents publics ne peuvent s'opposer à son action pour quelque motif que ce soit et prennent toutes mesures utiles pour la faciliter ;
28. Considérant qu'en raison des garanties d'indépendance conférées à la commission ainsi que des conditions et de la procédure de déclassification et de communication des informations classifiées, le législateur a opéré, entre les exigences constitutionnelles précitées, une conciliation qui n'est pas déséquilibrée ; que, par suite, les dispositions de l'article L. 2311-1, des premier et deuxième alinéas de l'article L. 2312-1, des articles L. 2312-2 et L. 2312-3, des premier au troisième alinéas de l'article L. 2312-4, de l'article L. 2312-5 et des articles L. 2312-6, L. 2312 7 et L. 2312-8 du code de la défense, ainsi que les dispositions des articles 413-9, 413-10, 413-11 et 413-12 du code pénal ne sont pas contraires à la Constitution ;
En ce qui concerne l'accès aux informations classifiées à l'occasion de perquisitions :
Quant aux perquisitions dans les lieux précisément identifiés comme abritant des éléments couverts par le secret de la défense nationale :
29. Considérant que les dispositions du paragraphe I de l'article 56-4 du code de procédure pénale prévoient que le Premier ministre détermine de façon limitative les lieux précisément identifiés abritant des éléments couverts par le secret de la défense nationale ; que cette liste, régulièrement actualisée, est communiquée à la Commission consultative du secret de la défense nationale ainsi qu'au ministre chargé de la justice ; qu'elle est rendue accessible de façon sécurisée à tout magistrat intéressé ; qu'il ressort des travaux parlementaires que, par l'expression « lieu précisément identifié », le législateur a entendu que ne soit pas désigné un bâtiment dans son ensemble ou une catégorie de locaux mais une pièce clairement déterminée ; que la perquisition envisagée dans un lieu précisément identifié, abritant des éléments couverts par le secret de la défense nationale, n'est subordonnée à aucune autorisation préalable ; que le fait de dissimuler des informations non classifiées, en tentant de les faire bénéficier de la protection attachée au secret de la défense nationale, est pénalement réprimé ;
30. Considérant que, dans ces conditions, si le législateur a subordonné la perquisition d'un magistrat dans un lieu précisément identifié comme abritant des éléments couverts par le secret de la défense nationale à la présence du président de la commission ou de son représentant et a écarté la possibilité pour ce magistrat de prendre connaissance des éléments classifiés découverts sur les lieux, il a assorti la procédure de perquisition de garanties de nature à assurer, entre les exigences constitutionnelles précitées, une conciliation qui n'est pas déséquilibrée ; que, par suite, les dispositions du paragraphe I de l'article 56-4 du code de procédure pénale sont conformes à la Constitution ;
Quant aux perquisitions dans les lieux se révélant abriter des éléments couverts par le secret de la défense nationale :
31. Considérant que les dispositions du paragraphe II de l'article 56-4 du code de procédure pénale définissent le régime juridique des perquisitions au cours desquelles des éléments protégés par le secret de la défense nationale sont incidemment découverts ; qu'en pareille hypothèse, le magistrat présent ou immédiatement avisé par l'officier de police judiciaire en informe le président de la commission ; que, sans en prendre connaissance, le magistrat ou l'officier de police judiciaire qui les a découverts place sous scellés les éléments classifiés et les remet ou les transmet, par tout moyen, au président de la commission chargé d'en assurer la garde ; qu'un procès-verbal, qui n'est pas joint à la procédure, est rédigé pour rendre compte des opérations relatives aux éléments classifiés ; que seule la commission, ou sur délégation de celle-ci son président, est habilitée à procéder à l'ouverture des scellés des éléments classifiés qui lui sont remis ; qu'en pareil cas, la commission en fait mention dans son procès-verbal de séance ; qu'enfin, les documents sont restitués à l'autorité administrative par la commission lors de la transmission de son avis ;
32. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les perquisitions dans les lieux se révélant abriter des éléments couverts par le secret de la défense nationale s'accompagnent des garanties appropriées permettant d'assurer, entre les exigences constitutionnelles précitées, une conciliation qui n'est pas déséquilibrée ; que, par suite, les dispositions du paragraphe II de l'article 56-4 du code de procédure pénale sont conformes à la Constitution ;
Sur les lieux classifiés au titre du secret de la défense nationale :
33. Considérant, d'une part, que l'article 413-9-1 du code pénal autorise la classification des lieux auxquels il ne peut être accédé sans que, à raison des installations ou des activités qu'ils abritent, cet accès donne par lui-même connaissance d'un secret de la défense nationale ; qu'il prévoit que la décision de classification est prise pour une durée de cinq ans par arrêté du Premier ministre, publié au Journal officiel, après avis de la Commission consultative du secret de la défense nationale ; qu'en outre, les articles 413-10-1 et 413-11-1 du code pénal répriment la violation de ces dispositions relatives aux lieux classifiés ;
34. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des dispositions du paragraphe III de l'article 56-4 du code de procédure pénale qu'une perquisition dans un lieu classifié ne peut être réalisée que par un magistrat et en présence du président de la commission ; que ce dernier peut être représenté par un membre de la commission et être assisté de toute personne habilitée à cet effet ; que le magistrat vérifie auprès de la commission si le lieu dans lequel il souhaite effectuer une perquisition fait l'objet d'une mesure de classification ; qu'en pareil cas, ce magistrat indique, de manière écrite et motivée, la nature de l'infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, les raisons justifiant la perquisition et l'objet de celle-ci, ainsi que le lieu visé par la perquisition ;
35. Considérant que la perquisition dans un lieu classifié est subordonnée à une décision de déclassification temporaire du lieu ; que, lorsqu'il est saisi par un magistrat d'une demande de déclassification temporaire, le président de la commission donne un avis sur cette demande à l'autorité administrative compétente ; que cette dernière fait connaître sa décision sans délai ; que la déclassification prononcée par cette autorité ne vaut que pour le temps des opérations ; qu'en cas de déclassification partielle, la perquisition ne peut être réalisée que dans la partie des lieux qui fait l'objet de la décision de déclassification de l'autorité administrative ;
36. Considérant que, selon les requérants, en admettant que tous les éléments de preuve qui se trouvent dans les lieux classifiés bénéficient de la protection du secret de la défense nationale et en subordonnant les perquisitions dans ces lieux à une autorisation de l'autorité administrative sans qu'aucun contrôle juridictionnel ne puisse s'exercer sur la décision refusant au magistrat d'accéder à ces lieux, le législateur a méconnu l'article 16 de la Déclaration de 1789 ;
37. Considérant que la classification d'un lieu a pour effet de soustraire une zone géographique définie aux pouvoirs d'investigation de l'autorité judiciaire ; qu'elle subordonne l'exercice de ces pouvoirs d'investigation à une décision administrative ; qu'elle conduit à ce que tous les éléments de preuve, quels qu'ils soient, présents dans ces lieux lui soient inaccessibles tant que cette autorisation n'a pas été délivrée ; que, par suite, en autorisant la classification de certains lieux au titre du secret de la défense nationale et en subordonnant l'accès du magistrat aux fins de perquisition de ces mêmes lieux à une déclassification temporaire, le législateur a opéré, entre les exigences constitutionnelles précitées, une conciliation qui est déséquilibrée ; qu'ainsi, les dispositions du paragraphe III de l'article 56-4 du code de procédure pénale, celles des articles 413-9-1, 413-10-1 et 413-11-1 du code pénal, celles du troisième alinéa de l'article L. 2312-1, du quatrième alinéa de l'article L. 2312-4, celles de l'article L. 2312-7-1 du code de la défense, ainsi que, par voie de conséquence, les mots : « et d'accéder à tout lieu classifié » figurant au deuxième alinéa de l'article L. 2312-5 du même code doivent être déclarées contraires à la Constitution ;
38. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ; que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration ; qu'afin de permettre à l'autorité administrative de tirer les conséquences de cette inconstitutionnalité, il y a lieu de reporter la date de cette déclaration d'inconstitutionnalité au 1er décembre 2011,
Décide :

ARTICLE 1

Sont contraires à la Constitution les dispositions suivantes :
― le paragraphe III de l'article 56-4 du code de procédure pénale ;
― les articles L. 2312-1, alinéa 3, L. 2312-4, alinéa 4, et l'article L. 2312-7-1 du code de la défense ;
― au deuxième alinéa de l'article L. 2312-5 du code de la défense, les mots : « et d'accéder à tout lieu classifié » ;
― les articles 413-9-1, 413-10-1 et 413-11-1 du code pénal.

ARTICLE 2

La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet le 1er décembre 2011 dans les conditions fixées au considérant 38.

ARTICLE 3

Sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes :
― les paragraphes I et II de l'article 56-4 du code de procédure pénale ;
― les articles 413-9, 413-10, 413-11 et 413-12 du code pénal ;
― le surplus des articles L. 2312-1, L. 2312-4 et L. 2312-5 du code de la défense ;
― les articles L. 2311-1, L. 2312-2, L. 2312-3, L. 2312-6, L. 2312-7 et L. 2312-8 du code de la défense.

ARTICLE 4

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 10 novembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-193 QPC du 10 novembre 2011

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 8 septembre 2011 par la Cour de cassation (troisième chambre civile, arrêt du 8 septembre 2011, n° 1134) d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Jeannette R., épouse D., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 6 de la loi n° 2002-306 du 4 mars 2002 portant réforme de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, dans ses dispositions relatives à la publicité foncière.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi n° 2002-306 du 4 mars 2002 portant réforme de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ;
Vu le code civil ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour M. Steve V. et Mme Nicole S. par la SCP Bernard Peignot et Denis Garreau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 29 septembre 2011 ;
Vu les observations produites pour la requérante par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 3 octobre 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 3 octobre 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendu à l'audience publique du 19 octobre 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la loi du 4 mars 2002 susvisée : « Les servitudes foncières constituées avant le 1er janvier 1900 doivent être inscrites au livre foncier, à peine d'extinction, dans un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi. Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat » ;
2. Considérant que la requérante fait grief à cette disposition prononçant l'extinction des servitudes foncières qui n'ont pas fait l'objet d'une inscription au livre foncier de porter atteinte au droit de propriété ;
3. Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droit de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'en l'absence de privation du droit de propriété il résulte de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les limites apportées à son exercice doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi ;
4. Considérant qu'il appartient au législateur, compétent en application de l'article 34 de la Constitution pour fixer les principes fondamentaux de la propriété et des droits réels, de définir les modalités selon lesquelles les droits des propriétaires de fonds voisins doivent être conciliés ; que le régime des servitudes est au nombre des mesures qui tendent à assurer cette conciliation ;
5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 637 du code civil : « Une servitude est une charge imposée sur un héritage pour l'usage et l'utilité d'un héritage appartenant à un autre propriétaire » ; qu'elle consiste ainsi en une charge réelle grevant un fonds servant qui confère un droit au propriétaire du fonds dominant ; que le droit de propriété du titulaire de la servitude sur son fonds subsiste en dépit de l'extinction de la servitude qui n'en est que l'accessoire ; que, par suite, l'extinction des servitudes constituées antérieurement à 1900 en Alsace-Moselle dans le délai de cinq ans à compter de la promulgation de la loi du 4 mars 2002 ne porte pas atteinte à l'existence du droit de propriété ; qu'en l'absence de privation de propriété l'extinction de la servitude prévue par le texte en cause n'entre pas dans le champ d'application de l'article 17 de la Déclaration de 1789 ;
6. Considérant, en second lieu, d'une part, que la disposition contestée a été adoptée dans le cadre d'une réforme du livre foncier en Alsace-Moselle destinée à le moderniser et à assurer une meilleure information des tiers ; qu'à cette fin l'extinction des servitudes non inscrites au livre foncier contribue à la sécurité des transactions immobilières ; qu'ainsi elle répond à un motif d'intérêt général ;
7. Considérant, d'autre part, que les dispositions contestées ne s'appliquent qu'aux servitudes constituées en Alsace-Moselle antérieurement au 1er janvier 1900, qui n'ont pas fait l'objet d'une inscription au livre foncier et qui sont restées opposables aux tiers en raison de la spécificité du droit local ; que le législateur a subordonné l'extinction de la servitude à la carence de son titulaire qui, dans le délai de cinq ans à compter de la promulgation de la loi, n'aurait pas fait valoir ses droits en procédant à leur inscription ; que l'extinction ne porte que sur les servitudes conventionnelles et n'affecte pas celles qui résultent de la loi ; que, par suite, les dispositions contestées n'ont pas porté aux conditions d'exercice du droit de propriété une atteinte disproportionnée au but recherché ; que, compte tenu du domaine de cette disposition et des modalités permettant aux titulaires des servitudes de préserver leurs droits, la restriction portée à l'exercice du droit de propriété par la disposition contestée n'a pas un caractère de gravité tel qu'elle dénature le sens et la portée de ce droit ;
8. Considérant que l'article 6 de la loi du 4 mars 2002 n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

L'article 6 de la loi n° 2002-306 du 4 mars 2002 portant réforme de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, dans ses dispositions relatives à la publicité foncière, est conforme à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 10 novembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT et M. Pierre STEINMETZ.

Décision n° n° 2011-191/194/195/196/197 QPC du 18 novembre 2011

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 23 août 2011 par le Conseil d'Etat (décision n° 349752 du 23 août 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mmes Elise A., Alexandra B. et Véronica C., MM. Benjamin C., Fabrice E., Grégoire E. et Mathieu H., Mme Julia K., MM. Pierre R. et Martin R., Mme Peggy S. et M. Georges S. relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 62 et 63-4-1 à 63-4-5 du code de procédure pénale (n° 2011-191 QPC).
Il a également été saisi le 9 septembre 2011 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêts n°s 4684 à 4687 du 6 septembre 2011) dans les mêmes conditions :
― d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Jean-François M. relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du deuxième alinéa de l'article 62 du code de procédure pénale ainsi que de ses articles 63-4-1 à 63-4-5 du même code (n° 2011-194 QPC) ;
― de deux questions prioritaires de constitutionnalité posées par MM. Undriks K. et Mabrouk T. relatives à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du troisième alinéa de l'article 63-3-1 du code de procédure pénale, du deuxième alinéa de son article 63-4 et de ses articles 63-4-1 à 63-4-3 (n° 2011-195 QPC et n° 2011-196 QPC) ;
― d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par MM. Mohamed A. et Khalifa Z. relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 63-4-1 du code de procédure pénale (n° 2011-197 QPC).
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010 ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour Mmes A., B. et C., MM. C., E. et H., Mme K., MM. R. et R., Mme S. et M. S. par Me Grégoire Etrillard, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 29 septembre 2011 ;
Vu les observations en intervention du Syndicat des avocats de France dans la procédure n° 2011-195 QPC par Me Maxime Cessieux, avocat au barreau des Hauts-de-Seine, enregistrées le 27 septembre 2011 ;
Vu les observations en intervention dans les procédures n° 2011-194 QPC et n° 2011-195 QPC, produites par l'association Fédération nationale des unions des jeunes avocats, par Me Laëtitia Marchand, avocat au barreau de Paris, et Me Jean-Baptiste Gavignet, avocat au barreau de Dijon, enregistrées les 30 septembre et 18 octobre 2011 ;
Vu les observations produites pour M. K. ainsi que pour M. T. par Me Eymeric Molin, avocat au barreau de Lyon, enregistrées le 3 octobre 2011 ;
Vu les observations produites pour MM. A. et Z. par Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées les 3 et 18 octobre 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 14 septembre 2011 ainsi que les 3 et 18 octobre 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Etrillard, Me Molin, Me Bernard Sayn, avocat au barreau de Lyon, pour M. T., Me Spinosi, Me Marchand, Me Gavignet, Me Didier Ligier, avocat au barreau de Versailles, pour le syndicat intervenant, et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus lors de l'audience publique du 8 novembre 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'il y a lieu de joindre ces questions prioritaires de constitutionnalité pour statuer par une seule décision ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 62 du code de procédure pénale : « Les personnes à l'encontre desquelles il n'existe aucune raison plausible de soupçonner qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction ne peuvent être retenues que le temps strictement nécessaire à leur audition, sans que cette durée ne puisse excéder quatre heures.
« S'il apparaît, au cours de l'audition de la personne, qu'il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement, elle ne peut être maintenue sous la contrainte à la disposition des enquêteurs que sous le régime de la garde à vue. Son placement en garde à vue lui est alors notifié dans les conditions prévues à l'article 63 » ;
3. Considérant que l'article 63-3-1 du même code est relatif au droit d'une personne gardée à vue d'être assistée par un avocat ; qu'aux termes du troisième alinéa de cet article : « L'avocat peut également être désigné par la ou les personnes prévenues en application du premier alinéa de l'article 63-2. Cette désignation doit toutefois être confirmée par la personne » ;
4. Considérant que l'article 63-4 du même code est relatif à l'entretien de la personne gardée à vue avec son avocat ; qu'aux termes du deuxième alinéa de cet article : « La durée de l'entretien ne peut excéder trente minutes » ;
5. Considérant qu'aux termes de son article 63-4-1 : « A sa demande, l'avocat peut consulter le procès-verbal établi en application du dernier alinéa de l'article 63-1 constatant la notification du placement en garde à vue et des droits y étant attachés, le certificat médical établi en application de l'article 63-3, ainsi que les procès-verbaux d'audition de la personne qu'il assiste. Il ne peut en demander ou en réaliser une copie. Il peut toutefois prendre des notes » ;
6. Considérant qu'aux termes de son article 63-4-2 : « La personne gardée à vue peut demander que l'avocat assiste à ses auditions et confrontations. Dans ce cas, la première audition, sauf si elle porte uniquement sur les éléments d'identité, ne peut débuter sans la présence de l'avocat choisi ou commis d'office avant l'expiration d'un délai de deux heures suivant l'avis adressé dans les conditions prévues à l'article 63-3-1 de la demande formulée par la personne gardée à vue d'être assistée par un avocat. Au cours des auditions ou confrontations, l'avocat peut prendre des notes.
« Si l'avocat se présente après l'expiration du délai prévu au premier alinéa alors qu'une audition ou une confrontation est en cours, celle-ci est interrompue à la demande de la personne gardée à vue afin de lui permettre de s'entretenir avec son avocat dans les conditions prévues à l'article 63-4 et que celui-ci prenne connaissance des documents prévus à l'article 63-4-1. Si la personne gardée à vue ne demande pas à s'entretenir avec son avocat, celui-ci peut assister à l'audition en cours dès son arrivée dans les locaux du service de police judiciaire ou à la confrontation.
« Lorsque les nécessités de l'enquête exigent une audition immédiate de la personne, le procureur de la République peut autoriser, par décision écrite et motivée, sur demande de l'officier de police judiciaire, que l'audition débute sans attendre l'expiration du délai prévu au premier alinéa.
« A titre exceptionnel, sur demande de l'officier de police judiciaire, le procureur de la République ou le juge des libertés et de la détention, selon les distinctions prévues par l'alinéa suivant, peut autoriser, par décision écrite et motivée, le report de présence de l'avocat lors des auditions ou confrontations, si cette mesure apparaît indispensable pour des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'enquête, soit pour permettre le bon déroulement d'investigations urgentes tendant au recueil ou à la conservation des preuves, soit pour prévenir une atteinte imminente aux personnes.
« Le procureur de la République ne peut différer la présence de l'avocat que pendant une durée maximale de douze heures. Lorsque la personne est gardée à vue pour un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans, le juge des libertés et de la détention peut, sur requête du procureur de la République, autoriser à différer la présence de l'avocat, au-delà de la douzième heure, jusqu'à la vingt-quatrième heure. Les autorisations du procureur de la République et du juge des libertés et de la détention sont écrites et motivées par référence aux conditions prévues à l'alinéa précédent au regard des éléments précis et circonstanciés résultant des faits de l'espèce.
« Lorsque, conformément aux dispositions des deux alinéas qui précèdent, le procureur de la République ou le juge des libertés et de la détention a autorisé à différer la présence de l'avocat lors des auditions ou confrontations, il peut également, dans les conditions et selon les modalités prévues par ces mêmes alinéas, décider que l'avocat ne peut, pour une durée identique, consulter les procès-verbaux d'audition de la personne gardée à vue » ;
7. Considérant qu'aux termes de son article 63-4-3 : « L'audition ou la confrontation est menée sous la direction de l'officier ou de l'agent de police judiciaire qui peut à tout moment, en cas de difficulté, y mettre un terme et en aviser immédiatement le procureur de la République qui informe, s'il y a lieu, le bâtonnier aux fins de désignation d'un autre avocat.
« A l'issue de chaque audition ou confrontation à laquelle il assiste, l'avocat peut poser des questions. L'officier ou l'agent de police judiciaire ne peut s'opposer aux questions que si celles-ci sont de nature à nuire au bon déroulement de l'enquête. Mention de ce refus est portée au procès-verbal.
« A l'issue de chaque entretien avec la personne gardée à vue et de chaque audition ou confrontation à laquelle il a assisté, l'avocat peut présenter des observations écrites dans lesquelles il peut consigner les questions refusées en application du deuxième alinéa. Celles-ci sont jointes à la procédure. L'avocat peut adresser ses observations, ou copie de celles-ci, au procureur de la République pendant la durée de la garde à vue » ;
8. Considérant qu'aux termes de son article 63-4-4 : « Sans préjudice de l'exercice des droits de la défense, l'avocat ne peut faire état auprès de quiconque pendant la durée de la garde à vue ni des entretiens avec la personne qu'il assiste, ni des informations qu'il a recueillies en consultant les procès-verbaux et en assistant aux auditions et aux confrontations » ;
9. Considérant qu'aux termes de son article 63-4-5 : « Si la victime est confrontée avec une personne gardée à vue, elle peut demander à être également assistée par un avocat choisi par elle ou par son représentant légal si elle est mineure ou, à sa demande, désigné par le bâtonnier.
« La victime est informée de ce droit avant qu'il soit procédé à la confrontation.
« A sa demande, l'avocat peut consulter les procès-verbaux d'audition de la personne qu'il assiste.
« L'article 63-4-3 est applicable » ;
10. Considérant que les requérants soutiennent que ces dispositions méconnaissent les droits de la défense, le droit à une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties, le principe de rigueur nécessaire des mesures de contrainte mises en œuvre au cours de la procédure pénale, ainsi que la compétence de l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle ; qu'ils critiquent, d'une part, les dispositions de l'article 62 du code de procédure pénale en tant qu'elles permettent l'audition sans avocat d'une personne suspectée qui n'a pas été placée en garde à vue et, d'autre part, les dispositions relatives aux conditions dans lesquelles une personne gardée à vue est assistée par un avocat ;
Sur les normes de constitutionnalité applicables :
11. Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la loi, et selon les formes qu'elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires doivent être punis ; mais tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la loi doit obéir à l'instant : il se rend coupable par la résistance » ; qu'aux termes de son article 9 : « Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi » ; que son article 16 dispose : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ;
12. Considérant qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant la procédure pénale ; qu'aux termes de son article 66 : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. ― L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi » ;
13. Considérant que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution l'obligation de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale ; que, s'agissant de la procédure pénale, cette exigence s'impose notamment pour éviter une rigueur non nécessaire lors de la recherche des auteurs d'infractions ;
14. Considérant, en outre, qu'il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions, toutes deux nécessaires à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre part, l'exercice des droits et libertés constitutionnellement garantis ; qu'au nombre de ceux-ci figurent le respect des droits de la défense, qui découle de l'article 16 de la Déclaration de 1789, et la liberté individuelle que l'article 66 de la Constitution place sous la protection de l'autorité judiciaire ;
Sur l'article 62 du code de procédure pénale :
15. Considérant que les requérants font valoir qu'en faisant dépendre le droit à l'assistance d'un avocat de l'existence d'une mesure de contrainte et non de la suspicion qui pèse sur la personne interrogée, l'article 62 du code de procédure pénale permet qu'une personne suspectée soit interrogée sans bénéficier de l'assistance d'un avocat ; que, par suite, il méconnaîtrait le respect des droits de la défense ;
16. Considérant que le premier alinéa de l'article 62 limite à une durée maximale de quatre heures la possibilité de retenir, pour qu'elles soient entendues, les personnes à l'encontre desquelles il n'existe aucune raison plausible de soupçonner qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction ; qu'il est applicable aux seuls témoins et, par suite, ne méconnaît pas les droits de la défense ;
17. Considérant que le second alinéa de cet article prévoit que s'il apparaît, au cours de l'audition de la personne, qu'il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement, elle ne peut être maintenue sous la contrainte à la disposition des enquêteurs pour être entendue que sous le régime de la garde à vue ;
18. Considérant qu'il résulte nécessairement de ces dispositions qu'une personne à l'encontre de laquelle il apparaît qu'il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction peut être entendue par les enquêteurs en dehors du régime de la garde à vue dès lors qu'elle n'est pas maintenue à leur disposition sous la contrainte ;
19. Considérant que, si le respect des droits de la défense impose, en principe, qu'une personne soupçonnée d'avoir commis une infraction ne peut être entendue, alors qu'elle est retenue contre sa volonté, sans bénéficier de l'assistance effective d'un avocat, cette exigence constitutionnelle n'impose pas une telle assistance dès lors que la personne soupçonnée ne fait l'objet d'aucune mesure de contrainte et consent à être entendue librement ;
20. Considérant que, toutefois, le respect des droits de la défense exige qu'une personne à l'encontre de laquelle il apparaît, avant son audition ou au cours de celle-ci, qu'il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction pour laquelle elle pourrait être placée en garde à vue, ne puisse être entendue ou continuer à être entendue librement par les enquêteurs que si elle a été informée de la nature et de la date de l'infraction qu'on la soupçonne d'avoir commise et de son droit de quitter à tout moment les locaux de police ou de gendarmerie ; que, sous cette réserve applicable aux auditions réalisées postérieurement à la publication de la présente décision, les dispositions du second alinéa de l'article 62 du code de procédure pénale ne méconnaissent pas les droits de la défense ;
21. Considérant que les dispositions de l'article 62 du code de procédure pénale ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ;
Sur les dispositions relatives à la garde à vue :
22. Considérant que les requérants font valoir que les restrictions apportées à l'assistance par un avocat de la personne gardée à vue ou de la victime méconnaissent le respect des droits de la défense, le droit à une procédure juste et équitable et le principe du contradictoire ; qu'ils dénoncent, en particulier, l'absence de droit pour l'avocat de consulter les pièces de la procédure avant l'audition ou la confrontation et d'en obtenir la copie, la possibilité laissée aux enquêteurs de commencer l'audition de la personne gardée à vue sans que l'avocat ait eu le temps de se rendre dans les locaux de la police ou de la gendarmerie, la limitation à trente minutes de l'entretien de la personne gardée à vue avec l'avocat, la restriction de l'assistance de l'avocat pour les seuls actes d'audition et de confrontation ainsi que l'exclusion de cette assistance au cours des autres actes d'investigation, telles les perquisitions ;
23. Considérant que les requérants mettent également en cause le pouvoir reconnu à l'officier de police judiciaire, d'une part, de s'opposer aux questions posées par l'avocat au cours de l'audition de la personne gardée à vue et, d'autre part, de décider de mettre fin à une audition ou une confrontation, en cas de difficulté, pour demander au procureur de la République de saisir le bâtonnier aux fins de désignation d'un autre avocat ;
24. Considérant que l'association intervenante fait valoir, en outre, que la faculté donnée au procureur de la République ou au juge des libertés et de la détention de reporter la présence de l'avocat lors des auditions ou confrontations porte atteinte aux droits de la défense ;
25. Considérant qu'à la suite de la décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010, la loi du 14 avril 2011 susvisée a eu pour objet de remédier à l'inconstitutionnalité des dispositions du code de procédure pénale relatives à la garde à vue ; qu'à cette fin, notamment, l'article préliminaire du code de procédure pénale a été complété par un alinéa aux termes duquel : « En matière criminelle et correctionnelle, aucune condamnation ne peut être prononcée contre une personne sur le seul fondement de déclarations qu'elle a faites sans avoir pu s'entretenir avec un avocat et être assistée par lui » ; que l'article 63-1 dispose que la personne placée en garde à vue est immédiatement informée de son droit « lors des auditions, après avoir décliné son identité, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire » ; que l'article 63-4-2 prévoit que la personne gardée à vue peut demander que l'avocat assiste à ses auditions et confrontations et organise les conditions de cette assistance ;
26. Considérant, en premier lieu, que le troisième alinéa de l'article 63-3-1 prévoit que, lorsque l'avocat de la personne gardée à vue est désigné par la personne prévenue en application de l'article 63-2, la personne gardée à vue doit confirmer cette désignation ; que cette disposition, qui tend à garantir la liberté de la personne gardée à vue de choisir son avocat, ne méconnaît aucun droit ou liberté que la Constitution garantit ;
27. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions de l'article 63-4-1 prévoient que l'avocat de la personne gardée à vue ne peut consulter que le procès-verbal de placement en garde à vue et de notification des droits établi en application de l'article 63-1, le certificat médical établi en application de l'article 63-3 et les procès-verbaux d'audition de la personne qu'il assiste ;
28. Considérant, d'une part, qu'en vertu de l'article 14 du code de procédure pénale, la police judiciaire est chargée « de constater les infractions à la loi pénale, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs » ; que la garde à vue est une mesure de contrainte nécessaire à certaines opérations de police judiciaire ; que, comme le Conseil constitutionnel l'a jugé dans sa décision du 30 juillet 2010 susvisée, les évolutions de la procédure pénale qui ont renforcé l'importance de la phase d'enquête policière dans la constitution des éléments sur le fondement desquels une personne mise en cause est jugée doivent être accompagnées des garanties appropriées encadrant le recours à la garde à vue ainsi que son déroulement et assurant la protection des droits de la défense ; que les dispositions contestées n'ont pas pour objet de permettre la discussion de la légalité des actes d'enquête ou du bien-fondé des éléments de preuve rassemblés par les enquêteurs, qui n'ont pas donné lieu à une décision de poursuite de l'autorité judiciaire et qui ont vocation, le cas échéant, à être discutés devant les juridictions d'instruction ou de jugement ; qu'elles n'ont pas davantage pour objet de permettre la discussion du bien-fondé de la mesure de garde à vue enfermée par la loi dans un délai de vingt-quatre heures renouvelable une fois ; que, par suite, les griefs tirés de ce que les dispositions contestées relatives à la garde à vue n'assureraient pas l'équilibre des droits des parties et le caractère contradictoire de cette phase de la procédure pénale sont inopérants ;
29. Considérant, d'autre part, que le 2° de l'article 63-1 dispose que la personne gardée à vue est immédiatement informée de la nature et de la date présumée de l'infraction qu'elle est soupçonnée d'avoir commise ou tenté de commettre ; que, compte tenu des délais dans lesquels la garde à vue est encadrée, les dispositions de l'article 63-4-1 qui limitent l'accès de l'avocat aux seules pièces relatives à la procédure de garde à vue et aux auditions antérieures de la personne gardée à vue assurent, entre le respect des droits de la défense et l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions, une conciliation qui n'est pas déséquilibrée ; que, par suite, l'article 63-4-1 n'est contraire à aucun droit ou liberté que la Constitution garantit ;
30. Considérant, en troisième lieu, qu'en prévoyant que la personne gardée à vue peut s'entretenir avec son avocat pendant trente minutes, qu'elle peut demander que l'avocat assiste à ses auditions et confrontations et que la première audition de la personne gardée à vue ne peut avoir lieu moins de deux heures après que l'avocat a été avisé, le deuxième alinéa de l'article 63-4 et l'article 63-4-2 instituent des garanties de nature à assurer que la personne gardée à vue bénéficie de l'assistance effective d'un avocat ; qu'il appartient en tout état de cause à l'autorité judiciaire de veiller au respect du principe de loyauté dans l'administration de la preuve et d'apprécier la valeur probante des déclarations faites, le cas échéant, par une personne gardée à vue hors la présence de son avocat ; que, par suite, en n'imposant pas un délai avant chacune des éventuelles auditions suivantes de la personne gardée à vue et en permettant que, sur autorisation écrite et motivée du procureur de la République, l'audition puisse commencer avant l'expiration du délai de deux heures lorsque les nécessités de l'enquête exigent une audition immédiate de la personne, le législateur a assuré, entre le droit de la personne gardée à vue à bénéficier de l'assistance d'un avocat et l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions, une conciliation qui n'est pas déséquilibrée ;
31. Considérant, en quatrième lieu, que les trois derniers alinéas de l'article 63-4-2 permettent le report de la présence de l'avocat lors des auditions ou confrontations ainsi que celui de la consultation des procès-verbaux d'audition de la personne gardée à vue ; que ces dispositions n'ont pas pour effet de permettre le report de l'entretien de trente minutes de l'avocat avec la personne gardée à vue ; qu'un tel report n'est possible que sur autorisation écrite et motivée du procureur de la République, pour une durée de douze heures ; que cette durée peut être portée à vingt-quatre heures sur autorisation du juge des libertés et de la détention lorsque la personne est gardée à vue pour un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans ; que la possibilité d'un tel report n'est prévue qu'à titre exceptionnel, lorsque cette mesure apparaît indispensable pour des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'enquête, soit pour permettre le bon déroulement d'investigations urgentes tendant au recueil ou à la conservation des preuves, soit pour prévenir une atteinte imminente aux personnes ; que la restriction ainsi apportée au principe selon lequel la personne gardée à vue ne peut être entendue sans avoir pu bénéficier de l'assistance effective d'un avocat est placée sous le contrôle des juridictions pénales saisies des poursuites ; que, par suite, eu égard aux cas et aux conditions dans lesquels elle peut être mise en œuvre, la faculté d'un tel report assure, entre le respect des droits de la défense et l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions, une conciliation qui n'est pas déséquilibrée ;
32. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions du deuxième alinéa de l'article 63-4 et celles de l'article 63-4-2 ne méconnaissent ni le respect des droits de la défense ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ;
33. Considérant, en cinquième lieu, que le premier alinéa de l'article 63-4-3 dispose que l'audition ou la confrontation est menée sous la direction de l'officier ou de l'agent de police judiciaire et prévoit que ce dernier peut à tout moment, en cas de difficulté, y mettre un terme et en aviser le procureur de la République qui informe, s'il y a lieu, le bâtonnier aux fins de désignation d'un autre avocat ;
34. Considérant que le deuxième alinéa de cet article prévoit que l'avocat peut poser des questions à l'issue de chaque audition ou confrontation et que l'officier ou l'agent de police judiciaire ne peut s'opposer aux questions que si celles-ci sont de nature à nuire au bon déroulement de l'enquête ; que son dernier alinéa permet à l'avocat de présenter des observations écrites dans lesquelles il peut consigner les questions refusées ; que l'avocat peut également adresser ses observations écrites directement au procureur de la République pendant la durée de la garde à vue ;
35. Considérant que ces dispositions ne méconnaissent ni les droits de la défense ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ;
36. Considérant, en sixième lieu, que l'article 63-4-4 soumet l'avocat au secret de l'enquête en lui interdisant de faire état auprès de quiconque pendant la durée de la garde à vue des entretiens avec la personne qu'il assiste et des informations qu'il a recueillies en consultant les procès-verbaux et en assistant aux auditions et aux confrontations ; qu'il ressort des termes mêmes de cet article que cette interdiction s'applique « sans préjudice de l'exercice des droits de la défense » ; qu'elle ne saurait, par suite, porter atteinte à ces droits ; que cet article n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ;
37. Considérant, en septième lieu, que l'article 63-4-5 reconnaît également à la victime confrontée avec une personne gardée à vue le droit de demander à être assistée par un avocat ; qu'il n'est contraire à aucun droit ou liberté que la Constitution garantit ;
38. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le second alinéa de l'article 62 du code de procédure pénale doit être déclaré conforme à la Constitution sous la réserve énoncée au considérant 20 ; que les autres dispositions contestées doivent être déclarées conformes à la Constitution,
Décide :

ARTICLE 1

Sous la réserve énoncée au considérant 20, le second alinéa de l'article 62 du code de procédure pénale est conforme à la Constitution.

ARTICLE 2

Le premier alinéa de l'article 62 du code de procédure pénale, le troisième alinéa de son article 63-3-1, le deuxième alinéa de son article 63-4 et ses articles 63-4-1 à 63-4-5 sont conformes à la Constitution.

ARTICLE 3

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 17 novembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

DECISIONS DU 25 NOVEMBRE 2011

Décision n° 2011-198 QPC du 25 novembre 2011

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 22 septembre 2011 par le Conseil d'Etat (décision n° 350371 du 21 septembre 2011) sur le fondement des dispositions de l'article 61-1 de la Constitution d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Albin R., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du 1° du paragraphe I de l'article 74 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par Me Pierre-Etienne Rosenstiehl, avocat au barreau de Strasbourg, et la SCP Hélène Masse-Dessen et Gilles Thouvenin, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 13 octobre 2011 ;
Vu les observations en intervention produites pour le Syndicat des avocats de France par la SCP Hélène Masse-Dessen et Gilles Thouvenin, enregistrées le 14 octobre 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 14 octobre 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Rosenstiehl pour le requérant, Me Masse-Dessen pour le requérant et le Syndicat des avocats de France et M. Xavier Pottier désigné par le Premier ministre ayant été entendus à l'audience publique du 15 novembre 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes du 1° du paragraphe I de l'article 74 de la loi du 29 décembre 2010 susvisée, l'aide juridictionnelle concerne tous les frais afférents aux instances, procédures ou actes pour lesquels elle a été accordée, « à la seule exception des droits de plaidoirie » ;
2. Considérant que, selon le requérant et l'intervenant, cette disposition méconnaît le droit au recours juridictionnel effectif et, en conséquence, le principe d'égalité devant la justice et le principe de prévisibilité de la loi ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; qu'il résulte de cette disposition qu'il ne doit pas être porté d'atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction ;
4. Considérant que l'aide juridictionnelle allouée par l'Etat peut être demandée par tout justiciable et lui est accordée s'il satisfait aux conditions de son attribution ; que les dispositions contestées qui excluent les droits de plaidoirie du champ de cette aide ne méconnaissent pas, eu égard à leur faible montant, le droit au recours effectif devant une juridiction ; qu'en tout état de cause, il appartient au pouvoir réglementaire, compétent pour fixer le montant de ces droits, de le faire dans une mesure compatible avec l'exigence constitutionnelle rappelée ci-dessus ;
5. Considérant que la disposition contestée n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

Le 1° du paragraphe I de l'article 74 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 est conforme à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 24 novembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-199 QPC du 25 novembre 2011

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 22 septembre 2011 par le Conseil d'Etat (décision n°s 350385, 350386, 350387 du 21 septembre 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Michel G. et relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions des articles L. 242-6, L. 242-7 et L. 242-8 du code rural et de la pêche maritime.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code rural et de la pêche maritime ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par Me Thomas Crochet, enregistrées les 14 et 29 octobre 2011 et 8 novembre 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées les 14 et 31 octobre 2011 ;
Vu la lettre du 3 novembre 2011 par laquelle le Conseil constitutionnel a soumis aux parties un grief susceptible d'être soulevé par lui ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Thomas Crochet pour le requérant et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 16 novembre 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 242-6 du code rural et de la pêche maritime : « La chambre de discipline réprime tous les manquements des vétérinaires et docteurs vétérinaires aux devoirs de leur profession » ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 242-7 du même code : « La chambre de discipline peut appliquer les peines disciplinaires suivantes :
« 1° L'avertissement ;
« 2° La réprimande, accompagnée ou non de l'interdiction de faire partie d'un conseil de l'ordre pendant un délai qui ne peut excéder dix ans ;
« 3° La suspension temporaire du droit d'exercer la profession pour une durée maximum de dix ans dans un périmètre qui ne pourra excéder le ressort de la chambre régionale qui a prononcé la suspension. Cette sanction entraîne l'inéligibilité de l'intéressé à un conseil de l'ordre pendant toute la durée de la suspension ;
« 4° La suspension temporaire du droit d'exercer la profession pour une durée maximum de dix ans sur tout le territoire des départements métropolitains et d'outre-mer. Cette sanction comporte l'interdiction définitive de faire partie d'un conseil de l'ordre.
« L'exercice de la profession en période de suspension est passible des peines applicables à l'exercice illégal de la médecine et de la chirurgie des animaux.
« Lorsqu'une période égale à la moitié de la durée de la suspension se sera écoulée, le vétérinaire ou docteur vétérinaire frappé peut être relevé de l'incapacité d'exercer par une décision de la chambre de discipline qui a prononcé la condamnation. La demande est formée par une requête adressée au président du conseil régional de l'ordre qui a prononcé la suspension ; celui-ci devra statuer dans un délai de trois mois à dater du jour du dépôt de la requête.
« Toute décision de rejet pourra être transférée au conseil supérieur de l'ordre.
« Les peines disciplinaires prévues au présent article devront être notifiées au conseil supérieur de l'ordre dans un délai maximum d'un mois » ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 242-8 du même code : « Appel des décisions des chambres régionales de discipline peut être porté devant la chambre supérieure de discipline. Elle est composée des membres du conseil supérieur de l'ordre et d'un conseiller honoraire à la Cour de cassation, ou à défaut d'un conseiller en activité, exerçant la présidence et désigné par le premier président de la Cour de cassation.
« La chambre supérieure de discipline peut être saisie, dans le délai de deux mois à dater du jour de la notification, de la décision de la chambre régionale de discipline par l'intéressé ou les auteurs de la plainte.
« L'appel a un effet suspensif » ;
4. Considérant que, selon le requérant, en ne fixant pas de prescription des poursuites pour les fautes disciplinaires des vétérinaires, les dispositions contestées portent atteinte au principe fondamental reconnu par les lois de la République imposant qu'une règle de prescription soit prévue en matière disciplinaire ; qu'en outre, en prévoyant que la chambre supérieure de discipline comprend, à l'exception de son président, des membres du Conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires, les règles de composition de l'instance disciplinaire méconnaîtraient les principes d'impartialité et d'indépendance des juridictions ;
Sur les griefs tirés de la méconnaissance des exigences constitutionnelles applicables aux poursuites et sanctions disciplinaires :
5. Considérant qu'aucune loi de la République antérieure à la Constitution de 1946 n'a fixé le principe selon lequel les poursuites disciplinaires sont nécessairement soumises à une règle de prescription ; que, dès lors, le grief tiré de ce que les dispositions contestées méconnaîtraient un principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de prescription des poursuites disciplinaires doit être écarté ;
6. Considérant que l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dispose : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée » ; que les principes ainsi énoncés ne concernent pas seulement les peines prononcées par les juridictions pénales mais s'étendent à toute sanction ayant le caractère d'une punition ;
7. Considérant que, d'une part, appliquée en dehors du droit pénal, l'exigence d'une définition des manquements sanctionnés se trouve satisfaite, en matière disciplinaire, dès lors que les textes applicables font référence aux obligations auxquelles les intéressés sont soumis en raison de l'activité qu'ils exercent, de la profession à laquelle ils appartiennent ou de l'institution dont ils relèvent ;
8. Considérant que, d'autre part, l'article 61-1 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, mais lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité des dispositions législatives soumises à son examen aux droits et libertés que la Constitution garantit ; que, si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s'assurer, en matière disciplinaire, de l'absence d'inadéquation manifeste entre les peines disciplinaires encourues et les obligations dont elles tendent à réprimer la méconnaissance ;
9. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'article L. 247-7 du code susvisé que les sanctions disciplinaires applicables aux vétérinaires ou docteurs vétérinaires en cas de manquement aux devoirs de la profession sont l'avertissement, la réprimande, la suspension temporaire du droit d'exercer la profession pour une durée maximum de dix ans, soit dans un périmètre qui ne peut excéder le ressort de la chambre régionale qui a prononcé la suspension, soit sur tout le territoire des départements métropolitains et d'outre-mer ; que, pour la suspension temporaire, lorsqu'une période égale à la moitié de la durée de la suspension est écoulée, le vétérinaire ou docteur vétérinaire sanctionné peut être relevé de l'incapacité d'exercer par une décision de la chambre de discipline qui a prononcé la condamnation ; que les sanctions disciplinaires prononcées, à l'exception de l'avertissement, peuvent, le cas échéant, être accompagnées d'une inéligibilité, temporaire ou définitive, à un ou tous les conseils de l'ordre des vétérinaires ; que les sanctions disciplinaires ainsi instituées ne méconnaissent pas les exigences de l'article 8 de la Déclaration de 1789 ;
10. Considérant, en second lieu, que, si le principe de proportionnalité des peines implique que le temps écoulé entre la faute et la condamnation puisse être pris en compte dans la détermination de la sanction, il appartient à l'autorité disciplinaire compétente de veiller au respect de cette exigence dans l'application des dispositions contestées ; que, dans ces conditions, ces dispositions ne sont pas contraires à l'article 8 de la Déclaration de 1789 ;
Sur les griefs tirés de la méconnaissance des principes d'indépendance et d'impartialité des juridictions :
11. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que sont garantis par ces dispositions les principes d'indépendance et d'impartialité, indissociables de l'exercice de fonctions juridictionnelles, ainsi que le respect des droits de la défense lorsqu'est en cause une sanction ayant le caractère d'une punition ;
12. Considérant, en premier lieu, que l'article L. 242-8 du code susvisé dispose que la chambre supérieure de discipline « est composée des membres du conseil supérieur de l'ordre et d'un conseiller honoraire à la Cour de cassation, ou à défaut d'un conseiller en activité, exerçant la présidence et désigné par le premier président de la Cour de cassation » ; que la circonstance selon laquelle les membres de l'organe disciplinaire sont, à l'exception d'un magistrat judiciaire, également membres en exercice du conseil de l'ordre, n'a pas pour effet, en elle-même, de porter atteinte aux exigences d'indépendance et d'impartialité de cet organe ;
13. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions contestées n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de permettre qu'un membre du Conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires qui aurait engagé les poursuites disciplinaires ou accompli des actes d'instruction siège au sein de la chambre supérieure de discipline ;
14. Considérant, en troisième lieu, que la procédure disciplinaire applicable aux vétérinaires et docteurs vétérinaires, soumise aux exigences précitées, ne relève pas du domaine de la loi mais, sous le contrôle du juge compétent, du domaine réglementaire ; que, par suite, le grief tiré de ce que les dispositions législatives contestées n'institueraient pas les règles de procédure garantissant le respect de ces exigences doit être écarté ;
15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sous la réserve énoncée au considérant 13, le grief tiré de la méconnaissance des principes d'indépendance et d'impartialité des juridictions doit être rejeté ;
16. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

Sous la réserve énoncée au considérant 13, l'article L. 242-8 du code rural et de la pêche maritime est conforme à la Constitution.

ARTICLE 2

Les articles L. 242-6 et L. 242-7 du même code sont conformes à la Constitution.

ARTICLE 3

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 24 novembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

DECISION du 2 décembre 2011

Décision n° 2011-200 QPC du 2 décembre 2011

(BANQUE POPULAIRE CÔTE D'AZUR)

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 23 septembre 2011 par le Conseil d'Etat (décision n° 336839 du 23 septembre 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la Banque Populaire Côte d'Azur, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du premier alinéa de l'article L. 613-1, des articles L. 613-4, L. 613-6, L. 613-21 et du paragraphe I de l'article L. 613-23 du code monétaire et financier, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2010-76 du 21 janvier 2010 portant fusion des autorités d'agrément et de contrôle de la banque et de l'assurance.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code monétaire et financier ;
Vu l'ordonnance n° 2010-76 du 21 janvier 2010 portant fusion des autorités d'agrément et de contrôle de la banque et de l'assurance ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 17 octobre 2011 ;
Vu les observations produites pour les requérants par la SCP Defrénois et Levis, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 2 novembre 2011 ;
Vu les observations produites pour l'Autorité de contrôle prudentiel, venant aux droits de la Commission bancaire, par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 7 novembre 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Marc Levis, pour les requérants, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 22 novembre 2011 ;
Vu la note en délibéré produite pour l'Autorité de contrôle prudentiel, enregistrée le 28 novembre 2011 ;
Vu le mémoire en réponse à la note en délibéré, produit pour la société requérante, enregistré le 29 novembre 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 613-1 du code monétaire et financier, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 21 janvier 2010 susvisée : « La commission bancaire est chargée de contrôler le respect par les établissements de crédit des dispositions législatives et réglementaires qui leur sont applicables et de sanctionner les manquements constatés » ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 613-4 du même code : « La commission bancaire délibère valablement lorsque la majorité absolue des membres qui la composent sont présents ou représentés. Sauf s'il y a urgence, elle ne délibère valablement en qualité de juridiction administrative que lorsque la totalité de ses membres sont présents ou représentés » ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 613-6 du même code : « Le secrétariat général de la commission bancaire, sur instruction de la commission bancaire, effectue des contrôles sur pièces et sur place. La commission délibère périodiquement du programme des contrôles sur place.
« Le secrétariat général de la Commission bancaire peut convoquer et entendre toute personne pour en obtenir des informations » ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 613-21 du même code : « I. ― Si un établissement de crédit, un établissement de paiement, ou une des personnes mentionnées au premier alinéa de l'article L. 613-2 a enfreint une disposition législative ou réglementaire afférente à son activité, n'a pas répondu à une recommandation ou n'a pas tenu compte d'une mise en garde ou encore n'a pas respecté les conditions particulières posées ou les engagements pris à l'occasion d'une demande d'agrément ou d'une autorisation ou dérogation prévue par les dispositions législatives ou réglementaires applicables aux établissements de crédit, aux établissements de paiement et aux entreprises d'investissement, la commission bancaire, sous réserve des compétences de l'Autorité des marchés financiers, peut prononcer l'une des sanctions disciplinaires suivantes :
« 1. L'avertissement ;
« 2. Le blâme ;
« 3. L'interdiction, à titre temporaire ou définitif, d'effectuer certaines opérations et toutes autres limitations dans l'exercice de l'activité ;
« 4. La suspension temporaire de l'une ou de plusieurs des personnes mentionnées à l'article L. 511-13, au huitième alinéa du II de l'article L. 522-6 et à l'article L. 532-2 avec ou sans nomination d'administrateur provisoire ;
« 5. La démission d'office de l'une ou de plusieurs de ces mêmes personnes avec ou sans nomination d'administrateur provisoire ;
« 6. La radiation de l'établissement de crédit, de l'établissement de paiement ou de l'entreprise d'investissement de la liste des établissements de crédit, des établissements de paiement ou des entreprises d'investissement agréés avec ou sans nomination d'un liquidateur. La radiation d'un établissement de paiement peut notamment être prononcée s'il représente une menace pour la stabilité des systèmes de paiement.
« La commission bancaire, sous réserve des compétences de l'Autorité des marchés financiers, peut également prononcer les sanctions disciplinaires mentionnées ci-dessus s'il n'a pas été déféré à l'injonction prévue à l'article L. 613-16.
« En outre, la commission bancaire peut prononcer, soit à la place, soit en sus de ces sanctions, une sanction pécuniaire au plus égale au décuple du montant du capital minimum auquel est astreinte la personne morale sanctionnée. Les sommes correspondantes sont recouvrées par le Trésor public et versées au budget de l'Etat.
« II. ― La commission bancaire peut également décider, soit à la place, soit en sus de ces sanctions, d'interdire ou de limiter la distribution d'un dividende aux actionnaires ou d'une rémunération des parts sociales aux sociétaires des personnes mentionnées au I.
« Lorsqu'elle prononce une des sanctions disciplinaires ci-dessus énumérées à l'encontre d'un prestataire de services d'investissement, la commission bancaire en informe l'Autorité des marchés financiers.
« III. ― La commission bancaire peut décider que les sanctions prises dans le cadre du présent article feront l'objet d'une publication aux frais de la personne morale sanctionnée dans les journaux ou publications que la commission désigne, à moins que cette publication ne risque de perturber gravement les marchés financiers ou de causer un préjudice disproportionné aux parties en cause » ;
5. Considérant qu'aux termes du paragraphe I de l'article L. 613-23 du même code : « Lorsque la commission bancaire statue en application de l'article L. 613-21, elle est une juridiction administrative » ;
6. Considérant que, selon la société requérante, en ne prévoyant pas de séparation des pouvoirs de poursuite et de sanction au sein de la commission bancaire, ces dispositions méconnaissent les principes d'indépendance et d'impartialité des juridictions qui découlent de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que les principes d'indépendance et d'impartialité sont indissociables de l'exercice de fonctions juridictionnelles ;
8. Considérant que les dispositions contestées, en organisant la Commission bancaire sans séparer en son sein, d'une part, les fonctions de poursuite des éventuels manquements des établissements de crédit aux dispositions législatives et réglementaires qui les régissent et, d'autre part, les fonctions de jugement des mêmes manquements, qui peuvent faire l'objet de sanctions disciplinaires, méconnaissent le principe d'impartialité des juridictions et, par suite, doivent être déclarées contraires à la Constitution ;
9. Considérant qu'en vertu de la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution, il appartient au Conseil constitutionnel de déterminer les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition qu'il déclare inconstitutionnelle a produits sont susceptibles d'être remis en cause ; que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration ; que la présente déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la publication de la présente décision ; qu'elle est applicable à toutes les instances non définitivement jugées à cette date,
Décide :

ARTICLE 1

Le premier alinéa de l'article L. 613-1, les articles L. 613-4, L. 613-6, L. 613-21 et le paragraphe I de l'article L. 613-23 du code monétaire et financier, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2010-76 du 21 janvier 2010 portant fusion des autorités d'agrément et de contrôle de la banque et de l'assurance, sont contraires à la Constitution.

ARTICLE 2

La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées par son considérant 9.

ARTICLE 3

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 1er décembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-201 QPC du 2 décembre 2011

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 28 septembre 2011 par la Cour de cassation (troisième chambre civile, arrêt n° 1236 du 28 septembre 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Christiane V., épouse D., et MM. Jean-Pierre et Christophe D., relative aux articles 4 et 5 de l'édit du 16 décembre 1607, devenus les articles L. 112-1 et L. 112-2 du code de la voirie routière.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de la voirie routière ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour les requérants par la SCP Monod-Colin, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées les 20 octobre et 4 novembre 2011 ;
Vu les observations produites pour la commune de Salers par la SCP Vincent-Ohl, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 19 octobre 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 20 octobre 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Alain Monod, pour les requérants, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 22 novembre 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 112-1 du code de la voirie routière, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement : « L'alignement est la détermination par l'autorité administrative de la limite du domaine public routier au droit des propriétés riveraines. Il est fixé soit par un plan d'alignement, soit par un alignement individuel.
« Le plan d'alignement, auquel est joint un plan parcellaire, détermine après enquête publique la limite entre voie publique et propriétés riveraines.
« L'alignement individuel est délivré au propriétaire conformément au plan d'alignement s'il en existe un. En l'absence d'un tel plan, il constate la limite de la voie publique au droit de la propriété riveraine » ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 112-2 du code de la voirie routière : « La publication d'un plan d'alignement attribue de plein droit à la collectivité propriétaire de la voie publique le sol des propriétés non bâties dans les limites qu'il détermine.
« Le sol des propriétés bâties à la date de publication du plan d'alignement est attribué à la collectivité propriétaire de la voie dès la destruction du bâtiment.
« Lors du transfert de propriété, l'indemnité est, à défaut d'accord amiable, fixée et payée comme en matière d'expropriation » ;
3. Considérant que, selon les requérants, d'une part, en permettant à l'administration de bénéficier d'une cession forcée de propriété privée par la publication d'un plan d'alignement établi unilatéralement, sans que soit constatée sa nécessité publique ni qu'il soit fait droit à une indemnisation préalable, les articles L. 112-1 et L. 112-2 du code de la voirie routière portent atteinte au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; que, d'autre part, en ne prévoyant pas de recours effectif, les articles L. 112-1 et L. 112-2 du code de la voirie routière porteraient atteinte au respect des droits de la défense et au droit à un recours juridictionnel effectif résultant de l'article 16 de la même Déclaration ;
Sur le droit de propriété :
4. Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ; qu'aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'en l'absence de privation du droit de propriété, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les limites apportées à son exercice doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi ;
5. Considérant, d'une part, qu'il résulte de la jurisprudence constante du Conseil d'Etat sur les dispositions contestées que le plan d'alignement n'attribue à la collectivité publique le sol des propriétés qu'il délimite que dans le cadre de rectifications mineures du tracé de la voie publique ; qu'il ne permet ni d'importants élargissements ni a fortiori l'ouverture de voies nouvelles ; qu'il ne peut en résulter une atteinte importante à l'immeuble ; que, par suite, l'alignement n'entre pas dans le champ d'application de l'article 17 de la Déclaration de 1789 ;
6. Considérant, d'autre part, que le plan d'alignement vise à améliorer la sécurité routière et à faciliter les conditions de circulation ; qu'ainsi, il répond à un motif d'intérêt général ;
7. Considérant qu'il ressort des dispositions contestées que le plan d'alignement est fixé après enquête publique ; qu'il ressort du troisième alinéa de l'article L. 112-2 que, lors du transfert de propriété, l'indemnité est, à défaut d'accord amiable, fixée et payée comme en matière d'expropriation ; que, par suite, l'article L. 13-13 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, qui dispose que l'indemnité doit couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain, est applicable à la fixation de l'indemnisation des transferts de propriété résultant de l'alignement ;
8. Considérant que, toutefois, il ressort du deuxième alinéa de l'article L. 112-2 du code de la voirie routière que, lorsque le plan d'alignement inclut des terrains bâtis, le transfert de propriété résulte de la destruction du bâtiment ; que, tant que ce transfert n'est pas intervenu, les terrains sont soumis à la servitude de reculement, prévue par l'article L. 112-6 du code de la voirie routière, qui interdit, en principe, tout travail confortatif ; que la servitude impose ainsi au propriétaire de supporter la dégradation progressive de l'immeuble bâti pendant une durée indéterminée ; que la jouissance de l'immeuble bâti par le propriétaire est limitée par cette interdiction ; que, dans ces conditions, l'atteinte aux conditions d'exercice du droit de propriété serait disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi si l'indemnité due à l'occasion du transfert de propriété ne réparait également le préjudice subi du fait de la servitude de reculement ; que, sous cette réserve, les deuxième et troisième alinéas de l'article L. 112-2 du code de la voirie routière sont conformes à l'article 2 de la Déclaration de 1789 ;
9. Considérant que, pour le surplus, les articles L. 112-1 et L. 112-2 du code de la voirie routière ne portent pas aux conditions d'exercice du droit de propriété une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi ;
Sur le droit à un recours juridictionnel effectif :
10. Considérant que les dispositions contestées ne portent aucune atteinte au droit du propriétaire de contester le plan d'alignement ou la servitude de reculement ; que le grief tiré d'une violation de l'article 16 de la Déclaration de 1789 manque en fait ;
11. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

Sous la réserve énoncée au considérant 8, les deuxième et troisième alinéas de l'article L. 112-2 du code de la voirie routière sont conformes à la Constitution.

ARTICLE 2

L'article L. 112-1 du code de la voirie routière, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, et le surplus de l'article L. 112-2 du même code sont conformes à la Constitution.

ARTICLE 3

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 1er décembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-202 QPC du 2 décembre 2011

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 28 septembre 2011 par le Conseil d'Etat (décision n° 348858 du 28 septembre 2011) sur le fondement des dispositions de l'article 61-1 de la Constitution d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Lucienne Q., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 336, L. 337, L. 338, L. 339, L. 340 et L. 341 du code de la santé publique dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 90-527 du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 90-527 du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010 ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2011-135/140 QPC du 9 juin 2011 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par la SCP G. Laugier et J.-Ph. Caston, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 19 octobre 2011 ;
Vu les observations produites pour le Centre hospitalier spécialisé Esquirol par Me Didier Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 21 octobre 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 21 octobre 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
M. Xavier Pottier désigné par le Premier ministre, ayant été entendu à l'audience publique du 22 novembre 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 336 du code de la santé publique, dans sa rédaction antérieure à la loi du 27 juin 1990 susvisée : « Quinze jours après le placement d'une personne dans un établissement public ou privé, il sera adressé au préfet, conformément au dernier paragraphe de l'article L. 333, un nouveau certificat du médecin de l'établissement ; ce certificat confirmera ou rectifiera, s'il y a lieu, les observations contenues dans le premier certificat, en indiquant le retour plus ou moins fréquent des accès ou des actes de démence » ;
2. Considérant qu'aux termes de son article L. 337, dans la même rédaction : « Il y aura, dans chaque établissement, un registre coté et paraphé par le maire, sur lequel seront immédiatement inscrits les nom, profession, âge et domicile des personnes placées dans les établissements, la mention du jugement d'interdiction, s'il a été prononcé, et le nom de leur tuteur ; la date de leur placement, les nom, profession et demeure de la personne, parente ou non parente, qui l'aura demandé. Seront également transcrits sur ce registre :
« 1° Le certificat du médecin, joint à la demande d'admission ;
« 2° Ceux que le médecin de l'établissement devra adresser à l'autorité, conformément aux articles L. 333 et L. 336 ci-dessus.
« Le médecin sera tenu de consigner sur ce registre, au moins tous les mois, les changements survenus dans l'état mental de chaque malade. Ce registre constatera également les sorties et les décès.
« Ce registre sera soumis aux personnes qui, d'après l'article L. 332, ont le droit de visiter l'établissement lorsqu'elles se présenteront pour en faire la visite ; après l'avoir terminée, elles apposeront sur le registre leur visa, leur signature et leurs observations, s'il y a lieu » ;
3. Considérant qu'aux termes de son article L. 338 : « Toute personne placée dans un établissement d'aliénés cessera d'y être retenue aussitôt que les médecins de l'établissement auront déclaré, sur le registre énoncé en l'article précédent, que la guérison est obtenue.
« S'il s'agit d'un mineur ou d'un interdit, il sera donné immédiatement avis de la déclaration des médecins aux personnes auxquelles il devra être remis, et au procureur de la République » ;
4. Considérant qu'aux termes de son article L. 339 : « Avant même que les médecins aient déclaré la guérison, toute personne placée dans un établissement d'aliénés cessera également d'y être retenue, dès que la sortie sera requise par l'une des personnes ci-après désignées, savoir :
« 1° Le curateur nommé en exécution de l'article L. 353 ci-après ;
« 2° L'époux ou l'épouse ;
« 3° S'il n'y a pas d'époux ou d'épouse, les ascendants ;
« 4° S'il n'y a pas d'ascendants, les descendants ;
« 5° La personne qui aura signé la demande d'admission, à moins qu'un parent n'ait déclaré s'opposer à ce qu'elle use de cette faculté sans l'assentiment du conseil de famille ;
« 6° Toute personne à ce autorisée par le conseil de famille.
« S'il résulte d'une opposition notifiée au chef de l'établissement par un ayant droit qu'il y a dissentiment, soit entre les ascendants, soit entre les descendants, le conseil de famille prononcera.
« Néanmoins, si le médecin de l'établissement est d'avis que l'état mental du malade pourrait compromettre l'ordre public ou la sûreté des personnes, il en sera donné préalablement connaissance au maire, qui pourra ordonner immédiatement un sursis provisoire à la sortie à la charge d'en référer, dans les vingt-quatre heures, au préfet. Ce sursis provisoire cessera de plein droit à l'expiration de la quinzaine, si le préfet n'a pas, dans ce délai, donné d'ordres contraires, conformément à l'article L. 346 ci-après. L'ordre du maire sera transcrit sur le registre tenu en exécution de l'article L. 337 ci-dessus.
« En cas de minorité, la sortie ne pourra être requise par les père et mère qui ne se trouvent pas dans l'un des cas prévus à l'article 373 du code civil ; à leur défaut, elle le sera par le tuteur. S'il y a dissentiment entre les père et mère, le tribunal prononcera. S'ils sont divorcés ou séparés de corps, le droit de requérir la sortie est exercé par celui à qui la garde de l'enfant a été confiée » ;
5. Considérant qu'aux termes de son article L. 340 : « Dans les vingt-quatre heures de la sortie, les chefs, préposés ou directeurs en donneront avis, aux fonctionnaires désignés dans le dernier paragraphe de l'article L. 333, et leur feront connaître le nom et la résidence des personnes qui auront retiré le malade, son état mental au moment de la sortie, et, autant que possible, l'indication du lieu où il aura été conduit » ;
6. Considérant qu'aux termes de son article L. 341 : « Le préfet pourra toujours ordonner la sortie immédiate des personnes placées volontairement dans les établissements d'aliénés » ;
7. Considérant que, selon la requérante, ces dispositions méconnaissent le respect de la liberté individuelle garantie par l'article 66 de la Constitution ;
Sur les normes de constitutionnalité applicables :
8. Considérant que l'article 66 de la Constitution dispose : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. ― L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi » ; que, dans l'exercice de sa compétence, le législateur peut fixer des modalités d'intervention de l'autorité judiciaire différentes selon la nature et la portée des mesures affectant la liberté individuelle qu'il entend édicter ;
9. Considérant qu'en vertu du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, la Nation garantit à tous le droit à la protection de la santé ; que l'article 34 de la Constitution dispose que la loi fixe les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ; qu'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d'adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité et de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions, dès lors que, dans l'exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences constitutionnelles ;
10. Considérant que l'hospitalisation sans son consentement d'une personne atteinte de troubles mentaux doit respecter le principe, résultant de l'article 66 de la Constitution, selon lequel la liberté individuelle ne saurait être entravée par une rigueur qui ne soit nécessaire ; qu'il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la protection de la santé des personnes souffrant de troubles mentaux ainsi que la prévention des atteintes à l'ordre public nécessaire à la sauvegarde de droits et principes de valeur constitutionnelle et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties ; qu'au nombre de celles-ci figurent la liberté d'aller et venir et le respect de la vie privée, protégés par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ainsi que la liberté individuelle dont l'article 66 de la Constitution confie la protection à l'autorité judiciaire ; que les atteintes portées à l'exercice de ces libertés doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées aux objectifs poursuivis ;
Sur les dispositions contestées :
11. Considérant, en premier lieu, que l'article L. 336 du code de la santé publique, dans sa rédaction antérieure à la loi du 27 juin 1990 susvisée, est relatif au « placement volontaire » décidé par le directeur d'un établissement psychiatrique à la demande de toute personne autre que celle visée par la mesure ; qu'il se borne à imposer, pour le maintien de cette mesure, l'examen de l'intéressé dans les quinze jours par un médecin de l'établissement qui transmet son certificat médical au représentant de l'Etat dans le département ; qu'en lui-même, cet article n'est contraire à aucun droit ou liberté que la Constitution garantit ; qu'il doit être déclaré conforme à la Constitution ;
12. Considérant, en deuxième lieu, que l'article L. 337 institue le registre des personnes « placées » dans l'établissement et énonce les mentions qui doivent y être portées périodiquement ; que l'article L. 338 prévoit la sortie des personnes dont les médecins de l'établissement ont déclaré que « la guérison est obtenue » ; que l'article L. 339 fixe la liste des personnes qui peuvent provoquer la sortie du malade et les conditions dans lesquelles l'autorité administrative peut s'y opposer ; que l'article L. 340 impose que le directeur de l'établissement informe, selon le cas, le préfet, le sous-préfet ou le maire du nom des personnes qui ont requis la sortie d'un malade ainsi que de l'état mental de ce dernier et, « autant qu'il est possible », l'endroit où il a été conduit ;
13. Considérant que la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible ; que les motifs médicaux et les finalités thérapeutiques qui justifient la privation de liberté des personnes atteintes de troubles mentaux hospitalisées sans leur consentement peuvent être pris en compte pour la fixation de ce délai ; que, pour les mêmes motifs que ceux retenus dans les décisions du 26 novembre 2010 et du 9 juin 2011 susvisées, les dispositions des articles L. 337 à L. 340 du code de la santé publique, qui permettaient que l'hospitalisation d'une personne atteinte de maladie mentale soit maintenue au-delà de quinze jours dans un établissement de soins sans intervention d'une juridiction de l'ordre judiciaire, méconnaissent les exigences de l'article 66 de la Constitution ; que, par suite, elles doivent être déclarées contraires à la Constitution ;
14. Considérant, en troisième lieu, que l'article L. 341 se borne à prévoir que le préfet peut toujours ordonner la sortie immédiate des personnes placées volontairement dans les établissements accueillant des personnes atteintes de maladie mentale ; qu'il n'est contraire à aucun droit ou liberté que la Constitution garantit ; qu'il doit être déclaré conforme à la Constitution ;
Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité :
15. Considérant qu'en vertu de la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution, il appartient au Conseil constitutionnel de déterminer les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition qu'il déclare inconstitutionnelle a produits sont susceptibles d'être remis en cause ; que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration ;
16. Considérant que la déclaration d'inconstitutionnalité des articles L. 337 à L. 340 du code de la santé publique prend effet à compter de la publication de la présente décision ; qu'elle est applicable à toutes les instances non jugées définitivement à cette date,
Décide :

ARTICLE 1

Les articles L. 337, L. 338, L. 339 et L. 340 du code de la santé publique, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 90-527 du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation, sont contraires à la Constitution.

ARTICLE 2

La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions prévues au considérant 16.

ARTICLE 3

Les articles L. 336 et L. 341 du même code, dans la même rédaction, sont conformes à la Constitution.

ARTICLE 4

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 1er décembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-203 QPC du 2 décembre 2011

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 4 octobre 2011 par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 1019 du 4 octobre 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Wathik M., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 389 du code des douanes.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code des douanes ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées les 26 octobre et 10 novembre 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendu à l'audience publique du 22 novembre 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 389 du code des douanes : « 1. En cas de saisie de moyens de transport dont la remise sous caution aura été offerte par procès-verbal et n'aura pas été acceptée par la partie ainsi qu'en cas de saisie d'objets qui ne pourront être conservés sans courir le risque de détérioration, il sera, à la diligence de l'administration des douanes et en vertu de la permission du juge d'instance le plus voisin ou du juge d'instruction, procédé à la vente par enchère des objets saisis.
« 2. L'ordonnance portant permis de vendre sera notifiée dans le jour à la partie adverse, conformément aux dispositions de l'article 362-2 ci-dessus, avec déclaration qu'il sera immédiatement procédé à la vente, tant en l'absence qu'en sa présence, attendu le péril en la demeure.
« 3. L'ordonnance du juge d'instance ou du juge d'instruction sera exécutée nonobstant opposition ou appel.
« 4. Le produit de la vente sera déposé dans la caisse de la douane pour en être disposé ainsi qu'il sera statué en définitive par le tribunal chargé de se prononcer sur la saisie » ;
2. Considérant que, selon le requérant, d'une part, en permettant à l'administration des douanes de demander au juge la permission de vendre, avant jugement de condamnation, les moyens de transport et objets périssables saisis par elle, l'article 389 du code des douanes méconnaît le droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; que, d'autre part, en prévoyant que l'ordonnance du juge autorisant l'aliénation sera exécutée nonobstant opposition ou appel, le troisième alinéa de l'article 389 du même code porterait atteinte aux droits de la défense et au droit à un recours juridictionnel effectif résultant de l'article 16 de la Déclaration de 1789 ;
Sur le droit de propriété :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 17 de la Déclaration de 1789 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ;
4. Considérant que les dispositions contestées permettent l'aliénation, en cours de procédure, par l'administration des douanes, sur autorisation d'un juge, des véhicules et objets périssables saisis ; que cette aliénation, qui ne constitue pas une peine de confiscation prononcée à l'encontre des propriétaires des biens saisis, entraîne une privation du droit de propriété au sens de l'article 17 de la Déclaration de 1789 ;
5. Considérant, d'une part, que la privation de propriété opérée par l'article 389 du code des douanes n'est applicable qu'aux moyens de transport et aux objets saisis « qui ne pourront être conservés sans courir le risque de détérioration » ; que leur aliénation est destinée à éviter leur dépréciation en cours de procédure et à limiter les frais de stockage et de garde ; qu'elle a un objet conservatoire, dans l'intérêt tant de la partie poursuivante que du propriétaire des biens saisis ; qu'elle poursuit, en outre, l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice et de bon emploi des deniers publics ; que, par suite, elle répond à un motif de nécessité publique ;
6. Considérant, d'autre part, qu'en premier lieu, l'aliénation des biens saisis avant qu'ils ne se déprécient est destinée à ce que, selon l'issue de la procédure, le produit de la vente correspondant à la valeur des biens saisis puisse, soit être affecté au paiement des condamnations prononcées contre leur propriétaire, soit être restitué à ce dernier ; qu'ainsi, elle ne méconnaît pas l'exigence d'une indemnisation juste de la privation de propriété ;
7. Considérant qu'en second lieu, l'exigence d'un versement préalable de l'indemnité ne saurait faire obstacle à ce que celle-ci soit retenue à titre conservatoire en vue du paiement des amendes pénales ou douanières auxquelles la personne mise en cause pourrait être condamnée ; que, par suite, en rendant indisponibles, pendant la procédure, les sommes provenant de l'aliénation des biens saisis, l'article 389 du code des douanes ne méconnaît pas l'exigence d'une indemnisation préalable de la privation de propriété ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la privation du droit de propriété opérée par les dispositions contestées ne méconnaît pas les exigences de l'article 17 de la Déclaration de 1789 ;
Sur le droit à un recours juridictionnel effectif :
9. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ;
10. Considérant que le caractère non suspensif d'une voie de recours ne méconnaît pas, en lui-même, le droit à un recours juridictionnel effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration de 1789 ;
11. Considérant, toutefois, que, d'une part, la demande d'aliénation formée par l'administration en application de l'article 389 du code des douanes est examinée par le juge sans que le propriétaire intéressé ait été entendu ou appelé ; que, d'autre part, l'exécution de la mesure d'aliénation revêt, en fait, un caractère définitif, le bien aliéné sortant définitivement du patrimoine de la personne mise en cause ;
12. Considérant qu'au regard des conséquences qui résultent de l'exécution de la mesure d'aliénation, la combinaison de l'absence de caractère contradictoire de la procédure et du caractère non suspensif du recours contre la décision du juge conduisent à ce que la procédure applicable méconnaisse les exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789 ; que, par suite, l'article 389 du code des douanes doit être déclaré contraire à la Constitution ;
13. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ; que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration ;
14. Considérant que l'abrogation immédiate de l'article 389 du code des douanes aurait des conséquences manifestement excessives ; que, par suite, la présente déclaration d'inconstitutionnalité est applicable à compter du 1er janvier 2013,
Décide :

ARTICLE 1

L'article 389 du code des douanes est contraire à la Constitution.

ARTICLE 2

La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter du 1er janvier 2013 dans les conditions fixées au considérant 14.

ARTICLE 3

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 1er décembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

DECISION du 9 décembre 2011

Décision n° 2011-204 QPC du 9 décembre 2011

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 6 octobre 2011 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt du 5 octobre 2011, n° 5447), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Jérémy M., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du premier alinéa du paragraphe I de l'article L. 235-1 du code de la route.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de la route ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Retali-Genisseux, enregistrées le 4 novembre 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 28 octobre 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendu à l'audience publique du 29 novembre 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa, du paragraphe I de l'article L. 235-1 du code de la route : « Toute personne qui conduit un véhicule ou qui accompagne un élève conducteur alors qu'il résulte d'une analyse sanguine qu'elle a fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants est punie de deux ans d'emprisonnement et de 4 500 euros d'amende » ;
2. Considérant que, selon le requérant, en ne prévoyant ni taux de substance illicite détectable dans le sang ni durée entre la prise de stupéfiants et la conduite, ces dispositions portent atteinte au principe de légalité des délits et des peines ainsi qu'au principe de nécessité des peines ;
3. Considérant, d'une part, que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution, ainsi que du principe de légalité des délits et des peines qui résulte de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, l'obligation de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis ;
4. Considérant, d'autre part, que l'article 8 de la Déclaration de 1789 dispose : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires... » ; que l'article 61-1 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, mais lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité des dispositions législatives soumises à son examen aux droits et libertés que la Constitution garantit ; que, si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue ;
5. Considérant, en premier lieu, que, d'une part, il était loisible au législateur d'instituer une qualification pénale particulière pour réprimer la conduite lorsque le conducteur a fait usage de stupéfiants ; qu'à cette fin, il a précisé que l'infraction est constituée dès lors que l'usage de produits ou de plantes classés comme stupéfiants est établi par une analyse sanguine ; que, d'autre part, il appartient au pouvoir réglementaire, sous le contrôle du juge compétent, de fixer, en l'état des connaissances scientifiques, médicales et techniques, les seuils minima de détection témoignant de l'usage de stupéfiants ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le législateur aurait méconnu le principe de légalité des délits en omettant de préciser la quantité de produits stupéfiants présents dans le sang pour que l'infraction soit constituée doit être écarté ;
6. Considérant, en second lieu, que la disposition contestée réprime d'une peine de deux ans d'emprisonnement et de 4 500 euros d'amende le fait de conduire un véhicule alors qu'une analyse sanguine révèle que le conducteur a fait usage de stupéfiants ; que, compte tenu des risques induits par le comportement réprimé, les peines encourues ne sont pas manifestement disproportionnées ;
7. Considérant que le premier alinéa du paragraphe I de l'article L. 235-1 du code de la route n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

Le premier alinéa du paragraphe I de l'article L. 235-1 du code de la route est conforme à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 8 décembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Décision n° 2011-205 QPC du 9 décembre 2011

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 12 octobre 2011 par la Cour de cassation (chambre sociale, arrêt n° 2231 du 12 octobre 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Patelise F., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article Lp. 311-2 du code du travail de Nouvelle-Calédonie, dans sa rédaction résultant de la loi du pays n° 2008-2 du 13 février 2008 relative au code du travail de Nouvelle-Calédonie.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 modifiée relative à la Nouvelle-Calédonie ;
Vu le code du travail de Nouvelle-Calédonie ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Waquet-Farge-Hazan, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 28 octobre 2011 ;
Vu les observations produites par le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, enregistrées le 27 octobre 2011 ;
Vu les observations produites par le président du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, enregistrées le 9 novembre 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 18 novembre 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Claire Waquet pour le requérant et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 29 novembre 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article Lp. 311-2 du code du travail de Nouvelle-Calédonie : « Les dispositions du chapitre III du titre Ier du présent livre, relatives au droit d'expression des salariés, du chapitre III du titre II, relatives à l'exercice du droit syndical, du titre IV, relatives aux institutions représentatives du personnel et du titre V relatives aux dispositions spécifiques aux salariés protégés, ne sont pas applicables à l'Etat, à la Nouvelle-Calédonie, aux provinces, aux communes et aux établissements publics administratifs » ;
2. Considérant que le requérant fait valoir que ces dispositions instituent une différence de traitement sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie entre, d'une part, les agents de l'Etat, de la Nouvelle-Calédonie, des provinces, des communes et des établissements publics administratifs et, d'autre part, les salariés des entreprises privées et les agents des établissements publics industriels et commerciaux ; qu'ainsi, elles méconnaîtraient le principe d'égalité devant la loi ; qu'en outre, en privant les agents de ces administrations publiques du bénéfice de l'application des dispositions du code du travail de Nouvelle-Calédonie relatives au droit d'expression des salariés, à l'exercice du droit syndical, aux institutions représentatives du personnel et aux salariés protégés, les dispositions contestées porteraient atteinte à la liberté syndicale et au principe de participation des travailleurs à la détermination des conditions de travail ;
3. Considérant qu'en vertu de l'article 21 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, l'Etat est compétent en matière de fonction publique de l'Etat ; qu'en vertu de l'article 22 de la même loi organique, la Nouvelle-Calédonie est compétente en matière de fonction publique de la Nouvelle-Calédonie ainsi qu'en matière de droit du travail et droit syndical ; qu'en outre, aux termes de l'article 99 de la même loi organique : « Les lois du pays interviennent dans les matières suivantes correspondant aux compétences exercées par la Nouvelle-Calédonie ou à compter de la date de leur transfert par application de la présente loi : ... 3° Principes fondamentaux du droit du travail, du droit syndical et du droit de la sécurité sociale ; garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires de la Nouvelle-Calédonie et des communes » ;
4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi... doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du sixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale et adhérer au syndicat de son choix » ; que son huitième alinéa dispose : « Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises » ;
6. Considérant, en premier lieu, qu'il était loisible au législateur, pour mettre en œuvre la liberté syndicale et le principe de participation, d'adopter des dispositions particulières applicables aux agents des administrations publiques salariés dans les conditions du droit privé s'agissant du droit d'expression des salariés, du droit syndical, des institutions représentatives du personnel et des salariés protégés ;
7. Considérant, en second lieu, que les dispositions contestées soustraient ces agents des administrations publiques du bénéfice des dispositions du code du travail de Nouvelle-Calédonie applicables aux relations collectives du travail ; que ni ces dispositions ni aucune loi du pays de Nouvelle-Calédonie n'assurent la mise en œuvre, pour ces agents, de la liberté syndicale et du principe de participation des travailleurs ; que, par suite, les dispositions contestées portent une atteinte inconstitutionnelle aux exigences précitées du Préambule de 1946 ; qu'elles doivent être déclarées contraires à la Constitution ;
8. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ; que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration ;
9. Considérant que le Conseil constitutionnel ne dispose pas d'un pouvoir de même nature que celui du Congrès de Nouvelle-Calédonie ; qu'il ne lui appartient pas d'indiquer les modalités selon lesquelles il doit être remédié à l'inconstitutionnalité de l'article Lp. 311-2 du code du travail de Nouvelle-Calédonie ; que, par suite, afin de permettre qu'il y soit remédié, il y a lieu de reporter au 1er janvier 2013 la date de cette abrogation ; que les contrats et les décisions pris avant cette date en application des dispositions déclarées contraires à la Constitution ne peuvent être contestés sur le fondement de cette inconstitutionnalité,
Décide :

ARTICLE 1

L'article Lp. 311-2 du code du travail de Nouvelle-Calédonie est contraire à la Constitution.

ARTICLE 2

La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter du 1er janvier 2013 dans les conditions fixées au considérant 9.

ARTICLE 3

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 8 décembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

DECISION du 16 décembre 2011

Décision n° 2011-206 QPC du 16 décembre 2011

 Le Conseil constitutionnel a été saisi le 22 septembre 2011, dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution et selon les modalités fixées par la dernière phrase du premier alinéa de l'article 23-7 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Noël C. et transmise à la Cour de cassation, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 2206 du code civil.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code civil ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par Me Julien Soulié, avocat au barreau de Tarbes, enregistrées les 4 et 21 novembre 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 9 novembre 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Soulié, pour le requérant, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 6 décembre 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 2206 du code civil : « Le montant de la mise à prix est fixé par le créancier poursuivant. A défaut d'enchère, celui-ci est déclaré adjudicataire d'office à ce montant.
« Le débiteur peut, en cas d'insuffisance manifeste du montant de la mise à prix, saisir le juge afin de voir fixer une mise à prix en rapport avec la valeur vénale de l'immeuble et les conditions du marché. Toutefois, à défaut d'enchère, le poursuivant ne peut être déclaré adjudicataire que pour la mise à prix initiale. » ;
2. Considérant que, selon le requérant, en permettant que le créancier poursuivant devienne, à défaut d'enchère, propriétaire du bien saisi au prix qu'il a lui-même fixé, l'article 2206 du code civil méconnaît la protection constitutionnelle du droit de propriété ainsi que les droits de la défense ;
3. Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'en l'absence de privation du droit de propriété au sens de cet article, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les limites apportées à son exercice doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi ;
4. Considérant qu'il appartient au législateur, compétent en application de l'article 34 de la Constitution pour déterminer les principes fondamentaux du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales, de définir les modalités selon lesquelles, pour permettre l'exécution des obligations civiles et commerciales, les droits patrimoniaux des créanciers et des débiteurs doivent être conciliés ; que l'exécution forcée sur les biens du débiteur est au nombre des mesures qui tendent à assurer cette conciliation ;
5. Considérant, en premier lieu, que l'article 2190 du code civil prévoit que la saisie immobilière est une procédure d'exécution forcée sur l'immeuble du débiteur en vue de la distribution de son prix ; qu'elle constitue une modalité de paiement d'une créance exécutoire ; qu'il en résulte que, si l'adjudication conduit à ce que le débiteur soit privé de la propriété de ce bien, cette procédure n'entre pas dans le champ d'application de l'article 17 de la Déclaration de 1789 ;
6. Considérant, en second lieu, que, d'une part, en prévoyant que le montant de la mise à prix est fixé par le créancier poursuivant et en disposant qu'à défaut d'enchère, ce dernier est déclaré adjudicataire, les dispositions contestées ont pour objet d'éviter que la procédure de saisie immobilière demeure suspendue faute d'enchérisseur ; qu'en prévoyant que le créancier poursuivant est déclaré adjudicataire d'office au montant de la première enchère fixée par lui, elles font obstacle à ce que le créancier poursuivant se voie imposer un transfert de propriété moyennant un prix auquel il n'aurait pas consenti ; que l'objectif poursuivi de garantir dans ces conditions l'aboutissement de la procédure constitue un motif d'intérêt général ;
7. Considérant que, d'autre part, les articles 2202 et 2203 du code civil reconnaissent au débiteur du bien saisi le droit d'obtenir l'autorisation judiciaire de vendre le bien à l'amiable ; qu'à défaut, la vente a lieu par adjudication ; que les articles 2205 et 2206 disposent que l'adjudication de l'immeuble a lieu aux enchères publiques à l'audience du juge ; que, dans le cadre de cette procédure, le débiteur peut saisir le juge afin de voir fixer une mise à prix en rapport avec la valeur vénale de l'immeuble et les conditions du marché ; que l'enchère est ouverte à toute personne qui justifie de garanties de paiement ; que l'adjudication d'office au créancier poursuivant au montant de la mise à prix initiale n'intervient qu'à défaut de toute enchère ; que, dans ces conditions, l'atteinte portée aux droits du débiteur saisi ne revêt pas un caractère disproportionné au regard du but poursuivi ;
8. Considérant que l'article 2206 du code civil ne porte aucune atteinte aux droits de la défense garantis par l'article 16 de la Déclaration de 1789 ; qu'il n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

L'article 2206 du code civil est conforme à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 15 décembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ

Décision n° 2011-207 QPC du 16 décembre 2011

(SOCIÉTÉ GRANDE BRASSERIE PATRIE SCHUTZENBERGER)

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 17 octobre 2011 par le Conseil d'Etat (décision n° 351010 du 17 octobre 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la société GRANDE BRASSERIE PATRIE SCHUTZENBERGER, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 621-25, des premier et deuxième alinéas de l'article L. 621-27 et de l'article L. 621-29 du code du patrimoine.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code du patrimoine ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la société requérante par la SCP J.-M. Defrénois et M. Lévis, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées les 7 et 17 novembre 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 8 novembre 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Jean-Marie Defrénois, pour le requérant, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 6 décembre 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 621-25 du code du patrimoine : « Les immeubles ou parties d'immeubles publics ou privés qui, sans justifier une demande de classement immédiat au titre des monuments historiques, présentent un intérêt d'histoire ou d'art suffisant pour en rendre désirable la préservation peuvent, à toute époque, être inscrits, par décision de l'autorité administrative, au titre des monuments historiques.
« Peut être également inscrit dans les mêmes conditions tout immeuble nu ou bâti situé dans le champ de visibilité d'un immeuble déjà classé ou inscrit au titre des monuments historiques » ;
2. Considérant qu'aux termes des premier et deuxième alinéas de l'article L. 621-27 du même code : « L'inscription au titre des monuments historiques est notifiée aux propriétaires et entraînera pour eux l'obligation de ne procéder à aucune modification de l'immeuble ou partie de l'immeuble inscrit, sans avoir, quatre mois auparavant, avisé l'autorité administrative de leur intention et indiqué les travaux qu'ils se proposent de réaliser.
« Lorsque les constructions ou les travaux envisagés sur les immeubles inscrits au titre des monuments historiques sont soumis à permis de construire, à permis de démolir, à permis d'aménager ou à déclaration préalable, la décision accordant le permis ou la décision de non-opposition ne peut intervenir sans l'accord de l'autorité administrative chargée des monuments historiques » ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 621-29 du même code : « L'autorité administrative est autorisée à subventionner dans la limite de 40 % de la dépense effective les travaux d'entretien et de réparation que nécessite la conservation des immeubles ou parties d'immeubles inscrits au titre des monuments historiques » ;
4. Considérant que, selon la société requérante, ces dispositions portent atteinte, d'une part, au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; que, d'autre part, en ne prévoyant pas d'indemnisation au profit du propriétaire du bien inscrit au titre des monuments historiques, ces dispositions porteraient atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques garanti par la même Déclaration ;
5. Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ; qu'aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'en l'absence de privation du droit de propriété, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les limites apportées à son exercice doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi ;
6. Considérant, d'une part, que les dispositions contestées visent à assurer la protection des immeubles qui, « sans justifier une demande de classement immédiat au titre des monuments historiques, présentent un intérêt d'histoire ou d'art suffisant pour en rendre désirable la préservation » ; qu'à cette fin, elles prévoient une servitude d'utilité publique sur les immeubles faisant l'objet de l'inscription ; qu'en vertu de cette servitude, le propriétaire du bien inscrit se trouve soumis aux obligations prévues par l'article L. 621-27 du code du patrimoine pour les travaux qu'il souhaite entreprendre sur son bien ; que les dispositions contestées, qui n'entraînent aucune privation du droit de propriété, n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 17 de la Déclaration de 1789 ;
7. Considérant, d'autre part, en premier lieu, que l'inscription au titre des monuments historiques vise la préservation du patrimoine historique et artistique ; qu'ainsi, elle répond à un motif d'intérêt général ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que la décision d'inscription au titre des monuments historiques doit être prise sur la seule considération des caractéristiques intrinsèques de l'immeuble qui en fait l'objet ; que l'appréciation portée par l'autorité administrative qui prend cette décision est contrôlée par le juge de l'excès de pouvoir ;
9. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des dispositions contestées que, pour les travaux qui entrent dans le champ d'application des autorisations et des déclarations préalables en matière d'urbanisme, la décision accordant le permis ou la décision de non-opposition ne peut intervenir sans l'accord de l'autorité administrative chargée des monuments historiques ; que les autres travaux, lorsqu'ils ont pour effet d'entraîner une modification de l'immeuble ou de la partie de l'immeuble inscrit, sont soumis à une simple déclaration préalable quatre mois avant leur réalisation ; qu'en cas d'opposition de l'autorité administrative, celle-ci ne peut qu'engager, sous le contrôle du juge administratif, la procédure de classement au titre des monuments historiques ; que, dans tous les cas, les travaux d'entretien ou de réparation ordinaires sont dispensés de toute formalité ; que l'autorité administrative ne saurait imposer de travaux au propriétaire du bien inscrit ; que celui-ci conserve la liberté de faire réaliser les travaux envisagés par les entreprises de son choix, sous la seule condition du respect des prescriptions de l'autorité administrative soumises au contrôle du juge de l'excès de pouvoir ; que le propriétaire peut bénéficier, pour le financement d'une partie de ces travaux, d'une subvention de l'Etat ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les dispositions contestées ne portent pas aux conditions d'exercice du droit de propriété une atteinte disproportionnée au but recherché ; que cette atteinte ne méconnaît donc pas l'article 2 de la Déclaration de 1789 ; que ces dispositions ne créent aucune rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;
11. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :

ARTICLE 1

L'article L. 621-25, les premier et deuxième alinéas de l'article L. 621-27 et l'article L. 621-29 du code du patrimoine sont conformes à la Constitution.

ARTICLE 2

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 15 décembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

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