Publié par Frédéric Fabre docteur en droit.
La jurisprudence du Conseil Constitutionnel en matière de Question Prioritaire de Constitutionnalité, dans l'ordre chronologique.
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4 DECISIONS DU 12 et 13 JANVIER 2012
Décision n° 2011-208 QPC du 13 janvier 2012
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 17 octobre 2011 par le Conseil d'Etat (décision
n° 351085 du 17 octobre 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de
la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par les
consorts B., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des
articles 374 et 376 du code des douanes.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant
loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la
loi n° 48-1268 du 17 août 1948 relative au redressement
économique et financier ;
Vu le décret n° 48-1985 du 8 décembre 1948 portant refonte du
code des douanes, annexé à la
loi n° 48-1973 du 31 décembre 1948 de finances pour 1949 ;
Vu le
code des douanes ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour les requérants par Me Xavier Morin, avocat au
barreau de Paris, enregistrées les 8 et 22 novembre 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 8
novembre 2011 ;
Vu la demande de récusation présentée par les requérants, enregistrée le 26
octobre 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Morin, pour le requérant, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier
ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 13 décembre 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux
termes de l'article 374 du code des douanes :
« 1. La confiscation des marchandises saisies peut être poursuivie contre les
conducteurs ou déclarants sans que l'administration des douanes soit tenue de
mettre en cause les propriétaires quand même ils lui seraient indiqués.
« 2. Toutefois, si les propriétaires intervenaient ou étaient appelés en
garantie par ceux sur lesquels les saisies ont été faites, les tribunaux
statueront, ainsi que de droit, sur les interventions ou les appels en garantie
» ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 376 du même code :
« 1. Les objets saisis ou confisqués ne peuvent être revendiqués par les
propriétaires, ni le prix, qu'il soit consigné ou non, réclamé par les
créanciers même privilégiés, sauf leur recours contre les auteurs de la fraude.
« 2. Les délais d'appel, de tierce opposition et de vente expirés, toutes
répétitions et actions sont non recevables » ;
3. Considérant que, selon les requérants, ces dispositions portent atteinte,
d'une part, au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et, d'autre part, aux
droits de la défense et au principe du droit à un recours juridictionnel
effectif ; qu'elles méconnaîtraient, en outre, les principes d'égalité et de
nécessité des peines ainsi que l'article 9 de la Déclaration de 1789 ;
4. Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés
par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ; qu'aux termes de son
article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en
être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée,
l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ;
qu'en l'absence de privation du droit de propriété au sens de cet article, il
résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les atteintes
portées à ce droit doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et
proportionnées à l'objectif poursuivi ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute
société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée ni la séparation
des pouvoirs déterminée n'a point de Constitution » ; que sont garantis par
cette disposition le droit des personnes intéressées à exercer un recours
juridictionnel effectif, le droit à un procès équitable ainsi que le principe du
contradictoire ;
6. Considérant, en premier lieu, que les
dispositions de l'article 374 du code des douanes
permettent à l'administration des douanes de poursuivre, contre les conducteurs
ou déclarants, la confiscation des marchandises saisies sans être tenue de
mettre en cause les propriétaires de celles-ci, quand même ils lui seraient
indiqués ; qu'en privant ainsi le propriétaire de la faculté d'exercer un
recours effectif contre une mesure portant atteinte à ses droits, ces
dispositions méconnaissent l'article 16 de la Déclaration de 1789 ;
7. Considérant, en second lieu, que les dispositions de l'article 376 du même
code interdisent aux propriétaires des objets saisis ou confisqués de les
revendiquer ; qu'une telle interdiction tend à lutter contre la délinquance
douanière en responsabilisant les propriétaires de marchandises dans leur choix
des transporteurs et à garantir le recouvrement des créances du Trésor public ;
qu'ainsi elles poursuivent un but d'intérêt général ;
8. Considérant, toutefois, qu'en privant les propriétaires de la possibilité de
revendiquer, en toute hypothèse, les objets saisis ou confisqués, les
dispositions de l'article 376 du code des douanes portent
au droit de propriété une atteinte disproportionnée au but poursuivi ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin
d'examiner les autres griefs, les
articles 374 et 376 du code des douanes doivent être
déclarés contraires à la Constitution ;
10. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la
Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement
de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du
Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le
Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les
effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ;
que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à
l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition
déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances
en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel,
les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le
pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses
effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a
produits avant l'intervention de cette déclaration ;
11. Considérant que l'abrogation immédiate des
articles 374 et 376 du code des douanes aurait des
conséquences manifestement excessives ; que, par suite, afin de permettre au
législateur de remédier à l'inconstitutionnalité de ces articles, il y a lieu de
reporter au 1er janvier 2013 la date de cette abrogation,
Décide :
ARTICLE 1
Les articles 374 et 376 du code des douanes sont contraires à la Constitution.
ARTICLE 2
La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet le 1er janvier 2013 dans les conditions fixées au considérant 11.
ARTICLE 3
La présente décision sera publiée au
Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions
prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 janvier 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de
GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Décision n° 2011-210 QPC du 13 janvier 2012
Le Conseil constitutionnel a été saisi le
24 octobre 2011 par le Conseil d'Etat (décision n° 348771 du 24 octobre 2011),
sur le fondement des dispositions de l'article 61-1 de la Constitution, d'une
question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Ahmed S. relative à la
conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 2122-16 du code général des collectivités
territoriales.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant
loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le
code général des collectivités territoriales ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Ortscheidt, avocat au
Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 10 novembre 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 15
novembre 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendu à
l'audience publique du 13 décembre 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux
termes de l'article L. 2122-16 du code général des
collectivités territoriales : « Le maire et les adjoints, après avoir été
entendus ou invités à fournir des explications écrites sur les faits qui leur
sont reprochés, peuvent être suspendus par arrêté ministériel motivé pour une
durée qui n'excède pas un mois. Ils ne peuvent être révoqués que par décret
motivé pris en conseil des ministres.
« Le recours contentieux exercé contre l'arrêté de suspension ou le décret de
révocation est dispensé du ministère d'avocat.
« La révocation emporte de plein droit l'inéligibilité aux fonctions de maire et
à celles d'adjoint pendant une durée d'un an à compter du décret de révocation à
moins qu'il ne soit procédé auparavant au renouvellement général des conseils
municipaux » ;
2. Considérant que, selon le requérant, d'une part, en ne définissant pas les
motifs susceptibles de fonder une décision de suspension ou de révocation d'un
maire, ces dispositions méconnaissent l'article 8 de la Déclaration des droits
de l'homme et du citoyen de 1789 ; que, d'autre part, en permettant que ce
pouvoir de sanction s'applique indistinctement à l'égard de l'exercice des
compétences déconcentrées et décentralisées dévolues aux organes exécutifs des
communes, ces dispositions méconnaîtraient le principe de la libre
administration des collectivités territoriales garanti par l'article 72 de la
Constitution ;
Sur le grief tiré de la méconnaissance des exigences constitutionnelles
applicables aux poursuites et sanctions disciplinaires :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration de 1789 : « La loi
ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne
peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au
délit, et légalement appliquée » ; que les principes ainsi énoncés ne concernent
pas seulement les peines prononcées par les juridictions pénales mais s'étendent
à toute sanction ayant le caractère d'une punition ;
4. Considérant qu'appliquée en dehors du droit pénal l'exigence d'une définition
des manquements sanctionnés se trouve satisfaite, en matière administrative, par
la référence aux obligations auxquelles le titulaire d'une fonction publique est
soumis en vertu des lois et règlements ;
5. Considérant que les dispositions contestées ont, ainsi qu'il résulte de la
jurisprudence constante du Conseil d'Etat, pour objet de réprimer les
manquements graves et répétés aux obligations qui s'attachent aux fonctions de
maire et de mettre ainsi fin à des comportements dont la particulière gravité
est avérée ; que, dans ces conditions, si les dispositions contestées instituent
une sanction ayant le caractère d'une punition, l'absence de référence expresse
aux obligations auxquelles les maires sont soumis en raison de leurs fonctions
ne méconnaît pas le principe de la légalité des délits.
Sur le grief tiré de la méconnaissance du principe de la libre administration
des collectivités territoriales :
6. Considérant que, si, selon le troisième alinéa de l'article 72 de la
Constitution, les collectivités territoriales « s'administrent librement par des
conseils élus », chacune d'elles le fait « dans les conditions prévues par la
loi » ; que son article 34 réserve au législateur la détermination des principes
fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales ;
7. Considérant que les dispositions contestées permettent de prendre des
sanctions contre le maire qu'il ait agi en qualité d'agent de l'Etat ou
d'autorité exécutive de la commune ; que l'institution de sanctions réprimant
les manquements des maires aux obligations qui s'attachent à leurs fonctions ne
méconnaît pas, en elle-même, la libre administration des collectivités
territoriales ; que la suspension ou la révocation, qui produit des effets pour
l'ensemble des attributions du maire, est prise en application de la loi ; que,
par suite, les dispositions contestées ne méconnaissent pas la libre
administration des collectivités territoriales ;
8. Considérant que les dispositions contestées ne méconnaissent aucun autre
droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :
ARTICLE 1
L'article L. 2122-16 du code général des collectivités territoriales est conforme à la Constitution.
ARTICLE 2
La présente décision sera publiée au
Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions
prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 janvier 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme
Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Décision n° 2011-4538 du 12 janvier 2012
SÉNAT, LOIRET M. GRÉGORY
Le Conseil constitutionnel,
Vu la requête présentée par M. Grégory BUBENHEIMER, demeurant à
Cléry-Saint-André (Loiret), enregistrée le 29 septembre 2011 au secrétariat
général du Conseil constitutionnel et tendant à l'annulation des opérations
électorales auxquelles il a été procédé le 25 septembre 2011 dans la
circonscription du Loiret en vue de la désignation de trois sénateurs ;
Vu le mémoire présenté par M. Grégory BUBENHEIMER à l'appui d'une question
prioritaire de constitutionnalité, enregistrée le 29 septembre 2011 et relative
à la conformité de l'article L. 289 du code électoral aux droits et libertés
que la Constitution garantit ;
Vu le mémoire en défense présenté par MM. Eric DOLIGÉ et Jean-Noël CARDOUX,
sénateurs, enregistré le 26 octobre 2011 ;
Vu le mémoire en défense présenté par M. Jean-Pierre SUEUR, sénateur, enregistré
le 3 novembre 2011 ;
Vu les observations du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des
collectivités territoriales et de l'immigration, enregistrées le 9 novembre 2011
;
Vu les observations sur la question prioritaire de constitutionnalité, produites
par M. SUEUR, enregistrées le 15 décembre 2011 ;
Vu les observations sur la question prioritaire de constitutionnalité, produites
par MM. DOLIGÉ et CARDOUX, enregistrées le 21 décembre 2011 ;
Vu les observations sur la question prioritaire de constitutionnalité, produites
par le Premier ministre, enregistrées le 21 décembre 2011 ;
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant
loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le
code électoral ;
Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendu à
l'audience publique du 10 janvier 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Sur la recevabilité de la requête :
1. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article 33 de l'ordonnance du
7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « Le
droit de contester une élection appartient à toutes les personnes inscrites sur
les listes électorales ou les listes électorales consulaires de la
circonscription dans laquelle il a été procédé à l'élection ainsi qu'aux
personnes qui ont fait acte de candidature » ; que, s'agissant des élections
sénatoriales, les personnes inscrites sur les listes électorales de la
circonscription sont l'ensemble des citoyens inscrits sur les listes électorales
du département et non les seuls membres du collège électoral sénatorial défini à
l'article L. 280 du même code ; qu'en conséquence la requête de M. BUBENHEIMER
est recevable ;
Sur la régularité de la désignation des délégués du conseil municipal de la
commune de Beaugency :
2. Considérant qu'à l'appui de sa requête dirigée contre l'élection organisée le
25 septembre 2011 dans le département du Loiret en vue de la désignation de
trois sénateurs, M. BUBENHEIMER conteste uniquement la régularité des opérations
de désignation des délégués du conseil municipal de Beaugency au sein du collège
des électeurs sénatoriaux ;
En ce qui concerne la question prioritaire de constitutionnalité :
3. Considérant qu'aux
termes de l'article L. 289 du code électoral : « Dans les
communes visées aux chapitres III et IV du titre IV du livre Ier du présent
code, l'élection des délégués et des suppléants a lieu sur la même liste suivant
le système de la représentation proportionnelle avec application de la règle de
la plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel. Les listes peuvent
comprendre un nombre de noms inférieur au nombre de sièges de délégués et de
suppléants à pourvoir.
« Chaque conseiller municipal ou groupe de conseillers municipaux peut présenter
une liste de candidats aux fonctions de délégués et de suppléants.
« L'ordre des suppléants résulte de leur rang de présentation.
« En cas de refus ou d'empêchement d'un délégué, c'est le suppléant de la même
liste venant immédiatement après le dernier délégué élu de la liste qui est
appelé à le remplacer.
« Un conseiller municipal empêché d'assister à la séance au cours de laquelle
sont élus les délégués et les suppléants peut donner à un autre conseiller
municipal de son choix pouvoir écrit de voter en son nom. Un même conseiller
municipal ne peut être porteur que d'un seul pouvoir qui est toujours révocable
» ;
4. Considérant que M. BUBENHEIMER soutient qu'en prévoyant, dans les communes de
plus de 3 500 habitants, le recours à la méthode de la représentation
proportionnelle avec application de la règle de la plus forte moyenne et non de
la règle du plus fort reste, ces dispositions font obstacle à ce que l'ensemble
des groupes politiques minoritaires d'un conseil municipal puisse être
représenté dans le collège des électeurs sénatoriaux et méconnaissent de ce fait
le principe de pluralisme des courants d'idées et d'opinions qui découle de
l'article 4 de la Constitution ;
5. Considérant qu'il ne résulte toutefois ni des dispositions de cet article ni
d'aucun principe constitutionnel que tous les groupes politiques représentés au
sein d'un conseil municipal devraient disposer de délégués à l'issue de la
désignation des électeurs sénatoriaux ; que le choix d'un mode de désignation de
ces délégués, dans les communes de plus de 3 500 habitants, suivant le système
de la représentation proportionnelle, a précisément pour effet d'assurer une
plus large représentation des groupes minoritaires des conseils municipaux ;
qu'en optant pour l'application de la règle de la plus forte moyenne, le
législateur n'a porté aucune atteinte au principe de pluralisme des courants
d'idées et d'opinions ; que l'article L. 289 du code électoral n'est contraire à aucun
autre droit ou liberté que la Constitution garantit ; que, par suite, il doit
être déclaré conforme à la Constitution ;
En ce qui concerne le fond :
6. Considérant que M. BUBENHEIMER ne conteste pas que la désignation des
délégués du conseil municipal de la commune de Beaugency a été opérée
conformément aux règles fixées par le
code électoral ; qu'il résulte de ce qui précède que sa
requête doit être rejetée,
Décide :
ARTICLE 1
L'article L. 289 du code électoral est conforme à la Constitution.
ARTICLE 2
La requête de M. Grégory BUBENHEIMER est rejetée.
ARTICLE 3
La présente décision sera publiée au
Journal officiel de la République française et notifiée au Président de la
République, au Premier ministre et aux présidents de l'Assemblée nationale et du
Sénat.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 janvier 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme
Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Décision n° 2011-4541 du 12 janvier 2012
SÉNAT, HAUTS-DE-SEINE MME ANNICK LE SASSIER BOISAUNE
Le Conseil constitutionnel,
Vu la requête présentée par Mme Annick LE SASSIER BOISAUNE, demeurant à
Saint-Cloud (Hauts-de-Seine), enregistrée le 5 octobre 2011 au secrétariat
général du Conseil constitutionnel et tendant à l'annulation des opérations
électorales auxquelles il a été procédé le 25 septembre 2011 dans le département
des Hauts-de-Seine en vue de la désignation de sept sénateurs ;
Vu le mémoire en défense présenté par M. Roger KAROUTCHI, sénateur, enregistré
comme ci-dessus le 28 octobre 2011 ;
Vu le mémoire en défense présenté pour M. Philippe KALTENBACH, sénateur, par la
SCP Krust-Penaud, avocat au barreau de Paris, enregistré le 3 novembre 2011 ;
Vu le mémoire en défense présenté par M. André GATTOLIN, sénateur, enregistré le
4 novembre 2011 ;
Vu le mémoire en défense présenté par M. Hervé MARSEILLE, sénateur, enregistré
le 4 novembre 2011 ;
Vu le mémoire en défense présenté par M. Jacques GAUTIER, sénateur, enregistré
le 6 novembre 2011 ;
Vu les observations du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des
collectivités territoriales et de l'immigration, enregistrées le 31 octobre 2011
;
Vu la Constitution, notamment son article 59 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant
loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le
code électoral ;
Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Sur le grief relatif à la composition du corps électoral :
1. Considérant que si Mme LE SASSIER BOISAUNE soutient que de nombreuses
communes du département des Hauts-de-Seine ont, en méconnaissance des
dispositions de l'article L. 285 du code électoral, manqué
à l'obligation de désigner des délégués supplémentaires, elle n'apporte aucun
commencement de preuve à l'appui de ses allégations ;
Sur le grief relatif au dépôt des candidatures :
2. Considérant que Mme LE SASSIER BOISAUNE affirme que M. KALTENBACH et Mme LE
NEOUANNIC ont chacun déposé une liste sans avoir, pour l'un, été désigné par le
vote des adhérents du parti socialiste, et, pour l'autre, reçu l'aval des
formations dont elle revendiquait le soutien ;
3. Considérant que s'il appartient au juge de l'élection de vérifier si des
manœuvres ont été susceptibles de tromper les électeurs sur la réalité de la
désignation des candidats par les partis politiques, il ne lui appartient pas de
vérifier la régularité de la désignation des candidats au regard des statuts et
des règles de fonctionnement des partis politiques ; que, par suite, le grief
soulevé par la requérante ne peut qu'être écarté ;
Sur les griefs relatifs au financement de la campagne électorale de certains
sénateurs élus :
4. Considérant, en premier lieu, que l'organisation par le président du conseil
général des Hauts-de-Seine d'une réception à l'hôtel du département à laquelle
l'ensemble des électeurs sénatoriaux étaient conviés à se rendre à l'issue du
scrutin, dans l'attente des résultats, ne saurait être regardée comme la
participation de cette collectivité territoriale au financement de la campagne
électorale de la liste conduite par M. KAROUTCHI, au sens de l'article L. 52-8 du code électoral, applicable à l'élection
des sénateurs en vertu de l'article L. 308-1 du même code ;
5. Considérant, en second lieu, que l'organisation le 19 septembre 2011, à
l'initiative de plusieurs associations et syndicats, d'une réunion ayant pour
thème la défense de l'hôpital Antoine Béclère, situé à Clamart, au cours de
laquelle la requérante affirme, sans l'établir, que M. KALTENBACH aurait
critiqué la politique du Gouvernement et de sa majorité, ne saurait davantage
constituer, en l'absence de lien direct entre cette manifestation et le scrutin
sénatorial, la participation de personnes morales de droit privé au financement
de la campagne électorale des sénateurs élus ;
Sur les griefs relatifs aux bulletins de vote :
6. Considérant que, contrairement à ce que soutient Mme LE SASSIER BOISAUNE,
l'intitulé de la liste conduite par Mme LE NEOUANNIC, « Liste d'union de la
gauche écologiste, socialiste et républicaine », ne constituait pas une manœuvre
de nature à induire en erreur les électeurs, dès lors que les bulletins de vote
désignaient sans aucune ambiguïté les seules formations politiques qui
soutenaient cette liste ;
7. Considérant que les bulletins de la liste conduite par M. KAROUTCHI étaient
conformes aux prescriptions de l'article R. 155 du code électoral, qui prévoient que les
bulletins de vote comportent le titre de la liste ainsi que le nom de chaque
candidat composant la liste dans l'ordre de présentation ;
Sur le grief relatif au déroulement du scrutin :
8. Considérant que si la requérante affirme que certains suppléants d'électeurs
sénatoriaux auraient irrégulièrement pris part au vote, elle n'assortit ce grief
d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de Mme LE
SASSIER BOISAUNE doit être rejetée,
Décide :
ARTICLE 1
La requête de Mme Annick LE SASSIER BOISAUNE est rejetée.
ARTICLE 2
La présente décision sera notifiée au
président du Sénat et publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 janvier 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme
Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Décision n° 2011-209 QPC du 17 janvier 2012
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 17 octobre 2011 par le Conseil d'Etat
(décision n° 351402 du 17 octobre 2011), dans les conditions prévues à l'article
61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée
par M. Jean-Claude G., relative à la conformité aux droits et libertés que la
Constitution garantit de l'article L. 2336-5 du code de la défense.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant
loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le
code de la défense ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations pour M. Jean-Claude G. produites par la SCP Alain
Monod-Bertrand Colin, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation,
enregistrées les 9 et 23 novembre 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 9
novembre 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Alain Rapady, avocat au barreau de Saint-Denis de La Réunion, pour le
requérant, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été
entendus à l'audience publique du 13 décembre 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux
termes de l'article L. 2336-5 du code de la défense : «
Sans préjudice des dispositions de l'article L. 2336-4, le préfet peut, pour des
raisons d'ordre public ou de sécurité des personnes, ordonner à tout détenteur
d'une arme soumise au régime de l'autorisation ou de la déclaration de s'en
dessaisir.
« Le dessaisissement consiste soit à vendre l'arme à une personne mentionnée à
l'article L. 2332-1 ou à un tiers remplissant les conditions légales
d'acquisition et de détention, soit à la neutraliser, soit à la remettre à
l'Etat. Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités du dessaisissement.
« Sauf urgence, la procédure est contradictoire. Le préfet fixe le délai au
terme duquel le détenteur doit s'être dessaisi de son arme.
« Lorsque l'intéressé ne s'est pas dessaisi de l'arme dans le délai fixé par le
préfet, celui-ci lui ordonne de la remettre, ainsi que ses munitions, aux
services de police ou de gendarmerie.
« Le commissaire de police ou le commandant de la brigade de gendarmerie peut
demander au juge des libertés et de la détention l'autorisation de procéder à la
saisie de l'arme et des munitions, entre 6 heures et 22 heures, au domicile du
détenteur. La demande d'autorisation comporte toutes les informations en leur
possession de nature à justifier cette saisie, afin de permettre au juge des
libertés et de la détention de vérifier que cette demande est fondée.
« La saisie de l'arme désignée à l'alinéa précédent s'effectue sous l'autorité
et le contrôle du juge des libertés et de la détention qui l'a autorisée ou d'un
juge par lui désigné. Ce magistrat peut se rendre sur les lieux. A tout moment,
il peut suspendre ou interrompre la saisie au domicile. Celle-ci est effectuée
en présence de l'occupant des lieux ou de son représentant ; en cas
d'impossibilité, le commissaire de police ou le commandant de la brigade de
gendarmerie requiert deux témoins choisis en dehors des personnes relevant de
son autorité. Le procès-verbal de saisie est dressé sur-le-champ, il relate les
modalités et le déroulement de l'intervention et comporte s'il y a lieu un
inventaire des armes saisies. Il est signé par le commissaire de police ou par
le commandant de la brigade de gendarmerie ainsi que par les personnes présentes
; en cas de refus, mention en est faite au procès-verbal. Il est transmis dans
les meilleurs délais au juge des libertés et de la détention.
« La remise ou la saisie des armes et des munitions ne donne lieu à aucune
indemnisation.
« Il est interdit aux personnes ayant fait l'objet de la procédure prévue au
présent article d'acquérir ou de détenir des armes soumises au régime de
l'autorisation ou de la déclaration.
« Le préfet peut cependant décider de limiter cette interdiction à certaines
catégories ou à certains types d'armes.
« Cette interdiction est levée par le préfet s'il apparaît que l'acquisition ou
la détention d'armes par la personne concernée n'est plus de nature à porter
atteinte à l'ordre public ou à la sécurité des personnes.
« A Paris, les pouvoirs conférés au préfet par le présent article sont exercés
par le préfet de police » ;
2. Considérant que, selon le requérant, en ne prévoyant aucune indemnisation des
armes et des munitions remises ou saisies, ces dispositions portent atteinte au
droit de propriété garanti par l'article 17 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'en interdisant à la personne ayant fait
l'objet de la mesure de dessaisissement d'acquérir et de détenir une arme, elles
seraient contraires au principe de nécessité des peines garanti par l'article 8
de la même Déclaration ; qu'enfin, le requérant fait valoir qu'en n'encadrant
pas suffisamment le pouvoir du préfet, ces dispositions auraient méconnu
l'article 34 de la Constitution ;
3. Considérant qu'il appartient au législateur, en vertu de l'article 34 de la
Constitution, de fixer les règles concernant les garanties fondamentales
accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ; qu'il doit, en
particulier, assurer la conciliation entre le respect de la vie privée et
d'autres exigences constitutionnelles, telles que la recherche des auteurs
d'infractions et la prévention d'atteintes à l'ordre public, nécessaires, l'une
et l'autre, à la sauvegarde de droits et principes de valeur constitutionnelle ;
4. Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés
par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ; qu'aux termes de son
article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en
être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée,
l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ;
qu'en l'absence de privation du droit de propriété au sens de l'article 17, il
résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les atteintes
portées à ce droit doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et
proportionnées à l'objectif poursuivi ;
5. Considérant, d'une part, que la détention de certaines armes et munitions est
soumise à un régime administratif de déclaration ou d'autorisation en raison du
risque d'atteintes à l'ordre public ou à la sécurité des personnes ; qu'afin de
prévenir de telles atteintes, les dispositions contestées instituent une
procédure de « dessaisissement » obligatoire consistant pour le détenteur soit à
vendre son arme dans les conditions légales, soit à la remettre à l'Etat, soit à
la neutraliser ; qu'à défaut d'un tel « dessaisissement », les dispositions
contestées prévoient une procédure de saisie ; que, dès lors, cette remise
volontaire ou cette saisie n'entre pas dans le champ de l'article 17 de la
Déclaration de 1789 ; que le grief tiré de la méconnaissance de cet article doit
être écarté ;
6. Considérant, d'autre part, que, par les dispositions contestées, le
législateur a entendu assurer la prévention des atteintes à l'ordre public, qui
constitue un objectif de valeur constitutionnelle ; que le « dessaisissement »
ne peut être ordonné par le préfet que pour des raisons d'ordre public ou de
sécurité des personnes et après une procédure qui, sauf urgence, est
contradictoire ; que sa décision peut faire l'objet d'un recours devant la
juridiction administrative ; qu'une procédure de saisie est engagée sous
l'autorité et le contrôle du juge des libertés et de la détention uniquement
lorsque l'intéressé ne s'est pas « dessaisi » de son arme dans les conditions
précitées ; que, compte tenu de ces garanties de fond et de procédure,
l'atteinte portée au droit de propriété par les dispositions en cause n'a pas un
caractère de gravité tel qu'elle dénature le sens et la portée de ce droit ;
7. Considérant que l'interdiction qui est faite à la personne ayant fait l'objet
de la procédure de « dessaisissement » ou de saisie d'acquérir ou de détenir des
armes soumises au régime de l'autorisation ou de la déclaration n'est pas une
sanction ayant le caractère d'une punition au sens de l'article 8 de la
Déclaration de 1789; que, par suite, le grief tiré de la méconnaissance de cet
article est inopérant ;
8. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre
droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :
ARTICLE 1
L'article L. 2336-5 du code de la défense est conforme à la Constitution.
ARTICLE 2
La présente décision sera publiée
au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions
prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 17 janvier 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy
CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de
GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ
Décision n° 2011-212 QPC du 20 janvier 2012
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 2 novembre 2011 par
la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 1123 du 2 novembre 2011) sur
le fondement des dispositions de l'article 61-1 de la Constitution d'une
question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Khadija A., épouse M.,
relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de
l'article L. 624-6 du code de commerce.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant
loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le
code de commerce ;
Vu le
code civil ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la SCP Isabelle Goïc en sa qualité de
liquidateur judiciaire de M. Malick M. par la SCP Yves Richard, avocat au
Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 24 novembre 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 25
novembre 2011 ;
Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Boré et Salve de
Bruneton, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 12
décembre 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Jean de Salve de Bruneton, pour la requérante, Me Yves Richard, pour la SCP
Goïc, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus
à l'audience publique du 10 janvier 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux
termes de l'article L. 624-6 du code de commerce : « Le
mandataire judiciaire ou l'administrateur peut, en prouvant par tous les moyens
que les biens acquis par le conjoint du débiteur l'ont été avec des valeurs
fournies par celui-ci, demander que les acquisitions ainsi faites soient réunies
à l'actif » ;
2. Considérant que, selon le requérant, en permettant de réunir à l'actif de la
procédure collective un bien appartenant au conjoint du débiteur alors qu'il
n'est pas partie à cette procédure, les dispositions contestées méconnaissent la
protection constitutionnelle du droit de propriété ; qu'en appliquant cette
possibilité au seul conjoint du débiteur, à l'exclusion de toute autre personne,
elles entraîneraient, en outre, une différence de traitement contraire au
principe d'égalité devant la loi ;
3. Considérant, d'une part, que la propriété figure au nombre des droits de
l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'aux termes de son article 17 : « La propriété
étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est
lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous
la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'en l'absence de privation
du droit de propriété au sens de cet article, il résulte néanmoins de l'article
2 de la Déclaration de 1789 que les atteintes portées à ce droit doivent être
justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif
poursuivi ;
4. Considérant, d'autre part, qu'il appartient au législateur, compétent en
application de l'article 34 de la Constitution pour déterminer les principes
fondamentaux du régime de la propriété, des droits réels et des obligations
civiles et commerciales, de définir les règles relatives à l'acquisition ou la
conservation de la propriété ;
5. Considérant que les dispositions contestées sont applicables lorsqu'un
débiteur fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de
liquidation judiciaire dans les conditions fixées par le
code de commerce ; qu'elles permettent de réintégrer dans
le patrimoine du débiteur des biens acquis par son conjoint mais dont le
débiteur a participé au financement ; qu'ainsi, dans ces circonstances
particulières, elles ont pour effet de désigner comme le véritable propriétaire
du bien, non pas celui que les règles du droit civil désignent comme tel, mais
celui qui a fourni des valeurs permettant l'acquisition ; que, par suite, elles
n'entraînent pas une privation de propriété au sens de l'article 17 de la
Déclaration de 1789 ;
6. Considérant que, lorsqu'un débiteur fait l'objet d'une procédure collective,
la possibilité de réunir à l'actif des biens dont son conjoint est propriétaire
mais qui ont été acquis avec des valeurs qu'il a fournies est destinée à
faciliter l'apurement du passif afin de permettre, selon le cas, la continuation
de l'entreprise ou le désintéressement des créanciers ; qu'ainsi, elle poursuit
un but d'intérêt général ;
7. Considérant que, toutefois, les dispositions contestées permettent de réunir
à l'actif en nature tous les biens acquis pendant la durée du mariage avec des
valeurs fournies par le conjoint quelle que soit la cause de cet apport, son
ancienneté, l'origine des valeurs ou encore l'activité qu'exerçait le conjoint à
la date de l'apport ; que ces dispositions ne prennent pas davantage en compte
la proportion de cet apport dans le financement du bien réuni à l'actif ; qu'en
l'absence de toute disposition retenue par le législateur pour assurer un
encadrement des conditions dans lesquelles la réunion à l'actif est possible,
les
dispositions de l'article L. 624-6 du code de commerce
permettent qu'il soit porté au droit de propriété du conjoint du débiteur une
atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi ; que, par suite, sans
qu'il soit besoin d'examiner l'autre grief, elles doivent être déclarées
contraires à la Constitution ;
8. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la
Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement
de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du
Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le
Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les
effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ;
que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à
l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition
déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances
en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel,
les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le
pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses
effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a
produits avant l'intervention de cette déclaration ;
9. Considérant que l'abrogation de l'article L. 624-6 du code de commerce prend effet à compter
de la publication de la présente décision ; qu'elle est applicable à toutes les
instances non jugées définitivement à cette date,
Décide :
ARTICLE 1
L'article L. 624-6 du code de commerce est contraire à la Constitution.
ARTICLE 2
La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées au considérant 9.
ARTICLE 3
La présente décision sera publiée au Journal
officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. 4 DECISIONS DU 27 JANVIER 2012
Décision n° 2011-211 QPC du 27 janvier 2012
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 janvier 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme
Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 27 octobre 2011 par la Cour de
cassation (première chambre civile, arrêt n° 1112 du 27 octobre 2011), dans les
conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question
prioritaire de constitutionnalité posée par M. Eric M., relative à l'article
4 de l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945
relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance
n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée
portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu l'ordonnance
n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la
discipline des notaires et de certains officiers ministériels ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées les 18
novembre et 5 décembre 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendu à
l'audience publique du 10 janvier 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Vu la lettre du 19 janvier 2012 par laquelle le Conseil constitutionnel a
soumis aux parties un grief susceptible d'être soulevé d'office ;
Vu les observations produites par le Premier ministre sur le grief soulevé
d'office, enregistrées le 23 janvier 2012 ;
Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Claire Le Bret-Desaché,
avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation sur le grief soulevé
d'office, enregistrées le 23 janvier 2012 ;
1. Considérant qu'aux
termes de l'article 4 de l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945
relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels : «
Les peines énumérées ci-dessus sous les numéros 1 à 4 peuvent être accompagnées
de la peine complémentaire de l'inéligibilité temporaire, pendant dix ans au
plus, aux chambres, organismes et conseils professionnels.
« L'interdiction et la destitution entraînent, à titre accessoire,
l'inéligibilité définitive aux chambres, organismes et conseils professionnels.
« Les notaires et les officiers ministériels destitués ne sont pas inscrits sur
les listes électorales dressées pour l'exercice des droits civiques » ;
2. Considérant que, selon le requérant, les sanctions instituées par les
deuxième et troisième alinéas de cet article portent atteinte aux principes de
nécessité et d'individualisation des peines ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines
strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu
d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement
appliquée » ; qu'il s'ensuit que ces principes ne s'appliquent qu'aux peines et
aux sanctions ayant le caractère d'une punition ;
4. Considérant, en premier lieu, que l'inéligibilité définitive aux chambres,
organismes et conseils, prévue par le
deuxième alinéa de l'article 4 de l'ordonnance du 28 juin 1945 susvisée,
est attachée de plein droit au prononcé d'une peine d'interdiction ou de
destitution ; que, toutefois, cette inéligibilité tend non pas à assurer une
répression supplémentaire des professionnels ayant fait l'objet de sanctions
disciplinaires mais, d'une part, à tirer les conséquences de la perte du titre
d'officier public ou d'officier ministériel et, d'autre part, à garantir
l'intégrité et la moralité des professionnels siégeant dans les organes
représentatifs de la profession en en excluant ceux qui ont fait l'objet des
condamnations disciplinaires les plus sévères ; que, par suite, l'inéligibilité
prévue par le deuxième alinéa ne constitue pas une sanction ayant le caractère
d'une punition ; que, dès lors, les griefs tirés d'une méconnaissance de
l'article 8 de la Déclaration de 1789 sont inopérants à son égard ;
5. Considérant, en second lieu, que l'interdiction définitive d'inscription sur
les listes électorales prévue par le troisième alinéa de la disposition
contestée n'a pas pour objet de garantir l'intégrité ou la moralité
indispensables à l'exercice des fonctions d'officier public ou d'officier
ministériel ; que, par suite, elle doit être regardée comme une sanction ayant
le caractère d'une punition ;
6. Considérant que le principe d'individualisation des peines qui découle de
l'article 8 de la Déclaration de 1789 implique qu'une peine privative de droits
civiques ne puisse être appliquée que si le juge l'a expressément prononcée, en
tenant compte des circonstances propres à chaque espèce ;
7. Considérant que l'interdiction d'inscription sur les listes électorales
prévue par le troisième alinéa de la disposition contestée résulte
automatiquement de la décision de destitution, sans que le juge ait à la
prononcer ; que cette interdiction, qui revêt un caractère définitif, ne peut,
au surplus, faire l'objet d'aucune mesure de relèvement ; que, par suite, le
troisième alinéa de l'article 4 de l'ordonnance du 28 juin 1945 méconnaît le
principe d'individualisation des peines et doit être déclaré contraire à la
Constitution ;
8. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la
Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement
de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du
Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le
Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les
effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause »
; que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à
l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition
déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances
en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel,
les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le
pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses
effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a
produits avant l'intervention de cette déclaration ;
9. Considérant que l'abrogation du troisième alinéa de l'article 4 de
l'ordonnance du 28 juin 1945 prend effet à compter de la publication de la
présente décision ; qu'elle permet aux intéressés de demander, à compter du
jour de publication de la présente décision, leur inscription immédiate sur la
liste électorale dans les conditions déterminées par la loi ;
10. Considérant que les premier et deuxième alinéas de la disposition contestée
ne méconnaissent aucun droit ou liberté que la Constitution garantit,
Décide :
ARTICLE 1
Le troisième alinéa de l'article 4 de l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels est contraire à la Constitution.
ARTICLE 2
La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées au considérant 9.
ARTICLE 3
Les premier et deuxième alinéas de l'article 4 de la même ordonnance sont conformes à la Constitution.
ARTICLE 4
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Décision n° 2011-213 QPC du 27 janvier 2012
COFACE
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 9 novembre 2011 par la Cour de
cassation (deuxième chambre civile, arrêt n° 1945 du 9 novembre 2011), dans les
conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question
prioritaire de constitutionnalité posée par la Compagnie française d'assurance
pour le commerce extérieur (COFACE), relative à la conformité aux droits et
libertés que la Constitution garantit de l'article 100 de la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 de
finances pour 1998 et de l'article 25 de la loi n° 98-1267 du 30 décembre 1998 de
finances rectificative pour 1998.
ARTICLE 1
L'article 100 de la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 de
finances pour 1998, dans sa rédaction postérieure à l'article 25 de la loi n° 98-1267 du 30 décembre 1998 de
finances rectificative pour 1998, est contraire à la Constitution.
ARTICLE 2
La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter de
la publication de la présente décision dans les conditions fixées au considérant
10.
ARTICLE 3
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française
et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Décision n° 2011-214 QPC du 27 janvier 2012
société COVED SA
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 15 novembre 2011 par la Cour de
cassation (chambre commerciale, arrêt n° 1208 du 15 novembre 2011) d'une
question prioritaire de constitutionnalité posée par la société COVED SA,
relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de
l'article 65 du code des douanes, dans sa rédaction
antérieure à la
loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances
rectificative pour 2004 ainsi que dans sa rédaction modifiée par l'article 91 de
cette loi.
ARTICLE 1
L'article 65 du code des douanes, dans sa rédaction
antérieure à la
loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances
rectificative pour 2004, ainsi que dans sa rédaction modifiée par l'article 91
de cette même loi, est conforme à la Constitution.
ARTICLE 2
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française
et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Décision n° 2011-215 QPC du 27 janvier 2012
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 26 janvier 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme
Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant
loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la
loi n° 61-1439 du 26 décembre 1961 relative à l'accueil et
à la réinstallation des Français d'outre-mer ;
Vu la
loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 de finances pour 1998 ;
Vu la
loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses
dispositions d'ordre économique et financier ;
Vu la
loi n° 98-1267 du 30 décembre 1998 de finances
rectificative pour 1998 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations en interventions produites par l'association « Union
syndicale de défense des intérêts des Français repliés d'Algérie, d'Outre-mer,
populations déplacées contre leur gré, USDIFRA », enregistrées le 30 novembre
2011 ;
Vu les observations pour la société requérante, produites par la SCP Gadiou-Chevalier,
avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées les 1er et 19
décembre 2011 ;
Vu les observations pour la SNC CAZORLA et Cie, produites par Me Ludovic Serée
de Roche, avocat au barreau de Toulouse, enregistrées les 1er et 5 décembre 2011
;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 2
décembre 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Jean-Pierre Chevalier, pour la société requérante, Me Ludovic Serée de Roche
pour la société CAZORLA, Me Grégoire Ladouari, avocat au barreau de Marseille,
pour l'association intervenante, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier
ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 17 janvier 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux
termes de l'article 100 de la loi n° 97-1269 du 30 décembre
1997 de finances pour 1998 dans sa rédaction postérieure à l'article 25 de la loi n° 98-1267 du 30 décembre 1998 de
finances rectificative pour 1998 : « Les personnes qui ont déposé un dossier
avant le 18 novembre 1997 auprès des commissions départementales d'aide aux
rapatriés réinstallés dans une profession non salariée bénéficient d'une
suspension provisoire des poursuites engagées à leur encontre jusqu'à la
décision de l'autorité administrative compétente, jusqu'à la décision de
l'autorité administrative ayant à connaître des recours gracieux contre
celle-ci, le cas échéant, ou, en cas de recours contentieux, jusqu'à la décision
définitive de l'instance juridictionnelle compétente.
« Les personnes qui, n'entrant pas dans le champ d'application du premier
alinéa, ont déposé un dossier entre le 18 novembre 1997 et la date limite fixée
par le nouveau dispositif réglementaire d'aide au désendettement bénéficient de
la suspension provisoire des poursuites dans les mêmes conditions que celles
définies à l'alinéa précédent.
« Ces dispositions s'appliquent également aux procédures collectives et aux
mesures conservatoires, à l'exclusion des dettes fiscales. Elles s'imposent à
toutes les juridictions, même sur recours en cassation.
« Les personnes ayant déposé avant le 18 novembre 1997 un recours contre une
décision négative prise en application de l'article 44 de la loi de finances
rectificative pour 1986 (n° 86-1318 du 30 décembre 1986) et de l'article 12 de la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987
bénéficient également de la suspension provisoire des poursuites engagées à leur
encontre jusqu'à la décision définitive de l'instance juridictionnelle
compétente.
« Bénéficient également d'une suspension provisoire des poursuites engagées à
leur encontre, selon les mêmes modalités, les cautions, y compris solidaires,
des personnes bénéficiant d'une suspension provisoire des poursuites au titre de
l'un des alinéas précédents » ;
2. Considérant que, selon la société requérante, en organisant, au bénéfice des
personnes rapatriées une suspension automatique des poursuites d'une durée
indéterminée, ces dispositions portent aux droits des créanciers de recouvrer
leur créance une atteinte qui méconnaît la protection constitutionnelle du droit
de propriété ainsi que la liberté contractuelle ; qu'en faisant supporter aux
seuls créanciers une contrainte fondée sur la solidarité nationale, les
dispositions contestées porteraient également atteinte à l'égalité devant la loi
et les charges publiques ; qu'il en résulterait aussi une méconnaissance du
droit d'accès à un tribunal et du droit à une procédure juste et équitable ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit
qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que son article 16 dispose : « Toute
société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation
des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que, si le législateur
peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations
et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces
différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées
aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe
des droits de la défense, qui implique en particulier l'existence d'une
procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties ;
4. Considérant que les dispositions contestées bénéficient aux Français
rapatriés, tels qu'ils sont définis à l'article 1er de la loi du 26 décembre 1961 susvisée,
exerçant une profession non salariée ou ayant cessé leur activité
professionnelle ou cédé leur entreprise, ainsi qu'à certains membres de leur
famille et aux sociétés qu'ils détiennent ; qu'elles sont applicables dès lors
que ces personnes ont déposé un dossier aux fins de bénéficier de la procédure
de désendettement des rapatriés ;
5. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, dès le dépôt d'un tel
dossier, le juge doit, quel que soit l'état de la procédure, constater la
suspension des poursuites dirigées à l'encontre de ces personnes ; que cette
suspension s'applique aux actions en justice tendant à voir constater toute
créance, quelle qu'en soit la cause ; qu'elle s'applique également aux
procédures collectives et interdit la mise en œuvre des mesures conservatoires
ou d'exécution, à l'exclusion des dettes fiscales ; que le créancier ne dispose
d'aucune voie de recours pour s'y opposer ; que la suspension des poursuites se
prolonge jusqu'à la décision de l'autorité administrative compétente, les
recours gracieux contre celle-ci, ou, en cas de recours contentieux, la décision
définitive de l'instance juridictionnelle compétente ;
6. Considérant qu'après l'accession à l'indépendance de territoires
antérieurement placés sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la
France, le législateur a adopté, au titre de la solidarité nationale, des
mesures pour venir en aide aux Français ayant dû ou estimé devoir quitter ces
territoires et, en particulier, des dispositions permettant la suspension
provisoire des poursuites contre les rapatriés ;
7. Considérant que, toutefois, l'article 100 de la loi de finances pour 1998 a
procédé à la refonte de ce régime de suspension des poursuites et lui a conféré
la portée résultant des dispositions précitées ; que, compte tenu de
l'ancienneté des faits à l'origine de ce dispositif ainsi que de l'effet, de la
portée et de la durée de la suspension qui ne s'applique pas seulement aux
dettes liées à l'accueil et à la réinstallation des intéressés, les dispositions
contestées méconnaissent les exigences constitutionnelles précitées ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin
d'examiner les autres griefs, l'article 100 de la loi du 30 décembre 1997 susvisée, dans
sa rédaction postérieure à l'article 25 de la loi du 30 décembre 1998 susvisée, doit
être déclaré contraire à la Constitution ;
9. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la
Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement
de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du
Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le
Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les
effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ;
que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à
l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition
déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances
en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel,
les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le
pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses
effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a
produits avant l'intervention de cette déclaration ;
10. Considérant que l'abrogation de l'article 100 de la loi du 30 décembre 1997 susvisée prend
effet à compter de la publication de la présente décision ; qu'elle est
applicable à toutes les instances non jugées définitivement à cette date,
Décide :
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 26 janvier 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy
CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de
GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant
loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le
code des douanes ;
Vu la
loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances
rectificative pour 2004, notamment son article 91 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la société requérante par la SCP Peignot,
Garreau, Bauer-Violas, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation,
enregistrées les 7 et 22 décembre 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 7
décembre 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Denis Garreau, pour la société requérante, et M. Xavier Pottier, désigné par
le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 17 janvier 2012
;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux
termes de l'article 65 du code des douanes, dans sa
rédaction antérieure à la
loi du 30 décembre 2004 susvisée : « 1° Les agents des
douanes ayant au moins le grade d'inspecteur ou d'officier et ceux chargés des
fonctions de receveur peuvent exiger la communication des papiers et documents
de toute nature relatifs aux opérations intéressant leur service :
« a) Dans les gares de chemin de fer (lettres de voiture, factures, feuilles de
chargement, livres, registres, etc.) ;
« b) Dans les locaux des compagnies de navigation maritimes et fluviales et chez
les armateurs, consignataires et courtiers maritimes (manifestes de fret,
connaissements, billets de bord, avis d'expédition, ordres de livraison, etc.) ;
« c) Dans les locaux des compagnies de navigation aérienne (bulletins
d'expédition, notes et bordereaux de livraison, registres de magasins, etc.) ;
« d) Dans les locaux des entreprises de transport par route (registres de prise
en charge, carnets d'enregistrement des colis, carnets de livraison, feuilles de
route, lettres de voitures, bordereaux d'expédition, etc.) ;
« e) Dans les locaux des agences, y compris celles dites de "transports
rapides”, qui se chargent de la réception, du groupage, de l'expédition par tous
modes de locomotion (fer, route, eau, air) et de la livraison de tous colis
(bordereaux détaillés d'expéditions collectives, récépissés, carnets de
livraison, etc.) ;
« f) Chez les commissionnaires ou transitaires ;
« g) Chez les concessionnaires d'entrepôts, docks et magasins généraux
(registres et dossiers de dépôt, carnets de warrants et de nantissements,
registres d'entrée et de sortie des marchandises, situation des marchandises,
comptabilité matières, etc.) ;
« h) Chez les destinataires ou les expéditeurs réels des marchandises déclarées
en douane ;
« i) Chez les opérateurs de télécommunications et les prestataires mentionnés
aux
1 et 2 du I de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin
2004 pour la confiance dans l'économie numérique, pour les données
conservées et traitées par ces derniers, dans le cadre de l'article L. 34-1 du
code des postes et télécommunications ;
« j) Et, en général, chez toutes les personnes physiques ou morales directement
ou indirectement intéressées à des opérations régulières ou irrégulières
relevant de la compétence du service des douanes.
« 2° Les agents des douanes ayant au moins le grade de contrôleur disposent
également du droit de communication prévu par le 1° ci-dessus, lorsqu'ils
agissent sur ordre écrit d'un agent ayant au moins le grade d'inspecteur. Cet
ordre, qui doit être présenté aux assujettis, doit indiquer le nom des
assujettis intéressés.
« Les agents ayant qualité pour exercer le droit de communication prévu par le
1° ci-dessus peuvent se faire assister par des fonctionnaires d'un grade moins
élevé, astreints comme eux et sous les mêmes sanctions au secret professionnel.
« 3° Les divers documents visés au 1° du présent article doivent être conservés
par les intéressés pendant un délai de trois ans, à compter de la date d'envoi
des colis, pour les expéditeurs, et à compter de la date de leur réception, pour
les destinataires.
« 4° a) Les bénéficiaires ou redevables visés à l'article 65 A ci-dessous
doivent conserver les documents relatifs à leur activité professionnelle durant
trois années civiles à compter de la fin de l'année civile de l'établissement de
ces documents. Ils doivent en délivrer des extraits ou des copies à la demande
des agents chargés du contrôle.
« b) Par documents, on entend l'ensemble des livres, registres, notes et pièces
justificatives (comptabilité, registres, factures, correspondances, copies de
lettres, etc.) relatives à l'activité professionnelle de l'entreprise.
« 5° Au cours des contrôles et des enquêtes opérés chez les personnes ou
sociétés visées au 1° du présent article, les agents des douanes désignés par ce
même paragraphe peuvent procéder à la saisie des documents de toute nature
(comptabilité, factures, copies de lettres, carnets de chèques, traites, comptes
de banque, etc.) propres à faciliter l'accomplissement de leur mission.
« 6° L'administration des douanes est autorisée, sous réserve de réciprocité, à
fournir aux autorités qualifiées des pays étrangers tous renseignements,
certificats, procès-verbaux et autres documents susceptibles d'établir la
violation des lois et règlements applicables à l'entrée ou à la sortie de leur
territoire.
« 7° Pour l'application des dispositions relatives à l'assistance mutuelle entre
les autorités administratives des Etats membres de la Communauté européenne en
matière de réglementation douanière ou agricole, les agents des douanes sont
autorisés à mettre en œuvre les dispositions du présent article pour le contrôle
des opérations douanières ou agricoles réalisées dans les autres Etats membres.
« 8° Sous réserve de réciprocité, l'administration des douanes et droits
indirects peut communiquer aux autorités compétentes des Etats membres de la
Communauté européenne des renseignements et documents pour l'établissement des
droits indirects grevant les huiles minérales.
« Elle peut faire état, à titre de preuve, des renseignements et documents
fournis par les autorités compétentes des Etats membres de la Communauté
européenne.
« Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent 8°
» ;
2. Considérant que, selon la société requérante, ces dispositions portent
atteinte, d'une part, à la liberté individuelle garantie par l'article 66 de la
Constitution et, d'autre part, au respect des droits de la défense découlant de
l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
3. Considérant que l'article 65 du code des douanes fixe une liste de personnes
qui, en raison de leur activité, sont tenues de communiquer aux agents de
l'administration des douanes, sur demande de ces derniers, les documents de
toute nature relatifs aux opérations intéressant cette administration ; qu'il
prévoit en outre que ces documents peuvent être saisis ;
4. Considérant, en premier lieu, que l'article 66 de la Constitution prohibe la
détention arbitraire et confie à l'autorité judiciaire, dans les conditions
prévues par la loi, la protection de la liberté individuelle ; que la procédure
instaurée par l'article 65 du code des douanes n'affecte pas la liberté
individuelle ; que, par suite, le grief tiré d'une méconnaissance de l'article
66 de la Constitution est inopérant ;
5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration
de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas
assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ;
qu'est garanti par ces dispositions le respect des droits de la défense ;
6. Considérant que, d'une part, le droit reconnu aux agents de l'administration
des douanes d'accéder aux documents relatifs aux opérations intéressant leur
service ne saurait, en lui-même, méconnaître les droits de la défense ; que,
d'autre part, si les dispositions contestées imposent aux personnes intéressées
de remettre aux agents de l'administration des douanes les documents dont ces
derniers sollicitent la communication, elles ne confèrent pas à ces agents un
pouvoir d'exécution forcée pour obtenir la remise de ces documents ; qu'elles ne
leur confèrent pas davantage un pouvoir général d'audition ou un pouvoir de
perquisition; qu'en l'absence d'autorisation préalable de l'autorité judiciaire,
seuls les documents qui ont été volontairement communiqués à l'administration
peuvent être saisis; qu'en outre, si ces dispositions ne prévoient pas que la
personne intéressée peut bénéficier de l'assistance d'un avocat, elles n'ont ni
pour objet ni pour effet de faire obstacle à cette assistance ; qu'enfin, elles
ne portent aucune atteinte aux droits des personnes intéressées de faire
contrôler, par les juridictions compétentes, la régularité des opérations
conduites en application des dispositions précitées ; qu'il suit de là que l'article 65 du code des douanes ne porte aucune atteinte au
respect des droits de la défense ;
7. Considérant que l'article 65 du code des douanes ne méconnaît ni le principe
selon lequel nul n'est tenu de s'accuser, qui découle de l'article 9 de la
Déclaration de 1789, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution
garantit ; que la modification apportée à cet article par l'article 91 de la loi du 30 décembre 2004 susvisée est sans
incidence sur sa conformité à la Constitution,
Décide :
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 26 janvier 2012 où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy
CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de
GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 15 novembre
2011 par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 1210 du 15 novembre
2011) sur le fondement des dispositions de l'article 61-1 de la Constitution
d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Régis J., relative
à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 211-4 du code monétaire et financier, dans sa
rédaction issue de l'ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 portant réforme du
régime des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales et extension
à l'outre-mer de dispositions ayant modifié la législation commerciale. ARTICLE 1 Le
cinquième alinéa de l'article L. 211-4 du code monétaire et
financier est conforme à la Constitution. ARTICLE 2
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française
et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. 3 DECISIONS DU 3
FEVRIER 2012
Décision n° 2011-216 QPC du 3 février 2012 Le Conseil constitutionnel a été saisi le 18 novembre 2011
par la Cour de cassation (chambre sociale, arrêt n° 2668 du 18 novembre 2011),
dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question
prioritaire de constitutionnalité posée par M. Franck S., relative à la
conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L.
2324-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'article 5 de la loi n°
2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme
du temps de travail. ARTICLE 1er : L'article L. 2324-2 du code du travail est conforme à la
Constitution. ARTICLE 2 : La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Décision n° 2011-217 QPC du 3 février 2012 Le Conseil constitutionnel a été saisi le 23 novembre 2011
par la Cour de cassation (première chambre civile, arrêt n° 1252 du 23 novembre
2011) sur le fondement des dispositions de l'article 61-1 de la Constitution
d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Mohammed Akli B.
relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de
l'article L. 621-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit
d'asile. 1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 621-1 du code de
l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'étranger qui a
pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L.
211-1 et L. 311-1 ou qui s'est maintenu en France au-delà de la durée autorisée
par son visa sera puni d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 3 750 €.
Décision n° 2011-217 QPC du 3 février 2012 Le Conseil constitutionnel a été saisi le 24 novembre 2011
par le Conseil d'État (décision n° 352366 du 23 novembre 2011) sur le fondement
des dispositions de l'article 61-1 de la Constitution d'une question prioritaire
de constitutionnalité posée par M. Cédric S., relative à la conformité aux
droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 311-7 du code de
justice militaire, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2011-1862 du 13
décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de
certaines procédures juridictionnelles, et de l'article L. 4139-14 du code de la
défense. 2 DECISIONS DU 9
FEVRIER 2012
Décision n° 2011-219 QPC du 9 février 2012 Le Conseil constitutionnel a été saisi le 28 novembre 2011
par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 6624 du 22 novembre
2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une
question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Patrick É., relative à
la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 5
de la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation
des services touristiques et des articles L. 3123-1 et L. 3123-2 du code des
transports. Il n'y a pas lieu de statuer sur la question prioritaire de
constitutionnalité portant sur l'article 5 de la loi n° 2009-888 du 22 juillet
2009 de développement et de modernisation des services touristiques et les
articles L. 3123-1 et L. 3123-2 du code des transports. La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Décision n° 2011-220 QPC du 9 février 2012 Le Conseil constitutionnel a été saisi le 15 décembre 2011
par le Conseil d'État (décision n° 327204 du 15 décembre 2011) dans les
conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution d'une question
prioritaire de constitutionnalité posée par M. Hugh A., relative à la conformité
aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 1759 du code
général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 98 de la loi n° 89-935
du 29 décembre 1989 de finances pour 1990. L'article 1759 du code général des impôts, dans sa rédaction
issue de l'article 98 de la loi n° 89-935 du 29 décembre 1989 de finances pour
1990, est conforme à la Constitution. La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Décision n° 2011-237 QPC du 15 février 2012 Le Conseil constitutionnel a été saisi le 2 février 2012
d'une demande présentée pour M. Zafer E. par Me Christophe Martin-Laviolette,
avocat au barreau de Metz, tendant à ce que le Conseil constitutionnel se
prononce sur la question prioritaire de constitutionnalité posée par lui devant
le tribunal correctionnel de Sarreguemines, relative à la conformité aux droits
et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 3421-1 du code de la
santé publique.
3 DECISIONS DU 17 FEVRIER 2012
Décision n° 2011-221 QPC du 17 février 2012 Le Conseil constitutionnel a été saisi le 16 décembre 2011
par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 1291 du 16 décembre
2011) dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution d'une
question prioritaire de constitutionnalité posée par la société Chaudet et
Fille, la société Le Meynot, la société Famille Laval Pommerol et la société
Château Gombaude Guillot, relative à la conformité aux droits et libertés que la
Constitution garantit de l'article L. 632-6 du code rural et de la pêche
maritime.
Décision n° 2011-222 QPC du 17 février 2012 Le Conseil constitutionnel a été saisi le 16 décembre 2011
par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 7050 du 7 décembre 2011),
dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question
prioritaire de constitutionnalité posée par M. Bruno L., relative à la
conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article
227-27-2 du code pénal.
Décision n° 2011-223 QPC du 17 février 2012 Le Conseil constitutionnel a été saisi le 23 décembre 2011
par le Conseil d'État (décision n° 354200 du 23 décembre 2011), dans les
conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question
prioritaire de constitutionnalité posée par l'ordre des avocats au barreau de
Bastia, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution
garantit de l'article 706-88-2 du code de procédure pénale dans sa rédaction
issue de la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue. Vu la Constitution ;
Décision n° 2012-233 QPC du 21 février 2012 Le Conseil constitutionnel a été saisi le 2 février 2012 par
le Conseil d'État (arrêt n° 355137 du 2 février 2012), dans les conditions
prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de
constitutionnalité posée par Mme Marine LE PEN, relative à la conformité aux
droits et libertés que la Constitution garantit du cinquième alinéa du
paragraphe I de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 relative à l'élection
du Président de la République au suffrage universel.
Décision n° 2011-234 QPC du 24 février 2012
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant
loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le
code monétaire et financier ;
Vu la
loi n° 81-1160 du 30 décembre 1981 de finances pour 1982 ;
Vu l'ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 portant réforme du
régime des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales et extension
à l'outre-mer de dispositions ayant modifié la législation commerciale ;
Vu la
loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du
droit, notamment son article 78 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Nicolas Boullez,
avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 7 décembre
2011 ;
Vu les observations produites par le Gouvernement, enregistrées le 7 décembre
2011 ;
Vu les observations produites pour la société des Hôtels Plaza Atlantic Park
Réunis, par Me Didier Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de
cassation, enregistrées le 22 décembre 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Boullez, pour le requérant, Me Le Prado, pour la société défenderesse, et M.
Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience
publique du 17 janvier 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux
termes du cinquième alinéa de l'article L. 211-4 du code
monétaire et financier, dans sa rédaction postérieure à l'ordonnance du 24 juin 2004 susvisée, et applicable aux
actions émises avant le 3 novembre 1984 : « Les détenteurs de valeurs
mobilières, émises avant la même date, ne peuvent exercer les droits attachés à
leurs titres que si ceux-ci ont été présentés à l'émetteur ou à un intermédiaire
habilité en vue de leur inscription en compte. A compter du 3 mai 1988, dans des
conditions définies par décret, les émetteurs doivent procéder à la vente des
droits correspondant aux valeurs mobilières non présentées. Le produit de la
vente est consigné jusqu'à restitution éventuelle aux ayants droit » ;
2. Considérant que, selon le requérant, en imposant aux sociétés émettrices la
vente des valeurs mobilières non présentées en vue de leur inscription en
compte, ces dispositions portent atteinte au droit de propriété ;
3. Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés
par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ; qu'aux termes de son
article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en
être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée,
l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ;
qu'en l'absence de privation du droit de propriété au sens de cet article, il
résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les atteintes
portées à ce droit doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et
proportionnées à l'objectif poursuivi ;
4. Considérant que les dispositions contestées ont mis fin à la possibilité pour
les sociétés par actions d'émettre des titres anonymes au porteur et pour toute
personne de continuer à détenir de tels titres ; qu'elles ont été adoptées dans
leur principe par l'article 94 de la loi du 30 décembre 1981 susvisée dont
l'objet était de lutter contre la fraude fiscale et de réduire le coût de
gestion par les sociétés des titres émis par elles ; que ces dispositions,
ultérieurement modifiées, ont été codifiées à l'article L. 211-4 du code monétaire et financier ; que le
cinquième alinéa de cet article L. 211-4 a pour objet d'organiser le régime
transitoire des valeurs mobilières émises avant le 3 novembre 1984 ;
5. Considérant, en premier lieu, que la première phrase du cinquième alinéa de
l'article L. 211-4 subordonne l'exercice des droits attachés à la détention de
valeurs mobilières émises avant le 3 novembre 1984 à leur présentation, par
leurs détenteurs, à la société émettrice ou à un intermédiaire agréé afin qu'il
soit procédé à leur inscription en compte ; que la seconde phrase du même alinéa
fait obligation aux sociétés émettrices des valeurs qui n'ont pas été présentées
et qui, par l'effet même de la loi, ne confèrent plus à leurs porteurs les
droits antérieurement attachés, de vendre celles-ci à compter du 3 mai 1988 et
de consigner le produit de la vente pour qu'il soit distribué aux anciens
détenteurs de ces titres ; que, par suite, ni la modification apportée aux
conditions dans lesquelles les porteurs de valeurs mobilières peuvent continuer
à exercer les droits attachés à ces valeurs, et dont la mise en œuvre ne dépend
que de leur initiative, ni la vente par la société émettrice des valeurs
mobilières dont les détenteurs ne peuvent plus exercer les droits afférents à
leur possession, en vue de la remise du prix de cession auxdits détenteurs, ne
constituent une privation de propriété au sens de l'article 17 de la Déclaration
de 1789 ;
6. Considérant, en second lieu, que la suspension des droits attachés aux titres
non inscrits en compte et la cession ultérieure de ces titres par la société
émettrice ont pour objet d'inciter à inscrire en compte les valeurs mobilières
émises avant le 3 novembre 1984 puis de supprimer le régime des titres au
porteur non inscrits ; qu'elles tendent ainsi à la fois à lutter contre la
fraude fiscale et à réduire le coût de la gestion des valeurs mobilières ; que,
par suite, elles poursuivent un but d'intérêt général ;
7. Considérant que la cession des titres est subordonnée à la carence de leur
détenteur qui, au cours de la période du 3 novembre 1984 au 3 mai 1988, ne les
aurait pas présentés à la société émettrice ou à un intermédiaire habilité afin
qu'il soit procédé à leur inscription en compte ; que, compte tenu de la
suspension des droits attachés à la détention de valeurs mobilières non
présentées en vue de leur inscription en compte, édictée par le paragraphe II de
l'article 94 de la loi du 31 décembre 1981 susvisée, les détenteurs de ces
titres ne pouvaient ignorer l'obligation qui leur était imposée ; qu'il leur
était loisible, en procédant à cette inscription avant le 3 mai 1988, de
recouvrer le plein exercice de leurs droits et d'éviter la cession de leurs
titres par la société émettrice ; qu'enfin, les dispositions contestées
prévoient, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que le produit de la vente ainsi
réalisée est consigné jusqu'à restitution éventuelle aux ayants droit ; que la
disposition contestée ne porte au droit de propriété des détenteurs de ces
valeurs mobilières aucune atteinte disproportionnée et, par suite, ne méconnaît
pas l'article 2 de la Déclaration de 1789 ;
8. Considérant que le
cinquième alinéa de l'article L. 211-4 du code monétaire et
financier ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution
garantit,
Décide :
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 26 janvier 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy
CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de
GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie
sociale et réforme du temps de travail ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par la SEP Deplaix-Bouyrie,
avocat au barreau de Montpellier, enregistrées le 9 novembre 2011 et le 27
décembre 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 12
décembre 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Clément Chazot, avocat au barreau de Montpellier, pour le requérant et M.
Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience
publique du 24 janvier 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2324-2 du code du travail : « Sous
réserve des dispositions applicables dans les entreprises de moins de trois
cents salariés, prévues à l'article L. 2143-22, chaque organisation syndicale
ayant des élus au comité d'entreprise peut y nommer un représentant. Il assiste
aux séances avec voix consultative. Il est choisi parmi les membres du personnel
de l'entreprise et doit remplir les conditions d'éligibilité au comité
d'entreprise fixées à l'article L. 2324 15
2. Considérant que le requérant soutient que l'application immédiate des
dispositions contestées crée une discrimination injustifiée entre les
organisations syndicales participant à la négociation collective par
l'intermédiaire de leur délégué syndical selon qu'elles avaient, ou non, désigné
un représentant au comité d'entreprise avant l'entrée en vigueur de la loi du 20
août 2008 susvisée ; qu'il fait valoir que le législateur aurait dû reporter
l'entrée en vigueur de ces dispositions à l'échéance des prochaines élections
professionnelles, à l'instar de l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions
relatives à la désignation des délégués syndicaux; qu'ainsi, les dispositions
contestées porteraient atteinte au principe d'égalité devant la loi et à la
liberté syndicale
3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi... doit être la même pour tous, soit
qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose
ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes, ni
à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que,
dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en
rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit; que, d'autre part, aux
termes du sixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « Tout homme
peut défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale et adhérer au
syndicat de son choix
4. Considérant que les dispositions contestées ont pour objet de déterminer,
pour les entreprises de trois cents salariés et plus, les conditions dans
lesquelles un syndicat peut désigner un salarié pour le représenter au comité
d'entreprise ; que l'article 5 de la loi du 20 août 2008 susvisée a modifié les
conditions de cette désignation en prévoyant que cette faculté est réservée aux
syndicats comptant au moins deux élus dans ce comité ; que la nouvelle rédaction
de l'article L. 2324-2 précité est entrée en vigueur le 22 août 2008 ; que les
dispositions contestées, telles qu'interprétées par la Cour de cassation,
permettent que les représentants syndicaux désignés selon les dispositions
antérieurement en vigueur conservent leur mandat jusqu'au prochain
renouvellement du comité d'entreprise mais interdisent la désignation de
nouveaux représentants syndicaux par les syndicats ne remplissant pas les
nouvelles conditions de désignation
5. Considérant, en premier lieu, qu'en subordonnant la désignation d'un
représentant syndical au comité d'entreprise à la condition pour un syndicat d'y
avoir des élus, le législateur n'a méconnu ni le principe d'égalité entre les
organisations syndicales, ni la liberté syndicale, ni aucune autre exigence
constitutionnelle
6. Considérant, en second lieu, que, d'une part, il était loisible au
législateur, sans méconnaître aucun principe, ni aucune règle constitutionnelle,
de prévoir une application immédiate des nouvelles conditions de désignation du
représentant syndical au comité d'entreprise ; que la mission de représentation
syndicale au comité d'entreprise et celle de délégué syndical sont différentes ;
que, par suite, il était également loisible au législateur de fixer des règles
d'entrée en vigueur différentes pour les nouvelles dispositions relatives à la
désignation des délégués syndicaux et pour celles relatives à la désignation des
représentants syndicaux au comité d'entreprise
7. Considérant, d'autre part, que les dispositions contestées telles
qu'interprétées par la Cour de cassation organisent une transition progressive
entre deux régimes successifs de représentation syndicale au comité d'entreprise
; que les différences de traitement résultant de ces dispositions entre les
organisations syndicales, selon qu'elles ont ou non des élus au comité
d'entreprise ou selon qu'elles avaient ou non procédé à la désignation d'un
représentant au comité d'entreprise avant la date d'entrée en vigueur de la loi,
reposent sur des différences de situation directement liées à l'objet de la loi
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de la
méconnaissance du principe d'égalité et de la liberté syndicale doivent être
rejetés ; que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit
ou liberté que la Constitution garantit,
D É C I D E :
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 2 février 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme
Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre
2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États
membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations en intervention produites, pour l'association « SOS soutien
ô sans papiers » par Me Henri Braun, avocat au barreau de Paris et Me Nawel
Gafsia, avocate au barreau du Val-de-Marne, enregistrées le 8 décembre 2011 ;
Vu les observations en interventions produites pour l'association, « Groupe
d'information et de soutien des immigrés » (GISTI), par Me Stéphane Maugendre,
avocat au barreau de Seine-Saint-Denis, enregistrées le 13 décembre 2011 ;
Vu les observations en intervention produites pour l'association « Comité
Inter-Mouvements Auprès des Evacués », (CIMADE), par Me Patrick Spinosi, avocat
au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 14 décembre 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 15
décembre 2011 et le 3 janvier 2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Julien Gautier, avocat au barreau des Hauts-de-Seine, pour le requérant, Me
Braun pour l'association « SOS soutien ô sans papiers », Me Maugendre pour le
GISTI et Me Spinosi pour la CIMADE et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier
ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 24 janvier 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu
« La juridiction pourra, en outre, interdire à l'étranger condamné, pendant une
durée qui ne peut excéder trois ans, de pénétrer ou de séjourner en France.
L'interdiction du territoire emporte de plein droit reconduite du condamné à la
frontière, le cas échéant à l'expiration de la peine d'emprisonnement » ;
2. Considérant que, selon le requérant et les associations intervenantes, au
regard de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 susvisée, en punissant
d'une peine d'emprisonnement tout ressortissant d'un pays tiers à celui de
l'Union européenne entré ou séjournant irrégulièrement en France pour le seul
motif que celui-ci demeure sur le territoire sans raison justifiée, les
dispositions contestées méconnaissent le principe de nécessité des peines
garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de
1789 ;
3. Considérant que, d'une part, un grief tiré du défaut de compatibilité d'une
disposition législative aux engagements internationaux et européens de la France
ne saurait être regardé comme un grief d'inconstitutionnalité ; que, par suite,
il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, saisi en application de
l'article 61-1 de la Constitution, d'examiner la compatibilité des dispositions
contestées avec les traités ou le droit de l'Union européenne ; que l'examen
d'un tel grief relève de la compétence des juridictions administratives et
judiciaires ;
4. Considérant que, d'autre part, l'article 8 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 dispose : « La loi ne doit établir que des peines
strictement et évidemment nécessaires » ; que l'article 61-1 de la Constitution
ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et
de décision de même nature que celui du Parlement, mais lui donne seulement
compétence pour se prononcer sur la conformité des dispositions législatives
soumises à son examen aux droits et libertés que la Constitution garantit ; que,
si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir
d'appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de
s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine
encourue ;
5. Considérant qu'en vertu des dispositions contestées, l'étranger qui a pénétré
ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1
et L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
ou qui s'est maintenu en France au-delà de la durée autorisée par son visa sera
puni d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 3 750 € ; que la juridiction
pourra, en outre, interdire à l'étranger condamné, pendant une durée qui ne peut
excéder trois ans, de pénétrer ou de séjourner en France, cette interdiction du
territoire emportant, de plein droit, reconduite du condamné à la frontière, le
cas échéant à l'expiration de la peine d'emprisonnement ; qu'eu égard à la
nature de l'incrimination pour laquelle elles sont instituées, les peines ainsi
fixées, qui ne sont pas manifestement disproportionnées, ne méconnaissent pas
l'article 8 de la Déclaration de 1789 ;
6. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre
droit ou liberté que la Constitution garantit,
D É C I D E :
Article 1er.- L'article L. 621-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers
et du droit d'asile est conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 2 février 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme
Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de justice militaire ;
Vu le code de la défense ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des
contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles,
notamment son article 35 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par Maître Maud Bouret, avocat
au barreau de Toulon, enregistrées le 29 décembre 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 16
décembre 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Franck Bourrel, avocat au barreau de Toulon, pour le requérant, et M. Xavier
Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience
publique du 24 janvier 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 311-7 du code de justice militaire
dans sa rédaction antérieure à la loi du 13 décembre 2011 susvisée : « Toute
condamnation, même si elle n'a pas entraîné la destitution prononcée par quelque
juridiction que ce soit, contre un officier, un sous-officier de carrière ou un
sous-officier servant sous contrat, entraîne de plein droit la perte du grade,
si elle est prononcée pour crime.
« Toute condamnation à une peine égale ou supérieure à trois mois
d'emprisonnement, avec ou sans sursis, prononcée contre un officier, un
sous-officier de carrière ou un sous-officier servant sous contrat, entraîne de
plein droit la perte du grade, si elle est prononcée pour l'un des délits
suivants :
« 1° Délits de vol, extorsion, escroquerie, abus de confiance et recel réprimés
par le livre troisième du code pénal ;
« 2° Délits prévus aux articles 413-3, 432-11, 433-1 et 433-2 du code pénal ;
« 3° Délits de banqueroute et délits assimilés à la banqueroute.
« Il en est de même si la peine prononcée, même inférieure à trois mois
d'emprisonnement s'accompagne soit d'une interdiction de séjour, soit d'une
interdiction de tout ou partie des droits civiques, civils et de famille, ou si
le jugement déclare que le condamné est incapable d'exercer aucune fonction
publique » ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 4139-14 du code de la défense : «
La cessation de l'état militaire intervient d'office dans les cas suivants :
« 1° Dès l'atteinte de la limite d'âge ou de la limite de durée de service pour
l'admission obligatoire à la retraite, dans les conditions prévues aux articles
L. 4139-16 et L. 4141-5 ;
« 2° À la perte du grade, dans les conditions prévues par le code de justice
militaire ou à la suite de la perte de la nationalité française ;
« 3° Par mesure disciplinaire dans le cas où elle entraîne la radiation des
cadres ou la résiliation du contrat ;
« 4° Pour réforme définitive, après avis d'une commission de réforme dont les
modalités d'organisation et de fonctionnement sont fixées par décret en Conseil
d'État ;
« 5° Pour résultats insuffisants en cours de scolarité, pour les élèves des
écoles militaires ;
« 6° Au terme du congé de reconversion ou du congé complémentaire de
reconversion et de la disponibilité, dans les conditions prévues par les
dispositions des articles L. 4139-5 et L. 4139-9, sous réserve des dispositions
prévues au VI de l'article 89 de la loi n° 2005-270 du 24 mars 2005 portant
statut général des militaires ;
« 7° Au terme du congé du personnel navigant, à l'exception des officiers
généraux placés en deuxième section des officiers généraux, dans les conditions
prévues aux articles L. 4139-6, L. 4139-7, L. 4139-10 et L. 4141-3 ;
« 8° Lors de la titularisation dans une fonction publique, ou dès la réussite à
un concours de l'une des fonctions publiques pour les militaires ne bénéficiant
pas du détachement prévu au premier alinéa de l'article L. 4139-1, dans les
conditions prévues à la section 1 du présent chapitre » ;
3. Considérant que, selon le requérant, les dispositions contestées qui
prévoient la cessation de l'état militaire dès la perte du grade consécutive à
une condamnation, sans prendre en compte la personnalité du militaire ni la
gravité de son comportement, méconnaissent les exigences découlant de l'article
8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'elles
porteraient aussi atteinte au principe d'égalité devant la loi découlant de son
article 6 ;
4. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur
l'article L. 311-7 du code de justice militaire dans sa rédaction antérieure à
la loi du 13 décembre 2011 susvisée et sur les premier et troisième alinéas de
l'article L. 4139-14 du code de la défense ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration de 1789 : « La loi
ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne
peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au
délit, et légalement appliquée » ; qu'il s'ensuit que ces principes ne
s'appliquent qu'aux peines et aux sanctions ayant le caractère d'une punition ;
6. Considérant qu'il ressort d'une jurisprudence constante du Conseil d'État,
que, pour un militaire, la perte du grade constitue une peine ; que le principe
d'individualisation des peines qui découle de l'article 8 de la Déclaration de
1789 implique que cette peine ne puisse être appliquée que si le juge l'a
expressément prononcée, en tenant compte des circonstances propres à chaque
espèce ;
7. Considérant que les dispositions contestées de l'article L. 311-7 du code de
justice militaire, dans sa rédaction antérieure à la loi du 13 décembre 2011
susvisée, prévoient que toute condamnation prononcée pour crime entraîne de
plein droit la perte du grade, que toute condamnation à une peine égale ou
supérieure à trois mois d'emprisonnement avec ou sans sursis emporte la perte du
grade si elle est prononcée pour certains délits et qu'il en est de même si la
peine, même inférieure à trois mois d'emprisonnement, s'accompagne soit d'une
interdiction de séjour, soit d'une interdiction de tout ou partie des droits
civiques, civils et de famille ou si le jugement déclare que le condamné est
incapable d'exercer aucune fonction publique ; que la peine de perte de grade
qui est définitive et entraîne la cessation de l'état militaire est attachée de
plein droit à diverses condamnations pénales sans que le juge qui les décide ait
à la prononcer expressément ; que, même si le juge a la faculté, en prononçant
la condamnation, d'exclure expressément sa mention au bulletin n° 2 du casier
judiciaire, conformément aux dispositions de l'article 775-1 du code de
procédure pénale, cette faculté ne saurait, à elle seule, assurer le respect des
exigences qui découlent du principe d'individualisation des peines ; que, par
suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre grief, l'article L. 311-7 du
code de justice militaire, dans sa rédaction antérieure à la loi du 13 décembre
2011 susvisée, doit être déclaré contraire à la Constitution ;
8. Considérant que les premier et troisième alinéas de l'article L. 4139-14 du
code de la défense qui prévoient que la cessation de l'état militaire intervient
d'office à la perte du grade, dans les conditions prévues par le code de justice
militaire ou à la suite de la perte de la nationalité française, ne sont pas, en
eux-mêmes, contraires aux droits et libertés que la Constitution garantit ;
9. Considérant qu'en vertu de la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article
62 de la Constitution, il appartient au Conseil constitutionnel de déterminer
les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition qu'il
déclare inconstitutionnelle a produits sont susceptibles d'être remis en cause ;
que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à
l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition
déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances
en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel,
les dispositions de l'article 62 réservent à ce dernier le pouvoir de prévoir la
remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de
cette déclaration ;
10. Considérant que la présente déclaration d'inconstitutionnalité de l'article
L. 311-7 du code de justice militaire dans sa rédaction antérieure à la loi du
13 décembre 2011 susvisée prend effet à compter de la date de la publication de
la présente décision ; qu'elle est applicable à toutes les instances en cours ;
qu'elle peut également être invoquée à l'occasion des recours en annulation qui
seraient formés, après la publication de la présente décision, à l'encontre des
décisions portant cessation de l'état militaire intervenues en application de
l'article L. 4139 14 du code de la défense sur le fondement des dispositions
déclarées inconstitutionnelles de l'article L. 311-7 du code de justice
militaire,
D É C I D E :
Article 1er.- L'article L. 311-7 du code de justice militaire dans sa rédaction
antérieure à la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition
des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles est
contraire à la Constitution.
Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à
compter de la publication de la présente décision dans les conditions prévues au
considérant 10.
Article 3.- Les premier et troisième alinéas de l'article L. 4139-14 du code de
la défense sont conformes à la Constitution.
Article 4.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 2 février 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme
Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code des transports ;
Vu la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du
droit et d'allègement des procédures, notamment son article 92 ;
Vu la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation
des services touristiques ;
Vu l'ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 relative à la partie législative
du code des transports ;
Vu le décret n° 2010-1223 du 11 octobre 2010 relatif au transport public de
personnes avec conducteur, notamment son article 13 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par Me Rachel Piralian, avocate
au barreau de Paris, enregistrées les 18 décembre 2011 et 3 janvier 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 20
décembre 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Piralian, pour le requérant et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier
ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 24 janvier 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la
Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une
juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux
droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut
être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de
cassation qui se prononce dans un délai déterminé » ;
2. Considérant que les dispositions de l'article 5 de la loi du 22 juillet 2009
susvisée ont été codifiées dans le code des transports et abrogées par
l'ordonnance du 28 octobre 2010 susvisée ; qu'elles figurent désormais,
notamment, aux articles L. 3123-1 et L. 3123-2 du code des transports ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'à ce jour, l'ordonnance du 28 octobre 2010
n'a pas été ratifiée ; que, par suite, les dispositions du code des transports
rappelées ci-dessus ne revêtent pas le caractère de dispositions législatives au
sens de l'article 61-1 de la Constitution ; qu'il n'y a donc pas lieu, pour le
Conseil constitutionnel, d'en connaître ;
4. Considérant, en second lieu, que la modification ou l'abrogation ultérieure
de la disposition contestée ne fait pas disparaître l'atteinte éventuelle aux
droits et libertés que la Constitution garantit ; qu'elle n'ôte pas son effet
utile à la question prioritaire de constitutionnalité et ne saurait faire
obstacle, par elle-même, à la transmission de la question au Conseil
constitutionnel ;
5. Considérant, toutefois, qu'il ressort des termes mêmes de l'article 5 de la
loi du 22 juillet 2009 susvisée que la détermination des sujétions imposées aux
entreprises prestataires d'un service de transport aux personnes au moyen de
motocyclettes ou de tricycles à moteur était subordonnée, notamment en ce qui
concerne la qualification des conducteurs et les caractéristiques des véhicules,
à l'intervention de mesures réglementaires ; que ces dispositions réglementaires
n'ont été prises que par le décret du 11 octobre 2010 susvisé qui n'est entré en
vigueur, d'après son article 13, que le premier jour du sixième mois suivant sa
publication, soit le 1er avril 2011 ; qu'à cette date, l'article 5 de la loi du
22 juillet 2009 avait été abrogé ; qu'ainsi, cette disposition législative,
jamais entrée en vigueur, est insusceptible d'avoir porté atteinte à un droit ou
une liberté que la Constitution garantit ; que cette disposition ne peut, par
suite, faire l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité ; qu'il
n'y a donc pas davantage lieu, pour le Conseil constitutionnel, d'en connaître,
DÉCIDE :
Article 1er :
Article 2 :
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 9 février 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme
Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi n° 89-935 du 29 décembre 1989 de finances pour 1990;
Vu le décret n° 90-798 du 10 septembre 1990 ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 6 janvier
2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendu à
l'audience publique du 2 février 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 1759 du code général des impôts dans
sa rédaction issue de l'article 98 de la loi n° 89-935 du 29 décembre 1989 de
finances pour 1990 : « En cas d'application des dispositions prévues au
troisième alinéa des articles 1649 A et 1649 quater A, le montant des droits est
assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40
p. 100 » ;
2. Considérant que, selon le requérant, cet article du code général des impôts,
en tant qu'il prévoit une majoration de 40 % du montant des droits dus en cas de
méconnaissance des obligations déclaratives sanctionnées aux articles 1649 A et
1649 quater A du même code et relatives à la possession ou l'utilisation de
comptes bancaires à l'étranger ou à des transferts de fonds vers ou en
provenance de l'étranger, porte atteinte aux principes de nécessité, de
proportionnalité et d'individualisation des peines, qui découlent de l'article 8
de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration de 1789 : « La loi
ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne
peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au
délit, et légalement appliquée » ; que le principe d'individualisation des
peines qui découle de cet article implique que la majoration des droits,
lorsqu'elle constitue une sanction ayant le caractère d'une punition, ne puisse
être appliquée que si l'administration, sous le contrôle du juge, l'a
expressément prononcée en tenant compte des circonstances propres à chaque
espèce ; qu'il ne saurait toutefois interdire au législateur de fixer des règles
assurant une répression effective de la méconnaissance des obligations fiscales
;
4. Considérant que l'article 1759 du code général des impôts institue, dans le
recouvrement de l'impôt, une majoration fixe de 40 % du montant des droits dus
par les contribuables domiciliés en France en cas de méconnaissance des
obligations déclaratives relatives à la possession ou l'utilisation de comptes
bancaires à l'étranger ou à des transferts de fonds vers ou en provenance de
l'étranger ; que le législateur vise ainsi à améliorer la prévention et à
renforcer la répression des dissimulations, par ces contribuables, de comptes
bancaires à l'étranger ou de transferts de fonds vers ou en provenance de
l'étranger ;
5. Considérant que, d'une part, l'article 1729 du code général des impôts
institue une majoration des droits dus en cas d'inexactitudes ou d'omissions de
déclarations commises de mauvaise foi ou au moyen de manoeuvres frauduleuses ou
d'abus de droits ; que cette majoration peut se cumuler avec celle prévue par
l'article 1759 du même code ; que le législateur assure ainsi une modulation des
peines en fonction de la gravité des comportements réprimés ; que, d'autre part,
la disposition contestée institue une sanction financière proportionnelle et
dont la nature est directement liée à celle du manquement constaté ; que le juge
décide, dans chaque cas, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits
invoqués et la qualification retenue par l'administration, soit de maintenir la
majoration de 40 % prévue par l'article 1759 du code général des impôts, soit
d'en dispenser le contribuable s'il estime que ce dernier apporte la preuve que
les sommes, titres et valeurs transférés de ou vers l'étranger en méconnaissance
des obligations déclaratives ne constituent pas des revenus imposables ; qu'il
peut ainsi proportionner les pénalités selon la nature et la gravité des
agissements commis par le contribuable ; que le taux de 40 % de l'article 1759
du code général des impôts n'est pas manifestement disproportionné ;
6. Considérant, dès lors, que le grief tiré de la méconnaissance de l'article 8
de la Déclaration de 1789 doit être rejeté ; que la disposition contestée n'est
contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
DÉCIDE :
Article 1er :
Article 2 :
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 9 février 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de
GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 30 novembre 2011, (chambre criminelle, n°
6861) ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 23-4 de la loi du 7 novembre 1958
susvisée : « Dans un délai de trois mois à compter de la réception de la
transmission prévue à l'article 23-2 ou au dernier alinéa de l'article 23-1, le
Conseil d'État ou la Cour de cassation se prononce sur le renvoi de la question
prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. Il est procédé à
ce renvoi dès lors que les conditions prévues aux 1° et 2° de l'article 23-2
sont remplies et que la question est nouvelle ou présente un caractère sérieux »
; qu'aux termes du troisième alinéa de son article 23-5 : « Le Conseil d'État ou
la Cour de cassation dispose d'un délai de trois mois à compter de la
présentation du moyen pour rendre sa décision. Le Conseil constitutionnel est
saisi de la question prioritaire de constitutionnalité dès lors que les
conditions prévues aux 1° et 2° de l'article 23-2 sont remplies et que la
question est nouvelle ou présente un caractère sérieux » ; que la dernière
phrase du premier alinéa de son article 23-7 dispose : « Si le Conseil d'État ou
la Cour de cassation ne s'est pas prononcé dans les délais prévus aux articles
23-4 et 23-5, la question est transmise au Conseil constitutionnel » ;
2. Considérant que, par jugement du 12 septembre 2011, le tribunal correctionnel
de Sarreguemines a ordonné la transmission à la Cour de cassation d'une question
prioritaire de constitutionnalité posée par le requérant, relative à la
conformité de l'article L. 3421-1 du code de la santé publique aux droits et
libertés que la Constitution garantit ; que cette transmission a été reçue à la
Cour de cassation le 23 septembre 2011 ;
3. Considérant qu'à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la
cour d'appel de Metz (chambre correctionnelle) en date du 22 juin 2011, ce
requérant a également saisi la Cour de cassation, le 30 septembre 2011, d'une
question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits
et libertés que la Constitution garantit de ce même article du code de la santé
publique et fondée sur les mêmes griefs ; que, par arrêt du 30 novembre 2011
susvisé, la chambre criminelle de la Cour de cassation a dit n'y avoir lieu de
renvoyer cette question prioritaire de constitutionnalité au Conseil
constitutionnel ;
4. Considérant que, dans ces conditions, la Cour de cassation s'est prononcée,
dans les trois mois de sa saisine, sur le renvoi de la question prioritaire de
constitutionnalité posée par le requérant et relative à l'article L. 3421-1 du
code de la santé publique ; que, par suite, la demande présentée par M. E. au
Conseil constitutionnel doit, en tout état de cause, être rejetée,
D É C I D E :
Article 1er.- La demande de M. Zafer E. est rejetée.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 14 février 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy
CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de
GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Rendu public le 15 février 2012.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code rural et de la pêche maritime ;
Vu la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d'orientation agricole ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations en intervention produites pour le Centre National
Interprofessionnel de l'Économie Laitière par Maître Éric Meier, avocat au
barreau de Paris, enregistrées le 6 janvier 2012 ;
Vu les observations produites pour les requérants par la SCP Thouin-Palat et
Boucard, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 10
janvier 2012 ;
Vu les observations produites pour le Conseil Interprofessionnel du Vin de
Bordeaux par la SCP Defrenois et Levis, avocat au Conseil d'État et à la Cour de
cassation et Bredin Prat (AARPI), avocats au barreau de Paris, enregistrées le
10 et le 25 janvier 2012 ;
Vu les observations produites par le premier ministre, enregistrées le 10
janvier 2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me François Boucard et Me Frédéric Georges, pour les requérants, Me Marc Levis
et Me Hugues Calvet pour le Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux, Me
Meier pour le Centre National Interprofessionnel de l'Économie Laitière et M.
Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience
publique du 7 février 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 632-6 du code rural et de la pêche
maritime dans sa version issue de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 susvisée :
« Les organisations interprofessionnelles reconnues, mentionnées aux articles L.
632-1 et L. 632-2, sont habilitées à prélever, sur tous les membres des
professions les constituant des cotisations résultant des accords étendus selon
la procédure fixée aux articles L. 632-3 et L. 632-4 et qui, nonobstant leur
caractère obligatoire, demeurent des créances de droit privé.
« Lorsque l'assiette de la cotisation résulte d'une déclaration de l'assujetti
et que celui-ci omet d'effectuer cette déclaration, l'organisation
interprofessionnelle peut, après mise en demeure restée infructueuse au terme
d'un délai d'un mois, procéder à une évaluation d'office dans les conditions
précitées par l'accord étendu.
« Des cotisations peuvent en outre être prélevées sur les produits importés dans
des conditions définies par décret. À la demande des interprofessions
bénéficiaires, ces cotisations sont recouvrées en douane, à leurs frais.
« Ces cotisations ne sont pas exclusives de taxes parafiscales » ;
2. Considérant que, selon les requérants, les cotisations prévues par les
dispositions contestées constituent des impositions de toutes natures ; qu'en
permettant aux organisations interprofessionnelles de prélever ces cotisations
sans déterminer leur assiette, leur taux et les modalités de leur recouvrement,
ni encadrer les modalités de détermination de ces derniers, le législateur
serait resté en deçà de sa compétence ; qu'il n'aurait pas garanti l'égalité des
assujettis devant l'impôt et les charges publiques découlant de l'article 13 de
la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour
l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une
contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre
tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; qu'aux termes de l'article 34
de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant... l'assiette, le taux
et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures... - Les lois
de finances déterminent les ressources et les charges de l'État dans les
conditions et sous les réserves prévues par une loi organique...» ; que la
méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée
dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas
où est affecté un droit ou une liberté que la Constitution garantit ;
4. Considérant que les dispositions contestées ont pour objet de permettre aux
organisations interprofessionnelles agricoles reconnues de prélever, sur tous
les membres des professions les constituant, des cotisations résultant des
accords étendus selon les modalités fixées par les articles L. 632-3 et L. 632-4
du code rural et de la pêche maritime ; que ces cotisations sont perçues par des
organismes de droit privé ; qu'elles tendent au financement d'activités menées,
en faveur de leurs membres et dans le cadre défini par le législateur, par les
organisations interprofessionnelles constituées par produit ou groupe de
produits ; que ces cotisations sont acquittées par les membres de ces
organisations ; que, par suite, elles ne constituent pas des impositions de
toutes natures ; qu'ainsi, le grief tiré de la méconnaissance par le législateur
des exigences de l'article 34 de la Constitution doit être rejeté ;
5. Considérant que les dispositions contestées ne portent en elles-mêmes aucune
atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques ; qu'elles ne sont
contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
D É C I D E :
Article 1er.- L'article L. 632-6 du code rural et de la pêche maritime dans sa
rédaction issue de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d'orientation agricole est
conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 16 février 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme
Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code pénal ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2011-163 QPC du 16 septembre 2011 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 10
janvier 2012 ;
Vu les observations produites pour le requérant par Maître Joanny Moulin, avocat
au barreau de Marseille, enregistrées le 13 janvier 2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Moulin pour le requérant et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier
ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 7 février 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 227-27-2 du code pénal : « Les
infractions définies aux articles 227-25, 227-26 et 227-27 sont qualifiées
d'incestueuses lorsqu'elles sont commises au sein de la famille sur la personne
d'un mineur par un ascendant, un frère, une sœur ou par toute autre personne, y
compris s'il s'agit d'un concubin d'un membre de la famille, ayant sur la
victime une autorité de droit ou de fait » ;
2. Considérant que, selon le requérant, en ne définissant pas les liens
familiaux qui conduisent à ce que des atteintes sexuelles soient qualifiés
d'incestueuses, ces dispositions portent atteinte au principe de légalité des
délits et des peines ;
3. Considérant que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution,
ainsi que du principe de légalité des délits et des peines qui résulte de
l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789,
l'obligation de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale et de
définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis ;
4. Considérant que, comme le Conseil constitutionnel l'a jugé dans sa décision
du 16 septembre 2011 susvisée, s'il était loisible au législateur d'instituer
une qualification pénale particulière pour désigner les agissements sexuels
incestueux, il ne pouvait, sans méconnaître le principe de légalité des délits
et des peines, s'abstenir de désigner précisément les personnes qui doivent être
regardées, au sens de cette qualification, comme membres de la famille ; que,
par suite, la disposition contestée doit être déclarée contraire à la
Constitution ;
5. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la
Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement
de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du
Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le
Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les
effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ;
que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à
l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition
déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances
en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel,
les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le
pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses
effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a
produits avant l'intervention de cette déclaration ;
6. Considérant que l'abrogation de l'article 227-27-2 du code pénal prend effet
à compter de la publication de la présente décision ; qu'à compter de cette
date, aucune condamnation ne peut retenir la qualification de délit « incestueux
» prévue par cet article ; que, lorsque l'affaire a été définitivement jugée à
cette date, la mention de cette qualification ne peut plus figurer au casier
judiciaire,
D É C I D E :
Article 1er.- L'article 227-27-2 du code pénal est contraire à la Constitution.
Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à
compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées au
considérant 6.
Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 16 février 2012, où
siégeaient : Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme
Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le code pénal ;
Vu la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant, par Me Patrice Spinosi, avocat
à la Cour de cassation et au Conseil d'État, enregistrées les 16 et 31 janvier
2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 16
janvier 2012 ;
Vu les observations en intervention produites par la SCP Masse-Dessen et
Thouvenin dans l'intérêt du Syndicat des avocats de France et enregistrées le 13
janvier 2012 ;
Vu les observations en intervention produites par M. Philippe K. enregistrées le
13 janvier 2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Patrice Spinosi, pour le requérant, Me Hélène Masse-Dessen, dans l'intérêt du
Syndicat intervenant et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre,
ayant été entendus à l'audience publique du 7 février 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 706-88-2 du code de procédure pénale :
« Si la personne est gardée à vue pour une infraction mentionnée au 11° de
l'article 706-73, le juge des libertés et de la détention, saisi par le
procureur de la République à la demande de l'officier de police judiciaire, ou
le juge d'instruction lorsque la garde à vue intervient au cours d'une
instruction, peut décider que la personne sera assistée par un avocat désigné
par le bâtonnier sur une liste d'avocats habilités, établie par le bureau du
Conseil national des barreaux sur propositions des conseils de l'ordre de chaque
barreau.
« Les modalités d'application du premier alinéa sont définies par décret en
Conseil d'État » ;
2. Considérant que, selon le requérant, en permettant que le juge des libertés
et de la détention ou le juge d'instruction puisse faire désigner d'office un
avocat afin d'assister une personne placée en garde à vue pour une infraction
mentionnée au 11° de l'article 706-73 du code de procédure pénale et en
s'abstenant de définir les critères objectifs et rationnels en fonction desquels
il peut être dérogé à la liberté de choisir son avocat, ces dispositions portent
atteinte aux droits de la défense ainsi qu'au principe d'égalité devant de la
justice ;
3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la
Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une
juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux
droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut
être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de
cassation qui se prononce dans un délai déterminé » ; que la méconnaissance par
le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée dans le cadre d'une
question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où est affecté un
droit ou une liberté que la Constitution garantit
4. Considérant que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution
l'obligation de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale ; que,
s'agissant de la procédure pénale, cette exigence s'impose notamment pour éviter
une rigueur non nécessaire lors de la recherche des auteurs d'infractions
5. Considérant qu'il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre,
d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public, notamment à la
sécurité des personnes et des biens, et la recherche des auteurs d'infractions,
toutes deux nécessaires à la sauvegarde de droits et de principes de valeur
constitutionnelle, et, d'autre part, l'exercice des libertés
constitutionnellement garanties ; qu'au nombre de celles-ci figure le respect
des droits de la défense, qui découle de l'article 16 de la Déclaration des
droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
6. Considérant que les dispositions contestées permettent que la liberté de
choisir son avocat soit suspendue pendant la durée d'une garde à vue mise en
œuvre pour des crimes et délits constituant des actes de terrorisme prévus par
les articles 421-1 à 421-6 du code pénal ; que le législateur a ainsi entendu
prendre en compte la complexité et la gravité de cette catégorie de crimes et
délits ainsi que la nécessité d'entourer, en cette matière, le secret de
l'enquête de garanties particulières
7. Considérant que, si la liberté, pour la personne soupçonnée, de choisir son
avocat peut, à titre exceptionnel, être différée pendant la durée de sa garde à
vue afin de ne pas compromettre la recherche des auteurs de crimes et délits en
matière de terrorisme ou de garantir la sécurité des personnes, il incombe au
législateur de définir les conditions et les modalités selon lesquelles une
telle atteinte aux conditions d'exercice des droits de la défense peut-être mise
en œuvre ; que les dispositions contestées se bornent à prévoir, pour une
catégorie d'infractions, que le juge peut décider que la personne gardée à vue
sera assistée par un avocat désigné par le bâtonnier de l'ordre des avocats sur
une liste d'avocats habilités établie par le bureau du Conseil national des
barreaux sur propositions des conseils de l'ordre de chaque barreau ; qu'elles
n'obligent pas à motiver la décision ni ne définissent les circonstances
particulières de l'enquête ou de l'instruction et les raisons permettant
d'imposer une telle restriction aux droits de la défense ; qu'en adoptant les
dispositions contestées sans encadrer le pouvoir donné au juge de priver la
personne gardée à vue du libre choix de son avocat, le législateur a méconnu
l'étendue de sa compétence dans des conditions qui portent atteinte aux droits
de la défense ; que par suite, l'article 706-88-2 du code de procédure pénale
doit être déclaré contraire à la Constitution ;
8. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la
Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement
de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du
Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le
Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les
effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ;
que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à
l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition
déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances
en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel,
les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le
pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses
effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a
produits avant l'intervention de cette déclaration ;
9. Considérant que l'abrogation de l'article 706-88-2 du code de procédure
pénale prend effet à compter de la publication de la présente décision ; qu'elle
est applicable à toutes les gardes à vue mises en œuvre à compter de cette date,
D É C I D E :
Article 1er- L'article 706-88-2 du code de procédure pénale est contraire à la
Constitution.
Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à
compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées au
considérant 9.
Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23 11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 16 février 2012, où
siégeaient: M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme
Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Mme Marine LE PEN
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la
République au suffrage universel ;
Vu la loi organique n° 76-528 du 18 juin 1976 modifiant la loi n° 62-1292 du 6
novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage
universel, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 76-65 DC du 14
juin 1976 ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel du 24 février 1981 relative à la
détermination par tirage au sort de l'ordre de la liste des candidats à
l'élection à la présidence de la République ainsi que de la liste du nom et de
la qualité des citoyens ayant régulièrement présenté un candidat inscrit dans la
limite du nombre requis pour la validité de la candidature ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations en intervention produites par Mme Christine BOUTIN et
enregistrées les 3 et 9 février 2012 ;
Vu les observations en interventions produites par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle,
Hannotin dans l'intérêt de Madame Corinne LEPAGE et enregistrées le 8 février
2012 ;
Vu les observations produites pour la requérante par Me Louis Aliot, avocat au
barreau de Perpignan, enregistrées le 9 février 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 9 février
2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Aliot, pour la requérante, Me Antoine Beauquier, pour Mme BOUTIN, Me
Christophe Nicolaÿ, pour Mme LEPAGE et M. Serge Lasvignes, désigné par le
Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 16 février 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes du cinquième alinéa du paragraphe I de l'article 3
de la loi du 6 novembre 1962 susvisée : « Le nom et la qualité des citoyens qui
ont proposé les candidats inscrits sur la liste sont rendus publics par le
Conseil constitutionnel huit jours au moins avant le premier tour de scrutin,
dans la limite du nombre requis pour la validité de la candidature » ;
2. Considérant que, selon la requérante, en imposant de rendre publics le nom et
la qualité des citoyens qui ont proposé un candidat à l'élection présidentielle,
ces dispositions méconnaîtraient les principes d'égalité et de secret du
suffrage ; que cette publicité aurait pour effet de dissuader les personnes
habilitées de présenter certains candidats et, par suite, méconnaîtrait le
principe du pluralisme des courants d'idées et d'opinions ; qu'en outre, selon
la deuxième intervention susvisée, cette publicité porterait atteinte à
l'égalité entre personnes habilitées à présenter les candidats à l'élection
présidentielle ;
- SUR LA RECEVABILITÉ :
3. Considérant que les dispositions contestées sont issues du paragraphe II de
l'article unique de la loi organique du 18 juin 1976 susvisée ; que cette
disposition a été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le
dispositif de la décision du Conseil constitutionnel du 14 juin 1976 susvisée ;
4. Considérant toutefois que, par la révision constitutionnelle du 23 juillet
2008, le constituant a complété l'article 4 de la Constitution par un alinéa
ainsi rédigé : « La loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la
participation équitable des partis et des groupements politiques à la vie
démocratique de la Nation » ; que cette disposition constitutionnelle nouvelle,
applicable aux dispositions législatives relatives à l'élection présidentielle,
constitue un changement des circonstances de droit justifiant, en l'espèce, le
réexamen de la disposition contestée issue de la loi du 18 juin 1976 susvisée ;
- SUR LE FOND :
5. Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 3 de la
Constitution : « Le suffrage. . . Est toujours universel, égal et secret » ; que
les principes d'égalité et de secret du suffrage s'appliquent à l'élection
présidentielle ; qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 4 de la
Constitution : « La loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la
participation équitable des partis et des groupements politiques à la vie
démocratique de la Nation » ; que le principe du pluralisme des courants d'idées
et d'opinions est un fondement de la démocratie ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 : « La Loi. . . Doit être la même pour tous, soit
qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose
ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes,
ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que,
dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en
rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
7. Considérant que le cinquième alinéa du paragraphe I de l'article 3 de la loi
du 6 novembre 1962 susvisée détermine certaines des modalités selon lesquelles
le Conseil constitutionnel établit, préalablement à la tenue de l'élection
présidentielle, la liste des candidats à cette élection ; que la présentation de
candidats par les citoyens élus habilités ne saurait être assimilée à
l'expression d'un suffrage ; que, par suite, le grief tiré de ce que les
dispositions contestées méconnaîtraient, à l'égard de ces citoyens élus, les
principes d'égalité et de secret du suffrage est inopérant ;
8. Considérant que les dispositions contestées assurent une publicité des choix
de présentation des candidats à l'élection présidentielle par les citoyens élus
habilités ; qu'en instaurant une telle publicité, le législateur a entendu
favoriser la transparence de la procédure de présentation des candidats à
l'élection présidentielle ; que cette publicité ne saurait en elle-même
méconnaître le principe du pluralisme des courants d'idées et d'opinions ;
9. Considérant que la publication des présentations de candidats à l'élection
présidentielle est limitée aux cinq cents présentations requises pour être
candidat et n'inclut ni les présentations surabondantes ni les présentations
accordées à des personnes n'ayant pas obtenu le nombre requis de présentations
pour être candidat ; que, selon la décision du Conseil constitutionnel du 24
février 1981 susvisée, les présentations publiées sont choisies par tirage au
sort ; qu'en limitant à cinq cents le nombre de présentations rendues publiques,
le législateur a entendu que la liste des candidats soit établie sur le
fondement du même nombre de présentations pour chacun des candidats ; que
l'article 61-1 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un
pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du
Parlement ; que, s'il résulte des dispositions contestées une différence de
traitement entre les citoyens qui ont présenté un candidat, en ce que la
probabilité de voir leur nom et leur qualité publiés varie en fonction du nombre
de présentations dont les candidats ont fait l'objet, cette différence de
traitement est en rapport direct avec l'objectif poursuivi par le législateur
d'assurer la plus grande égalité entre les candidats inscrits sur la liste
établie par le Conseil constitutionnel ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de la
méconnaissance du principe du pluralisme des courants d'idées et d'opinions et
du principe d'égalité devant la loi doivent être rejetés ; que le cinquième
alinéa du paragraphe I de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 susvisée
n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
D É C I D E :
Article 1er.- Le cinquième alinéa du paragraphe I de l'article 3 de la loi n°
62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République
au suffrage universel est conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 février 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme
Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 30 décembre 2011
par le Conseil d'État (décision n° 353325 du 30 décembre 2011), dans les
conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question
prioritaire de constitutionnalité posée par la Coordination pour la sauvegarde
du bois de Boulogne, relative à la conformité aux droits et libertés que la
Constitution garantit de l'article 10 de la loi n° 2011-590 du 26 mai 2011
relative au prix du livre numérique.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi n° 2011-590 du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique ;
Vu la décision du Conseil d'État n° 326708 du 18 juin 2010 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour l'association requérante par Me Catherine
Musso, avocate au barreau de Paris, enregistrées les 25 janvier et 9 février
2012 ;
Vu les observations produites pour la ville de Paris par Me Dominique Foussard,
avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 25 janvier
et 8 février 2012 ;
Vu les observations produites pour la Fondation d'entreprise Louis Vuitton pour
la création par la SCP Barthelemy-Matuchansky-Vexliard, avocat au Conseil d'État
et à la Cour de cassation, enregistrées le 25 janvier 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 25
janvier 2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Jean-Marie Pouilhe, avocat au barreau de Paris, pour le requérant, Me Jean
Barthélemy pour la Fondation d'entreprise Louis Vuitton pour la création, Me
Dominique Foussard pour la ville de Paris, et M. Xavier Pottier, désigné par le
Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 14 février 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 10 de la loi n° 2011 590 du 26 mai
2011 relative au prix du livre numérique : « Sous réserve des décisions de
justice passées en force de chose jugée, sont validés, à la date de leur
délivrance, les permis de construire accordés à Paris en tant que leur légalité
a été ou serait contestée pour un motif tiré du non-respect des articles ND 6 et
ND 7 du règlement du plan d'occupation des sols remis en vigueur à la suite de
l'annulation par le Conseil d'État des articles N 6 et N 7 du règlement du plan
local d'urbanisme approuvé par délibération des 12 et 13 juin 2006 du Conseil de
Paris » ;
2. Considérant que, selon l'association requérante, cette disposition porterait
atteinte aux principes constitutionnels de la séparation des pouvoirs et du
droit à un recours juridictionnel effectif ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des
droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de
Constitution » ;
4. Considérant que, si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de
droit ou valider un acte administratif ou de droit privé, c'est à la condition
de poursuivre un but d'intérêt général suffisant et de respecter tant les
décisions de justice ayant force de chose jugée que le principe de
non-rétroactivité des peines et des sanctions ; qu'en outre, l'acte modifié ou
validé ne doit méconnaître aucune règle, ni aucun principe de valeur
constitutionnelle, sauf à ce que le but d'intérêt général visé soit lui-même de
valeur constitutionnelle ; qu'enfin, la portée de la modification ou de la
validation doit être strictement définie ;
5. Considérant que, d'une part, il ressort des travaux parlementaires qu'en
adoptant la disposition contestée, le législateur a entendu valider l'arrêté du
8 août 2007 par lequel le maire de Paris a accordé à la Fondation d'entreprise
Louis Vuitton pour la création un permis de construire pour l'édification d'un
bâtiment à usage de musée dans l'enceinte du Jardin d'acclimatation à Paris ;
qu'il a entendu assurer la réalisation sur le domaine public d'un projet destiné
à enrichir le patrimoine culturel national, à renforcer l'attractivité
touristique de la ville de Paris et à mettre en valeur le Jardin d'acclimatation
; que, dans ces conditions, la disposition contestée répond à un but d'intérêt
général suffisant ;
6. Considérant que, d'autre part, le législateur a prévu que les permis de
construire accordés à Paris ne sont validés qu' « en tant que leur légalité a
été ou serait contestée pour un motif tiré du non-respect des articles ND 6 et
ND 7 du règlement du plan d'occupation des sols remis en vigueur à la suite de
l'annulation par le Conseil d'État des articles N 6 et N 7 du règlement du plan
local d'urbanisme approuvé par délibération des 12 et 13 juin 2006 du Conseil de
Paris » ; qu'ainsi le législateur a précisément indiqué le motif d'illégalité
dont il entend purger les permis de construire ; qu'il a étroitement délimité la
zone géographique pour laquelle ils ont été ou seraient accordés ; que, dans ces
conditions, la portée de la validation est strictement définie ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la
méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration de 1789 doit être rejeté ; que
la disposition contestée n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la
Constitution garantit,
D É C I D E :
Article 1er.- L'article 10 de la loi n° 2011-590 du 26 mai 2011 relative au prix
du livre numérique est conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 23 février 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy
CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de
GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Rendu public le 24 février 2012
2 DECISIONS DU 30 MARS 2012
Décision n° 2012-225 QPC du 30 mars 2012
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 16 janvier 2012 par
le Conseil d'État (décision n° 350936 du 16 janvier 2012), dans les conditions
prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de
constitutionnalité posée par la société Unibail Rodamco, relative à la
conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L.
520-11 du code de l'urbanisme.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la société requérante par la SCP Delaporte,
Briard et Trichet, enregistrées les 7 et 22 février 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 7 février
2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me François-Henri Briard, pour la société requérante, et M. Xavier Pottier,
désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 20
mars 2012
Le rapporteur ayant été entendu
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 520-11 du code
de l'urbanisme : « Un décret en Conseil d'État déterminera les conditions
d'application du présent titre et notamment les majorations de la redevance
applicables, d'une part, en cas de retard, dans le paiement dans la limite de 1
% par mois, à compter de l'échéance fixée dans l'avis de mise en recouvrement,
d'autre part, en cas d'infraction aux dispositions du présent chapitre ou des
textes pris pour son application, dans la limite du montant de la redevance
éludée »;
2. Considérant que, selon la société requérante, en renvoyant au pouvoir
règlementaire la détermination des majorations du montant de la redevance pour
création de locaux à usage de bureaux dans la région Île-de-France lorsque cette
redevance a été éludée, le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence ;
que les dispositions contestées porteraient également atteinte aux principes de
nécessité et d'individualisation des peines garantis par l'article 8 de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ainsi qu'au principe de
la garantie des droits ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 34 de la
Constitution : « la loi fixe les règles concernant... l'assiette, le taux et les
modalités de recouvrement des impositions de toutes natures » ; qu'il s'ensuit
que, lorsqu'il définit une imposition, le législateur doit déterminer ses
modalités de recouvrement, lesquelles comprennent les règles régissant le
contrôle, le recouvrement, le contentieux, les garanties et les sanctions
applicables à cette imposition ; que la méconnaissance par le législateur de sa
propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de
constitutionnalité que dans le cas où est affecté un droit ou une liberté que la
Constitution garantit ;
4. Considérant que les dispositions contestées renvoient à un décret en Conseil
d'État le soin de déterminer les majorations applicables à la redevance pour
création de locaux à usage de bureaux dans la région Île-de-France ; que, d'une
part, s'agissant de la majoration due en cas de retard de paiement, les
dispositions contestées déterminent le mode de calcul de cette majoration et en
fixent le plafond à 1 % par mois ; que, d'autre part, ces dispositions prévoient
que le décret en Conseil d'État auquel elles renvoient fixera une majoration de
la redevance dans la limite d'un plafond lorsque « l'infraction » aux
dispositions législatives ou réglementaires aura consisté en l'absence
d'acquittement de tout ou partie de ladite redevance ; que le législateur a
ainsi défini de manière suffisamment claire et précise les sanctions qu'il a
entendu instituer pour le recouvrement de la redevance dont il s'agit ; qu'il
s'ensuit que le grief tiré de la méconnaissance par le législateur des exigences
de l'article 34 de la Constitution doit être rejeté ;
5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration
de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment
nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et
promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée » ; que les
principes énoncés à l'article 8 de la Déclaration de 1789 s'appliquent non
seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à
toute sanction ayant le caractère d'une punition ;
6. Considérant qu'en cas de retard de paiement, la majoration de la redevance
pour création de locaux à usage de bureaux dans la région Île-de-France a pour
objet la compensation du préjudice subi par l'État du fait du paiement tardif de
la redevance et ne revêt donc pas le caractère d'une punition ; qu'en revanche,
la majoration de cette même redevance en cas d'infraction aux dispositions
législatives ou réglementaires relatives à l'acquittement de la redevance, qui
tend à sanctionner les personnes ayant éludé le paiement de la redevance, a le
caractère d'une punition ;
7. Considérant que l'article L. 520-11 du code de l'urbanisme limite la
majoration de la redevance applicable en ce dernier cas à 100 % du montant de la
redevance éludée ; qu'en édictant cette majoration, dont l'assiette est définie
et le taux plafonné par le législateur, l'article L. 520-11 ne méconnaît pas en
lui-même le principe de nécessité des peines ; qu'en renvoyant au pouvoir
réglementaire le soin de fixer le taux des majorations applicables, cet article
ne dispense aucunement le pouvoir règlementaire de respecter les exigences
découlant de l'article 8 de la Déclaration de 1789 ; qu'il n'appartient pas au
Conseil constitutionnel d'apprécier la conformité de l'article R. 520-10 du code
de l'urbanisme à ces exigences ;
8. Considérant que l'article L. 520-11 du code de l'urbanisme, qui ne porte pas
atteinte à la garantie des droits, n'est contraire à aucun autre droit ou
liberté que la Constitution garantit,
D É C I D E :
Article 1er.- L'article L. 520-11 du code de l'urbanisme est conforme à la
Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 29 mars2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert
HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Décision n° 2012-227 QPC du 30 mars 2012
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 18 janvier 2012 par
la Cour de cassation (première chambre civile, arrêt n° 170 du 18 janvier 2012),
dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question
prioritaire de constitutionnalité posée par M. Omar S., relative à la conformité
aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 21-2 et 26-4 du
code civil.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code civil ;
Vu la loi n° 98-170 du 16 mars 1998 relative à la nationalité ;
Vu la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à
l'intégration ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations en intervention pour l'association « SOS ô sans papiers »,
par Me Henri Braun, avocat au barreau de Paris, et Me Nawel Gafsia, avocate au
barreau du Val-de-Marne, enregistrées les 7 février et le 9 mars 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 9 février
2012 ;
Vu les observations produites pour le requérant par Me Jean-Michel Ambrosino,
avocat au barreau d'Avignon, enregistrées le 24 février 2012 ;
Vu la lettre du 24 février 2012 par laquelle le Conseil constitutionnel a soumis
aux parties un grief susceptible d'être soulevé d'office ;
Vu les observations produites par le Premier ministre sur le grief soulevé
d'office, enregistrées le 9 mars 2012 ;
Vu les observations complémentaires produites par le Premier ministre à la
demande du Conseil constitutionnel pour les besoins de l'instruction,
enregistrées le 9 mars 2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Ambrosino, pour le requérant, Me Gafsia, pour l'association intervenante, et
M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à
l'audience publique du 20 mars 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
- SUR LA PROCÉDURE :
1. Considérant qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, saisi d'une
question prioritaire de constitutionnalité, de remettre en cause la décision par
laquelle le Conseil d'État ou la Cour de cassation a jugé, en application de
l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée, qu'une disposition
était ou non applicable au litige ou à la procédure ou constituait ou non le
fondement des poursuites ; que, par suite, le Conseil constitutionnel ne peut se
prononcer que sur les dispositions qui lui sont renvoyées dans leur rédaction
applicable au litige ;
2. Considérant qu'il ressort du dossier que l'article 21-2 du code civil est
contesté dans sa rédaction résultant de la loi du 16 mars 1998 susvisée ; que
l'article 26-4 est contesté dans sa rédaction résultant de la loi du 24 juillet
2006 susvisée ; que, par suite, les conclusions de l'association intervenante
tendant à ce que le Conseil constitutionnel examine l'article 21-2 du code civil
dans sa rédaction actuelle doivent en tout état de cause être écartées ;
- SUR LE FOND :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 21-2 du code civil, dans sa rédaction
résultant de la loi du 16 mars 1998 susvisée : « L'étranger ou apatride qui
contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai
d'un an à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration
à condition qu'à la date de cette déclaration la communauté de vie n'ait pas
cessé entre les époux depuis le mariage et que le conjoint français ait conservé
sa nationalité.
« Le délai d'un an est supprimé lorsque naît, avant ou après le mariage, un
enfant dont la filiation est établie à l'égard des deux conjoints, si les
conditions relatives à la communauté de vie et à la nationalité du conjoint
français sont satisfaites.
« La déclaration est faite dans les conditions prévues aux articles 26 et
suivants. Par dérogation aux dispositions de l'article 26-1, elle est
enregistrée par le ministre chargé des naturalisations » ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 26-4 du code civil, dans sa rédaction
résultant de la loi du 24 juillet 2006 susvisée : « À défaut de refus
d'enregistrement dans les délais légaux, copie de la déclaration est remise au
déclarant revêtue de la mention de l'enregistrement.
« Dans le délai de deux ans suivant la date à laquelle il a été effectué,
l'enregistrement peut être contesté par le ministère public si les conditions
légales ne sont pas satisfaites.
« L'enregistrement peut encore être contesté par le ministère public en cas de
mensonge ou de fraude dans le délai de deux ans à compter de leur découverte. La
cessation de la communauté de vie entre les époux dans les douze mois suivant
l'enregistrement de la déclaration prévue à l'article 21-2 constitue une
présomption de fraude » ;
5. Considérant que, selon le requérant, ces dispositions portent atteinte au
droit au respect de la vie privée ;
. En ce qui concerne le droit au respect de la vie privée :
6. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 : « Le but de toute association politique est la
conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont
la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression » ; que la
liberté proclamée par cet article implique le respect de la vie privée ;
7. Considérant que l'article 21-1 du code civil dispose : « Le mariage n'exerce
de plein droit aucun effet sur la nationalité » ; que, toutefois, l'article 21-2
permet au conjoint d'une personne de nationalité française d'acquérir la
nationalité par une déclaration qui ne peut en principe être faite moins d'un an
après le mariage et à la condition qu'à la date de cette déclaration, la
communauté de vie n'ait pas cessé entre les époux depuis le mariage et que le
conjoint français ait conservé sa nationalité ; qu'il résulte des articles 26-1
et 26-3 que la déclaration de nationalité doit être enregistrée ; que l'article
26-4 dispose que, même en l'absence de refus d'enregistrement, la déclaration
peut encore être contestée par le ministère public en cas de mensonge ou de
fraude dans le délai de deux ans à compter de leur découverte et prévoit que
constitue une présomption de fraude la cessation de la communauté de vie entre
époux dans les douze mois suivant l'enregistrement de la déclaration ;
8. Considérant, en premier lieu, que ni le respect de la vie privée ni aucune
autre exigence constitutionnelle n'impose que le conjoint d'une personne de
nationalité française puisse acquérir la nationalité française à ce titre ;
qu'en subordonnant l'acquisition de la nationalité par le conjoint d'un
ressortissant français à une durée d'une année de mariage sans cessation de la
communauté de vie, l'article 21-2 du code civil n'a pas porté atteinte au droit
au respect de la vie privée ; qu'en permettant que la déclaration aux fins
d'acquisition de la nationalité française puisse être contestée par le ministère
public si les conditions légales ne sont pas satisfaites ou en cas de mensonge
ou de fraude, les dispositions de l'article 26-4 n'ont pas davantage porté
atteinte à ce droit ;
9. Considérant, en second lieu, que la présomption instituée par l'article 26-4
en cas de cessation de la communauté de vie entre les époux dans les douze mois
suivant l'enregistrement de la déclaration est destinée à faire obstacle à
l'acquisition de la nationalité par des moyens frauduleux tout en protégeant le
mariage contre un détournement des fins de l'union matrimoniale ; que, compte
tenu des objectifs d'intérêt général qu'il s'est assignés, le législateur, en
instituant cette présomption, n'a pas opéré une conciliation qui soit
déséquilibrée entre les exigences de la sauvegarde de l'ordre public et le droit
au respect de la vie privée ;
. En ce qui concerne le respect des droits de la défense :
10. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : «
Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la
séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; qu'est garanti
par ces dispositions le principe du respect des droits de la défense qui
implique, en particulier, l'existence d'une procédure juste et équitable ;
11. Considérant, en premier lieu que la première phrase du troisième alinéa de
l'article 26-4 prévoit qu'en cas de mensonge ou de fraude, le délai dans lequel
le ministère public peut contester l'enregistrement court à compter du jour de
la découverte de ce mensonge ou de cette fraude ; que ces dispositions ne
méconnaissent pas en elles-mêmes le respect des droits de la défense ;
12. Considérant, en deuxième lieu, que la présomption de fraude instituée par la
seconde phrase du troisième alinéa de ce même article a pour seul objet de faire
présumer, lorsqu'est établie la cessation de la communauté de vie entre les
époux dans les douze mois suivant l'enregistrement de la déclaration prévue à
l'article 21-2, que cette communauté de vie avait cessé à la date de cette
déclaration ; que cette présomption simple peut être combattue par tous moyens
par le déclarant en rapportant la preuve contraire ; que, dans ces conditions,
ces dispositions ne méconnaissent pas, en elles-mêmes, le respect des droits de
la défense ;
13. Considérant, en troisième lieu, que, toutefois, l'application combinée des
dispositions de la première et de la seconde phrase du troisième alinéa de
l'article 26-4 conduirait, du seul fait que la communauté de vie a cessé dans
l'année suivant l'enregistrement de la déclaration de nationalité, à établir des
règles de preuve ayant pour effet d'imposer à une personne qui a acquis la
nationalité française en raison de son mariage d'être en mesure de prouver, sa
vie durant, qu'à la date de la déclaration aux fins d'acquisition de la
nationalité, la communauté de vie entre les époux, tant matérielle qu'affective,
n'avait pas cessé ; que l'avantage ainsi conféré sans limite de temps au
ministère public, partie demanderesse, dans l'administration de la preuve,
porterait une atteinte excessive aux droits de la défense ;
14. Considérant que, par suite, la présomption prévue par la seconde phrase du
troisième alinéa de l'article 26-4 ne saurait s'appliquer que dans les instances
engagées dans les deux années de la date de l'enregistrement de la déclaration ;
que, dans les instances engagées postérieurement, il appartient au ministère
public de rapporter la preuve du mensonge ou de la fraude invoqué ; que, sous
cette réserve, l'article 26-4 du code civil ne méconnaît pas le respect des
droits de la défense ;
15. Considérant que les articles 21-2 et 26-4 du code civil ne sont contraires à
aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
D É C I D E :
Article 1er.- L'article 21-2 du code civil, dans sa rédaction résultant de la
loi n° 98-170 du 16 mars 1998 relative à la nationalité est conforme à la
Constitution.
Article 2.- Sous la réserve énoncée au considérant 14, l'article 26-4 du code
civil, dans sa rédaction issue de la loi du 24 juillet 2006 relative à
l'immigration et à l'intégration, est conforme à la Constitution.
Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23 11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 29 mars 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, MM.
Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
3 DECISIONS DU 6 AVRIL 2012
Décision n° 2012-226 QPC du 6 avril 2012
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 16 janvier 2012 par
la Cour de cassation (troisième chambre civile, arrêt n° 165 du 16 janvier
2012), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une
question prioritaire de constitutionnalité posée par MM. Youssef et Brahim T.,
relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des
articles L. 15-1 et L. 15-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité
publique.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la société d'économie mixte d'aménagement de
la ville de Paris (SEMAVIP) par la SELARL Le Sourd Desforges, avocat au barreau
de Paris, enregistrées le 7 février 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 7 février
2012 ;
Vu les observations produites pour les requérants par Me Didier Berhault, avocat
au barreau de Paris, enregistrées le 20 février 2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Berhault, pour les requérants, Me Desforges pour la SEMAVIP et M. Xavier
Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience
publique du 20 mars 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 15-1 du code de
l'expropriation pour cause d'utilité publique : « Dans le délai d'un mois, soit
du paiement ou de la consignation de l'indemnité, soit de l'acceptation ou de la
validation de l'offre d'un local de remplacement, les détenteurs sont tenus
d'abandonner les lieux. Passé ce délai qui ne peut, en aucun cas, être modifié,
même par autorité de justice, il peut être procédé à l'expulsion des occupants »
; qu'aux termes de l'article L. 15-2 du même code : « L'expropriant peut prendre
possession, moyennant versement d'une indemnité au moins égale aux propositions
faites par lui et consignation du surplus de l'indemnité fixée par le juge » ;
2. Considérant que, selon les requérants, en permettant à l'autorité
expropriante de prendre possession des lieux en ayant versé la somme qu'elle a
elle-même proposée à titre d'indemnisation, la différence avec l'indemnité fixée
par le juge de l'expropriation devant être simplement consignée, ces
dispositions méconnaissent l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme
et du citoyen de 1789 ; qu'en avantageant, en cas d'appel, la collectivité
expropriante, elles méconnaîtraient également ses articles 6 et 16 impliquant
qu'une procédure doit être juste et équitable et garantir l'équilibre des droits
des parties ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 17 de la Déclaration de 1789 : « La
propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce
n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment,
et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'afin de se
conformer à ces exigences constitutionnelles, la loi ne peut autoriser
l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers que pour la
réalisation d'une opération dont l'utilité publique est légalement constatée ;
que la prise de possession par l'expropriant doit être subordonnée au versement
préalable d'une indemnité ; que, pour être juste, l'indemnisation doit couvrir
l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain, causé par
l'expropriation ; qu'en cas de désaccord sur la fixation du montant de
l'indemnité, l'exproprié doit disposer d'une voie de recours appropriée ;
4. Considérant que les dispositions contestées déterminent les règles de droit
commun relatives à la prise de possession à la suite d'une expropriation pour
cause d'utilité publique ; que l'article L. 15-1 du code de l'expropriation pour
cause d'utilité publique permet à l'autorité expropriante de prendre possession
des biens qui ont fait l'objet de l'expropriation dans le délai d'un mois soit
du paiement ou de la consignation de l'indemnité, soit de l'acceptation ou de la
validation de l'offre d'un local de remplacement ; qu'il résulte des
dispositions de l'article L. 15-2 du même code que, lorsque le jugement fixant
les indemnités d'expropriation est frappé d'appel, l'expropriant peut prendre
possession des biens moyennant versement d'une indemnité au moins égale aux
propositions qu'il a faites et consignation du surplus de celle fixée par le
juge ;
5. Considérant que, si le législateur peut déterminer les circonstances
particulières dans lesquelles la consignation vaut paiement au regard des
exigences de l'article 17 de la Déclaration de 1789, ces exigences doivent en
principe conduire au versement de l'indemnité au jour de la dépossession ; qu'en
cas d'appel de l'ordonnance du juge fixant l'indemnité d'expropriation, les
dispositions contestées autorisent l'expropriant à prendre possession des biens
expropriés, quelles que soient les circonstances, moyennant le versement d'une
indemnité égale aux propositions qu'il a faites et inférieure à celle fixée par
le juge de première instance et consignation du surplus ; que, par suite, les
dispositions contestées des articles L. 15-1 et L. 15-2 du code de
l'expropriation pour cause d'utilité publique méconnaissent l'exigence selon
laquelle nul ne peut être privé de sa propriété que sous la condition d'une
juste et préalable indemnité ; que, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre
grief, les dispositions des articles L. 15-1 et L. 15-2 du code de
l'expropriation pour cause d'utilité publique doivent être déclarées contraires
à la Constitution ;
6. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la
Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement
de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du
Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le
Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les
effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ;
que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à
l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition
déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances
en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel,
les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le
pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses
effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a
produits avant l'intervention de cette déclaration ;
7. Considérant que l'abrogation immédiate des articles L. 15-1 et L. 15-2 du
code de l'expropriation pour cause d'utilité publique aurait des conséquences
manifestement excessives ; que, par suite, afin de permettre au législateur de
mettre fin à cette inconstitutionnalité, il y a lieu de reporter au 1er juillet
2013 la date de cette abrogation,
D É C I D E :
Article 1er. - Les articles L. 15-1 et L. 15-2 du code de l'expropriation pour
cause d'utilité publique sont contraires à la Constitution.
Article 2. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet
le 1er juillet 2013 dans les conditions fixées au considérant 7.
Article 3. - La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 5 avril 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme
Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Décision n° 2012-228/229 QPC du 6 avril 2012
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 18 janvier 2012 par
la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêts n° 261 et 262 du 18 janvier
2012), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, de deux
questions prioritaires de constitutionnalité posées par M. Kiril Z., relatives,
respectivement, au septième alinéa de l'article 116-1 du code de procédure
pénale et au septième alinéa de l'article 64-1 du même code.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code pénal ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la
procédure pénale ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par Me Loïc Auffret, avocat au
barreau de Lyon, enregistrées les 8, 9 et 24 février 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 9 février
2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Auffret pour le requérant et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier
ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 27 mars 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'il y a lieu de joindre ces deux questions prioritaires de
constitutionnalité pour statuer par une seule décision ;
2. Considérant qu'aux termes du septième alinéa de l'article 64 1 du code de
procédure pénale : « Le présent article n'est pas applicable lorsque la personne
est gardée à vue pour un crime mentionné à l'article 706-73 du présent code ou
prévu par les titres Ier et II du livre IV du code pénal, sauf si le procureur
de la République ordonne l'enregistrement » ; qu'aux termes du septième alinéa
de l'article 116-1 du même code : « Le présent article n'est pas applicable
lorsque l'information concerne un crime mentionné à l'article 706-73 du présent
code ou prévu par les titres Ier et II du livre IV du code pénal, sauf si le
juge d'instruction décide de procéder à l'enregistrement ».
3. Considérant que, selon le requérant, en faisant exception au principe de
l'enregistrement audiovisuel des interrogatoires en matière criminelle
lorsqu'ils sont menés dans le cadre d'enquêtes ou d'instructions portant sur des
crimes relevant de la criminalité organisée ou d'atteintes aux intérêts
fondamentaux de la Nation, ces dispositions portent atteinte au principe
d'égalité et au respect des droits de la défense ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration
des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi est « la même pour tous,
soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que son article 7 dispose : « Nul
homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la
loi, et selon les formes qu'elle a prescrites... » ; que son article 9 dispose :
« Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable,
s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas
nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la
loi » ; que son article 16 dispose : « Toute société dans laquelle la garantie
des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a
point de Constitution » ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il incombe au législateur d'assurer la
conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et
la recherche des auteurs d'infractions, toutes deux nécessaires à la sauvegarde
de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre part,
l'exercice des libertés constitutionnellement garanties ;
6. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que, si le
législateur peut prévoir des mesures d'investigation spéciales en vue de
constater des crimes et délits d'une gravité et d'une complexité particulières,
d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs, c'est sous réserve
que les restrictions qu'elles apportent aux droits constitutionnellement
garantis soient nécessaires à la manifestation de la vérité, proportionnées à la
gravité et à la complexité des infractions commises et n'introduisent pas de
discriminations injustifiées ;
7. Considérant qu'en insérant dans le code de procédure pénale les articles 64-1
et 116-1 du code de procédure pénale, la loi du 5 mars 2007 susvisée a prévu
l'enregistrement de la personne gardée à vue ou mise en examen interrogée en
matière criminelle ; que, toutefois, les dispositions contestées prévoient que
les garanties instituées par ces deux articles ne sont pas applicables aux
enquêtes et aux instructions conduites pour les crimes énumérés à l'article
706-73 du même code ou ceux prévus et réprimés par les titres Ier et II du livre
IV du code pénal, à moins que le procureur de la République ou le juge
d'instruction n'ordonne l'enregistrement ; qu'il résulte des travaux
parlementaires de la loi du 5 mars 2007 qu'en limitant ainsi le nombre des
enquêtes ou des instructions soumises à l'obligation d'enregistrement de
l'interrogatoire des personnes suspectées d'avoir commis un crime, le
législateur a entendu concilier cette nouvelle règle procédurale avec les
particularités des enquêtes et des instructions conduites en matière de
criminalité organisée ou d'atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ;
8. Considérant, en premier lieu, que, d'une part, les articles 64-1 et 116-1 du
code de procédure pénale disposent que le procureur de la République ou le juge
d'instruction peut prévoir que les auditions ou les interrogatoires ne seront
pas enregistrés en raison du « nombre de personnes . . . Devant être
simultanément interrogées » ; que l'obligation d'enregistrement ne s'applique
pas en cas d'impossibilité technique mentionnée dans le procès-verbal ; que,
d'autre part, ces dispositions ne permettent la consultation des enregistrements
que sur décision du juge d'instruction ou de la juridiction de jugement, à la
demande du ministère public ou d'une des parties ; qu'en outre, la diffusion non
autorisée de ces enregistrements est pénalement réprimée ; que, par suite, les
dispositions contestées ne trouvent une justification ni dans la difficulté
d'appréhender les auteurs des infractions agissant de façon organisée ni dans
l'objectif de préservation du secret de l'enquête ou de l'instruction ;
9. Considérant, en second lieu, qu'aucune exigence constitutionnelle n'impose
l'enregistrement des auditions ou des interrogatoires des personnes suspectées
d'avoir commis un crime ; que, toutefois, en permettant de tels enregistrements,
le législateur a entendu rendre possible, par la consultation de ces derniers,
la vérification des propos retranscrits dans les procès-verbaux d'audition ou
d'interrogatoire des personnes suspectées d'avoir commis un crime ; que, par
suite, au regard de l'objectif ainsi poursuivi, la différence de traitement
instituée entre les personnes suspectées d'avoir commis l'un des crimes visés
par les dispositions contestées et celles qui sont entendues ou interrogées
alors qu'elles sont suspectées d'avoir commis d'autres crimes entraîne une
discrimination injustifiée ; que, par suite, ces dispositions méconnaissent le
principe d'égalité et doivent être déclarées contraires à la Constitution ;
10. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la
Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement
de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du
Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le
Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les
effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ;
que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à
l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition
déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances
en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel,
les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le
pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses
effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a
produits avant l'intervention de cette déclaration ;
11. Considérant que l'abrogation des septièmes alinéas des articles 64-1 et
116-1 du code de procédure pénale prend effet à compter de la publication de la
présente décision ; qu'elle est applicable aux auditions de personnes gardées à
vue et aux interrogatoires des personnes mises en examen qui sont réalisés à
compter de cette date,
D É C I D E :
Article 1er.- Les septièmes alinéas des articles 64-1 et 116-1 du code de
procédure pénale sont contraires à la Constitution.
Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à
compter de la publication de la présente décision dans les conditions prévues au
considérant 11.
Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 5 avril 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de
GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Décision n° 2012-230 QPC du 6 avril 2012
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 25 janvier 2012 par le
Conseil d'État (décision n° 353784 du 25 janvier 2012), dans les
conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question
prioritaire de constitutionnalité posée par M. Pierre G., relative à la
conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du 14° de
l'article L. 195 du code électoral.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi
organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code électoral ;
Vu la loi du 10 août 1871 relative aux conseils généraux ;
Vu la loi n° 69-419 du 10 mai 1969 modifiant certaines dispositions du
code électoral ;
Vu la loi n° 88-1262 du 30 décembre 1988 modifiant certaines dispositions
du code électoral et du code des communes relatives aux procédures de vote
et au fonctionnement des conseils municipaux ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le
Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de
constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour M. Mathieu D. par la SCP Nicolaÿ, de
Lanouvelle, Hannotin, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation,
enregistrées le 15 février 2012 ;
Vu les observations produites pour le requérant par Me Pierre-Étienne
Rosenstiehl, enregistrées les 16 février et 2 mars 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 16
février 2012 ;
Vu les observations produites par M. Jean-Marie R., enregistrées le 17
février 2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Rosenstiehl, pour le requérant et M. Xavier Pottier, désigné par le
Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 27 mars 2012
;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes du 14° de l'article L. 195 du code
électoral, ne peuvent être élus membres du conseil général : « Les
ingénieurs en chef, ingénieurs principaux, ingénieurs des travaux et
autres agents du génie rural, des eaux et forêts dans les cantons où ils
exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins de six mois » ;
2. Considérant que, selon le requérant, les dispositions contestées
portent atteinte au droit d'éligibilité dont jouit tout citoyen en vertu
des articles 3 de la Constitution et 6 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789, ainsi qu'au principe de libre
administration des collectivités territoriales garanti par le troisième
alinéa de l'article 72 de la Constitution ; qu'en n'actualisant pas les
références aux emplois ou fonctions rendant leur titulaire inéligible au
conseil général, le législateur n'aurait pas exercé pleinement la
compétence que lui reconnaît notamment l'article 34 de la Constitution ;
que les dispositions contestées méconnaîtraient en outre l'objectif de
valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi
découlant des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789 ;
3. Considérant que les dispositions contestées sont issues de la loi du 10
août 1871 relative aux conseils généraux ; qu'après leur insertion dans le
code électoral, elles ont été modifiées, notamment, par les lois susvisées
du 10 mai 1969 et du 30 décembre 1988 ; que l'article L. 195 du code
électoral a pour objet de fixer la liste des inéligibilités au conseil
général ; qu'en vertu de son 14° sont inéligibles les ingénieurs en chef,
ingénieurs principaux, ingénieurs des travaux et autres agents du génie
rural ou des eaux et forêts ; qu'une telle inéligibilité, qui s'applique
aux personnes, notamment aux agents de l'Office national des forêts,
remplissant les missions antérieurement dévolues à ces ingénieurs et
agents, est toutefois limitée aux cantons où elles exercent leurs
fonctions ou les ont exercées depuis moins de six mois ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789 la
loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle
punisse. Tous les citoyens étant égaux à ses yeux sont également
admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur
capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs
talents » ; que le législateur est compétent, en vertu de l'article 34 de
la Constitution, pour fixer les règles concernant le régime électoral des
assemblées locales et déterminer les principes fondamentaux de la libre
administration des collectivités territoriales ; que, d'une part, il ne
saurait priver un citoyen du droit d'éligibilité dont il jouit en vertu de
l'article 6 de la Déclaration de 1789 que dans la mesure nécessaire au
respect du principe d'égalité devant le suffrage et à la préservation de
la liberté de l'électeur ; que, d'autre part, la méconnaissance par le
législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une
question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où est affecté
un droit ou une liberté que la Constitution garantit ;
5. Considérant que le Conseil constitutionnel ne dispose pas d'un pouvoir
général d'appréciation de même nature que celui du Parlement ; qu'en
prévoyant que ne sont pas éligibles au conseil général les ingénieurs et
agents du génie rural et des eaux et forêts dans les cantons où ils
exercent leurs fonctions ou les ont exercées depuis moins de six mois, les
dispositions contestées ont opéré une conciliation qui n'est pas
manifestement déséquilibrée entre les exigences constitutionnelles
précitées ;
6. Considérant que la méconnaissance de l'objectif de valeur
constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi ne peut,
en elle-même, être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de
constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution ;
7. Considérant que, par les dispositions du 14° de l'article L. 195 du
code électoral, modifiées postérieurement à la Constitution du 4 octobre
1958, le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence ; que ces
dispositions ne sont contraires ni au principe de la libre administration
des collectivités territoriales ni à aucun autre droit ou liberté que la
Constitution garantit,
D É C I D E :
Article 1er.- Les dispositions du 14° de l'article L. 195 du code
électoral sont conformes à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article
23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 5 avril 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire
BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT
MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT et M. Pierre STEINMETZ.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 26 janvier 2012 par la Cour
de cassation (deuxième chambre civile, arrêt n° 295 du 26 janvier 2012)
dans les conditions prévues par l'article 61-1 de la Constitution d'une
question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Stéphane C.,
relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution
garantit de l'article 54 de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de
finances rectificative pour 2011 (n° 2012-231 QPC).
Il a également été saisi le 3 février 2012 par le Conseil d'État (décision
n° 354363-354475 du 3 février 2012) dans les mêmes conditions d'une
question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Philippe K. et la
Confédération Force Ouvrière relative à la conformité aux droits et
libertés que la Constitution garantit de cette même disposition ainsi que
de l'article 54 de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances
rectificative pour 2009 (n° 2012-234 QPC).
2 DECISIONS DU 13 AVRIL 2012
Décision n° 2012-231/234 QPC du 13 avril 2012
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code général des impôts ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009 ;
Vu la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation
devant les cours d'appel ;
Vu la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue ;
Vu la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées les 17 et 27
février 2012 ;
Vu les observations produites par M. K., enregistrées les 24 février et 10 mars
2012 ;
Vu les observations en intervention produites pour :
- la Fédération Nationale des Unions des Jeunes Avocats par Me Maria Bonon,
avocat au barreau du Mans, enregistrées les 22 février et 28 mars 2012,
- l'ordre des avocats au barreau de Strasbourg par Me Armand Marx, avocat au
barreau de Strasbourg, enregistrées les 22 février et 26 mars 2012,
- le Conseil national des barreaux par Me Didier Le Prado, avocat au Conseil
d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 22 février 2012,
- M. Jacques J. par Me Bernard Kuchukian, avocat au barreau de Marseille,
enregistrées le 23 février 2012,
- l'ordre des avocats au barreau de Dijon par la SCP Audard et Schmitt, avocat
au barreau de Dijon, enregistrées le 23 février 2012,
- l'ordre des avocats du barreau de Saint-Pierre de la Réunion par la SELARL
Gangate et associés, avocat au barreau de Saint-Pierre de la Réunion,
enregistrées le 27 février et le 27 mars 2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Jean-Baptiste Gavignet pour M. C., Me Thomas Hass, avocat au Conseil d'État
et à la Cour de cassation, pour la Confédération Force Ouvrière, Me Maria Bonon,
Me Armand Marx, Me Didier Le Prado, Me Bernard Kuchukian, Me Jean-Philippe
Schmitt, Me Thierry Gangate et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier
ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 3 avril 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu
1. Considérant qu'il y a lieu de joindre ces questions
prioritaires de constitutionnalité pour statuer par une seule décision ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 54 de la loi n° 2011 900 du 29 juillet
2011 : « I. - Le chapitre III du titre III de la deuxième partie du livre Ier du
code général des impôts est complété par une section 13 ainsi rédigée :
Section 13
Contribution pour l'aide juridique
Art. 1635 bis Q. - I. - Par dérogation aux articles 1089 A et 1089 B, une
contribution pour l'aide juridique de 35 euros est perçue par instance
introduite en matière civile, commerciale, prud'homale, sociale ou rurale devant
une juridiction judiciaire ou par instance introduite devant une juridiction
administrative.
II. - La contribution pour l'aide juridique est exigible lors de l'introduction
de l'instance. Elle est due par la partie qui introduit une instance.
III. - Toutefois, la contribution pour l'aide juridique n'est pas due :
1° Par les personnes bénéficiaires de l'aide juridictionnelle ;
2° Par l'État ;
3° Pour les procédures introduites devant la commission d'indemnisation des
victimes d'infraction, devant le juge des enfants, le juge des libertés et de la
détention et le juge des tutelles ;
4° Pour les procédures de traitement des situations de surendettement des
particuliers et les procédures de redressement et de liquidation judiciaires ;
5° Pour les recours introduits devant une juridiction administrative à
l'encontre de toute décision individuelle relative à l'entrée, au séjour et à
l'éloignement d'un étranger sur le territoire français ainsi qu'au droit d'asile
;
6° Pour la procédure mentionnée à l'article L. 521-2 du code de justice
administrative ;
7° Pour la procédure mentionnée à l'article 515-9 du code civil ;
8° Pour la procédure mentionnée à l'article L. 34 du code électoral.
IV. - Lorsqu'une même instance donne lieu à plusieurs procédures successives devant la même juridiction, la contribution n'est due qu'au titre de la première des procédures intentées.
V. - Lorsque l'instance est introduite par un auxiliaire de
justice, ce dernier acquitte pour le compte de son client la contribution par
voie électronique.
Lorsque l'instance est introduite sans auxiliaire de justice, la partie acquitte
cette contribution par voie de timbre mobile ou par voie électronique.
Les conséquences sur l'instance du défaut de paiement de la contribution pour
l'aide juridique sont fixées par voie réglementaire.
VI. - La contribution pour l'aide juridique est affectée au
Conseil national des barreaux.
VII. - Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du
présent article, notamment ses conditions d'application aux instances
introduites par les avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation. »
II. - Le I est applicable aux instances introduites à compter du 1er octobre
2011.
III. - Après l'article 64-1 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à
l'aide juridique, il est inséré un article 64-1-1 ainsi rédigé :
Art. 64-1-1.-La personne qui a bénéficié de l'intervention d'un avocat commis
d'office dans les conditions prévues à l'article 63-3-1 du code de procédure
pénale et qui n'est pas éligible à l'aide juridictionnelle est tenue de
rembourser au Trésor public les sommes exposées par l'État. Le recouvrement des
sommes dues à l'État a lieu comme en matière de créances étrangères à l'impôt et
au domaine.
Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil
d'État.
IV. - Après le premier alinéa de l'article 21-1 de la loi n°
71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires
et juridiques, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
Le Conseil national des barreaux perçoit le produit de la contribution pour
l'aide juridique instaurée par l'article 1635 bis Q du code général des impôts.
Pour répartir ce produit entre les barreaux, selon les critères définis au
troisième alinéa de l'article 27 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative
à l'aide juridique, le Conseil national des barreaux conclut une convention de
gestion avec l'Union nationale des caisses des règlements pécuniaires des
avocats, association régie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat
d'association et fédérant l'ensemble des caisses des règlements pécuniaires des
avocats auxquelles sont versés les fonds ainsi alloués aux barreaux. Cette
convention est agréée par le garde des sceaux, ministre de la justice. Le
produit de la contribution est intégralement affecté au paiement des avocats
effectuant des missions d'aide juridictionnelle, par l'intermédiaire des caisses
des règlements pécuniaires des avocats.
Le Conseil national des barreaux s'assure, sous le contrôle du garde des sceaux,
ministre de la justice, et avec le concours de l'Union nationale des caisses des
règlements pécuniaires des avocats, que les barreaux et leurs caisses des
règlements pécuniaires des avocats, dans le respect des dispositions
législatives et réglementaires qui leur sont applicables, utilisent à juste
titre les fonds qui leur sont ainsi alloués.
V. - L'article 28 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991
précitée est ainsi rédigé :
Art. 28.-La dotation due au titre de chaque année donne lieu au versement d'une
provision initiale versée en début d'année et ajustée en fonction de l'évolution
du nombre des admissions à l'aide juridictionnelle et du montant de la dotation
affectée par le Conseil national des barreaux au barreau au titre de la
répartition de la contribution prévue à l'article 1635 bis Q du code général des
impôts. Elle est liquidée en fin d'année sur la base du nombre des missions
achevées, après déduction du montant de la dotation effectivement versée en
application du même article 1635 bis Q »;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 54 de la loi n° 2009-1674 du 30
décembre 2009 de finances rectificative pour 2009 : « I. - Le chapitre III du
titre III du livre Ier de la deuxième partie du code général des impôts est
complété par une section XII ainsi rédigée :
Section XII
Droit affecté au fonds d'indemnisation de la profession d'avoués près les cours
d'appel
Art. 1635 bis P. - Il est institué un droit d'un montant de 150 euros dû par les
parties à l'instance d'appel lorsque la constitution d'avocat est obligatoire
devant la cour d'appel. Le droit est acquitté par l'avocat postulant pour le
compte de son client soit par voie de timbres mobiles, soit par voie
électronique. Il n'est pas dû par la partie bénéficiaire de l'aide
juridictionnelle.
Le produit de ce droit est affecté au fonds d'indemnisation de la profession
d'avoués près les cours d'appel à créer dans le cadre de la réforme de la
représentation devant les cours d'appel.
Les modalités de perception et les justifications de l'acquittement de ce droit
sont fixées par décret en Conseil d'État. »
II. - Le I s'applique aux appels interjetés à compter du 1er janvier 2011 à la
condition que le fonds mentionné au I ait été créé et jusqu'au 31 décembre 2018
» ;
4. Considérant que, selon les requérants et les parties intervenantes,
l'instauration d'une contribution pour l'aide juridique de 35 euros due par
instance introduite devant une juridiction non pénale et d'un droit de 150 euros
dû par les parties à l'instance d'appel lorsque la représentation est
obligatoire méconnaissent le droit à un recours juridictionnel effectif ainsi
que les droits de la défense et portent atteinte au principe d'égalité devant
l'impôt et les charges publiques ; qu'en renvoyant au décret le soin de définir
les conséquences, sur la suite de la procédure, de l'absence de paiement de ces
contributions, le législateur aurait en outre méconnu l'étendue de sa compétence
;
5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration
des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la
garantie des droits n'est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée,
n'a point de Constitution » ; qu'est garanti par ces dispositions le respect des
droits de la défense ; qu'il en résulte également qu'il ne doit pas être porté
d'atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d'exercer un
recours effectif devant une juridiction ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour
l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une
contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre
tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; qu'en particulier, pour
assurer le respect du principe d'égalité, le législateur doit fonder son
appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il
se propose ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture
caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;
7. Considérant que, d'une part, en insérant dans le code général des impôts un
article 1635 bis Q, l'article 54 de la loi du 29 juillet 2011 susvisée a
instauré une contribution pour l'aide juridique de 35 euros perçue par instance
; que le législateur a entendu établir une solidarité financière entre les
justiciables pour assurer le financement de la réforme de la garde à vue
résultant de la loi du 14 avril 2011 susvisée et, en particulier, le coût
résultant, au titre de l'aide juridique, de l'intervention de l'avocat au cours
de la garde à vue ; que cette contribution est due pour toute instance
introduite en matière civile, commerciale, prud'homale, sociale ou rurale devant
une juridiction judiciaire ou pour toute instance introduite devant une
juridiction administrative ; que le législateur a défini des exemptions en
faveur des personnes qui bénéficient de l'aide juridictionnelle ainsi que pour
certains types de contentieux pour lesquels il a estimé que la gratuité de
l'accès à la justice devait être assurée ; que le produit de cette contribution
est versé au Conseil national des barreaux pour être réparti entre les barreaux
selon les critères définis en matière d'aide juridique ;
8. Considérant que, d'autre part, en insérant dans le code général des impôts un
article 1635 bis P, l'article 54 de la loi du 30 décembre 2009 susvisée a
instauré un droit d'un montant de 150 euros dû par les parties à l'instance
d'appel lorsque la représentation par un avocat est obligatoire devant la cour
d'appel ; que le législateur a ainsi entendu assurer le financement de
l'indemnisation des avoués près les cours d'appel prévue par la loi du 25
janvier 2011 susvisée laquelle avait pour objet de simplifier et de moderniser
les règles de représentation devant ces juridictions ; que ce droit s'applique
aux appels interjetés à compter du 1er janvier 2012 ; que ne sont soumises à son
paiement que les parties à une procédure avec représentation obligatoire devant
la cour d'appel ; que ce droit n'est pas dû par les personnes qui bénéficient de
l'aide juridictionnelle ; que le produit de ce droit est affecté au fonds
d'indemnisation de la profession d'avoués ;
9. Considérant que, par les dispositions contestées, le législateur a poursuivi
des buts d'intérêt général ; que, eu égard à leur montant et aux conditions dans
lesquelles ils sont dus, la contribution pour l'aide juridique et le droit de
150 euros dû par les parties en instance d'appel n'ont pas porté une atteinte
disproportionnée au droit d'exercer un recours effectif devant une juridiction
ou aux droits de la défense ;
10. Considérant qu'en instituant la contribution pour l'aide juridique et le
droit de 150 euros dû par les parties à l'instance d'appel, le législateur a
fondé son appréciation sur des critères objectifs et rationnels ; qu'il a pris
en compte les facultés contributives des contribuables assujettis au paiement de
ces droits ; que, si le produit du droit de 150 euros est destiné à
l'indemnisation des avoués, le principe d'égalité devant l'impôt et les charges
publiques n'imposait pas que l'assujettissement au paiement de ce droit fût
réservé aux instances devant les seules cours d'appel où le monopole de la
représentation par les avoués a été supprimé par la loi du 25 janvier 2011
susvisée ; qu'aucune de ces contributions n'entraîne de rupture caractérisée de
l'égalité devant les charges publiques ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de ce que
l'article 54 de la loi du 29 juillet 2011 susvisée et l'article 54 de la loi du
30 décembre 2009 susvisée méconnaîtraient le droit à un recours juridictionnel
effectif et l'égalité devant les charges publiques doivent être écartés ;
12. Considérant, en second lieu, que la méconnaissance par le législateur de sa
propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de
constitutionnalité que dans le cas où est affecté un droit ou une liberté que la
Constitution garantit ; qu'il résulte toutefois des articles 34 et 37 de la
Constitution que les dispositions de la procédure à suivre devant les
juridictions relèvent de la compétence réglementaire dès lors qu'elles ne
concernent pas la procédure pénale et qu'elles ne mettent pas en cause les
règles ou les principes fondamentaux placés par la Constitution dans le domaine
de la loi ; que, par suite, en ne fixant pas lui-même les conséquences sur la
procédure du défaut de paiement de la contribution pour l'aide juridique ou du
droit de 150 euros dû par les parties à l'instance d'appel, le législateur n'a
pas méconnu l'étendue de sa compétence ;
13. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre
droit ou liberté que la Constitution garantit,
D É C I D E :
Article 1er.- L'article 54 de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances
rectificative pour 2011 et l'article 54 de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre
2009 de finances rectificative pour 2009 sont conformes à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 avril 2012 où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme
Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Décision n° 2012-232 QPC du 13 avril 2012
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 1er février 2012
par la Cour de cassation (chambre sociale, arrêt n° 617 du 1er février 2012),
dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question
prioritaire de constitutionnalité posée par M. Raymond S., relative à la
conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du 1° de
l'article L. 1235-14 du code du travail.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code du travail ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 23
février 2012 ;
Vu les observations produites pour le requérant par Me Jean-Pierre Cabrol,
avocat au barreau de Toulouse, enregistrées le 29 février 2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Cabrol pour le requérant et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier
ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 3 avril 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le 1°
de l'article L. 1235-14 du code du travail ; que, selon ce 1°, les dispositions
relatives à la sanction « de la nullité du licenciement, prévues à l'article L.
1235-11 » ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux
ans d'ancienneté dans l'entreprise ;
2. Considérant que, selon le requérant, en privant un salarié de moins de deux
ans d'ancienneté du bénéfice de l'application des conséquences relatives à la
nullité de la procédure de licenciement en l'absence du plan de reclassement
prévu par l'article L. 1233-61 du code du travail, parmi lesquelles figure le
droit de demander au juge judiciaire d'ordonner la poursuite du contrat de
travail ou d'ordonner la réintégration dans l'entreprise, sauf si celle-ci est
devenue impossible, cette disposition constitue une discrimination entre
salariés qui méconnaît le principe d'égalité devant la loi et porte atteinte au
droit d'obtenir un emploi ;
3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des
droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi. . . doit être la même pour
tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité
ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations
différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt
général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui
en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du cinquième alinéa du Préambule de
la Constitution de 1946 : « Chacun a le devoir de travailler et le droit
d'obtenir un emploi. Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en
raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances » ; qu'il incombe au
législateur, compétent en vertu de l'article 34 de la Constitution pour
déterminer les principes fondamentaux du droit du travail, d'assurer la mise en
œuvre du droit pour chacun d'obtenir un emploi, tout en le conciliant avec les
libertés constitutionnellement garanties ; qu'au nombre de celles-ci figure la
liberté d'entreprendre qui découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789 ;
5. Considérant que l'article L. 1235-11 prévoit que l'absence de respect des
exigences relatives au plan de reclassement des salariés en cas de procédure de
licenciement pour motif économique a pour conséquence une poursuite du contrat
de travail ou une nullité du licenciement des salariés et une réintégration de
ceux-ci à leur demande, sauf si cette réintégration est devenue impossible ; que
le 1° de l'article L. 1235-14 exclut toutefois l'application de cette
disposition pour les salariés ayant moins de deux ans d'ancienneté dans
l'entreprise ; qu'en retenant un critère d'ancienneté du salarié dans
l'entreprise, le législateur s'est fondé sur un critère objectif et rationnel en
lien direct avec l'objet de la loi ; qu'en fixant à deux ans la durée de
l'ancienneté exigée, il a opéré une conciliation entre le droit d'obtenir un
emploi et la liberté d'entreprendre qui n'est pas manifestement déséquilibrée ;
que, dès lors, il n'a méconnu ni le principe d'égalité devant la loi ni le
cinquième alinéa du Préambule de 1946 ;
6. Considérant que la disposition contestée n'est contraire à aucun autre droit
ou liberté que la Constitution garantit,
D É C I D E :
Article 1er.- Le 1° de l'article L. 1235-14 du code du travail est conforme à la
Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 avril 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme
Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
3 DECISIONS DU 20 AVRIL 2012
Décision n° 2012-235 QPC du 20 avril 2012
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 8 février
2012 par le Conseil d'État (décision n° 352667-352668 du 8 février 2012),
dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une
question prioritaire de constitutionnalité posée par l'association «
Cercle de réflexion et de proposition d'actions sur la psychiatrie »,
relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution
garantit des dispositions de l'article L. 3211-2-1 du code de la santé
publique, du paragraphe II de son article L. 3211-12, du 3° du paragraphe
I de son article L. 3211-12-1 et de son article L. 3213 8.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu les décisions du Conseil constitutionnel n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010
et n° 2011-135/140 QPC du 9 juin 2011 ;
Vu la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection
des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur
prise en charge ;
Vu les observations produites pour l'association requérante par la SELARL Mayet
et Perrault, avocat au barreau de Versailles, enregistrées le 23 février et le
12 mars 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 1er et le
16 mars 2012 ;
Vu les observations en intervention produites pour l'association « Groupe
information asiles » par Me Corinne Vaillant, avocat au barreau de Paris,
enregistrées le 28 février 2012 ;
Vu les pièces produites et jointes aux dossiers ;
Me Raphaël Mayet et Me Gaelle Soulard pour l'association requérante, Me Vaillant
pour l'association intervenante et M. Xavier Pottier désigné par le Premier
Ministre, ayant été entendus lors de l'audience publique du 10 avril 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3211-2-1 du code
de la santé publique, dans sa rédaction résultant de la loi du 5 juillet 2011
susvisée : « Une personne faisant l'objet de soins psychiatriques en application
des chapitres II et III du présent titre ou de l'article 706-135 du code de
procédure pénale est prise en charge :
1° Sous la forme d'une hospitalisation complète dans un établissement mentionné
à l'article L. 3222-1 du présent code ;
2° Sous une autre forme incluant des soins ambulatoires, pouvant comporter des
soins à domicile, dispensés par un établissement mentionné au même article L.
3222-1 et, le cas échéant, des séjours effectués dans un établissement de ce
type.
Lorsque les soins prennent la forme prévue au 2°, un programme de soins est
établi par un psychiatre de l'établissement d'accueil. Ce programme de soins ne
peut être modifié que par un psychiatre qui participe à la prise en charge du
patient, afin de tenir compte de l'évolution de son état de santé.
L'avis du patient est recueilli préalablement à la définition du programme de
soins et avant toute modification de celui-ci, à l'occasion d'un entretien avec
un psychiatre de l'établissement d'accueil au cours duquel il reçoit
l'information prévue à l'article L. 3211-3 et est avisé des dispositions de
l'article L. 3211-11.
Le programme de soins définit les types de soins, les lieux de leur réalisation
et leur périodicité, dans des conditions déterminées par décret en Conseil
d'État
2. Considérant que l'article L. 3211-12 du même code, dans la rédaction
résultant de cette même loi, dispose que le juge des libertés et de la détention
peut être saisi à tout moment aux fins d'ordonner à bref délai, la mainlevée
immédiate d'une mesure de soins psychiatriques sans le consentement du patient ;
qu'aux termes du paragraphe II de cet article : « Le juge des libertés et de la
détention ne peut statuer qu'après avoir recueilli l'avis du collège mentionné à
l'article L. 3211-9 du présent code :
1° Lorsque la personne fait l'objet d'une mesure de soins ordonnée en
application des articles L. 3213-7 du présent code ou 706-135 du code de
procédure pénale ou qu'elle fait l'objet de soins en application de l'article L.
3213-1 du présent code et qu'elle a déjà fait l'objet d'une mesure de soins
ordonnée en application des articles L. 3213-7 du présent code ou 706-135 du
code de procédure pénale ;
2° Lorsque la personne fait l'objet de soins en application de l'article L.
3213-1 du présent code et qu'elle fait ou a déjà fait l'objet, pendant une durée
fixée par décret en Conseil d'État, d'une hospitalisation dans une unité pour
malades difficiles mentionnée à l'article L. 3222-3.
Dans les cas mentionnés aux 1° et 2° du présent II, le juge ne peut en outre
décider la mainlevée de la mesure qu'après avoir recueilli deux expertises
établies par les psychiatres inscrits sur les listes mentionnées à l'article L.
3213-5-1.
Le juge fixe les délais dans lesquels l'avis du collège et les deux expertises
prévus au présent II doivent être produits, dans une limite maximale fixée par
décret en Conseil d'État. Passés ces délais, il statue immédiatement.
Le présent II n'est pas applicable lorsque les mesures de soins
mentionnées aux 1° et 2° ont pris fin depuis au moins dix ans;
3. Considérant qu'aux termes du 3° du paragraphe I de l'article L. 3211-12-1 du
même code, dans sa rédaction résultant de cette même loi, l'hospitalisation
complète d'un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de
la détention, préalablement saisi par le directeur de l'établissement lorsque
l'hospitalisation a été prononcée en application du chapitre II du titre premier
du livre II de la troisième partie du même code ou par le représentant de l'État
dans le département lorsqu'elle a été prononcée en application du chapitre III
du même titre, de son article L. 3214-3 ou de l'article 706-135 du code de
procédure pénale, n'ait statué sur cette mesure : « Avant l'expiration d'un
délai de six mois suivant soit toute décision judiciaire prononçant
l'hospitalisation en application de l'article 706-135 du code de procédure
pénale, soit toute décision prise par le juge des libertés et de la détention en
application des articles L. 3211-12 ou L. 3213 5 du présent code ou du présent
article, lorsque le patient a été maintenu en hospitalisation complète de
manière continue depuis cette décision. Toute décision du juge des libertés et
de la détention prise avant l'expiration de ce délai sur le fondement de l'un
des mêmes articles 706-135 du code de procédure pénale, L. 3211-12 ou L. 3213-5
du présent code ou du présent article fait courir à nouveau ce délai » ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3213-8 du même code, dans sa
rédaction résultant de cette même loi : « Le représentant de l'État dans le
département ne peut décider de mettre fin à une mesure de soins psychiatriques
qu'après avis du collège mentionné à l'article L. 3211 9 ainsi qu'après deux
avis concordants sur l'état mental du patient émis par deux psychiatres choisis
dans les conditions fixées à l'article L. 3213-5-1 :
1° Lorsque la personne fait ou a déjà fait l'objet d'une hospitalisation
ordonnée en application des articles L. 3213-7 du présent code ou 706-135 du
code de procédure pénale ;
2° Lorsque la personne fait ou a déjà fait l'objet, pendant une durée fixée par
décret en Conseil d'État, d'une hospitalisation dans une unité pour malades
difficiles mentionnée à l'article L. 3222-3 du présent code.
Le présent article n'est pas applicable lorsque les mesures de soins mentionnées
aux 1° et 2° ont pris fin depuis au moins dix ans.
Le représentant de l'État dans le département fixe les délais dans lesquels les
avis du collège et des deux psychiatres mentionnés au premier alinéa doivent
être produits, dans une limite maximale fixée par décret en Conseil d'État.
Passés ces délais, le représentant de l'État prend immédiatement sa décision.
Les conditions dans lesquelles les avis du collège et des deux psychiatres sont
recueillis sont déterminées par ce même décret en Conseil d'État;
5. Considérant que l'association requérante conteste, en premier lieu, le régime
des soins psychiatriques sans consentement ordonnés en dehors de
l'hospitalisation complète selon les modalités prévues par l'article L.
3211-2-1, en deuxième lieu, le délai prévu par le 3° du paragraphe I de
l'article L. 3211-12-1, pour le réexamen, par le juge des libertés et de la
détention, des mesures d'hospitalisation complète ordonnées ou prolongées par
décision judiciaire et, en troisième lieu, le régime dérogatoire, prévu par le
paragraphe II de l'article L. 3211-12 et l'article L. 3213-8, applicable à la
mainlevée des mesures de soins des personnes reconnues pénalement irresponsables
ou ayant séjourné en unité pour malades difficiles ;
- SUR LES NORMES DE CONSTITUTIONNALITÉ APPLICABLES :
6. Considérant que l'article 66 de la Constitution dispose : « Nul ne peut être
arbitrairement détenu. - L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté
individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par
la loi » ; que, dans l'exercice de sa compétence, le législateur peut fixer des
modalités d'intervention de l'autorité judiciaire différentes selon la nature et
la portée des mesures affectant la liberté individuelle qu'il entend édicter ;
7. Considérant qu'en vertu du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de
1946, la Nation garantit à tous le droit à la protection de la santé ; que
l'article 34 de la Constitution dispose que la loi fixe les règles concernant
les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés
publiques ; qu'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le
domaine de sa compétence, d'adopter des dispositions nouvelles, dont il lui
appartient d'apprécier l'opportunité, et de modifier des textes antérieurs ou
d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions,
dès lors que, dans l'exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties
légales des exigences constitutionnelles ;
8. Considérant que l'hospitalisation sans son consentement d'une personne
atteinte de troubles mentaux doit respecter le principe, résultant de l'article
66 de la Constitution, selon lequel la liberté individuelle ne saurait être
entravée par une rigueur qui ne soit nécessaire ; qu'il incombe au législateur
d'assurer la conciliation entre, d'une part, la protection de la santé des
personnes souffrant de troubles mentaux ainsi que la prévention des atteintes à
l'ordre public nécessaire à la sauvegarde de droits et principes de valeur
constitutionnelle et, d'autre part, l'exercice des libertés
constitutionnellement garanties ; qu'au nombre de celles-ci figurent la liberté
d'aller et venir et le respect de la vie privée, protégés par les articles 2 et
4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ainsi que la
liberté individuelle dont l'article 66 de la Constitution confie la protection à
l'autorité judiciaire ; que les atteintes portées à l'exercice de ces libertés
doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées aux objectifs poursuivis ;
- SUR L'ARTICLE L. 3211-2-1 :
9. Considérant que, selon l'association requérante, en permettant que des soins
psychiatriques comportant notamment des « séjours effectués dans un
établissement » puissent être imposés à une personne sans que ces soins fassent
l'objet d'un contrôle systématique par une juridiction de l'ordre judiciaire,
les dispositions de l'article L. 3211-2-1 du code de la santé publique
méconnaissent la protection constitutionnelle de la liberté individuelle ;
10. Considérant que la loi du 5 juillet 2011 susvisée a permis qu'une personne
puisse être soumise à des soins psychiatriques sans son consentement soit sous
la forme d'une « hospitalisation complète », soit « sous une autre forme
incluant des soins ambulatoires, pouvant comporter des soins à domicile,
dispensés par un établissement » psychiatrique et, le cas échéant, des séjours
effectués dans un tel établissement ; que si l'article L. 3211-12 du code de la
santé publique prévoit que le juge des libertés et de la détention peut être
saisi, à tout moment, aux fins d'ordonner, à bref délai, la mainlevée immédiate
d'une mesure de soins psychiatriques prononcée sans le consentement de la
personne qui en fait l'objet, il résulte du premier alinéa de l'article L.
3211-12-1 du même code que seules les mesures de soins psychiatriques ordonnées
sous la forme de l'hospitalisation complète ne peuvent se poursuivre sans que le
juge des libertés et de la détention se soit prononcé sur leur maintien ;
11. Considérant, en premier lieu, que, lorsqu'une personne faisant l'objet de
soins psychiatriques sans son consentement n'est pas prise en charge sous la
forme d'une hospitalisation complète, un « programme de soins » est établi par
un psychiatre de l'établissement ; que l'avis du patient est recueilli
préalablement à la définition et avant toute modification de ce programme, à
l'occasion d'un entretien au cours duquel il reçoit l'information prévue à
l'article L. 3211 3 et est avisé des dispositions de l'article L. 3211-11 ; que
le second alinéa de l'article L. 3211-11 du code de la santé publique dispose
que, lorsque le psychiatre constate que la prise en charge sous la forme
ambulatoire ne permet plus, notamment du fait du comportement de la personne, de
dispenser les soins nécessaires à son état, il « transmet immédiatement au
directeur de l'établissement d'accueil un certificat médical circonstancié
proposant une hospitalisation complète » ; que le dernier alinéa de l'article L.
3212-4 et le paragraphe III de l'article L. 3213 3 fixent les modalités selon
lesquelles une prise en charge au titre du 2° de l'article L. 3211-2-1 peut être
modifiée à cette fin ;
12. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'en permettant que des
personnes qui ne sont pas prises en charge en « hospitalisation complète »
soient soumises à une obligation de soins psychiatriques pouvant comporter, le
cas échéant, des séjours en établissement, les dispositions de l'article L.
3211-2-1 n'autorisent pas l'exécution d'une telle obligation sous la contrainte
; que ces personnes ne sauraient se voir administrer des soins de manière
coercitive ni être conduites ou maintenues de force pour accomplir les séjours
en établissement prévus par le programme de soins ; qu'aucune mesure de
contrainte à l'égard d'une personne prise en charge dans les conditions prévues
par le 2° de l'article L. 3211-2-1 ne peut être mise en œuvre sans que la prise
en charge ait été préalablement transformée en hospitalisation complète ; que,
dans ces conditions, le grief tiré de la violation de la liberté individuelle
manque en fait ;
13. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de la combinaison de l'article L.
3211-2-1 et des articles L. 3212-1 et L. 3213-1 qu'une personne atteinte de
troubles mentaux ne peut être soumise sans son consentement à des soins
dispensés par un établissement psychiatrique, même sans hospitalisation
complète, que lorsque « ses troubles mentaux rendent impossible son consentement
» à des soins alors que « son état mental impose des soins immédiats assortis
d'une surveillance médicale constante » ou lorsque ces troubles « nécessitent
des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon
grave, à l'ordre public » ; qu'en tout état de cause, le juge des libertés et de
la détention peut être saisi à tout moment, dans les conditions fixées par
l'article L. 3211-12, aux fins d'ordonner à bref délai la mainlevée immédiate
d'une telle mesure ; qu'en adoptant ces dispositions, le législateur a assuré,
entre la protection de la santé et la protection de l'ordre public, d'une part,
et la liberté personnelle, protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de
1789, d'autre part, une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée ;
14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'article L. 3211-2-1 du
code de la santé publique, qui ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la
Constitution garantit, doit être déclaré conforme à la Constitution ;
- SUR LE 3° DU PARAGRAPHE I DE L'ARTICLE L. 3211-12-1 :
15. Considérant que selon l'association requérante, en prévoyant que les mesures
d'hospitalisation complète puissent se prolonger pendant une durée maximale de
six mois sans réexamen systématique par une juridiction de l'ordre judiciaire,
le 3° du paragraphe I de l'article L. 3211 12-1 du code de la santé publique
méconnaît les exigences de l'article 66 de la Constitution ;
16. Considérant que, dans ses décisions des 26 novembre 2010 et 9 juin 2011
susvisées, le Conseil constitutionnel a jugé que le maintien de
l'hospitalisation sans consentement d'une personne atteinte de troubles mentaux
au-delà de quinze jours sans intervention d'une juridiction judiciaire
méconnaissait les exigences de l'article 66 de la Constitution ; qu'à la suite
de ces décisions, la loi du 5 juillet 2011 susvisée a, notamment, inséré dans le
code de la santé publique un article L. 3211 12 1 ; que les trois premiers
alinéas du paragraphe I de cet article prévoient que l'hospitalisation complète
d'un patient résultant d'une décision d'une autorité administrative ne peut se
poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention n'ait statué sur
cette mesure avant l'expiration d'un délai de quinze jours ;
17. Considérant que le 3° de ce même paragraphe I dispose que toute mesure
d'hospitalisation ordonnée par une juridiction en application de l'article
706-135 du code de procédure pénale ou sur laquelle le juge des libertés et de
la détention s'est déjà prononcé dans les conditions prévues par le code de la
santé publique ne peut se poursuivre sans que le juge n'ait statué sur la mesure
avant l'expiration d'un délai de six mois ; que ces dispositions imposent ainsi
un réexamen périodique, au maximum tous les six mois, des mesures de soins sans
consentement sous la forme de l'hospitalisation complète sur lesquelles une
juridiction judiciaire s'est déjà prononcée ; que les dispositions contestées ne
font pas obstacle à ce que le juge des libertés et de la détention puisse être
saisi à tout moment aux fins d'ordonner la mainlevée immédiate de la mesure ;
que, par suite, en adoptant ces dispositions, le législateur a assuré, entre les
exigences de l'article 66 de la Constitution et l'objectif de valeur
constitutionnelle de bonne administration de la justice, qui découle des
articles 12, 15 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de
1789, une conciliation qui n'est pas déséquilibrée ;
18. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le 3° du paragraphe I de
l'article L. 3211-12-1 du code de la santé publique, qui ne méconnaît aucun
autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit être déclaré conforme
à la Constitution ;
- SUR LE PARAGRAPHE II DE L'ARTICLE L. 3211-12 ET L'ARTICLE L. 3213-8 :
19. Considérant que le paragraphe II de l'article L. 3211-12 se rapporte à
l'obligation de soins ordonnée par le représentant de l'État lorsque celui-ci
est avisé par les autorités judiciaires que l'état mental d'une personne qui a
bénéficié d'un classement sans suite, d'une décision d'irresponsabilité pénale
ou d'un jugement ou arrêt d'irresponsabilité pénale nécessite des soins et
compromet la sûreté des personnes ou porte atteinte de façon grave à l'ordre
public ; que l'article L. 3213-8 n'est applicable que lorsqu'une personne fait
ou a fait l'objet, dans les mêmes conditions et pour les mêmes motifs, d'une
mesure « d'hospitalisation » ordonnée par le représentant de l'État ;
20. Considérant que le paragraphe II de l'article L. 3211-12 et l'article L.
3213-8 intéressent les personnes faisant ou ayant fait l'objet, au cours des dix
dernières années, soit d'une mesure d'admission en soins psychiatriques, sous la
forme d'une hospitalisation complète dans un établissement psychiatrique
ordonnée par une chambre d'instruction ou une juridiction de jugement prononçant
un arrêt ou un jugement de déclaration d'irresponsabilité pour cause de trouble
mental en application de l'article 706-135 du code de procédure pénale, soit
d'une hospitalisation ordonnée par le représentant de l'État lorsque ces
personnes ont, en outre, été, au cours de leur hospitalisation, admises en unité
pour malades difficiles pendant une durée fixée par décret en Conseil d'État ;
21. Considérant que l'article L. 3211-12 est relatif aux conditions dans
lesquelles le juge des libertés et de la détention peut être saisi pour ordonner
la mainlevée immédiate d'une mesure de soins psychiatriques ordonnés sans le
consentement du patient ; que son paragraphe II dispose, d'une part, que le juge
des libertés et de la détention ne peut statuer qu'après avoir recueilli l'avis
du collège de soignants prévu par l'article L. 3211-9 et, d'autre part, qu'il ne
peut décider la mainlevée de la mesure sans avoir ordonné deux expertises
supplémentaires établies par deux psychiatres ;
22. Considérant que l'article L. 3213-8 dispose, en ce qui concerne les
personnes visées par ce texte, que le représentant de l'État ne peut décider de
mettre fin à une mesure de soins psychiatriques qu'après avis du collège de
soignants mentionné à l'article L. 3211-9 ainsi qu'après deux avis concordants
sur l'état mental du patient émis par deux psychiatres ;
23. Considérant que, par ailleurs, l'article L 3213-9-1 prévoit que, lorsque le
représentant de l'État a décidé de ne pas suivre l'avis par lequel un psychiatre
de l'établissement d'accueil constate qu'une mesure de soins psychiatriques sous
la forme d'une hospitalisation complète n'est plus nécessaire et après un examen
du patient par un deuxième psychiatre confirmant cet avis, il ne peut, pour les
personnes mentionnées au III de l'article L. 3213-1, qui sont les mêmes que
celles figurant à l'article L. 3213-8, ordonner la mainlevée de cette mesure ou
la mise en place d'une mesure de soins sous une autre forme que si chacun des
avis et expertises prévues par ce dernier article constate que l'hospitalisation
complète n'est plus nécessaire ; qu'en outre, pour ces mêmes personnes, le
dernier alinéa de l'article L. 3213-4 dispense le représentant de l'État des
formalités prescrites pour le maintien d'une mesure qu'il a décidée ;
24. Considérant que, selon les requérants, en imposant des conditions plus
restrictives pour la mainlevée des mesures de soins psychiatriques applicables
aux personnes qui ont été déclarées pénalement irresponsables ou qui ont
séjourné en unité pour malades difficiles, ces dispositions institueraient une
différence de traitement qui ne serait pas fondée sur des critères objectifs et
rationnels et, par suite, porteraient atteinte au principe d'égalité devant la
loi ; que l'encadrement des conditions dans lesquelles le juge peut ordonner la
mainlevée de la mesure porterait également atteinte à l'indépendance de
l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle ;
25. Considérant qu'en raison de la spécificité de la situation des personnes
ayant commis des infractions pénales en état de trouble mental ou qui
présentent, au cours de leur hospitalisation, une particulière dangerosité, le
législateur pouvait assortir de conditions particulières la levée de la mesure
de soins sans consentement dont ces personnes font l'objet ; que, toutefois, il
lui appartient d'adopter les garanties légales contre le risque d'arbitraire
encadrant la mise en œuvre de ce régime particulier ;
26. Considérant, en premier lieu, que l'article L. 3222 3 du code de la santé
publique prévoit que les personnes soumises par le représentant de l'État à des
soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète peuvent être
prises en charge dans une unité pour malades difficiles lorsqu'elles «
présentent pour autrui un danger tel que les soins, la surveillance et les
mesures de sûreté nécessaires ne peuvent être mis en œuvre que dans une unité
spécifique » ; que ni cet article ni aucune autre disposition législative
n'encadrent les formes et ne précisent les conditions dans lesquelles une telle
décision est prise par l'autorité administrative ; que les dispositions
contestées font ainsi découler d'une hospitalisation en unité pour malades
difficiles, laquelle est imposée sans garanties légales suffisantes, des règles
plus rigoureuses que celles applicables aux autres personnes admises en
hospitalisation complète, notamment en ce qui concerne la levée de ces soins ;
que, par suite, elles méconnaissent les exigences constitutionnelles précitées ;
27. Considérant, en second lieu, que les dispositions contestées s'appliquent
lorsque le représentant de l'État a ordonné des soins conformément à l'article
L. 3213-7 du code de la santé publique ; que cet article dispose que, lorsque
les autorités judiciaires estiment que l'état mental d'une personne qui a
bénéficié, sur le fondement du premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal,
d'un classement sans suite, d'une décision d'irresponsabilité pénale ou d'un
jugement ou arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale nécessite des soins
et compromet la sûreté des personnes ou porte atteinte de façon grave à l'ordre
public, elles « avisent » immédiatement la commission départementale des soins
psychiatriques et le représentant de l'État dans le département ; que ce dernier
peut, après avoir ordonné la production d'un certificat médical sur l'état du
malade, prononcer une mesure d'admission en soins psychiatriques ;
28. Considérant que la transmission au représentant de l'État par l'autorité
judiciaire est possible quelles que soient la gravité et la nature de
l'infraction commise en état de trouble mental ; que les dispositions contestées
ne prévoient pas l'information préalable de la personne intéressée ; que, par
suite, faute de dispositions particulières relatives à la prise en compte des
infractions ou à une procédure adaptée, ces dispositions font découler de cette
décision de transmission, sans garanties légales suffisantes, des règles plus
rigoureuses que celles applicables aux autres personnes soumises à une
obligation de soins psychiatriques, notamment en ce qui concerne la levée de ces
soins ; que, pour les mêmes motifs, ces dispositions ont également méconnu les
exigences constitutionnelles précitées ;
29. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le paragraphe II de
l'article L. 3211-12 du code de la santé publique et son article L. 3213-8
doivent être déclarés contraires à la Constitution ;
- SUR LES EFFETS DE LA DÉCLARATION D'INCONSTITUTION-NALITÉ :
30. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la
Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement
de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du
Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le
Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les
effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ;
que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à
l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition
déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances
en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel,
les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le
pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses
effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a
produits avant l'intervention de cette déclaration ;
31. Considérant que l'abrogation immédiate du paragraphe II de l'article L.
3211-12 et de l'article L. 3213-8 aurait des conséquences manifestement
excessives ; que, par suite, afin de permettre au législateur de remédier à
cette inconstitutionnalité, il y a lieu de reporter au 1er octobre 2013 la date
de cette abrogation ; que les décisions prises avant cette date en application
des dispositions déclarées contraires à la Constitution ne peuvent être
contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité,
D É C I D E :
Article 1er.- L'article L. 3213-8 et le paragraphe II de l'article L. 3211-12 du
code la santé publique sont contraires à la Constitution.
Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet
le 1er octobre 2013 dans les conditions fixées au considérant 31.
Article 3.- L'article L. 3211-2-1 et le 3° du paragraphe I de l'article L.
3211-12-1 sont conformes à la Constitution.
Article 4.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 avril 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme
Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 10 février 2012 par
la Cour de cassation (troisième chambre civile, arrêt n° 308 du 10 février
2012), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une
question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Marie-Christine J.,
relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des
dispositions de l'article L. 13-17 du code de l'expropriation pour cause
d'utilité publique.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu les observations produites pour la requérante par la SCP Laydeker-Sammarcelli,
avocat à la Cour, enregistrées le 20 février et le 20 mars 2012 ;
Vu les observations produites pour la communauté urbaine de Bordeaux par la SCP
Coulombié-Gras-Crétin-Becquevort-Rosier-Soland- Gilliocq, avocat au barreau de
Bordeaux, enregistrées le 3 mars 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 5 mars
2012 ;
Vu les pièces produites et jointes aux dossiers ;
Me Xavier Laydeker pour la requérante, Me Guillaume Achou-Lepage pour la
communauté urbaine de Bordeaux et M. Xavier Pottier désigné par le Premier
Ministre, ayant été entendus lors de l'audience publique du 10 avril 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 13-17 du code de l'expropriation
pour cause d'utilité publique : « Le montant de l'indemnité principale ne peut
excéder l'estimation faite par le service des domaines ou celle résultant de
l'avis émis par la commission des opérations immobilières, si une mutation à
titre gratuit ou onéreux, antérieure de moins de cinq ans à la date de la
décision portant transfert de propriété, a donné lieu à une évaluation
administrative rendue définitive en vertu des lois fiscales ou à une déclaration
d'un montant inférieur à ladite estimation.
Lorsque les biens ont, depuis cette mutation, subi des modifications justifiées
dans leur consistance matérielle ou juridique, leur état ou leur situation
d'occupation, l'estimation qui en est faite conformément à l'alinéa précédent
doit en tenir compte.
Un décret en Conseil d'État précise les conditions d'application du présent
article, notamment lorsque l'expropriation porte soit sur une partie seulement
des biens ayant fait l'objet de la mutation définie au premier alinéa, soit sur
des biens dont une partie seulement a fait l'objet de la mutation définie au
premier alinéa, soit sur des biens dont une partie seulement a fait l'objet de
la mutation susvisée;
2. Considérant que, selon la requérante, en prévoyant que le montant de
l'indemnité principale ne peut excéder l'estimation du service des domaines
lorsque celle-ci est supérieure à une évaluation ou à une déclaration intervenue
dans le cadre d'une mutation à titre gratuit ou onéreux de moins de cinq ans,
les dispositions de l'article L. 13-17 du code de l'expropriation pour cause
d'utilité publique méconnaissent l'exigence constitutionnelle d'une juste et
préalable indemnité ; qu'en liant ainsi le pouvoir du juge de l'expropriation,
elles méconnaîtraient également les principes de séparation des pouvoirs et
d'indépendance de l'autorité judiciaire;
3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 17 de la Déclaration des
droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La propriété étant un droit
inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité
publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une
juste et préalable indemnité » ; qu'afin de se conformer à ces exigences
constitutionnelles, la loi ne peut autoriser l'expropriation d'immeubles ou de
droits réels immobiliers que pour la réalisation d'une opération dont l'utilité
publique a été légalement constatée ; que la prise de possession par
l'expropriant doit être subordonnée au versement préalable d'une indemnité ;
que, pour être juste, l'indemnisation doit couvrir l'intégralité du préjudice
direct, matériel et certain, causé par l'expropriation ; qu'en cas de désaccord
sur la fixation du montant de l'indemnité, l'exproprié doit disposer d'une voie
de recours appropriée;
4. Considérant, d'autre part, que l'article 16 de la Déclaration de 1789 et
l'article 64 de la Constitution garantissent l'indépendance des juridictions
ainsi que le caractère spécifique de leurs fonctions, sur lesquelles ne peuvent
empiéter ni le législateur, ni le Gouvernement, non plus qu'aucune autorité
administrative;
5. Considérant que les dispositions contestées prévoient des modalités de
fixation de l'indemnité principale d'expropriation ; que, selon ces
dispositions, le montant de l'indemnité principale fixée par le juge de
l'expropriation ne peut excéder l'estimation faite par l'administration
lorsqu'une mutation à titre gratuit ou onéreux a donné lieu soit à une
évaluation administrative rendue définitive en vertu des lois fiscales soit à
une déclaration d'un montant inférieur à cette estimation ; que l'estimation de
l'administration ne s'impose toutefois au juge de l'expropriation que lorsque la
mutation à titre gratuit ou onéreux est intervenue moins de cinq ans avant la
date de la décision portant transfert de propriété ; qu'en vertu de ces mêmes
dispositions, cette estimation ne lie pas le juge de l'expropriation si
l'exproprié démontre que des modifications survenues dans leur consistance
matérielle ou juridique, leur état ou leur situation d'occupation ont conféré
aux biens expropriés une plus-value;
6. Considérant qu'il résulte des dispositions contestées qu'en dehors de
l'hypothèse où l'exproprié démontre que des modifications survenues dans la
consistance matérielle ou juridique, l'état ou la situation d'occupation de ses
biens leur ont conféré une plus-value, le juge de l'expropriation est lié par
l'estimation de l'administration si elle est supérieure à la déclaration ou à
l'évaluation effectuée lors de la mutation des biens;
7. Considérant, qu'en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu
inciter les propriétaires à ne pas sous-estimer la valeur des biens qui leur
sont transmis ni à dissimuler une partie du prix d'acquisition de ces biens ;
qu'il a ainsi poursuivi un but de lutte contre la fraude fiscale qui constitue
un objectif de valeur constitutionnelle ; que, toutefois, les dispositions
contestées ne sauraient, sans porter atteinte aux exigences de l'article 17 de
la Déclaration de 1789, avoir pour effet de priver l'intéressé de faire la
preuve que l'estimation de l'administration ne prend pas correctement en compte
l'évolution du marché de l'immobilier ; que, sous cette réserve, elles ne
portent pas atteinte à l'exigence selon laquelle nul ne peut être privé de sa
propriété que sous la condition d'une juste et préalable indemnité ; qu'elles ne
portent pas davantage atteinte à l'indépendance de l'autorité judiciaire et à la
séparation des pouvoirs;
8. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre
droit ou liberté que la Constitution garantit,
D É C I D E :
Article 1er.- Sous la réserve énoncée au considérant 7, l'article L. 13-17 du
code de l'expropriation pour cause d'utilité publique est conforme à la
Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23 11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 avril 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme
Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 21 février 2012 par
la Cour de cassation (Chambre commerciale, arrêt n° 335 du 21 février 2012),
dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question
prioritaire de constitutionnalité posée par la société anonyme Paris
Saint-Germain football, relative à la conformité aux droits et libertés que la
Constitution garantit des articles 1559 et 1561 du code général des impôts.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la société requérante par la SCP Baker et Mc
Kenzie, enregistrées le 13 mars 2012 et le 29 mars 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 14 mars
2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Eric Meier, pour la société requérante, et M. Xavier Pottier, désigné par le
Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 10 avril 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 1559 du code général des impôts : «
Les spectacles, jeux et divertissements de toute nature sont soumis à un impôt
dans les formes et selon les modalités déterminées par les articles 1560 à 1566.
Toutefois, l'impôt ne s'applique plus qu'aux réunions sportives d'une part, aux
cercles et maisons de jeux, d'autre part » ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 1561 du même code : « Sont exonérés de
l'impôt prévu aux trois premières catégories du I de l'article 1560 :
3° a. Jusqu'à concurrence de 3 040 euros de recettes par manifestation, les
réunions sportives organisées par des associations sportives régies par la loi
du 1er juillet 1901 agréées par le ministre compétent ou par des sociétés
sportives visées à l'article L. 122-1 du code du sport et, jusqu'à concurrence
de 760 euros, les quatre premières manifestations annuelles organisées au profit
exclusif d'établissements publics ou d'associations légalement constituées
agissant sans but lucratif ;
b. Toutefois, l'exemption totale peut être accordée aux compétitions relevant
d'activités sportives limitativement énumérées par arrêtés des ministres des
finances et des affaires économiques, de l'intérieur et de l'éducation
nationale.
Le conseil municipal peut, par délibération adoptée dans les conditions prévues
à l'article 1639 A bis, décider que certaines catégories de compétitions,
lorsqu'elles sont organisées par des associations sportives régies par la loi du
1er juillet 1901 agréées par le ministre compétent, ou que l'ensemble des
compétitions sportives organisées sur le territoire de la commune bénéficient de
la même exonération.
c. Les organisateurs des réunions visées aux a et b doivent tenir leur
comptabilité à la disposition des agents de l'administration pendant le délai
prévu au premier alinéa du I de l'article L. 102 B du Livre des procédures
fiscales ;
4° Par délibération du conseil municipal, les sommes versées à des œuvres de
bienfaisance à la suite de manifestations organisées dans le cadre de mouvements
nationaux d'entraide ;
7° Les spectacles des première et troisième catégories pour lesquels il n'est
pas exigé de paiement supérieur à 0,15 euro au titre d'entrée, redevance ou mise
;
10° Dans les départements d'outre-mer, les spectacles organisés par les
entreprises hôtelières qui ont reçu, avant le 1er janvier 1971, l'agrément prévu
par le 2 de l'article 26 de la loi n° 66-10 du 6 janvier 1966;
3. Considérant que, selon la société requérante, en restreignant le champ
d'application de l'impôt sur les spectacles, jeux et divertissements aux
réunions sportives ainsi qu'aux cercles et maisons de jeux, et en permettant que
des compétitions sportives puissent être exonérées de l'impôt soit lorsqu'elles
correspondent à des activités sportives énumérées par arrêté soit, pour
l'ensemble ou certaines des compétitions sportives organisées sur le territoire
d'une commune, lorsque le conseil municipal décide de cette exonération par une
délibération, ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité devant
l'impôt garanti par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme
et du citoyen de 1789 ;
4. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur
l'article 1559 et sur le b du 3° de l'article 1561 du code général des impôts ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789 : « la Loi
... doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ;
que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon
différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des
raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence
de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui
l'établit ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour
l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une
contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre
tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; qu'en vertu de l'article 34
de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect
des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque
impôt, les règles selon lesquelles doivent être assujettis les contribuables ;
qu'en particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder
son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts
qu'il se propose ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de
rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;
7. Considérant qu'en vertu de l'article 72 de la Constitution, les collectivités
territoriales s'administrent librement par des conseils élus « dans les
conditions prévues par la loi » ; qu'aux termes du deuxième alinéa de son
article 72-2 : « Elles peuvent recevoir tout ou partie du produit des
impositions de toutes natures. La loi peut les autoriser à en fixer l'assiette
et le taux dans les limites qu'elle détermine » ;
8. Considérant, en premier lieu, que l'article 1559 a pour objet d'instituer un
impôt sur les spectacles, jeux et divertissements ; que sont inclus dans le
champ de cet impôt les réunions sportives, d'une part, et les cercles et maisons
de jeux, d'autre part ; que le premier alinéa du b du 3° de l'article 1561
exonère de cet impôt les compétitions relevant d'activités sportives énumérées
par arrêté interministériel ;
9. Considérant que ces deux dispositions créent des différences de traitement
respectivement entre des spectacles de nature différente et entre des
compétitions relatives à des activités sportives différentes ; qu'elles
n'introduisent pas de différence de traitement entre des personnes placées dans
la même situation ; que ni l'assiette de l'imposition ni l'exonération des
compétitions relevant de certaines activités sportives ne créent en elles-mêmes
de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;
10. Considérant, en second lieu, que le second alinéa du b du 3° de l'article
1561 permet aux communes qui le souhaitent d'exonérer de l'impôt sur les
spectacles, jeux et divertissements l'ensemble des compétitions sportives
organisées sur leur territoire ou seulement certaines catégories de compétitions
sportives organisées sur leur territoire par des associations sportives agréées
; que ces exonérations facultatives permettent aux communes qui le souhaitent de
favoriser le développement d'événements sportifs ayant lieu sur leur territoire,
le cas échéant sans être privées de toute recette provenant de l'impôt sur les
spectacles, jeux et divertissements ;
11. Considérant que cet impôt, qui a une assiette locale, est exclusivement
perçu au profit des communes ; que l'exonération facultative de l'ensemble des
compétitions sportives organisées sur le territoire d'une commune est décidée
par le conseil municipal ; que le législateur pouvait prévoir une telle
exonération facultative sans méconnaître le principe d'égalité ;
12. Considérant que l'exonération facultative de certaines compétitions
sportives doit porter sur une ou plusieurs « catégories de compétitions
sportives », définies par le conseil municipal ; qu'elle ne peut porter que sur
des compétitions sportives organisées par des associations sportives agréées ;
que la différence de traitement qui en résulte entre les différentes
compétitions sportives se déroulant sur le territoire de la même commune repose
sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts poursuivis par le
législateur ; qu'il n'en résulte pas de rupture caractérisée de l'égalité devant
les charges publiques ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la
méconnaissance du principe d'égalité devant l'impôt doit être rejeté ; que les
dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la
Constitution garantit,
D É C I D E :
Article 1er.- L'article 1559 et le b du 3° de l'article 1561 du code général des
impôts sont conformes à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 avril 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de
GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
3 DECISIONS DU 4 MAI 2012
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 29 février 2012 par
la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 1365 du 29 février 2012),
dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question
prioritaire de constitutionnalité posée par M. Gérard D., relative à la
conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article
222-33 du code pénal.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code pénal ;
Vu la loi n° 92-684 du 22 juillet 1992 portant réforme des dispositions du code
pénal relatives à la répression des crimes et délits contre les personnes ;
Vu la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression
des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs ;
Vu la loi no 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations en intervention produites pour l'Association européenne
contre les violences faites aux femmes au travail par Me Nadjette Guenatef,
avocate au barreau de Créteil, enregistrées le 19 mars et le 12 avril 2012 ;
Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Waquet-Farge-Hazan,
Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 23 mars et
le 6 avril 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 23 mars
2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Claire Waquet, Me André Soulier, Me Nadjette Guenatef et M. Xavier Potier,
ayant été entendus à l'audience publique du 17 avril 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu
1. Considérant qu'aux termes de l'article 222-33 du code
pénal « Le fait de harceler autrui dans le but d'obtenir des faveurs de nature
sexuelle est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende » ;
2. Considérant que, selon le requérant, en punissant « le fait de harceler
autrui dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle » sans définir
précisément les éléments constitutifs de ce délit, la disposition contestée
méconnaît le principe de légalité des délits et des peines ainsi que les
principes de clarté et de précision de la loi, de prévisibilité juridique et de
sécurité juridique ;
3. Considérant que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution,
ainsi que du principe de légalité des délits et des peines qui résulte de
l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789,
l'obligation de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale et de
définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis ;
4. Considérant que, dans sa rédaction résultant de la loi du 22 juillet 1992
susvisée, le harcèlement sexuel, prévu et réprimé par l'article 222-33 du
nouveau code pénal, était défini comme « Le fait de harceler autrui en usant
d'ordres, de menaces ou de contraintes, dans le but d'obtenir des faveurs de
nature sexuelle, par une personne abusant de l'autorité que lui confèrent ses
fonctions » ; que l'article 11 de la loi du 17 juin 1998 susvisée a donné une
nouvelle définition de ce délit en substituant aux mots « en usant d'ordres, de
menaces ou de contraintes », les mots : « en donnant des ordres, proférant des
menaces, imposant des contraintes ou exerçant des pressions graves » ; que
l'article 179 de la loi du 17 janvier 2002 susvisée a de nouveau modifié la
définition du délit de harcèlement sexuel en conférant à l'article 222-33 du
code pénal la rédaction contestée ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'article 222-33 du code
pénal permet que le délit de harcèlement sexuel soit punissable sans que les
éléments constitutifs de l'infraction soient suffisamment définis ; qu'ainsi,
ces dispositions méconnaissent le principe de légalité des délits et des peines
et doivent être déclarées contraires à la Constitution ;
6. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la
Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement
de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du
Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le
Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les
effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ;
que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à
l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition
déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances
en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel,
les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le
pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses
effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a
produits avant l'intervention de cette déclaration ;
7. Considérant que l'abrogation de l'article 222-33 du code pénal prend effet à
compter de la publication de la présente décision ; qu'elle est applicable à
toutes les affaires non jugées définitivement à cette date,
D É C I D E :
Article 1er.- L'article 222-33 du code pénal est contraire à la Constitution.
Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à
compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées au
considérant 7.
Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 3 mai 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme
Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ..
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 22 février 2012 par le Conseil
d'État (décision n° 352200 du 22 février 2012), dans les conditions prévues à
l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de
constitutionnalité posée par Mme Ileana A., relative à la conformité aux droits
et libertés que la Constitution garantit du IV de l'article 1754 du code général
des impôts.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour Mme Ileana A. par la SCP Celice-Blancpain-Soltner,
avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 14 et 29
mars 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées les 15 et 30
mars 2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Frédéric Blancpain, pour la requérante, et M. Xavier Pottier, désigné par le
Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 17 avril 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu
1. Considérant qu'aux termes du IV de l'article 1754 du code général des
impôts : « En cas de décès du contrevenant ou s'il s'agit d'une société, en cas
de dissolution, les amendes, majorations et intérêts dus par le défunt ou la
société dissoute constituent une charge de la succession ou de la liquidation »
;
2. Considérant que, selon la requérante, en permettant de mettre à la charge des
héritiers des pénalités fiscales faisant l'objet d'une contestation devant les
juridictions au jour du décès du contribuable fautif, ces dispositions
méconnaissent les exigences découlant des articles 8 et 9 de la Déclaration des
droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration de 1789, « la Loi
ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne
peut être puni qu'en vertu d'une Loi établie et promulguée antérieurement au
délit, et légalement appliquée » ; que, selon son article 9, tout homme est «
présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable » ; qu'il résulte de
ces articles que nul ne peut être punissable que de son propre fait ; que ce
principe s'applique non seulement aux peines prononcées par les juridictions
répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d'une punition ;
4. Considérant qu'en vertu des dispositions contestées, sont mises à la charge
de la succession ou de la liquidation « les amendes, majorations et intérêts dus
par le défunt ou la société dissoute » ; que les majorations et intérêts de
retard ayant pour seul objet de réparer le préjudice subi par l'État du fait du
paiement tardif de l'impôt ne revêtent aucun caractère punitif ; que, par suite,
le grief tiré de la méconnaissance des articles 8 et 9 de la Déclaration de 1789
est inopérant à leur égard ;
5. Considérant, en revanche, que les amendes et majorations qui tendent à
réprimer le comportement des personnes qui ont méconnu leurs obligations
fiscales doivent, quant à elles, être considérées comme des sanctions ayant le
caractère d'une punition ; que le principe selon lequel nul n'est punissable que
de son propre fait leur est donc applicable ;
6. Considérant que les dispositions contestées prévoient la transmission des
pénalités fiscales uniquement lorsqu'elles sont dues par le défunt ou la société
dissoute au jour du décès ou de la dissolution ; que, par suite, elles ne
permettent pas que des amendes et majorations venant sanctionner le comportement
du contrevenant fiscal soient prononcées directement à l'encontre des héritiers
de ce contrevenant ou de la liquidation de la société dissoute ;
7. Considérant que ces pénalités sont prononcées par l'administration à l'issue
d'une procédure administrative contradictoire à laquelle le contribuable ou la
société a été partie ; qu'elles sont exigibles dès leur prononcé ; qu'en cas de
décès du contribuable ou de dissolution de la société, les héritiers ou les
continuateurs peuvent, s'ils sont encore dans le délai pour le faire, engager
une contestation ou une transaction ou, si elle a déjà été engagée, la
poursuivre ; que cette contestation ou cette transaction ne peut avoir pour
conséquence de conduire à un alourdissement de la sanction initialement
prononcée ; que, par suite, en prévoyant que ces pénalités de nature fiscale,
entrées dans le patrimoine du contribuable ou de la société avant le décès ou la
dissolution, sont à la charge de la succession ou de la liquidation, les
dispositions contestées ne méconnaissent pas le principe selon lequel nul n'est
punissable que de son propre fait ;
8. Considérant, par ailleurs, que les dispositions contestées ne sont contraires
à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
D É C I D E :
Article 1er.- Le IV de l'article 1754 du code général des impôts est conforme à
la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 3 mai 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme
Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 6 mars 2012 par la
Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 337 du 6 mars 2012), dans les
conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question
prioritaire de constitutionnalité posée par l'EURL David Ramirez, relative à la
conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions
des articles L. 722-6 à L. 722-16 et L. 724-1 à L. 724-6 du code de commerce.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de commerce ;
Vu le code de l'organisation judiciaire ;
Vu l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au
statut de la magistrature ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la société requérante par Me François
Danglehant, avocat au barreau de Seine-Saint-Denis, enregistrées le 12 avril
2012 ;
Vu les observations produites pour la SAS EUROLOC par Me Jacques Lavergne,
avocat au barreau de Toulouse, enregistrées le 5 avril 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 28 mars
2012 ;
Vu les observations produites en intervention pour l'association « Conférence
générale des juges consulaires de France » par Me Didier Le Prado, avocat au
Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 27 mars 2012 ;
Vu les observations produites en intervention pour la SARL PHYSIK FIT, M. Michel
PINTURAULT et M. Charles SIONNEAU par Me François Danglehant, enregistrées le 27
mars et le 12 avril 2012 ;
Vu les observations produites en intervention pour M. Charles SIONNEAU, par Me
Bernard Kuchukian, avocat au barreau de Marseille, enregistrées le 10 avril 2012
;
Vu les observations produites en intervention pour la SARL PHYSIK FIT, par Me
Georges Berlioz, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 12 avril 2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Danglehant, Me Le Prado, Me Berlioz, Me Kukuchian et M. Xavier Pottier,
désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 17
avril 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 722-6 du code de
commerce : « Sous réserve des dispositions relatives aux élections
complémentaires prévues au second alinéa de l'article L. 723-11, les juges des
tribunaux de commerce sont élus pour deux ans lors de leur première élection.
Ils peuvent, à l'issue d'un premier mandat, être réélus par période de quatre
ans, dans le même tribunal ou dans tout autre tribunal de commerce, sans que
puisse être dépassé le nombre maximal de mandats prévu à l'article L. 723-7.
« Lorsque le mandat des juges des tribunaux de commerce vient à expiration avant
le commencement de la période fixée pour l'installation de leurs successeurs,
ils restent en fonctions jusqu'à cette installation, sans que cette prorogation
puisse dépasser une période de trois mois » ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 722-7 du même code : « Avant
d'entrer en fonctions, les juges des tribunaux de commerce prêtent serment.
« Le serment est le suivant : Je jure de bien et fidèlement remplir mes
fonctions, de garder religieusement le secret des délibérations et de me
conduire en tout comme un juge digne et loyal.
« Il est reçu par la cour d'appel, lorsque le tribunal de commerce est établi au
siège de la cour d'appel et, dans les autres cas, par le tribunal de grande
instance dans le ressort duquel le tribunal de commerce a son siège » ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 722-8 du même code : « La cessation
des fonctions de juge d'un tribunal de commerce résulte :
« 1° De l'expiration du mandat électoral, sous réserve des dispositions du
deuxième alinéa de l'article L. 722-6 et du troisième alinéa de l'article L.
722-11 ;
« 2° De la suppression du tribunal ;
« 3° De la démission ;
« 4° De la déchéance ».
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 722-9 du même code : « Lorsqu'une
procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires est
ouverte à l'égard d'un juge d'un tribunal de commerce, l'intéressé cesse ses
fonctions à compter de la date du jugement d'ouverture. Il est réputé
démissionnaire.
« Les mêmes dispositions s'appliquent à un juge du tribunal de commerce qui a
une des qualités mentionnées au premier alinéa de l'article L. 713-3, lorsque la
société ou l'établissement public auquel il appartient fait l'objet d'une
procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires » ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 722-10 du même code : « Lorsqu'un
tribunal de grande instance a été désigné dans les conditions prévues à
l'article L. 722-4, le mandat des juges du tribunal de commerce dessaisi n'est
pas interrompu pendant la période de dessaisissement » ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 722-11 du même code : « Le
président du tribunal de commerce est choisi parmi les juges du tribunal qui ont
exercé des fonctions dans un tribunal de commerce pendant six ans au moins, sous
réserve des dispositions de l'article L. 722-13.
« Le président est élu pour quatre ans au scrutin secret par les juges du
tribunal de commerce réunis en assemblée générale sous la présidence du
président sortant ou, à défaut, du doyen d'âge. L'élection a lieu à la majorité
absolue aux deux premiers tours de scrutin et à la majorité relative au
troisième tour. En cas d'égalité de voix au troisième tour, le candidat ayant la
plus grande ancienneté dans les fonctions judiciaires est proclamé élu ; en cas
d'égalité d'ancienneté, le plus âgé est proclamé élu.
« Le président reste en fonctions jusqu'à l'installation de son successeur sans
que cette prorogation puisse dépasser une période de trois mois » ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 722-12 du même code : « Lorsque,
pour quelque cause que ce soit, le président du tribunal de commerce cesse ses
fonctions en cours de mandat, le nouveau président est élu dans un délai de
trois mois pour la période restant à courir du mandat de son prédécesseur.
« En cas d'empêchement, le président est suppléé dans ses fonctions par le juge
qu'il a désigné. À défaut de désignation ou en cas d'empêchement du juge
désigné, le président est remplacé par le juge ayant la plus grande ancienneté
dans les fonctions judiciaires » ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 722-13 du même code : « Lorsque
aucun des candidats ne remplit la condition d'ancienneté requise pour être
président du tribunal de commerce, le premier président de la cour d'appel,
saisi par requête du procureur général, peut décider, par ordonnance, que
l'ancienneté requise n'est pas exigée » ;
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 722-14 du même code : « Sous
réserve de l'application des dispositions de l'article L. 722-15, nul ne peut
être désigné pour exercer les fonctions de juge-commissaire dans les conditions
prévues par le livre VI s'il n'a exercé pendant deux ans au moins des fonctions
judiciaires dans un tribunal de commerce.
« Le président du tribunal de commerce dresse, au début de chaque année
judiciaire, par ordonnance prise après avis de l'assemblée générale du tribunal,
la liste des juges pouvant exercer les fonctions de juge-commissaire » ;
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 722-15 du même code : « Lorsque
aucun des juges du tribunal de commerce ne remplit les conditions d'ancienneté
requises soit pour statuer en matière de sauvegarde, de redressement ou de
liquidation judiciaires, de règlement judiciaire ou de liquidation de biens,
conformément aux dispositions de l'article L. 722-2, soit pour présider une
formation de jugement dans les conditions prévues par l'article L. 722-3, soit
pour remplir les fonctions de juge-commissaire dans les conditions prévues par
l'article L. 722-14, le premier président de la cour d'appel, saisi par requête
du procureur général, peut décider, par ordonnance, que l'ancienneté requise
n'est pas exigée » ;
11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 722-16 du même code : « Le mandat
des juges élus des tribunaux de commerce est gratuit » ;
12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 724-1 du même code : « Tout
manquement d'un juge d'un tribunal de commerce à l'honneur, à la probité, à la
dignité et aux devoirs de sa charge constitue une faute disciplinaire » ;
13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 724-2 du même code : « Le pouvoir
disciplinaire est exercé par une commission nationale de discipline qui est
présidée par un président de chambre à la Cour de cassation, désigné par le
premier président de la Cour de cassation, et qui comprend :
« 1° Un membre du Conseil d'État désigné par le vice-président du Conseil d'État
;
« 2° Deux magistrats du siège des cours d'appel désignés par le premier
président de la Cour de cassation sur une liste établie par les premiers
présidents des cours d'appel, chacun d'eux arrêtant le nom d'un magistrat du
siège de sa cour d'appel après avis de l'assemblée générale des magistrats du
siège de la cour d'appel ;
« 3° Quatre juges des tribunaux de commerce élus par l'ensemble des présidents
des tribunaux de commerce ;
« Des suppléants en nombre égal sont désignés dans les mêmes conditions. Les
membres de la commission nationale de discipline sont désignés pour quatre ans»
;
14. Considérant qu'aux termes de l'article L. 724-3 du même code : « Après
audition de l'intéressé par le président du tribunal auquel il appartient, la
commission nationale de discipline peut être saisie par le garde des sceaux,
ministre de la justice.
« Elle peut prononcer soit le blâme, soit la déchéance » ;
15. Considérant qu'aux termes de l'article L. 724-4 du même code : « Sur
proposition du garde des sceaux, ministre de la justice, le président de la
commission nationale de discipline peut suspendre un juge d'un tribunal de
commerce pour une durée qui ne peut excéder six mois, lorsqu'il existe contre
l'intéressé, qui aura été préalablement entendu par le président du tribunal
auquel il appartient, des faits de nature à entraîner une sanction
disciplinaire. La suspension peut être renouvelée une fois par la commission
nationale pour une durée qui ne peut excéder six mois. Si le juge du tribunal de
commerce fait l'objet de poursuites pénales, la suspension peut être ordonnée
par le président de la commission nationale jusqu'à l'intervention de la
décision pénale définitive » ;
16. Considérant qu'aux termes de l'article L. 724-5 du même code : « La
commission nationale de discipline ne peut délibérer que si quatre de ses
membres au moins, y compris le président, sont présents. En cas de partage égal
des voix, celle du président est prépondérante » ;
17. Considérant qu'aux termes de l'article L. 724-6 du même code : « Les
décisions de la commission nationale de discipline et celles de son président
sont motivées. Elles ne sont susceptibles de recours que devant la Cour de
cassation » ;
18. Considérant que, selon les requérants, les dispositions précitées empiètent
sur le domaine réservé à la loi organique par le troisième alinéa de l'article
64 de la Constitution ; que les dispositions relatives au mandat des juges des
tribunaux de commerce méconnaîtraient en outre les principes d'impartialité et
d'indépendance de la justice et de la séparation des pouvoirs ainsi que
l'exigence de capacité qui résulte du principe d'égal accès aux emplois publics
; que les dispositions relatives à la discipline des juges des tribunaux de
commerce méconnaîtraient le principe d'égalité devant la loi ;
- SUR LE GRIEF TIRÉ DE L'ATTEINTE AU DOMAINE RÉSERVÉ PAR LA CONSTITUTION À LA
LOI ORGANIQUE :
19. Considérant que, selon les requérants, les dispositions contestées sont
relatives au statut de la magistrature qui relève de la loi organique en vertu
du troisième alinéa de l'article 64 de la Constitution ; qu'ainsi, elles
empièteraient sur le pouvoir du législateur organique ;
20. Considérant que la méconnaissance, par le législateur, du domaine que la
Constitution a réservé à la loi organique, ne peut être invoquée à l'appui d'une
question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de
la Constitution ; que, par suite, le grief doit en tout état de cause être
écarté ;
- SUR LE MANDAT DES JUGES DES TRIBUNAUX DE COMMERCE :
21. Considérant que, selon les requérants, les dispositions contestées régissant
le mandat des juges des tribunaux de commerce ne permettent pas de garantir le
respect de l'impartialité et de l'indépendance de la justice commerciale
notamment à l'égard des entreprises ; qu'en permettant le cumul du mandat de
juge du tribunal de commerce avec, notamment, les fonctions de membre d'une
chambre de commerce et de l'industrie, ces dispositions porteraient atteinte au
principe de la séparation des pouvoirs ; qu'en outre, en ne prévoyant ni une
condition de diplôme ni un contrôle préalable de l'aptitude à l'exercice des
fonctions avant l'accès à un mandat de juge du tribunal de commerce, ces
dispositions méconnaîtraient l'exigence de capacité qui résulte du principe
d'égal accès aux emplois publics ;
. En ce qui concerne les principes d'impartialité et d'indépendance des
juridictions et de la séparation des pouvoirs :
22. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des
droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de
Constitution » ; que les principes d'indépendance et d'impartialité sont
indissociables de l'exercice de fonctions juridictionnelles ;
23. Considérant que les articles L. 722-6 à L. 722-16 du code de commerce sont
relatifs au mandat des juges des tribunaux de commerce ; qu'il ressort de
l'article L. 722-6 du code de commerce que ces juges sont élus pour une durée
déterminée ; qu'en vertu de l'article L. 722-8, les fonctions des juges des
tribunaux de commerce ne peuvent cesser que du fait de l'expiration de leur
mandat, de la suppression du tribunal, la démission ou la déchéance ; que
l'article L. 722-9 prévoit la démission d'office du juge du tribunal de commerce
à l'égard duquel est ouverte une procédure de sauvegarde, de redressement ou de
liquidation judiciaires ; que les articles L. 724-2 et L. 724-3 confient à la
commission nationale de discipline, présidée par un président de chambre à la
Cour de cassation et composée d'un membre du Conseil d'État, de magistrats et de
juges des tribunaux de commerce, le pouvoir de prononcer le blâme ou la
déchéance en cas de faute disciplinaire définie par l'article L. 724-1 ;
24. Considérant que L. 722-7 prévoit qu'avant d'entrer en fonctions, les juges
des tribunaux de commerce prêtent le serment de bien et fidèlement remplir leurs
fonctions, de garder religieusement le secret des délibérations et de se
conduire en tout comme un juge digne et loyal ;
25. Considérant qu'en application du second alinéa de l'article L. 721-1, les
tribunaux de commerce sont soumis aux dispositions, communes à toutes les
juridictions, du livre premier du code de l'organisation judiciaire ; qu'aux
termes de l'article L. 111-7 de ce code : « Le juge qui suppose en sa personne
une cause de récusation ou estime en conscience devoir s'abstenir se fait
remplacer par un autre juge spécialement désigné » ; que, de même, les
dispositions de ses articles L. 111-6 et L. 111-8 fixent les cas dans lesquels
la récusation d'un juge peut être demandée et permettent le renvoi à une autre
juridiction notamment pour cause de suspicion légitime ou s'il existe des causes
de récusation contre plusieurs juges ;
26. Considérant que l'article L. 662-2 du code de commerce prévoit que, lorsque
les intérêts en présence le justifient, la cour d'appel compétente peut décider
de renvoyer une affaire devant une autre juridiction de même nature, compétente
dans le ressort de la cour, pour connaître du mandat ad hoc, de la procédure de
conciliation ou des procédures de sauvegarde, de redressement ou de liquidation
judiciaires ;
27. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions relatives
au mandat des juges des tribunaux de commerce instituent les garanties prohibant
qu'un juge d'un tribunal de commerce participe à l'examen d'une affaire dans
laquelle il a un intérêt, même indirect ; que l'ensemble de ces dispositions ne
portent atteinte ni aux principes d'impartialité et d'indépendance des
juridictions ni à la séparation des pouvoirs ;
. En ce qui concerne le principe d'égal accès aux emplois publics :
28. Considérant que, selon l'article 6 de la Déclaration de 1789 : « La loi. . .
doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous
les citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes
dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre
distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents » ;
29. Considérant que les tribunaux de commerce sont les juridictions civiles de
premier degré compétentes pour connaître des contestations relatives aux
engagements entre commerçants, entre établissements de crédit ou entre
commerçants et établissements de crédit, ainsi que de celles relatives soit aux
sociétés commerciales, soit aux actes de commerce ; qu'en vertu de l'article L.
723-1 du code de commerce, les juges des tribunaux de commerce sont élus par un
collège composé, d'une part, des délégués consulaires élus dans le ressort de la
juridiction et, d'autre part, des juges du tribunal de commerce ainsi que des
anciens juges du tribunal qui ont demandé à être inscrits sur la liste
électorale ;
30. Considérant, d'une part, que l'article L. 723-4 fixe les conditions
d'éligibilité aux fonctions de juge d'un tribunal de commerce ; qu'il prévoit en
particulier que sont éligibles à ces fonctions les personnes de nationalité
française, âgées de trente ans au moins, qui justifient soit d'une
immatriculation pendant les cinq dernières années au moins au registre du
commerce et des sociétés, soit de l'exercice, pendant une durée totale cumulée
de cinq ans, de fonctions impliquant des responsabilités de direction dans une
société à caractère commercial ou un établissement public à caractère industriel
et commercial ; que ne sont pas éligibles les personnes à l'égard desquelles une
procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires a été
ouverte ou qui appartiennent à une société ou à un établissement public ayant
fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, redressement ou liquidation
judiciaires ;
31. Considérant, d'autre part, que l'article L. 722-11 dispose que le président
du tribunal de commerce est choisi parmi les juges du tribunal qui ont exercé
des fonctions dans un tribunal de commerce pendant six ans au moins ; que
l'article L. 722-14 prévoit qu'en principe, nul ne peut être désigné pour
exercer les fonctions de juge-commissaire dans les conditions prévues par le
livre VI du code de commerce s'il n'a exercé pendant deux ans au moins des
fonctions judiciaires dans un tribunal de commerce ;
32. Considérant qu'il est loisible au législateur de modifier les dispositions
relatives aux conditions d'accès au mandat de juges des tribunaux de commerce
afin de renforcer les exigences de capacités nécessaires à l'exercice de ces
fonctions juridictionnelles ; que, toutefois, eu égard à la compétence
particulière des tribunaux de commerce, spécialisés en matière commerciale, les
dispositions contestées, qui, d'une part, prévoient que les juges des tribunaux
de commerce sont élus par leurs pairs parmi des personnes disposant d'une
expérience professionnelle dans le domaine économique et commercial et, d'autre
part, réservent les fonctions les plus importantes de ces tribunaux aux juges
disposant d'une expérience juridictionnelle, n'ont pas méconnu les exigences de
capacité qui découlent de l'article 6 de la Déclaration de 1789 ;
- SUR LA DISCIPLINE DES JUGES DES TRIBUNAUX DE COMMERCE :
33. Considérant que, selon les requérants, en interdisant à un justiciable de
saisir directement l'organe disciplinaire d'une plainte contre un juge du
tribunal de commerce, alors que la saisine du Conseil supérieur de la
magistrature leur est ouverte à l'égard des magistrats judiciaires, les
dispositions de l'article L. 724-3 portent atteinte au principe d'égalité ;
34. Considérant qu'en vertu de l'article 6 de la Déclaration de 1789, le
principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon
différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des
raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence
de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui
l'établit ;
35. Considérant que le premier alinéa de l'article L. 724-3 réserve au ministre
de la justice le pouvoir de saisir la commission nationale de discipline des
juges des tribunaux de commerce ; que, si le dixième alinéa de l'article 65 de
la Constitution prévoit que le Conseil supérieur de la magistrature peut être
saisi par un justiciable dans les conditions fixées par une loi organique, les
juges des tribunaux de commerce, qui exercent une fonction publique élective, ne
sont pas soumis au statut des magistrats et ne sont pas placés dans une
situation identique à celle des magistrats ; que, par suite, le grief tiré de ce
que le régime de l'action disciplinaire applicable aux juges des tribunaux de
commerce ne serait pas identique à celui applicable aux magistrats doit être
écarté ;
36. Considérant que les articles L. 722-6 à L. 722-16 et L. 724-1 à L. 724-6 du
code de commerce ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la
Constitution garantit ; qu'ils doivent être déclarés conformes à la Constitution
;
D É C I D E :
Article 1er.- Les articles L. 722-6 à L. 722-16 et L. 724-1 à L. 724-6 du code
de commerce sont conformes à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 3 mai 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de
GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 28 mars 2012 par le Conseil d'État (décision n° 353535 du 28 mars 2012), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la SELARL Le Discorde Deleau, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 54 de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code général des impôts ;
Vu la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2012-234 du 13 avril 2012 déclarant
conforme à la Constitution l'article 54 de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre
2009 de finances rectificative pour 2009 ;
Vu la notification par le greffe du Conseil constitutionnel, le 13 avril 2012,
de cette décision au requérant, l'informant de ce qu'à la suite de cette
décision, le Conseil constitutionnel envisageait de statuer sans appeler cette
affaire à une audience publique ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 19 avril
2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que, par sa décision susvisée du 13 avril 2012, le Conseil
constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution l'article 54 de la loi n°
2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009 ; que, par
suite, il n'y a pas lieu d'examiner la question prioritaire de
constitutionnalité portant sur ces dispositions,
D É C I D E :
Article 1er.- Il n'y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de statuer sur
la question prioritaire de constitutionnalité renvoyée par le Conseil d'État.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 3 mai 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de
GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Rendu public le 4 mai 2012.
2 DECISIONS DU 14 MAI 2012
Décision n° 2012-242 QPC du 14 mai 2012
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 7 mars 2012 par la
Cour de cassation (chambre sociale, arrêt n° 906 du 7 mars 2012), dans les
conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question
prioritaire de constitutionnalité posée par l'association « Temps de vie »,
relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des
articles L. 2411-1, L. 2411-3 et L. 2411-18 du code du travail.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code pénal ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour l'association requérante par la SCP Meurice,
avocat au barreau de Lille, enregistrées les 26 mars et 3 avril 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 29 mars
2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Meurice pour la requérante, Me Hélène Masse-Dessen, avocat au Conseil d'État
et à la Cour de cassation pour Mme Mireille L., défenderesse à la présente
procédure, et M. Xavier Pottier désigné par le Premier ministre, ayant été
entendus à l'audience publique du 26 avril 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2411-1 du code
du travail : « Bénéficie de la protection contre le licenciement prévue par le
présent chapitre, y compris lors d'une procédure de sauvegarde, de redressement
ou de liquidation judiciaire, le salarié investi de l'un des mandats suivants :
1° Délégué syndical ;
2° Délégué du personnel ;
3° Membre élu du comité d'entreprise ;
4° Représentant syndical au comité d'entreprise ;
5° Membre du groupe spécial de négociation et membre du comité d'entreprise
européen ;
6° Membre du groupe spécial de négociation et représentant au comité de la
société européenne ;
6° bis Membre du groupe spécial de négociation et représentant au comité de la
société coopérative européenne ;
6° ter Membre du groupe spécial de négociation et représentant au comité de la
société issue de la fusion transfrontalière ;
7° Représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions
de travail ;
8° Représentant du personnel d'une entreprise extérieure, désigné au comité
d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail d'un établissement
comprenant au moins une installation classée figurant sur la liste prévue au IV
de l'article L. 515-8 du code de l'environnement ou mentionnée à l'article L.
211-2 du code minier ;
9° Membre d'une commission paritaire d'hygiène, de sécurité et des conditions de
travail en agriculture prévue à l'article L. 717-7 du code rural et de la pêche
maritime ;
10° Salarié mandaté, dans les conditions prévues à l'article L. 2232-24, dans
les entreprises dépourvues de délégué syndical ;
11° Représentant des salariés mentionné à l'article L. 662-4 du code de commerce
lors d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire ;
12° Représentant des salariés au conseil d'administration ou de surveillance des
entreprises du secteur public ;
13° Membre du conseil ou administrateur d'une caisse de sécurité sociale
mentionné à l'article L. 231-11 du code de la sécurité sociale ;
14° Membre du conseil d'administration d'une mutuelle, union ou fédération
mentionné à l'article L. 114-24 du code de la mutualité ;
15° Représentant des salariés dans une chambre d'agriculture, mentionné à
l'article L. 515-1 du code rural et de la pêche maritime ;
16° Conseiller du salarié inscrit sur une liste dressée par l'autorité
administrative et chargé d'assister les salariés convoqués par leur employeur en
vue d'un licenciement ;
17° Conseiller prud'homme ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2411-3 du code du travail : « Le
licenciement d'un délégué syndical ne peut intervenir qu'après autorisation de
l'inspecteur du travail.
Cette autorisation est également requise pour le licenciement de l'ancien
délégué syndical, durant les douze mois suivant la date de cessation de ses
fonctions, s'il a exercé ces dernières pendant au moins un an.
Elle est également requise lorsque la lettre du syndicat notifiant à l'employeur
la désignation du délégué syndical a été reçue par l'employeur ou lorsque le
salarié a fait la preuve que l'employeur a eu connaissance de l'imminence de sa
désignation comme délégué syndical, avant que le salarié ait été convoqué à
l'entretien préalable au licenciement ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2411-18 du code du travail : «
Conformément à l'article L. 231-11 du code de la sécurité sociale, la procédure
d'autorisation de licenciement et les périodes et durées de protection du
salarié membre du conseil ou administrateur d'une caisse de sécurité sociale
sont celles applicables au délégué syndical, prévues par l'article L. 2411-3 » ;
4. Considérant que, selon l'association requérante, en conférant aux salariés
exerçant un mandat de membre du conseil ou d'administrateur d'une caisse de
sécurité sociale une protection contre le licenciement sans que ces salariés
soient tenus d'en informer leur employeur, ces dispositions portent aux droits
des employeurs une atteinte qui méconnaît tant la liberté que le principe
d'égalité devant la loi ;
5. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le
13° de l'article L. 2411-1 du code du travail, ainsi que sur ses articles L.
2411-3 et L. 2411-18;
6. Considérant qu'il est loisible au législateur d'apporter à la liberté
d'entreprendre et à la liberté contractuelle, qui découlent de l'article 4 de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, des limitations liées à
des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la
condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de
l'objectif poursuivi ;
7. Considérant que les dispositions contestées prévoient que les salariés
exerçant un mandat de membre du conseil ou d'administrateur d'une caisse de
sécurité sociale ne peuvent être licenciés qu'après autorisation de l'inspecteur
du travail ; qu'en accordant une telle protection à ces salariés, le législateur
a entendu préserver leur indépendance dans l'exercice de leur mandat ; qu'il a
ainsi poursuivi un but d'intérêt général ; qu'en subordonnant la validité du
licenciement de ces salariés à l'autorisation de l'inspecteur du travail, les
dispositions contestées n'ont porté une atteinte disproportionnée ni à la
liberté d'entreprendre ni à la liberté contractuelle ;
8. Considérant que, si les dispositions du titre III du livre IV de la deuxième
partie du code du travail prévoient des incriminations réprimant de peines
délictuelles le fait de licencier un salarié protégé en méconnaissance des
dispositions relatives à la procédure d'autorisation administrative du
licenciement, ces dispositions n'ont pas pour effet de déroger au principe,
prévu par l'article 121-3 du code pénal, selon lequel il n'y a pas de délit sans
intention de le commettre ; que, par suite, les dispositions contestées
n'exposent pas l'employeur à des sanctions pénales réprimant la méconnaissance
d'obligations auxquelles il pourrait ignorer être soumis ;
9. Considérant qu'en outre, le licenciement d'un salarié protégé en
méconnaissance des dispositions relatives à la procédure d'autorisation
administrative est nul de plein droit ; qu'un tel licenciement expose
l'employeur à l'obligation de devoir réintégrer le salarié et à lui verser des
indemnités en réparation du préjudice subi du fait de son licenciement
irrégulier ;
10. Considérant que la protection assurée au salarié par les dispositions
contestées découle de l'exercice d'un mandat extérieur à l'entreprise ; que, par
suite, ces dispositions ne sauraient, sans porter une atteinte disproportionnée
à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle, permettre au salarié
protégé de se prévaloir d'une telle protection dès lors qu'il est établi qu'il
n'en a pas informé son employeur au plus tard lors de l'entretien préalable au
licenciement ; que, sous cette réserve, le 13° de l'article L. 2411-1 du code du
travail et les articles L. 2411-3 et L. 2411-18 du même code ne sont pas
contraires à la liberté d'entreprendre ;
11. Considérant qu'enfin, les dispositions contestées, qui ne soumettent pas à
des règles différentes des personnes placées dans une situation identique, ne
méconnaissent pas le principe d'égalité devant la loi ;
12. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre
droit ou liberté que la Constitution garantit ; qu'elles doivent être déclarées
conformes à la Constitution sous la réserve énoncée au considérant 10,
D É C I D E :
Article 1er.- Le 13° de l'article L. 2411-1 du code du travail, ainsi que les
articles L. 2411-3 et L. 2411-18 du même code sont conformes à la Constitution
sous la réserve énoncée au considérant 10.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 11 mai 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme
Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Décision n° 2012-243/244/245/246 QPC du 14 mai 2012
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 9 mars 2012 par la
Cour de cassation (chambre sociale, arrêts nos 959, 960 et 961 du 9 mars 2012),
dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, de trois
questions prioritaires de constitutionnalité posées par la société Yonne
Républicaine, relatives à la conformité aux droits et libertés que la
Constitution garantit des articles L. 7112-3 et L. 7112-4 du code du travail.
Il a également été saisi le même jour par la Cour de cassation (chambre sociale,
arrêt n° 962 du 9 mars 2012), dans les mêmes conditions, d'une question
prioritaire de constitutionnalité posée par la société Marie-Claire Album,
relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de
l'article L. 7112-4 du code du travail.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi du 29 mars 1935 relative au statut professionnel des journalistes ;
Vu le code du travail ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations en intervention produites pour le Syndicat national des
journalistes et pour le Syndicat national des journalistes - CGT par la SCP
Lyon-Caen et Thiriez, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, ainsi
que pour Mme Juliette D., enregistrées les 2 et 17 avril 2012 ;
Vu les observations produites pour la société Yonne Républicaine par la SCP
Gaschignard, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le
2 avril 2012 ;
Vu les observations produites pour la société Marie-Claire Album, par la SCP
Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation,
enregistrées le 3 avril 2012 ;
Vu les observations produites pour MM. Bernard I., Dominique O. et Jean-Pierre
G. par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, enregistrées les 2 et 17 avril 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées les 2 et 3
avril 2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Denis Reboul-Salze, dans l'intérêt de la société Yonne-Républicaine, Me
Emmanuel Piwnica, dans l'intérêt de la société Marie-Claire Album, Me Roger
Koskas et Me Thomas Lyon-Caen dans l'intérêt de MM. Bernard I., Dominique O. et
Jean-Pierre G., de Mme Juliette D. ainsi que du Syndicat national des
journalistes et du Syndicat national des journalistes - CGT, Monsieur Xavier
Pottier, désigné par le Premier Ministre, ayant été entendus à l'audience
publique du 26 avril 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1.Considérant qu'il y a lieu de joindre ces questions
prioritaires de constitutionnalité pour statuer par une seule décision ;
2.Considérant qu'aux termes de l'article L. 7112-3 du code du travail : « Si
l'employeur est à l'initiative de la rupture, le salarié a droit à une indemnité
qui ne peut être inférieure à la somme représentant un mois, par année ou
fraction d'année de collaboration, des derniers appointements. Le maximum des
mensualités est fixé à quinze » ;
3.Considérant qu'aux termes de l'article L. 7112-4 du même code : « Lorsque
l'ancienneté excède quinze années, une commission arbitrale est saisie pour
déterminer l'indemnité due.
« Cette commission est composée paritairement d'arbitres désignés par les
organisations professionnelles d'employeurs et de salariés. Elle est présidée
par un fonctionnaire ou par un magistrat en activité ou retraité.
« Si les parties ou l'une d'elles ne désignent pas d'arbitres, ceux-ci sont
nommés par le président du tribunal de grande instance, dans des conditions
déterminées par voie réglementaire.
« Si les arbitres désignés par les parties ne s'entendent pas pour choisir le
président de la commission arbitrale, celui-ci est désigné à la requête de la
partie la plus diligente par le président du tribunal de grande instance.
« En cas de faute grave ou de fautes répétées, l'indemnité peut être réduite
dans une proportion qui est arbitrée par la commission ou même supprimée.
« La décision de la commission arbitrale est obligatoire et ne peut être frappée
d'appel » ;
4.Considérant que selon les requérants, les dispositions de l'article L. 7112-3
du code du travail portent atteinte à l'égalité devant la loi ; que celles de
l'article L. 7112-4 du même code porteraient atteinte à l'égalité devant la
justice et au droit à un recours juridictionnel effectif ;
- SUR L'ARTICLE L. 7112-3 DU CODE DU TRAVAIL :
5.Considérant que, selon les requérants, en organisant un régime spécial
d'indemnisation de la rupture du contrat de travail pour les seuls journalistes
professionnels, l'article L. 7112-3 du code du travail porte atteinte au
principe d'égalité des citoyens devant la loi;
6.Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi. . . doit être la même pour tous, soit
qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose
ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes, ni
à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que,
dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en
rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit;
7.Considérant que, par la loi du 29 mars 1935 susvisée, dont sont issues les
dispositions contestées, le législateur a mis en place un régime spécifique pour
les journalistes qui, compte tenu de la nature particulière de leur travail,
sont placés dans une situation différente de celle des autres salariés ; que les
dispositions contestées, propres à l'indemnisation des journalistes
professionnels salariés, visent à prendre en compte les conditions particulières
dans lesquelles s'exerce leur profession ; que, par suite, il était loisible au
législateur, sans méconnaître le principe d'égalité devant la loi, d'instaurer
un mode de détermination de l'indemnité de rupture du contrat de travail
applicable aux seuls journalistes à l'exclusion des autres salariés ;
8.Considérant que les dispositions de l'article L. 7112-3 du code du travail ne
sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ;
- SUR L'ARTICLE L. 7112-4 DU CODE DU TRAVAIL :
9.Considérant que, selon les requérants, en rendant obligatoire la saisine de la
commission arbitrale des journalistes pour évaluer l'indemnité de licenciement
des journalistes salariés dans les cas qu'elles déterminent, les dispositions de
l'article L. 7112-4 du code du travail portent atteinte au principe d'égalité
des citoyens devant la justice ; qu'en prévoyant que la décision rendue par la
commission arbitrale des journalistes ne peut faire l'objet d'aucun recours,
elles porteraient, en outre, atteinte au droit à un recours juridictionnel
effectif ;
10.Considérant que l'article 16 de la Déclaration de 1789 dispose : « Toute
société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation
des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que si le législateur
peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations
et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces
différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées
aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe
des droits de la défense et des principes d'indépendance et d'impartialité des
juridictions;
11.Considérant qu'est garanti par les dispositions de l'article 16 de la
Déclaration de 1789 le respect des droits de la défense ; qu'il en résulte
également qu'il ne doit pas être porté d'atteintes substantielles au droit des
personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction ;
12.Considérant que, d'une part, la commission arbitrale des journalistes est la
juridiction compétente pour évaluer l'indemnité due à un journaliste salarié
lorsque son ancienneté excède quinze années ; qu'elle est également compétente
pour réduire ou supprimer l'indemnité dans tous les cas de faute grave ou de
fautes répétées d'un journaliste ; qu'à cette fin, la commission arbitrale des
journalistes, composée paritairement par des arbitres désignés par les
organisations professionnelles d'employeurs et de salariés, est présidée par un
fonctionnaire ou par un magistrat en activité ou retraité ; qu'en confiant
l'évaluation de cette indemnité à cette juridiction spécialisée composée
majoritairement de personnes désignées par des organisations professionnelles,
le législateur a entendu prendre en compte la spécificité de cette profession
pour l'évaluation, lors de la rupture du contrat de travail, des sommes dues aux
journalistes les plus anciens ou à qui il est reproché une faute grave ou des
fautes répétées ; que, par suite, le grief tiré de l'atteinte à l'égalité devant
la justice doit être écarté ;
13.Considérant que, d'autre part, si le dernier alinéa de l'article L. 7112-4 du
code du travail dispose que la décision de la commission arbitrale ne peut être
frappée d'appel, le principe du double degré de juridiction n'a pas, en
lui-même, valeur constitutionnelle ; que les dispositions contestées n'ont ni
pour objet ni pour effet d'interdire tout recours contre une telle décision ;
que cette décision peut en effet, ainsi qu'il résulte de la jurisprudence
constante de la Cour de cassation, faire l'objet, devant la cour d'appel, d'un
recours en annulation formé, selon les règles applicables en matière d'arbitrage
et par lequel sont appréciés notamment le respect des exigences d'ordre public,
la régularité de la procédure et le principe du contradictoire ; que l'arrêt de
la cour d'appel peut faire l'objet d'un pourvoi en cassation ; qu'eu égard à la
compétence particulière de la commission arbitrale, portant sur des questions de
fait liées à l'exécution et à la rupture du contrat de travail des journalistes,
ces dispositions ne méconnaissent pas le droit à un recours juridictionnel
effectif ;
14.Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions de l'article
L. 7112-4 du code du travail ne méconnaissent, ni le principe d'égalité devant
la justice, ni le droit à un recours juridictionnel effectif, ni aucun autre
droit ou liberté que la Constitution garantit,
D É C I D E :
Article 1er.- Les articles L. 7112-3 et L. 7112-4 du code du travail sont
conformes à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 11 mai 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme
Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
3 DECISIONS DU 16 MAI 2012
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 15 mars 2012 par la
Cour de cassation (troisième chambre civile, arrêt n° 415 du 15 mars 2012), dans
les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question
prioritaire de constitutionnalité posée par les consorts L., relative à la
conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L.
12-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la société Territoires de l'Isère par la SCP
Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation,
enregistrées le 10 avril 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 10 avril
2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me François Molinié, pour la société Territoires de l'Isère, et M. Xavier
Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience
publique du 10 mai 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 12-1 du code de
l'expropriation pour cause d'utilité publique : « Le transfert de propriété des
immeubles ou de droits réels immobiliers est opéré par voie, soit d'accord
amiable, soit d'ordonnance. L'ordonnance est rendue, sur le vu des pièces
constatant que les formalités prescrites par le chapitre Ier ont été accomplies,
par le juge dont la désignation est prévue à l'article L. 13-1 ci-après.
L'ordonnance envoie l'expropriant en possession, sous réserve qu'il se conforme
aux dispositions du chapitre III et de l'article L. 15-2 » ;
2. Considérant que, selon les requérants, en prévoyant que le transfert de
propriété des biens expropriés à l'autorité expropriante est ordonné sans que
l'exproprié soit entendu ou appelé et sans débat contradictoire devant le juge
de l'expropriation, ces dispositions méconnaissent les exigences du droit à une
procédure juste et équitable découlant de la Déclaration des droits de l'homme
et du citoyen de 1789 ; qu'en outre, en permettant que le transfert de propriété
soit ordonné par le juge de l'expropriation sur le fondement d'une déclaration
d'utilité publique non définitive et sans indemnisation juste et préalable, ces
dispositions porteraient atteinte à son article 17 ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration
de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas
assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ;
que sont garantis par cette disposition le droit des personnes intéressées à
exercer un recours juridictionnel effectif, le droit à un procès équitable ainsi
que le principe du contradictoire ;
4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 17 de la Déclaration
de 1789 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être
privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige
évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'afin
de se conformer à ces exigences constitutionnelles, la loi ne peut autoriser
l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers que pour la
réalisation d'une opération dont l'utilité publique est légalement constatée ;
que la prise de possession par l'expropriant doit être subordonnée au versement
préalable d'une indemnité ; que, pour être juste, l'indemnité doit couvrir
l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain, causé par
l'expropriation ; qu'en cas de désaccord sur la fixation du montant de
l'indemnité, l'exproprié doit disposer d'une voie de recours appropriée ;
5. Considérant qu'il résulte des dispositions contestées que le transfert de
propriété des immeubles ou de droits réels immobiliers est opéré, à défaut
d'accord amiable, par voie d'ordonnance du juge de l'expropriation ; que cette
ordonnance est rendue au vu des pièces constatant que les formalités prescrites
par le chapitre Ier du titre Ier de la partie législative du code de
l'expropriation pour cause d'utilité publique, relatif à la déclaration
d'utilité publique et à l'arrêté de cessibilité, ont été accomplies ; que
l'ordonnance d'expropriation envoie l'expropriant en possession, sous réserve
qu'il se conforme aux dispositions relatives à la fixation et au paiement des
indemnités ;
6. Considérant, d'une part, que le juge de l'expropriation ne rend l'ordonnance
portant transfert de propriété qu'après que l'utilité publique a été légalement
constatée ; que la déclaration d'utilité publique et l'arrêté de cessibilité,
par lequel est déterminée la liste des parcelles ou des droits réels immobiliers
à exproprier, peuvent être contestés devant la juridiction administrative ; que
le juge de l'expropriation se borne à vérifier que le dossier que lui a transmis
l'autorité expropriante est constitué conformément aux prescriptions du code de
l'expropriation pour cause d'utilité publique ; que l'ordonnance d'expropriation
peut être attaquée par la voie du recours en cassation ; que, par ailleurs,
l'ordonnance par laquelle le juge de l'expropriation fixe les indemnités
d'expropriation survient au terme d'une procédure contradictoire et peut faire
l'objet de recours ;
7. Considérant, d'autre part, qu'en vertu des dispositions contestées,
l'ordonnance envoie l'expropriant en possession, sous réserve qu'il se conforme
aux dispositions du chapitre III du titre Ier de la partie législative du code
de l'expropriation pour cause d'utilité publique sur la fixation et le paiement
des indemnités et de l'article L. 15-2 du même code relatif aux conditions de
prise de possession ; qu'en outre, aux termes du second alinéa de l'article L.
12-5 du même code : « En cas d'annulation par une décision définitive du juge
administratif de la déclaration d'utilité publique ou de l'arrêté de
cessibilité, tout exproprié peut faire constater par le juge de l'expropriation
que l'ordonnance portant transfert de propriété est dépourvue de base légale » ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les dispositions
contestées ne méconnaissent ni les exigences de l'article 16 ni celles de
l'article 17 de la Déclaration de 1789 ;
9. Considérant, par ailleurs, que les dispositions contestées ne sont contraires
à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
D É C I D E :
Article 1er.- L'article L. 12-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité
publique est conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 16 mai 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de
GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Rendu public le 16 mai 2012.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 16 mars 2012 par le
Conseil d'État (décision n° 355087 du 16 mars 2012), dans les conditions prévues
à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de
constitutionnalité posée par M. Mathieu E., relative à la conformité aux droits
et libertés que la Constitution garantit des articles L. 147-6 et L. 222-6 du
code de l'action sociale et des familles.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu la loi n° 2002-93 du 22 janvier 2002 relative à l'accès aux origines des
personnes adoptées et pupilles de l'État ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par Me Christel Corbeau-Di
Palma, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 6 avril 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 10 avril
2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Corbeau-Di Palma, pour le requérant, et M. Xavier Pottier, désigné par le
Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 10 mai 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 147-6 du code de
l'action sociale et des familles : « Le conseil communique aux personnes
mentionnées au 1° de l'article L. 147-2, après s'être assuré qu'elles
maintiennent leur demande, l'identité de la mère de naissance :
« - s'il dispose déjà d'une déclaration expresse de levée du secret de son
identité ;
« - s'il n'y a pas eu de manifestation expresse de sa volonté de préserver le
secret de son identité, après avoir vérifié sa volonté ;
« - si l'un de ses membres ou une personne mandatée par lui a pu recueillir son
consentement exprès dans le respect de sa vie privée ;
« - si la mère est décédée, sous réserve qu'elle n'ait pas exprimé de volonté
contraire à l'occasion d'une demande d'accès à la connaissance des origines de
l'enfant. Dans ce cas, l'un des membres du conseil ou une personne mandatée par
lui prévient la famille de la mère de naissance et lui propose un
accompagnement.
« Si la mère de naissance a expressément consenti à la levée du secret de son
identité ou, en cas de décès de celle-ci, si elle ne s'est pas opposée à ce que
son identité soit communiquée après sa mort, le conseil communique à l'enfant
qui a fait une demande d'accès à ses origines personnelles l'identité des
personnes visées au 3° de l'article L. 147-2.
« Le conseil communique aux personnes mentionnées au 1° de l'article L. 147-2,
après s'être assuré qu'elles maintiennent leur demande, l'identité du père de
naissance :
« - s'il dispose déjà d'une déclaration expresse de levée du secret de son
identité ;
« - s'il n'y a pas eu de manifestation expresse de sa volonté de préserver le
secret de son identité, après avoir vérifié sa volonté ;
« - si l'un de ses membres ou une personne mandatée par lui a pu recueillir son
consentement exprès dans le respect de sa vie privée ;
« - si le père est décédé, sous réserve qu'il n'ait pas exprimé de volonté
contraire à l'occasion d'une demande d'accès à la connaissance des origines de
l'enfant. Dans ce cas, l'un des membres du conseil ou une personne mandatée par
lui prévient la famille du père de naissance et lui propose un accompagnement.
« Si le père de naissance a expressément consenti à la levée du secret de son
identité ou, en cas de décès de celui-ci, s'il ne s'est pas opposé à ce que son
identité soit communiquée après sa mort, le conseil communique à l'enfant qui a
fait une demande d'accès à ses origines personnelles l'identité des personnes
visées au 3° de l'article L. 147-2.
« Le conseil communique aux personnes mentionnées au 1° de l'article L. 147-2
les renseignements ne portant pas atteinte à l'identité des père et mère de
naissance, transmis par les établissements de santé, les services départementaux
et les organismes visés au cinquième alinéa de l'article L. 147-5 ou recueillis
auprès des père et mère de naissance, dans le respect de leur vie privée, par un
membre du conseil ou une personne mandatée par lui » ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 222-6 du même code : « Toute femme
qui demande, lors de son accouchement, la préservation du secret de son
admission et de son identité par un établissement de santé est informée des
conséquences juridiques de cette demande et de l'importance pour toute personne
de connaître ses origines et son histoire. Elle est donc invitée à laisser, si
elle l'accepte, des renseignements sur sa santé et celle du père, les origines
de l'enfant et les circonstances de la naissance ainsi que, sous pli fermé, son
identité. Elle est informée de la possibilité qu'elle a de lever à tout moment
le secret de son identité et, qu'à défaut, son identité ne pourra être
communiquée que dans les conditions prévues à l'article L. 147-6. Elle est
également informée qu'elle peut à tout moment donner son identité sous pli fermé
ou compléter les renseignements qu'elle a donnés au moment de la naissance. Les
prénoms donnés à l'enfant et, le cas échéant, mention du fait qu'ils l'ont été
par la mère, ainsi que le sexe de l'enfant et la date, le lieu et l'heure de sa
naissance sont mentionnés à l'extérieur de ce pli. Ces formalités sont
accomplies par les personnes visées à l'article L. 223-7 avisées sous la
responsabilité du directeur de l'établissement de santé. À défaut, elles sont
accomplies sous la responsabilité de ce directeur.
« Les frais d'hébergement et d'accouchement des femmes qui ont demandé, lors de
leur admission dans un établissement public ou privé conventionné, à ce que le
secret de leur identité soit préservé, sont pris en charge par le service de
l'aide sociale à l'enfance du département siège de l'établissement.
« Sur leur demande ou avec leur accord, les femmes mentionnées au premier alinéa
bénéficient d'un accompagnement psychologique et social de la part du service de
l'aide sociale à l'enfance.
« Pour l'application des deux premiers alinéas, aucune pièce d'identité n'est
exigée et il n'est procédé à aucune enquête.
« Les frais d'hébergement et d'accouchement dans un établissement public ou
privé conventionné des femmes qui, sans demander le secret de leur identité,
confient leur enfant en vue d'adoption sont également pris en charge par le
service de l'aide sociale à l'enfance du département, siège de l'établissement »
;
3. Considérant que, selon le requérant, en autorisant une femme à accoucher sans
révéler son identité et en ne permettant la levée du secret qu'avec l'accord de
cette femme, ou, en cas de décès, dans le seul cas où elle n'a pas exprimé
préalablement une volonté contraire, les dispositions contestées méconnaissent
le droit au respect de la vie privée et le droit de mener une vie familiale
normale ;
4. Considérant qu'aux termes du onzième alinéa du Préambule de la Constitution
du 27 octobre 1946, la Nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère
(...) la protection de la santé » ; qu'il est à tout moment loisible au
législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes
antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres
dispositions, dès lors que, ce faisant, il ne prive pas de garanties légales des
exigences constitutionnelles ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 : « Le but de toute association politique est la
conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont
la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression » ; que la
liberté proclamée par cet article implique le respect de la vie privée ; que le
droit de mener une vie familiale normale résulte du dixième alinéa du Préambule
de 1946 qui dispose : « La Nation assure à l'individu et à la famille les
conditions nécessaires à leur développement » ;
6. Considérant, que les dispositions de l'article L. 222-6 du code de l'action
sociale et des familles reconnaissent à toute femme le droit de demander, lors
de l'accouchement, la préservation du secret de son identité et de son admission
et mettent à la charge de la collectivité publique les frais de son accouchement
et de son hébergement ; qu'en garantissant ainsi un droit à l'anonymat et la
gratuité de la prise en charge lors de l'accouchement dans un établissement
sanitaire, le législateur a entendu éviter le déroulement de grossesses et
d'accouchements dans des conditions susceptibles de mettre en danger la santé
tant de la mère que de l'enfant et prévenir les infanticides ou des abandons
d'enfants ; qu'il a ainsi poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de
protection de la santé ;
7. Considérant que la loi du 22 janvier 2002 susvisée a donné une nouvelle
rédaction de l'article L. 222-6 du code de l'action sociale et des familles
afin, notamment, que les femmes qui accouchent en demandant le secret de leur
identité soient informées des conséquences juridiques qui en résultent pour
l'enfant ainsi que de l'importance, pour ce dernier, de connaître ses origines
et qu'elles soient incitées à laisser des renseignements sur leur santé, celle
du père, les origines de l'enfant et les circonstances de sa naissance ; que les
dispositions de l'article L. 147-6 du même code, issues de cette même loi,
organisent les conditions dans lesquelles le secret de cette identité peut être
levé, sous réserve de l'accord de la mère de naissance ; que cet article confie
en particulier au Conseil national pour l'accès aux origines personnelles la
tâche de rechercher la mère de naissance, à la requête de l'enfant, et de
recueillir, le cas échéant, le consentement de celle-ci à ce que son identité
soit révélée ou, dans l'hypothèse où elle est décédée, de vérifier qu'elle n'a
pas exprimé de volonté contraire lors d'une précédente demande ; que le
législateur a ainsi entendu faciliter la connaissance par l'enfant de ses
origines personnelles ;
8. Considérant qu'en permettant à la mère de s'opposer à la révélation de son
identité même après son décès, les dispositions contestées visent à assurer le
respect de manière effective, à des fins de protection de la santé, de la
volonté exprimée par celle-ci de préserver le secret de son admission et de son
identité lors de l'accouchement tout en ménageant, dans la mesure du possible,
par des mesures appropriées, l'accès de l'enfant à la connaissance de ses
origines personnelles ; qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, de
substituer son appréciation à celle du législateur sur l'équilibre ainsi défini
entre les intérêts de la mère de naissance et ceux de l'enfant ; que les
dispositions contestées n'ont pas privé de garanties légales les exigences
constitutionnelles de protection de la santé ; qu'elles n'ont pas davantage
porté atteinte au respect dû à la vie privée et au droit de mener une vie
familiale normale ;
9. Considérant que les articles L. 147-6 et L. 222-6 du code de l'action sociale
et des familles ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la
Constitution garantit,
D É C I D E :
Article 1er.- Les articles L. 147-6 et L. 222-6 du code de l'action sociale et
des familles sont conformes à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 16 mai 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de
GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Rendu public le 16 mai 2012.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 20 mars 2012 par la Conseil d'État
(décisions n° 348764 et 348765 du 19 mars 2012), dans les conditions prévues à
l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de
constitutionnalité posée par la société Cryo-Save France relative à la
conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du IV du
quatrième alinéa de l'article L. 1241-1 du code de la santé publique.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la société requérante par la SCP Roche et
associés, le 11 avril 2012 et le 25 avril 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 11 avril
2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Thomas Roche, pour la société requérante, et M. Xavier Pottier, désigné par
le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 10 mai 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 1241-1 du code
de la santé publique : « Le prélèvement de cellules hématopoïétiques du sang de
cordon et du sang placentaire ainsi que de cellules du cordon et du placenta ne
peut être effectué qu'à des fins scientifiques ou thérapeutiques, en vue d'un
don anonyme et gratuit, et à la condition que la femme, durant sa grossesse, ait
donné son consentement par écrit au prélèvement et à l'utilisation de ces
cellules, après avoir reçu une information sur les finalités de cette
utilisation. Ce consentement est révocable sans forme et à tout moment tant que
le prélèvement n'est pas intervenu. Par dérogation, le don peut être dédié à
l'enfant né ou aux frères ou soeurs de cet enfant en cas de nécessité
thérapeutique avérée et dûment justifiée lors du prélèvement » ;
2. Considérant que, selon la société requérante, en privant les femmes qui
accouchent d'une possibilité de prélèvement de cellules du sang de cordon ou
placentaire ou de cellules du cordon ou du placenta pour un usage familial
ultérieur, le législateur a porté atteinte à la liberté individuelle ; que ces
dispositions, qui feraient obstacle à des prélèvements pouvant être utiles pour
la santé des membres de la famille, méconnaîtraient également l'objectif de
valeur constitutionnelle de protection de la santé ; qu'enfin, en privant les
enfants nés sains et les enfants à naître d'une même fratrie de toute
possibilité de bénéficier d'une greffe des cellules du sang de cordon ou
placentaire, alors que cette faculté est ouverte aux enfants malades de la même
fratrie, ces dispositions seraient contraires au principe d'égalité ;
3. Considérant qu'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le
domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci
en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions, dès lors que, ce
faisant, il ne prive pas de garanties légales des exigences constitutionnelles ;
4. Considérant que la liberté personnelle est proclamée par les articles 1er, 2
et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
5. Considérant qu'aux termes de son article 6, la loi est « la même pour tous,
soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne
s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations
différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt
général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui
en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
6. Considérant qu'aux termes du onzième alinéa du Préambule de la Constitution
du 27 octobre 1946, la Nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère
(.. .) la protection de la santé » ;
7. Considérant, en premier lieu, que la législation antérieure à la loi du 7
juillet 2011 susvisée soumettait le recueil des cellules du sang de cordon ou
placentaire ou des cellules du cordon ou du placenta au régime de recueil des
résidus opératoires organisé par l'article L. 1245-2 du code de la santé
publique ; que le législateur, en introduisant les dispositions contestées, a
retenu le principe du don anonyme et gratuit de ces cellules ; qu'il a entendu
faire obstacle aux prélèvements des cellules du sang de cordon ou placentaire ou
des cellules du cordon ou du placenta en vue de leur conservation par la
personne pour un éventuel usage ultérieur notamment dans le cadre familial ; que
le choix du législateur de conditionner le prélèvement de ces cellules au
recueil préalable du consentement écrit de la femme n'a pas eu pour objet ni
pour effet de conférer des droits sur ces cellules ; qu'il n'appartient pas au
Conseil constitutionnel, qui ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation
et de décision de même nature que celui du Parlement, de substituer son
appréciation à celle du législateur sur les conditions dans lesquelles de telles
cellules peuvent être prélevées et les utilisations auxquelles elles sont
destinées ; que, par suite, le grief tiré de la méconnaissance de la liberté
personnelle doit être écarté ;
8. Considérant, en deuxième lieu, qu'en adoptant les dispositions contestées, le
législateur n'a pas autorisé des prélèvements de cellules du sang de cordon ou
placentaire ou de cellules du cordon ou du placenta destinées à des greffes dans
le cadre familial en l'absence d'une nécessité thérapeutique avérée et dûment
justifiée lors du prélèvement ; qu'il a estimé qu'en l'absence d'une telle
nécessité, les greffes dans le cadre familial de ces cellules ne présentaient
pas d'avantage thérapeutique avéré par rapport aux autres greffes ; qu'il
n'appartient pas au Conseil constitutionnel, qui ne dispose pas d'un pouvoir
général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, de
remettre en cause, au regard de l'état des connaissances et des techniques, les
dispositions ainsi prises par le législateur ; que, par suite, l'impossibilité
de procéder à un prélèvement de cellules du sang de cordon ou placentaire ou de
cellules du cordon ou du placenta aux seules fins de conservation par la
personne pour un éventuel usage ultérieur notamment dans le cadre familial sans
qu'une nécessité thérapeutique lors du prélèvement ne le justifie ne saurait
être regardée comme portant atteinte à la protection de la santé telle qu'elle
est garantie par le Préambule de 1946 ;
9. Considérant, en troisième lieu, que le législateur a réservé la possibilité
de prélever des cellules du sang de cordon ou placentaire ou des cellules du
cordon ou du placenta pour un usage dans le cadre familial aux seuls cas où une
nécessité thérapeutique avérée et connue à la date du prélèvement le justifie ;
qu'ainsi les dispositions contestées ne soumettent pas à des règles différentes
des personnes placées dans une situation identique ; que le principe d'égalité
devant la loi n'est donc pas méconnu ;
10. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre
droit ou liberté garanti par la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- Le quatrième alinéa de l'article L. 1241-1 du code de la santé
publique est conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 16 mai 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de
GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Rendu public le 16 mai 2012.
3 DECISIONS DU 8 JUIN 2012
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 20 mars 2012 par le
Conseil d'État (décision n° 352843 du 19 mars 2012), dans les conditions prévues
à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de
constitutionnalité posée par M. Christian G., relative à la conformité aux
droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 134-2 du code de
l'action sociale et des familles.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le Département de Paris par Me Dominique
Foussard, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 11
avril 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 11 avril
2012 ;
Vu les observations produites pour le requérant par Me Mohamed Boukheloua,
avocat au Barreau de Paris, enregistrées le 24 avril 2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendu à
l'audience publique du 15 mai 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 134-2 du code de l'action sociale
et des familles : « Les décisions des commissions départementales sont
susceptibles d'appel devant la commission centrale d'aide sociale.
« La commission centrale d'aide sociale est composée de sections et de
sous-sections dont le nombre est fixé par décret en Conseil d'État.
« Le président de la commission centrale d'aide sociale est nommé par le
ministre chargé de l'action sociale, sur proposition du vice-président du
Conseil d'État, parmi les conseillers d'État en activité ou honoraires.
« Chaque section ou sous-section comprend en nombre égal, d'une part, des
membres du Conseil d'État, des magistrats de la Cour des comptes ou des
magistrats de l'ordre judiciaire en activité ou honoraires désignés
respectivement par le vice-président du Conseil d'État, le premier président de
la Cour des comptes ou le garde des sceaux, ministre de la justice, d'autre
part, des fonctionnaires ou personnes particulièrement qualifiées en matière
d'aide ou d'action sociale désignées par le ministre chargé de l'action sociale.
« Les membres de la commission centrale sont nommés pour une durée de quatre ans
renouvelable.
« Les rapporteurs qui ont pour fonction d'instruire les dossiers sont nommés par
le ministre chargé de l'aide sociale soit parmi les membres du Conseil d'État et
les magistrats de la Cour des comptes, soit parmi les fonctionnaires des
administrations centrales des ministères, soit parmi les personnes
particulièrement compétentes en matière d'aide ou d'action sociale. Ils ont voix
délibérative dans les affaires où ils sont rapporteurs.
« Des commissaires du Gouvernement, chargés de prononcer leurs conclusions sur
les affaires que le président de la commission centrale, d'une section ou d'une
sous-section leur confie, sont nommés par le ministre chargé de l'aide sociale
parmi les membres du Conseil d'État, les magistrats de la Cour des comptes et
les fonctionnaires du ministère chargé de l'aide sociale. »
2. Considérant que, selon le requérant, en permettant que la commission centrale
d'aide sociale comprenne des fonctionnaires désignés par le ministre chargé de
l'action sociale, les dispositions contestées méconnaissent les principes
d'indépendance et d'impartialité des juridictions ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des
droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de
Constitution » ; que les principes d'indépendance et d'impartialité sont
indissociables de l'exercice de fonctions juridictionnelles ;
4. Considérant que la commission centrale d'aide sociale est une juridiction
administrative spécialisée, compétente pour examiner les recours formés contre
les décisions rendues par les commissions départementales d'aide sociale ; que
le quatrième alinéa de l'article L. 134 2 du code de l'action sociale et des
familles prévoit que sont membres des sections ou sous-sections de cette
juridiction des fonctionnaires désignés par le ministre chargé de l'action
sociale ; que le sixième alinéa de cet article permet au ministre chargé de
l'aide sociale de nommer comme rapporteurs des fonctionnaires des
administrations centrales des ministères, chargés d'instruire les dossiers
soumis à la commission et ayant voix délibérative ; que le septième alinéa
prévoit que le même ministre peut nommer comme commissaires du gouvernement
chargés de prononcer leurs conclusions sur les dossiers des fonctionnaires du
ministère chargé de l'aide sociale ;
5. Considérant, d'une part, que ni l'article L. 134-2 du code de l'action
sociale et des familles ni aucune autre disposition législative applicable à la
commission centrale d'aide sociale n'institue les garanties appropriées
permettant de satisfaire au principe d'indépendance des fonctionnaires membres
des sections ou sous sections, rapporteurs ou commissaires du gouvernement de la
commission centrale d'aide sociale ; que ne sont pas davantage instituées les
garanties d'impartialité faisant obstacle à ce que des fonctionnaires exercent
leurs fonctions au sein de la commission lorsque cette juridiction connaît de
questions relevant des services à l'activité desquels ils ont participé ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la référence aux
fonctionnaires figurant aux quatrième, sixième et septième alinéas de l'article
L. 134-2 du code de l'action sociale et des familles est contraire à la
Constitution ; que, par suite, doivent être déclarés contraires à la
Constitution les mots « fonctionnaires ou », figurant au quatrième alinéa de
l'article L. 134 2 du code de l'action sociale et des familles, les mots : «
soit parmi les fonctionnaires des administrations centrales des ministères »,
figurant au sixième alinéa, ainsi que les mots « et les fonctionnaires du
ministère chargé de l'aide sociale », figurant au septième alinéa ;
7. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la
Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement
de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du
Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le
Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les
effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ;
que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à
l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition
déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances
en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel,
les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le
pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses
effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a
produits avant l'intervention de cette déclaration ;
8. Considérant, d'une part, que la déclaration d'inconstitutionnalité prend
effet à compter de la publication de la présente décision ; qu'à compter de
cette date et sans préjudice de modifications ultérieures de cet article, la
commission centrale d'aide sociale sera composée selon les règles de l'article
L. 134-2 du code de l'action sociale et des familles résultant de la présente
déclaration d'inconstitutionnalité ; que, d'autre part, il y a lieu, en
l'espèce, de prévoir que les décisions rendues antérieurement par la commission
ne peuvent être remises en cause sur le fondement de cette inconstitutionnalité
que si une partie l'a invoquée à l'encontre d'une décision n'ayant pas acquis un
caractère définitif au jour de la publication de la présente décision ;
9. Considérant que, pour le surplus, l'article L. 134-2 du code de l'action
sociale et des familles n'est contraire à aucun droit ou liberté que la
Constitution garantit ; qu'il doit être déclaré conforme à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- Sont contraires à la Constitution les dispositions suivantes de
l'article L. 134-2 du code de l'action sociales et des familles :
- au quatrième alinéa, les mots « fonctionnaires ou » ;
- au sixième alinéa, les mots : « soit parmi les fonctionnaires des
administrations centrales des ministères » ;
- au septième alinéa, les mots : « et les fonctionnaires du ministère chargé de
l'aide sociale ».
En conséquence, au septième alinéa, après les mots : « les membres du Conseil
d'État », la virgule est remplacée par le mot « et ».
Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à
compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées par
son considérant 8.
Article 3.- L'article L. 134-2 du code de l'action sociale et des familles est,
pour le surplus, conforme à la Constitution.
Article 4.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 7 juin 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de
GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 26 mars 2012 par le
Conseil d'État (décision n° 351252 du 26 mars 2012), dans les conditions prévues
à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de
constitutionnalité posée par la Confédération des producteurs de papiers,
cartons et celluloses (COPACEL) ainsi que par les sociétés ARJOWIGGINS, EMIN
LEYDIER, GREENFIELD, INTERNATIONAL PAPER FRANCE et NORSKE SKOG GOLBEY, relative
à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article
L. 425-1 du code des assurances.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code des assurances ;
Vu la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour les requérants par la SELARL Huglo Lepage et
Associés conseil, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 17 avril et 2 mai
2012 ;
Vu les observations produites pour le Premier ministre, enregistrées le 17 avril
2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me François Braud, pour les requérants et M. Xavier Pottier, désigné par le
Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 15 mai 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 425-1 du code
des assurances : « I. - Un fonds de garantie des risques liés à l'épandage
agricole des boues d'épuration urbaines ou industrielles est chargé d'indemniser
les préjudices subis par les exploitants agricoles et les propriétaires des
terres agricoles et forestières dans les cas où ces terres, ayant reçu des
épandages de boues d'épuration urbaines ou industrielles, deviendraient
totalement ou partiellement impropres à la culture en raison de la réalisation
d'un risque sanitaire ou de la survenance d'un dommage écologique lié à
l'épandage, dès lors que, du fait de l'état des connaissances scientifiques et
techniques, ce risque ou ce dommage ne pouvait être connu au moment de
l'épandage et dans la mesure où ce risque ou ce dommage n'est pas assurable par
les contrats d'assurance de responsabilité civile du maître d'ouvrage des
systèmes de traitement collectif des eaux usées domestiques ou, le cas échéant,
de son ou ses délégataires, de l'entreprise de vidange, ou du maître d'ouvrage
des systèmes de traitement des eaux usées industrielles, ci-après désignés par
l'expression : "producteurs de boues", ou par les contrats d'assurance relatifs
à la production et à l'élimination des boues.
« La liste des branches industrielles visées par le présent article est définie
par décret en Conseil d'État »
« Le fonds assure l'indemnisation des dommages constatés dans la limite d'un
montant maximum, sous réserve que l'épandage ait été effectué dans des
conditions conformes à la réglementation en vigueur.
« Le montant de l'indemnisation est fonction du préjudice subi et ne peut
excéder, pour le propriétaire des terres, la valeur de celles-ci.
« La gestion comptable et financière du fonds est assurée par la caisse centrale
de réassurance dans un compte distinct de ceux retraçant les autres opérations
qu'elle effectue. Les frais qu'elle expose pour cette gestion sont imputés sur
le fonds.
« La caisse est informée de tous les litiges liés à l'épandage agricole des
boues d'épuration pris directement en charge par les assurances.
« II. - Le fonds mentionné au I est financé par une taxe annuelle due par les
producteurs de boues et dont l'assiette est la quantité de matière sèche de boue
produite. En outre, le fonds peut recevoir des avances de l'État dans la mesure
où les dommages survenus excèdent momentanément la capacité d'indemnisation de
ce dernier.
« Le montant de la taxe est fixé par décret en Conseil d'État dans la limite
d'un plafond de 0,5 euros par tonne de matière sèche de boue produite.
« Les redevables procèdent à la liquidation de la taxe due au titre de l'année
précédente lors du dépôt de leur déclaration de taxe sur la valeur ajoutée du
mois de mars ou du premier trimestre de l'année civile.
« La taxe est recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les
mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que la taxe sur la valeur
ajoutée. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles
applicables à cette même taxe.
« III. - Un décret en Conseil d'État précise les conditions d'application du
présent article, notamment le montant maximal que peuvent atteindre les
ressources du fonds » ;
2. Considérant que, selon les requérants, en décidant d'asseoir la taxe affectée
au financement du fonds de garantie sur la quantité de boue d'épuration produite
et non sur la quantité de boue épandue, ces dispositions définissent l'assiette
de cette taxe selon des critères qui ne sont pas en adéquation avec son objet ;
qu'à l'appui de ce grief, ils font valoir, en premier lieu, que certaines
industries sont placées dans l'impossibilité tant juridique que technique
d'éliminer par voie d'épandage la totalité des boues qu'elles produisent ;
qu'ils soutiennent, en deuxième lieu, qu'au regard d'un objectif de préservation
de l'environnement, aucun motif ne justifie d'inciter à l'épandage des boues au
détriment de leur incinération ; que, par suite, ces dispositions
méconnaîtraient l'égalité devant les charges publiques ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour
l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une
contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre
tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; qu'en particulier, pour
assurer le respect du principe d'égalité, le législateur doit fonder son
appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il
se propose ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture
caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;
4. Considérant qu'en insérant un article L. 425-1 dans le code des assurances,
la loi du 30 décembre 2006 a institué un fonds de garantie des risques liés à
l'épandage agricole des boues d'épuration urbaines et industrielles ; que, par
la création de ce fonds, le législateur a entendu favoriser l'élimination des
boues d'épuration par voie d'épandage agricole en garantissant aux exploitants
agricoles et aux propriétaires fonciers l'indemnisation des dommages écologiques
liés à l'épandage qui n'étaient pas prévisibles et ne sont pas pris en charge au
titre des contrats d'assurance de responsabilité civile du producteur des boues
épandues; que le paragraphe II de l'article L. 425-1 prévoit que ce fonds
d'indemnisation « est financé par une taxe annuelle due par les producteurs de
boues et dont l'assiette est la quantité de matière sèche de boue produite » ;
5. Considérant, en premier lieu, que le Conseil constitutionnel ne dispose pas
d'un pouvoir d'appréciation de même nature que celui du Parlement ; qu'il ne lui
appartient pas de remettre en cause le choix du législateur de favoriser
l'élimination des boues d'épuration au moyen de l'épandage ;
6. Considérant, en second lieu, qu'il résulte des travaux parlementaires de la
loi du 30 décembre 2006 susvisée, qu'en asseyant la taxe sur la quantité de boue
produite et non sur la quantité de boue épandue, le législateur a entendu, tout
en assurant à ce fonds d'indemnisation des ressources suffisantes, éviter que la
taxe ne dissuade les producteurs de boues de recourir à l'épandage ; qu'ainsi,
la différence instituée entre les boues susceptibles d'être épandues que le
producteur a l'autorisation d'épandre et les autres déchets qu'il produit et qui
ne peuvent être éliminés que par stockage ou par incinération est en rapport
direct avec l'objet de la taxe ; qu'il n'en va pas de même des boues
susceptibles d'être épandues mais que le producteur n'a pas l'autorisation
d'épandre ; que si la taxe instituée par le paragraphe II de l'article L. 425-1
du code des assurances était également assise sur les boues d'épuration que le
producteur n'a pas l'autorisation d'épandre, elle entraînerait une différence de
traitement sans rapport direct avec son objet et, par suite, contraire au
principe d'égalité devant les charges publiques; que, dès lors, cette taxe ne
saurait être assise que sur les boues d'épuration que le producteur a
l'autorisation d'épandre ;
7. Considérant que, sous la réserve énoncée au considérant précédent, les
dispositions contestées ne sont contraires ni au principe d'égalité devant les
charges publiques ni à aucun autre droit ou liberté que la Constitution
garantit,
D É C I D E :
Article 1er.- L'article L. 425-1 du code des assurances est conforme à la
Constitution sous la réserve énoncée au considérant 6.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 7 juin 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de
GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 30 mars 2012 par la
Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 2069 du 27 mars 2012), dans les
conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question
prioritaire de constitutionnalité posée par M. Mickaël D., relative à la
conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L.
3341-1 du code de la santé publique.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 24 avril
2012 ;
Vu les observations produites pour le requérant par Me Cédric Michalski, avocat
au barreau de Mulhouse, enregistrées le 7 mai 2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Michalski, pour le requérant et M. Xavier Pottier ayant été entendus à
l'audience publique du 15 mai 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3341-1 du code
de la santé publique : « Une personne trouvée en état d'ivresse dans les lieux
publics est, par mesure de police, conduite à ses frais dans le local de police
ou de gendarmerie le plus voisin ou dans une chambre de sûreté, pour y être
retenue jusqu'à ce qu'elle ait recouvré la raison » ;
«Lorsqu'il n'est pas nécessaire de procéder à l'audition de la personne
mentionnée au premier alinéa immédiatement après qu'elle a recouvré la raison,
elle peut, par dérogation au même premier alinéa, être placée par un officier ou
un agent de police judiciaire sous la responsabilité d'une personne qui se porte
garante d'elle»
2. Considérant que, selon le requérant, en permettant que les personnes trouvées
sur la voie publique en état d'ivresse puissent être privées de leur liberté
pour une durée indéterminée par une mesure de police non soumise au contrôle de
l'autorité judiciaire et en fondant l'appréciation de l'ivresse sur la seule
évaluation subjective d'un agent de la police ou de la gendarmerie nationales,
ces dispositions méconnaissent la protection constitutionnelle de la liberté
individuelle
3. Considérant qu'en vertu du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de
1946, la Nation garantit à tous le droit à la protection de la santé ; que
l'article 34 de la Constitution dispose que la loi fixe les règles concernant
les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés
publiques
4. Considérant que l'article 66 de la Constitution dispose : « Nul ne peut être
arbitrairement détenu. - L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté
individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par
la loi » ; qu'il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une
part, la protection de la santé des personnes ainsi que la prévention des
atteintes à l'ordre public nécessaire à la sauvegarde de droits et principes de
valeur constitutionnelle et, d'autre part, l'exercice des libertés
constitutionnellement garanties ; qu'au nombre de celles-ci figurent la liberté
d'aller et venir, protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits
de l'homme et du citoyen de 1789, ainsi que la liberté individuelle dont
l'article 66 de la Constitution confie la protection à l'autorité judiciaire ;
que les atteintes portées à l'exercice de ces libertés doivent être adaptées,
nécessaires et proportionnées aux objectifs poursuivis ; que, dans l'exercice de
sa compétence, le législateur peut fixer des modalités d'intervention de
l'autorité judiciaire différentes selon la nature et la portée des mesures
affectant la liberté individuelle qu'il entend édicter
5. Considérant, en premier lieu, que, d'une part, il ressort des termes mêmes de
l'article L. 3341-1 du code de la santé publique que la conduite dans un local
de police ou de gendarmerie d'une personne trouvée en état d'ivresse sur la voie
publique et le placement de celle-ci dans ce local ou en chambre de sûreté
jusqu'à ce qu'elle ait recouvré la raison sont des mesures relevant de la police
administrative dont l'objet est de prévenir les atteintes à l'ordre public et de
protéger la personne dont il s'agit ; que ces dispositions permettent aux agents
de la police et de la gendarmerie nationales, seuls investis de cette mission de
sécurité publique, d'opérer un tel placement après avoir constaté par eux-mêmes
l'état d'ivresse qui est un fait matériel se manifestant dans le comportement de
la personne
6. Considérant que, d'autre part, il ressort des termes de la même disposition
que la privation de liberté ne peut se poursuivre après que la personne a
recouvré la raison ; que la condition ainsi posée par le législateur a pour
objet et pour effet de limiter cette privation de liberté à quelques heures au
maximum ; qu'en outre, la même disposition autorise un officier ou un agent de
police judiciaire, s'il apparaît qu'il ne sera pas nécessaire de procéder à
l'audition de la personne après qu'elle aura recouvré la raison, à ne pas la
placer en chambre de sûreté et à la confier à une tierce personne qui se porte
garante d'elle ; que, prévu, organisé et limité par la loi, le placement en
chambre de sûreté n'est pas une détention arbitraire ; que, le cas échéant, la
faute commise par les agents de la police ou de la gendarmerie nationales dans
l'exercice de leurs attributions engage la responsabilité de la puissance
publique devant la juridiction compétente
7. Considérant que, par suite, les dispositions de l'article L. 3341-1 du code
de la santé publique ne méconnaissent pas l'exigence selon laquelle toute
privation de liberté doit être nécessaire, adaptée et proportionnée aux
objectifs de préservation de l'ordre public et de protection de la santé
qu'elles poursuivent
8. Considérant, en second lieu, qu'eu égard à la brièveté de
cette privation de liberté organisée à des fins de police administrative par les
dispositions contestées, l'absence d'intervention de l'autorité judiciaire ne
méconnaît pas les exigences de l'article 66 de la Constitution
9. Considérant, toutefois, que lorsque la personne est placée en garde à vue
après avoir fait l'objet d'une mesure de privation de liberté en application du
premier alinéa de l'article L. 3341-1 du code de la santé publique, la
protection constitutionnelle de la liberté individuelle par l'autorité
judiciaire exige que la durée du placement en chambre de sûreté, qui doit être
consignée dans tous les cas par les agents de la police ou de la gendarmerie
nationales, soit prise en compte dans la durée de la garde à vue
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sous la réserve énoncée au
considérant 9, l'article L. 3341-1 du code de la santé publique ne méconnaît ni
l'article 66 de la Constitution ni aucun autre droit ou liberté que la
Constitution garantit,
D É C I D E :
Article 1er.- Sous la réserve énoncée au considérant 9, l'article L. 3341-1 du
code de la santé publique est conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 7 juin 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
3 DECISIONS DU 18 JUIN 2012
Décision n° 2012-254 QPC du 18 juin 2012
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 4 avril 2012 par le
Conseil d'État (décision n° 353781 du 4 avril 2012), dans les conditions prévues
à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de
constitutionnalité posée par la Fédération de l'énergie et des mines Force
ouvrière (FNEM FO), relative à la conformité aux droits et libertés que la
Constitution garantit de l'article L. 711-1 du code de la sécurité sociale.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi n° 87-588 du 30 juillet 1987 portant diverses mesures d'ordre social ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations en intervention produites pour la Fédération nationale des
Syndicats des salariés des mines et de l'énergie CGT, par la SCP Lyon-Caen et
Thiriez, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 24
avril et le 25 mai 2012 ;
Vu les observations produites pour la requérante par Me Thomas Haas, avocat au
Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 27 avril et le 14 mai
2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 27 avril
2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Haas pour la requérante, Me Thomas Lyon-Caen pour la fédération intervenante
et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été
entendus à l'audience publique du 5 juin 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 711-1 du code de
la sécurité sociale : « Parmi celles jouissant déjà d'un régime spécial le 6
octobre 1945, demeurent provisoirement soumises à une organisation spéciale de
sécurité sociale, les branches d'activités ou entreprises énumérées par un
décret en Conseil d'État » ;
« Des décrets établissent pour chaque branche d'activité ou entreprises
mentionnées à l'alinéa précédent une organisation de sécurité sociale dotée de
l'ensemble des attributions définies à l'article L. 111-1. Cette organisation
peut comporter l'intervention de l'organisation générale de la sécurité sociale
pour une partie des prestations » ;
2. Considérant que, selon la requérante, en habilitant le pouvoir réglementaire
à organiser des régimes spéciaux de sécurité sociale, au nombre desquels celui
des mines, le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence ; qu'en privant
de garanties légales le droit à la protection sociale et le droit à la vie
privée des personnes affiliées à ces régimes spéciaux ainsi que leur droit de
propriété sur les prestations sociales, cette méconnaissance par le législateur
de sa compétence affecterait les droits ou les libertés garantis par le onzième
alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 et les articles 2 et 17 de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la
Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une
juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux
droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut
être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de
cassation qui se prononce dans un délai déterminé » ; que la méconnaissance par
le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une
question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette
méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution
garantit ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution : « La loi
détermine les principes fondamentaux .. . du droit .. . De la sécurité sociale »
; qu'en vertu du onzième alinéa du Préambule de 1946, la Nation « garantit à
tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection
de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain
qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation
économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la
collectivité des moyens convenables d'existence » ; qu'aux termes de l'article 2
de la Déclaration de 1789 : « Le but de toute association politique est la
conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont
la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression » ;
5. Considérant que, par les dispositions contestées, le législateur a, d'une
part, prévu que, parmi les branches d'activités ou entreprises faisant déjà
l'objet d'un régime spécial de sécurité sociale le 6 octobre 1945, celles qui
sont énumérées par décret en Conseil d'État demeurent provisoirement soumises à
une organisation spéciale de sécurité sociale ; qu'il a, d'autre part, permis au
pouvoir réglementaire d'établir pour chacune de ces branches d'activités ou
entreprises une organisation de sécurité sociale dotée de l'ensemble des
attributions définies à l'article L. 111-1 du code de la sécurité sociale ;
6. Considérant qu'il y a lieu de ranger au nombre des principes fondamentaux de
la sécurité sociale, et qui comme tels relèvent du domaine de la loi,
l'existence même d'un régime spécial de sécurité sociale ; qu'il en va de même
de la détermination des prestations et des catégories de bénéficiaires ainsi que
de la définition de la nature des conditions exigées pour l'attribution des
prestations ; que, toutefois, en l'espèce, la méconnaissance par le législateur
de sa compétence ne prive pas de garanties légales les exigences découlant du
onzième alinéa du Préambule de 1946 ; qu'elle n'affecte par elle-même aucun
droit ou liberté que la Constitution garantit ; que, par suite, le grief tiré de
la méconnaissance par le législateur de sa compétence doit être écarté ;
7. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun droit
ou liberté que la Constitution garantit ; qu'elles doivent être déclarées
conformes à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- L'article L. 711-1 du code de la sécurité sociale est conforme à
la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 14 juin 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme
Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 11 avril 2012 par
le Conseil d'État (décision n° 356115 du 11 avril 2012), dans les conditions
prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de
constitutionnalité posée par M. Boualem M., relative à la conformité aux droits
et libertés que la Constitution garantit de l'article 3 de la loi du n° 68 1250
du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'État, les
départements, les communes et les établissements publics.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances
sur l'État, les départements, les communes et les établissements publics ;
Vu le code civil ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le centre hospitalier intercommunal de
Créteil par Me Didier Le Prado, avocat au Conseil d'État et à la Cour de
cassation, enregistrées le 2 mai 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 3 mai
2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Rameix-Seguin, pour le centre hospitalier intercommunal de Créteil et M.
Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience
publique du 5 mai 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 31
décembre 1968 susvisée : « La prescription ne court ni contre le créancier qui
ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant
légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être
légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance
de celui qu'il représente légalement » ;
2. Considérant que, selon le requérant, en ne prévoyant pas que la prescription
des créances détenues par un mineur non émancipé à l'encontre d'une personne
publique est suspendue en raison de l'état de minorité, alors qu'une telle
suspension constitue la règle, prévue par l'article 2235 du code civil,
applicable en principe aux créances civiles, ces dispositions portent notamment
atteinte au principe d'égalité devant la loi ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi... doit être la même pour tous, soit
qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose
ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes, ni
à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que,
dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en
rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit
4. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article premier de la loi du
31 décembre 1968 susvisée : « Sont prescrites, au profit de l'État, des
départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières
édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes
créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du
premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été
acquis » ; que le second alinéa de ce même texte dispose : « Sont prescrites,
dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements
publics dotés d'un comptable public » ; que l'article 2235 du code civil
prévoit, quant à lui, que la prescription « ne court pas ou est suspendue contre
les mineurs non émancipés et les majeurs en tutelle, sauf pour les actions en
paiement ou en répétition des salaires, arrérages de rente, pensions
alimentaires, loyers, fermages, charges locatives, intérêts des sommes prêtées
et, généralement, les actions en paiement de tout ce qui est payable par années
ou à des termes périodiques plus courts » ;
5. Considérant qu'aucune exigence constitutionnelle n'impose que les créances
sur les personnes publiques soient soumises aux mêmes règles que les créances
civiles ; qu'en instituant un régime particulier applicable aux créances contre
certaines personnes publiques, le législateur pouvait prévoir des causes de
suspension de la prescription différentes de celles applicables aux relations
entre personnes privées ; qu'ainsi, la différence de traitement instaurée par le
législateur entre les créanciers mineurs non émancipés soumis aux dispositions
du code civil et ceux qui se prévalent d'une créance à l'encontre d'une personne
publique visée par l'article premier de la loi précitée est fondée sur une
différence de situation en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
que le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit être écarté ;
6. Considérant, par ailleurs, qu'il résulte des dispositions contestées qu'il
appartient au représentant légal du mineur d'agir pour préserver les droits de
ce dernier; que ces dispositions réservent le cas où le représentant légal est
lui-même dans l'impossibilité d'agir ainsi que les hypothèses dans lesquelles il
ignore légitimement l'existence de la créance ; que, par suite, les dispositions
contestées n'ont pas méconnu le droit à un recours juridictionnel effectif qui
résulte de l'article 16 de la Déclaration de 1789 ;
7. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre
droit ou liberté que la Constitution garantit ; qu'elles doivent être déclarées
conformes à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- L'article 3 de la loi du n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à
la prescription des créances sur l'État, les départements, les communes et les
établissements publics est conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Article 3.- Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 14 juin
2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme
Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT
MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Décision n° 2012-257 QPC du 18 juin 2012
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 11 avril 2012 par
la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 2167 du 11 avril 2012), dans
les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question
prioritaire de constitutionnalité posée par la société Olano Carla et M. Éric
P., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit
de l'article 78 du code de procédure pénale.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux
évolutions de la criminalité ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour les requérants par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano,
avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation enregistrées le 7 mai 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 10 mai
2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendu à
l'audience publique du 5 juin 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 78 du code de
procédure pénale, dans sa version issue de la loi du 9 mars 2004 susvisée : «
Les personnes convoquées par un officier de police judiciaire pour les
nécessités de l'enquête sont tenues de comparaître. L'officier de police
judiciaire peut contraindre à comparaître par la force publique, avec
l'autorisation préalable du procureur de la République, les personnes qui n'ont
pas répondu à une convocation à comparaître ou dont on peut craindre qu'elles ne
répondent pas à une telle convocation.
« Les personnes à l'encontre desquelles il n'existe aucune raison plausible de
soupçonner qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction ne peuvent
être retenues que le temps strictement nécessaire à leur audition.
« L'officier de police judiciaire dresse procès-verbal de leurs déclarations.
Les agents de police judiciaire désignés à l'article 20 peuvent également, sous
le contrôle d'un officier de police judiciaire, entendre les personnes
convoquées.
« Les procès-verbaux sont dressés dans les conditions prévues par les articles
62 et 62-1 » ;
2. Considérant que, selon les requérants, en permettant à un officier de police
judiciaire de convoquer et, le cas échéant, de contraindre à comparaître une
personne soupçonnée d'avoir commis ou tenté de commettre une infraction, sans
limiter cette faculté aux seules personnes suspectées d'avoir commis une
infraction pour laquelle elles pourraient être placées en garde à vue, et sans
que soit notifié à la personne ainsi entendue son droit de se taire ou de
quitter à tout moment les locaux de police ou de gendarmerie, les dispositions
contestées méconnaissent les droits de la défense et le principe de rigueur
nécessaire des mesures de contrainte mises en œuvre au cours de la procédure
pénale ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 : « Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni
détenu que dans les cas déterminés par la loi, et selon les formes qu'elle a
prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des
ordres arbitraires, doivent être punis ; mais tout citoyen appelé ou saisi en
vertu de la loi doit obéir à l'instant : il se rend coupable par la résistance »
; qu'aux termes de son article 9 : « Tout homme étant présumé innocent jusqu'à
ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter,
toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit
être sévèrement réprimée par la loi » ; que son article 16 dispose : « Toute
société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation
des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ;
4. Considérant que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution
l'obligation de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale ; que,
s'agissant de la procédure pénale, cette exigence s'impose notamment pour éviter
une rigueur non nécessaire lors de la recherche des auteurs d'infractions ;
5. Considérant, en outre, qu'il incombe au législateur d'assurer la conciliation
entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche
des auteurs d'infractions, toutes deux nécessaires à la sauvegarde de droits et
de principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre part, l'exercice des
droits et libertés constitutionnellement garantis ; qu'au nombre de ceux-ci
figurent le respect des droits de la défense, qui découle de l'article 16 de la
Déclaration de 1789, la liberté d'aller et venir, protégée par ses articles 2 et
4, et la liberté individuelle que l'article 66 de la Constitution place sous la
protection de l'autorité judiciaire ;
6. Considérant que le premier alinéa de l'article 78 est applicable à toutes les
personnes convoquées par un officier de police judiciaire pour les nécessités de
l'enquête ; que, par suite, cet article est applicable aussi bien aux personnes
à l'encontre desquelles il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elles
ont commis ou tenté de commettre une infraction qu'aux simples témoins,
spécialement visés par le deuxième alinéa de cet article ;
7. Considérant, d'une part, qu'en imposant que toute personne convoquée par un
officier de police judiciaire soit tenue de comparaître et en prévoyant que
l'officier de police judiciaire puisse, avec l'autorisation préalable du
procureur de la République, imposer cette comparution par la force publique à
l'égard des personnes qui n'y ont pas répondu ou dont on peut craindre qu'elles
n'y répondent pas, le législateur a assuré entre la prévention des atteintes à
l'ordre public et la recherche des auteurs d'infraction, d'une part, et
l'exercice des libertés constitutionnellement garanties, d'autre part, une
conciliation qui n'est pas déséquilibrée ;
8. Considérant, d'autre part, qu'il résulte nécessairement des dispositions du
premier alinéa de l'article 78 du code de procédure pénale qu'une personne à
l'encontre de laquelle il apparaît qu'il existe des raisons plausibles de
soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction peut être
entendue par les enquêteurs en dehors du régime de la garde à vue dès lors
qu'elle n'est pas maintenue à leur disposition sous la contrainte ;
9. Considérant que, toutefois, le respect des droits de la défense exige qu'une
personne à l'encontre de laquelle il apparaît, avant son audition ou au cours de
celle-ci, qu'il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou
tenté de commettre une infraction, ne puisse être entendue ou continuer à être
entendue librement par les enquêteurs que si elle a été informée de la nature et
de la date de l'infraction qu'on la soupçonne d'avoir commise et de son droit de
quitter à tout moment les locaux de police ou de gendarmerie ; que, sous cette
réserve applicable aux auditions réalisées postérieurement à la publication de
la présente décision, les dispositions du premier alinéa de l'article 78 du code
de procédure pénale ne méconnaissent pas les droits de la défense ;
10. Considérant que les dispositions de l'article 78 du code de procédure pénale
ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ;
qu'elles doivent être déclarées conformes à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- Sous la réserve énoncée au considérant 9, le premier alinéa de
l'article 78 du code de procédure pénale est conforme à la Constitution.
Article 2.- Le surplus de l'article 78 du code de procédure pénale est conforme
à la Constitution.
Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 14 juin 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme
Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
2 DECISIONS DU 22 JUIN 2012
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 11 avril 2012 par
le Conseil d'État (décision n° 356339 du 11 avril 2012), dans les conditions
prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de
constitutionnalité posée par les Établissements Bargibant S.A., relative à la
conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article
unique de la loi du pays n° 2011-6 du 17 octobre 2011 portant validation des
actes pris en application des articles 1er et 2 de la délibération n° 116/CP du
26 mai 2003 relative à la régulation des importations de viandes et abats en
Nouvelle-Calédonie.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'accord sur la Nouvelle-Calédonie signé à Nouméa le 5 mai 1998 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de
l'article 61-1 de la Constitution ;
Vu la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie ;
Vu la loi du pays n° 2011-6 du 17 octobre 2011 portant validation des actes pris
en application des articles 1er et 2 de la délibération n° 116/CP du 26 mai 2003
relative à la régulation des importations de viandes et abats en
Nouvelle-Calédonie ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la société requérante par la SCP Monod-Colin,
avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 10 mai 2012
et le 30 mai 2012 ;
Vu les observations produites pour le président du gouvernement de la
Nouvelle-Calédonie par la SCP Ancel-Couturier-Meier, avocat au Conseil d'État et
à la Cour de cassation, enregistrées le 9 mai 2012 ;
Vu les observations produites par le président du congrès de la
Nouvelle-Calédonie, enregistrées le 10 mai 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 31 mai
2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Alain Monod pour la requérante, Me Frédéric Ancel pour le gouvernement de la
Nouvelle-Calédonie et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant
été entendus à l'audience publique du 1er juin 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
- SUR LES DISPOSITIONS SOUMISES À L'EXAMEN DU CONSEIL
CONSTITUTIONNEL :
1. Considérant qu'aux termes de l'article unique de la loi du pays n° 2011-6 du
17 octobre 2011 susvisée : « Sous réserve des décisions de justice passées en
force de chose jugée, les actes réglementaires et individuels pris en
application des articles 1er et 2 de la délibération n° 116/CP du 26 mai 2003
relative à la régulation des importations de viandes et abats en
Nouvelle-Calédonie sont validés en tant que leur légalité serait contestée par
le moyen tiré de ce que l'exclusivité que ces dispositions confèrent à l'office
de commercialisation et d'entreposage frigorifique pour importer des viandes et
abats des espèces bovines, porcines, ovines, caprines, chevalines et cervidés
porterait au principe de liberté du commerce et de l'industrie une atteinte
excessive qui ne serait pas justifiée par un motif d'intérêt général suffisant »
;
2. Considérant que l'article 99 de la loi organique du 19 mars 1999 susvisée a
défini le domaine des lois du pays de la Nouvelle-Calédonie et que son article
107 leur a conféré « force de loi » dans ces matières ; que, d'une part, ce
dernier article organise, en ses troisième et quatrième alinéas, une procédure
par laquelle le Conseil d'État, saisi soit par une juridiction de l'ordre
administratif ou de l'ordre judiciaire, soit par le président du congrès, le
président du gouvernement, le président d'une assemblée de province ou le
haut-commissaire, constate, le cas échéant, qu'une disposition d'une loi du pays
serait intervenue en dehors du domaine défini à l'article 99 ; que, d'autre
part, l'article 3 de la loi organique du 10 décembre 2009 susvisée relative à
l'application de l'article 61-1 de la Constitution a inséré dans cet article 107
un alinéa aux termes duquel : « Les dispositions d'une loi du pays peuvent faire
l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité, qui obéit aux règles
définies par les articles 23-1 à 23-12 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre
1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel » ; qu'il résulte de
ces dispositions de l'article 107 que la procédure relative à l'examen d'une
question prioritaire de constitutionnalité portant sur une loi du pays de la
Nouvelle-Calédonie exclut l'application des dispositions des troisième et
quatrième alinéas de l'article 107 ;
3. Considérant que la loi du pays contestée a été adoptée selon la procédure
prévue par les articles 100 à 103 de la loi organique du 19 mars 1999 susvisée ;
qu'elle n'a pas fait l'objet, depuis lors, d'une décision du Conseil d'État
constatant qu'elle serait intervenue en dehors des matières énumérées par
l'article 99 ; que, par suite, elle constitue une disposition pouvant faire
l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité ;
- SUR LA CONSTITUTIONNALITÉ DES DISPOSITIONS CONTESTÉES :
4. Considérant que, selon la société requérante, en validant le monopole accordé
à l'office de commercialisation et d'entreposage frigorifique (OCEF) pour
l'importation des viandes et abats des espèces bovines, porcines, ovines,
caprines, chevalines et cervidés en Nouvelle-Calédonie, les dispositions
contestées porteraient atteinte aux exigences constitutionnelles applicables aux
lois de validation et à la liberté d'entreprendre ;
5. Considérant que les dispositions contestées ont été adoptées à la suite du
jugement du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du 9 août 2007 et de
l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 1er février 2010 ;
qu'elles ont pour objet, d'une part, de rétablir le monopole institué par la
délibération n° 116/CP du 26 mai 2003 confiant à l'OCEF l'exclusivité de
l'importation en Nouvelle-Calédonie des viandes et abats d'animaux des espèces
bovines, porcines, ovines, caprines, chevalines ou de cervidés et, d'autre part,
de valider les actes pris en application des articles 1er et 2 de cette
délibération ;
6. Considérant que la liberté d'entreprendre découle de l'article 4 de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'il est toutefois
loisible au législateur d'apporter à cette liberté des limitations liées à des
exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition
qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif
poursuivi ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute
société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation
des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; qu'il résulte de cette
disposition que si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de
droit ou valider un acte administratif ou de droit privé, c'est à la condition
de poursuivre un but d'intérêt général suffisant et de respecter tant les
décisions de justice ayant force de chose jugée que le principe de
non-rétroactivité des peines et des sanctions ; qu'en outre, l'acte modifié ou
validé ne doit méconnaître aucune règle, ni aucun principe de valeur
constitutionnelle, sauf à ce que le but d'intérêt général visé soit lui-même de
valeur constitutionnelle ; qu'enfin, la portée de la modification ou de la
validation doit être strictement définie ;
8. Considérant, d'une part, que l'OCEF est un établissement public industriel et
commercial chargé d'une « mission de service public de régulation du marché de
viandes en Nouvelle-Calédonie » ; que sa création en 1963 a visé à protéger la
production locale de viande et à assurer le bon approvisionnement de la
population du territoire ; que, dans le cadre de cette mission, la délibération
du 26 mai 2003 susmentionnée a également confié à l'OCEF le monopole
d'importation des viandes ; qu'eu égard aux particularités de la
Nouvelle-Calédonie et aux besoins d'approvisionnement du marché local,
l'atteinte portée à la liberté d'entreprendre par le monopole confié à l'OCEF en
complément de sa mission de service public par la délibération du 26 mai 2003 ne
revêt pas un caractère disproportionné ; que, par suite, le grief tiré de la
méconnaissance de la liberté d'entreprendre doit être écarté ;
9. Considérant, d'autre part, que le législateur a validé les actes
réglementaires et individuels pris en application des articles 1er et 2 de la
délibération du 26 mai 2003 « en tant que leur légalité serait contestée par le
moyen tiré de ce que l'exclusivité que ces dispositions confèrent à l'office de
commercialisation et d'entreposage frigorifique pour importer des viandes et
abats des espèces bovines, porcines, ovines, caprines, chevalines et cervidés
porterait au principe de liberté du commerce et de l'industrie une atteinte
excessive qui ne serait pas justifiée par un motif d'intérêt général suffisant »
; que, toutefois, aucun motif d'intérêt général suffisant ne justifie que ces
dispositions soient rendues applicables aux instances en cours devant les
juridictions à la date de l'entrée en vigueur de la loi du pays contestée ; que,
par suite, cette dernière ne saurait être applicable qu'aux instances
introduites postérieurement à cette date ; que, sous cette réserve, les
dispositions contestées ne sont contraires ni à l'article 16 de la Déclaration
de 1789, ni à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
D É C I D E :
Article 1er.- Sous la réserve énoncée au considérant 9, l'article unique de la
loi du pays n° 2011-6 du 17 octobre 2011 portant validation des actes pris en
application des articles 1er et 2 de la délibération n° 116/CP du 26 mai 2003
relative à la régulation des importations de viandes et abats en
Nouvelle-Calédonie est conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 juin 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme
Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 13 avril 2012 par
la Cour de cassation (première chambre civile, arrêt n° 580 du 12 avril 2012),
dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question
prioritaire de constitutionnalité posée par M. Thierry B., relative à la
conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 146,
175-1 et 180 du code civil.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code civil ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 7 mai
2012 ;
Vu les observations produites pour le requérant par Me Patrick Balmitgère,
avocat au barreau de Strasbourg, enregistrées le 21 mai 2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendu à
l'audience publique du 12 juin 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 146 du code civil :
« Il n'y a pas de mariage lorsqu'il n'y a point de consentement » ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 175-1 du même code : « Le ministère
public peut former opposition pour les cas où il pourrait demander la nullité du
mariage » ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 180 du même code : « Le mariage qui a
été contracté sans le consentement libre des deux époux, ou de l'un d'eux, ne
peut être attaqué que par les époux, ou par celui des deux dont le consentement
n'a pas été libre, ou par le ministère public. L'exercice d'une contrainte sur
les époux ou l'un d'eux, y compris par crainte révérencielle envers un
ascendant, constitue un cas de nullité du mariage.
« S'il y a eu erreur dans la personne, ou sur des qualités essentielles de la
personne, l'autre époux peut demander la nullité du mariage » ;
4. Considérant que, selon le requérant, en subordonnant la validité du mariage à
l'intention exclusive des époux ou futurs époux de s'engager dans l'union
matrimoniale et en permettant qu'il soit fait obstacle à la célébration du
mariage ou que son annulation soit prononcée en fonction de leurs motivations,
ces dispositions méconnaissent la protection constitutionnelle de la liberté du
mariage ;
5. Considérant que la liberté du mariage, composante de la liberté personnelle,
résulte des articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen de 1789 ; que cette liberté ne restreint pas la compétence que le
législateur tient de l'article 34 de la Constitution pour fixer les conditions
du mariage dès lors que, dans l'exercice de cette compétence, il ne prive pas de
garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ; qu'elle ne fait
pas davantage obstacle à ce qu'il prenne des mesures de prévention ou de lutte
contre les mariages contractés à des fins étrangères à l'union matrimoniale ;
6. Considérant, en premier lieu, que l'article 146 du code civil subordonne la
validité du mariage au consentement des époux ; qu'il résulte de la
jurisprudence constante de la Cour de cassation que le mariage est nul, faute de
consentement, lorsque les époux ne se sont prêtés à la cérémonie qu'en vue
d'atteindre un résultat étranger à l'union matrimoniale ;
7. Considérant que la protection constitutionnelle de la liberté du mariage ne
confère pas le droit de contracter mariage à des fins étrangères à l'union
matrimoniale ; que, par suite, le grief tiré de ce que l'article 146 du code
civil porterait atteinte à cette liberté doit être écarté ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que l'article 175-1 prévoit que le procureur
de la République peut s'opposer au mariage pour les cas où il pourrait demander
sa nullité ; que ces cas, parmi lesquels figure celui prévu à l'article 146 du
code civil, sont énumérés par l'article 184 du même code ;
9. Considérant que, selon l'article 176 du code civil, l'acte d'opposition, à
peine de nullité, est motivé et reproduit le texte sur lequel elle est fondée ;
que l'opposition du ministère public ne cesse de produire effet que sur décision
judiciaire ; que les articles 177 et 178 du code civil prévoient que les futurs
époux peuvent en demander la mainlevée au tribunal de grande instance qui se
prononce dans les dix jours ; qu'en cas d'appel, la cour d'appel se prononce
dans le même délai ; qu'il appartient en tout état de cause au procureur de la
République, qui fonde son opposition sur l'article 146 du code civil en
invoquant la simulation, de rapporter la preuve que la célébration n'est
envisagée qu'à des fins étrangères à l'union matrimoniale ; que, compte tenu des
garanties ainsi instituées, la faculté donnée au procureur de la République par
l'article 175-1 du code civil de s'opposer à des mariages qui seraient célébrés
en violation de règles d'ordre public, ne peut être regardée comme portant une
atteinte excessive à la liberté du mariage ;
10. Considérant, en troisième lieu, que l'article 180 du code civil prévoit que
le consentement au mariage est vicié en cas de contrainte sur un époux ou les
deux ainsi qu'en cas d'erreur dans la personne ou sur des qualités essentielles
de la personne ; que si, en cas d'erreur, seul l'époux qui en a été victime peut
en demander la nullité, le mariage contracté sans le consentement libre des
époux ou de l'un d'eux peut également être attaqué par le ministère public ;
11. Considérant que ces dispositions permettent ainsi au procureur de la
République de former opposition au mariage, ou d'en poursuivre l'annulation, en
cas de contrainte ; que, loin de méconnaître le principe de la liberté du
mariage, ces dispositions tendent à en assurer la protection ;
12. Considérant que les articles 146, 175-1 et 180 du code civil ne sont
contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ; qu'ils
doivent être déclarés conformes à la Constitution ;
D É C I D E :
Article 1er.- Les articles 146, 175-1 et 180 du code civil sont conformes à la
Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 juin 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme
Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
3 DECISIONS DU 29 JUIN 2012
Décision n° 2012-255/265 QPC du 29 juin 2012
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 5 avril 2012
par le Conseil d'État (décision n° 356633 du 4 avril 2012), dans les
conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question
prioritaire de constitutionnalité posée par le département de la
Seine-Saint-Denis relative à la conformité aux droits et libertés que la
Constitution garantit de l'article L. 3334-18 du code général des
collectivités territoriales dans sa rédaction antérieure à la loi n°
2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.
Il a également été saisi le 24 mai 2012 par le Conseil d'État (décision n°
358261 du 21 mai 2012), dans les mêmes conditions, d'une question
prioritaire de constitutionnalité posée par le département du Var relative
à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de ces
mêmes dispositions.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le département de la Seine-Saint-Denis par la
SCP Seban et associés, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 27 avril et
le 11 mai 2012 ;
Vu les observations produites pour le département du Var par la SCP Peignot
Garreau Bauer-Violas, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation,
enregistrées les 15 et 22 juin 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 30 avril
et le 15 juin 2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Didier Seban et Me Aloïs Ramel, pour le département de la Seine-Saint-Denis,
Me Denis Garreau, pour le département du Var, et M. Xavier Pottier, désigné par
le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 26 juin 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu;
1. Considérant qu'il y a lieu de joindre ces questions
prioritaires de constitutionnalité pour statuer par une seule décision ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3334-18 du code général des
collectivités territoriales dans sa rédaction résultant de l'article 123 de la
loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 : « I. - À compter de
2011, il est créé un Fonds national de péréquation des droits de mutation à
titre onéreux perçus par les départements en application des articles 1594 A et
1595 du code général des impôts.
« Le fonds est alimenté par deux prélèvements selon les modalités prévues aux II
et III. Il est réparti entre ses bénéficiaires selon les dispositions du V.
« II. - Sont contributeurs au premier prélèvement les départements dont le
montant par habitant des droits perçus l'année précédente est supérieur à 0,75
fois le montant moyen par habitant des droits perçus par l'ensemble des
départements cette même année.
« La fraction du montant par habitant excédant 0,75 fois le montant moyen par
habitant de l'ensemble des départements fait l'objet d'un prélèvement en
fonction de taux progressifs. Le prélèvement est ainsi calculé :
« - tous les départements contributeurs sont prélevés d'un montant égal à 10 %
de la fraction du montant par habitant des droits du département supérieure à
0,75 fois et inférieure ou égale à une fois le montant par habitant de
l'ensemble des départements, multiplié par la population du département ;
« - pour les départements dont le montant par habitant des droits est supérieur
à une fois le montant par habitant de l'ensemble des départements, un
prélèvement additionnel égal à 12 % de la fraction du montant par habitant des
droits du département supérieure à une fois et inférieure ou égale à deux fois
le montant par habitant de l'ensemble des départements, multiplié par la
population du département est réalisé ;
« - pour les départements dont le montant par habitant des droits est supérieur
à deux fois le montant par habitant des droits de l'ensemble des départements,
un second prélèvement additionnel égal à 15 % de la différence entre le montant
par habitant des droits du département et deux fois le montant par habitant de
l'ensemble des départements, multiplié par la population du département est
réalisé.
« III. - Un second prélèvement est calculé selon les modalités suivantes :
« 1° Pour chaque département, il est calculé, chaque année, la différence entre
:
« a) La somme des droits mentionnés au I perçus par un département au cours de
l'année précédente ;
« b) Et la moyenne des sommes de ces mêmes droits perçus au titre des deux
années précédant celle mentionnée au a.
« Pour le calcul de cette différence à compter de 2012, la moyenne mentionnée au
b est déterminée en ajoutant aux droits perçus au titre des années 2009 à 2010
les montants mentionnés au cinquième alinéa du 2° du 1 du II du 1.2 de l'article
78 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 ;
« 2° Le département fait l'objet d'un second prélèvement lorsqu'il répond, au
titre d'une année, aux deux conditions suivantes :
« a) La différence mentionnée au 1° du présent III est supérieure à la moyenne
mentionnée au b du même 1° multipliée par deux fois le taux prévisionnel,
associé au projet de loi de finances de l'année précédente, d'évolution des prix
à la consommation des ménages hors tabac ;
« b) Le montant par habitant des droits mentionnés au I perçus par le
département l'année précédente est supérieur à 0,75 fois la moyenne nationale du
montant par habitant de ces mêmes droits perçus par l'ensemble des départements
cette même année.
« Ce prélèvement est égal à la moitié de l'excédent constaté au a du présent 2°.
« IV. - Les prélèvements définis aux II et III sont effectués sur les douzièmes
prévus par l'article L. 3332-1-1. Le montant prélevé au titre de chacun des deux
prélèvements calculés aux II et III ne peut excéder, pour un département
contributeur, 5 % des droits perçus au titre de l'année précédente.
« V. - Les ressources du Fonds national de péréquation des droits de mutation à
titre onéreux sont réparties, chaque année, entre les départements dont le
potentiel financier par habitant, tel que défini à l'article L. 3334-6, est
inférieur à la moyenne des potentiels financiers par habitant de l'ensemble des
départements.
« Les ressources du fonds sont réparties :
« 1° Pour un tiers au prorata du rapport entre le potentiel financier par
habitant de l'ensemble des départements et le potentiel financier par habitant
du département;
« 2° Pour un tiers au prorata du rapport entre le potentiel financier par
habitant de l'ensemble des départements et le potentiel financier par habitant
du département, multiplié par la population du département ;
« 3° Pour un tiers au prorata du rapport entre le montant par habitant des
droits de mutation à titre onéreux perçus par l'ensemble des départements en
application des articles 1594 A et 1595 du code général des impôts et le montant
par habitant de ces mêmes droits perçu par le département.
« VI. - Pour l'application du présent article, la population à prendre en compte
est celle calculée en application de l'article L. 3334-2.
« VII. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent
article. »
3. Considérant que, selon les départements requérants, en recourant à des
critères exclusivement fondés sur la richesse fiscale, qui auraient pour effet
d'opérer des redistributions de ressources fiscales entre départements sans
tenir compte des besoins de financement de ces derniers, les dispositions
contestées méconnaissent le principe d'égalité des collectivités territoriales
devant les charges publiques ; que le mécanisme de péréquation institué
porterait une atteinte disproportionnée à l'autonomie financière des
départements ; qu'il serait également contraire au principe de libre
administration des collectivités territoriales;
4. Considérant que, si l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et
du citoyen de 1789 n'interdit pas de faire supporter, pour un motif d'intérêt
général, à certaines catégories de personnes des charges particulières, il ne
doit pas en résulter de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges
publiques;
5. Considérant que si, en vertu de l'article 72 de la Constitution, les
collectivités territoriales « s'administrent librement par des conseils élus »,
c'est « dans les conditions prévues par la loi »;
6. Considérant qu'aux termes des trois premiers alinéas de l'article 72-2 de la
Constitution : « Les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont
elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi. - Elles
peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures. La
loi peut les autoriser à en fixer l'assiette et le taux dans les limites qu'elle
détermine. - Les recettes fiscales et les autres ressources propres des
collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de
collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources... » ;
que l'article L.O. 1114-2 du code général des collectivités territoriales
définit, au sens du troisième alinéa de l'article 72 2 de la Constitution, la
notion de « ressources propres des collectivités territoriales » ; qu'il prévoit
que ces ressources « sont constituées du produit des impositions de toutes
natures dont la loi les autorise à fixer l'assiette, le taux ou le tarif, ou
dont elle détermine, par collectivité, le taux ou une part locale d'assiette...
» ; qu'il ressort de la combinaison de ces dispositions que les recettes
fiscales qui entrent dans la catégorie des ressources propres des collectivités
territoriales s'entendent, au sens de l'article 72-2 de la Constitution, du
produit des impositions de toutes natures non seulement lorsque la loi autorise
ces collectivités à en fixer l'assiette, le taux ou le tarif ou qu'elle en
détermine, par collectivité, le taux ou une part locale d'assiette, mais encore
lorsqu'elle procède à une répartition de ces recettes fiscales au sein d'une
catégorie de collectivités territoriales;
7. Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 72-2 de la
Constitution : « La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à
favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales » ; qu'il est loisible
au législateur de mettre en œuvre une péréquation financière entre ces
collectivités en les regroupant par catégories, dès lors que la définition de
celles-ci repose sur des critères objectifs et rationnels ; que cette
péréquation peut corriger non seulement les inégalités affectant les ressources,
mais également les inégalités relatives aux charges ; qu'elle peut être mise en
œuvre par une dotation de l'État ou grâce à un fonds alimenté par des ressources
des collectivités territoriales ; que les règles fixées par la loi sur le
fondement du dernier alinéa de l'article 72-2 de la Constitution ne doivent pas
restreindre les ressources des collectivités territoriales au point de dénaturer
le principe de libre administration de ces collectivités, tel qu'il est défini
par l'article 72 de la Constitution;
8. Considérant, d'une part, que, pour assurer la mise en œuvre du dernier alinéa
de l'article 72-2 de la Constitution, le législateur a institué, à l'article L.
3334-18 du code général des collectivités territoriales, un dispositif de
péréquation des recettes provenant de la part départementale des droits de
mutation à titre onéreux ; qu'il a ainsi entendu assurer une redistribution de
ces recettes qui sont réparties très inégalement à l'échelle du territoire
national ; que, pour fixer la liste des départements devant contribuer au Fonds
national de péréquation des droits de mutation à titre onéreux ainsi que le
montant des prélèvements à opérer sur une fraction de ces recettes, les
dispositions contestées retiennent uniquement des critères fondés sur les
inégalités affectant le montant et la croissance des recettes de droits de
mutation à titre onéreux des départements ; que la proportion des recettes
provenant des droits de mutation à titre onéreux perçus par un département
pouvant faire l'objet de ces prélèvements est plafonnée à 10 % ; que le seul
critère défini pour retenir les départements devant bénéficier des versements du
Fonds est le potentiel financier des départements ; que le critère défini pour
fixer le montant des versements est également celui du potentiel financier,
partiellement pondéré par le critère de la population départementale et par
celui du produit des droits de mutation à titre onéreux perçus dans chaque
département ; que les critères de détermination des départements contributeurs
et des départements bénéficiaires comme les critères de redistribution retenus
sont objectifs et rationnels; qu'ils sont en lien direct avec l'objectif
poursuivi par le législateur de redistribuer les recettes provenant de la part
départementale des droits de mutation à titre onéreux ; qu'il n'en résulte pas
de rupture caractérisée de l'égalité des collectivités territoriales devant les
charges publiques ; qu'il n'est pas davantage porté atteinte à la libre
administration des départements;
9. Considérant, d'autre part, que les dispositions contestées portent sur des
ressources perçues par les départements à partir d'une assiette locale et en
fonction de taux pouvant être modulés par chaque conseil général ; qu'elles
conduisent à redistribuer une fraction de cette ressource propre des
départements au sein de cette catégorie de collectivités territoriales ;
qu'elles n'ont donc pas pour effet de modifier la part déterminante des
ressources propres de cette catégorie ; que, par suite, le grief tiré de la
méconnaissance du principe d'autonomie financière des départements doit être
écarté ;
10. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre
droit ou liberté garanti par la Constitution ; qu'elles doivent être déclarées
conformes à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- L'article L. 3334-18 du code général des collectivités
territoriales dans sa rédaction résultant de l'article 123 de la loi n° 2010
1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 est conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 juin 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme
Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Décision n° 2012-259 QPC du 29 juin 2012
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 12 avril 2012
par la Cour de cassation (première chambre civile, arrêt n° 581 du 12
avril 2012), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la
Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par
M. Mouloud A., relative à la conformité aux droits et libertés que la
Constitution garantit de l'article 3 de l'ordonnance du 7 mars 1944
relative au statut des Français musulmans d'Algérie.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi
organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu l'ordonnance du 7 mars 1944 relative au statut des Français musulmans
d'Algérie ;
Vu l'ordonnance n° 62-825 du 21 juillet 1962 relative à certaines
dispositions concernant la nationalité française, prises en application de
la loi n° 62-421 du 13 avril 1962 ;
Vu le code civil ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le
Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de
constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par Me Patrice Spinosi,
avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 4 et
21 mai 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 4
mai 2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Spinosi, pour le requérant, et M. Xavier Pottier, désigné par le
Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 19 juin 2012
;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de l'ordonnance
du 7 mars 1944 relative au statut des Français musulmans d'Algérie : « Sont
déclarés citoyens français, à titre personnel, et inscrits sur les mêmes listes
électorales que les citoyens non musulmans et participent aux mêmes scrutins les
Français musulmans du sexe masculin âgés de vingt-et-un ans et appartenant aux
catégories ci-après :
« - anciens officiers ;
« - titulaires d'un des diplômes suivants : diplôme de l'enseignement supérieur,
baccalauréat de l'enseignement secondaire, brevet supérieur, brevet élémentaire,
brevet d'études primaires supérieures, diplôme de fin d'études secondaires,
diplômes des Médersas, diplôme de sortie d'une grande école nationale ou d'une
école nationale de l'enseignement professionnel industriel, agricole ou
commercial, brevet de langue arabe et berbère ;
« - fonctionnaires ou agents de l'État, des départements, des communes, des
services publics ou concédés, en activité ou en retraite, titulaires d'un emploi
permanent soumis à un statut réglementaire, dans des conditions qui seront
fixées par décret ;
« - membres actuels et anciens des chambres de commerce et d'agriculture ;
« - bachaghas, aghas et caïds ayant exercé leurs fonctions pendant au moins
trois ans et n'ayant pas fait postérieurement l'objet d'une mesure de révocation
;
« - personnalités exerçant ou ayant exercé des mandats de délégué financier,
conseiller général, conseiller municipal de commune de plein exercice, ou
président d'une djemââ ;
« - membres de l'ordre national de la Légion d'honneur ;
« - compagnons de l'ordre de la Libération ;
« - titulaires de la médaille de la résistance ;
« - titulaires de la médaille militaire ;
« - titulaires de la médaille du travail et membres actuels ou anciens des
conseils syndicaux des syndicats ouvriers régulièrement constitués, après trois
ans d'exercice de leurs fonctions ;
« - conseillers prud'hommes actuels ou anciens ;
« - oukils judiciaires ;
« - membres actuels et anciens des conseils d'administrations des S.I.P.
artisanales et agricoles ;
« - membres actuels et anciens des conseils de section des S.I.P. artisanales et
agricoles » ;
2. Considérant que, selon le requérant, en interprétant cette disposition comme
ne reconnaissant pas à certains musulmans d'Algérie s'étant vu accorder la «
citoyenneté française » l'ensemble des droits attachés à cette citoyenneté, la
Cour de cassation a conféré à cette disposition une portée contraire au principe
d'égalité devant la loi ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi . . . Doit être la même pour tous, soit
qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose
ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes,
ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que,
dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en
rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
4. Considérant que, d'une part, par la disposition contestée, le législateur a
entendu conférer, en raison de leurs mérites, à certains Français musulmans
d'Algérie relevant du statut personnel des droits politiques identiques à ceux
qui étaient exercés par les Français de statut civil de droit commun domiciliés
en Algérie ; que, d'autre part, lors de l'accession de l'Algérie à
l'indépendance, l'article 1er de l'ordonnance du 21 juillet 1962 susvisée,
ensuite codifié à l'article 32-1 du code civil, a prévu : « Les Français de
statut civil de droit commun domiciliés en Algérie à la date de l'annonce
officielle des résultats du scrutin d'autodétermination conservent la
nationalité française quelle que soit leur situation au regard de la nationalité
algérienne » ; que l'accession à la citoyenneté française à titre personnel en
application de la disposition contestée ne permet pas, pour conserver la
nationalité française, de bénéficier de l'application de l'article 32-1 du code
civil qui ne s'applique qu'aux Français relevant du statut civil de droit commun
domiciliés en Algérie le 3 juillet 1962 ;
5. Considérant que le principe d'égalité n'imposait ni que des personnes
bénéficiant de droits politiques identiques soient soumises au même statut civil
ni qu'elles soient soumises aux mêmes règles concernant la conservation de la
nationalité française ; que les dispositions contestées n'ont pas pour effet de
soumettre à un traitement différent des personnes placées dans une situation
identique ; qu'il résulte de ce qui précède que le législateur n'a pas porté
atteinte au principe d'égalité devant la loi ;
6. Considérant que l'article 3 de l'ordonnance du 7 mars 1944 susvisée n'est
contraire à aucun autre droit ou liberté garanti par la Constitution ; qu'il
doit être déclaré conforme à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- L'article 3 de l'ordonnance du 7 mars 1944 relative au statut des
Français musulmans d'Algérie est conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 juin 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme
Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL, Nicolas SARKOZY et Pierre
STEINMETZ
Décision n° 2012-260 QPC du 29 juin 2012
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 12 avril 2012
par la Cour de cassation (première chambre civile, arrêt n° 584 du 12
avril 2012), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la
Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par
M. Roger D., relative à la conformité aux droits et libertés que la
Constitution garantit de l'article 460 du code civil.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code civil ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par Me Patrice Spinosi, avocat
au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 4 et 21 mai 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 4 mai
2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Spinosi, pour le requérant, Me Françoise Thouin-Palat, avocat au Conseil
d'État et à la Cour de cassation, pour Mme Monique D. et M. Xavier Pottier,
désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 19
juin 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 460 du code civil :
« Le mariage d'une personne en curatelle n'est permis qu'avec l'autorisation du
curateur ou, à défaut, celle du juge » ;
« Le mariage d'une personne en tutelle n'est permis qu'avec l'autorisation du
juge ou du conseil de famille s'il a été constitué et après audition des futurs
conjoints et recueil, le cas échéant, de l'avis des parents et de l'entourage »
;
2. Considérant que, selon le requérant, le mariage est un acte strictement
personnel ; qu'en subordonnant le mariage d'une personne en curatelle à
l'autorisation du curateur, l'article 460 du code civil porterait atteinte à la
liberté du mariage ;
3. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le
premier alinéa de l'article 460 du code civil ;
4. Considérant que la liberté du mariage, composante de la liberté personnelle,
résulte des articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen de 1789 ; que cette liberté ne restreint pas la compétence que le
législateur tient de l'article 34 de la Constitution pour fixer les conditions
du mariage dès lors que, dans l'exercice de cette compétence, il ne prive pas de
garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ; qu'il est en
outre loisible au législateur d'apporter à cette liberté des limitations liées à
des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la
condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de
l'objectif poursuivi ;
5. Considérant que, selon l'article 415 du code civil, les personnes majeures
reçoivent la protection de leur personne et de leurs biens que leur état ou leur
situation rend nécessaire ; que cette protection est instaurée et assurée dans
le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité
de la personne ; qu'elle a pour finalité l'intérêt de la personne protégée et
favorise, dans la mesure du possible, l'autonomie de celle-ci ; que l'article
428 du même code dispose que la mesure de protection ne peut être ordonnée par
le juge qu'en cas de nécessité et lorsqu'il ne peut être suffisamment pourvu aux
intérêts de la personne par l'application des règles du droit commun, par une
autre mesure de protection judiciaire moins contraignante ou par le mandat de
protection future ; qu'elle doit en outre être proportionnée et individualisée
en fonction du degré d'altération des facultés personnelles de l'intéressé ;
6. Considérant que la curatelle est l'une des mesures judiciaires de protection
juridique qui, selon l'article 425 du code civil, peut être ordonnée à l'égard
d'une personne atteinte d'une « altération, médicalement constatée, soit de ses
facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher
l'expression de sa volonté » ; que l'article 440 du même code dispose que le
juge peut placer en curatelle « la personne qui, sans être hors d'état d'agir
elle-même, a besoin, pour l'une des causes prévues à l'article 425, d'être
assistée ou contrôlée d'une manière continue dans les actes importants de la vie
civile » ;
7. Considérant que l'article 460 du code civil n'interdit pas le mariage de la
personne en curatelle ; qu'il le permet avec l'autorisation du curateur ; que le
refus du curateur peut être suppléé par l'autorisation du juge des tutelles dont
la décision prononcée après un débat contradictoire doit être motivée en
fonction de l'aptitude de l'intéressé à consentir au mariage ; que cette
décision judiciaire est susceptible de recours ; que la personne en curatelle
jouit des garanties nécessaires à l'exercice effectif de ces recours ;
8. Considérant qu'eu égard aux obligations personnelles et patrimoniales qui en
résultent, le mariage est « un acte important de la vie civile » ; qu'en
subordonnant le mariage d'une personne en curatelle à l'autorisation du curateur
ou à défaut à celle du juge, le législateur n'a pas privé la liberté du mariage
de garanties légales ; que les restrictions dont il a accompagné son exercice,
afin de protéger les intérêts de la personne, n'ont pas porté à cette liberté
une atteinte disproportionnée ;
9. Considérant que le premier alinéa de l'article 460 du code civil n'est
contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ; que, par
suite, il doit être déclaré conforme à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- Le premier alinéa de l'article 460 du code civil est conforme à la
Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 juin 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme
Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL, Nicolas SARKOZY et Pierre
STEINMETZ.
2 DECISIONS DU 13 JUILLET 2012
Décision n° 2012-262 QPC du 13 juillet 2012
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 17 avril 2012 par
le Conseil d'État (décision n° 356349 du 17 avril 2012), dans les conditions
prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de
constitutionnalité posée par l'association France Nature Environnement, relative
à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de la
dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 512-5 du code de
l'environnement dans sa rédaction résultant du 2° du I de l'article 97 de la loi
n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du
droit ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour
l'environnement ;
Vu la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la
qualité du droit ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations en intervention produites pour les sociétés Yprema, Modus
Valoris, Valenseine, Lingenheld Environnement et Moroni par Me Carl Enckell,
avocat au barreau de Paris, enregistrées le 9 mai 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 9 mai
2012 ;
Vu les observations produites par l'association requérante enregistrées le 23
mai 2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Benoist Busson, avocat au barreau de Paris, pour l'association requérante, Me
Enckell pour les sociétés intervenantes et M. Xavier Pottier, désigné par le
Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 26 juin 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de la dernière phrase du premier
alinéa de l'article L. 512-5 du code de l'environnement dans sa rédaction
résultant du 2° du I de l'article 97 de la loi du 17 mai 2011 susvisée : « Les
projets de règles et prescriptions techniques font l'objet d'une publication,
éventuellement par voie électronique, avant leur transmission au Conseil
supérieur de la prévention des risques technologiques » ;
2. Considérant que, selon l'association requérante, en n'organisant pas la
participation du public à l'élaboration des prescriptions générales relatives
aux installations classées soumises à autorisation, ces dispositions
méconnaissent le principe de participation garanti par l'article 7 de la Charte
de l'environnement ;
3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la
Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une
juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux
droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut
être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de
cassation qui se prononce dans un délai déterminé » ; que la méconnaissance par
le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une
question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette
méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution
garantit ;
4. Considérant que l'article 7 de la Charte de l'environnement dispose : « Toute
personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi,
d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les
autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques
ayant une incidence sur l'environnement » ; que ces dispositions figurent au
nombre des droits et libertés que la Constitution garantit ; qu'il incombe au
législateur et, dans le cadre défini par la loi, aux autorités administratives
de déterminer, dans le respect des principes ainsi énoncés, les modalités de la
mise en oeuvre de ces dispositions ;
5. Considérant que les dispositions de l'article L. 512-5 du code de
l'environnement sont relatives aux installations classées pour la protection de
l'environnement soumises à autorisation ; que, pour la protection des intérêts
mentionnés à l'article L. 511-1 du même code, le ministre chargé des
installations classées peut fixer par arrêté, après consultation des ministres
intéressés et du Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques,
les règles générales et prescriptions techniques applicables à ces installations
; que ces règles et prescriptions techniques déterminent les mesures propres à
prévenir et réduire les risques d'accident ou de pollution de toute nature
susceptibles d'intervenir, les conditions d'insertion de l'installation dans
l'environnement et de la remise en état du site après arrêt de l'exploitation ;
qu'en vertu des dispositions contestées, les projets de règles et prescriptions
techniques font l'objet d'une publication, éventuellement par voie électronique,
avant leur transmission au conseil supérieur mentionné ci-dessus ;
6. Considérant que le premier alinéa de l'article L. 511-1 du code de
l'environnement définit les installations classées comme « les usines, ateliers,
dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou
détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent
présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage,
soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour
l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des
paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la
conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine
archéologique » ; que, par suite, les projets de règles et prescriptions
techniques que doivent respecter, en vertu de l'article L. 512-5 du même code,
les installations classées pour la protection de l'environnement soumises à
autorisation, constituent des décisions publiques ayant une incidence sur
l'environnement ;
7. Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 120-1 du code
de l'environnement, issues de l'article 244 de la loi du 12 juillet 2010
susvisée, fixent les conditions et limites dans lesquelles le principe de
participation du public défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement est
applicable aux décisions réglementaires de l'État et de ses établissements
publics ; qu'elles prévoient que les décisions ayant une incidence directe et
significative sur l'environnement font l'objet soit d'une publication préalable
du projet de décision par la voie électronique dans des conditions permettant au
public de formuler des observations, soit d'une publication du projet de
décision avant la saisine d'un organisme comportant des représentants des
catégories de personnes concernées par la décision en cause et dont la
consultation est obligatoire ; que, toutefois, les dispositions de l'article L.
120-1 s'appliquent sauf disposition particulière relative à la participation du
public ; qu'en adoptant la dernière phrase du premier alinéa de l'article L.
512-5 du code de l'environnement contestée, le législateur a entendu introduire,
par le 2° du I de l'article 97 de la loi du 17 mai 2011, une telle disposition
particulière applicable aux installations classées soumises à autorisation ;
que, par suite, les projets de règles et prescriptions techniques applicables à
ces installations ne peuvent en tout état de cause être regardés comme étant
soumis aux dispositions de l'article L. 120-1 ;
8. Considérant, d'autre part, que les dispositions contestées prévoient que les
projets de règles et prescriptions techniques applicables aux installations
classées soumises à autorisation font l'objet d'une publication, éventuellement
par voie électronique, avant leur transmission au Conseil supérieur de la
prévention des risques technologiques ; que ni ces dispositions ni aucune autre
disposition législative n'assurent la mise en oeuvre du principe de
participation du public à l'élaboration des décisions publiques en cause ; que,
par suite, en adoptant les dispositions contestées sans prévoir la participation
du public, le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence ; que, dès lors,
les dispositions de la dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 512-5
du code de l'environnement sont contraires à la Constitution ;
9. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la
Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement
de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du
Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le
Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les
effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ;
que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à
l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition
déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances
en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel,
les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le
pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses
effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a
produits avant l'intervention de cette déclaration ; que l'abrogation immédiate
des dispositions déclarées contraires à la Constitution aurait pour seul effet
de faire disparaître les dispositions permettant l'information du public sans
satisfaire aux exigences du principe de participation de ce dernier ; que, par
suite, il y a lieu de reporter au 1er janvier 2013 la date d'abrogation de ces
dispositions,
D É C I D E :
Article 1er.- La dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 512-5 du code
de l'environnement est contraire à la Constitution.
Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet
le 1er janvier 2013 dans les conditions fixées au considérant 9.
Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 juillet 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme
Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Décision n° 2012-264 QPC du 13 juillet 2012
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 23 mai 2012 par la
Cour de cassation (première chambre civile, arrêt n° 648 du 23 mai 2012), dans
les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question
prioritaire de constitutionnalité posée par M. Saïd K., relative à la conformité
aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 21 2 du code
civil, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2003 1119 du 26 novembre 2003
relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à
la nationalité, et de l'article 26-4 du même code, dans sa rédaction résultant
de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à
l'intégration.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code civil ;
Vu la loi n° 98-170 du 16 mars 1998 relative à la nationalité ;
Vu la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de
l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité ;
Vu la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à
l'intégration ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2012-227 QPC du 30 mars 2012 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par Me Thomas Haas, avocat au
Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 14 juin 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 14 juin
2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Haas, pour le requérant, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier
ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 10 juillet 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 21-2 du code civil,
dans sa rédaction résultant de la loi du 26 novembre 2003 susvisée : «
L'étranger ou apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité
française peut, après un délai de deux ans à compter du mariage, acquérir la
nationalité française par déclaration à condition qu'à la date de cette
déclaration la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé
entre les époux et que le conjoint français ait conservé sa nationalité. Le
conjoint doit en outre justifier d'une connaissance suffisante, selon sa
condition, de la langue française.
« Le délai de communauté de vie est porté à trois ans lorsque l'étranger, au
moment de sa déclaration, ne justifie pas avoir résidé de manière ininterrompue
pendant au moins un an en France à compter du mariage ;
« La déclaration est faite dans les conditions prévues aux articles 26 et
suivants. Par dérogation aux dispositions de l'article 26-1, elle est
enregistrée par le ministre chargé des naturalisations » ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 26-4 du code civil, dans sa rédaction
résultant de la loi du 24 juillet 2006 susvisée : « À défaut de refus
d'enregistrement dans les délais légaux, copie de la déclaration est remise au
déclarant revêtue de la mention de l'enregistrement.
« Dans le délai de deux ans suivant la date à laquelle il a été effectué,
l'enregistrement peut être contesté par le ministère public si les conditions
légales ne sont pas satisfaites.
« L'enregistrement peut encore être contesté par le ministère public en cas de
mensonge ou de fraude dans le délai de deux ans à compter de leur découverte. La
cessation de la communauté de vie entre les époux dans les douze mois suivant
l'enregistrement de la déclaration prévue à l'article 21-2 constitue une
présomption de fraude » ;
3. Considérant que, selon le requérant, si le Conseil constitutionnel a déclaré
conformes à la Constitution l'article 21-2 du code civil, dans sa rédaction
résultant de la loi du 16 mars 1998 susvisée, ainsi que l'article 26 4 du même
code, dans sa rédaction identique à celle qui fait l'objet de la présente
question prioritaire de constitutionnalité, la modification des conditions
d'acquisition de la nationalité par mariage opérée par la loi du 26 novembre
2003 susvisée a conféré aux dispositions contestées une portée qui méconnaît le
droit au respect de la vie privée et familiale des époux ;
- SUR L'ARTICLE 21-2 DU CODE CIVIL :
4. Considérant que l'article 21-1 du code civil dispose : « Le mariage n'exerce
de plein droit aucun effet sur la nationalité » ; que, toutefois, l'article 21-2
fixe les conditions dans lesquelles le conjoint étranger d'une personne de
nationalité française peut acquérir la nationalité par une déclaration ; que,
par sa décision du 30 mars 2012 susvisée, le Conseil constitutionnel a jugé que
l'article 21-2 du code civil, dans sa rédaction résultant de la loi du 16 mars
1998, est conforme à la Constitution ; que la présente question prioritaire de
constitutionnalité porte sur cet article tel que modifié par l'article 65 de la
loi du 26 novembre 2003 ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 : « Le but de toute association politique est la
conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont
la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression » ; que la
liberté proclamée par cet article implique le respect de la vie privée ; que
cette liberté ne restreint pas la compétence que le législateur tient de
l'article 34 de la Constitution pour fixer les règles concernant la nationalité
dès lors que, dans l'exercice de cette compétence, il ne prive pas de garanties
légales des exigences constitutionnelles ;
6. Considérant que, comme le Conseil constitutionnel l'a jugé dans sa décision
du 30 mars 2012, ni le respect de la vie privée ni aucune autre exigence
constitutionnelle n'impose que le conjoint d'une personne de nationalité
française puisse acquérir la nationalité française à ce titre ; que, par suite,
en fixant à deux ans la durée de mariage sans cessation de la communauté de vie
nécessaire pour que le conjoint d'un Français puisse obtenir la nationalité
française à raison du mariage, en instituant un délai de trois ans lorsque
l'étranger ne justifie pas avoir résidé de manière ininterrompue pendant au
moins un an en France à compter du mariage, en supprimant la dérogation à ces
conditions de délai prévue en cas de naissance d'un enfant, en précisant le
contenu de l'obligation de vie commune au sens de l'article 215 du code civil et
en exigeant que le conjoint étranger justifie d'une connaissance suffisante de
la langue française, l'article 21-2 du code civil, dans sa rédaction résultant
de la loi du 26 novembre 2003, qui n'empêche pas l'étranger de vivre dans les
liens du mariage avec un ressortissant français et de constituer avec lui une
famille, ne porte, par lui-même, atteinte ni au droit au respect de la vie
privée ni au droit de mener une vie familiale normale ;
7. Considérant que l'article 21-2 du code civil ne méconnaît aucun autre droit
ou liberté que la Constitution garantit ; qu'il doit être déclaré conforme à la
Constitution;
- SUR L'ARTICLE 26-4 DU CODE CIVIL :
8. Considérant que l'article 26-4 du code civil oblige l'administration à
constater l'enregistrement de la déclaration aux fins d'acquisition de la
nationalité française si elle ne la refuse pas dans un certain délai ; qu'il
permet au ministère public de contester cette déclaration dans le délai de deux
ans à compter de l'enregistrement ou, en cas de mensonge ou de fraude, à compter
de leur découverte ; que ce même article institue une présomption de fraude en
cas de cessation de la communauté de vie entre les époux dans les douze mois
suivant l'enregistrement de la déclaration ;
9. Considérant que, dans sa décision précitée du 30 mars 2012, le Conseil
constitutionnel a jugé cet article conforme à la Constitution, sous une réserve
formulée au considérant 14 de cette décision ; que, si la loi du 26 novembre
2003 a porté de un an à, selon les cas, deux ou trois ans la durée de vie
commune nécessaire pour que le conjoint d'une personne de nationalité française
acquière la nationalité française par déclaration, la nouvelle rédaction ainsi
conférée à l'article 21 2 du code civil n'a d'incidence ni sur l'obligation
faite à l'administration, à défaut de refus d'enregistrement dans les délais
légaux, de constater l'acquisition de la nationalité, ni sur les délais dans
lesquels le ministère public peut contester la légalité de cet enregistrement,
ni enfin sur la période de douze mois suivant la déclaration pendant laquelle la
cessation de la vie commune constitue une présomption de fraude affectant la
validité de la déclaration ; qu'en conséquence, ces modifications de l'article
21-2 du code civil résultant de la loi du 26 novembre 2003 ne sont pas de nature
à modifier l'appréciation de la conformité de l'article 26-4 du même code aux
droits et libertés que la Constitution garantit ; que, par suite, sous la même
réserve, l'article 26-4 du code civil doit être déclaré conforme à la
Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- L'article 21-2 du code civil, dans sa rédaction résultant de la
loi n° 2003-1119 du 20 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au
séjour des étrangers en France et à la nationalité est conforme à la
Constitution.
Article 2.- Sous la réserve rappelée au considérant 9, l'article 26-4 du code
civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative
à l'immigration et à l'intégration, est conforme à la Constitution.
Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 juillet 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme
Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
3 DECISIONS DU 20 JUILLET 2012
Décision n° 2012-263 QPC du 20 juillet 2012
Syndicat des industries de matériels audiovisuels électroniques - SIMAVELEC [Validation législative et rémunération pour copie privée]
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 16 mai 2012 par le
Conseil d'État (décision n° 347934 du 16 mai 2012), dans les conditions prévues
à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de
constitutionnalité posée par le Syndicat des industries de matériels
audiovisuels électroniques (SIMAVELEC), relative à la conformité aux droits et
libertés que la Constitution garantit des dispositions du I de l'article 6 de la
loi n° 2011-1898 du 20 décembre 2011 relative à la rémunération pour copie
privée.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi n° 2011-1898 du 20 décembre 2011 relative à la rémunération pour copie
privée ;
Vu le code de la propriété intellectuelle ;
Vu la décision du Conseil d'État n° 324816, 325439, 325463, 325468, 325469 du 17
juin 2011 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la Société pour la perception de la
rémunération de la copie privée sonore et audiovisuelle (Copie France), par la
SCP Bernard Hemery et Carole Thomas-Raquin, avocat au Conseil d'État et à la
Cour de cassation, enregistrées le 6 juin 2012 ;
Vu les observations produites pour le syndicat requérant par Me Olivier de
Chazeaux, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 7 et 15 juin 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 7 juin
2012 ;
Vu les observations en intervention produites, d'une part, pour le Syndicat de
l'industrie des technologies de l'information et, d'autre part, pour les
sociétés Nokia France SA, Motorola Mobility France SAS, Sony Mobile
Communications AB, Acer Computer France, par Me Sophie Soubelet-Caroit, avocate
au barreau de Paris, enregistrées les 7 et 21 juin 2012 ;
Vu les observations en réponse aux interventions, produites pour Copie France
par la SCP Bernard Hemery et Carole Thomas-Raquin, enregistrées le 20 juin 2012
;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me de Chazeaux dans l'intérêt du syndicat requérant, Me Thomas-Raquin dans
l'intérêt de Copie France, Me Soubelet-Caroit pour les parties intervenantes et
M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à
l'audience publique du 26 juin 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes du I de l'article 6 de la loi n°
2011-1898 du 20 décembre 2011 relative à la rémunération pour copie privée : «
Jusqu'à l'entrée en vigueur de la plus proche décision de la commission prévue à
l'article L. 311-5 du code de la propriété intellectuelle et au plus tard
jusqu'au dernier jour du douzième mois suivant la promulgation de la présente
loi, sont applicables à la rémunération pour copie privée les règles, telles que
modifiées par les dispositions de l'article L. 311-8 du même code dans sa
rédaction issue de la présente loi, qui sont prévues par la décision n° 11 du 17
décembre 2008 de la commission précitée, publiée au Journal officiel du 21
décembre 2008, dans sa rédaction issue des décisions n° 12 du 20 septembre 2010,
publiée au Journal officiel du 26 octobre 2010, et n° 13 du 12 janvier 2011,
publiée au Journal officiel du 28 janvier 2011 » ;
2. Considérant que, selon le requérant, en prolongeant l'existence des règles
qui avaient été annulées par le Conseil d'État, les dispositions contestées
procèdent à une validation en méconnaissance des principes constitutionnels de
la séparation des pouvoirs et du droit à un recours juridictionnel effectif ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des
droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de
Constitution » ; que, si le législateur peut modifier rétroactivement une règle
de droit ou valider un acte administratif ou de droit privé, c'est à la
condition de poursuivre un but d'intérêt général suffisant et de respecter tant
les décisions de justice ayant force de chose jugée que le principe de
non-rétroactivité des peines et des sanctions ; qu'en outre, l'acte modifié ou
validé ne doit méconnaître aucune règle ni aucun principe de valeur
constitutionnelle, sauf à ce que le but d'intérêt général visé soit lui-même de
valeur constitutionnelle ; qu'enfin, la portée de la modification ou de la
validation doit être strictement définie ;
4. Considérant que par la décision susvisée du 17 juin 2011, le Conseil d'État a
annulé la décision n° 11 du 17 décembre 2008 de la commission prévue à l'article
L. 311-5 du code de la propriété intellectuelle, aux motifs « qu'en décidant que
l'ensemble des supports, à l'exception de ceux acquis par les personnes
légalement exonérées de la rémunération pour copie privée par les dispositions
de l'article L. 311-8 du code de la propriété intellectuelle, seraient soumis à
la rémunération, sans prévoir la possibilité d'exonérer ceux des supports
acquis, notamment à des fins professionnelles, dont les conditions d'utilisation
ne permettent pas de présumer un usage de ces matériels à des fins de copie
privée, la décision attaquée a méconnu les dispositions précitées du code de la
propriété intellectuelle et la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 telle
qu'interprétée par l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne » ; que
l'effet de l'annulation prononcée a été reporté à l'expiration d'un délai de six
mois à compter de la date de sa notification au ministre de la culture et de la
communication ;
5. Considérant, en premier lieu, que la rémunération pour copie privée a pour
objet d'assurer une compensation aux titulaires de droits d'auteur ou de droits
voisins en contrepartie de la reproduction par les usagers, pour leur usage
privé, des œuvres et autres objets de droits voisins protégés ; qu'elle
contribue en outre, selon une proportion fixée par l'article L. 321-9 du code de
la propriété intellectuelle, au financement d'actions d'aide à la création, à la
diffusion du spectacle vivant et à des actions de formation des artistes ;
6. Considérant qu'en reportant de six mois l'effet de l'annulation qu'il avait
prononcée, le Conseil d'État a entendu permettre que de nouvelles règles
relatives à l'assiette de la rémunération pour copie privée puissent être
adoptées avant que cette annulation ne prenne effet ; qu'il a estimé que « la
disparition rétroactive de la décision attaquée ferait revivre des règles
antérieurement en vigueur qui ne soumettent à la rémunération pour copie privée
qu'une fraction des matériels susceptibles de servir à l'exercice du droit de
copie privée, qui incluent les copies illégales dans l'assiette de la
rémunération et qui ne réservent pas la possibilité d'exempter les usages
professionnels ; que, d'une part, une annulation rétroactive serait à l'origine
des plus graves incertitudes quant à la situation et aux droits des ayants droit
comme des entreprises contributrices ; que, d'autre part, elle pourrait
provoquer des demandes de remboursement ou de versements complémentaires dont la
généralisation serait susceptible d'affecter profondément la continuité du
dispositif prévu par les articles L. 122-5 et L. 311-1 du code de la propriété
intellectuelle ; qu'enfin, la gravité de la méconnaissance des exigences du
droit de l'Union affectant les délibérations antérieures étant supérieure à
celle de la délibération attaquée, cette circonstance, ajoutée aux difficultés
d'exécution qui porteraient atteinte à l'existence même du système de
rémunération du droit de copie privée régi par la directive 2001/29/CE du 22 mai
2001 crée, en application du principe de sécurité juridique, reconnu par le
droit de l'Union, une nécessité impérieuse de différer pour une période de 6
mois l'effet de la présente décision » ;
7. Considérant que les dispositions contestées ont été adoptées avant
l'expiration du délai fixé par le Conseil d'État, alors que la commission prévue
à l'article L. 311-5 du code de la propriété intellectuelle n'avait pas été en
mesure d'établir en temps utile le nouveau barème de rémunération du droit de
copie privée ; qu'elles ont pour objet, en fixant des règles transitoires dans
l'attente d'une nouvelle décision de la commission et pendant un délai qui ne
peut en tout état de cause excéder douze mois, d'éviter que l'annulation
prononcée par le Conseil d'État ne produise les effets que ce dernier avait
entendu prévenir en reportant les effets de cette annulation ; que, par suite,
les dispositions contestées poursuivent un but d'intérêt général suffisant ;
8. Considérant, en second lieu, qu'en adoptant les dispositions contestées, le
législateur a validé les règles annulées en tant qu'elles sont modifiées « par
les dispositions de l'article L. 311-8 du même code dans sa rédaction issue de
la présente loi » ; que le II de cet article L. 311-8, issu de la loi du 20
décembre 2011 susvisée, dispose : « La rémunération pour copie privée n'est pas
due non plus pour les supports d'enregistrement acquis notamment à des fins
professionnelles dont les conditions d'utilisation ne permettent pas de présumer
un usage à des fins de copie privée » ; qu'ainsi, d'une part, les dispositions
contestées ont validé les règles annulées par le Conseil d'État, tout en mettant
fin au motif qui avait conduit à cette annulation ; que, d'autre part, cette
validation n'a pas pour objet de faire obstacle à ce que ces règles puissent
être contestées devant le juge administratif pour d'autres motifs ; que, par
suite, ces dispositions, qui ont strictement défini la portée de la validation,
ne contredisent pas les décisions de justice ayant force de chose jugée ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la
méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration de 1789 doit être rejeté ; que
le I de l'article 6 de la loi du 20 décembre 2011 susvisée, qui ne méconnaît
aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit être déclaré
conforme à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- Le I de l'article 6 de la loi n° 2011-1898 du 20 décembre 2011
relative à la rémunération pour copie privé est conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 juillet 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme
Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Décision n° 2012-266 QPC du 20 juillet 2012
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 24 mai 2012 par le
Conseil d'État (décision n° 354683 du 21 mai 2012), dans les conditions prévues
à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de
constitutionnalité posée par M. Georges R., relative à la conformité aux droits
et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 221-2 du code rural et
de la pêche maritime.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code rural et de la pêche maritime ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Waquet-Farge-Hazan,
avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 15 et 29
juin 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 15 juin
2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Claire Waquet, pour la société requérante, et M. Xavier Pottier, désigné par
le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 10 juillet 2012
;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 221-2 du code
rural et de la pêche maritime : « Des arrêtés conjoints du ministre chargé de
l'agriculture et du ministre chargé de l'économie et des finances fixent les
conditions d'indemnisation des propriétaires dont les animaux ont été abattus
sur l'ordre de l'administration, ainsi que les conditions de la participation
financière éventuelle de l'État aux autres frais obligatoirement entraînés par
l'élimination des animaux. Toute infraction aux dispositions du présent titre et
aux règlements pris pour leur application peut entraîner la perte de
l'indemnité. La décision appartient au ministre chargé de l'agriculture, sauf
recours à la juridiction administrative.
« Le ministre chargé de l'agriculture peut accorder aux exploitants qui en font
la demande, en vue du diagnostic, de la prévention et du traitement des maladies
des animaux, de l'élimination des animaux malades, de la réfection du logement
des animaux et de l'assainissement du milieu, des subventions dont le montant
est déterminé par des arrêtés conjoints des mêmes ministres » ;
2. Considérant que, selon le requérant, en prévoyant que toute infraction aux
dispositions du Titre II du Livre II du code rural et de la pêche maritime et
aux règlements pris pour leur application peut entraîner la perte de l'indemnité
résultant d'une décision administrative d'abattage d'animaux malades, les
dispositions contestées méconnaissent le principe de légalité des délits et des
peines, le principe de proportionnalité des peines ainsi que le principe
d'égalité ;
3. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les
deux dernières phrases du premier alinéa de l'article L. 221-2 du code rural et
de la pêche maritime ;
- SUR LE GRIEF TIRÉ DE LA MÉCONNAISSANCE DES PRINCIPES DE LÉGALITÉ DES DÉLITS ET
DE PROPORTIONNALITÉ DES PEINES :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines
strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu
d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée
» ; que les principes ainsi énoncés ne concernent pas seulement les peines
prononcées par les juridictions pénales mais s'étendent à toute sanction ayant
le caractère d'une punition ;
5. Considérant qu'il résulte de la jurisprudence constante du Conseil d'État que
l'indemnité versée en cas de décision administrative d'abattage d'animaux
malades en application de l'article L. 221-2 du code rural et de la pêche
maritime constitue un droit pour leur propriétaire ; que ce droit, naissant de
la décision d'abattage, peut être retiré en tout ou partie au propriétaire qui a
commis une infraction aux dispositions du Titre II du Livre II du code rural et
de la pêche maritime et aux règlements pris pour leur application ; que la
décision administrative de retrait d'indemnité constitue une sanction ayant le
caractère d'une punition ;
6. Considérant, en premier lieu, qu'appliquée en dehors du droit pénal,
l'exigence d'une définition des infractions sanctionnées se trouve satisfaite,
en matière administrative, dès lors que les textes applicables font référence
aux obligations auxquelles les intéressés sont soumis en raison de l'activité
qu'ils exercent, de la profession à laquelle ils appartiennent, de l'institution
dont ils relèvent ou de la qualité qu'ils revêtent ;
7. Considérant que les dispositions contestées font expressément référence aux
règles zoosanitaires contenues dans le Titre II du Livre II du code rural et de
la pêche maritime et dans les règlements pris pour son application et auxquels
sont tenus, en raison de leur qualité, les propriétaires d'animaux ; que, par
suite, les dispositions contestées ne méconnaissent pas l'exigence d'une
définition claire et précise des infractions sanctionnées ;
8. Considérant, en second lieu, que les dispositions contestées instituent une
sanction administrative susceptible de se cumuler avec les sanctions pénales
prévues aux articles L. 228-1 et R. 228-1 du code rural et de la pêche maritime
; que le principe d'un tel cumul n'est pas, en lui-même, contraire au principe
de proportionnalité des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration de 1789
;
9. Considérant que, toutefois, lorsqu'une sanction administrative est
susceptible de se cumuler avec une sanction pénale, le principe de
proportionnalité implique qu'en tout état de cause, le montant global des
sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de
l'une des sanctions encourues ; qu'il appartiendra donc aux autorités
administratives et judiciaires compétentes de veiller au respect de cette
exigence ; que, sous cette réserve, l'article L. 221-2 du code rural et de la
pêche maritime n'est pas contraire au principe de proportionnalité des peines ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sous la réserve énoncée au
considérant 9, les griefs tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la
Déclaration de 1789 doivent être écartés ;
- SUR LE GRIEF TIRÉ DE LA MÉCONNAISSANCE DU PRINCIPE D'ÉGALITÉ :
11. Considérant que l'article 6 de la Déclaration de 1789 dispose que la loi «
doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que
le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon
différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des
raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence
de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui
l'établit ;
12. Considérant que, si la décision de retrait de l'indemnité pouvait résulter
d'une infraction, par le propriétaire, aux règles zoosanitaires susmentionnées
sans que cette infraction ait contribué à la situation à l'origine de l'abattage
de ses animaux, deux propriétaires ayant commis le même manquement à ces règles
seraient traités de manière différente en raison d'une cause étrangère au
comportement de l'un d'eux qui a entraîné l'abattage des animaux ; qu'une telle
interprétation méconnaîtrait le principe d'égalité devant la loi ;
13. Considérant qu'il s'ensuit que la décision de perte d'indemnité ne saurait
être prononcée à l'encontre d'un propriétaire que s'il est établi que
l'infraction aux règles zoosanitaires qui justifie cette décision a contribué à
la situation à l'origine de l'abattage des animaux ; que, sous cette réserve,
l'article L. 221-2 du code rural et de la pêche maritime ne méconnaît pas le
principe d'égalité ;
14. Considérant que, par ailleurs, les dispositions contestées ne méconnaissent
ni le principe d'égalité devant les charges publiques ni aucun autre droit ou
liberté que la Constitution garantit,
D É C I D E :
Article 1er.- Sous les réserves énoncées aux considérants 9 et 13, les deux
dernières phrases du premier alinéa de l'article L.221-2 du code rural et de la
pêche maritime sont conformes à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 juillet 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme
Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Décision n° 2012-267 QPC du 20 juillet 2012
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 24 mai 2012 par le
Conseil d'État (décision n° 357796 du 23 mai 2012), dans les conditions prévues
à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de
constitutionnalité posée par Mme Irène L., relative à la conformité aux droits
et libertés que la Constitution garantit du 1 du I de l'article 1736 du code
général des impôts.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la requérante par la SCP Chatras Delpy et
Associés, avocat à Brive la Gaillarde, enregistrées le 29 juin 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 15 juin
2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendu à
l'audience publique du 10 juillet 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes du 1 du I de l'article 1736 du
code général des impôts : « Entraîne l'application d'une amende égale à 50 % des
sommes non déclarées le fait de ne pas se conformer aux obligations prévues à
l'article 240 et au 1 de l'article 242 ter et à l'article 242 ter B. L'amende
n'est pas applicable, en cas de première infraction commise au cours de l'année
civile en cours et des trois années précédentes, lorsque les intéressés ont
réparé leur omission, soit spontanément, soit à la première demande de
l'administration, avant la fin de l'année au cours de laquelle la déclaration
devait être souscrite » ;
2. Considérant que, selon la requérante, en punissant d'une amende égale à 50 %
des sommes non déclarées le fait d'avoir manqué à l'obligation de déclarer les
commissions, courtages, ristournes commerciales ou autres, vacations, honoraires
occasionnels ou non, gratifications et autres rémunérations, versés à des tiers
à l'occasion de l'exercice de sa profession, la disposition contestée porte
atteinte aux principes de nécessité, de proportionnalité et d'individualisation
des peines, qui découlent de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme
et du citoyen de 1789 ;
3. Considérant que l'article 8 de la Déclaration de 1789 dispose : « La loi ne
doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires » ; que
l'article 61-1 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un
pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du
Parlement, mais lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la
conformité des dispositions législatives soumises à son examen aux droits et
libertés que la Constitution garantit ; que, si la nécessité des peines
attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il
incombe au Conseil constitutionnel de s'assurer de l'absence de disproportion
manifeste entre l'infraction et la peine encourue ; qu'en outre, le principe
d'individualisation des peines qui découle de l'article 8 de la Déclaration de
1789 implique qu'une amende fiscale ne puisse être appliquée que si
l'administration, sous le contrôle du juge, l'a expressément prononcée en tenant
compte des circonstances propres à chaque espèce ; qu'il ne saurait toutefois
interdire au législateur de fixer des règles assurant une répression effective
de la méconnaissance des obligations fiscales ;
4. Considérant qu'en réprimant le manquement aux obligations, prévues à
l'article 240, au 1 de l'article 242 ter et à l'article 242 ter B du code
susvisé, de transmettre à l'administration fiscale des informations relatives
aux sommes versées à d'autres contribuables, la disposition contestée sanctionne
le non respect d'obligations déclaratives permettant à l'administration fiscale
de procéder aux recoupements nécessaires au contrôle du respect, par les
bénéficiaires des versements qui y sont mentionnés, de leurs obligations
fiscales ;
5. Considérant qu'en fixant l'amende encourue par l'auteur des versements en
proportion des sommes versées, le législateur a poursuivi un but de lutte contre
la fraude fiscale qui constitue un objectif de valeur constitutionnelle ; qu'il
a proportionné la sanction en fonction de la gravité des manquements réprimés
appréciée à raison de l'importance des sommes non déclarées ; que le taux de 50
% retenu n'est pas manifestement disproportionné ; que, par suite, le grief tiré
de la méconnaissance de l'article 8 de la Déclaration de 1789 doit être écarté ;
6. Considérant que le 1 du I de l'article 1736 du code général des impôts n'est
contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ; qu'il
doit être déclaré conforme à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- Le 1 du I de l'article 1736 du code général des impôts est
conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 juillet 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme
Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
3 DECISIONS DU 27 JUILLET 2012
Décision n° 2012-268 QPC du 27 juillet 2012
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 6 juin 2012 par la
Cour de cassation (première chambre civile, arrêt n° 795 du 6 juin 2012), dans
les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question
prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Annie M., relative à la
conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L.
224-8 du code de l'action sociale et des familles.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu le code civil ;
Vu la loi n° 84-422 du 6 juin 1984 relative aux droits des familles dans leurs
rapports avec les services chargés de la protection de la famille et de
l'enfance, et au statut des pupilles de l'État ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la requérante par la SCP Guillaume et Antoine
Delvolvé, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 27
juin 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 28 juin
2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendu à
l'audience publique du 24 juillet 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 224-8 du code de
l'action sociale et des familles : « L'admission en qualité de pupille de l'État
peut faire l'objet d'un recours, formé dans le délai de trente jours suivant la
date de l'arrêté du président du conseil général devant le tribunal de grande
instance, par les parents, en l'absence d'une déclaration judiciaire d'abandon
ou d'un retrait total de l'autorité parentale, par les alliés de l'enfant ou
toute personne justifiant d'un lien avec lui, notamment pour avoir assuré sa
garde, de droit ou de fait, et qui demandent à en assumer la charge.
«S'il juge cette demande conforme à l'intérêt de l'enfant, le tribunal confie sa
garde au demandeur, à charge pour ce dernier de requérir l'organisation de la
tutelle, ou lui délègue les droits de l'autorité parentale et prononce
l'annulation de l'arrêté d'admission.
«Dans le cas où il rejette le recours, le tribunal peut autoriser le demandeur,
dans l'intérêt de l'enfant, à exercer un droit de visite dans les conditions
qu'il détermine»
2. Considérant que, selon la requérante, en fixant à la date de l'arrêté
d'admission d'un enfant en qualité de pupille de l'État le point de départ du
délai de trente jours pour contester cet arrêté, sans prévoir sa publication ou
sa notification aux personnes ayant qualité pour agir, les dispositions
contestées méconnaissent le droit à un recours juridictionnel effectif ;
3. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le
premier alinéa de l'article L. 224-8 du code de l'action sociale et des familles
;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des
droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de
Constitution » ; qu'il résulte de cette disposition qu'il ne doit pas être porté
d'atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d'exercer un
recours effectif devant une juridiction ;
5. Considérant que les enfants mineurs recueillis par le service de l'aide
sociale à l'enfance et qui se trouvent dans une situation d'abandon du fait de
la volonté, de la carence ou de l'absence de leurs parents constatée dans les
conditions prévues par l'article L. 224-4 du code de l'action sociale et des
familles, sont admis en qualité de pupille de l'État ; qu'en application de
l'article 347 du code civil, les pupilles de l'État peuvent être adoptés ; que
l'article L. 225-1 du code de l'action sociale et des familles dispose que ces
pupilles « doivent faire l'objet d'un projet d'adoption dans les meilleurs
délais » ; qu'il résulte de l'article 351 du code civil qu'un pupille de l'État
peut être placé en vue de l'adoption ; que l'article 352 du même code prévoit
que « le placement en vue de l'adoption met obstacle à toute restitution de
l'enfant à sa famille d'origine » ;
6. Considérant que l'admission en qualité de pupille de l'État intervient
immédiatement lorsque l'enfant a fait l'objet d'une déclaration judiciaire
d'abandon en application de l'article 350 du code civil ou lorsque les parents
ont fait l'objet d'un retrait total de l'autorité parentale en vertu des
articles 378 et 378-1 du code civil ; qu'en application de l'article L. 224-4 du
code de l'action sociale et des familles, l'enfant n'est admis en qualité de
pupille de l'État qu'après l'écoulement d'un délai de deux mois suivant la date
d'établissement du procès-verbal d'admission à titre provisoire, soit lorsque sa
filiation n'est pas établie ou est inconnue, soit lorsque, sa filiation étant
établie et connue, l'enfant a été expressément remis au service de l'aide
sociale à l'enfance en vue de son admission comme pupille de l'État par les
personnes qui ont qualité pour consentir à son adoption, soit lorsque l'enfant
est orphelin de père et de mère et que sa tutelle n'est pas organisée selon le
chapitre II du titre X du livre Ier du code civil ; que ce délai est porté à six
mois lorsque l'enfant, dont la filiation est établie et connue, a été remis au
service de l'aide sociale à l'enfance en vue de son admission en qualité de
pupille de l'État par son père ou sa mère et que l'autre parent n'a pas fait
connaître au service, pendant ce délai, son intention d'en assumer la charge ;
que, dans ce dernier cas, le service de l'aide sociale à l'enfance « s'emploie à
connaître les intentions de l'autre parent » avant l'expiration de ce délai de
six mois ; que, selon l'article L. 224-6 du code de l'action sociale et des
familles, tant que l'admission en qualité de pupille de l'État n'a pas acquis un
caractère définitif, l'enfant peut être repris immédiatement et sans aucune
formalité par celui de ses père ou mère qui l'a confié au service ;
7. Considérant que l'article L. 224-6 du code de l'action sociale et des
familles prévoit que l'enfant est déclaré pupille de l'État à titre provisoire à
la date à laquelle est établi le procès-verbal qui constate son recueil par le
service de l'aide sociale à l'enfance ; que l'article L. 224-4 prévoit que
l'admission de l'enfant en qualité de pupille de l'État à titre définitif
n'intervient par arrêté du président du conseil général qu'à l'issue des délais
précités ; qu'en adoptant les dispositions contestées par la loi du 6 juin 1984
susvisée, le législateur a institué une voie de recours devant le tribunal de
grande instance contre cet arrêté d'admission en qualité de pupille de l'État à
titre définitif ; qu'à cette fin, il a conféré la qualité pour agir aux parents,
en l'absence d'une déclaration judiciaire d'abandon ou d'un retrait total de
l'autorité parentale, ainsi qu'aux alliés de l'enfant et, plus largement, à
toute personne justifiant d'un lien avec lui, notamment pour avoir assuré sa
garde, de droit ou de fait, et qui demandent à en assumer la charge ; que le
point de départ du délai de trente jours pour saisir le tribunal d'une
contestation court à compter de l'admission de l'enfant en qualité de pupille de
l'État à titre définitif ;
8. Considérant que le législateur a, d'une part, estimé qu'il serait contraire à
l'intérêt de l'enfant de publier l'arrêté de son admission en qualité de pupille
de l'État et, d'autre part, prévu que toute personne justifiant d'un lien avec
l'enfant peut former une contestation pendant un délai de trente jours à compter
de cet arrêté ; que le Conseil constitutionnel ne dispose pas d'un pouvoir
d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ; qu'il ne
lui appartient pas de substituer son appréciation à celle du législateur sur la
conciliation qu'il y a lieu d'opérer, dans l'intérêt de l'enfant remis au
service de l'aide sociale à l'enfance dans les conditions précitées, entre les
droits des personnes qui entendent se prévaloir d'une relation antérieure avec
lui et l'objectif de favoriser son adoption ;
9. Considérant, toutefois, que, si le législateur a pu choisir de donner qualité
pour agir à des personnes dont la liste n'est pas limitativement établie et qui
ne sauraient, par conséquent, recevoir toutes individuellement la notification
de l'arrêté en cause, il ne pouvait, sans priver de garanties légales le droit
d'exercer un recours juridictionnel effectif, s'abstenir de définir les cas et
conditions dans lesquels celles des personnes qui présentent un lien plus étroit
avec l'enfant sont effectivement mises à même d'exercer ce recours ; que, par
suite, les dispositions du premier alinéa de l'article L. 224-8 du code de
l'action sociale et des familles méconnaissent les exigences de l'article 16 de
la Déclaration de 1789 et doivent être déclarées contraires à la Constitution ;
10. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la
Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement
de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du
Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le
Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les
effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ;
que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à
l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition
déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances
en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel,
les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le
pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses
effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a
produits avant l'intervention de cette déclaration ;
11. Considérant que l'abrogation immédiate des dispositions critiquées aurait
pour effet de supprimer le droit de contester l'arrêté d'admission en qualité de
pupille de l'État et aurait des conséquences manifestement excessives ; qu'afin
de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité constatée, il y
a lieu de reporter au 1er janvier 2014 la date de cette abrogation ; qu'elle
n'est applicable qu'à la contestation des arrêtés d'admission en qualité de
pupille de l'État pris après cette date,
D É C I D E :
Article 1er.- Le premier alinéa de l'article L. 224-8 du code de l'action
sociale et des familles est contraire à la Constitution.
Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à
compter du 1er janvier 2014 dans les conditions prévues au considérant 11.
Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 26 juillet 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert
HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Décision n° 2012-269 QPC du 27 juillet 2012
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 8 juin 2012 par le
Conseil d'État (décision n° 357337 du 4 juin 2012), dans les conditions prévues
à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de
constitutionnalité posée par les associations « Union Départementale pour la
Sauvegarde de la Vie, de la Nature et de l'Environnement », « Amoureux du Levant
Naturiste » et « G. Cooper-Jardiniers de la mer », relative à la conformité aux
droits et libertés que la Constitution garantit du 4° de l'article L. 411-2 du
code de l'environnement.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le Syndicat Mixte Ports Toulon Provence (SMPTP)
par la SELARL Mauduit Lopasso et associés, avocat au barreau de Toulon,
enregistrées le 2 juillet 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 2 juillet
2002 ;
Vu les observations produites pour les associations requérantes par Me Benoist
Busson, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 17 juillet 2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Étienne Ambroselli, avocat au barreau de Paris, pour les associations
requérantes, Me Jean-Luc Mauduit pour le SMPTP et M. Xavier Pottier, désigné par
le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 24 juillet 2012
;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes du 4° de l'article L. 411-2 du
code de l'environnement, un décret en Conseil d'État détermine les conditions
dans lesquelles sont fixées:
« La délivrance de dérogation aux interdictions mentionnées aux 1°, 2°, et 3° de
l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution
satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de
conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de
répartition naturelle:
« a) Dans l'intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de
la conservation des habitats naturels ;
« b) Pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l'élevage,
aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d'autres formes de propriété ;
« c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres
raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou
économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques
primordiales pour l'environnement ;
« d) À des fins de recherche et d'éducation, de repeuplement et de
réintroduction de ces espèces et pour des opérations de reproduction nécessaires
à ces fins, y compris la propagation artificielle des plantes ;
« e) Pour permettre, dans des conditions strictement contrôlées, d'une manière
sélective et dans une mesure limitée, la prise ou la détention d'un nombre
limité et spécifié de certains spécimens»;
2. Considérant que, selon les associations requérantes, en n'imposant aucune
participation du public préalablement à l'édiction des mesures autorisant la
destruction des espèces protégées, les dispositions contestées méconnaissent les
exigences découlant de l'article 7 de la Charte de l'environnement
3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la
Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une
juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux
droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut
être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de
cassation qui se prononce dans un délai déterminé » ; que la méconnaissance par
le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une
question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette
méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution
garantit
4. Considérant que l'article 7 de la Charte de l'environnement dispose : « Toute
personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi,
d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les
autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques
ayant une incidence sur l'environnement » ; que ces dispositions figurent au
nombre des droits et libertés que la Constitution garantit ; qu'il incombe au
législateur et, dans le cadre défini par la loi, aux autorités administratives
de déterminer, dans le respect des principes ainsi énoncés, les modalités de la
mise en œuvre de ces dispositions
5. Considérant que les dispositions de l'article L. 411-1 du code de
l'environnement interdisent toute atteinte aux espèces animales non domestiques
ou végétales non cultivées et toute destruction, altération ou dégradation de
leur milieu, lorsqu'un intérêt scientifique particulier ou les nécessités de la
préservation du patrimoine biologique justifient leur conservation ; que les
dérogations à ces interdictions, notamment dans l'intérêt de la protection de la
faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels, pour
prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l'élevage, aux
forêts, aux pêcheries et aux eaux, ainsi que dans l'intérêt de la santé et de la
sécurité publiques et pour des motifs qui comporteraient des conséquences
bénéfiques primordiales pour l'environnement, constituent des décisions
publiques ayant une incidence sur l'environnement
6. Considérant que les dispositions contestées du 4° de l'article L. 411-2 du
code de l'environnement renvoient à un décret en Conseil d'État le soin de fixer
les conditions dans lesquelles sont délivrées des dérogations aux interdictions
précédemment mentionnées ; que, s'il est loisible au législateur de définir des
modalités de mise en œuvre du principe de participation qui diffèrent selon
qu'elles s'appliquent aux actes réglementaires ou aux autres décisions publiques
ayant une incidence sur l'environnement, ni les dispositions contestées ni
aucune autre disposition législative n'assurent la mise en oeuvre du principe de
participation du public à l'élaboration des décisions publiques en cause ; que,
par suite, en adoptant les dispositions contestées sans prévoir la participation
du public, le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence ; que, dès lors,
les dispositions du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement sont
contraires à la Constitution
7. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la
Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement
de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du
Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le
Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les
effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ;
que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à
l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition
déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances
en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel,
les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le
pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses
effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a
produits avant l'intervention de cette déclaration
8. Considérant que l'abrogation immédiate des dispositions déclarées contraires
à la Constitution aurait pour conséquence d'empêcher toute dérogation aux
interdictions précitées ; que, par suite, il y a lieu de reporter au 1er
septembre 2013 la date d'abrogation de ces dispositions ; que les dérogations
délivrées, avant cette date, en application des dispositions déclarées
inconstitutionnelles, ne peuvent être contestées sur le fondement de cette
inconstitutionnalité,
D É C I D E :
Article 1er. - Le 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement est
contraire à la Constitution.
Article 2. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet
le 1er septembre 2013 dans les conditions fixées au considérant 8.
Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 26 juillet 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert
HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Décision n° 2012-270 QPC du 27 juillet 2012
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 8 juin 2012 par le
Conseil d'État (décision n° 357695 du 4 juin 2012), dans les conditions prévues
à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de
constitutionnalité posée par la Fédération départementale des syndicats
d'exploitants agricoles du Finistère, relative à la conformité aux droits et
libertés que la Constitution garantit du 5° du II de l'article L. 211-3 du code
de l'environnement dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-1772 du 30 décembre
2006 sur l'eau et les milieux aquatiques.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques ;
Vu la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour
l'environnement ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la fédération requérante par Me Franck
Barbier, avocat au barreau de Rennes, enregistrées les 28 juin, 13 et 17 juillet
2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 2 juillet
2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Rémi-Pierre Drai, avocat au barreau de Paris, dans l'intérêt de la fédération
requérante et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été
entendus à l'audience publique du 24 juillet 2012;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes du 5° du II de l'article L.
211-3 du code de l'environnement dans sa rédaction issue de la loi du 30
décembre 2006 susvisée, des décrets déterminent en particulier les conditions
dans lesquelles l'autorité administrative peut : « Délimiter, le cas échéant
après qu'elles ont été identifiées dans le plan d'aménagement et de gestion
durable de la ressource en eau et des milieux aquatiques prévu par l'article L.
212-5-1, des zones où il est nécessaire d'assurer la protection quantitative et
qualitative des aires d'alimentation des captages d'eau potable d'une importance
particulière pour l'approvisionnement actuel ou futur, ainsi que des zones dans
lesquelles l'érosion diffuse des sols agricoles est de nature à compromettre la
réalisation des objectifs de bon état ou, le cas échéant, de bon potentiel
prévus par l'article L. 212-1, et y établir, dans les conditions prévues au 4°
du présent article, un programme d'actions à cette fin » ;
2. Considérant que, selon la fédération requérante, en ne prévoyant pas les
conditions dans lesquelles pourra s'exercer le droit de participation du public
lors de la délimitation des zones de protection d'aires d'alimentation de
captages d'eau potable et l'établissement, à l'intérieur de celles-ci, d'un
programme d'actions, les dispositions contestées méconnaissent le principe de
participation du public garanti par l'article 7 de la Charte de l'environnement
; qu'en ne prévoyant pas d'indemnisation au profit des propriétaires et
exploitants de terrains inclus dans de telles zones et en imposant des
restrictions à l'usage de ceux-ci, elles porteraient aussi atteinte à l'égalité
devant la loi et les charges publiques, ainsi qu'au droit de propriété ; que le
législateur n'aurait pas défini avec suffisamment de précision le champ
d'application des dispositions contestées ;
3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la
Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une
juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux
droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut
être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de
cassation qui se prononce dans un délai déterminé » ; que la méconnaissance par
le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une
question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette
méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution
garantit ;
4. Considérant que l'article 7 de la Charte de l'environnement dispose : « Toute
personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi,
d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les
autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques
ayant une incidence sur l'environnement » ; que ces dispositions figurent au
nombre des droits et libertés que la Constitution garantit ; qu'il incombe au
législateur et, dans le cadre défini par la loi, aux autorités administratives
de déterminer, dans le respect des principes ainsi énoncés, les modalités de la
mise en oeuvre de ces dispositions ;
5. Considérant que l'article L. 211-3 du code de l'environnement prévoit qu'en
complément des règles générales de préservation de la qualité et de répartition
des eaux superficielles, souterraines et des eaux de la mer dans la limite des
eaux territoriales déterminées par décret en Conseil d'État, des prescriptions
nationales ou particulières à certaines parties du territoire sont fixées par
décret en Conseil d'État afin d'assurer la protection des principes de gestion
équilibrée et durable de la ressource en eau mentionnés à l'article L. 211-1 du
même code ; que les dispositions contestées du 5° du II de l'article L. 211-3
permettent à l'autorité réglementaire de déterminer en particulier les
conditions dans lesquelles l'autorité administrative peut délimiter des zones où
il est nécessaire d'assurer la protection quantitative et qualitative des aires
d'alimentation des captages d'eau potable d'une importance particulière pour
l'approvisionnement, ainsi que des zones d'érosion et y établir un programme
d'actions à cette fin ; que, par suite, les décisions administratives délimitant
ces zones et y établissant un programme d'actions constituent des décisions
publiques ayant une incidence sur l'environnement ;
6. Considérant, d'une part, que la question prioritaire de constitutionnalité
porte sur les dispositions du 5° du II de l'article L. 211-3 du code de
l'environnement dans leur rédaction issue de la loi du 30 décembre 2006 ; que
cette rédaction a ensuite été modifiée par la loi du 12 juillet 2010 susvisée ;
que les dispositions de l'article L. 120-1 du code de l'environnement, qui
fixent les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du
public défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement est applicable aux
décisions réglementaires de l'État et de ses établissements publics, sont issues
de l'article 244 de cette même loi du 12 juillet 2010 ; qu'elles ne sont, en
tout état de cause, pas applicables à la question renvoyée par le Conseil d'État
au Conseil constitutionnel ;
7. Considérant, d'autre part, que ni les dispositions contestées ni aucune autre
disposition législative n'assurent la mise en oeuvre du principe de
participation du public à l'élaboration des décisions publiques en cause ; que,
par suite, en adoptant les dispositions contestées sans prévoir la participation
du public, le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence ; que, sans qu'il
soit besoin d'examiner les autres griefs, le 5° du II de l'article L. 211-3 du
code de l'environnement doit être déclaré contraire à la Constitution ;
8. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la
Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement
de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du
Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le
Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les
effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ;
que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à
l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition
déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances
en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel,
les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le
pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses
effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a
produits avant l'intervention de cette déclaration ;
9. Considérant, qu'en l'espèce, la déclaration immédiate d'inconstitutionnalité
pourrait avoir des conséquences manifestement excessives pour d'autres
procédures sans satisfaire aux exigences du principe de participation du public
; que, par suite, il y a lieu de reporter au 1er janvier 2013 la déclaration
d'inconstitutionnalité de ces dispositions ; que les décisions prises, avant
cette date, en application des dispositions déclarées inconstitutionnelles ne
peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité,
D É C I D E :
Article 1er. - Le 5° du II de l'article L. 211-3 du code de l'environnement est
contraire à la Constitution.
Article 2. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet
le 1er janvier 2013 dans les conditions fixées au considérant 9.
Article 3. - La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 26 juillet 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert
HAENEL et Pierre STEINMETZ.
3 DECISIONS DU 21 SEPTEMBRE 2012
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 21 juin 2012 par le
Conseil d'État (décision n° 357798 du 20 juin 2012), dans les conditions prévues
à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de
constitutionnalité posée par l'association « Comité radicalement anti-corrida
Europe » et l'association « Droits des animaux », relative à la conformité aux
droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 521-1 du code
pénal.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code pénal ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour les associations requérantes par Me Éric
Verrièle, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 11 et 27 juillet 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées les 13 et 30
juillet 2012 ;
Vu les observations en intervention produites pour les associations «
Observatoire national des cultures taurines » et « Union des villes taurines de
France », par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour
de cassation, enregistrées les 12 et 27 juillet 2012 ;
Vu la demande de récusation présentée par les requérants, enregistrée le 11
juillet 2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Verrièle, pour les associations requérantes, Me Emmanuel Piwnica pour les
associations intervenantes et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier
ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 11 septembre 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 521-1 du code pénal
: « Le fait, publiquement ou non, d'exercer des sévices graves, ou de nature
sexuelle, ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou
apprivoisé, ou tenu en captivité, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30
000 euros d'amende.
« En cas de condamnation du propriétaire de l'animal ou si le propriétaire est
inconnu, le tribunal statue sur le sort de l'animal, qu'il ait été ou non placé
au cours de la procédure judiciaire. Le tribunal peut prononcer la confiscation
de l'animal et prévoir qu'il sera remis à une fondation ou à une association de
protection animale reconnue d'utilité publique ou déclarée, qui pourra librement
en disposer.
« Les personnes physiques coupables des infractions prévues au présent article
encourent également les peines complémentaires d'interdiction, à titre définitif
ou non, de détenir un animal et d'exercer, pour une durée de cinq ans au plus,
une activité professionnelle ou sociale dès lors que les facilités que procure
cette activité ont été sciemment utilisées pour préparer ou commettre
l'infraction. Cette interdiction n'est toutefois pas applicable à l'exercice
d'un mandat électif ou de responsabilités syndicales.
« Les personnes morales, déclarées pénalement responsables dans les conditions
prévues à l'article 121-2 du code pénal, encourent les peines suivantes :
« - l'amende suivant les modalités prévues à l'article 131-38 du code pénal ;
« - les peines prévues aux 2°, 4°, 7°, 8° et 9° de l'article 131-39 du code
pénal.
« Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux courses de
taureaux lorsqu'une tradition locale ininterrompue peut être invoquée. Elles ne
sont pas non plus applicables aux combats de coqs dans les localités où une
tradition ininterrompue peut être établie.
« Est punie des peines prévues au présent article toute création d'un nouveau
gallodrome.
« Est également puni des mêmes peines l'abandon d'un animal domestique,
apprivoisé ou tenu en captivité, à l'exception des animaux destinés au
repeuplement » ;
2. Considérant que, selon les associations requérantes, en prévoyant pour les
courses de taureaux une exception à la répression pénale instituée par le
premier alinéa de l'article 521-1 du code pénal, les dispositions du septième
alinéa de ce même article portent atteinte au principe d'égalité devant la loi ;
3. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur la
première phrase du septième alinéa de l'article 521-1 du code pénal ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi... doit être la même pour tous, soit
qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose
ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes,
ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que,
dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en
rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; que le législateur tient
de l'article 34 de la Constitution ainsi que du principe de légalité des délits
et des peines qui résulte de l'article 8 de la Déclaration de 1789 l'obligation
de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale et de définir les
crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis pour exclure
l'arbitraire ;
5. Considérant que le premier alinéa de l'article 521-1 du code pénal réprime
notamment les sévices graves et les actes de cruauté envers un animal domestique
ou tenu en captivité ; que la première phrase du septième alinéa de cet article
exclut l'application de ces dispositions aux courses de taureaux ; que cette
exonération est toutefois limitée aux cas où une tradition locale ininterrompue
peut être invoquée ; qu'en procédant à une exonération restreinte de la
responsabilité pénale, le législateur a entendu que les dispositions du premier
alinéa de l'article 521 1 du code pénal ne puissent pas conduire à remettre en
cause certaines pratiques traditionnelles qui ne portent atteinte à aucun droit
constitutionnellement garanti ; que l'exclusion de responsabilité pénale
instituée par les dispositions contestées n'est applicable que dans les parties
du territoire national où l'existence d'une telle tradition ininterrompue est
établie et pour les seuls actes qui relèvent de cette tradition ; que, par
suite, la différence de traitement instaurée par le législateur entre
agissements de même nature accomplis dans des zones géographiques différentes
est en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; qu'en outre, s'il
appartient aux juridictions compétentes d'apprécier les situations de fait
répondant à la tradition locale ininterrompue, cette notion, qui ne revêt pas un
caractère équivoque, est suffisamment précise pour garantir contre le risque
d'arbitraire ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la
méconnaissance du principe d'égalité doit être rejeté ; que la première phrase
du septième alinéa de l'article 521-1 du code pénal, qui ne méconnaît aucun
autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit être déclarée conforme
à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- La première phrase du septième alinéa de l'article 521-1 du code
pénal est conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 20 septembre 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme
Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 26 juin 2012 par la
Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 4290 du 20 juin 2012), dans les
conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question
prioritaire de constitutionnalité posée par M. Afif F., relative à la conformité
aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 8-2 de
l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante dans
sa rédaction postérieure à la loi n° 2011-1940 du 26 décembre 2011 visant à
instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu la loi n° 2011-1940 du 26 décembre 2011 visant à instaurer un service citoyen
pour les mineurs délinquants ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 18
juillet 2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
L'affaire ayant été appelée à l'audience publique du 11 septembre 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 8-2 de l'ordonnance
n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante dans sa rédaction
postérieure à la loi n° 2011-1940 du 26 décembre 2011 susvisée : « En matière
correctionnelle, le procureur de la République pourra, à tout moment de la
procédure, s'il estime que des investigations suffisantes sur la personnalité du
mineur ont été effectuées, le cas échéant à l'occasion d'une précédente
procédure, et que des investigations sur les faits ne sont pas ou ne sont plus
nécessaires, requérir du juge des enfants qu'il ordonne la comparution de
mineurs soit devant le tribunal pour enfants, soit devant le tribunal
correctionnel pour mineurs, soit devant la chambre du conseil, dans un délai
compris entre un et trois mois. Dans le cas prévu à l'article 24-1 de la
présente ordonnance, ce délai peut être compris entre dix jours et un mois. Les
dispositions des deux derniers alinéas de l'article 82 et des deux premiers
alinéas de l'article 185 du code de procédure pénale sont alors applicables,
l'appel ou le recours du parquet étant porté devant le président de la chambre
spéciale des mineurs de la cour d'appel ou son remplaçant, qui statuera dans les
quinze jours de sa saisine. L'appel ou le recours du procureur de la République
sera porté à la connaissance du mineur, de ses représentants légaux et de son
avocat, qui pourront présenter par écrit toutes observations utiles » ;
2. Considérant que, selon le requérant, en permettant la convocation d'un mineur
devant la juridiction de jugement sans instruction préparatoire préalable, quels
que soient son âge, ses antécédents judiciaires et la gravité des faits qui lui
sont reprochés, ces dispositions méconnaissent le principe fondamental reconnu
par les lois de la République en matière de justice pénale des mineurs ; qu'en
outre, en prévoyant deux délais de convocation différents, ces dispositions
seraient inintelligibles ;
3. Considérant, en premier lieu, que l'atténuation de la responsabilité pénale
des mineurs en fonction de l'âge, comme la nécessité de rechercher le relèvement
éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et
à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des
procédures appropriées, ont été constamment reconnues par les lois de la
République depuis le début du vingtième siècle ; que ces principes trouvent
notamment leur expression dans la loi du 12 avril 1906 sur la majorité pénale
des mineurs, la loi du 22 juillet 1912 sur les tribunaux pour enfants et
l'ordonnance du 2 février 1945 sur l'enfance délinquante ; que, toutefois, la
législation républicaine antérieure à l'entrée en vigueur de la Constitution de
1946 ne consacre pas de règle selon laquelle les mesures contraignantes ou les
sanctions devraient toujours être évitées au profit de mesures purement
éducatives ; qu'en particulier, les dispositions originelles de l'ordonnance du
2 février 1945 n'écartaient pas la responsabilité pénale des mineurs et
n'excluaient pas, en cas de nécessité, que fussent prononcées à leur égard des
mesures telles que le placement, la surveillance, la retenue ou, pour les
mineurs de plus de treize ans, la détention ; que telle est la portée du
principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice
des mineurs ;
4. Considérant que les dispositions contestées permettent au procureur de la
République, à tout moment de la procédure, de requérir du juge des enfants de
renvoyer le mineur devant la juridiction de jugement compétente pour connaître
des délits qui lui sont reprochés ; que la décision de saisir la juridiction de
jugement appartient au juge des enfants qui ne fait droit à la requête du
procureur de la République que s'il estime que « des investigations suffisantes
sur la personnalité du mineur ont été effectuées, le cas échéant à l'occasion
d'une précédente procédure, et que des investigations sur les faits ne sont pas
ou ne sont plus nécessaires » ; qu'à défaut, il lui appartient de poursuivre
l'instruction préparatoire après avoir rejeté la requête du procureur de la
République par une ordonnance susceptible d'appel devant le président de la
chambre spéciale des mineurs de la cour d'appel ou son remplaçant ; que, dans
ces conditions, les dispositions contestées n'empêchent pas que les mineurs
soient jugés selon une procédure appropriée à la recherche de leur relèvement
éducatif ; que, par suite, elles ne méconnaissent pas le principe fondamental
reconnu par les lois de la République en matière de justice pénale des mineurs ;
5. Considérant, en second lieu, que les dispositions contestées prévoient que,
s'il fait droit à la requête du procureur de la République, le juge des enfants
renvoie le mineur devant la juridiction de jugement compétente dans un délai «
compris entre un et trois mois » ; qu'elles précisent, en outre, que, lorsque le
mineur est renvoyé devant le tribunal correctionnel des mineurs, « ce délai peut
être compris entre dix jours et un mois » ; qu'en tout état de cause, ces
dispositions ne sont pas inintelligibles ;
6. Considérant que les dispositions de l'article 8-2 de l'ordonnance du 2
février 1945 relative à l'enfance délinquante, qui ne méconnaissent aucun autre
droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes
à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- L'article 8-2 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative
à l'enfance délinquante dans sa rédaction postérieure à la loi n° 2011-1940 du
26 décembre 2011 visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs
délinquants est conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 20 septembre 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme
Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 2 juillet 2012 par
le Conseil d'État (décision n° 358262 du 2 juillet 2012), dans les conditions
prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de
constitutionnalité posée par la Société Egilia, relative à la conformité aux
droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 6362-5 du code
du travail et des articles L. 6362-7 et L. 6362-10 du même code, dans leur
rédaction antérieure à la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à
l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code du travail ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la société requérante par la SCP Célice,
Blancpain, Soltner, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation,
enregistrées le 6 juillet 2012, et par la SELARL Cloix et Mendès-Gil, avocat au
barreau de Paris, enregistrées le 20 juillet 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 24
juillet 2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Pierre-Emmanuel Cloix pour la société requérante, Me Cyril Parlant, avocat au
barreau des Hauts-de-Seine, pour la société La Fourmi, partie intervenante, et
M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à
l'audience publique du 11 septembre 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 6362-5 du code
du travail : « Les organismes mentionnés à l'article L. 6361-2 sont tenus, à
l'égard des agents de contrôle mentionnés à l'article L. 6361-5 :
« 1° De présenter les documents et pièces établissant l'origine des produits et
des fonds reçus ainsi que la nature et la réalité des dépenses exposées pour
l'exercice des activités conduites en matière de formation professionnelle
continue ;
« 2° De justifier le rattachement et le bien-fondé de ces dépenses à leurs
activités ainsi que la conformité de l'utilisation des fonds aux dispositions
légales régissant ces activités.
« À défaut de remplir ces conditions, les organismes font, pour les dépenses
considérées, l'objet de la décision de rejet prévue à l'article L. 6362-10 » ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 6362-7 du même code, dans sa
rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2009-1437 du 24 novembre
2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de
la vie : « Les organismes prestataires d'actions de formation entrant dans le
champ de la formation professionnelle continue au sens de l'article L. 6313-1
versent au Trésor public, solidairement avec leurs dirigeants de fait ou de
droit, une somme égale au montant des dépenses ayant fait l'objet d'une décision
de rejet en application de l'article L. 6362-10.
« En cas de soupçon de mauvaise foi ou de manœuvres frauduleuses, l'autorité
administrative porte plainte. Dans ce cas, les sanctions prévues aux articles
1741, 1743 et 1750 du code général des impôts sont applicables. »
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 6362-10 du même code, dans sa
rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 24 novembre 2009
précitée : « Les décisions de rejet de dépenses et de versement mentionnées au
présent titre prises par l'autorité administrative ne peuvent intervenir, après
la notification des résultats du contrôle, que si une procédure contradictoire a
été respectée » ;
4. Considérant que, selon la société requérante, en ne définissant pas de façon
suffisamment précise les obligations mises à la charge des organismes
dispensateurs de formation professionnelle continue, alors que l'absence de
respect de ces obligations est passible d'une amende, les dispositions
contestées méconnaissent le principe de la légalité des délits ; que, selon la
société intervenante, en faisant porter le contrôle de l'administration
compétente sur l'ensemble des dépenses engagées par ces organismes au titre de
la formation professionnelle continue, ces dispositions portent également
atteinte au principe de la liberté d'entreprendre ;
- SUR LE GRIEF TIRÉ DE L'ATTEINTE AU PRINCIPE DE LA LIBERTÉ D'ENTREPRENDRE :
5. Considérant que la liberté d'entreprendre découle de l'article 4 de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'il est toutefois
loisible au législateur d'apporter à cette liberté des limitations liées à des
exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition
qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif
poursuivi ;
6. Considérant que le livre III de la sixième partie du code du travail organise
l'accès des travailleurs à la formation professionnelle continue et réglemente
notamment les conditions dans lesquelles cette formation est financée ; qu'à ce
titre, l'article L. 6331-1 du même code impose aux employeurs de participer au
financement d'actions de formation professionnelle continue ; que les actions
conduites au titre de cette formation bénéficient en outre de financements
publics ;
7. Considérant que l'article L. 6361-1 du code du travail confie à l'État
l'exercice d'un contrôle administratif et financier sur les dépenses de
formation exposées par les employeurs au titre de leur obligation de
participation au développement de la formation professionnelle continue
instituée par l'article L. 6331-1 et sur les actions prévues aux articles L.
6313-1 et L. 6314-1 qu'ils conduisent, financées par l'État, les collectivités
territoriales ou les organismes paritaires agréés ; que l'article L. 6361-2 fixe
la liste des organismes qui conduisent les activités de formation
professionnelle continue sur lesquels l'État exerce ce contrôle administratif et
financier ;
8. Considérant que les dispositions contestées de l'article L. 6362-5 précisent
les modalités du contrôle des organismes prestataires d'activités de formation
professionnelle continue par les agents de l'État ; que ce contrôle est destiné
à vérifier que les sommes versées par les personnes publiques en faveur de la
formation professionnelle ou par les employeurs au titre de leur obligation de
contribuer au financement de la formation professionnelle continue sont
affectées à cette seule fin ; que le législateur a ainsi poursuivi un but
d'intérêt général ; que ni la liberté d'entreprendre ni aucune autre exigence
constitutionnelle ne fait obstacle à ce que les organismes prestataires
d'activités de formation professionnelle continue soient soumis à un contrôle
par l'autorité administrative de leur activité et de leurs dépenses ; que, dès
lors, l'atteinte portée à la liberté d'entreprendre par les dispositions de
l'article L. 6362-5 du code du travail n'est pas disproportionnée au regard de
l'objectif poursuivi ;
- SUR LE GRIEF TIRÉ DE L'ATTEINTE AU PRINCIPE DE LA LÉGALITÉ DES DÉLITS :
9. Considérant que l'article 8 de la Déclaration de 1789 dispose : « La loi ne
doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires et nul ne peut
être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit,
et légalement appliquée » ; que les principes ainsi énoncés ne concernent pas
seulement les peines prononcées par les juridictions pénales mais s'étendent à
toute sanction ayant le caractère d'une punition ; que, toutefois, appliquée en
dehors du droit pénal, l'exigence d'une définition des infractions sanctionnées
se trouve satisfaite, en matière administrative, dès lors que les textes
applicables font référence aux obligations auxquelles les intéressés sont soumis
en raison de l'activité qu'ils exercent, de la profession à laquelle ils
appartiennent, de l'institution dont ils relèvent ou de la qualité qu'ils
revêtent ;
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 6362-5 mettent à la charge
des organismes prestataires d'activités de formation professionnelle continue
des obligations dont la méconnaissance entraîne, en application des articles L.
6362-7 et L. 6362-10, le rejet des dépenses exposées au titre de la formation
professionnelle continue ainsi que l'obligation de verser au Trésor public une
amende égale au montant des dépenses rejetées ; que ces dispositions instituent
des sanctions ayant le caractère d'une punition ;
11. Considérant, en premier lieu, qu'en réprimant l'absence de présentation des
documents et pièces établissant l'origine des produits et des fonds reçus ainsi
que la nature et la réalité des dépenses exposées pour l'exercice des activités
conduites en matière de formation professionnelle continue, exigée au 1° de
l'article L. 6362-5, et le défaut de justification du rattachement de ces
dépenses à leurs activités, imposée au 2° de l'article L. 6362-5, le législateur
a défini précisément les obligations auxquelles sont soumis les organismes de
formation professionnelle et dont la méconnaissance est réprimée par les
dispositions contestées ; que les dispositions du 2° de l'article L. 6362-5
imposent également aux organismes prestataires d'activités de formation
professionnelle continue l'obligation de justifier le « bien-fondé » des
dépenses faites au titre de la formation professionnelle continue ; que cette
exigence a pour objet d'imposer que ces dépenses soient utiles à la réalisation
des actions de formation professionnelle ; que l'étendue des obligations dont la
méconnaissance est ainsi réprimée est définie de manière suffisamment précise et
ne méconnaît pas le principe de la légalité des délits ;
12. Considérant, en second lieu, qu'en réprimant le défaut de justification de
la conformité de l'utilisation des fonds aux dispositions légales régissant ces
activités, exigée au 2° de l'article L. 6362-5, le législateur a entendu
sanctionner une utilisation de ces fonds contraire non à l'ensemble des
dispositions législatives applicables mais seulement à celles réglementant
spécialement les activités de formation professionnelle continue ; que, dans ces
conditions, l'obligation de justifier « la conformité de l'utilisation des fonds
reçus aux dispositions légales régissant ces activités » ne méconnaît pas le
principe de la légalité des délits ;
13. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires ni aux
exigences qui résultent de l'article 8 de la Déclaration de 1789 ni à aucun
autre droit ou liberté garanti par la Constitution ; que ces dispositions
doivent être déclarées conformes à la Constitution,
DÉCIDE :
Article 1er.- L'article L. 6362-5 du code du travail et les articles L. 6362-7
et L. 6362-10 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à la loi n°
2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation
professionnelle tout au long de la vie, sont conformes à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 20 septembre 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme
Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
3 DECISIONS DU 28 SEPTEMBRE 2012
Décision n° 2012-274 QPC du 28 septembre 2012
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 5 juillet 2012 par
la Cour de cassation (première chambre civile, arrêt n° 972 du 5 juillet 2012),
dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question
prioritaire de constitutionnalité posée par M. Maurice G. et Mme Marie-Thérèse
G. épouse N., relative à la conformité aux droits et libertés que la
Constitution garantit de l'article 73 de la loi du 1er juin 1924 mettant en
vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du
Haut-Rhin et de la Moselle. L'article 73 de la loi du 1er juin 1924 conserve les
règles successorales applicables avant 1919 dans les départements du Bas-Rhin,
du Haut-Rhin et de la Moselle. Son premier alinéa permet au donataire ou au
légataire d'une exploitation agricole, s'il est le conjoint survivant ou un
successible en ligne directe d'une personne ayant le statut d'Alsacien-Lorrain,
de retenir en totalité l'objet de la libéralité, même si la valeur de cet objet
excède la quotité disponible. Il impose alors le versement d'une indemnité aux
cohéritiers. La QPC portait sur le troisième alinéa de l'article 73 qui fixe les
modalités selon lesquelles cette indemnité est calculée. Par dérogation aux
dispositions de droit commun de l'article 922 du code civil, cette indemnité est
calculée sur la base du revenu net moyen de l'exploitation à l'époque de
l'ouverture de la succession.
En premier lieu, le Conseil constitutionnel a rappelé sa jurisprudence selon
laquelle l'existence de règles propres à l'Alsace-Moselle n'est pas, par
elle-même, contraire à la Constitution (n° 2011-157 QPC du 5 août 2011). Il a
donc écarté le grief tiré de la violation du principe d'égalité entre les
héritiers selon que la succession est ou non régie par les dispositions
contestées.
En deuxième lieu, il a écarté le grief tiré du principe d'égalité entre les
cohéritiers. Si le principe d'égalité devant la loi successorale impose que les
héritiers placés dans une situation identique bénéficient de droits égaux dans
la succession, il ne fait pas obstacle à ce que la loi autorise le donateur ou
le testateur à avantager l'un de ses héritiers par un acte de volonté. En
l'espèce le législateur a entendu favoriser la transmission des exploitations
agricoles en ligne directe en évitant leur cession ou leur morcellement. Les
modalités d'évaluation de la valeur de l'exploitation agricole instituent une
différence de traitement en lien direct avec l'objet de la loi.
Enfin, le Conseil a écarté le grief tiré de l'atteinte au droit de propriété. Il
a rappelé que les héritiers ne deviennent propriétaires des biens du défunt
qu'en vertu de la loi successorale. Dès lors était inopérant le grief tiré de ce
que les dispositions contestées, qui définissent les modalités selon lesquelles
sont appréciés les droits respectifs des donataires ou légataires et des
héritiers réservataires dans la succession, porteraient atteinte au droit de
propriété des héritiers.
Au total, le Conseil constitutionnel a jugé le troisième alinéa de l'article 73
de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française
dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle conforme à la
Constitution.
1. Considérant qu'aux termes de l'article 73 de la loi du 1er
juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les
départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle : « Lorsque le don ou
legs fait à un successible en ligne directe ou au conjoint survivant a pour
objet une exploitation agricole, industrielle ou commerciale unique, le
donataire ou légataire peut, par dérogation à l'article 866 du code civil,
retenir en totalité l'objet de la libéralité, même si la valeur de cet objet
excède la quotité disponible et quel que soit cet excédent, sauf à récompenser
les cohéritiers ou héritiers en argent ou autrement.
« Il en est de même lorsque le don ou legs fait au conjoint survivant concerne
les objets mobiliers ayant servi au ménage commun des époux.
« L'estimation d'une exploitation agricole se fait à dire d'experts, sur la base
du revenu net moyen de l'exploitation à l'époque de l'ouverture de la
succession.
« Les avantages résultant pour le donataire ou légataire d'une exploitation
agricole, des délais accordés pour le paiement des sommes dues aux héritiers, ne
constituent pas une libéralité imputable sur la portion disponible et sur la
réserve légale, même si les sommes sont stipulées non productives d'intérêt,
pourvu toutefois que le paiement ne soit pas retardé au-delà de cinq ans à
partir de l'ouverture de la succession du disposant. En cas de vente totale ou
partielle des immeubles légués ou donnés avant expiration du délai de
libération, les sommes encore dues deviennent immédiatement exigibles » ;
2. Considérant que, selon les requérants, en prévoyant, en cas de don ou de legs
d'une exploitation agricole à un successible en ligne directe, que l'indemnité
de réduction due aux héritiers réservataires est évaluée, quelles que soient les
circonstances, sur la base du revenu net moyen de l'exploitation à l'époque de
l'ouverture de la succession, ces dispositions confèrent au donataire ou au
légataire un avantage qui n'est pas justifié par un motif d'intérêt général et
qui porte une atteinte inconstitutionnelle, d'une part, à l'égalité entre les
héritiers et, d'autre part, au droit de propriété des cohéritiers réservataires
;
3. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le
troisième alinéa de l'article 73 de la loi du 1er juin 1924 précitée ;
4. Considérant que, selon l'article 912 du code civil, la réserve héréditaire
est « la part des biens et droits successoraux dont la loi assure la dévolution
libre de charges à certains héritiers dits réservataires, s'ils sont appelés à
la succession et s'ils l'acceptent » ; que la quotité disponible est « la part
des biens et droits successoraux qui n'est pas réservée par la loi et dont le
défunt a pu disposer librement par des libéralités » ; que, selon l'article 924
du code civil, « le gratifié, successible ou non successible, doit indemniser
les héritiers réservataires à concurrence de la portion excessive de la
libéralité, quel que soit cet excédent » ; qu'en vertu du premier alinéa de
l'article 73 de la loi du 1er juin 1924 précitée, le donataire ou le légataire
d'une exploitation agricole, s'il est le conjoint survivant ou un successible en
ligne directe, peut retenir en totalité l'objet de la libéralité, même si la
valeur de cet objet excède la quotité disponible et quel que soit cet excédent ;
que, dans ce cas, cette disposition impose le versement d'une indemnité aux
cohéritiers ; que les dispositions du troisième alinéa de cet article 73 fixent
les modalités selon lesquelles cette indemnité est calculée ; qu'elles ont pour
effet de déroger aux dispositions de l'article 922 du code civil selon
lesquelles l'indemnité de réduction est calculée d'après la valeur des biens
existant au décès du donateur ou du testateur et, s'agissant des biens donnés, «
d'après leur état à l'époque de la donation et leur valeur à l'ouverture de la
succession » ;
- SUR LES GRIEFS TIRÉS DE L'ATTEINTE AU PRINCIPE D'ÉGALITÉ :
. En ce qui concerne l'égalité entre les héritiers selon que la succession est
ou non régie par les dispositions contestées :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 17 octobre 1919
relative au régime transitoire de l'Alsace et de la Lorraine, adoptée à la suite
du rétablissement de la souveraineté de la France sur ces territoires : « Les
territoires d'Alsace et de Lorraine continuent, jusqu'à ce qu'il ait été procédé
à l'introduction des lois françaises, à être régies par les dispositions
législatives et réglementaires qui y sont actuellement en vigueur » ; que les
lois procédant à l'introduction des lois françaises et notamment les deux lois
du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française et portant
introduction des lois commerciales françaises dans les départements du Bas-Rhin,
du Haut-Rhin et de la Moselle ont expressément maintenu en vigueur dans ces
départements certaines législations antérieures ou édicté des règles
particulières pour une durée limitée qui a été prorogée par des lois successives
; qu'enfin, selon l'article 3 de l'ordonnance du 15 septembre 1944 relative au
rétablissement de la légalité républicaine dans les départements du Bas-Rhin, du
Haut-Rhin et de la Moselle : « La législation en vigueur... à la date du 16 juin
1940 est restée seule applicable et est provisoirement maintenue en vigueur » ;
6. Considérant qu'ainsi, la législation républicaine antérieure à l'entrée en
vigueur de la Constitution de 1946 a consacré le principe selon lequel, tant
qu'elles n'ont pas été remplacées par les dispositions de droit commun ou
harmonisées avec elles, des dispositions législatives et réglementaires
particulières aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle
peuvent demeurer en vigueur ; qu'à défaut de leur abrogation ou de leur
harmonisation avec le droit commun, ces dispositions particulières ne peuvent
être aménagées que dans la mesure où les différences de traitement qui en
résultent ne sont pas accrues et que leur champ d'application n'est pas élargi ;
que telle est la portée du principe fondamental reconnu par les lois de la
République en matière de dispositions particulières applicables dans les trois
départements dont il s'agit ; que ce principe doit aussi être concilié avec les
autres exigences constitutionnelles ;
7. Considérant que les dispositions contestées ont été adoptées pour conserver
dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle des règles
successorales applicables avant 1919 ; que ces dispositions s'appliquent lorsque
la libéralité porte sur une exploitation agricole et a été consentie par une
personne ayant la qualité d'Alsacien-Lorrain à un héritier successible en ligne
directe ; que, si l'article 5 de la loi du 24 juillet 1921 susvisée dispose que
« les successions sont régies, sans distinction entre la masse mobilière et la
masse immobilière, par la loi qui détermine l'état et la capacité du de cujus au
moment du décès », la qualité d'Alsacien-Lorrain ne peut se transmettre après la
première génération des descendants des personnes nées avant le 11 novembre 1918
; qu'il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la violation du principe
d'égalité entre les héritiers selon que la succession est ou non régie par les
dispositions contestées doit être écarté ;
. En ce qui concerne l'égalité entre les cohéritiers :
8. Considérant que l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen de 1789 dispose que la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle
protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce
que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce
qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans
l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport
direct avec l'objet de la loi qui l'établit;
9. Considérant, en premier lieu, que sont appelés à la succession d'une part les
héritiers en vertu de la loi et d'autre part les légataires en vertu des
libéralités ; que si le principe d'égalité devant la loi successorale impose que
les héritiers placés dans une situation identique bénéficient de droits égaux
dans la succession, il ne fait pas obstacle à ce que la loi autorise le donateur
ou le testateur à avantager l'un de ses héritiers par un acte de volonté ;
10. Considérant, en second lieu, qu'en prévoyant que l'indemnité de réduction
d'une libéralité excédant la quotité disponible, lorsqu'elle porte sur une
exploitation agricole donnée à un successible en ligne directe, est calculée
selon le revenu net moyen de l'exploitation à l'époque de l'ouverture de la
succession, les dispositions contestées ont pour objet d'éviter que le paiement
de cette indemnité n'obère la viabilité économique de l'exploitation ; que le
législateur a ainsi entendu favoriser la transmission des exploitations
agricoles en ligne directe en évitant leur cession ou leur morcellement ; que
les dispositions contestées ne s'appliquent qu'aux biens donnés ou légués qui
constituent une exploitation agricole à la date de l'ouverture de la succession
; que les modalités d'évaluation de la valeur de l'exploitation agricole
instituent une différence de traitement en lien direct avec l'objet de la loi ;
que, par suite, le grief tiré de l'atteinte au principe d'égalité entre ces
héritiers doit être écarté ;
- SUR LE GRIEF TIRÉ DE L'ATTEINTE AU DROIT DE PROPRIÉTÉ :
11. Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l'homme
consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ; qu'aux termes de
son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut
en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée,
l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ;
qu'en l'absence de privation du droit de propriété, il résulte néanmoins de
l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les limites apportées à son exercice
doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à
l'objectif poursuivi ;
12. Considérant que les héritiers ne deviennent propriétaires des biens du
défunt qu'en vertu de la loi successorale ; que, par suite, doit être rejeté
comme inopérant le grief tiré de ce que la disposition contestée, qui définit
les modalités selon lesquelles sont appréciés les droits respectifs des
donataires ou légataires et des héritiers réservataires dans la succession,
porterait atteinte au droit de propriété des héritiers ;
13. Considérant que les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun
autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées
conformes à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- Le troisième alinéa de l'article 73 de la loi du 1er juin 1924
mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du
Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle est conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 27 septembre 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme
Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL, Nicolas SARKOZY et Pierre
STEINMETZ.
Décision n° 2012-275 QPC du 28 septembre 2012
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 10 juillet 2012 par la Cour de cassation (troisième chambre civile, arrêt n° 1030 du 10 juillet 2012), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Messieurs Daniel J. et Georges J. et Mesdames Michelle J. épouse M. et Odile J. épouse F., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 13-8 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.
L'article L. 13-8 du code de l'expropriation impose au juge
de l'expropriation de fixer le montant de l'indemnité d'expropriation
indépendamment des contestations sérieuses sur le fond du droit ou la qualité
des réclamants. Si les parties présentent de telles contestations, elles doivent
saisir le juge compétent.
Les requérants soutenaient notamment que ces dispositions portaient une atteinte
excessive au droit à un recours juridictionnel effectif. Le Conseil
constitutionnel a écarté ce grief et jugé l'article L. 13-8 du code de
l'expropriation conforme à la Constitution.
Le Conseil constitutionnel a relevé que, si le juge de l'expropriation fixe le
montant de l'indemnité, il lui appartient de renvoyer les parties à se pourvoir
devant le juge compétent si celles-ci soulèvent des contestations ou des
difficultés. Ce juge de l'expropriation doit tenir compte de l'existence de ces
contestations ou difficultés lorsqu'il fixe l'indemnité et, au besoin, prévoir
plusieurs indemnités correspondant aux diverses hypothèses envisagées. Pour
chacune de ces hypothèses, l'indemnité fixée doit couvrir l'intégralité du
préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation. La décision du
juge de l'expropriation est prise au terme d'une procédure contradictoire et
peut faire l'objet de recours. Enfin, le juge de l'expropriation pourrait être à
nouveau saisi si la décision rendue par le juge saisi de la contestation ou
difficulté ne correspondait à l'une des hypothèses qu'il avait prévues.
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour les requérants par Me Étienne Tête, avocat au
barreau de Lyon, enregistrées les 25 juillet et 29 août 2012 ;
Vu les observations produites pour la Communauté urbaine de Lyon par Me Patrice
Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les
1er et 29 août 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 1er août
2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Tête, pour les requérants, Me Spinosi pour la Communauté urbaine de Lyon et
M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à
l'audience publique du 18 septembre 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 13-8 du code de
l'expropriation pour cause d'utilité publique : « Lorsqu'il existe une
contestation sérieuse sur le fond du droit ou sur la qualité des réclamants et
toutes les fois qu'il s'élève des difficultés étrangères à la fixation du
montant de l'indemnité et à l'application des articles L. 13-10, L. 13-11, L.
13-20 et L. 14-3, le juge règle l'indemnité indépendamment de ces contestations
et difficultés sur lesquelles les parties sont renvoyées à se pourvoir devant
qui de droit » ;
2. Considérant que, selon les requérants, en obligeant le juge de
l'expropriation à fixer le montant de l'indemnité indépendamment des
contestations et difficultés sur lesquelles les parties sont renvoyées devant le
juge compétent, ces dispositions s'opposent en particulier à ce que l'exproprié
présente une question préjudicielle portant sur la légalité d'un plan local
d'urbanisme ; qu'elles porteraient une atteinte excessive au droit à un recours
juridictionnel effectif résultant de l'article 16 de la Déclaration des droits
de l'homme et du citoyen de 1789 ainsi qu'au droit de propriété proclamé par son
article 17 ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration
de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas
assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ;
qu'est garanti par cette disposition le droit des personnes intéressées à
exercer un recours juridictionnel effectif ;
4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 17 de la Déclaration
de 1789 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être
privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige
évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'afin
de se conformer à ces exigences constitutionnelles, la loi ne peut autoriser
l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers que pour la
réalisation d'une opération dont l'utilité publique est légalement constatée ;
que la prise de possession par l'expropriant doit être subordonnée au versement
préalable d'une indemnité ; que, pour être juste, l'indemnité doit couvrir
l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain, causé par
l'expropriation ; qu'en cas de désaccord sur la fixation du montant de
l'indemnité, l'exproprié doit disposer d'une voie de recours appropriée ;
5. Considérant qu'en vertu des dispositions contestées le juge de
l'expropriation fixe le montant de l'indemnité d'expropriation indépendamment
des contestations sérieuses sur le fond du droit ou la qualité des réclamants ;
que si les parties présentent de telles contestations, elles sont renvoyées à se
pourvoir « devant qui de droit » ; qu'il en va de même lorsque s'élèvent des
difficultés étrangères à la fixation du montant de l'indemnité et à
l'application des articles L. 13-10 et L. 13-11 du code de l'expropriation pour
cause d'utilité publique relatifs aux demandes de réquisition d'emprise totale
ainsi qu'à celle des articles L. 13-20 et L. 14-3 du même code portant sur les
litiges relatifs au relogement des locataires et occupants ;
6. Considérant que, si le juge de l'expropriation fixe le montant de
l'indemnité, il lui appartient de renvoyer les parties à se pourvoir devant le
juge compétent si celles-ci soulèvent des contestations ou difficultés ; qu'il
doit tenir compte de l'existence de celles-ci lorsqu'il fixe l'indemnité et au
besoin prévoir plusieurs indemnités correspondant aux diverses hypothèses
envisagées ; que, pour chacune de ces hypothèses, l'indemnité fixée doit couvrir
l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation
; que l'ordonnance par laquelle le juge de l'expropriation fixe les indemnités
est prise au terme d'une procédure contradictoire et peut faire l'objet de
recours ; que les dispositions contestées ne font pas obstacle, si la décision
rendue par le juge saisi de la contestation ou de la difficulté ne correspond
pas à l'une des hypothèses prévues par le juge de l'expropriation, à ce que ce
dernier soit à nouveau saisi par les parties ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les dispositions
contestées ne méconnaissent ni les exigences de l'article 16 ni celles de
l'article 17 de la Déclaration de 1789 ;
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 13-8 du code de
l'expropriation pour cause d'utilité publique ne sont contraires à aucun autre
droit ou liberté que la Constitution garantit ; qu'elles doivent être déclarées
conformes à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- L'article L. 13-8 du code de l'expropriation pour cause d'utilité
publique est conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 27 septembre 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme
Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL, Nicolas SARKOZY et Pierre
STEINMETZ.
Décision n° 2012-276 QPC du 28 septembre 2012
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 11 juillet 2012 par la Cour de cassation (première chambre civile, arrêt n° 1011 du 11 juillet 2012), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la Fondation Hans Hartung et Anna Eva Bergman, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 123-7 du code de la propriété intellectuelle.
'article L. 123-7 du CPI est relatif au droit de suite.
Celui-ci porte sur les œuvres originales graphiques et plastiques. Il constitue
un droit inaliénable de participation au produit de toute vente d'une œuvre
après la première cession opérée par l'auteur ou par ses ayants droit,
lorsqu'intervient en tant que vendeur, acheteur ou intermédiaire un
professionnel du marché de l'art. Son produit est perçu par l'auteur de l'œuvre.
Après son décès, en application de l'article L. 123-7 du CPI, la transmission de
ce droit est réservée aux héritiers de l'auteur.
Les requérants soutenaient qu'en réservant le droit de suite aux héritiers, et
en excluant les légataires, l'article L. 123-7 du CPI était contraire au
principe d'égalité devant la loi. Le Conseil constitutionnel a écarté ce grief
et jugé cet article conforme à la Constitution.
Le Conseil constitutionnel a rappelé la différence que le droit des successions
établit entre les héritiers et les légataires. Par ailleurs, il a relevé qu'avec
le droit de suite, le législateur a entendu permettre aux auteurs d'œuvres
graphiques et plastiques originales de bénéficier de la valorisation de leurs
œuvres après la première cession de celles-ci. En prévoyant le caractère
inaliénable de ce droit et en assurant sa transmission aux héritiers de
l'auteur, le législateur a entendu conforter cette garantie et l'étendre à la
famille de l'artiste après son décès. Dès lors, en réservant la transmission du
droit de suite au décès de l'auteur aux héritiers et, pour l'usufruit, au
conjoint à l'exclusion des légataires et autres ayants cause, le législateur a
instauré une différence de traitement entre des personnes placées dans des
situations différentes. Cette différence de traitement est en rapport direct
avec l'objectif poursuivi par le législateur. Elle est conforme à la
Constitution.
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de la propriété intellectuelle ;
Vu le code civil ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la fondation requérante par Me Emmanuel
Glaser, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 27 juillet 2012 ;
Vu les observations produites pour les consorts R. par Borghèse Associés AARPI,
avocat au barreau de Paris, enregistrées le 31 juillet 2012 ;
Vu les observations produites pour la société des Auteurs dans les arts
graphiques et plastiques par Me Denis Carbonnier, avocat au Conseil d'État et à
la Cour de cassation, enregistrées les 1er et 31 août 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 2 août
2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Glaser, dans l'intérêt de la fondation requérante, Me Hélène Dupin, dans
l'intérêt de la société des Auteurs dans les arts graphiques et plastiques, Me
Anne-Sophie Nardon, dans l'intérêt des consorts R., et M. Xavier Pottier,
désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 18
septembre 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 123-7 du code de
la propriété intellectuelle : « Après le décès de l'auteur, le droit de suite
mentionné à l'article L. 122-8 subsiste au profit de ses héritiers et, pour
l'usufruit prévu à l'article L. 123-6, de son conjoint, à l'exclusion de tous
légataires et ayants cause, pendant l'année civile en cours et les soixante-dix
années suivantes » ;
2. Considérant que, selon la fondation requérante, en excluant du bénéfice de la
transmission du droit de suite les légataires et autres ayants droit de l'auteur
pour réserver ce droit aux seuls héritiers de celui-ci et à son conjoint pour
l'usufruit, les dispositions contestées sont contraires au principe d'égalité
devant la loi ;
3. Considérant que l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen de 1789 dispose que la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle
protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce
que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce
qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans
l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport
direct avec l'objet de la loi qui l'établit
4. Considérant que le droit de suite porte sur les œuvres originales graphiques
et plastiques ; que son produit est perçu par l'auteur de ces œuvres ; que ce
droit est défini par l'article L. 122-8 du code de la propriété intellectuelle
comme « un droit inaliénable de participation au produit de toute vente d'une
œuvre après la première cession opérée par l'auteur ou par ses ayants droit,
lorsque intervient en tant que vendeur, acheteur ou intermédiaire un
professionnel du marché de l'art»; que les dispositions contestées réservent la
transmission de ce droit aux héritiers de l'auteur ;
5. Considérant que sont appelés à la succession les héritiers en vertu de la loi
ainsi que les légataires en vertu de libéralités ; que l'article 731 du code
civil dispose que « la succession est dévolue par la loi aux parents et au
conjoint successibles du défunt » dans les conditions définies par les
dispositions du code civil relatives aux héritiers ;
6. Considérant qu'en instituant le droit de suite, le législateur a entendu
permettre aux auteurs d'œuvres graphiques et plastiques originales de bénéficier
de la valorisation de leurs œuvres après la première cession de celles-ci ;
qu'en prévoyant le caractère inaliénable de ce droit et en assurant sa
transmission aux héritiers de l'auteur, les dispositions contestées ont pour
objet de conforter cette protection et de l'étendre à la famille de l'artiste
après son décès ;
7. Considérant qu'en réservant la transmission du droit de suite au décès de
l'auteur aux héritiers et, pour l'usufruit, au conjoint à l'exclusion des
légataires et autres ayants cause, le législateur a instauré une différence de
traitement entre des personnes placées dans des situations différentes ; que
cette différence de traitement est en rapport direct avec l'objectif poursuivi
par la loi ;
8. Considérant que l'article L. 123-7 du code de la propriété intellectuelle,
qui ne méconnaît pas le principe d'égalité, n'est contraire à aucun autre droit
ou liberté que la Constitution garantit ; qu'il doit être déclaré conforme à la
Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- L'article L. 123-7 du code de la propriété intellectuelle est
conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 27 septembre 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme
Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL, Nicolas SARKOZY et Pierre STEINMETZ.
3 DECISIONS DU 5 OCTOBRE 2012
Décision n° 2012-277 QPC du 5 octobre 2012
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 13 juillet 2012 par
le Conseil d'État, dans les conditions prévues par l'article 61-1 de la
Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par le
Syndicat des transports d'Île-de-France (STIF). Cette question était relative à
la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du II de
l'article 20 de la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris.
La Société du Grand Paris (SGP) est un établissement public à caractère
industriel et commercial, chargé de concevoir et d'élaborer le schéma d'ensemble
et les projets d'infrastructures composant le réseau de transport public du
Grand Paris et d'en assurer la réalisation, ainsi que l'acquisition des
matériels roulants conçus pour parcourir ces infrastructures. L'article 20 de la
loi du 3 juin 2010 organise les conditions du transfert de propriété des
matériels roulants appartenant à la SGP au profit du STIF. Les requérants
soutenaient que le II de cet article ne précisait pas suffisamment les
conditions financières de ce transfert.
Le Conseil constitutionnel a relevé que le II de l'article 20 de la loi du 3
juin 2010 renvoie à un décret en Conseil d'État le soin de préciser, notamment,
les conditions de rémunération de la SGP pour le transfert de propriété de ses
matériels. Il a jugé qu'en ne déterminant pas les modalités particulières de la
participation financière susceptible d'être réclamée en contrepartie du
transfert de biens entre la SGP et le STIF, personnes publiques, les
dispositions contestées n'ont pas pour effet de priver de garanties légales les
exigences découlant du principe de libre administration des collectivités
territoriales composant le STIF.
Le Conseil constitutionnel a rejeté les griefs des requérants et jugé les
dispositions contestées conformes à la Constitution.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu l'ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 relative à l'organisation des
transports de voyageurs en Île-de-France ;
Vu la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations en intervention produites par la Société du Grand Paris,
enregistrées le 3 août 2012 ;
Vu les observations produites pour le requérant par Me Henri Savoie, avocat au
barreau de Paris, enregistrées le 31 août 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 31 août
2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Savoie pour le requérant et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier
ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 25 septembre 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes du II de l'article 20 de la loi
du 3 juin 2010 susvisée : « Un décret en Conseil d'État précise les modalités
d'application du I du présent article, notamment les conditions de rémunération
de l'établissement public "Société du Grand Paris" pour l'usage ou le transfert
de propriété de ses lignes, ouvrages, installations ainsi que de ses matériels »
;
2. Considérant que, selon le requérant, les dispositions contestées sont
entachées d'une incompétence négative du législateur affectant le principe
constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales membres
du Syndicat des transports d'Île-de-France ; qu'elles seraient, en outre,
inintelligibles ;
3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la
Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une
juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux
droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut
être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de
cassation qui se prononce dans un délai déterminé » ; que la méconnaissance par
le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une
question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette
méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution
garantit ;
4. Considérant que, si, en vertu du troisième alinéa de l'article 72 de la
Constitution, les collectivités territoriales « s'administrent librement par des
conseils élus », chacune d'elles le fait « dans les conditions prévues par la
loi » ; que l'article 34 de la Constitution réserve au législateur la
détermination des principes fondamentaux de la libre administration des
collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 3 juin 2010 susvisée
: « Le Grand Paris est un projet urbain, social et économique d'intérêt national
qui s'appuie sur la création d'un réseau de transport public de voyageurs dont
le financement des infrastructures est assuré par l'État » ; que l' article 7 de
cette loi crée un établissement public à caractère industriel et commercial, la
Société du Grand Paris, chargé « de concevoir et d'élaborer le schéma d'ensemble
et les projets d'infrastructures composant le réseau de transport public du
Grand Paris et d'en assurer la réalisation, qui comprend la construction des
lignes, ouvrages et installations fixes, la construction et l'aménagement des
gares, y compris d'interconnexion, ainsi que l'acquisition des matériels
roulants conçus pour parcourir ces infrastructures » ;
6. Considérant que l'article 20 de cette même loi est relatif au transfert de
propriété ou à l'usage des biens mentionnés à l'article 7 appartenant à la
Société du Grand Paris après leur réception ; que le I de cet article prévoit
que les lignes, les ouvrages et installations sont « confiés » à la Régie
autonome des transports parisiens qui en assure la gestion technique et que les
matériels roulants sont transférés en pleine propriété au Syndicat des
transports d'Île-de-France ; que son II renvoie à un décret en Conseil d'État le
soin de préciser, notamment, les conditions de rémunération de la Société du
Grand Paris pour l'usage ou le transfert de propriété de ses lignes, ouvrages,
installations ainsi que de ses matériels ; qu'en ne déterminant pas les
modalités particulières de la participation financière susceptible d'être
réclamée en contrepartie du transfert de biens entre la Société du Grand Paris
et le Syndicat des transports d'Île-de-France, personnes publiques, les
dispositions contestées n'ont pas pour effet de priver de garanties légales les
exigences découlant du principe constitutionnel de libre administration des
collectivités territoriales qui composent le Syndicat des transports
d'Île-de-France ;
7. Considérant que la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle
d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi ne peut, en elle-même, être
invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le
fondement de l'article 61-1 de la Constitution ;
8. Considérant que les dispositions du II de l'article 20 de la loi du 3 juin
2010 relative au Grand Paris, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté
que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la
Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- Le II de l'article 20 de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010
relative au Grand Paris est conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 4 octobre 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme
Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Décision n° 2012-278 QPC du 5 octobre 2012
Qu'est ce que "la bonne moralité" pour pouvoir devenir magistrat ? Aucun texte ne le précise. Ce manque de précision est déclaré conforme à la constitution.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 17 juillet 2012 par
le Conseil d'État (décision n° 358648 du 17 juillet 2012), dans les conditions
prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de
constitutionnalité posée relative à la conformité aux droits et libertés que la
Constitution garantit des dispositions du 3° de l'article 16 de l'ordonnance n°
58-1270 du 22 décembre 1958 en tant qu'elles prévoient que les candidats à
l'auditorat doivent « être de bonne moralité ».
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu l'ordonnance organique n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique
relative au statut de la magistrature ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la requérante par Me Manuel Carius, avocat au
barreau de Poitiers, enregistrées le 29 août 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 31 août
2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Carius, pour la requérante et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier
ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 25 septembre 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes du 3° de l'article 16 de
l'ordonnance du 22 décembre 1958 susvisée, les personnes qui présentent une
candidature à l'entrée à l'École nationale de la magistrature doivent notamment
: « être de bonne moralité » ;
2. Considérant que, selon la requérante, il revient au législateur d'organiser
de manière complète les conditions de recrutement des magistrats de l'ordre
judiciaire, de définir les qualités que les candidats doivent présenter et de
fixer les modalités d'appréciation de ces qualités par le pouvoir exécutif ;
qu'en renvoyant à la notion imprécise de « bonne moralité » le législateur
aurait méconnu l'étendue de sa compétence et porté atteinte au principe d'égal
accès aux emplois publics ;
3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la
Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une
juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux
droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut
être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de
cassation qui se prononce dans un délai déterminé » ; que la méconnaissance par
le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une
question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette
méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution
garantit ;
4. Considérant que le troisième alinéa de l'article 64 de la Constitution
dispose : « Une loi organique porte statut des magistrats » ; que l'article 6 de
la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dispose que tous les
citoyens étant égaux aux yeux de la loi « sont également admissibles à toutes
dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre
distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents » ; que les règles de
recrutement des magistrats de l'ordre judiciaire fixées par le législateur
organique doivent, notamment en posant des exigences précises quant à la
capacité des intéressés, assurer le respect du principe d'égal accès aux emplois
publics et concourir à l'indépendance de l'autorité judiciaire ;
5. Considérant que l'article 16 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 précitée
fixe les conditions requises des candidats à l'une des voies d'accès à l'École
nationale de la magistrature, notamment celles relatives à la nationalité, la
jouissance des droits civiques, les diplômes et l'aptitude physique ; que le 3°
de cet article précise en outre que ces candidats doivent « être de bonne
moralité » ; que les dispositions contestées ont pour objet de permettre à
l'autorité administrative de s'assurer que les candidats présentent les
garanties nécessaires pour exercer les fonctions des magistrats et, en
particulier, respecter les devoirs qui s'attachent à leur état ; qu'il
appartient ainsi à l'autorité administrative d'apprécier, sous le contrôle du
juge administratif, les faits de nature à mettre sérieusement en doute
l'existence de ces garanties ; que les exigences de l'article 6 de la
Déclaration de 1789 n'imposent pas que le législateur organique précise la
nature de ces faits et les modalités selon lesquelles ils sont appréciés ; que,
par suite, le grief tiré de ce que le législateur organique aurait méconnu
l'étendue de sa compétence doit être écarté ;
6. Considérant que les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun autre
droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes
à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- Au 3° de l'article 16 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre
1958, les mots « être de bonne moralité » sont conformes à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Article 3.- Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 4 octobre
2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme
Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT
MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL, Nicolas SARKOZY et
Pierre STEINMETZ.
Décision n° 2012-279 QPC du 5 octobre 2012
LE REGIME DE CIRCULATION DES GENS DU VOYAGE
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 17 juillet 2012 par
le Conseil d'État, dans les conditions prévues par l'article 61-1 de la
Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M.
Jean-Claude P. Cette question était relative à la conformité aux droits et
libertés que la Constitution garantit des dispositions des articles 2 à 11 de la
loi du 3 janvier 1969 relative à l'exercice des activités ambulantes et au
régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence
fixe.
Dans sa décision n° 2012-279 QPC du 5 octobre 2012, le Conseil constitutionnel a
déclaré contraires à la Constitution les dispositions de la loi du 3 janvier
1969 instaurant un carnet de circulation ainsi que celles imposant aux personnes
sans domicile ni résidence fixe, trois ans de rattachement ininterrompu dans la
même commune pour être inscrites sur les listes électorales. Il a, pour le
surplus, déclaré les dispositions de la loi du 3 janvier 1969 conformes à la
Constitution.
I - Les dispositions de la loi du 3 janvier 1969 instaurant un carnet de
circulation sont contraires à la Constitution
L'article 5 de la loi de 1969 institue un carnet de circulation. Celui-ci doit
être détenu par les personnes dépourvues de domicile ou de résidence fixe depuis
plus de six mois, qui logent de façon permanente dans un véhicule, une remorque
ou tout autre abri mobile et qui ne justifient pas de ressources régulières leur
assurant des conditions normales d'existence. Ces personnes doivent faire viser
tous les trois mois par l'autorité administrative ce carnet de circulation. Est
punie d'une peine d'un an d'emprisonnement la personne circulant sans ce carnet
de circulation. Le Conseil constitutionnel a jugé que ces diverses dispositions
sont contraires à la Constitution.
La loi de 1969, en imposant un titre de circulation à des personnes sans
domicile ni résidence fixe de plus de six mois, a poursuivi des fins civiles,
sociales, administratives ou judiciaires. Prévoir un carnet de circulation
particulier pour des personnes ne justifiant pas de ressources régulières est
sans rapport avec ces finalités et donc contraire à la Constitution. De même
imposer un visa tous les trois mois de ce carnet et punir d'une peine d'un an
d'emprisonnement les personnes circulant sans carnet porte à l'exercice de la
liberté d'aller et de venir une atteinte disproportionnée au regard du but
poursuivi.
L'annulation de ces dispositions prend effet immédiatement, dès la publication
de la décision du Conseil constitutionnel.
II - Les dispositions de la loi du 3 juin 1969 imposant aux personnes sans
domicile ni résidence fixe trois ans de rattachement ininterrompu dans la même
commune pour être inscrites sur les listes électorales sont contraires à la
Constitution.
Le Conseil constitutionnel a une jurisprudence particulièrement vigilante,
ancienne et constante, sur les mesures qui restreignent l'exercice de leurs
droits civiques par les citoyens. Il en a fait application en l'espèce pour
juger qu'en imposant pour l'inscription sur les listes électorales un délai de
trois ans de rattachement ininterrompu, les dispositions de la loi de 1969
étaient contraires à la Constitution. L'annulation de ces dispositions prend
effet immédiatement, dès la publication de la décision du Conseil
constitutionnel.
III - Les autres dispositions de la loi de 1969 contestées sont conformes à la
Constitution.
Le Conseil constitutionnel a jugé que l'existence et les règles de visa de
titres de circulation applicables aux personnes circulant en France sans
domicile ni résidence fixe ne sont pas, en elles-mêmes, contraires au principe
d'égalité et à la liberté d'aller et de venir. Il s'agit pour l'État de pallier
la difficulté de localiser les personnes qui se trouvent sur son territoire et
qui ne peuvent être trouvées au moyen du domicile ou de la résidence, à l'instar
de la population sédentaire. Le Conseil a ainsi jugé qu'en imposant aux
personnes précitées d'être munies d'un titre de circulation, le législateur a
entendu permettre, à des fins civiles, sociales, administratives ou judiciaires,
l'identification et la recherche de ceux qui ne peuvent être trouvés grâce à un
domicile ou à une résidence fixe d'une certaine durée, tout en assurant, aux
mêmes fins, un moyen de communiquer avec ceux-ci.
En outre, le Conseil a jugé que la distinction opérée par la loi entre les
personnes qui ont un domicile ou une résidence fixe de plus de six mois et
celles qui en sont dépourvues repose sur une différence de situation et n'est
donc pas contraire à la Constitution.
Enfin, le Conseil a jugé que l'obligation de rattachement à une commune ne
restreint ni la liberté de déplacement des intéressés, ni leur liberté de
choisir un mode de logement fixe ou mobile, ni celle de décider du lieu de leur
installation temporaire. De plus, il a estimé qu'elle ne restreint pas leur
faculté de déterminer un domicile ou un lieu de résidence fixe pendant plus de
six mois et qu'elle n'emporte pas davantage obligation de résider dans la
commune dont le rattachement est prononcé par l'autorité administrative.
L'obligation d'avoir une commune de rattachement est une obligation purement
administrative qui ne porte pas atteinte aux libertés invoquées par le
requérant.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l'exercice des activités
ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans
domicile ni résidence fixe ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par Me Olivier Le Mailloux,
avocat au barreau de Marseille, enregistrées le 27 juillet 2012 et le 3
septembre 2012 ;
Vu les observations en intervention produites pour l'association France liberté
voyage par Me Henri Braun, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 2 août
2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 31 août
2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Le Mailloux, pour le requérant, Me Braun pour l'association intervenante et
M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à
l'audience publique du 25 septembre 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 3
janvier 1969 susvisée : « Les personnes n'ayant ni domicile ni résidence fixes
de plus de six mois dans un État membre de l'Union européenne doivent être
munies d'un livret spécial de circulation délivré par les autorités
administratives ;
« Les personnes qui accompagnent celles mentionnées à l'alinéa précédent, et les
préposés de ces dernières doivent, si elles sont âgées de plus de seize ans et
n'ont en France ni domicile, ni résidence fixe depuis plus de six mois, être
munies d'un livret de circulation identique ;
« Les employeurs doivent s'assurer que leurs préposés sont effectivement munis
de ce document, lorsqu'ils y sont tenus » ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : « Les personnes
âgées de plus de seize ans autres que celles mentionnées à l'article 2 et
dépourvues de domicile ou de résidence fixe depuis plus de six mois doivent,
pour pouvoir circuler en France, être munies de l'un des titres de circulation
prévus aux articles 4 et 5 si elles logent de façon permanente dans un véhicule,
une remorque ou tout autre abri mobile"
3. Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la même loi : « Lorsque les personnes mentionnées à l'article 3 justifient de ressources régulières leur assurant des conditions normales d'existence notamment par l'exercice d'une activité salariée, il leur est remis un livret de circulation qui devra être visé à des intervalles qui ne pourront être inférieurs à trois mois par l'autorité administrative.
Un livret identique est remis aux personnes qui sont à leur
charge » ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 5 de la même loi : « Lorsque les
personnes mentionnées à l'article 3 ne remplissent pas les conditions prévues à
l'article précédent, il leur est remis un carnet de circulation qui devra être
visé tous les trois mois, de quantième à quantième, par l'autorité
administrative ;
« Si elles circulent sans avoir obtenu un tel carnet, elles seront passibles
d'un emprisonnement de trois mois à un an » ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la même loi : « Les titres de
circulation ne peuvent être délivrés aux personnes venant de l'étranger que si
elles justifient de façon certaine de leur identité ;
« La validité du livret spécial de circulation prévu à l'article 2, des carnet
et livret prévus aux articles 3, 4 et 5, doit être prorogée périodiquement par
l'autorité administrative » ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la même loi : « Toute personne
qui sollicite la délivrance d'un titre de circulation prévu aux articles
précédents est tenue de faire connaître la commune à laquelle elle souhaite être
rattachée ;
« Le rattachement est prononcé par le préfet ou le sous-préfet après avis motivé
du maire » ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la même loi : « Le nombre des
personnes détentrices d'un titre de circulation, sans domicile ni résidence
fixe, rattachées à une commune, ne doit pas dépasser 3 % de la population
municipale telle qu'elle a été dénombrée au dernier recensement ;
« Lorsque ce pourcentage est atteint, le préfet ou le sous-préfet invite le
déclarant à choisir une autre commune de rattachement ;
« Le préfet pourra, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'État,
apporter des dérogations à la règle établie au premier alinéa du présent
article, notamment pour assurer l'unité des familles » ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article 9 de la même loi : « Le choix de la
commune de rattachement est effectué pour une durée minimale de deux ans. Une
dérogation peut être accordée lorsque des circonstances d'une particulière
gravité le justifient. Toute demande de changement doit être accompagnée de
pièces justificatives, attestant l'existence d'attaches que l'intéressé a
établies dans une autre commune de son choix » ;
9. Considérant qu'aux termes de l'article 10 de la même loi : « Le rattachement
prévu aux articles précédents produit tout ou partie des effets attachés au
domicile, à la résidence ou au lieu de travail, dans les conditions déterminées
par un décret en Conseil d'État, en ce qui concerne :
« La célébration du mariage ;
« L'inscription sur la liste électorale, sur la demande des intéressés, après
trois ans de rattachement ininterrompu dans la même commune ;
« L'accomplissement des obligations fiscales ;
« L'accomplissement des obligations prévues par les législations de sécurité
sociale et la législation sur l'aide aux travailleurs sans emploi ;
« L'obligation du service national.
« Le rattachement à une commune ne vaut pas domicile fixe et déterminé. Il ne
saurait entraîner un transfert de charges de l'État sur les collectivités
locales, notamment en ce qui concerne les frais d'aide sociale » ;
10. Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la même loi : « Des décrets en
Conseil d'État déterminent les modalités d'application des titres Ier et II et,
notamment, les conditions dans lesquelles les titres de circulation sont
délivrés et renouvelés et les mentions devant y figurer, les modalités des
contrôles particuliers permettant d'établir que les détenteurs des titres de
circulation mentionnés aux articles 2, 3, 4 et 5, et les mineurs soumis à leur
autorité ont effectivement satisfait aux mesures de protection sanitaire prévues
par les lois et règlements en vigueur et les conditions dans lesquelles le
maire, conformément à l'article 7, doit donner son avis motivé et dans
lesquelles les personnes titulaires d'un titre de circulation apportent les
justifications motivant la dérogation prévue par l'article 9 » ;
11. Considérant que le requérant et l'association intervenante contestent le
régime des titres de circulation, institué par les articles 2 à 6, ainsi que les
règles relatives à la commune de rattachement prévues par les articles 7 à 10 ;
- SUR LES NORMES DE CONSTITUTIONNALITÉ APPLICABLES :
12. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1er de la Déclaration
des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Les hommes naissent et demeurent
libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que
sur l'utilité commune » ; qu'aux termes de l'article 1er de la Constitution : «
La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle
assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine,
de race ou de religion... » ;
13. Considérant que l'article 6 de la Déclaration de 1789 dispose que la loi «
doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que
le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon
différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des
raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence
de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui
l'établit ;
14. Considérant, d'autre part, qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution,
la loi fixe les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux
citoyens pour l'exercice des libertés publiques ; que, dans le cadre de cette
mission, il appartient au législateur d'opérer la conciliation nécessaire entre
le respect des libertés et la sauvegarde de l'ordre public sans lequel
l'exercice des libertés ne saurait être assuré ;
15. Considérant que les mesures de police administrative susceptibles d'affecter
l'exercice des libertés constitutionnellement garanties, au nombre desquelles
figurent la liberté d'aller et venir, composante de la liberté personnelle
protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789 et le respect de la
vie privée qu'implique la liberté proclamée par l'article 2 de ladite
Déclaration, doivent être justifiées par la nécessité de sauvegarder l'ordre
public et proportionnées à cet objectif ;
- SUR LES TITRES DE CIRCULATION :
16. Considérant que, selon le requérant et l'association intervenante,
l'exigence de titres de circulation imposée aux seules personnes se trouvant en
France sans domicile ni résidence fixe depuis plus de six mois institue une
différence de traitement qui méconnaît le principe d'égalité devant la loi ;
qu'en outre, le régime de ces titres de circulation instituerait également des
différences de traitement contraires au principe d'égalité et porterait une
atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et de venir ;
. En ce qui concerne l'existence et les règles de visa des titres de circulation
applicables aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe :
17. Considérant que les articles 2 à 6 sont relatifs au régime des titres de
circulation que doivent détenir les personnes sans domicile ni résidence fixe de
plus de six mois ; qu'il résulte des dispositions combinées du premier alinéa de
l'article 2 et de l'article 3 de la loi du 3 janvier 1969 susvisée que ces
dispositions sont applicables, d'une part, aux « personnes n'ayant ni domicile
ni résidence fixes de plus de six mois dans un État membre de l'Union européenne
», aux personnes de plus de seize ans qui les accompagnent et à leurs préposés,
et, d'autre part, aux « personnes âgées de plus de seize ans » autres que celles
précédemment mentionnées qui sont « dépourvues de domicile ou de résidence fixe
depuis plus de six mois » et « qui logent de façon permanente dans un véhicule,
une remorque ou tout autre abri mobile » ;
18. Considérant qu'en imposant à toutes ces personnes d'être munies d'un titre
de circulation, le législateur a entendu permettre, à des fins civiles,
sociales, administratives ou judiciaires, l'identification et la recherche de
ceux qui ne peuvent être trouvés à un domicile ou à une résidence fixe d'une
certaine durée, tout en assurant, aux mêmes fins, un moyen de communiquer avec
ceux-ci ; que ces dispositions sont fondées sur une différence de situation
entre les personnes, quelles que soient leurs nationalités et leurs origines,
qui ont un domicile ou une résidence fixe de plus de six mois et celles qui en
sont dépourvues ; qu'ainsi la distinction qu'elles opèrent repose sur des
critères objectifs et rationnels en rapport direct avec le but que s'est assigné
le législateur ; qu'elles n'instituent aucune discrimination fondée sur une
origine ethnique ; que, par suite, en imposant aux personnes visées d'être
porteur d'un titre de circulation, le législateur n'a pas méconnu le principe
d'égalité ; que l'atteinte portée la liberté d'aller de venir qui en résulte est
justifiée par la nécessité de protéger l'ordre public et proportionnée à cet
objectif ;
. En ce qui concerne les articles 2 et 3 :
19. Considérant qu'en vertu de l'article 2 de la loi du 3 janvier 1969, les
personnes n'ayant ni domicile ni résidence fixe de plus de six mois dans un État
membre de l'Union européenne, les personnes qui les accompagnent, et les
préposés de ces dernières, si elles sont âgées de plus de seize ans et n'ont en
France ni domicile, ni résidence fixe depuis plus de six mois, doivent être
munies d'un livret spécial de circulation ; que l'article 3 dispose que les
personnes, autres que les précédentes, dépourvues de domicile ou de résidence
fixe depuis plus de six mois qui logent de façon permanente dans un véhicule,
une remorque ou tout autre abri mobile doivent, pour pouvoir circuler en France,
être munies, soit d'un livret de circulation soit d'un carnet de circulation ;
qu'il résulte des dispositions combinées des articles 2 et 3 de la loi, que
seuls les titres de circulation remis aux personnes qui logent dans un abri
mobile doivent être visés à intervalles réguliers par l'autorité administrative
; qu'en distinguant, parmi les personnes n'ayant ni domicile ni résidence fixe
depuis plus de six mois celles qui pratiquent un mode de vie itinérant en
logeant de façon permanente dans un abri mobile pour les soumettre à des règles
particulières de délivrance et de visa des titres de circulation, ces
dispositions instituent une différence de traitement fondée sur une différence
de situation en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit et, par
suite, ne méconnaissent pas le principe d'égalité ; qu'eu égard à l'objet de la
loi, l'obligation de prorogation périodique de la validité de ces titres prévue
par l'article 6 ne porte pas une atteinte inconstitutionnelle à la liberté
d'aller et de venir ;
20. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les articles 2 et 3 de la
loi doivent être déclarés conformes à la Constitution ;
. En ce qui concerne les articles 4 et 5 :
21. Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 4 et 5 de la
loi du 3 janvier 1969, les personnes âgées de plus de seize ans et dépourvues de
domicile ou de résidence fixe depuis plus de six mois qui logent de façon
permanente dans un véhicule, une remorque ou tout autre abri mobile doivent,
pour pouvoir circuler en France, être munies, soit, lorsqu'elles justifient de
ressources régulières leur assurant des conditions normales d'existence
notamment par l'exercice d'une activité salariée, d'un livret de circulation qui
doit être visé par l'autorité administrative à des intervalles définis par voie
réglementaire qui ne peuvent être inférieurs à trois mois, soit, lorsqu'elles ne
justifient pas de telles ressources régulières, d'un carnet de circulation qui
doit être visé par l'autorité administrative tous les trois mois, de quantième à
quantième ; qu'en outre, en vertu du deuxième alinéa de l'article 5 de la loi du
3 janvier 1969, les personnes circulant sans avoir obtenu de carnet de
circulation sont passibles d'un an d'emprisonnement ;
22. Considérant que, d'une part, ces dispositions instaurent deux titres de
circulation soumis à des régimes différents applicables aux personnes qui
résident de façon permanente dans un véhicule, une remorque ou tout autre abri
mobile ; que, selon qu'elles justifient ou non de ressources régulières, elles
sont soumises à des obligations différentes quant au visa par l'autorité
administrative du titre de circulation qui leur est remis ; qu'une telle
différence de traitement n'est pas en rapport direct avec les fins civiles,
sociales, administratives ou judiciaires poursuivies par la loi ; qu'elle doit
par suite être déclarée contraire à la Constitution ;
23. Considérant que, d'autre part, en imposant que le carnet de circulation soit
visé tous les trois mois par l'autorité administrative et en punissant d'une
peine d'un an d'emprisonnement les personnes circulant sans carnet de
circulation, les dispositions de l'article 5 de la loi du 3 janvier 1969 portent
à l'exercice de la liberté d'aller et de venir une atteinte disproportionnée au
regard du but poursuivi ;
24. Considérant que, de ce qui précède, il résulte que doivent être déclarés
contraires à la Constitution, les mots : « Lorsque les personnes mentionnées à
l'article 3 justifient de ressources régulières leur assurant des conditions
normales d'existence notamment par l'exercice d'une activité salariée, »
figurant à l'article 4 de la loi du 3 janvier 1969 ainsi que l'article 5 de la
même loi ; que, par voie de conséquence, à l'article 3 de la même loi, les mots
: « de l'un des titres de circulation prévus aux articles 4 et 5 » doivent être
remplacés par les mots « du titre de circulation prévu à l'article 4 » ; qu'au
deuxième alinéa de l'article 6 de la même loi, les mots : « , des carnet et
livret prévus aux articles 3, 4 et 5 » doivent être remplacés par les mots : «
et du livret de circulation prévu aux articles 3 et 4 » ; qu'à l'article 11 de
la même loi, les mots « aux articles 2, 3, 4 et 5, » doivent être remplacés par
les mots : « aux articles 2, 3 et 4, » ;
- SUR LA COMMUNE DE RATTACHEMENT :
25. Considérant que l'article 7 de la loi contestée dispose que toute personne
qui sollicite la délivrance d'un titre de circulation est tenue de faire
connaître la commune à laquelle elle souhaite être rattachée ; que ce
rattachement est prononcé par le préfet ou le sous-préfet après avis motivé du
maire ; que l'article 8 prévoit que le nombre des personnes détentrices d'un
titre de circulation, sans domicile ni résidence fixe, rattachées à une commune,
ne doit pas dépasser 3 % de la population municipale telle qu'elle a été
dénombrée au dernier recensement ; que le préfet peut toutefois accorder des
dérogations à cette règle « notamment pour assurer l'unité des familles » ; que
l'article 9 impose que le choix d'une commune de rattachement soit effectué pour
une durée minimale de deux ans ; qu'en vertu de l'article 10, ce rattachement
produit, dans les conditions que cet article détermine, tout ou partie des
effets attachés au domicile, à la résidence ou au lieu de travail en ce qui
concerne, notamment, la célébration du mariage, l'inscription sur la liste
électorale, l'accomplissement des obligations fiscales et de celles prévues par
les législations de sécurité sociale et la législation sur l'aide aux
travailleurs sans emploi, ainsi que l'obligation du service national ; que,
s'agissant de l'inscription sur les listes électorales, le troisième alinéa de
l'article 10 précise qu'il n'y est procédé, sur la demande des intéressés,
qu'après trois ans de rattachement ininterrompu dans la même commune ;
26. Considérant que, selon le requérant et l'association intervenante,
l'obligation de désigner une commune de rattachement et la limite de 3 % par
commune de personnes détentrices d'un titre de circulation imposée par la loi
portent atteinte à la liberté d'aller et de venir ; qu'au surplus, elle
méconnaît le droit au respect de la vie privée « quant au choix du domicile » ;
qu'en outre, en imposant aux personnes détentrices d'un titre de circulation de
justifier de trois ans de rattachement ininterrompu dans la même commune pour
être inscrites sur une liste électorale, les dispositions de l'article 10
porteraient atteinte à l'exercice de leurs droits civiques par les citoyens ;
. En ce qui concerne la liberté d'aller et de venir et le droit au respect de la
vie privée :
27. Considérant que l'obligation de rattachement à une commune imposé aux
personnes dépourvues de domicile ou de résidence fixe depuis plus de six mois
est destinée à remédier à l'impossibilité, pour elles, de satisfaire aux
conditions requises pour jouir de certains droits ou de remplir certains devoirs
; que cette obligation ne restreint ni la liberté de déplacement des intéressés,
ni leur liberté de choisir un mode de logement fixe ou mobile, ni celle de
décider du lieu de leur installation temporaire ; qu'elle ne restreint pas leur
faculté de déterminer un domicile ou un lieu de résidence fixe pendant plus de
six mois ; qu'elle n'emporte pas davantage obligation de résider dans la commune
dont le rattachement est prononcé par l'autorité administrative ; que, par
suite, les griefs tirés de ce que les articles 7 à 10 de la loi du 3 janvier
1969 porteraient atteinte à la liberté d'aller et de venir et au droit au
respect de la vie privée doivent être écartés ;
. En ce qui concerne l'exercice des droits civiques :
28. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la Constitution : « La
souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants
et par la voie du référendum. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut
s'en attribuer l'exercice. Le suffrage peut être direct ou indirect dans les
conditions prévues par la Constitution. Il est toujours universel, égal et
secret. Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les
nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et
politiques » ; qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789 : « Tous
les citoyens étant égaux aux yeux de la loi sont également admissibles à toutes
dignités, places et emplois publics, selon leur capacité et sans autre
distinction que celles de leurs vertus et de leurs talents » ;
29. Considérant que du rapprochement de ces textes, il résulte que la qualité de
citoyen ouvre le droit de vote et l'éligibilité dans des conditions identiques à
tous ceux qui n'en sont pas exclus pour une raison d'âge, d'incapacité ou de
nationalité, ou pour une raison tendant à préserver la liberté de l'électeur ou
l'indépendance de l'élu ; que ces principes de valeur constitutionnelle
s'opposent à toute division par catégories des électeurs ou des éligibles ;
30. Considérant qu'en imposant à des personnes circulant en France sans domicile
ou résidence fixe de justifier de trois ans de rattachement ininterrompu dans la
même commune pour leur inscription sur la liste électorale, les dispositions du
troisième alinéa de l'article 10 sont contraires aux principes constitutionnels
ci-dessus rappelés ; qu'ainsi, au troisième alinéa de l'article 10 de la loi,
les mots : « , après trois ans de rattachement ininterrompu dans la même commune
» doivent être déclarés contraires à la Constitution ;
- SUR LA DÉCLARATION D'INCONSTITUTIONNALITÉ :
31. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la
Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement
de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du
Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le
Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les
effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ;
32. Considérant que la déclaration d'inconstitutionnalité de dispositions de la
loi du 3 janvier 1969 prend effet à compter de la publication de la présente
décision ; qu'elle est applicable à toutes les affaires non jugées
définitivement à cette date ;
33. Considérant que, pour le surplus, les dispositions contestées de la loi du 3
janvier 1969 ne sont contraires à aucun droit ou liberté que la Constitution
garantit ; qu'elles doivent être déclarées conformes à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- Sont contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la
loi du 3 janvier 1969 relative à l'exercice des activités ambulantes et au
régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence
fixe :
- à l'article 4, les mots : « Lorsque les personnes mentionnées à l'article 3
justifient de ressources régulières leur assurant des conditions normales
d'existence notamment par l'exercice d'une activité salariée, » ;
- l'article 5 ;
- à l'article 10, les mots : « , après trois ans de rattachement ininterrompu
dans la même commune ».
En conséquence de cette déclaration d'inconstitutionnalité :
- à l'article 3 de cette même loi, les mots « de l'un des titres de circulation
prévus aux articles 4 et 5 » sont remplacés par les mots « du titre de
circulation prévu à l'article 4 » ;
- au deuxième alinéa de l'article 6, les mots « , des carnet et livret prévus
aux articles 3, 4 et 5 » sont remplacés par « et du livret de circulation prévu
aux articles 3 et 4 » ;
- à l'article 11, les mots « aux articles 2, 3, 4 et 5, » sont remplacés par les
mots « aux articles 2, 3 et 4, ».
Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à
compter de la publication de la présente décision dans les conditions prévues au
considérant 32.
Article 3.- Les articles 2, 3, 4, 6, 7, 8, 9, 10 et 11 de cette même loi sont,
pour le surplus, conformes à la Constitution.
Article 4.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 4 octobre 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme
Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
2 DECISIONS DU 12 OCTOBRE 2012
Décision n° 2012-280 QPC du 12 octobre 2012
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 17 juillet 2012 par
le Conseil d'État, dans les conditions prévues par l'article 61-1 de la
Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la
société Groupe Canal Plus et la société Vivendi Universal. Cette question était
relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du
IV de l'article L. 430-8 du code de commerce, ainsi que du II de l'article L.
461-1, de l'article L. 461-3 et du III de l'article L. 462-5 du même code.
Ces dispositions contestées sont relatives, d'une part, aux sanctions pouvant
être prononcées par l'Autorité de la concurrence à l'encontre de sociétés
s'étant vu accorder une autorisation de concentration en cas de non-respect des
conditions qui assortissaient cette autorisation et, d'autre part, à la
composition, aux règles de délibération et aux modalités de saisine de
l'Autorité de la concurrence.
En premier lieu, le Conseil a examiné les dispositions relatives aux pouvoirs de
sanction de l'Autorité de la concurrence. Il a estimé qu'elles ne portent pas à
la liberté d'entreprendre une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif
poursuivi de préservation de l'ordre public économique. Il a jugé ces
dispositions conformes à la Constitution.
Le Conseil constitutionnel a relevé qu'en adoptant ces dispositions, le
législateur a entendu assurer le respect effectif des engagements dont sont
assorties les autorisations de concentration. Ces pouvoirs ne peuvent être
exercés qu'en cas d'inexécution des engagements dans les délais fixés pour
l'opération et sous réserve du délai de prescription quinquennal fixé par le
législateur. Par ailleurs, il appartient au juge, saisi d'un recours à
l'encontre d'une décision de l'Autorité, de s'assurer du bien-fondé de la
décision infligeant une sanction.
En second lieu, le Conseil a examiné les dispositions relatives à la
composition, aux règles de délibération et aux modalités de saisine de
l'Autorité de la concurrence. Il a relevé que ces dispositions doivent respecter
les principes d'indépendance et d'impartialité découlant de l'article 16 de la
Déclaration de 1789. Il a jugé que tel était le cas pour l'Autorité de la
concurrence.
Les dispositions contestées organisent la séparation fonctionnelle au sein de
cette autorité. Elles ont notamment pour objet de garantir l'indépendance du
rapporteur général de l'Autorité et de ses services à l'égard des formations
compétentes pour prononcer des sanctions. Par ailleurs, ces dispositions
n'opèrent pas de confusion entre les fonctions de poursuite et d'instruction et
les fonctions de jugement au sein de l'Autorité. En effet, si les dispositions
contestées autorisent l'Autorité à se saisir «d'office» de certaines pratiques
ainsi que des manquements aux engagements pris en application des décisions
autorisant des opérations de concentration, c'est à la condition que cette
saisine ait été proposée par le rapporteur général. Cette saisine ne préjuge pas
de la réalité des manquements poursuivis. L'instruction de l'affaire est ensuite
assurée par le rapporteur général alors que le collège de l'Autorité est pour sa
part compétent pour délibérer et prononcer, le cas échéant, des sanctions.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de commerce ;
Vu la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie ;
Vu l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 portant modernisation de la
régulation de la concurrence ;
Vu la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du
droit et d'allègement des procédures ;
Vu la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième
alinéa de l'article 13 de la Constitution ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations en intervention produites pour l'association des avocats
pratiquant le droit de la concurrence par la SCP Defrénois et Lévis, avocat au
Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 7 août et 17
septembre 2012 ;
Vu les observations produites pour les sociétés requérantes par Bird et Bird
AARPI, avocat au barreau de Paris, et par le cabinet Veil Jourde, avocat au
barreau de Paris, enregistrées les 30 août et 17 septembre 2012 ;
Vu observations produites pour l'Autorité de la concurrence par la SCP Baraduc
et Duhamel, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les
31 août et 17 septembre 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 31 août
2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Emmanuel Glaser et Me Claude Lazarus, dans l'intérêt des sociétés
requérantes, Me Élisabeth Baraduc-Bénabent, dans l'intérêt de la partie en
défense, Me Marc Lévis, dans l'intérêt de la partie intervenante, et M.
Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à
l'audience publique du 2 octobre 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que le Conseil constitutionnel est saisi du
paragraphe II de l'article L. 461-1 du code de commerce « dans sa rédaction
issue de l'ordonnance du 13 novembre 2008 » susvisée ; que ce paragraphe, qui a
été modifié par la loi du 4 août 2008 susvisée, n'a ensuite fait l'objet
d'aucune nouvelle modification avant la loi du 23 juillet 2010 susvisée ; que la
question prioritaire de constitutionnalité doit être regardée comme portant sur
les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée ;
qu'ainsi le Conseil constitutionnel est saisi du paragraphe II de l'article L.
461-1 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 23 juillet 2010
susvisée ; que le Conseil constitutionnel est saisi de l'article L. 461-3 du
même code « dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 13 novembre 2008 »
susvisée ; que l'article 139 de la loi du 12 mai 2009 susvisée, qui a procédé à
la ratification de cette ordonnance, a dans le même temps modifié la rédaction
du quatrième alinéa de l'article L. 461-3 ; que le Conseil constitutionnel ne
peut être saisi que de dispositions qui revêtent le caractère de dispositions
législatives au sens de l'article 61-1 de la Constitution ; que, par suite, le
Conseil constitutionnel est saisi de l'article L. 461-3 du code de commerce dans
sa rédaction issue de la loi du 12 mai 2009 susvisée ;
2. Considérant qu'aux termes du paragraphe IV de l'article L. 430-8 du code de
commerce dans sa rédaction issue de la loi du 4 août 2008 susvisée : « Si elle
estime que les parties n'ont pas exécuté dans les délais fixés une injonction,
une prescription ou un engagement figurant dans sa décision ou dans la décision
du ministre ayant statué sur l'opération en application de l'article L. 430-7-1,
l'Autorité de la concurrence constate l'inexécution. Elle peut :
« 1° Retirer la décision ayant autorisé la réalisation de l'opération. A moins
de revenir à l'état antérieur à la concentration, les parties sont tenues de
notifier de nouveau l'opération dans un délai d'un mois à compter du retrait de
la décision, sauf à encourir les sanctions prévues au I ;
« 2° Enjoindre sous astreinte, dans la limite prévue au II de l'article L.
464-2, aux parties auxquelles incombait l'obligation non exécutée d'exécuter
dans un délai qu'ils fixent les injonctions, prescriptions ou engagements.
« En outre, l'Autorité de la concurrence peut infliger aux personnes auxquelles
incombait l'obligation non exécutée une sanction pécuniaire qui ne peut dépasser
le montant défini au I.
« La procédure applicable est celle prévue au deuxième alinéa de l'article L.
463-2 et aux articles L. 463-4, L. 463-6 et L. 463-7. Toutefois, les parties qui
ont procédé à la notification et le commissaire du Gouvernement doivent produire
leurs observations en réponse à la communication du rapport dans un délai de
quinze jours ouvrés.
« L'Autorité de la concurrence se prononce dans un délai de soixante-quinze
jours ouvrés » ;
3. Considérant qu'aux termes du paragraphe II de l'article L. 461-1 du même code
dans sa rédaction issue de la loi du 23 juillet 2010 susvisée : « Les
attributions confiées à l'Autorité de la concurrence sont exercées par un
collège composé de dix-sept membres, dont un président, nommés pour une durée de
cinq ans par décret pris sur le rapport du ministre chargé de l'économie.
« Le président est nommé en raison de ses compétences dans les domaines
juridique et économique.
« Le collège comprend également :
« 1° Six membres ou anciens membres du Conseil d'État, de la Cour de cassation,
de la Cour des comptes ou des autres juridictions administratives ou judiciaires
;
« 2° Cinq personnalités choisies en raison de leur compétence en matière
économique ou en matière de concurrence et de consommation ;
« 3° Cinq personnalités exerçant ou ayant exercé leurs activités dans les
secteurs de la production, de la distribution, de l'artisanat, des services ou
des professions libérales.
« Quatre vice-présidents sont désignés parmi les membres du collège, dont au
moins deux parmi les personnalités mentionnées aux 2° et 3° » ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 461-3 du même code dans sa
rédaction issue de la loi du 12 mai 2009 susvisée : « L'Autorité de la
concurrence peut siéger soit en formation plénière, soit en sections, soit en
commission permanente. La commission permanente est composée du président et des
quatre vice-présidents.
« Les formations de l'autorité délibèrent à la majorité des membres présents. Le
règlement intérieur de l'autorité détermine les critères de quorum applicables à
chacune de ces formations.
« En cas de partage égal des voix, la voix du président de la formation est
prépondérante.
« Le président, ou un vice-président désigné par lui, peut adopter seul les
décisions prévues à l'article L. 462-8, ainsi que celles prévues aux articles L.
464-2 à L. 464-6 quand elles visent des faits dont l'Autorité de la concurrence
a été saisie par le ministre en application du quatrième alinéa de l'article L.
464-9. Il peut faire de même s'agissant des décisions prévues à l'article L.
430-5 » ;
5. Considérant qu'aux termes du paragraphe III de l'article L. 462-5 du même
code dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 13 novembre 2008 susvisée : « Le
rapporteur général peut proposer à l'Autorité de la concurrence de se saisir
d'office des pratiques mentionnées aux I et II et à l'article L. 430-8 ainsi que
des manquements aux engagements pris en application des décisions autorisant des
opérations de concentration intervenues avant l'entrée en vigueur de
l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 portant modernisation de la
régulation de la concurrence » ;
6. Considérant que les sociétés requérantes contestent, d'une part, les
dispositions du paragraphe IV de l'article L. 430-8 du code de commerce
relatives aux sanctions pouvant être prononcées à l'encontre de sociétés s'étant
vu accorder une autorisation de concentration, et, d'autre part, les
dispositions du paragraphe II de l'article L. 461-1, de l'article L. 461-3 et du
paragraphe III de l'article L. 462-5 du code de commerce relatives à la
composition, aux règles de délibération et aux modalités de saisine de
l'Autorité de la concurrence ;
- SUR LE PARAGRAPHE IV DE L'ARTICLE L. 430-8 DU CODE DE COMMERCE :
7. Considérant que, selon les sociétés requérantes, en permettant à l'Autorité
de la concurrence de retirer une autorisation de concentration déjà délivrée et,
par suite, de remettre en cause une opération de concentration effective ou de
contraindre la société concernée à respecter des obligations nouvelles, les
dispositions du paragraphe IV de l'article L. 430-8 du code de commerce portent
une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre ; qu'en ne déterminant
pas la nature de l'analyse de la situation concurrentielle par l'Autorité de la
concurrence et en ne précisant pas le point de départ de la procédure de retrait
de l'autorisation de concentration, ces dispositions seraient également
contraires à l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et
d'accessibilité de la loi ainsi qu'à l'exigence constitutionnelle de clarté et
de précision de la loi ;
. En ce qui concerne la liberté d'entreprendre :
8. Considérant qu'il est loisible au législateur d'apporter à la liberté
d'entreprendre, qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789, des limitations liées à des exigences
constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il
n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi
;
9. Considérant, en premier lieu, qu'en adoptant les dispositions du paragraphe
IV de l'article L. 430-8 du code de commerce, le législateur a attribué à
l'Autorité de la concurrence, en cas d'inexécution d'une injonction, d'une
prescription ou d'un engagement figurant dans une décision autorisant une
opération de concentration, la faculté de retirer la décision ayant autorisé la
réalisation de l'opération de concentration et d'infliger une sanction
pécuniaire aux personnes auxquelles incombait l'obligation non exécutée ; que le
retrait de la décision autorisant l'opération de concentration est applicable
uniquement lorsque cette autorisation a été accordée sous condition ; que
lorsque la décision ayant autorisé l'opération est retirée, à moins de revenir à
l'état antérieur à la concentration, les parties sont tenues de notifier à
nouveau l'opération de concentration à l'Autorité de la concurrence dans un
délai d'un mois à compter du retrait de l'autorisation, sauf à s'exposer à
d'autres sanctions ; que par ces dispositions, le législateur a entendu assurer
le respect effectif des injonctions, prescriptions ou engagements dont sont
assorties les autorisations de concentration ;
10. Considérant, en second lieu, que les sanctions prévues par le paragraphe IV
de l'article L. 430-8 du code de commerce ne sont encourues que lorsqu'une
opération de concentration est autorisée « en enjoignant aux parties de prendre
toute mesure propre à assurer une concurrence suffisante ou en les obligeant à
observer des prescriptions de nature à apporter au progrès économique une
contribution suffisante pour compenser les atteintes à la concurrence » ; qu'en
outre, en vertu du premier alinéa de l'article L. 462-7 du même code : «
L'Autorité ne peut être saisie de faits remontant à plus de cinq ans s'il n'a
été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction
» ; qu'enfin les décisions prises par l'Autorité de la concurrence sur le
fondement du paragraphe IV de l'article L. 430-8 peuvent faire l'objet d'un
recours juridictionnel ; qu'il appartient au juge, saisi d'un tel recours, de
s'assurer du bien-fondé de la décision ;
11. Considérant que les dispositions contestées relatives au contrôle des
opérations de concentration ont pour objet d'assurer un fonctionnement
concurrentiel du marché dans un secteur déterminé ; qu'en les adoptant, le
législateur n'a pas porté au principe de la liberté d'entreprendre une atteinte
qui ne serait pas justifiée par les objectifs de préservation de l'ordre public
économique qu'il s'est assignés et proportionnée à cette fin ; que, par suite,
le grief tiré de l'atteinte à la liberté d'entreprendre doit être écarté ;
. En ce qui concerne l'intelligibilité et l'accessibilité de la loi :
12. Considérant que la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle
d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi ne peut, en elle-même, être
invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le
fondement de l'article 61-1 de la Constitution ; que, par suite, le grief tiré
de la méconnaissance de cet objectif n'est pas recevable ;
13. Considérant que le paragraphe IV de l'article L. 430-8 du code de commerce
n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ;
qu'il doit être déclaré conforme à la Constitution ;
- SUR LE PARAGRAPHE II DE L'ARTICLE L. 461-1, L'ARTICLE L. 461-3 ET LE
PARAGRAPHE III DE L'ARTICLE L. 462-5 DU CODE DE COMMERCE :
14. Considérant que, selon les sociétés requérantes, les dispositions du
paragraphe II de l'article L. 461-1, de l'article L. 461-3 et du paragraphe III
de l'article L. 462-5 du code de commerce, qui ne garantiraient pas la
séparation entre les formations de l'Autorité de la concurrence chargées de
délivrer les autorisations de concentration et celles chargées de prononcer des
sanctions à l'occasion du contrôle des opérations de concentration non plus que
la séparation des pouvoirs de poursuite et de sanction des opérations de
concentration au sein de l'Autorité de la concurrence, méconnaissent les
principes d'indépendance et d'impartialité des juridictions qui découlent de
l'article 16 de la Déclaration de 1789 ;
15. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : «
Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la
séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ;
16. Considérant que le principe de la séparation des pouvoirs, non plus qu'aucun
autre principe ou règle de valeur constitutionnelle, ne fait obstacle à ce
qu'une autorité administrative indépendante, agissant dans le cadre de
prérogatives de puissance publique, puisse exercer un pouvoir de sanction dans
la mesure nécessaire à l'accomplissement de sa mission, dès lors que l'exercice
de ce pouvoir est assorti par la loi de mesures destinées à assurer la
protection des droits et libertés constitutionnellement garantis ; qu'en
particulier, doivent être respectés le principe de la légalité des délits et des
peines ainsi que les droits de la défense, principes applicables à toute
sanction ayant le caractère d'une punition, même si le législateur a laissé le
soin de la prononcer à une autorité de nature non juridictionnelle ; que doivent
également être respectés les principes d'indépendance et d'impartialité
découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789 ;
17. Considérant, en premier lieu, d'une part, que les dispositions du paragraphe
II de l'article L. 461-1 du code de commerce fixent la composition du collège de
l'Autorité de la concurrence, dont les différentes formations sont compétentes
pour exercer les pouvoirs de sanction confiés par le législateur à cette
autorité administrative indépendante ; que l'article L. 461-2 du même code
prévoit les obligations auxquelles sont tenus les membres de l'autorité ; que
les troisième et quatrième alinéas de cet article prescrivent notamment : « Tout
membre de l'autorité doit informer le président des intérêts qu'il détient ou
vient à acquérir et des fonctions qu'il exerce dans une activité économique. -
Aucun membre de l'autorité ne peut délibérer dans une affaire où il a un intérêt
ou s'il représente ou a représenté une des parties intéressées » ; que l'article
L. 461-3 du même code fixe les règles de délibération de l'autorité ;
18. Considérant, d'autre part, qu'en vertu des trois premiers alinéas de
l'article L. 461-4 du code de commerce : « L'Autorité de la concurrence dispose
de services d'instruction dirigés par un rapporteur général nommé par arrêté du
ministre chargé de l'économie après avis du collège.- Ces services procèdent aux
investigations nécessaires à l'application des titres II et III du présent
livre. - Les rapporteurs généraux adjoints, les rapporteurs permanents ou non
permanents et les enquêteurs des services d'instruction sont nommés par le
rapporteur général, par décision publiée au Journal officiel » ; qu'en vertu de
l'avant-dernier alinéa du même article : « Le président est ordonnateur des
recettes et des dépenses de l'autorité. Il délègue l'ordonnancement des dépenses
des services d'instruction au rapporteur général » ; que ces dispositions ont
pour objet de garantir l'indépendance du rapporteur général et de ses services à
l'égard des formations de l'Autorité de la concurrence compétentes pour
prononcer les sanctions ;
19. Considérant qu'au regard de ces garanties légales, dont il appartient à la
juridiction compétente de contrôler le respect, le paragraphe II de l'article L.
461-1 et l'article L. 461-3 du code de commerce ne méconnaissent pas les
principes d'indépendance et d'impartialité indissociables de l'exercice de
pouvoirs de sanction par une autorité administrative indépendante ;
20. Considérant, en second lieu, que si les dispositions du paragraphe III de
l'article L. 462-5 du code de commerce autorisent l'Autorité de la concurrence à
se saisir « d'office » de certaines pratiques ainsi que des manquements aux
engagements pris en application des décisions autorisant des opérations de
concentration, c'est à la condition que cette saisine ait été proposée par le
rapporteur général ; que ces dispositions, relatives à l'ouverture de la
procédure de vérification de l'exécution des injonctions, prescriptions ou
engagements figurant dans une décision autorisant une opération de
concentration, ne conduisent pas l'autorité à préjuger la réalité des
manquements à examiner ; que l'instruction de l'affaire est ensuite assurée par
le rapporteur général dans les conditions et selon les garanties prévues par les
articles L. 463-1 et L. 463-2 dudit code ; que le collège de l'Autorité est,
pour sa part, compétent pour se prononcer, selon les modalités prévues par
l'article L. 463-7 du même code, sur les griefs notifiés par le rapporteur
général et, le cas échéant, infliger des sanctions ; que les deux derniers
alinéas de cet article disposent que, lors de la séance, le rapporteur général
peut présenter des observations, tout en prévoyant que lorsque l'autorité statue
sur des pratiques dont elle a été saisie en application de l'article L. 462-5,
le rapporteur général et le rapporteur n'assistent pas au délibéré ;
21. Considérant qu'au regard de ces garanties légales, dont il appartient à la
juridiction compétente de contrôler le respect, la saisine de l'Autorité de la
concurrence n'opère pas de confusion entre les fonctions de poursuite et
d'instruction et les pouvoirs de sanction ; que, dans ces conditions, les
dispositions du paragraphe III de l'article L. 462-5 du code de commerce ne
portent aucune atteinte aux principes d'indépendance et d'impartialité découlant
de l'article 16 de la Déclaration de 1789 ;
22. Considérant que le paragraphe II de l'article L. 461-1, l'article L. 461-3
et le paragraphe III de l'article L. 462-5 du code de commerce, qui ne
méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent
être déclarés conformes à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- Sont conformes à la Constitution :
- le paragraphe IV de l'article L. 430-8, dans sa rédaction issue de la loi n°
2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie,
- le paragraphe II de l'article L. 461-1, dans sa rédaction issue de la loi n°
2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de
l'article 13 de la Constitution,
- l'article L. 461-3, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-526 du 12 mai
2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des
procédures,
- le paragraphe III de l'article L. 462-5 du code de commerce, dans sa rédaction
issue de l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 portant modernisation de
la régulation de la concurrence.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 11 octobre 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme
Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Décision n° 2012-281 QPC du 12 octobre 2012
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des
fonctionnaires ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives
à la fonction publique de l'État ;
Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service
public de la poste et à France Télécom ;
Vu la loi n° 2003-1365 du 31 décembre 2003 relative aux obligations de service
public des télécommunications et à France Télécom ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations en intervention produites pour la société France Télécom par
la SCP Baker et McKenzie, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 7 août et
14 septembre 2012 ;
Vu les observations produites pour le syndicat requérant par la S.C.P. Hélène
Didier et François Pinet, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation,
enregistrées le 31 août 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 31 août
2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Pinet pour le syndicat de défense des fonctionnaires, Me Emmanuel Guillaume
pour la société France Télécom et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier
ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 2 octobre 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 1er-1 de la loi du
2 juillet 1990 susvisée : « L'entreprise France Télécom est soumise aux
dispositions législatives applicables aux sociétés anonymes dans la mesure où
elles ne sont pas contraires à la présente loi » ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 29 de la même loi : « Les personnels
de La Poste et de France Télécom sont régis par des statuts particuliers pris en
application de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations
des fonctionnaires et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions
statutaires relatives à la fonction publique de l'État, qui comportent des
dispositions spécifiques dans les conditions prévues aux alinéas ci-après, ainsi
qu'à l'article 29-1.
« Les corps homologues de fonctionnaires de La Poste et de France Télécom sont
régis par des statuts particuliers qui définissent les conditions dans
lesquelles les agents de l'un de ces corps peuvent être intégrés, par simple
mutation, dans le corps homologue relevant de l'autre entreprise.
« Les dispositions de l'article 10 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984
précitée s'appliquent à l'ensemble des corps de fonctionnaires de La Poste et de
France Télécom.
« Les personnels de La Poste et de France Télécom ne relèvent pas des catégories
prévues à l'article 29 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée.
« Les fonctionnaires de La Poste et de France Télécom peuvent être sur leur
demande, mis à disposition, détachés ou placés hors cadre, en vue d'assurer des
fonctions propres aux entreprises et à leurs filiales, selon des modalités
fixées par décret en Conseil d'État.
« Les troisième, quatrième, cinquième et sixième alinéas de l'article 22 de la
loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée sont applicables aux fonctionnaires de
La Poste et de France Télécom, sauf dispositions expresses d'une convention ou
d'un accord collectif interprofessionnel, de branche ou d'entreprise prévoyant
des dispositions plus favorables » ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 29-1 de la même loi : « 1. Au 31
décembre 1996, les corps de fonctionnaires de France Télécom sont rattachés à
l'entreprise nationale France Télécom et placés sous l'autorité de son président
qui dispose des pouvoirs de nomination et de gestion à leur égard. Les
personnels fonctionnaires de France Télécom demeurent soumis aux articles 29 et
30 de la présente loi. Le président peut déléguer ses pouvoirs de nomination et
de gestion et en autoriser la subdélégation dans les conditions de forme, de
procédure et de délai qu'il détermine.
« L'entreprise nationale France Télécom peut procéder jusqu'au 1er janvier 2002
à des recrutements externes de fonctionnaires pour servir auprès d'elle en
position d'activité.
« France Télécom emploie librement des agents contractuels sous le régime des
conventions collectives.
« Par dérogation à l'article 9 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée
et au chapitre II de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée, les
fonctionnaires de France Télécom participent avec les salariés de l'entreprise à
l'organisation et au fonctionnement de leur entreprise, ainsi qu'à la gestion de
son action sociale, par l'intermédiaire des institutions représentatives prévues
aux titres Ier à IV du livre III de la deuxième partie du code du travail, sous
réserve des adaptations, précisées par décret en Conseil d'État, qui sont
justifiées par la situation particulière des fonctionnaires de France Télécom.
« L'article 16 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée ne s'applique pas
aux fonctionnaires de France Télécom. La quatrième partie du code du travail est
applicable aux fonctionnaires de France Télécom, sous réserve des adaptations,
précisées par décret en Conseil d'État, qui sont justifiées par la situation
particulière des fonctionnaires de France Télécom.
« L'article 9 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée s'applique
pour l'élection des commissions prévues à l'article 14 de la loi n° 84-16 du 11
janvier 1984 précitée et pour la détermination de la composition de l'organisme
paritaire représentant les fonctionnaires de France Télécom et chargé de donner
un avis sur les textes relatifs à leurs statuts, prévu au présent article. Le
chapitre II du titre Ier du livre IV du code du travail est applicable aux
fonctionnaires de France Télécom. Par dérogation au 7° de l'article 34 de la loi
n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée, les fonctionnaires de France Télécom ont
droit à un congé de formation économique, social et syndical dans les conditions
fixées par les chapitres Ier et II du titre V du livre IV du code du travail.
« Le président de France Télécom peut instituer des indemnités spécifiques, dont
le montant peut être modulé pour tenir compte de l'évolution des autres éléments
de la rémunération des fonctionnaires de France Télécom, tels qu'ils résultent
de l'article 20 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée.
« Les modalités d'application du présent article sont précisées par décret en
Conseil d'État. Ce décret précise notamment la composition particulière et les
modalités de fonctionnement de l'organisme paritaire représentant les
fonctionnaires et chargé de donner un avis sur les textes relatifs à leurs
statuts » ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 29-2 de la même loi : « Durant une
période transitoire, liée à la présence de fonctionnaires dans l'entreprise, les
pouvoirs nécessaires à la nomination et à la gestion des fonctionnaires présents
dans l'entreprise sont conférés au président de France Télécom désigné par le
conseil d'administration. Toutefois, le pouvoir de prononcer les sanctions
disciplinaires du quatrième groupe, prévues à l'article 66 de la loi n° 84-16 du
11 janvier 1984 précitée, appartient au ministre chargé des télécommunications
qui l'exerce sur proposition du président de France Télécom et après avis de la
commission administrative paritaire siégeant au conseil de discipline » ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 31 décembre 2003
susvisée :
« La loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public
de la poste et des télécommunications est ainsi modifiée :
« I. - Dans l'intitulé, les mots : « et des télécommunications » sont remplacés
par les mots : « et à France Télécom ».
« II. - À l'article 1er, les mots : « et de France Télécom et sont désignées
ci-après sous l'appellation d'exploitant public, et de France Télécom, ».
« III. - L'article 3 est abrogé.
« IV. - À l'article 4, les mots : « et France Télécom concourent » sont
remplacés par le mot : « concourt », les mots : « dans leur secteur d'activité»
par les mots : « dans son secteur d'activité», et les mots : « Ils participent »
par les mots : « Elle participe ».
« V. - L'article 5 est ainsi modifié :
« 1° Les mots : « et France Télécom contribuent » sont remplacés par le mot : «
contribue » ;
« 2° Il est complété par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Sans préjudice des obligations qui lui incombent pour les besoins de la
défense nationale et de la sécurité publique en application de l'article L. 33-1
du code des postes et télécommunications, France Télécom, à la demande du
Gouvernement, établit, exploite, fournit et entretient en toute circonstance et
sur l'ensemble du territoire national :
« a) Des réseaux ou services de télécommunications spécialisés de sécurité,
affectés à l'usage des autorités gouvernementales et des représentants de l'Etat
sur le territoire national ;
« b) Des services de télécommunications nécessaires lors des déplacements du
Président de la République.
« Les coûts de ces prestations sont remboursés à France Télécom.
« Un décret détermine, en tant que de besoin, les conditions d'application du
présent article. »
« VI. - L'article 6 est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa, les mots : « et France Télécom participent » sont
remplacés par le mot : « participe » ;
« 2° Au deuxième alinéa, les mots : « ces exploitants peuvent » sont remplacés
par les mots : « elle peut ».
« VII. - L'article 8 est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa, les mots : « fixe, pour chacun des exploitants publics,
ses droits et obligations » sont remplacés par les mots : « fixe les droits et
obligations de l'exploitant public » ;
« 2° Dans le dernier alinéa, les mots : « assurées par chaque exploitant » sont
supprimés.
« VIII. - L'article 17 est abrogé.
« IX. - L'article 23-1 est abrogé.
« X. - L'article 34 est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa, les mots : « aux exploitants publics » sont remplacés
par les mots : « à l'exploitant public et à France Télécom » ;
« 2° Au second alinéa, les mots : « des exploitants publics » sont remplacés par
les mots : « de l'exploitant public», et les mots : « les deux exploitants
publics » par les mots : « les deux entreprises ».
« XI. - L'article 35 est ainsi modifié :
« 1° Aux septième et treizième alinéas, les mots : « France Télécom » sont
remplacés par les mots : « les opérateurs chargés de fournir le service
universel des télécommunications » ;
« 2° Au huitième alinéa, après les mots : « les projets de contrats de plan »,
sont insérés les mots : « de l'exploitant public » et, après les mots : « et de
cahier des charges », sont insérés les mots : « de l'exploitant public et des
opérateurs chargés de fournir le service universel des télécommunications » ;
« 3° Au dixième alinéa, les mots : « des exploitants » sont remplacés par les
mots : « de l'exploitant public et des opérateurs chargés de fournir le service
universel des télécommunications » ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la loi du 31 décembre 2003 :
« La loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 précitée est ainsi modifiée :
« I. - À l'article 7, les mots : « Chaque exploitant public » sont remplacés par
les mots : « L'exploitant public ».
« II. - L'article 9 est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa, les mots : « et de France Télécom » sont supprimés, et
les mots : « chaque exploitant public » sont remplacés par les mots : «
l'exploitant public » ;
« 2° Au second alinéa, les mots : « Chaque contrat » sont remplacés par les mots
: « Ce contrat ».
« III. - L'article 10-1 est abrogé.
« IV. - À l'article 11, après les mots : « du conseil d'administration », sont
insérés les mots : « de l'exploitant public ».
« V. - L'article 12 est ainsi modifié :
« 1° Les mots : « aux conseils d'administration » sont remplacés par les mots :
« au conseil d'administration », les mots : « de chacun de ces exploitants
publics et de leurs filiales respectives » par les mots : « de l'exploitant
public et de ses filiales», les mots : « des exploitants publics» par les mots :
« de l'exploitant public » et les mots : « et de France Télécom » sont supprimés
;
« 2° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les articles L. 225-27 à L. 225-34 du code de commerce sont applicables à
l'ensemble du personnel de France Télécom, sous réserve des adaptations,
précisées par décret en Conseil d'Etat, qui sont rendues nécessaires par le
statut des personnels défini par l'article 29 de la présente loi. »
« VI. - À l'article 14, les mots : « Chaque exploitant public » sont remplacés
par les mots : « L'exploitant public ».
« VII. - L'article 15 est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa, les mots : « chaque exploitant public » sont remplacés
par les mots : « l'exploitant public », et les mots : « et à France Télécom »
sont supprimés ;
« 2° Au deuxième alinéa, les mots : « Chaque exploitant public » sont remplacés
par les mots : « L'exploitant public ».
« VIII. - À l'article 25, les mots : « et de France Télécom avec leurs usagers,
leurs fournisseurs et les tiers » sont remplacés par les mots : « avec ses
usagers, ses fournisseurs et les tiers ».
« IX. - À l'article 26, les mots : « les exploitants publics vis-à-vis de leurs
usagers » sont remplacés par les mots : « l'exploitant public vis-à-vis de ses
usagers ».
« X. - À l'article 27, les mots : « de chaque exploitant public » sont remplacés
par les mots : « de l'exploitant public ».
« XI. - À l'article 28, les mots : « et France Télécom disposent » sont
remplacés par le mot : « dispose ».
« XII. - L'article 38 est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa, les mots : « à la spécificité de chaque exploitant »
sont remplacés par les mots : « à la spécificité de l'exploitant public » ;
« 2° Au deuxième alinéa, les mots : « de représentants des exploitants, des
usagers et du personnel de La Poste et de France Télécom » sont remplacés par
les mots : « de représentants de l'exploitant public, de ses usagers et de son
personnel » ;
« 3° Au troisième alinéa, les mots : « des exploitants publics » sont remplacés
par les mots : « de l'exploitant public ».
« XIII. - L'article 39 est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa, les mots : « et France Télécom sont soumis » sont
remplacés par les mots : « est soumise » ;
« 2° Au second alinéa, les mots : « Ils sont assujettis » sont remplacés par les
mots : « Elle est assujettie ».
« XIV. - À l'article 40, les mots : « ou France Télécom » sont supprimés » ;
7. Considérant que, selon le syndicat requérant, en prévoyant le maintien de
fonctionnaires dans l'entreprise France Télécom, alors que cette entreprise
n'est plus investie par la loi d'une mission de service public, les dispositions
contestées méconnaissent « le principe constitutionnel en vertu duquel des corps
de fonctionnaires de l'État ne peuvent être constitués et maintenus qu'en vue de
pourvoir à l'exécution de missions de service public » ; qu'il soutient, en
outre, que les articles 29-1 et 29-2 de la loi du 2 juillet 1990 méconnaissent
les dispositions de l'article 13 de la Constitution ;
8. Considérant que l'article 1er-1 de la loi du 2 juillet 1990, qui tire les
conséquences de la suppression de la participation majoritaire obligatoire de
l'État dans le capital de France Télécom, prévoit que cette entreprise est
soumise en principe aux dispositions législatives applicables aux sociétés
anonymes ; que les dispositions des articles 29, 29-1 et 29-2 maintiennent pour
les personnels de France Télécom le principe selon lequel ils sont régis par des
statuts particuliers pris en application des lois du 13 juillet 1983 et du 11
janvier 1984 susvisées ; qu'elles précisent que les corps de fonctionnaires de
France Télécom sont placés sous l'autorité du président de l'entreprise désigné
par le conseil d'administration ; que le président de France Télécom dispose des
pouvoirs de nomination et de gestion à l'égard de ces fonctionnaires ; que les
articles 2 et 8 de la loi du 31 décembre 2003 ont pour objet de modifier la loi
du 2 juillet 1990 en abrogeant ou en modifiant les dispositions dont il
résultait que France Télécom était directement investie de missions de service
public dans le domaine des télécommunications ;
9. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les
articles 29, 29-1 et 29-2 de la loi du 2 juillet 1990 ;
10. Considérant, en premier lieu, que, selon les deuxième, troisième et
quatrième alinéas de l'article 13 de la Constitution, le Président de la
République « nomme aux emplois civils et militaires de l'État. - Les conseillers
d'État, le grand chancelier de la Légion d'honneur, les ambassadeurs et envoyés
extraordinaires, les conseillers maîtres à la Cour des Comptes, les préfets, les
représentants de l'État dans les collectivités d'outre-mer régies par l'article
74 et en Nouvelle-Calédonie, les officiers généraux, les recteurs des académies,
les directeurs des administrations centrales sont nommés en Conseil des
ministres. - Une loi organique détermine les emplois auxquels il est pourvu en
Conseil des ministres ainsi que les conditions dans lesquelles le pouvoir de
nomination du Président de la République peut être par lui délégué pour être
exercé en son nom » ; que ces dispositions n'instituent pas un droit ou une
liberté que la Constitution garantit ; que leur méconnaissance ne peut donc être
invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le
fondement de l'article 61-1 de la Constitution ; que, dès lors, le grief soulevé
à l'encontre des articles 29-1 et 29-2 de la loi du 2 juillet 1990 doit être
écarté ;
11. Considérant, en second lieu, que contrairement à ce que soutient le syndicat
requérant, les dispositions contestées ne portent atteinte à aucun principe
constitutionnel applicable aux fonctionnaires ni à aucun droit ou liberté que la
Constitution garantit ; que, par suite, les articles 29, 29-1 et 29-2 de la loi
du 2 juillet 1990 doivent être déclarés conformes à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- Les articles 29, 29-1 et 29-2 de la loi n° 90-568 du 2 juillet
1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom
sont conformes à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 11 octobre 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
3 DECISIONS DU 23 NOVEMBRE 2012
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 12 septembre 2012 par le Conseil d'État (décision n° 357839 du 12 septembre 2012), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par les associations France Nature Environnement et Agir pour les paysages, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 120-1, des deuxième et troisième alinéas de l'article L. 581-9, de l'article L. 581-14-2, et du premier alinéa de l'article L. 581-18 du code de l'environnement.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour
l'environnement ;
Vu la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à
l'allégement des démarches administratives ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par les associations requérantes, enregistrées les
5 octobre et 22 octobre 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 5 octobre
2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Eve-Marie Ravassard Bouvier, avocate au barreau de Paris, dans l'intérêt des
associations requérantes et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre,
ayant été entendus à l'audience publique du 14 novembre 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 120-1 du code de
l'environnement : « Le présent article définit les conditions et limites dans
lesquelles le principe de participation du public défini à l'article 7 de la
Charte de l'environnement est applicable aux décisions réglementaires de l'État
et de ses établissements publics.
« I. - Sauf disposition particulière relative à la participation du public
prévue par le présent code ou par la législation qui leur est applicable, les
décisions réglementaires de l'État et de ses établissements publics sont
soumises à participation du public lorsqu'elles ont une incidence directe et
significative sur l'environnement. Elles font l'objet soit d'une publication
préalable du projet de décision par la voie électronique dans des conditions
permettant au public de formuler des observations, selon les modalités fixées
par le II, soit d'une publication du projet de décision avant la saisine d'un
organisme consultatif comportant des représentants des catégories de personnes
concernées par la décision en cause, selon les modalités fixées par le III.
« II. - Le projet de décision, accompagné d'une note de présentation, est rendu
accessible au public pendant une durée minimale de quinze jours francs. Le
public est informé de la date jusqu'à laquelle les observations présentées sur
le projet seront reçues. Le projet ne peut être définitivement adopté avant
l'expiration d'un délai de deux jours francs à compter de cette date.
« Lorsque le volume ou les caractéristiques des documents ne permettent pas leur
publication par voie électronique, l'information mise en ligne comprend un
résumé du dossier ainsi qu'une indication des lieux et heures où l'intégralité
du dossier peut être consultée.
« III. - Le projet de décision fait l'objet d'une publication, éventuellement
par voie électronique, avant transmission à un organisme consultatif comportant
des représentants des catégories de personnes concernées par la décision en
cause, dont la consultation est obligatoire en vertu d'une loi ou d'un
règlement.
« La publication du projet est accompagnée d'une note de présentation. Le projet
ne peut être définitivement adopté avant l'expiration d'un délai de quinze jours
francs à compter de la date de publication du projet.
« IV. - Le I ne s'applique pas lorsque l'urgence justifiée par la protection de
l'environnement, de la santé publique ou de l'ordre public ne permet pas
l'organisation d'une procédure de participation du public. Les délais visés aux
II et III peuvent être réduits lorsque l'urgence, sans rendre impossible la
participation du public, le justifie.
« V. - Les modalités de la participation du public peuvent être adaptées en vue
de respecter les intérêts mentionnés au 1° du I de l'article L. 124-4.
« VI. - Les modalités d'application du présent article sont définies par décret
en Conseil d'État » ;
2. Considérant qu'aux termes des deuxième et troisième alinéas de l'article L.
581-9 : « Peuvent être autorisés par arrêté municipal, au cas par cas, les
emplacements de bâches comportant de la publicité et, après avis de la
commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de
sites, l'installation de dispositifs publicitaires de dimensions exceptionnelles
liés à des manifestations temporaires. Les conditions d'application du présent
alinéa sont déterminées par le décret mentionné au premier alinéa.
« L'installation des dispositifs de publicité lumineuse autres que ceux qui
supportent des affiches éclairées par projection ou par transparence est soumise
à l'autorisation de l'autorité compétente » ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 581-14-2 : « Les compétences en
matière de police de la publicité sont exercées par le préfet. Toutefois, s'il
existe un règlement local de publicité, ces compétences sont exercées par le
maire au nom de la commune. Dans ce dernier cas, à défaut pour le maire de
prendre les mesures prévues aux articles L. 581-27, L. 581-28 et L. 581-31 dans
le délai d'un mois suivant la demande qui lui est adressée par le représentant
de l'État dans le département, ce dernier y pourvoit en lieu et place du maire »
;
4. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 581-18 dans sa
rédaction antérieure à la loi du 22 mars 2012 susvisée : « Un décret en Conseil
d'État fixe les prescriptions générales relatives à l'installation et à
l'entretien des enseignes en fonction des procédés utilisés, de la nature des
activités ainsi que des caractéristiques des immeubles où ces activités
s'exercent et du caractère des lieux où ces immeubles sont situés. Ce décret
fixe également des prescriptions relatives aux enseignes lumineuses afin de
prévenir ou limiter les nuisances lumineuses mentionnées au chapitre III du
présent titre » ;
5. Considérant que, selon les associations requérantes, ces dispositions,
méconnaissent les articles 1er, 3 et 7 de la Charte de l'environnement, les
articles 4 et 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789,
l'article 34 de la Constitution ainsi que le dernier alinéa de son article 72,
et l'objectif d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ;
- SUR LES GRIEFS TIRÉS DE LA MÉCONNAISSANCE DES ARTICLES 1ER ET 3 DE LA CHARTE
DE L'ENVIRONNEMENT :
6. Considérant que, selon les associations requérantes, en ne prévoyant pas les
conditions de la prévention des atteintes à l'environnement ainsi qu'au cadre de
vie et en n'habilitant pas le pouvoir réglementaire à fixer des règles relatives
à la densité et au format des enseignes, les deuxième et troisième alinéas de
l'article L. 581-9, l'article L. 581-14-2 ainsi que le premier alinéa de
l'article L. 581-18 du code de l'environnement méconnaissent les articles 1er et
3 de la Charte de l'environnement;
7. Considérant que l'article 1er de la Charte de l'environnement dispose : «
Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la
santé » ; que son article 3 dispose : « Toute personne doit, dans les conditions
définies par la loi, prévenir les atteintes qu'elle est susceptible de porter à
l'environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences » ; qu'il incombe au
législateur et, dans le cadre défini par la loi, aux autorités administratives
de déterminer, dans le respect des principes ainsi énoncés par cet article, les
modalités de la mise en oeuvre de ces dispositions ;
8. Considérant que le Conseil constitutionnel ne dispose pas d'un pouvoir
général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ;
qu'il ne lui appartient pas de substituer son appréciation à celle du
législateur sur les moyens par lesquels le législateur entend mettre en oeuvre
le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la
santé ainsi que le principe de prévention des atteintes à l'environnement ;
. En ce qui concerne le deuxième alinéa de l'article L. 581-9 et l'article L.
581-14-2 du code de l'environnement :
9. Considérant que les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 581-9 du
code de l'environnement soumettent à un régime d'autorisation l'installation des
bâches comportant de la publicité et des dispositifs publicitaires de dimensions
exceptionnelles liés à des manifestations temporaires ; que celles de l'article
L. 581-14-2 du même code répartissent les compétences entre le maire et le
préfet au titre de la police de la publicité ; que ces dispositions n'entrent
pas dans le champ d'application de la Charte de l'environnement ; que, par
suite, les griefs tirés de la méconnaissance des articles 1er et 3 de la Charte
de l'environnement doivent être écartés comme inopérants ;
. En ce qui concerne le troisième alinéa de l'article L. 581-9 et le premier
alinéa de l'article L. 581-18 du code de l'environnement :
10. Considérant que le troisième alinéa de l'article L. 581-9 du code de
l'environnement soumet à autorisation de l'autorité compétente l'installation
des dispositifs de publicité lumineuse autres que ceux qui supportent des
affiches éclairées par projection ou par transparence ; qu'en adoptant ces
dispositions le législateur a entendu soumettre à un régime d'autorisation ces
dispositifs publicitaires à des fins de protection du cadre de vie et de
protection de l'environnement ; que l'article L. 581-18 renvoie à un décret en
Conseil d'État le soin de fixer les prescriptions générales relatives à
l'installation et à l'entretien des enseignes en fonction des procédés utilisés,
de la nature des activités ainsi que des caractéristiques des immeubles où ces
activités s'exercent et du caractère des lieux où ces immeubles sont situés ;
que ce décret doit également fixer des prescriptions relatives aux enseignes
lumineuses afin de prévenir ou limiter les nuisances qui en résultent ; que ces
dispositions ne méconnaissent pas les exigences des articles 1er et 3 de la
Charte de l'environnement ; que, par suite, les griefs tirés de la
méconnaissance de ces articles doivent être écartés ;
- SUR LES GRIEFS TIRÉS DE LA MÉCONNAISSANCE DE L'ARTICLE 7 DE LA CHARTE DE
L'ENVIRONNEMENT :
11. Considérant que, selon les associations requérantes, les dispositions de
l'article L. 120-1 ainsi que celles des deuxième et troisième alinéas de
l'article L. 581-9 du code de l'environnement méconnaissent le principe de
participation du public garanti par l'article 7 de la Charte de l'environnement
;
12. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61 1 de la
Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une
juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux
droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut
être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de
cassation qui se prononce dans un délai déterminé » ; que la méconnaissance par
le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une
question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette
méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution
garantit ;
13. Considérant que l'article 7 de la Charte de l'environnement dispose : «
Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la
loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les
autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques
ayant une incidence sur l'environnement » ; que ces dispositions figurent au
nombre des droits et libertés que la Constitution garantit ; qu'il incombe au
législateur et, dans le cadre défini par la loi, aux autorités administratives
de déterminer, dans le respect des principes ainsi énoncés, les modalités de la
mise en oeuvre de ces dispositions ;
. En ce qui concerne l'article L. 120-1 du code de l'environnement :
14. Considérant que, selon les associations requérantes, en limitant
l'application du principe de participation du public aux seules décisions
réglementaires de l'État et de ses établissements publics ayant une incidence
directe et significative sur l'environnement, l'article L. 120-1 du code de
l'environnement méconnaît l'article 7 de la Charte de l'environnement ; que le
principe de participation du public aurait également été méconnu par les
dispositions du paragraphe III de ce même article L. 120-1, qui n'organisent pas
la participation du public à l'élaboration des décisions ayant une incidence sur
l'environnement, ainsi que par celles des dispositions qui fixent un délai
insuffisant pour que puissent être recueillies et prises en compte les
observations du public ;
15. Considérant que les dispositions de l'article L. 120-1 du code de
l'environnement, issues de l'article 244 de la loi du 12 juillet 2010 susvisée,
fixent les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du
public défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement est applicable aux
décisions de l'État et de ses établissements publics ; que le législateur a
ainsi entendu exclure du champ d'application de l'article L. 120-1 les décisions
non réglementaires de l'État et de ses établissements publics, ainsi que leurs
décisions réglementaires qui ont un effet indirect ou un effet non significatif
sur l'environnement ;
16. Considérant que l'article 7 de la Charte de l'environnement prévoit que le
principe de participation du public s'exerce « dans les conditions et les
limites définies par la loi » ; qu'en prévoyant que ne doivent être regardées
comme « ayant une incidence sur l'environnement » que les décisions qui ont une
incidence « directe et significative » sur l'environnement, le législateur a
fixé au principe de participation du public des limites qui ne méconnaissent pas
les exigences de l'article 7 de la Charte de l'environnement ;
17. Considérant, toutefois, que les dispositions de l'article L. 120-1 relatives
aux modalités générales de participation du public limitent celle-ci aux seules
décisions réglementaires de l'État et de ses établissements publics ; qu'aucune
autre disposition législative générale n'assure, en l'absence de dispositions
particulières, la mise en oeuvre de ce principe à l'égard de leurs décisions non
réglementaires qui peuvent avoir une incidence directe et significative sur
l'environnement ; que, par suite, le législateur a privé de garanties légales
l'exigence constitutionnelle prévue par l'article 7 de la Charte de
l'environnement ;
18. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le premier alinéa de
l'article L. 120-1 du code de l'environnement doit être déclaré contraire à la
Constitution ; que les autres dispositions de cet article n'en sont pas
séparables ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens
soulevés à l'encontre de l'article L. 120-1 du code de l'environnement, cet
article doit être déclaré contraire à la Constitution ;
. En ce qui concerne les deuxième et troisième alinéas de l'article L. 581-9 du
code de l'environnement :
19. Considérant que, selon les associations requérantes, en ne prévoyant pas la
participation du public au processus d'instruction d'une demande d'autorisation
d'installation des bâches comportant de la publicité, des dispositifs
publicitaires de dimensions exceptionnelles liés à des manifestations
temporaires et des dispositifs de publicité lumineuse, les deuxième et troisième
alinéas de l'article L. 581-9 du code de l'environnement méconnaissent l'article
7 de la Charte de l'environnement ;
- Quant aux emplacements de bâches comportant de la publicité et à
l'installation de dispositifs publicitaires de dimensions exceptionnelles liés à
des manifestations temporaires :
20. Considérant que les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 581-9 du
code de l'environnement, issues de l'article 40 de la loi du 12 juillet 2010
susvisée, instituent un régime d'autorisation applicable aux emplacements des
bâches comportant de la publicité et à l'installation des dispositifs
publicitaires de dimensions exceptionnelles liés à des manifestations
temporaires ; qu'une telle autorisation doit être délivrée par arrêté municipal
; que, lorsque la demande concerne un dispositif publicitaire de dimensions
exceptionnelles, l'autorisation ne peut être délivrée qu'après avis de la
commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de
sites ;
21. Considérant que les décisions relatives aux emplacements de bâches
comportant de la publicité et à l'installation de dispositifs publicitaires de
dimensions exceptionnelles liés à des manifestations temporaires ne constituent
pas des décisions ayant une incidence sur l'environnement au sens de l'article 7
de la Charte de l'environnement ; que le grief tiré de la méconnaissance de ces
dispositions invoqué à l'encontre du deuxième alinéa de l'article L. 581-9 du
code de l'environnement doit être écarté comme inopérant ;
- Quant à l'installation de dispositifs de publicité lumineuse :
22. Considérant que le troisième alinéa de l'article L. 581-9 du code de
l'environnement subordonne à une autorisation préalable de l'autorité compétente
l'installation des dispositifs de publicité lumineuse autres que ceux qui
supportent des affiches éclairées par projection ou par transparence ; qu'en
vertu de l'article L. 581-14-2 du même code, cette autorisation est délivrée
soit par le préfet en l'absence de règlement local de publicité, soit par le
maire agissant au nom de la commune en présence d'un tel règlement ; qu'en vertu
du premier alinéa de l'article L. 581-9 du même code, un décret en Conseil
d'État détermine les prescriptions auxquelles doit satisfaire la publicité
lumineuse en fonction des procédés, des dispositifs utilisés, des
caractéristiques des supports et de l'importance des agglomérations concernées ;
que si la définition du régime applicable à l'installation des enseignes
lumineuses constitue une décision ayant une incidence sur l'environnement au
sens de l'article 7 de la Charte de l'environnement, le législateur pouvait,
sans méconnaître les exigences de cet article, considérer que chaque décision
d'autorisation d'installation de ces enseignes n'a pas, en elle-même, une
incidence significative sur l'environnement ; qu'en ne soumettant pas à la
participation du public les décisions individuelles prises en application du
troisième alinéa de l'article L. 581-9 du code de l'environnement, le
législateur n'a pas méconnu les exigences de l'article 7 de la Charte de
l'environnement ; que, par suite, le grief tiré de ce que le troisième alinéa de
l'article L. 581-9 du code de l'environnement méconnaîtrait le principe de
participation du public doit être écarté ;
- SUR LE GRIEF TIRÉ DE LA MÉCONNAISSANCE DU DERNIER ALINÉA DE L'ARTICLE 72 DE LA
CONSTITUTION :
23. Considérant que, selon les associations requérantes, en n'imposant pas la
transmission au préfet de la décision du maire prise au nom de la commune
d'autoriser ou de refuser d'installer des bâches comportant de la publicité, des
dispositifs publicitaires de dimensions exceptionnelles et des dispositifs de
publicité lumineuse, les dispositions des deuxième et troisième alinéas de
l'article L. 581-9 du code de l'environnement méconnaissent le dernier alinéa de
l'article 72 de la Constitution ;
24. Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 72 de la
Constitution : « Dans les collectivités territoriales de la République, le
représentant de l'État, représentant de chacun des membres du Gouvernement, a la
charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois
» ; que ces exigences constitutionnelles ne figurent pas au nombre des « droits
et libertés que la Constitution garantit » et ne sauraient, par suite, être
invoquées à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité ; que le
grief tiré de la méconnaissance du dernier alinéa de l'article 72 de la
Constitution doit être écarté ;
- SUR LE GRIEF TIRÉ DE LA MÉCONNAISSANCE DE LA LIBERTÉ D'ENTREPRENDRE :
25. Considérant que, selon les associations requérantes, en soumettant à une
autorisation les emplacements de bâches et de dispositifs de dimensions
exceptionnelles ainsi que l'installation des dispositifs de publicité lumineuse,
les dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article L. 581-9 du code
de l'environnement portent atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie
qui découle de la liberté d'entreprendre ;
26. Considérant qu'il est loisible au législateur d'apporter à la liberté
d'entreprendre, qui découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789, des
limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt
général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au
regard de l'objectif poursuivi ;
27. Considérant qu'en adoptant les dispositions des deuxième et troisième
alinéas de l'article L. 581-9 du code de l'environnement, le législateur a
notamment entendu assurer la protection du cadre de vie contre les atteintes
susceptibles de résulter de dispositifs de publicité extérieure ; qu'à cette
fin, il a soumis à autorisation les emplacements de bâches et de dispositifs de
dimensions exceptionnelles ainsi que l'installation de dispositifs de publicité
lumineuse ; que conformément au premier alinéa de l'article L. 581-9 du même
code, la publicité doit satisfaire, notamment en matière d'emplacements, de
densité, de surface, de hauteur, d'entretien et, pour la publicité lumineuse,
d'économies d'énergie et de prévention des nuisances lumineuses, à des
prescriptions fixées par décret en Conseil d'État en fonction des procédés, des
dispositifs utilisés, des caractéristiques des supports et de l'importance des
agglomérations concernées ; qu'en instituant un tel régime d'autorisation
administrative, le législateur n'a pas porté au principe de la liberté
d'entreprendre une atteinte qui ne serait pas justifiée par les objectifs qu'il
s'est assignés et proportionnée à cette fin ;
28. Considérant qu'il s'ensuit que le grief tiré de la méconnaissance de
l'article 4 de la Déclaration de 1789 dirigé contre les dispositions des
deuxième et troisième alinéas de l'article L. 581-9 du code de l'environnement
doit être écarté ;
- SUR LE GRIEF TIRÉ DE LA MÉCONNAISSANCE DE LA LIBERTÉ D'EXPRESSION :
29. Considérant que, selon les associations requérantes, le refus opposé par
l'autorité compétente à une demande autorisant l'emplacement de bâches et de
dispositifs de dimensions exceptionnelles ainsi que l'installation de
dispositifs de publicité lumineuse méconnaît l'article 11 de la Déclaration de
1789 en tant qu'il porte atteinte à un mode d'expression d'une opinion ;
30. Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la Déclaration de 1789 : « La
libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus
précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement,
sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi »
; que les atteintes portées à l'exercice de la liberté d'expression doivent être
nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif poursuivi ;
31. Considérant que les deuxième et troisième alinéas de l'article L. 581-9 du
code de l'environnement instituent un régime d'autorisation administrative
préalable pour l'installation de certains dispositifs de publicité extérieure ;
que ces dispositions n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de
conférer à l'autorité administrative saisie d'une demande sur leur fondement
d'exercer un contrôle préalable sur le contenu des messages publicitaires qu'il
est envisagé d'afficher ; que, sous cette réserve, ces dispositions ne portent
aucune atteinte à la liberté d'expression ;
32. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'article L. 120-1 du
code de l'environnement doit être déclaré contraire à la Constitution ; que les
deuxième et troisième alinéas de l'article L. 581-9, sont conformes à la
Constitution sous la réserve énoncée au considérant 31 ; que sont conformes à la
Constitution l'article L. 581-14-2 et le premier alinéa de l'article L. 581-18
du code de l'environnement dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2012-387 du
22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allégement des
démarches administratives ;
- SUR LA DÉCLARATION D'INCONSTITUTIONNALITÉ :
33. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la
Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement
de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du
Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le
Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les
effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ;
que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à
l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition
déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances
en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel,
les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le
pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses
effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a
produits avant l'intervention de cette déclaration ;
34. Considérant qu'afin de permettre au législateur de remédier à
l'inconstitutionnalité constatée, il y a lieu de reporter au 1er septembre 2013
la date d'abrogation de l'article L. 120-1 du code de l'environnement ; que les
décisions prises, avant cette date, en application des dispositions déclarées
inconstitutionnelles ne peuvent être contestées sur le fondement de cette
inconstitutionnalité,
D É C I D E :
Article 1er.- L'article L. 120-1 du code de l'environnement est contraire à la
Constitution.
Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à
compter du 1er septembre 2013 dans les conditions prévues au considérant 34.
Article 3.- Sous la réserve énoncée au considérant 31, les deuxième et troisième
alinéas de l'article L. 581-9 sont conformes à la Constitution.
Article 4.- L'article L. 581-14-2 et le premier alinéa de l'article L. 581 18 du
code de l'environnement dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2012 387 du 22
mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allégement des démarches
administratives sont conformes à la Constitution.
Article 5.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 22 novembre 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme
Jacqueline de GUILLENCHMIDT et M. Hubert HAENEL.
Décision n° 2012-283 QPC du 23 novembre 2012
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 13 septembre 2012,
dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution et selon les
modalités fixées par la dernière phrase du premier alinéa de l'article 23-7 de
l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le
Conseil constitutionnel, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée
par M. Antoine de M. et transmise au Conseil d'État, relative à la conformité
aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 341-1, L.
341-2, L. 341-3, L. 341-6, L. 341-9, L. 341-10 et L. 341-13 du code de
l'environnement.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu l'ordonnance n° 2000-914 du 18 septembre 2000 relative à la partie
législative du code de l'environnement ;
Vu la loi n° 2003-591 du 2 juillet 2003 habilitant le Gouvernement à simplifier
le droit ;
Vu l'ordonnance n° 2004-637 du 1er juillet 2004 relative à la simplification de
la composition et du fonctionnement des commissions administratives et à la
réduction de leur nombre ;
Vu la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit ;
Vu l'ordonnance n° 2005-727 du 30 juin 2005 portant diverses dispositions
relatives à la simplification des commissions administratives ;
Vu la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de
transposition du droit communautaire à la fonction publique ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 5 octobre
2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Cyrille André, avocat au barreau de Paris, pour le requérant, et M. Xavier
Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience
publique du 14 novembre 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que la question prioritaire de
constitutionnalité porte sur les articles L. 341-1, L. 341-2, L. 341-3, L.
341-6, L. 341-9, L. 341-10 et L. 341-13 du code de l'environnement dans leur
rédaction en vigueur le 27 avril 2009, date de la décision du ministre de
l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du
territoire contestée par le requérant devant la juridiction administrative ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 341-1 dans sa rédaction issue de
l'ordonnance du 1er juillet 2004 susvisée, ratifiée par l'article 78 de la loi
du 9 décembre 2004 susvisée et modifiée par l'article 3 de l'ordonnance du 30
juin 2005 susvisée ratifié par l'article 25 de la loi du 26 juillet 2005
susvisée : « Il est établi dans chaque département une liste des monuments
naturels et des sites dont la conservation ou la préservation présente, au point
de vue artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque, un
intérêt général ;
« L'inscription sur la liste est prononcée par arrêté du ministre chargé des
sites et, en Corse, par délibération de l'Assemblée de Corse après avis du
représentant de l'État. Un décret en Conseil d'État fixe la procédure selon
laquelle cette inscription est notifiée aux propriétaires ou fait l'objet d'une
publicité. La publicité ne peut être substituée à la notification que dans les
cas où celle-ci est rendue impossible du fait du nombre élevé de propriétaires
d'un même site ou monument naturel, ou de l'impossibilité pour l'administration
de connaître l'identité ou le domicile du propriétaire.
« L'inscription entraîne, sur les terrains compris dans les limites fixées par
l'arrêté, l'obligation pour les intéressés de ne pas procéder à des travaux
autres que ceux d'exploitation courante en ce qui concerne les fonds ruraux et
d'entretien normal en ce qui concerne les constructions sans avoir avisé, quatre
mois d'avance, l'administration de leur intention » ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 341-2 : « Les monuments naturels et
les sites inscrits ou non sur la liste dressée par la commission départementale
peuvent être classés dans les conditions et selon les distinctions établies par
la présente section.
« Lorsque la commission supérieure des sites, perspectives et paysages est
saisie directement d'une demande de classement, celle-ci est renvoyée à la
commission départementale aux fins d'instruction et, le cas échéant, de
proposition de classement. En cas d'urgence, le ministre chargé des sites fixe à
la commission départementale un délai pour émettre son avis. Faute par elle de
se prononcer dans ce délai, le ministre consulte la commission supérieure et
donne à la demande la suite qu'elle comporte.
« Dans les zones de montagne, la décision de classement est prise après
consultation du comité de massif concerné » ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 341-3 dans sa rédaction issue de
l'ordonnance du 18 septembre 2000 susvisée, ratifiée par l'article 31 de la loi
du 2 juillet 2003 susvisée : « Lorsqu'un monument naturel ou un site appartenant
en tout ou partie à des personnes autres que celles énumérées aux articles L.
341-4 et L. 341-5 fait l'objet d'un projet de classement, les intéressés sont
invités à présenter leurs observations selon une procédure fixée par décret en
Conseil d'État » ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 341-6 : « Le monument naturel ou le
site appartenant à toute autre personne que celles énumérées aux articles L.
341-4 et L. 341-5 est classé par arrêté du ministre chargé des sites s'il y a
consentement du propriétaire. L'arrêté détermine les conditions du classement.
« À défaut du consentement du propriétaire, le classement est prononcé, après
avis de la commission supérieure, par décret en Conseil d'État. Le classement
peut donner droit à indemnité au profit du propriétaire s'il entraîne une
modification à l'état ou à l'utilisation des lieux déterminant un préjudice
direct, matériel et certain.
« La demande d'indemnité doit être produite dans le délai de six mois à dater de
la mise en demeure faite au propriétaire de modifier l'état ou l'utilisation des
lieux en application des prescriptions particulières de la décision de
classement. À défaut d'accord amiable, l'indemnité est fixée par le juge de
l'expropriation.
« Si le Gouvernement entend ne pas donner suite au classement d'office dans les
conditions ainsi fixées, il peut, à tout moment de la procédure et au plus tard
dans le délai de trois mois à compter de la notification de la décision
judiciaire, abroger le décret de classement.
« Le classement d'un lac ou d'un cours d'eau pouvant produire une énergie
électrique permanente d'au moins 50 kilowatts ne peut être prononcé qu'après
avis des ministres intéressés. Cet avis doit être formulé dans le délai de trois
mois, à l'expiration duquel il peut être passé outre.
« En cas d'accord avec les ministres intéressés, le classement peut être
prononcé par arrêté du ministre chargé des sites. Dans le cas contraire, il est
prononcé par décret en Conseil d'État » ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 341-9 : « Les effets du classement
suivent le monument naturel ou le site classé, en quelques mains qu'il passe.
« Quiconque aliène un monument naturel ou un site classé est tenu de faire
connaître à l'acquéreur l'existence de ce classement.
« Toute aliénation d'un monument naturel ou d'un site classé doit, dans les
quinze jours de sa date, être notifiée au ministre chargé des sites par celui
qui l'a consentie » ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 341-10 : « Les monuments naturels
ou les sites classés ne peuvent ni être détruits ni être modifiés dans leur état
ou leur aspect sauf autorisation spéciale » ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 341-13 dans sa rédaction issue de
l'ordonnance du 1er juillet 2004 susvisée, ratifiée par l'article 78 de la loi
du 9 décembre 2004 susvisée et modifiée par l'article 3 de l'ordonnance du 30
juin 2005 susvisée ratifié par l'article 25 de la loi du 26 juillet 2005
susvisée : « Le déclassement total ou partiel d'un monument ou d'un site classé
est prononcé, après avis de la commission supérieure des sites, par décret en
Conseil d'État. Le déclassement est notifié aux intéressés et publié au bureau
des hypothèques de la situation des biens, dans les mêmes conditions que le
classement.
« Le décret de déclassement détermine, sur avis conforme du Conseil d'État, s'il
y a lieu ou non à la restitution de l'indemnité prévue à l'article L. 341-6 » ;
9. Considérant que, selon le requérant, les dispositions contestées
méconnaissent le droit à un recours juridictionnel effectif, le droit de
propriété et la liberté d'entreprendre, le principe de conciliation des
politiques publiques avec la protection et la mise en valeur de l'environnement,
le développement économique et le progrès social, le principe de participation
du public à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur
l'environnement ainsi que l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité
et d'intelligibilité de la loi ;
- SUR LE GRIEF TIRÉ DE LA MÉCONNAISSANCE DU DROIT À UN RECOURS JURIDICTIONNEL
EFFECTIF :
10. Considérant que, selon le requérant, en ne qualifiant pas expressément de
décisions réglementaires l'inscription sur la liste des monuments naturels et
des sites et le classement d'un monument naturel ou d'un site, le législateur
rend impossible la faculté d'exciper de l'illégalité de ces décisions devant la
juridiction administrative à l'expiration du délai de recours contentieux ; que
le droit à un recours juridictionnel effectif serait ainsi méconnu ;
11. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des
droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de
Constitution » ; qu'il résulte de cette disposition qu'il ne doit pas être porté
d'atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d'exercer un
recours effectif devant une juridiction ;
12. Considérant que les dispositions contestées ne privent pas les administrés
du droit d'introduire devant le juge administratif, dans le délai du recours
contentieux, un recours pour excès de pouvoir à l'encontre de l'acte de
classement ; qu'en outre, il est loisible à toute personne intéressée, après
avoir saisi l'autorité administrative d'une demande de déclassement total ou
partiel d'un monument naturel ou d'un site classé, de former un recours devant
le juge administratif tendant à l'annulation du refus qui lui serait opposé, en
joignant à son recours, le cas échéant, des conclusions à fin d'injonction ;
que, par suite, le grief tiré de la violation du droit à un recours
juridictionnel effectif doit être écarté ;
- SUR LES GRIEFS TIRÉS DE LA MÉCONNAISSANCE DU DROIT DE PROPRIÉTÉ ET DE LA
LIBERTÉ D'ENTREPRENDRE :
13. Considérant que, selon le requérant, les effets juridiques résultant du
classement prévus par les dispositions contestées portent atteinte au droit de
propriété et à la liberté d'entreprendre ;
14. Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l'homme
consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ; qu'aux termes de
son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut
en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée,
l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ;
qu'en l'absence de privation du droit de propriété au sens de cet article, il
résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les atteintes
portées à ce droit doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et
proportionnées à l'objectif poursuivi ;
15. Considérant que la liberté d'entreprendre découle de l'article 4 de la
Déclaration de 1789 ; qu'il est toutefois loisible au législateur d'apporter à
cette liberté des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou
justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas
d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi ;
16. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions combinées des
articles L. 341-1 et L. 341-2 que le classement d'un monument naturel ou d'un
site vise à assurer la conservation et la préservation de lieux qui présentent
un intérêt « au point de vue artistique, historique, scientifique, légendaire ou
pittoresque » ; qu'ainsi, il répond à un motif d'intérêt général ;
17. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des dispositions contestées que
la décision de classement est prise par arrêté du ministre chargé des sites s'il
y a consentement du propriétaire ou, à défaut, par décret en Conseil d'État,
après avis de la commission supérieure des sites, perspectives et paysages ;
que, dans ce dernier cas, le classement peut donner droit à indemnité au profit
du propriétaire s'il entraîne une modification à l'état ou à l'utilisation des
lieux causant un préjudice direct, matériel et certain ; que la demande
d'indemnité doit être produite dans le délai de six mois à compter de la mise en
demeure faite au propriétaire de modifier l'état ou l'utilisation des lieux en
application des prescriptions particulières de la décision de classement ; qu'à
défaut d'accord amiable, l'indemnité est fixée par le juge de l'expropriation ;
que, si l'article L. 341-13 prévoit que le déclassement total ou partiel d'un
monument naturel ou d'un site est prononcé, après avis de la commission
supérieure des sites, par décret en Conseil d'État et que ce décret de
déclassement détermine, sur avis conforme du Conseil d'État, s'il y a lieu ou
non à la restitution de l'indemnité versée initialement au propriétaire, cette
disposition n'a ni pour objet ni pour effet d'imposer au propriétaire de
restituer la partie de l'indemnité reçue correspondant au préjudice qu'il a
effectivement subi pendant la période de ce classement ;
18. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du troisième alinéa de
l'article L. 341-9 : « Toute aliénation d'un monument naturel ou d'un site
classé doit, dans les quinze jours de sa date, être notifiée au ministre chargé
des sites par celui qui l'a consentie » ; que l'obligation ainsi faite de
notifier le transfert de propriété n'a ni pour objet ni pour effet d'interdire
l'aliénation du bien classé ;
19. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 341-10 : « Les
monuments naturels ou les sites classés ne peuvent ni être détruits ni être
modifiés dans leur état ou leur aspect sauf autorisation spéciale » ; que ces
dispositions soumettant à autorisation tout aménagement susceptible de modifier
l'état des lieux n'ont ni pour objet ni pour effet d'interdire, dans le
périmètre, toute réalisation d'équipement, construction ou activité économique ;
20. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées
ne portent pas aux conditions d'exercice du droit de propriété et à la liberté
d'entreprendre une atteinte disproportionnée au regard du motif d'intérêt
général poursuivi ; qu'elles ne méconnaissent donc ni l'article 2 ni l'article 4
de la Déclaration de 1789 ;
- SUR LES GRIEFS TIRÉS DE LA MÉCONNAISSANCE DE LA CHARTE DE L'ENVIRONNEMENT :
21. Considérant que, selon le requérant, les dispositions contestées
méconnaissent le principe de conciliation des politiques publiques avec la
protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique
et le progrès social, ainsi que le principe de participation du public à
l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement ;
22. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la Charte de
l'environnement : « Les politiques publiques doivent promouvoir un développement
durable. À cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de
l'environnement, le développement économique et le progrès social » ; que cette
disposition n'institue pas un droit ou une liberté que la Constitution garantit
; que sa méconnaissance ne peut, en elle-même, être invoquée à l'appui d'une
question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de
la Constitution ;
23. Considérant, en second lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article
61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant
une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte
aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel
peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de
cassation qui se prononce dans un délai déterminé » ; que la méconnaissance par
le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une
question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette
méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution
garantit ;
24. Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la Charte de l'environnement : «
Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la
loi d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les
autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques
ayant une incidence sur l'environnement » ; que ces dispositions figurent au
nombre des droits et libertés que la Constitution garantit ; qu'il incombe au
législateur et, dans le cadre défini par la loi, aux autorités administratives
de déterminer, dans le respect des principes ainsi énoncés, les modalités de la
mise en œuvre de ces dispositions ;
25. Considérant, d'une part, que le classement et le déclassement de monuments
naturels ou de sites constituent des décisions publiques ayant une incidence sur
l'environnement ;
26. Considérant, d'autre part, que l'article L. 341-3 renvoie au pouvoir
réglementaire la détermination des conditions dans lesquelles les intéressés
sont invités à présenter leurs observations lorsqu'un monument naturel ou un
site appartenant en tout ou partie à des personnes autres que l'État, les
départements, les communes ou les établissements publics fait l'objet d'un
projet de classement ; que l'article L. 341-13 prévoit que le déclassement total
ou partiel d'un monument naturel ou d'un site classé est prononcé, après avis de
la commission supérieure des sites, par décret en Conseil d'État et qu'il est
notifié aux intéressés et publié au bureau des hypothèques de la situation des
biens, dans les mêmes conditions que le classement ;
27. Considérant que ni les dispositions contestées ni aucune autre disposition
législative n'assurent la mise en œuvre du principe de participation du public à
l'élaboration des décisions publiques en cause ; que, par suite, en s'abstenant
de modifier l'article L. 341-3 en vue de prévoir la participation du public et
en modifiant l'article L. 341-13 sans prévoir cette participation, le
législateur a méconnu les exigences de l'article 7 de la Charte de
l'environnement ; que les articles L. 341-3 et L. 341-13 du code de
l'environnement doivent être déclarés contraires à la Constitution ;
- SUR LE GRIEF TIRÉ DE LA MÉCONNAISSANCE DE L'OBJECTIF DE VALEUR
CONSTITUTIONNELLE D'ACCESSIBILITÉ ET D'INTELLIGIBILITÉ DE LA LOI :
28. Considérant que la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle
d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi ne peut, en elle-même, être
invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le
fondement de l'article 61-1 de la Constitution ; que, par suite, le grief tiré
de la méconnaissance de cet objectif n'est pas recevable ;
29. Considérant que les articles L. 341-1, L. 341-2, L. 341-6, L. 341-9 et L.
341-10 du code de l'environnement ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté
que la Constitution garantit ; qu'ils doivent être déclarés conformes à la
Constitution ;
- SUR LA DÉCLARATION D'INCONSTITUTIONNALITÉ :
30. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la
Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement
de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du
Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le
Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les
effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ;
que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à
l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition
déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances
en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel,
les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le
pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses
effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a
produits avant l'intervention de cette déclaration ;
31. Considérant, qu'en l'espèce, l'abrogation immédiate des articles L. 341-3 et
L. 341-13 pourrait avoir des conséquences manifestement excessives sans
satisfaire aux exigences du principe de participation du public ; que, par
suite, il y a lieu de reporter au 1er septembre 2013 la déclaration
d'inconstitutionnalité de ces dispositions ; que les décisions prises, avant
cette date, en application des dispositions déclarées inconstitutionnelles ne
peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité,
D É C I D E :
Article 1er.- Sont contraires à la Constitution :
- l'article L. 341-3 du code de l'environnement dans sa rédaction issue de
l'ordonnance n° 2000-914 du 18 septembre 2000 relative à la partie législative
du code de l'environnement ;
- l'article L. 341-13 du même code dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°
2004-637 du 1er juillet 2004 relative à la simplification de la composition et
du fonctionnement des commissions administratives et à la réduction de leur
nombre.
Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet
au 1er septembre 2013 dans les conditions fixées au considérant 31.
Article 3.- Sont conformes à la Constitution :
- l'article L. 341-1 du code de l'environnement dans sa rédaction issue de
l'ordonnance n° 2004-637 du 1er juillet 2004 relative à la simplification de la
composition et du fonctionnement des commissions administratives et à la
réduction de leur nombre ;
- les articles L. 341-2, L. 341-6, L. 341-9 et L. 341-10 du code de
l'environnement.
Article 4.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 22 novembre 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme
Jacqueline de GUILLENCHMIDT et M. Hubert HAENEL.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 18 septembre 2012
par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 5082 du 11 septembre
2012), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une
question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Maryse L., relative à
la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du premier
alinéa de l'article 161-1 du code de procédure pénale.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la requérante par Me Patrice Spinosi, avocat
au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 10 octobre 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 10
octobre 2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Spinosi, dans l'intérêt de la requérante, et M. Xavier Pottier, désigné par
le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 14 novembre
2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article
161 1 du code de procédure pénale : « Copie de la décision ordonnant une
expertise est adressée sans délai au procureur de la République et aux avocats
des parties, qui disposent d'un délai de dix jours pour demander au juge
d'instruction, selon les modalités prévues par l'avant-dernier alinéa de
l'article 81, de modifier ou de compléter les questions posées à l'expert ou
d'adjoindre à l'expert ou aux experts déjà désignés un expert de leur choix
figurant sur une des listes mentionnées à l'article 157 » ;
2. Considérant que, selon la requérante, en prévoyant que la notification de la
copie de la décision ordonnant l'expertise est réservée aux avocats des parties
et en plaçant les parties non assistées ou représentées par un avocat dans
l'impossibilité de formuler des observations ou des demandes au vu de cette
décision, la disposition contestée porte atteinte aux droits de la défense, au
principe du contradictoire ainsi qu'au principe d'égalité des citoyens devant la
loi ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit
qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que son article 16 dispose : « Toute
société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation
des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que, si le législateur
peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations
et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces
différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées
aux justiciables des garanties égales, notamment quant au principe du
contradictoire et au respect des droits de la défense ;
4. Considérant que les dispositions contestées prévoient la notification au
procureur de la République et aux avocats des parties de la décision de la
juridiction d'instruction ordonnant une expertise afin que les destinataires de
cette notification soient mis à même, dans le délai imparti, de demander au juge
d'instruction de modifier ou de compléter les questions posées à l'expert ou
d'adjoindre un expert de leur choix ; qu'en l'absence d'une telle notification,
les parties non assistées par un avocat ne peuvent exercer ce droit ; que la
différence de traitement ainsi instituée entre les parties selon qu'elles sont
représentées ou non par un avocat ne trouve pas de justification dans la
protection du respect de la vie privée, la sauvegarde de l'ordre public ou
l'objectif de recherche des auteurs d'infraction, auxquels concourt le secret de
l'instruction ; qu'elle n'est pas davantage compensée par la faculté, reconnue à
toutes les parties par le troisième alinéa de l'article 167 du code de procédure
pénale, de demander un complément ou une contre expertise ; que les articles
80-2, 80-3 et 116 du code de procédure pénale garantissent le droit des
personnes mises en examen et des parties civiles de bénéficier, au cours de
l'instruction préparatoire, de l'assistance d'un avocat, le cas échéant commis
d'office ; que, toutefois, dès lors qu'est reconnue aux parties la liberté de
choisir d'être assistées d'un avocat ou de se défendre seules, le respect des
principes du contradictoire et des droits de la défense impose que la copie de
la décision ordonnant l'expertise soit portée à la connaissance de toutes les
parties ; que, dans le premier alinéa de l'article 161-1 du code de procédure
pénale, les mots : « avocats des » ont pour effet de réserver aux avocats
assistant les parties la notification de la copie de la décision ordonnant
l'expertise et la faculté de demander au juge d'instruction d'adjoindre un
expert ou de modifier ou compléter les questions qui lui sont posées ; que, par
suite, ils doivent être déclarés contraires à la Constitution ;
5. Considérant que cette déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à
compter de la date de publication de la présente décision ; qu'elle est
applicable à toutes les décisions ordonnant une expertise prononcées
postérieurement à la publication de la présente décision ;
6. Considérant que, pour le surplus, le premier alinéa de l'article 161-1 du
code de procédure pénale ne méconnaît aucun droit ou liberté que la Constitution
garantit; qu'il doit être déclaré conforme à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- Dans le premier alinéa de l'article 161-1 du code de procédure
pénale, les mots : « avocats des » sont contraires à la Constitution.
Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à
compter de la présente décision dans les conditions fixées par son considérant
5.
Article 3.- Le surplus du premier alinéa de l'article 161-1 du code de procédure
pénale est conforme à la Constitution.
Article 4.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 22 novembre 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT et M. Hubert HAENEL.
DECISION N° 2012-285 QPC DU 30 NOVEMBRE 2012
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 19 septembre 2012
par le Conseil d'État, dans les conditions prévues par l'article 61-1 de la
Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M.
Christian S. Cette question était relative à la conformité aux droits et
libertés que la Constitution garantit de l'article 100 f et du troisième alinéa
de l'article 100 s du code des professions applicable dans les départements du
Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle.
Ces dispositions contestées résultent d'une loi de l'Empire allemand du 26
juillet 1900. Elles ont été maintenues en vigueur par deux lois du 1er juin
1924. Elles affilient d'office à une corporation obligatoire les personnes qui
exercent localement à titre indépendant une activité artisanale. Ainsi affiliés
d'office, les intéressés sont tenus de verser une cotisation à cette
corporation. Les corporations disposent de diverses prérogatives notamment de
surveillance, d'inspection et de sanction.
Le Conseil constitutionnel a relevé que dans les départements du Haut-Rhin, du
Bas-Rhin et de la Moselle, les artisans sont immatriculés à un registre tenu par
des chambres de métiers qui assurent la représentation des intérêts généraux de
l'artisanat. Il a jugé que la nature des activités relevant de l'artisanat ne
justifie pas le maintien d'une règlementation professionnelle s'ajoutant à celle
relative aux chambres de métiers et imposant à tous les chefs d'entreprises
artisanales d'être regroupés par corporation en fonction de leur activité et
soumis ainsi à diverses sujétions supplémentaires. En conséquence le Conseil a
censuré les dispositions contestées relatives à l'obligation d'affiliation aux
corporations comme portant atteinte à la liberté d'entreprendre.
Cette censure de l'article 100 f et du troisième alinéa de l'article 100 s du
code des professions applicable dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin
et de la Moselle prend effet dès la publication de la décision du Conseil.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 19 septembre 2012
par le Conseil d'État (décision n° 360487 du 19 septembre 2012), dans les
conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question
prioritaire de constitutionnalité posée par M. Christian S., relative à la
conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 100
f et du troisième alinéa de l'article 100 s du code des professions applicable
dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code des professions applicable dans les départements du Haut-Rhin, du
Bas-Rhin et de la Moselle (Gewerbeordnung) ;
Vu la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française
dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, notamment ses
articles 7 et 12 ;
Vu la loi du 1er juin 1924 portant introduction des lois commerciales françaises
dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, notamment ses
articles 5 et 10 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations en intervention produites pour la Chambre de métiers
d'Alsace et la Confédération des organisations professionnelles de l'artisanat
d'Alsace, par la société d'avocats Cahn et associés, avocat au barreau de
Strasbourg, enregistrées le 9 octobre 2012 ;
Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Wachsmann, Hecker,
Barraux, Meyer, Hoonakker, Atzenhoffer, Strohl, Lang, Fady, Caen, avocat au
barreau de Strasbourg, enregistrées les 10 et 26 octobre 2012 ;
Vu les observations produites pour la corporation obligatoire des patrons et
entrepreneurs électriciens du Bas-Rhin, par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano,
avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 10 et 26
octobre 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 12
octobre 2012 ;
Vu les observations en intervention produites pour la ville de Strasbourg par la
SCP Alain-François Roger et Anne Sevaux, avocat au Conseil d'État et à la Cour
de cassation, enregistrées le 12 octobre 2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Nicolas Fady, dans l'intérêt du requérant, Me Cédric Uzan-Sarano, dans
l'intérêt de la Corporation obligatoire des patrons et entrepreneurs
électriciens du Bas-Rhin, Me Thierry Cahn, dans l'intérêt de la Chambre de
métiers d'Alsace et la Confédération des organisations professionnelles de
l'Artisanat d'Alsace, Me Roger, dans l'intérêt de la ville de Strasbourg et M.
Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience
publique du 20 novembre 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu
1. Considérant qu'aux termes de l'article 100 f du code des
professions applicables dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la
Moselle (Gewerbeordnung) : « Als Mitglieder gehören der Innung alle diejenigen
an, welche das Gewerbe, wofür die Innung errichtet ist, als stehendes Gewerbe
selbständig betreiben. Ausgenommen sind :
« 1.° diejenigen, welche das Gewerbe fabrikmäßig betreiben ;
« 2.° im Falle die im
100 Absatz 1 bezeichnete Anordnung nur für solche Gewerbetreibende getroffen
worden ist, welche der Regel nach Gesellen oder Lehrlinge halten, diejenigen,
welche der Regel nach weder Gesellen noch Lehrlinge halten.
« Inwieweit Handwerker, welche in Landwirtschaftlichen oder gewerblichen
Betrieben gegen Entgelt beschäftigt sind und der Regel nach Gesellen oder
Lehrlinge halten, sowie Hausgewerbetreibende der Innung anzugehören haben, wird
mit Genehmigung der höheren Verwaltungsbehörde durch das Statut bestimmt. Vor
der Genehmigung ist den bezeichneten Personen Gelegenheit zur Äußerung zu geben.
« Gewerbetreibende, welche mehrere Gewerbe betreiben gehören derjenigen Innung
als itglieder an, welche für das hauptsächlich von ihnen betriebene Gewerbe
errichtet ist.
« Die Mitgliedschaft beginnt für diejenigen, welche zur Zeit der Errichtung der
Innung das Gewerbe betreiben, mit diesem Zeitpunkte, für diejenigen welche den
Betrieb des Gewerbs später beginnen, mit dem Zeitpunkte der Eröffnung des
Betriebs » ;
2. Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 100 s du même code
: « Gewerbetreibende, welche neben dem Handwerke, hinsichtlich dessen sie der
Innung angehören, noch ein anderes Handwerk oder ein Handelsgeschäft betreiben,
sind zu den Beiträgen an die Innung nur nach dem Verhältnisse der Einnahmen aus
dem zu der Innung gehörenden Handwerksbetrieb, und soweit die Beiträge durch
Zuschläge zu der Gewerbesteuer erhoben werden, nur nach dem Verhältnisse der auf
diesen Handwerksbetrieb treffenden Steuer heranzuziehen » ;
3. Considérant qu'en l'absence de publication de la traduction officielle prévue
par les lois du 1er juin 1924 susvisées, il ressort de traductions officieuses
de l'article 100 f que sont affiliées d'office à la corporation obligatoire, les
personnes qui exploitent à titre sédentaire et de manière indépendante l'une des
activités pour lesquelles la corporation a été créée ; que sont exclues de
l'affiliation obligatoire : les personnes qui exploitent l'activité en question
de façon industrielle, et dans le cas où l'affiliation obligatoire n'a été
décidée que pour les exploitants qui occupent habituellement des compagnons ou
des apprentis, ceux qui ne répondent pas à cette définition ; qu'il en ressort
aussi que les statuts détermineront, sous réserve de l'approbation de l'autorité
administrative supérieure, dans quelle mesure les personnes exerçant un métier
d'artisanat moyennant rémunération, dans une exploitation agricole, commerciale
ou industrielle, et qui emploient régulièrement des compagnons ou des apprentis,
ainsi que les exploitants à domicile, doivent faire partie de la corporation
obligatoire ; que les personnes concernées doivent pouvoir s'exprimer sur cette
question avant que l'autorité administrative supérieure n'approuve les statuts ;
que les exploitants ayant plusieurs activités artisanales relèvent de la
corporation obligatoire correspondant à leurs activités principales ; que
l'affiliation prend effet à dater de la création de la corporation obligatoire
pour les personnes qui sont déjà établies à ce moment là, et à l'ouverture de
leur exploitation pour les autres ;
4. Considérant que, selon les traductions officieuses du troisième alinéa de
l'article 100 s, les exploitants qui, outre l'activité artisanale à raison de
laquelle ils sont affiliés à la corporation, exercent encore une autre activité
artisanale, ou une activité commerciale, ne seront soumis à la cotisation
corporative, qu'eu égard à la part de revenus qu'ils tirent de l'exploitation
artisanale pour laquelle ils sont affiliés ; que si les cotisations sont perçues
sous forme de taxe additionnelle à un impôt professionnel, elles ne seront
prélevées que sur les bases de l'impôt afférentes à l'exploitation artisanale ;
5. Considérant que, selon le requérant, l'affiliation obligatoire à une
corporation et la dissolution des corporations libres qu'entraîne la création
d'une corporation obligatoire portent atteinte à la liberté d'association,
notamment en tant qu'elle protège la liberté de ne pas s'associer ; que
l'obligation d'adhérer et de cotiser à une telle organisation professionnelle
méconnaîtrait en outre la liberté d'entreprendre et le droit de propriété ;
qu'il soutient également que l'absence de version française faisant foi des
dispositions contestées porte atteinte à l'objectif de valeur constitutionnelle
d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi et au premier alinéa de l'article
2 de la Constitution ;
- SUR LE GRIEF TIRÉ DE L'ATTEINTE À LA LIBERTÉ D'ENTREPRENDRE :
6. Considérant que la liberté d'entreprendre découle de l'article 4 de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'il est loisible au
législateur d'apporter à cette liberté des limitations liées à des exigences
constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il
n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi
;
7. Considérant, d'une part, que la liberté d'entreprendre comprend non seulement
la liberté d'accéder à une profession ou à une activité économique mais
également la liberté dans l'exercice de cette profession ou de cette activité ;
que, par suite, la circonstance que l'affiliation à une corporation obligatoire
ne conditionne pas l'exercice d'une profession mais en découle, n'a pas pour
effet de rendre inopérant le grief tiré de l'atteinte à la liberté
d'entreprendre ;
8. Considérant, d'autre part, que le premier alinéa de l'article 100 du code
susvisé dispose que l'autorité administrative décide, à la demande de la
majorité des exploitants intéressés, de l'affiliation obligatoire à une
corporation lorsqu'il s'agit de préserver les intérêts communs d'entreprises
relevant de l'artisanat ;
9. Considérant que, selon l'article 81 a du code susvisé, la mission légale des
corporations est d'entretenir l'esprit de corps ainsi que de maintenir et de
renforcer l'honneur professionnel parmi ses membres, de promouvoir des relations
fructueuses entre les chefs d'entreprises et leurs préposés, d'apporter une
assistance dans les questions de logement et de placement, de compléter la
réglementation de l'apprentissage et de veiller à la formation technique et
professionnelle et à l'éducation morale des apprentis sans préjudice des
dispositions générales applicables en la matière ; que l'article 81 b énumère
les actions facultatives que les corporations peuvent conduire ;
10. Considérant que, dès lors qu'une corporation obligatoire est instituée, la
réglementation professionnelle résultant des dispositions relatives aux
corporations obligatoires est applicable à toutes les entreprises relevant de
l'artisanat, quelle que soit l'activité exercée ; que les artisans affiliés
d'office à une telle corporation sont alors tenus de s'acquitter de cotisations
à raison de cette affiliation ; qu'il ressort du premier alinéa de l'article 88
du code susvisé que les corporations peuvent imposer à leurs membres des
obligations en relation avec les missions qu'elles exercent ; que l'article 92 c
prévoit que la direction de la corporation a le droit d'infliger à ses membres
des sanctions disciplinaires et spécialement des amendes en cas de contravention
aux dispositions statutaires ; que l'article 94 c habilite les corporations à
faire surveiller par des délégués l'observation des prescriptions légales et
statutaires dans les établissements de leurs membres et, notamment, de prendre
connaissance de l'état de l'installation des locaux de travail ;
11. Considérant que dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la
Moselle, les artisans sont immatriculés à un registre tenu par des chambres de
métiers qui assurent la représentation des intérêts généraux de l'artisanat ;
que la nature des activités relevant de l'artisanat ne justifie pas le maintien
d'une réglementation professionnelle s'ajoutant à celle relative aux chambres de
métiers et imposant à tous les chefs d'exploitations ou d'entreprises
artisanales d'être regroupés par corporation en fonction de leur activité et
soumis ainsi aux sujétions précitées ; que, par suite, les dispositions
contestées relatives à l'obligation d'affiliation aux corporations portent
atteinte à la liberté d'entreprendre ; que, sans qu'il soit besoin d'examiner
les griefs tirés de l'atteinte à la liberté d'association et au droit de
propriété, l'article 100 f et le troisième alinéa de l'article 100 s du code des
professions applicable dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la
Moselle doivent être déclarés contraires à la Constitution ;
- SUR LE GRIEF TIRÉ DE L'ATTEINTE À L'OBJECTIF DE VALEUR CONSTITUTIONNELLE
D'ACCESSIBILITÉ ET D'INTELLIGIBILITÉ DE LA LOI ET À L'ARTICLE 2 DE LA
CONSTITUTION :
12. Considérant que les dispositions contestées, rédigées en allemand, n'ont pas
donné lieu à une publication de la traduction officielle prévue par les lois du
1er juin 1924 susvisées ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 2 de la
Constitution : « La langue de la République est le français » ; que si la
méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et
d'intelligibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la
Déclaration de 1789, ne peut, en elle-même, être invoquée à l'appui d'une
question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de
la Constitution, l'atteinte à l'objectif de valeur constitutionnelle
d'accessibilité de la loi qui résulte de l'absence de version officielle en
langue française d'une disposition législative peut être invoquée à l'appui
d'une question prioritaire de constitutionnalité ; que, toutefois, compte tenu
de la déclaration d'inconstitutionnalité prononcée au considérant 11, il n'y a
pas lieu pour le Conseil constitutionnel d'examiner le grief tiré de la
violation de ces exigences constitutionnelles ;
- SUR LA DÉCLARATION D'INCONSTITUTIONNALITÉ :
13. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la
Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement
de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du
Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le
Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les
effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ;
que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à
l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition
déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances
en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel,
les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le
pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses
effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a
produits avant l'intervention de cette déclaration ;
14. Considérant que la déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 100 f et
du troisième alinéa de l'article 100 s du code des professions applicable dans
les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle (Gewerbeordnung)
prend effet à compter de la publication de la présente décision ; qu'elle est
applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date,
D É C I D E :
Article 1er.- L'article 100 f et le troisième alinéa de l'article 100 s du code
des professions applicable dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de
la Moselle (Gewerbeordnung) sont contraires à la Constitution.
Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à
compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées par
son considérant 14.
Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23 11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 29 novembre 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, M. Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM.
Hubert HAENEL, Nicolas SARKOZY et Pierre STEINMETZ.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 16 octobre 2012 par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 1085 du 16 octobre 2012), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, de questions prioritaires de constitutionnalité posées par la société Pyrénées services, la société Bois et services, la société CEF services, la société Data consulting, la société Engineering services, relatives à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 631-5 du code de commerce.
Décision n° 2012-286 QPC du 07 décembre 2012
Société Pyrénées services et autres [Saisine d'office du tribunal pour l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire]
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 16 octobre 2012 par
la Cour de cassation de questions prioritaires de constitutionnalité posées par
la société Pyrénées services et quatre autres sociétés en redressement
judiciaire. Ces questions étaient relatives à la conformité aux droits et
libertés que la Constitution garantit des dispositions de l'article L. 631-5 du
code de commerce qui permettent au tribunal de se saisir d'office pour
l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire. Les requérants
soutenaient que ces dispositions méconnaissent le principe d'impartialité des
juridictions.
Le Conseil constitutionnel a relevé qu'en application du principe
d'impartialité, une juridiction ne saurait, en principe, disposer de la faculté
d'introduire spontanément une instance au terme de laquelle elle prononce une
décision revêtue de l'autorité de chose jugée. Si la Constitution ne confère pas
à cette interdiction un caractère général et absolu, la saisine d'office d'une
juridiction ne peut trouver de justification, lorsque la procédure n'a pas pour
objet le prononcé de sanctions ayant le caractère d'une punition, qu'à la
condition qu'elle soit fondée sur un motif d'intérêt général et que soient
instituées par la loi des garanties propres à assurer le respect du principe
d'impartialité.
D'une part, le Conseil constitutionnel a relevé que les dispositions contestées
de l'article L. 631-5 du code de commerce poursuivent un motif d'intérêt
général. Elles permettent que la mise en œuvre d'une procédure de redressement
judiciaire, lorsque les conditions de son ouverture paraissent réunies, ne soit
pas retardée par l'inertie du débiteur et que la situation de l'entreprise ne
s'aggrave.
D'autre part, le Conseil a constaté que ni les dispositions contestées ni aucune
autre disposition ne fixent les garanties légales ayant pour objet d'assurer
qu'en se saisissant d'office, le tribunal ne préjuge pas sa position lorsqu'il
sera appelé à statuer sur le fond du dossier. Il a par suite jugé cette faculté
de se saisir d'office contraire à la Constitution.
Cette déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la date de la
publication de la décision du Conseil. Elle est applicable à tous les jugements
d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire rendus postérieurement à
cette date.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur
le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de commerce ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil
constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour les sociétés requérantes par Me Éric Marty-Etcheverry,
avocat au barreau de Toulouse, enregistrées le 7 novembre 2012 ;
Vu les observations produites pour Me Olivier Benoît et Me Sébastien Vigreux,
agissant ès qualités, respectivement, de mandataire judiciaire au redressement
judiciaire et d'administrateur judiciaire des sociétés requérantes, par Me
Frédéric Benoit-Palaysi, avocat au barreau de Toulouse, enregistrées le 21
novembre 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 8
novembre 2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Marty-Etcheverry pour les sociétés requérantes, Me Benoit-Palaysi pour Mes
Benoît et Vigreux et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant
été entendus à l'audience publique du 27 novembre 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 631-5 du code de
commerce : « Lorsqu'il n'y a pas de procédure de conciliation en cours, le
tribunal peut également se saisir d'office ou être saisi sur requête du
ministère public aux fins d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire
» ;
« Sous cette même réserve, la procédure peut aussi être ouverte sur
l'assignation d'un créancier, quelle que soit la nature de sa créance.
Toutefois, lorsque le débiteur a cessé son activité professionnelle, cette
assignation doit intervenir dans le délai d'un an à compter de :
« 1° La radiation du registre du commerce et des sociétés. S'il s'agit d'une
personne morale, le délai court à compter de la radiation consécutive à la
publication de la clôture des opérations de liquidation ;
« 2° La cessation de l'activité, s'il s'agit d'une personne exerçant une
activité artisanale, d'un agriculteur ou d'une personne physique exerçant une
activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise
à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé ;
« 3° La publication de l'achèvement de la liquidation, s'il s'agit d'une
personne morale non soumise à l'immatriculation.
« En outre, la procédure ne peut être ouverte à l'égard d'un débiteur exerçant
une activité agricole qui n'est pas constitué sous la forme d'une société
commerciale que si le président du tribunal de grande instance a été saisi,
préalablement à l'assignation, d'une demande tendant à la désignation d'un
conciliateur présentée en application de l'article L. 351-2 du code rural et de
la pêche maritime » ;
2. Considérant que, selon les sociétés requérantes, en permettant à la
juridiction commerciale de se saisir d'office pour l'ouverture d'une procédure
de redressement judiciaire, ces dispositions méconnaissent les exigences
découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen
de 1789 ;
3. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les
mots « se saisir d'office ou » figurant au premier alinéa de l'article L. 631-5
du code de commerce ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute
société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation
des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que le principe
d'impartialité est indissociable de l'exercice de fonctions juridictionnelles ;
qu'il en résulte qu'en principe une juridiction ne saurait disposer de la
faculté d'introduire spontanément une instance au terme de laquelle elle
prononce une décision revêtue de l'autorité de chose jugée ; que, si la
Constitution ne confère pas à cette interdiction un caractère général et absolu,
la saisine d'office d'une juridiction ne peut trouver de justification, lorsque
la procédure n'a pas pour objet le prononcé de sanctions ayant le caractère
d'une punition, qu'à la condition qu'elle soit fondée sur un motif d'intérêt
général et que soient instituées par la loi des garanties propres à assurer le
respect du principe d'impartialité ;
5. Considérant que la procédure de redressement judiciaire est ouverte à toute
personne exerçant une activité commerciale ou artisanale, à tout agriculteur, à
toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante
y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou
réglementaire ou dont le titre est protégé, ainsi qu'à toute personne morale de
droit privé, qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son
actif disponible, est en cessation des paiements ; que cette procédure est
destinée à permettre la poursuite de l'activité du débiteur, le maintien de
l'emploi dans l'entreprise et l'apurement du passif ;
6. Considérant que les dispositions contestées confient au tribunal la faculté
de se saisir d'office aux fins d'ouverture de la procédure de redressement
judiciaire, à l'exception du cas où, en application des articles L. 611-4 et
suivants du code de commerce, une procédure de conciliation entre le débiteur et
ses créanciers est en cours ; que ces dispositions permettent que, lorsque les
conditions de son ouverture paraissent réunies, une procédure de redressement
judiciaire ne soit pas retardée afin d'éviter l'aggravation irrémédiable de la
situation de l'entreprise ; que, par suite, le législateur a poursuivi un motif
d'intérêt général ;
7. Considérant, toutefois, que ni les dispositions contestées ni aucune autre
disposition ne fixent les garanties légales ayant pour objet d'assurer qu'en se
saisissant d'office, le tribunal ne préjuge pas sa position lorsque, à l'issue
de la procédure contradictoire, il sera appelé à statuer sur le fond du dossier
au vu de l'ensemble des éléments versés au débat par les parties ; que, par
suite, les dispositions contestées confiant au tribunal la faculté de se saisir
d'office aux fins d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire
méconnaissent les exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789
; que, dès lors, les mots « se saisir d'office ou » figurant au premier alinéa
de l'article L. 631-5 du code de commerce doivent être déclarés contraires à la
Constitution ;
8. Considérant que cette déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à
compter de la date de la publication de la présente décision ; qu'elle est
applicable à tous les jugements d'ouverture d'une procédure de redressement
judiciaire rendus postérieurement à cette date,
D É C I D E :
Article 1er.- Au premier alinéa de l'article L. 631-5 du code de commerce, les
mots : « se saisir d'office ou » sont contraires à la Constitution.
Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à
compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées par
son considérant 8.
Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11
de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 6 décembre 2012, où
siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY
MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL, Nicolas SARKOZY et Pierre STEINMETZ.
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